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Leçon 7 : Les régimes politiques athéniens : royauté, tyrannie, démocratie

I. Thésée, roi d’Athènes


La légende raconte que, devenu roi d’Athènes après avoir battu le Minotaure, Thésée réunit en une seule
communauté politique tous les habitants des villages de l’Attique, la région autour d’Athènes. Il aurait ainsi
fondé la démocratie en instituant l’égalité entre les citoyens.

Plutarque – Vie de Thésée, in Vies parallèles, 25, 1-2, traduit du grec par Anne-Marie Ozanam
Ἔτι δὲ µᾶλλον αὐξῆσαι τὴν πόλιν βουλόµενος, Voulant agrandir encore la cité, il y invita tous les
ἐκάλει πάντας ἐπὶ τοῖς ἴσοις. (…) hommes en leur promettant l’égalité des droits. (…)
Oὐ µὴν ἄτακτον οὐδὲ µεµειγµένην περιεῖδεν ὑπὸ Mais il ne voulut pas voir une foule désordonnée af-
πλήθους ἐπιχυθέντος ἀκρίτου γενοµένην τὴν fluer et plonger la démocratie dans le trouble et la
δηµοκρατίαν. confusion.
Ἀλλὰ πρῶτος ἀποκρίνας χωρὶς Εὐπατρίδας καὶ Il fut le premier à distinguer les nobles, les paysans
Γεωµόρους καὶ Δηµιουργούς. et les artisans.
Εὐπατρίδαις δὲ γινώσκειν τὰ θεῖα καὶ παρέχειν Il chargea les nobles de connaître les choses divines,
ἄρχοντας ἀποδοὺς καὶ νόµων διδασκάλους εἶναι καὶ de fournir les magistrats, d’enseigner les lois et d’in-
ὁσίων καὶ ἱερῶν ἐξηγητάς, τοῖς ἄλλοις πολίταις terpréter les lois saintes et sacrées, et entre tous les
ὥσπερ εἰς ἴσον κατέστησε, δόξῃ µὲν Εὐπατριδῶν, citoyens, il instaura une sorte d’égalité : les nobles se
χρείᾳ δὲ Γεωµόρων, πλήθει δὲ Δηµιουργῶν prévalaient de leur gloire, les paysans de leur utilité
ὑπερέχειν δοκούντων. et les artisans de leur nombre.

1. Selon Plutarque, comment Thésée met-il en place la démocratie ?


2. Ce qu’il appelle la démocratie en est-elle réellement une ? Pourquoi ?
3. Décomposez les termes en gras dans le texte grec. Quelles catégories de personnes désignent-ils ?

II. Pisistrate, ou le tyran au sens grec


D’après les Anciens, la tyrannie de Pisistrate (561-527 avant J.-C.), qui s’empara du pouvoir par la ruse,
ne fut pas oppressante pour le peuple. Voici ce qu’en dit le philosophe Aristote, au IVe s. avant J.-C.

Aristote – Constitution d’Athènes, XVI, 7-8


Oὐδὲν δὲ τὸ πλῆθος οὐδ´ ἐν τοῖς ἄλλοις παρώχλει Et sur les autres sujets, il ne gêna en rien le peuple
κατὰ τὴν ἀρχήν, pendant son gouvernement,
ἀλλ´ αἰεὶ παρεσκεύαζεν εἰρήνην mais toujours il préparait la paix
καὶ ἐτήρει τὴν ἡσυχίαν · et assurait la tranquillité ;
διὸ καὶ πολλάκις ἐθρύλλουν c’est pourquoi aussi souvent on répétait
ὡς ἡ Πεισιστράτου τυραννὶς que la tyrannie de Pisistrate
ὁ ἐπὶ Κρόνου βίος εἴη · c’était la vie sous Cronos ;
συνέβη γὰρ ὕστερον car il arriva plus tard que,
διαδεξαµένων τῶν υἱέων ses fils lui ayant succédé,
πολλῷ γενέσθαι τραχυτέραν τὴν ἀρχήν. le gouvernement devint beaucoup plus dur.
Mέγιστον δὲ πάντων ἦν τῶν εἰρηµένων Le plus important de tout ce qu’on disait de lui,
τὸ δηµοτικὸν εἶναι τῷ ἤθει était le fait d’être humain, naturellement,
καὶ φιλάνθρωπον. et bienveillant.
Ἔν τε γὰρ τοῖς ἄλλοις Et en effet, en toutes choses,
ἐβούλετο πάντα διοικεῖν κατὰ τοὺς νόµους, il voulait toujours gouverner selon les lois,
οὐδεµίαν ἑαυτῷ πλεονεξίαν διδούς, ne s’étant accordé à lui-même aucun avantage.

1. Pourquoi disait-on que la tyrannie de Pisistrate c’était comme « la vie sous Cronos » ? Aidez-vous des
mots en gras dans le texte grec.
2. Quelles étaient les deux qualités les plus importantes que l’on prêtait à Pisistrate ? Relevez dans le
texte grec les deux adjectifs qui les désignent.
3. Qu’indique l’expression κατὰ τοὺς νόµους sur la manière dont Pisistrate gouverna ?
III. Périclès, figure de la démocratie athénienne
1. La vision des Anciens

Thucydide – La Guerre du Péloponnèse, II, 65


Ἐκεῖνος µὲν δυνατὸς ὢν Périclès, étant vraiment influent
τῷ τε ἀξιώµατι καὶ τῇ γνώµῃ grâce à l’estime qu’il inspirait et à son intelligence,
χρηµάτων τε διαφανῶς ἀδωρότατος γενόµενος et se montrant clairement le plus désintéressé des richesses,
κατεῖχε τὸ πλῆθος ἐλευθέρως. tenait-il la foule, quoique libre, bien en main.
Kαὶ οὐκ ἤγετο ὑπ' αὐτοῦ Et il n’était pas conduit par elle
µᾶλλον ἢ αὐτὸς ἦγε, plus que lui-même ne la conduisait,
διὰ τὸ µὴ πρὸς ἡδονήν τι λέγειν parce qu’il ne disait rien pour faire plaisir
κτώµενος τὴν δύναµιν en recherchant le pouvoir
ἐξ οὐ προσηκόντων, par des moyens condamnables,
ἀλλ' ἔχων ἐπ' ἀξιώσει mais, ayant le pouvoir grâce à l’estime qu’il inspirait,
καὶ πρὸς ὀργήν τι ἀντειπεῖν. et aussi poussé par la colère, il pouvait contredire le peuple.
Ἐγίγνετό τε λόγῳ µὲν δηµοκρατία, Et c’était devenu, de nom, une démocratie,
ἔργῳ δὲ ὑπὸ τοῦ πρώτου ἀνδρὸς ἀρχή. mais, en fait, le premier citoyen exerçait le pouvoir.

1. Quel est le sens des adjectifs en gras dans le texte ?


2. Quelle image de Périclès ces trois adjectifs donnent-ils ?
3. Quelle est, selon Thucydide, la manière de gouverner de Périclès ?
4. La démocratie grecque sous Périclès en est-elle vraiment une ?

2. L’analyse d’un historien moderne

Vincent Azoulay – Périclès. La démocratie athénienne à l’épreuve du grand homme (2020)


Théorisée par l’historien de la Guerre du Péloponnèse, la monarchie péricléenne est également l’un des
leitmotivs des poètes comiques, toujours prompts à représenter le stratège en tyran sans scrupule. De fait,
admirateurs et contempteurs de Périclès s’accordent volontiers sur un point : la place prépondérante du stra-
tège dans la cité d’Athènes. Tandis que les uns en font un souverain bienfaiteur, tel Thucydide, les autres le
dépeignent en tyran dangereux et corrupteur. Dans les deux cas, le dèmos apparaît en simple pantin manipulé
par Périclès. En instaurant le misthos1 et en lançant sa politique de grands travaux, le stratège se serait com-
porté en monarque couvrant de bienfaits ses sujets passifs, voire apathiques.
Si elle est abondamment relayée par les auteurs anciens, cette vision mérite toutefois d’être critiquée et
remise en contexte. Elle fait l’impasse sur les mécanismes de contrôle variés qui encadraient le pouvoir des
magistrats athéniens, Périclès en tête. Non seulement ce dernier eut toujours à composer avec les autres
stratèges – ce qui limitait de facto son influence –, mais il était soumis, comme n’importe quel membre de
l’élite, à un encadrement multiforme de la part du peuple. Sur le plan institutionnel, son autorité était l’objet
de fréquentes remises en cause : reddition de comptes, menace d’ostracisme, procès pour haute trahison. Sur
le plan social et rituel, Périclès devait essuyer de nombreuses attaques sur la scène comique, répondre à des
rumeurs insistantes sur son comportement privé et public, subir le chahut de la foule à l’assemblée. Si son
influence sur le destin de la cité fut indéniable, le stratège devait donc tenir compte des attentes populaires
et, dès lors, adopter une attitude conforme à l’èthos démocratique. Loin de diriger Athènes en monarque,
Périclès vivait perpétuellement sous tension dans un contexte de domination grandissante du dèmos.

1. Quelles visions les Anciens avaient-ils de Périclès ?


2. Sur quels points l’historien Vincent Azoulay corrige-t-il cette vision ?

1
Misthos : revenu journalier garanti par la cité d’Athènes aux citoyens les plus pauvres qui occupaient une fonction publique.
Point d’histoire
La légende raconte que Thésée est à l’origine de la démocratie athénienne. En réalité, deux législateurs
posent les bases de la démocratie à Athènes.
- Solon (640-558 avant J.-C.) met en place plusieurs réformes qui donnent davantage de pouvoir à tous les
citoyens ; il crée le tribunal de l’Héliée, où chaque citoyen peut être tiré au sort comme juré.
- Clisthène instaure en 508-507 l’isonomie, c’est-à-dire l’égalité de droit devant la loi.
Les réformes de ces deux grands législateurs diminuent considérablement le pouvoir des grandes familles
aristocratiques.

Hésiode – Les Travaux et les jours, v. 111-115, traduit du grec par Jean-Louis Backès
Oἳ µὲν ἐπὶ Κρόνου ἦσαν, ὅτ' οὐρανῷ ἐµϐασίλευεν · C’était du temps de Kronos, du temps où il régnait sur le ciel ;
ὥστε θεοὶ δ' ἔζωον ἀκηδέα θυµὸν ἔχοντες Et ils vivaient comme des dieux, le cœur insouciant,
νόσφιν ἄτερ τε πόνων καὶ ὀιζύος · οὐδέ τι δειλὸν sans peines, sans douleurs ; et la sinistre
γῆρας ἐπῆν, αἰεὶ δὲ πόδας καὶ χεῖρας ὁµοῖοι vieillesse ne venait pas sur eux ; bras et jambes toujours forts
τέρποντ' ἐν θαλίῃσι κακῶν ἔκτοσθεν ἁπάντων. ils se tenaient en joie, les maux étaient loin.

Point de civilisation grecque


Dans les cités grecques, on appelle « tyran » un monarque absolu qui s’est emparé du pouvoir par la force
pour mettre fin à l’oppression exercée sur le peuple par un petit groupe de citoyens appartenant aux grandes
familles aristocratiques.

Point d’histoire
La légende raconte que Thésée est à l’origine de la démocratie athénienne. En réalité, deux législateurs
posent les bases de la démocratie à Athènes.
- Solon (640-558 avant J.-C.) met en place plusieurs réformes qui donnent davantage de pouvoir à tous les
citoyens ; il crée le tribunal de l’Héliée, où chaque citoyen peut être tiré au sort comme juré.
- Clisthène instaure en 508-507 l’isonomie, c’est-à-dire l’égalité de droit devant la loi.
Les réformes de ces deux grands législateurs diminuent considérablement le pouvoir des grandes familles
aristocratiques.

Hésiode – Les Travaux et les jours, v. 111-115, traduit du grec par Jean-Louis Backès
Oἳ µὲν ἐπὶ Κρόνου ἦσαν, ὅτ' οὐρανῷ ἐµϐασίλευεν · C’était du temps de Kronos, du temps où il régnait sur le ciel ;
ὥστε θεοὶ δ' ἔζωον ἀκηδέα θυµὸν ἔχοντες Et ils vivaient comme des dieux, le cœur insouciant,
νόσφιν ἄτερ τε πόνων καὶ ὀιζύος · οὐδέ τι δειλὸν sans peines, sans douleurs ; et la sinistre
γῆρας ἐπῆν, αἰεὶ δὲ πόδας καὶ χεῖρας ὁµοῖοι vieillesse ne venait pas sur eux ; bras et jambes toujours forts
τέρποντ' ἐν θαλίῃσι κακῶν ἔκτοσθεν ἁπάντων. ils se tenaient en joie, les maux étaient loin.

Point de civilisation grecque


Dans les cités grecques, on appelle « tyran » un monarque absolu qui s’est emparé du pouvoir par la force
pour mettre fin à l’oppression exercée sur le peuple par un petit groupe de citoyens appartenant aux grandes
familles aristocratiques.

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