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HORS-SÉRIE N°24
la foi malgré
les épreuves
de la vie ?
EN PARTENARIAT AVEC
9,90 E
C
omment croire encore à la Providence
quand le mal nous heurte ou quand
les épreuves s’abattent sur nous ?
Au-delà de la révolte et de la sup-
plication, contempler Jésus crucifié s’en re-
mettant à son Père finit par apporter paix et
confiance. Nous ne sommes pas seuls sur ce
chemin de foi, nos frères et les saints du Ciel
peuvent nous aider.
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
4
1 6-17
Le scandale 2 18-53
Des pistes
du mal pour traverser l’épreuve
6-7 ÉDITO 20-24 REPÈRES
Mon Dieu, pourquoi m’as-Tu Dans la tourmente, « pourquoi
abandonné ? m’as-Tu abandonné ? »
10-11 MICRO-TROTTOIR 25-26 CHRONIQUE
Dans l’épreuve, avez-vous gardé la foi ? Porter sa croix
12-13 CHRONIQUE 27-30 RÉPONSE AUX QUESTIONS DÉRANGEANTES
Croire en Dieu malgré le mal ? 31-39 GRAND ENTRETIEN
14-15 CHRONIQUE Pourquoi Dieu permet-Il cela ?
Pourquoi cette succession 40-42 INTERVIEW
de catastrophes sur la planète ? Seule la Croix donne un sens
16-17 TÉMOIGNAGE à nos souffrances
Au chômage, j’en ai voulu à Dieu 43 LA TACTIQUE DU DIABLE
48-49 REPÈRES
Qu’est-ce qu’on peut offrir à Dieu
quand on souffre ?
Papier FSC Mixte
Papier intérieur : Norvège 50 TROIS CLÉS POUR OFFRIR SA CROIX
Taux de fibres recyclées : 0%
Impact sur l’eau :
51-53 INTERVIEW
Ptot 0,027 kg/tonne La dépression, une épreuve spirituelle ?
Hors-Série de Famille
chrétienne édité par Édifa,
société d’éditions pour
la famille, 57 rue Gaston
Photo de couverture : A. Friedrich / EyeEm / Gettyimages
Sommaire du BONUS
5
54-81 Réflexions
3 Des témoins d’une maman
pour nous aider philosophe
56-58 RENCONTRE
Jean-Baptiste Hibon :
Famille Chrétienne HORS HORS Famille Chrétienne
SÉRIE SÉRIE
82 83
84-85
BONUS
92-93
APPRENDRE À
ATTENDRE UNE AUTORITÉT
QUI VOUS VEU
Sommaire du
LE DÎNER
Louis et Valérie Guillaume : 94-95
D’UNE MAMAN
DE CLA SSE
JEU VIDÉO :
PHILOSOPHE
ET SI C’ÉTAIT
dans l’infertilité, un cri d’espérance 88-89
LA MESSE,
DE L’ART ?
ero
par Jeanne Largh
C’EST OBLIGÉ ? 96-97
61 TÉMOIGNAGE
Mais
indispensable... sur
l’éducation est
LE SENS
ion
L’exigence dans le soit mûrie par une réflex ion 90-91
encore faut-il qu’elchoix, et portée par une affect
la finalité de
nos
HARCÈLEMENT DU JEUET
Marine de Coupigny : bienveillante.
SCOLAIRE DE LA FÊTE
Édito 6
MON DIEU,
M’AS-TU ABAN
rire à des enfants défavorisés. « Quand je vois
l’innocence des enfants abusée, ce qui est pour
moi l’un des plus grands scandales sur Terre,
Par Emmanuel Bourceret je me dis que le silence de Dieu n’est pas de
l’indifférence et de l’impuissance, il est un
«M
chemin », explique-t-il (voir p. 31).
POURQUOI
DONNÉ ?
Tu es devenu cruel pour moi, de ta poigne une évidence de foi, il n’y a qu’un pas, vite suivi
vigoureuse Tu t’acharnes sur moi. » par les cris de révolte contre Dieu. Sauf que s’il
en est ainsi de la justice divine, pourquoi Jésus,
Vous l’avez reconnu ? C’est Job, cet l’Innocent par excellence, a-t-Il souffert ? « Mon
homme de la Bible, que Satan dépouille de tout. Père, pourquoi m’as-Tu abandonné ? » s’écrie-
Et Dieu laisse faire… Mais Job crie vers Dieu, t-Il sur la croix. Preuve que Jésus Lui-même
sans se lasser, jusqu’au bout de sa foi, pourrait-on passe par la solitude absolue : se sentir aban-
dire. Bien plus proche de nous, au XIXe siècle, donné de Dieu.
une jeune fille de 22 ans connut une épreuve
semblable : Jésus « permit que mon âme fût Cette épreuve de l’abandon est la
envahie des plus épaisses ténèbres et que la pen- plus fondamentale de la vie. C’est
sée du Ciel, si douce pour moi, ne soit plus qu’un elle qui a mené Thérèse sur le chemin de per-
objet de combat et de tourment », écrivit-elle. fection. La petite voie d’enfance passait par là.
C’est l’expérience que fait Job : il découvre le
Vous l’avez reconnue ? C’est sainte vrai Dieu, pas le justicier, mais le Père. Il peut
Thérèse de l’Enfant-Jésus, qui décrit ainsi sa enfin entrer dans une autre relation : « Je ne
nuit de la foi. Une épreuve que vécut également savais de Toi que ce “qu’on” m’en avait dit, mais
celle qui l’avait choisie comme patronne pour maintenant c’est de mes yeux que je T’ai vu. »
la guider vers la sainteté : Mère Teresa. Le vide
et l’obscurité habitèrent son âme durant un La seule réponse à l’absurdité du
demi-siècle. « Mon sourire est un grand man- mal, c’est donc bien l’amour. « Jusqu’à quelle
teau qui couvre une multitude de douleurs », profondeur Dieu nous demande-t-Il de Lui faire
avait-elle confié. La Petite Thérèse et Teresa de confiance, de croire à son amour ? », demandait
Calcutta sont saintes. Job était pieux, et au le cardinal et grand théologien Charles Journet.
début de l’épreuve, il ne comprenait pas : pour Eh bien, jusqu’à se dépouiller de nos faux dieux,
lui, Dieu « récompense les justes et châtie les de notre vision étriquée de Dieu, pour enfin
innocents ». Qui n’a jamais été traversé par cette nous abandonner dans les bras de Jésus, ces
idée-là de la justice de Dieu ? De là à en faire bras ouverts à tous sur la croix.
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
LE SCANDALE
DU MAL
Les échecs, la maladie, le deuil ou les catastrophes
font mal et scandalisent. Comment Dieu peut-Il
les permettre, Lui qui est bon et tout-puissant ?
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
DES PAROLES PIEUSES
“
IMPOSSIBLES À ENTENDRE
Quand j’ai perdu mon
10
fils de 19 ans, dans un
accident de voiture, des personnes
bien intentionnées ont essayé
de me consoler avec des phrases
pieuses comme : “Dieu souffre
avec toi”, “De tout mal, Dieu tire un Micro- trottoir
bien”, “Antoine est au Ciel et veille
sur toi”… Des paroles impossibles
à entendre pour moi, et même qui
me révoltaient : Dieu a donc per-
mis la mort de mon fils chéri, Il n’a
rien fait pour l’éviter ? Je Lui en ai
donc très longtemps voulu. Aussi,
je me permets de vous donner un
l’ép
conseil : quand quelqu’un vient
d’être atteint par un drame, évitez
les spiritualisations. La personne
Dans
n’est pas prête à les entendre. »
Sophie, 55 ans.
avez-vous gardé
“
SEUL, ON NE PEUT RIEN J’AI PERDU LA FOI
QUAND MON PÈRE
“
Il y a trois ans, ma femme fait un
AVC. Très vite, son état se dé- EST MORT
grade et elle se retrouve en soins palliatifs. J’ai perdu la foi
Or, lors d’une mauvaise manipulation, les à l’âge de 12 ans,
soignants la font tomber et elle en a les quand mon père est mort
côtes fêlées. Ils ne m’en parlent pas. Une d’une longue maladie. J’avais
faute grave ! Des amis me poussent alors tellement prié pour lui, pour
à porter plainte pour obtenir réparation. sa guérison ! De deux choses
Je n’ai pas voulu le faire, car j’avais besoin l’une : soit Dieu existe, mais
d’eux pour que ma femme guérisse. C’est alors, Il n’a pas fait cas de la
mon leitmotiv : face aux difficultés, j’ai prière d’un enfant (et de celle
confiance en Dieu et dans les autres, car d’une épouse), et du coup Il
seul, on ne peut rien. Aujourd’hui, ma n’est pas bon comme on le
femme va bien. » dit ; soit Il n’existe pas. »
Jean-Maurice, 61 ans, diacre. Henri, 22 ans.
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
AUJOURD’HUI,
“
11 JE REMERCIE LE SEIGNEUR
Après une première longue
période de chômage, j’ai
retrouvé une mission d’un an, qui n’a
Perte d’un être cher, pas été prolongée. Je suis alors tombé
plus bas : je n’arrivais plus à être positif,
chômage, maladie… je déprimais… Un prêtre m’a conseillé
Vous avez connu une de réaliser une expérience nouvelle. À
l’époque, j’ai eu un problème de plom-
épreuve dans votre vie. berie. Comme je suis assez bricoleur, je
Quelle a été votre me suis rendu au lycée technique près
de chez moi, un professeur est venu
réaction ? Quelles ont établir un diagnostic, nous avons sym-
été les répercussions pathisé : “Si vous voulez, je vous apprends
sur votre vie spirituelle ? le métier !” C’est ainsi, petit à petit, que
je me suis reconverti dans la plomberie.
reuve
Sans le conseil du prêtre, et une retraite
de discernement, jamais je n’aurais osé
accomplir un virage professionnel aussi
énorme. Aujourd’hui, je remercie le
Seigneur pour cette épreuve finalement
bénéfique. »
Jean, 43 ans.
“
ME SOUTIENT PSAUMES M’APAISE
“
PROFONDÉMENT Je n’arrive plus à prier comme
Je suis atteinte d’un avant. Seule la prière des
cancer et des amis ont psaumes m’apaise. Je m’identifie à ces cris
mis en place une neuvaine pour de grande souffrance qui se terminent
intercéder pour ma guérison. Sur toujours par un acte d’abandon confiant. »
le coup, je ne l’ai pas très bien Claire, 52 ans
pris. J’ai réagi assez vivement en
“
me disant : “S’ils prient pour moi,
COMMENT CHANTER ALLELUIA ?
c’est que c’est vraiment grave.”
Mais au fil des jours, j’ai senti que Notre enfant s’est complète-
cette prière me soutenait profon- ment éloigné de la foi. C’est
dément. J’ai reçu une vraie grâce pour nous une immense douleur.
de paix, et la joie de voir mes amis Comment, dans ces conditions, oser être
plus soudés et plus apaisés. » heureux ? Et chanter Alléluia ? »
Françoise, 45 ans. Annick et Roger, 70 et 72 ans.
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
Chronique
12
Croire en Dieu
malgré le mal ?
« L’homme ne génère que du sang
et des larmes. Je ne voudrais pas
blasphémer, mais Dieu n’est-Il pas
soit impuissant, soit indifférent ?
Le mythe du fruit défendu et toutes
les explications traditionnelles Par le Père Alain Bandelier,
n’expliquent rien ! » chroniqueur à Famille chrétienne,
m’écrit un lecteur. prédicateur des Foyers de charité.
C
omment concilier, non seule- de si près et qui nous entraîne si loin, nous
ment dans nos pensées, mais ne pourrons jamais que balbutier ; par
jusque dans notre conscience la conséquent, il nous faut accepter que cette
plus profonde, l’expérience du méditation soit sans fin, du moins ici-bas.
mal, jusqu’à l’horreur, et l’expé-
rience de Dieu, jusqu’à l’adoration ? C’est Se mettre à genoux
une question lancinante, hélas plus actuelle devant la croix du Christ
que jamais. Je l’ai abordée plusieurs fois À l’opposé, il y a un jugement sommaire
déjà (1), et pourtant nous sommes bien obli- pour lequel le compte de Dieu est vite réglé.
gés d’y revenir sans cesse. Cette prétendue argumentation est clas-
Chaque vague nouvelle dans l’océan du sique, elle impressionne, pourtant elle porte
malheur nous renvoie la question en pleine à faux. La lettre que je cite m’en donne encore
figure. En outre, sur un sujet qui nous touche un exemple, signé Jean-François Revel : « On
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
13
se tortille à force d’expliquer que l’appari- de la souffrance a le divin pouvoir de trans-
tion du mal dans le monde n’est pas due à percer d’autres cœurs et d’illuminer la nuit
Dieu Lui-même, mais à toutes sortes de fac- du monde.
teurs adventices. Or, de deux choses l’une : Si vous ne comprenez pas, je ne peux
ou Dieu est tout-puissant, et alors Il est res- que vous suggérer de vous mettre à genoux
ponsable du mal, ou Il n’est pas tout-puis- devant la croix du Christ et de Lui deman-
sant, et alors Il n’est pas Dieu » (2). der de vous expliquer.
Ce sophisme usé jusqu’à la corde est trop
facile (un sophisme est un raisonnement qui Non pas une explication,
n’est logique qu’en apparence, avec le but mais une Présence
d’induire en erreur). Si Dieu est Dieu, qui « Expliquer » n’est d’ailleurs pas le mot
suis-je pour Le convoquer devant le tribu- juste, car aucune « explication » ne peut
nal de mes préjugés, et Le sommer de prou- rendre compte de l’expérience vécue du
ver de quoi Il est capable ? Au fond, qu’est-ce malheur. Pour un incroyant, c’est d’ailleurs
que je sais de la puissance de Dieu ? Et si Dieu encore plus inexplicable. Il devrait se
avait choisi ce que le monde appelle fai- contenter d’enregistrer le mal comme un
blesse, et même folie (3), pour triompher de fait, sans commentaires. Peut-il poser un
la force sans ajouter à la violence, et pour jugement de valeur, s’il n’y a pas de Bien
être victorieux du mal par le bien ? absolu ? Au nom de quoi ou de qui protes-
Les païens comme les athées ont au fond ter, si l’homme, avec sa vie et ses questions,
le même Dieu : les uns L’adorent avec se perd dans le vide ?
crainte, les autres Le récusent avec condes- Je relis Paul Claudel (4) : « À cette question
cendance. Ils ne savent pas que Jésus-Christ terrible, la plus ancienne de l’humanité, et
nous a libérés de Jupiter. à laquelle Job a donné sa forme quasi offi-
Cette façon de poser la question fait tom- cielle et liturgique, Dieu seul, directement
ber dans un piège plutôt que dans un blas- interpellé et mis en demeure, était en état de
phème. Parler par exemple du « mythe du répondre, et l’interrogatoire était si énorme
fruit défendu » est une façon de se poser en que le Verbe seul pouvait le remplir en four-
intellectuel à qui on ne la fait pas, sans voir nissant non pas une explication, mais une
qu’on fait l’impasse sur trois mille ans de présence, suivant cette parole de l’Évan-
méditation de l’énigme de la condition gile [Mt 5, 17] : “Je ne suis pas venu expliquer”,
humaine. Il faudrait au moins relire le cha- dissiper les doutes avec une explication,
pitre 5 de la Lettre aux Romains. Dire “mais remplir”, c’est-à-dire remplacer par
« L’homme ne génère que du sang et des ma présence le besoin même de l’explication.
larmes » est également un raccourci sim- Le Fils de Dieu n’est pas venu pour détruire
pliste. Et vous ? C’est tout ce dont vous êtes la souffrance, mais pour souffrir avec nous.
capable ? Il n’est pas venu pour détruire la Croix, mais
Les rues de Manhattan le 11 septembre, pour s’étendre dessus. »
les abords du Bataclan à Paris, et beaucoup (1) Simples questions sur la
d’autres lieux du monde, nous ont fait entre- foi catholique (éd. CLD).
voir une autre réponse : la prière jusqu’aux (2) Dans Le Moine et le Philosophe (éd. Pocket).
larmes et le dévouement jusqu’au sacrifice. (3) 1Cor 1, 18-25.
Si le mal a le diabolique pouvoir de blinder (4) Cité par Louis Millet dans
les cœurs et de fermer le Ciel, le baptême Le Mystère du mal (Sicre éditions).
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
Chronique 14
Pourquoi
cette succession
de catastrophes
sur la planète ?
Inondations, tremblements de terre, attentats...
Les tragédies qui s’enchaînent sont-elles le fait du hasard,
de la loi des séries ? Y a-t-il une autre explication ?
Par le Père Alain Bandelier.
O
n voudrait bien tout expli- un homme qui a perdu femme et enfants,
quer. Dans notre monde ra- ou qui est à jamais exilé de sa terre, ou qui
tionalisé, informatisé, sécuri- est handicapé pour le restant de ses jours :
sé, planifié, l’inexplicable est comme les explications sont dérisoires, en
insupportable. Pourtant il y a face de son insondable « Pourquoi ? »... Qui
toujours, il y aura toujours des choses de- d’autre que Dieu peut entendre jusqu’au
vant lesquelles l’esprit est en suspens, et le bout, jusqu’au fond, une telle interroga-
cœur en morceaux. Les explications elles- tion ? À plus forte raison, qui d’autre que
mêmes n’expliquent pas tout. Lui peut y répondre ?
Depuis les tsunamis et les attentats, les
J’ai lu les journaux, j’ai regardé la té- coups de boutoir à répétition de l’actualité
lévision, on m’a démontré comment les ébranlent notre assurance. Notre société
typhons se forment et comment ils se développée est plus précaire qu’on ne le
déplacent, comment les plaques tecto- pensait. On se disait : « Tout va bien, ou pas
niques bougent et s’entrechoquent, com- trop mal. » Les politiques se font fort de ré-
ment les épidémies et les idéologies terro- soudre nos problèmes, sinon cette année
ristes se propagent. Mais expliquez cela à du moins l’année prochaine. La grande
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
15
« Ces catastrophes
distribution nous promet « la vie, la vraie »,
la meilleure qualité aux prix les plus bas, et
sont le résultat
le bonheur par-dessus le marché (puisque du chaos intérieur
le bonheur est une marchandise).
d’une humanité
Au plan des mœurs, on nous presse de
saluer de grandes avancées et la conquête sans foi ni loi. »
de nouveaux espaces de liberté (et au
nom de la tolérance, on ne tolérera pas
que vous en doutiez). Il y a bien encore
quelques guerres, ici ou là, mais c’est loin, met en face de notre condition humaine
c’est compliqué, et de toute façon l’ONU réelle, qui est tragique. Vous me direz que
s’en occupe. ce n’est pas un scoop. Justement, depuis
le temps, on devrait s’y faire. Pourquoi se
Une circulation de la charité poser encore des questions ? Dans une
Et voilà que coup sur coup, aux quatre culture qui se veut laïque et scientifique,
coins du monde, l’homme d’une douleur il faudrait même considérer la réalité sans
sans nom nous regarde. L’homme, et plus états d’âme : tout ça n’est que du matériel
encore l’enfant. humain qui s’use ou qui se casse, et qui
Cela nous fait mal au cœur. Et c’est sera remplacé.
la moindre des choses. Chaque fois,
comme par une vague, d’innombrables Mais non. Impossible de se défaire de
cœurs sont soulevés. D’émotion, sans cette conviction : nous sommes faits pour
doute (vague émotionnelle qui retombe la vie et non pour la mort, pour la joie
bien vite). Mais aussi de vraie compas- et non pour le désespoir. Notre douleur
sion. Les drames se répètent ? Chaque est à la mesure de notre espérance. Puis
fois, des élans de solidarité et de généro- vient une terrible prise de conscience :
sité se renouvellent. comme si ces catastrophes ne suffisaient
On disait l’homme contemporain in- pas, jusqu’à quand les hommes vont-ils se
dividualiste, plus soucieux d’un bien-être faire souffrir et se détruire ? Toutes les ca-
personnel et immédiat que de grandes tastrophes du monde, cette année, ont fait
causes et de grands idéaux. Il y a du vrai moins de victimes que nos guerres, nos at-
dans ce portrait peu flatteur. Mais ce tentats, nos suicides. Ou que l’avortement,
n’est pas toute la vérité. La planète n’est rien qu’en France.
pas seulement traversée par les flux fi-
nanciers, pétroliers, informatiques. Il y Finalement une question indicible
a aussi une circulation de charité. C’est monte en nous, surgie des profondeurs :
comme un sang neuf qui irrigue ce corps et si ces catastrophes extérieures étaient
tellement blessé, là-bas, et parfois telle- le reflet, peut-être même le résultat, du
ment fatigué, ici. Cela devrait aussi nous chaos intérieur d’une humanité sans foi
faire mal à l’âme. Chaque drame nous re- ni loi ?
Famille Chrétienne HORS
Au
SÉRIE
16
chômage,
j’en ai voulu Témoignage
à Dieu
Sans travail depuis deux ans, Grégoire, 54 ans,
en a longtemps voulu à Dieu. Avant de redécouvrir
son amour dans la bonté de ses amis.
Propos recueillis par Florence Brière-Loth.
« P
ourquoi m’as-Tu aban- Stress, fatigue, alimentation dégradée
donné, Seigneur ? Je me et élan sportif en berne, « Frère Corps »
donnais à fond dans mon a fini par crier à son tour. L’alerte a été
boulot, j’étais utile, effi- donnée un après-midi. Je suis parti en
cace, apprécié. Je ne com- urgence en cardiologie, le rythme car-
prends pas. » Les mots ne suffisent pas diaque était trop élevé. Ils m’ont gardé
pour exprimer la révolte qui m’a habité plusieurs jours en observation. L’occa-
après mon licenciement. J’en ai voulu à sion de méditer sur mes fins dernières
Dieu, à l’univers entier, à la société, à ce et de prendre conscience que le fond ne
monde du travail si blessant. « Dieu m’a devait plus être loin. Mais je n’avais pas
abandonné, alors je L’abandonne. » Je Lui envie d’y descendre. J’étais déjà trop ac-
ai fermé la porte et j’ai laissé le mal in- cablé. J’ai eu peur.
sidieux prendre la place. Du doute sur
Dieu, je suis passé au doute sur les autres De retour chez moi, la remontée a
et au doute sur moi. Aux pires moments, été lente. J’ai pris d’abord conscience
l’espérance m’a quitté. J’ai connu l’an- que je puais la tristesse : tout était su-
goisse. Celle de ne pas être capable de jet de tension, de dramatisation. Puis
reprendre le train, de me déclasser – et j’ai redécouvert combien j’étais aimé de
ma famille avec. J’ai craint le regard des ma femme et de mes enfants. Et j’ai été
autres, la gêne qu’il exprime, la pitié. Je bousculé par la bonté de mes amis. J’y
me suis jugé. J’ai eu envie de disparaître. ai reconnu le Seigneur. Ce sont eux qui
J’ai connu les nuits sans sommeil, les m’ont remis sur le chemin de l’action de
journées d’inactivité vides de sens et les grâce et de la prière. Et elle disait, ma
insupportables face-à-face avec moi- prière : « Non, Seigneur, Tu ne m’as pas
même. J’ai pensé que je devenais fou. J’ai abandonné. Au contraire, comme Tu as
souvent crié vers le Seigneur, avec l’im- été patient avec moi pour que je m’aban-
pression de ne pas être entendu. donne enfin ! »
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
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Comment Dieu peut-Il
permettre la souffrance ou la mort
de l’innocent, Lui qui est bon
et tout-puissant ?
Pourquoi certains
approfondissent leur foi
après de grandes épreuves,
apparemment sans effort,
alors que d’autres plongent
dans la révolte ?
Comment croire encore
à la présence de Dieu quand tout
va mal et que rien ne s’arrange ?
Q UESTIONS
DÉRANGEANTES
Réponses p. 27
Famille Chrétienne HORS
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Repères
Dans la tourmente,
« pourquoi m’as-Tu
abandonné ? »
Est-il possible d’être confronté à l’adversité
sans perdre la foi, jusqu’à revivre dans la paix ?
Voici quatre livres qui redonnent au tragique
son sens spirituel et la grâce de l’espérance.
D
euil, rupture, chômage, soli- lie Sarthou-Lajus, co-auteur de Cinq éloges
tude, maladie… Les épreuves de l’épreuve (éd. Albin Michel, voir p. 78),
sont indissociables de l’exis- regards croisés sur ces maux qui creusent
tence humaine. Mais, chaque en nous la relève de la grâce. « Mon Dieu,
fois, leur survenue résonne pourquoi m’as-Tu abandonné ? » (Mt 27, 46).
comme une sorte de trahison de la vie, un Le cri de Jésus résonne dans toute tragédie
arrachement subit à notre bulle paisible, humaine : « Je pensais avoir une complicité,
avec l’impression de voir s’écrouler ce une proximité avec Dieu et tout à coup, c’est
qu’on avait édifié et vaciller l’image qu’on le silence, l’abandon », relève Olivier Belleil,
avait de soi. membre de la communauté du Verbe de
À cela s’ajoute pour le croyant l’épreuve Vie, prédicateur et auteur de Rester confiant
de la foi : « Il peut avoir le sentiment que Dieu dans les épreuves, huit figures bibliques (Édi-
est absent et ne le soutient pas », note Natha- tions des Béatitudes).
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
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« Arrêtons donc
de vouloir
toujours
Éprouvée jeune par un veuvage subit,
“positiver”,
Isabelle Rochette de Lempdes raconte son comme on nous
cheminement dans Tu as changé mon deuil le serine trop
en allégresse (éd. Tequi). Elle confie : « Après
la mort de mon mari, il m’avait semblé impos- souvent. »
sible de continuer à vivre sans lui, impossible
et même impensable. Et pourtant… » Une fois
à terre, que faire, si ce n’est subir ? Vouloir se
redresser tout de suite est illusoire : se rele- Mais prolonger cette étape risquerait de
ver est un long chemin. « Le premier geste est nous enfermer dans une attitude mortifère,
de se reconnaître vaincu, estime le philosophe comme de s’asseoir au bord du chemin pour
Martin Steffens dans son ouvrage La vie en ne plus avancer quand la course est loin
bleu, pourquoi la vie est belle dans l’épreuve d’être achevée. Retrouver le goût de la vie
(éd. Marabout, voir p. 79). Traverser l’épreuve, passe par l’acceptation de ses legs. « Pour
c’est d’abord crier, pleurer, se révolter. Et non ne pas m’aigrir, pour connaître la vraie paix,
d’emblée rebondir. » Les psaumes sont rem- se souvient Agnès. Au début de mon cancer,
plis de ces cris et de ces larmes. À commen- il fallait que je mette toute mon énergie à dire
cer par le Ps 130, le De profundis : « De l’abîme, oui à cette maladie qui me rongeait, il fal-
je hurlai contre Toi. » « La Bible permet à lait l’accepter. »
l’homme de vivre cette révolte, remarque Oli-
vier Belleil. Il ne s’agit pas de blasphémer, Ni résignation morbide,
mais de dire que c’est intolérable. » Job va ni laisser-aller
jusqu’à demander à Dieu : « Pourquoi es-Tu Consentement ne signifie en aucun cas
mon adversaire ? » résignation morbide ou laisser-aller : « Le
Dénoncer l’épreuve qui nous frappe, la défi est de s’ouvrir à toute la vie, analyse Mar-
nommer, en voir tout le caractère insuppor- tin Steffens, d’apprendre à improviser à par-
table, est une preuve de réalisme. « On doit tir des dissonances, et non pas malgré elles,
resurgir de l’épreuve mais, pour la traverser, il la mélodie de notre bonheur. » Consentir au
faut bien commencer par la vivre, affirme Mar- handicap d’un enfant, accepter de vivre
tin Steffens. Ce n’est pas en niant le réel qu’on avec une épine dans sa chair, peut prendre
esquive son coup. » Arrêtons donc de vouloir une vie entière, avec des hauts et des bas.
toujours « positiver », comme on nous le Le chemin n’est pas linéaire.
serine trop souvent : perdre un être cher, voir Cela exige un changement intérieur.
son enfant malade ou handicapé, assister à Isabelle Rochette de Lempdes a réalisé vite
la faillite de son entreprise, cela fait mal, et que, pour consentir, il lui fallait renoncer à
nous ne pouvons pas d’emblée y consentir ! certains comportements, renoncer aux
Famille Chrétienne HORS
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Repères
« pourquoi ? » sur la mort de son mari, « Pierre marche sur les eaux, continue Oli-
renoncer aux « si », « si Bruno était encore vier Belleil, mais, voyant la force du vent, il
là… » Autant de phrases impasses qui sont prend peur et s’enfonce. Dans l’épreuve, le
« de véritables poisons, puisqu’elles m’empê- déroulement est le même : si je ne vois que
chaient d’avancer », conclut-elle. Dans ma difficulté, je m’enfonce ; si je regarde Jésus,
l’épreuve, la seule chose qui dépende de soi si j’ai confiance en Lui, je peux marcher sur
est la façon de l’assumer, de prendre les l’eau, continuer à vivre et à avancer ». Jésus,
choses. « Le reste, je dois y consentir », ajoute dans sa Passion, évolue d’un sentiment
Martin Steffens. Le d’abandon où Il crie vers
plus souvent sans son Père, à l’abandon
comprendre. « Ce confiant, à l’heure de
que Dieu nous sa mort, « Entre tes
demande d’abord, « Croire que cette mains, je remets mon
c’est précisément
de lui accorder
épreuve a un sens, esprit » (Lc 23, 46) :
« Ce chemin de Jésus,
toute notre accepter de sur la Croix, doit être
confiance, conti- le nôtre au cours de
nue Isabelle
ne pas le connaître, l’épreuve », conclut
Rochette de Lem-
pdes. Croire que
et s’abandonner le prédicateur.
cette épreuve a un
sens, accepter de ne
totalement. » Jusqu’à la
cicatrisation
pas le connaître et Accepter ne veut
s’abandonner tota- pas dire être déjà
lement dans les bras du relevé. Il va falloir prendre
Père. » C’est une grâce, un fruit de la prière, le temps de la convalescence, endurer les
notamment celle des autres. jours gris jusqu’à la cicatrisation. La sagesse
Deux passages de l’Évangile nous aident populaire dit : laisser le temps au temps.
à faire cet acte de foi. La tempête apaisée Cela demande beaucoup de patience et
(Mc 4, 35-41) : « Jésus est dans la barque, d’actes d’espérance, une disponibilité à
commente Olivier Belleil, mais Il n’agit pas l’existence, au travail que la vie va accom-
tout de suite, ni comme et quand on le vou- plir en soi. « Renaître, ce n’est pas tout effa-
drait ». Deuxième texte (Mt 14, 22-33) : cer et recommencer à zéro, affirme Nathalie
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
23
QUAND LA PROVIDENCE
NOUS CONDUIT… Par Diane Gautret
Que faire quand l’épreuve s’installe ? Dieu ne nous éprouve-t-Il
jamais au-delà de nos forces, comme l’affirme saint Paul (1Co 10,13) ?
Est-Il toujours le « Père Tout-Puissant », le Dieu Providence de la Bible, ou assiste-t-Il,
impuissant et silencieux, au spectacle du mal, comme le laissent entendre certains
esprits chrétiens depuis la Shoah ? Que faut-il tenir ? Le « Très-Haut » devant lequel s’in-
cline Moïse, ou le « Très-Bas » de la crèche ?
Enfin, la souffrance peut-elle être féconde (rédemptrice), comme nous invitent à le croire
les saints grandis à l’ombre du Calvaire (« J’ai compris que la souffrance a des charmes/Que
par la Croix on sauve les pécheurs », disait sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus avec audace) ?
C’est précisément à ces questions que répond le Père Pierre Descouvemont, dans Peut-on
croire à la Providence ? (Éditions de l’Emmanuel). Au cours de son ministère et face à de
nombreuses confidences douloureuses, ce prêtre de Cambrai a été amené à réfléchir sur
« le mystère de la Providence ». Un mystère aujourd’hui inacceptable pour beaucoup, bien
que « proclamé par l’Écriture, vécu par tous les saints, enseigné par l’Église ». Mystère parce
qu’on n’en a jamais épuisé la réalité (aux antipodes du fatalisme), et qui demeure « dérou-
tant », parce que le « bien que Dieu fait advenir nous échappe la plupart du temps » et
qu’il appelle de notre part, avec le secours de la grâce (d’où l’importance de ne pas se
couper de la vie sacramentelle), « une participation à l’obéissance du Verbe », « une
soumission progressive ».
« Tout est grâce », affirmait la Petite Thérèse. Il faut prendre « tout en gré », répétait
Jeanne d’Arc. Oui, tous les saints ont l’audace de croire à ce mystère inouï de
la Providence que Dieu exerce sur le déroulement de nos vies. Cette foi
est la source de la sérénité qu’ils conservent au milieu de leurs
épreuves et de leurs combats.
24
Repères
reconnaître victime d’une épreuve est une situation de tempête. » La lecture de la Bible
étape, mais conserver un statut de victime constitue aussi un appui inestimable : elle
ne permet pas d’avancer. Le danger serait dit tous les mots de nos épreuves. « Je suis
d’exister par son malheur et de l’utiliser frappé par le langage des Lamentations,
pour se justifier de tout. Caroline, qui a deux continue Olivier Belleil, ou celui des pro-
enfants atteints de la mucoviscidose, phètes qui, tout en vivant une intimité avec
confirme cela : « J’ai décidé de ne plus me Dieu, ont parfois dans leur souffrance un
plaindre. Je ne suis pas responsable de cette désir explicite de mort. Beaucoup de
épreuve, mais de ce que psaumes commencent par
j’en fais. » des cris et se terminent
par la louange. Faisons
Les autres, de notre vie un
maladroits « Je ne suis pas psaume… »
mais présents Si le grain ne
Sur notre route,
responsable meurt, il ne porte pas
d’autres sont là, de cette épreuve, de fruit. « J’ai l’intime
maladroits peut- conviction, écrit le
être mais présents. mais de ce Frère Philippe Raguis,
Agnès se souvient carme à Toulouse, que
de cette multitude que j’en fais. » nos combats person-
de petits signaux nels sont revêtus plus
d’amitié que lui ont que jamais d’une
envoyés ses amis, dimension de participa-
pendant sa maladie : tion à la croix du Christ.
« Je pouvais m’appuyer sur cette amitié. C’est Lui qui nous donnera la force de pour-
C’était un baume dans la souffrance ». suivre notre route. »
Il nous revient de prendre nos forces là C’est la condition de la paix véritable.
où elles se trouvent, en nos proches mais Nos épreuves peuvent donc être fécondes :
aussi en l’Esprit Saint. « Il mérite son nom « À la résurrection de Jésus, constate Oli-
de Consolateur, note Olivier Belleil. Beau- vier Belleil, les stigmates sont devenus des
coup de personnes l’ont expérimenté en plaies glorieuses, elles laissent passer la
trouvant la paix du cœur au sein d’une lumière ».
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
25
Chronique
Porter
sa Croix
On dit souvent qu’il « faut porter sa croix ».
Mais quand on souffre, ce n’est pas facile à admettre.
Cela peut même provoquer la révolte. Comment
ne pas se laisser écraser ?
Par le Père Alain Bandelier.
C’
est une évidence, on ne Pourtant, il y a des circonstances où
peut s’approcher de la il faudra dire quelque chose, balbutier le
souffrance qu’avec un infi- mystère. J’ai remarqué que notre discré-
ni respect. Nos frères souf- tion et notre silence, qui sont pour nous
frants n’attendent pas de l’expression d’un respect et d’une crainte
nous un sermon, aussi inspiré soit-il. Mais de déranger, sont parfois compris comme
une présence aimante, discrète, fidèle. une indifférence.
Certains cœurs, écorchés vifs, ne peuvent
être apprivoisés qu’avec beaucoup de tact. Au-delà des mots
Plus que jamais, peut-être, le frère en
Au lendemain d’un deuil tragique, une peine et en panne attend un signe, un
femme s’était réfugiée dans l’église pour message, un mot. Alors il faut laisser par-
prier et pleurer. Le curé de la paroisse s’est ler son cœur, et laisser l’Esprit parler en
assis près d’elle, sans rien dire, et lui a tenu nous. Demander aux anges de refléter
la main. Elle a été bouleversée. Ce simple la lumière d’en haut, à travers les mots,
geste valait tous les discours. au-delà des mots.
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
Chronique 26
L’épreuve nous atteint toujours là où on toujours l’image d’un geste, d’un acte,
ne l’attend pas, elle nous atteint souvent là d’une responsabilité. C’est le contraire
où l’on ne voudrait pas. Comment faire d’être écrasé sous la croix. Il ne s’agit pas
pour que l’épreuve qui nous anéantit de- de traîner sa misère, mais de porter sa
vienne la croix qui nous grandit ? En trois pauvreté. Cela aussi est une conversion.
verbes, le Maître nous a donné le secret : Le regard n’est plus focalisé sur soi et sur
« Qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa sa souffrance, mais sur la vie à vivre et le
croix, et qu’il Me suive » (Mt 16, 24). chemin à parcourir. Du coup, on devient
capable de porter les autres. À la limite,
« Renoncer. » Pour une grande part, nos porter la croix devient porter une espé-
déprimes et nos révoltes viennent de nos rance, un peu comme la femme porte un
rêves déçus ; il y a en nous le secret désir enfant.
d’avoir tout, de pouvoir tout, d’être tout.
L’épreuve vient battre en brèche cette vi- « Suivre Jésus. » Dans l’épreuve, on a
sion encore magique et immature de la vie. le sentiment que tout s’arrête. On avait
D’ailleurs, beaucoup peuvent en témoi- des projets, on bâtissait quelque chose,
gner : « L’épreuve m’a mûri », « Je ne suis la vie suivait son cours. Et voilà que cela
plus le même homme… » L’Évangile nous ne « marche » plus. C’est une sorte de
invite à avancer sur le chemin du renon- paralysie. Elle peut être aggravée par la
cement. La grâce du renoncement, c’est tentation de la résignation : on s’enferme
finalement le consentement ; le oui à l’in- dans l’immobilité et finalement dans une
térieur même du non. Il y a là une inver- vraie stérilité. L’Évangile ne prêche pas la
sion de signe qui est libératrice. résignation. Il met ou remet en route, il
invente un chemin là où l’on croyait être
« Prendre sa croix. » D’autres passages dans une impasse. C’est le chemin de la
disent « porter sa croix ». En tout cas, c’est Croix, il faut l’avouer ; mais c’est le chemin
d’une résurrection, il faut le croire. C’est
le chemin du Christ Lui-même, le chemin
de l’amour sans retour.
« L’épreuve subie
C’est le grand secret : ne pas perdre
est stérile, cœur, quand bien même tout semble per-
l’épreuve offerte du. Quand on ne peut plus rien faire, on
peut encore aimer. Offrir. Ce n’est presque
est féconde. » rien et cela change tout. L’épreuve subie
est stérile. L’épreuve offerte est féconde.
Comme la Croix.
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
O
n ne peut répondre à cette faible, et le plus faible est souvent
question autrement l’innocent.
qu’en contemplant la En sauvant le monde, Dieu ne supprime
passion et la mort de ni la souffrance ni la mort, mais Il en
Jésus. L’Innocent par excellence est fait le chemin de la vie en les transfigurant
victime de souffrances atroces et d’une par son amour. L’amour de Dieu est plus
mort injuste. La souffrance et la mort fort que le mal, et la mort de Jésus est
sont des conséquences du péché, et une mort d’amour : « Ma vie, nul ne la
l’une et l’autre frappent aussi bien les prend, mais c’est moi qui la donne » (Jn
méchants que les innocents. Encore que 10,18). La puissance de Dieu n’est pas
personne n’est totalement innocent… celle des hommes, c’est la puissance de
Le massacre des Saints Innocents est l’innocence. Et le mal se brise contre
toujours actuel, causé par les Hérode elle. Mais tout ceci n’aurait aucun sens
modernes, fascinés par le pouvoir, en dehors de la perspective de la vie
guidés par l’argent ou le sexe… Un éternelle et de la résurrection. Seule
monde sans Dieu est voué à la loi du la foi apporte l’espérance face au
plus fort : le plus fort écrase le plus scandale du mal.
RÉPONSES AUX
Q UESTIONS
DÉRANGEANTES Par le Père François Potez,
curé de la paroisse Notre-Dame du Travail à Paris (XIVe).
Propos recueillis par Bénédicte Drouin-Jollès.
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
28
Comment croire encore
à la présence de Dieu quand tout
va mal et que rien ne s’arrange ?
U
n évêque syrien à nous d’abord pour nous sauver et nous
affirmait, en pleine donner la vie éternelle. Certes, il peut
guerre : « L’espé- y avoir des miracles, mais ils sont excep-
rance n’est pas de tionnels. Oui, nos prières sont enten-
croire que cela ira mieux demain, dues, mais je suis réservé parfois devant
c’est de croire que Dieu sera avec les neuvaines enchaînées en cas de
moi demain comme Il l’est déjà maladie grave, d’accident, de chômage…
aujourd’hui. » Malgré nos prières ardentes, les malades
Dans les moments difficiles, nous meurent, les périodes de chômage
sommes invités à être comme la durent. Est-ce que malgré tout, nous
Vierge Marie, debout au pied de la continuons à croire à sa présence et à
croix de son Fils. Elle croit déjà à la son soutien ? La prière n’est pas faite
résurrection qu’Il a annoncée, même pour être efficace selon nos plans, elle
si tout semble fini. a pour but de nous unir à Dieu et de
Dieu ne vient pas arranger les choses nous aider à accepter sa volonté, par-
à la façon des hommes, et encore fois mystérieuse, de rechercher le
moins comme un magicien. Il vient salut final, au-delà de la mort.
RÉPONSES AUX
Q UESTIONS
DÉRANGEANTES
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
L
terriblement inégales…
e Catéchisme de l’Église Certains sont épargnés,
catholique, au numéro
d’autres accablés.
1 937, apporte un éclai-
rage très intéressant : il Pourquoi ?
explique que si Dieu n’a pas réparti
également les grâces et les talents
entre les hommes, c’est pour multi-
plier la charité. Si certaines inégalités semblent être épargnés, ce n’est pas
sont dues au péché et aux injustices grâce à leurs mérites, mais pour qu’ils
humaines, d’autres sont des appels à puissent mieux aider. Au dernier jour,
créer et multiplier des liens d’attention nous serons jugés sur ce critère évan-
et de solidarité. gélique, révélé en Mt 25, 31-46 : « Ce
Ceux qui ont reçu davantage portent que vous avez fait au plus petit
une responsabilité plus grande vis-à- d’entre les miens, c’est à moi que
vis des plus démunis. Et si certains vous l’avez fait. »
N
on, Dieu n’est pas sadique, plus grand bien. Il nous assiste et nous
et il nous faut nous débarras- réconforte pour les traverser, Il est toujours
ser de fausses images de Lui. aux côtés de celui qui souffre, même si ce
Il ne joue pas aux marion- dernier ne le sent pas. En même temps, il
nettes avec nous. De ce point de vue, la est de notre responsabilité de chrétiens
célébration de l’Incarnation de Jésus à d’être aux côtés des souffrants pour
Noël est bouleversante : « À ce signe, témoigner de la sollicitude divine. Dans
vous le reconnaîtrez, indiquent les les grandes épreuves, les mots sont inu-
anges aux bergers (Lc 2, 12) : vous tiles, seules comptent la présence, la
trouverez un nouveau-né tendresse et la compassion.
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
30
Pourquoi certains
approfondissent leur foi
après de grandes épreuves,
apparemment sans effort,
alors que d’autres plongent retrouvent dans une situation de com-
dans la révolte ? bat intérieur et de grande fragilité.
La parabole du Semeur (Mc 4, 1-20) peut
nous donner une piste de réponse, un
éclairage sur ces évolutions. Jésus dit à
propos du grain semé dans le sol cail-
C’
louteux qu’il lève rapidement, chauffé
est l’un des plus grands par le soleil, mais que face à l’épreuve
mystères, auquel aucune il se dessèche faute de racine. Éprou-
réponse rationnelle ne vés, ceux qui n’ont pas approfondi leur
peut donner une explica- foi sont plus vite tentés de se détourner
tion satisfaisante. Des personnes peu de Dieu. Mais qui peut juger le fond des
ou pas croyantes découvrent la foi à cœurs ? D’autant plus que cette révolte
l’occasion d’un drame ; d’autres, qui peut n’être que temporaire. Il y a un
semblaient l’avoir, la perdent. Encore chemin étroit entre la résignation, qui
que la foi ne se « perde » pas, puisqu’elle n’est pas la foi, et la révolte, qui amène
est créée et donnée par Dieu ; mais on à accuser Dieu. Là encore, notre modèle
n’y a plus recours. est la Vierge Marie : elle accueille la
Il nous faut prier pour ceux qui volonté de Dieu comme elle se pré-
plongent dans la révolte, en espérant sente et garde les événements dans
qu’ils s’ouvrent à la miséricorde de son cœur pour les méditer. L’épreuve
Dieu et à l’action de l’Esprit Saint qui est source de croissance pour celui
seul pourra les apaiser. Ils se qui la vit en se confiant à elle.
RÉPONSES AUX
Q UESTIONS
DÉRANGEANTES
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
31
Grand
entretien
Pourquoi Dieu
permet-Il cela ?
Installé depuis seize ans
dans les bidonvilles de Manille,
le Père Matthieu Dauchez côtoie
quotidiennement les drames
apportés par la misère : violence, Le Père Matthieu Dauchez
C
omment voir Dieu et Nous sommes invités à changer de
son projet d’amour là où regard, à arrêter de voir Dieu comme res-
des enfants sont battus, ponsable de tous les maux. Au contraire,
abusés, drogués, Dieu est dans les enfants battus, abusés,
prostitués, comme dans prostitués ou drogués. Ils sont des victimes,
les bidonvilles de Manille ? et d’une certaine façon le Christ se fait
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
Grand
32
entretien
victime avec eux. Dieu n’est pas caché pées par celle qui y règne, malgré le passé
dans les nuages, Il porte leur misère. terrible de beaucoup.
Pendant une conférence, j’ai lu le cha-
pitre 53 du Livre d’Isaïe consacré au ser- Comment interprétez-vous
viteur souffrant, dans lequel on voit le silence de Dieu devant les
l’annonce du Christ durant sa passion. Et grands drames de l’humanité ?
j’ai demandé aux gens d’y voir un enfant Je n’ai pas de réponse intellectuelle au
de Manille qui vit ou dort dans les cani- silence de Dieu devant la souffrance ; nous
veaux : « Maltraité, humilié, il n’ouvrait sommes devant une réalité absurde. Dans
pas la bouche… » (Is 53, 7). Le parallèle les Évangiles, le Christ ne répond jamais à
est impressionnant. cette question ; en revanche Il accepte d’être
Ici, à Manille, nous avons tous les jours crucifié et formule simplement une
le Christ devant nous. Il n’est pas dans la demande : « Père, pardonne-leur » (Lc 23,
souffrance, mais dans le 34). Jésus nous montre la
souffrant. En vingt route, Il vient accompa-
ans, je n’ai jamais gner et porter nos souf-
rencontré un enfant « Les familles, frances. Par sa mort et
qui rejette Dieu au sa résurrection, Il leur
nom de ce qu’il a
les enfants donne sens. Et quand
vécu. Les familles des bidonvilles, je vois l’innocence
et les enfants des des enfants abusée, ce
bidonvilles ne ne doutent pas qui est pour moi l’un
doutent pas un ins-
tant de la présence un instant de des plus grands scan-
dales sur Terre, je me
de Dieu. Leur
grande précarité, les
la présence dis que le silence de
Dieu n’est pas de l’in-
misères qu’ils ont
connues, font qu’ils
de Dieu. » différence et de l’im-
puissance, il est un
expérimentent plus chemin.
facilement une union avec On a le droit d’être révolté
le Christ, j’y vois l’explication de leur joie. et en colère devant ce mystère du mal qui
Lorsque je rentre en France, je suis frappé nous dépasse, mais on ne sera capable de
par le manque de joie. Les personnes qui répondre aux questions qu’il pose qu’en
visitent nos centres sont au contraire frap- acceptant d’être dépassé par lui. La quête
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
33
« Lorsqu’on
se laisse engloutir
par l’obsession
du pourquoi obsessionnel est sans issue. de l’explication
Cela ne m’empêche pas de crier vers le Ciel,
de pleurer devant l’insoutenable.
du scandale du mal,
Je remarque que les graines plantées on joue le jeu
dans le terreau de la souffrance portent des
fruits d’amour magnifiques. Beaucoup de du mal. »
ceux qui vivent avec des personnes dému-
nies l’expérimentent.
Vous dites que refuser Dieu au arrête de battre : et son regard ne trompe
nom du mal, c’est tomber dans pas. Un jour Edgar est arrivé en larmes à la
le piège du mal. Pourquoi ? fondation ; il était battu par son père depuis
Lorsqu’on se laisse engloutir par la des années, mais ce jour-là il était dans une
révolte en face du scandale du mal, par l’ob- colère très forte. Je l’interroge sur la cause
session de l’explication, on joue le jeu du de son émotion, il me répond : « Mon père
mal et l’on se détourne de Dieu à qui l’on m’a battu, ma mère était là et elle n’a rien
demande des comptes. Cette obsession dit. » Il n’était pas en colère contre son père
mène à l’absurde. Les philosophes qui qui, malgré sa violence, était en relation
opposent la question du mal à Dieu n’ar- avec lui, mais contre sa mère, qui restait
rivent pas à concilier ces trois réalités que dans une indifférence insoutenable.
sont un Dieu puissant, un Dieu d’amour et Le pardon est un chemin, les plaies des
l’existence du mal. blessures restent ouvertes – on n’oublie pas
Nous avons à accepter de ne pouvoir ni les grandes injustices –, mais on choisit de
le maîtriser ni l’éradiquer, mais de pouvoir les pardonner et de vivre avec pour ne pas
y réagir. Et il y a une palette de réactions à rester prisonnier de la colère. Ainsi, le par-
apporter. Le pardon en est une. Choisir de don « désinfecte » les plaies purulentes. Et
pardonner à un parent qui vous a battu ou ses fruits sont magnifiques. L’enfant qui le
violé, c’est héroïque. L’abus physique ou donne découvre qu’il n’est pas un objet,
sexuel est le pire abus qu’un enfant peut qu’il a de la valeur, qu’il peut aimer. Dans
subir, ces pratiques lui font croire qu’il n’est nos centres, les jeunes qui rebondissent le
qu’un objet consommable ou jetable. Il n’a mieux sont ceux qui arrivent à se mettre
pas de valeur, n’est pas aimé et ne peut pas sur cette voie.
aimer : même ce droit fondamental lui est Le pardon, ce n’est pas une potion
retiré. Le cœur de l’enfant battu, abusé, magique. C’est un chemin : un fiat à
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
Grand
34
entretien
reprendre tous les jours. De la même lui dire que, malgré ce qu’elle m’a fait, je
façon, la Vierge Marie n’a pas dit oui que l’aime encore. » Ensuite, Jeremy a demandé
le jour de l’Annonciation. Elle a renouvelé le baptême, puis sa maman aussi pour elle
son oui tous les jours, jusqu’à la Cruci- et pour ses enfants. Il a désormais retrouvé
fixion. Ce chemin se gravit plus ou moins le foyer familial, et la vie commune se passe
vite, selon les situations et les personnes. très bien.
Beaucoup disent ne pas être capables de
pardonner, en revanche ils veulent bien Pardonner le mal, n’est-ce pas
essayer, en ont le désir. Ce premier pas est naïf ? Ne vaut-il pas mieux punir,
déjà magnifique. voire se venger, pour faire com-
Nous avons des exemples héroïques. prendre qu’il est inacceptable ?
Je repense à Jeremy, dont les mains ont Il faut faire tout ce que l’on peut pour
été complètement brûlées par sa mère lutter contre le mal, de toutes nos forces,
pour le punir d’un vol de quelques pesos. nous n’avons qu’une vie pour cela. Nous
Du coup, il a fui son domicile et nous ne sommes pas dans un combat mielleux :
l’avons recueilli. Au bout de quelques bien sûr que le mal doit être sanctionné
années, il a demandé à revoir sa maman. quand c’est possible ! Il ne s’agit pas de res-
Quand on l’a interrogé sur sa motivation, ter passif, naïf. Il faut corriger, punir ceux
sa réponse a été très belle : « Je voudrais qui maltraitent les plus faibles. C’est le rôle
de la justice qui, bien qu’humaine et limi-
tée, est nécessaire. Mais je distingue la
punition de la vengeance. Celle-ci vient du
« Le pardon est la terreau mal maîtrisé de la colère, elle est
réponse la plus belle souvent malfaisante.
Associer le pardon à la naïveté, c’est un
à apporter au mal, regard étroitement humain. Le pardon est
l’amour la réponse la plus belle et la plus exigeante
qu’on puisse apporter au scandale du mal
le plus difficile quand il nous a heurtés de plein fouet. La
preuve chrétienne, c’est que le Christ par-
à donner. » donne sur la Croix ; la preuve humaine,
c’est que le pardon est l’amour le plus dif-
ficile à donner.
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
35
« Plutôt que
de crier contre Dieu,
nous avons
à apprendre Le pardon est humainement impos-
à crier vers Lui sible : le monde vit plutôt au rythme de la
défense de ses intérêts et de la vengeance.
et avec Lui. » Si je reçois un coup de poing, j’en rends
deux, et le cycle infernal de la violence s’ins-
talle. Qu’est-ce qui stoppe le désir de ven-
geance ? Soit que l’un baisse l’échine, soit
Il est légitime d’être en colère que le pardon soit donné.
face à l’injustice et à la violence. À partir du moment où vous choisissez
Que faire de cette colère qui peut de répondre au mal par le bien, l’amour,
nous miner, ou de cette révolte l’attention à l’autre, sa puissance est anéan-
qui peut nous enfermer ? tie. Saint Augustin dit que, même chez le
Contre le mal, il faut être en colère, il méchant, il reste toujours une petite partie
est beau d’être animé d’une haine du mal. de bon, c’est très fort. Le Bon Dieu peut
Les psaumes sont parsemés de cette colère faire sortir le bien du plus grand mal. Il faut
légitime, comme l’était celle du Christ que nous en soyons persuadés. Et Il passe
devant les marchands du temple. En par nous pour agir. Nous avons une respon-
revanche, la colère ne doit pas durcir ou sabilité de chrétien, d’homme.
pourrir notre cœur, sinon les fruits portés Dans la Genèse, Caïn interpelle Dieu
seront mauvais. ironiquement : « Suis-je le gardien de mon
Plutôt que de crier contre Dieu, nous frère ? » (Gn 4, 9). Mais oui ! Nous sommes
avons à apprendre à crier vers Lui et avec appelés à être « le gardien de nos frères ». Et
Lui. Quand on s’en remet à Dieu, qu’on Lui il n’y a pas besoin de partir au bout du
donne notre bonne volonté, notre cœur, Il monde pour le vivre. Si ma voisine est seule,
nous comble de ses grâces et de son amour. je peux casser cette solitude et lui apporter
La paix et la joie sont des fruits de cet du réconfort. Il en va de même avec la visite
abandon. des malades, des prisonniers. Dans nos vies
quotidiennes, nous pouvons apporter des
Le mal anéantit, détruit, mais réponses simples et concrètes, des choses
vous soutenez que l’homme peut ordinaires faites avec un amour extraordi-
aussi apporter une réponse naire. Voilà le message d’une puissance
qui redonne vie et fait grandir. phénoménale laissé par sainte Mère Teresa.
En quoi consiste-t-elle ? Il faut le relire.
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
36
Grand
entretien
Face aux grands drames, bouc émissaire. « Pleurer avec » signifie que
vous recommandez aussi l’on quitte notre égocentrisme naturel. Je
le silence et les larmes. suis frappé, quand je reviens en France, du
À quelles conditions mensonge des slogans publicitaires qui
peuvent-ils faire du bien ? mettent sur un piédestal l’égoïsme et
Le silence est essentiel, car on y trouve l’individualisme.
le Bon Dieu et son aide. Il nous prépare à
l’abandon qui laisse couler nos larmes. Je Mais face aux grandes
circule à moto à Manille pour aller d’un souffrances, la tentation
centre à l’autre, et combien de fois je suis peut être de s’éloigner, pour
heureux d’avoir un casque pour crier, ne pas avoir mal. Comment
pleurer devant ce mal qui me prend aux garder un cœur ouvert ?
tripes... Une dame d’un milieu aisé m’a fait une
Rien ne me récon- remarque au début de
forte plus qu’un mon ministère : « Je
enfant qui pleure de vous ferai volontiers
chagrin, de tristesse ; « Je circule à moto à des dons financiers,
il regarde la réalité en revanche ne me
en face sans se blin- Manille, et combien demandez pas d’aller
der. Saint Augustin de fois je suis heureux dans les bidonvilles
disait que les larmes et les décharges, j’en
sont le sang de d’avoir un casque pour suis incapable. » À
l’âme, elles per-
mettent de marcher crier devant ce l’époque, je lui ai
répondu que je le
vers la guérison.
Et nous-même,
mal qui me prend comprenais, et que
ses dons étaient déjà
accompagnateurs,
éducateurs, n’ayons
aux tripes. » un beau signe de son
at t e nt i o n . . . Ma i s
pas peur de pleurer aujourd’hui, je ne
des larmes de compas- répondrais plus cela.
sion. Le Christ a pleuré aussi, des larmes Je comprends les réticences et les peurs
magnifiques, imprégnées d’amour. Ces face à la pauvreté, mais elles ne doivent
larmes-là montrent que l’on refuse l’indif- jamais empêcher la rencontre. On peut se
férence, la colère ou la vaine recherche d’un protéger un peu pour l’apprivoiser, mais
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
37
« La souffrance
des innocents
on ne peut fuir la rencontre du pauvre. renouvelle
Dans l’évangile du Bon Samaritain (Lc 10,
25-37), deux Juifs orthodoxes passent le sacrifice du
devant le voyageur laissé pour mort, et il
s’agit sûrement de bons pratiquants. Ils
Christ qui sauve
avaient sans doute fait des dons à la société
des « gens battus », mais ils n’ont pas voulu
le monde. »
voir ce pauvre blessé. C’est un Samaritain,
un impie aux yeux des Juifs, qui le secourt
et le soigne.
Rencontrer des personnes qui nous La souffrance des innocents
obligent à sortir de nos enfermements et a-t-elle vraiment une valeur
de nos peurs est nécessaire. Chacun a les aux yeux de Dieu ?
siennes ; moi aussi. Et la rencontre dont Évidemment, elle a une valeur extraor-
nous avons le plus peur est celle de Dieu : dinaire, phénoménale ! La valeur de la souf-
dans la prière, comme dans notre prochain. france des innocents rejoint intimement
Impossible de rencontrer l’un sans ren- celle du Christ sur la Croix. Dans leur souf-
contrer l’autre. Saint Matthieu, au chapitre france se renouvelle le sacrifice du Christ
25 de son Évangile (verset 45), rapporte les qui sauve le monde. Je perçois de plus en
paroles du Christ : « Ce que vous avez fait plus le sens de cette souffrance dans une
au plus petit d’entre les miens, c’est à moi dimension qui nous dépasse. Je repense à
que vous l’avez fait. » un jeune accueilli qui était myopathe,
Alors comment garder un cœur ouvert ? Darwin Ramos (1994-2012). Avec l’aide du
La réponse est dans les petits actes d’amour Cardinal Luis Antonio Tagle, l’archevêque
du quotidien qui mènent à la sainteté. Ils de Manille, nous avons ouvert son procès
préparent les plus grands choix, les déci- de béatification tellement il était rayon-
sions les plus courageuses. Ouvrons les nant. Il répétait : « À chaque fois que je
yeux pour voir les milliers d’opportunités souffre, je sais qu’il y a du bien qui se fait à
d’aimer que le Bon Dieu met sur notre l’autre bout du monde. » Il offrait sa souf-
route. Et d’abord dans le cercle familial ! france, il ne parlait pas de sa maladie, mais
Attention, je ne parle pas du cocon fami- de sa « mission ».
lial refermé sur lui-même, mais de la Cependant, je ne suis pas en train de
famille ouverte vers l’extérieur, capable faire l’apologie de la souffrance. Et la plus
d’accueil. belle réponse en face d’une personne
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
38
Grand
entretien
« L’inverse
qui souffre est de chercher à la soulager. de l’amour,
D’abord, de lui offrir notre compassion,
non par de grands discours, mais simple- ce n’est pas
ment par notre présence, par notre écoute
bienveillante, par un geste, un sourire.
la haine, c’est
Ceux qui ont accompagné des malades
savent ce que je veux dire. Accompagner
l’indifférence. »
la personne fragile oblige à donner de son
temps, c’est un don gratuit que l’on ne peut
reprendre.
encore plus ma vie par la colère ? » Non
En quoi l’exemple héroïque seulement il a accueilli son père, mais il lui
des enfants des rues de Manille a pardonné. Il lui a donné la possibilité de
peut-il nous inciter à répondre retrouver son rôle de père aimant, mais
à l’absurdité du mal ? aussi celui de grand-père aimant. J’ai vu la
Je vous réponds par un exemple. Un de transformation de ce papa prodigue. Paulo
nos jeunes, Paulo, est le fils d’un homme aurait pu refermer sa porte quand son père
pris dans des trafics de drogue, qui ne s’est a sonné, se dire : « Je vais lui faire subir ce
jamais occupé de lui et a terminé en pri- qu’il m’a fait subir. » C’était humain, lo-
son. Son garçon a construit sa vie seul, avec gique. Eh bien, non, il a choisi l’autre voie
l’aide de la fondation ; il s’est marié avec héroïque du pardon, source d’une vie
une jeune fille venant aussi de la rue. Ils inimaginable.
ont un petit garçon, et leur foyer est débor-
dant d’amour. Lui veut donner à son fils Nous sommes trop souvent
l’affection qu’il n’a jamais reçue de son endormis et complices face
père. Un jour ce dernier est sorti de prison. à l’inacceptable. Sommes-nous
Tous ses « amis » d’avant étaient absents tous coupables pour autant ?
pour l’aider. Il est allé frapper à la porte de Nous sommes tous pécheurs, donc tous
son fils qui l’a accueilli. coupables, tous complices. Même en allant
Quand il m’a raconté cela, je lui ai de- dans les bidonvilles, on peut s’endormir,
mandé s’il ne ressentait pas de colère ne pas mettre tout en œuvre pour soulager
contre son père. Sa réponse a été magni- la misère. Même au cœur d’une famille
fique : « Il n’a pas pu m’aimer quand j’étais aimante, on peut fermer les yeux sur les
petit et j’en ai souffert, pourquoi alourdir besoins de l’un ou de l’autre.
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
39
Je le répète, haïssons le mal, mais par Oui, nous sommes tous aveugles et
amour passionné du bien ! Il faut aimer nous avons besoin des lumières de l’Esprit
profondément le pécheur, celui que nous Saint pour nous réveiller. Je demande régu-
sommes et celui qui l’est en face de nous, lièrement de prier pour la fondation. Nous
mais haïr le mal qui détruit et fait tant souf- avons aussi besoin d’aide spirituelle, priez
frir. Unissons-nous dans ce combat contre pour les enfants et pour les personnes qui
lui. L’inverse de l’amour ce n’est pas la les accompagnent.
haine, c’est l’indifférence. Ce n’est pas nor-
mal que des enfants vivent dans une
décharge ! Et notre réponse doit être très À PARAÎTRE
concrète : les enfants pauvres ont besoin en septembre 2018
d’un toit, de repas, de pouvoir étudier… Mais pourquoi Dieu permet-Il cela ?
Mais la première réponse doit être la Les enfants des rues face à la question du mal,
compassion. par le Père Matthieu Dauchez, éd. Artège.
ANAK-Tnk,
une ONG en croissance www.anak-tnk.org
« Dieu nous demande de Elle prend soin aujourd’hui Père jésuite Jean-François
construire une cathédrale de plus de 1 500 enfants Thomas, célèbre vingt an-
avec des petites pierres… » issus des rues, des bidon- nées de service auprès des
ANAK-Tnk est une organisa- villes, des décharges, han- enfants les plus démunis.
tion non gouvernementale dicapés ou non, répartis
venant en aide aux enfants dans 30 centres. L’association ANAK-Tnk
défavorisés de Manille, pour ne vit que de dons. Son an-
leur éducation, leur nutri- Depuis février 2017, tenne française a été créée
tion, leur santé et leur pro- une maison accueille aussi pour faire connaître et sou-
tection. Elle s’attache à apai- les personnes âgées aban- tenir la multitude d’actions
ser leurs blessures et à déve- données dans la rue. entreprises.
lopper leur vie spirituelle.
2018 est une année Contact en France :
Fondée en 1998, ANAK- toute particulière puisque 8, rue des Réservoirs,
Tnk n’a cessé de grandir. ANAK-Tnk, fondée par le 78000 Versailles.
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
Interview 40
Seule la Croix
donne un sens
à nos souffrances
S.OUZOUNOFF-CIRIC
Dans son ouvrage La sagesse de la Croix (1),
le Père Joël Guibert invite à faire
de nos souffrances des chemins de vie
et de croissance. Vous qui traversez Le Père Joël Guibert,
l’épreuve, osez ouvrir ce livre : est prêtre du diocèse de Nantes et
c’est un phare, un trésor, et prédicateur. Dernier ouvrage paru :
Contempler l’Au-delà pour vivre
un antidote contre le désespoir. pleinement l’Ici-bas (éd. Téqui).
L
a Sagesse de la Croix : nouissement, on est fait pour le bonheur,
avec un titre pareil, le jansénisme n’est plus de mode, Vatican II
vous cherchez à faire est passé par là ! »
fuir le « client » ? Nous sommes effectivement faits pour
Pour nombre de nos contem- le bonheur, mais je n’ai pas le droit de
porains, la Croix est en effet le résidu d’une rayer cette phrase du Christ : « Si quelqu’un
religion arriérée, violente et doloriste. Il veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-
semblerait même que les chrétiens se même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il
soient laissé gagner par ce rejet, cette honte me suive » (Mc 8, 34). Porter sa croix n’est
de la croix de leur Seigneur. J’entends sou- pas une option facultative pour le chré-
vent : « Mais enfin, Père, soyez de votre tien, cela fait partie de sa marque de
temps : offrez-nous une religion de l’épa- fabrique.
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
41
« La visée de la Croix
n’est pas d’en rajouter
aux souffrances des
Ma prise de conscience de ce point a été hommes, mais de
« gonflée » par l’enseignement des saints,
qui sont les meilleurs exégètes de l’Évan-
leur permettre
gile : or, tous annoncent la Croix. Là, j’ai vu de souffrir
avec clarté le décalage entre cet Évangile de
la Croix et son déni dans un certain discours autrement. »
pastoral actuel.
Interview 42
juge inacceptable que Dieu puisse C’est votre itinéraire, pas celui
emprunter un tel chemin d’amour, puisque de tout le monde ?
le Christ aurait pu nous sauver autrement ! Mon itinéraire rejoint celui de chacun :
il faut tout faire pour lutter contre le mal,
Vous répondez quoi à Nietzsche ? mais on sait bien qu’on ne peut pas enlever
Ce que le Saint Curé d’Ars avançait à la croix de notre vie. Or, tant qu’on reste
propos de la Trinité : « Dieu, on ne Vous dans le « pourquoi ? », on ne comprend pas.
connaît bien qu’en Vous aimant. » Cela Alors : ou je « fais avec » ; ou je me révolte ;
s’applique à la souffrance rédemptrice : ou je me résigne ; ou j’entre enfin dans
« Croix du Sauveur, on ne vous connaît l’abandon d’amour. Et là, tout change. Cela
bien qu’en vous aimant ! » Passer de l’état n’enlève pas la souffrance, mais cela lui
du petit raisonneur à l’amoureux. On ne donne un sens. Et l’Esprit prodigue alors,
peut séparer le message de la Croix du au sein même de l’épreuve, une paix et une
visage du Christ. joie que Lui seul peut donner.
Vous confiez avoir fui votre croix Ce livre est écrit, dites-vous, pour
pendant des années, jusqu’au « les cabossés de la vie et autres
jour où elle vous a rattrapé. cœurs douloureux »...
Pouvez-vous en dire plus ? Oui, c’est un livre de compassion, un
À la suite d’une blessure d’enfance, j’ai vrai cri lancé aux souffrants, afin que ne soit
souffert d’un profond mal-être avec des pas « perdue » leur douleur : « Tout ce qui
peurs et des angoisses pénibles. Pendant n’est pas donné est perdu », dit un proverbe
vingt ans, j’ai demandé au Seigneur de indien. Cette mystérieuse présence du
m’en délivrer, alternant révolte et Christ victorieux au cœur de chaque épreuve
résignation. humaine est un trésor sans prix, capable de
Puis, à la suite d’une rencontre lumi- transfigurer une vie et même une fin de vie.
neuse, j’ai commencé à comprendre qu’il L’école de la Croix est une formidable entre-
valait mieux allumer une petite bougie dans prise de « recyclage » de la souffrance au
la nuit que de maudire le jour. Au lieu d’ac- service du monde et de l’Église : elle permet
cuser avec mes « Pourquoi ? », j’ai demandé : à Dieu d’y injecter de l’amour, antidote au
« En vue de quoi ? » Je suis passé de la pro- venin du péché et du mal. En ces temps si
vocation à la vocation : j’ai commencé à importants, c’est l’Esprit Lui-même qui
m’abandonner et à Lui faire confiance. s’adresse à chacun : « On embauche à l’école
Là, enfin, comme je n’étais plus dans de la Croix, au service de la nouvelle Pente-
une attitude arc-boutée, le Seigneur m’a côte, de la civilisation de l’amour. »
révélé des trésors de miséricorde par son
Esprit Saint. (1) Éditions de l’Emmanuel.
La tactique du diable :
Pour décourager, exacerber
le scandale de la souffrance
Par Paul Clavier
d’après C. S. Lewis.
Paroles
SÉRIE
44
à transmettre
L
e sommet de ce pèlerinage terrestre pour les nations et, en un sens, pour l’huma-
dans la foi est le Golgotha, où Marie nité entière » (Redemptoris Mater, § 6).
vit intimement le mystère pascal de
son Fils : elle meurt, dans un certain sens, C’est elle l’Étoile du troisième millénaire,
comme mère, dans la mort de son Fils, et comme elle a été aux débuts de l’ère chré-
s’ouvre à la « résurrection » avec une nou- tienne l’Aurore qui a précédé Jésus à l’ho-
velle maternité à l’égard de l’Église (cf. Jn 19, rizon de l’Histoire. En effet, Marie est née
25-27). Là, sur le Calvaire, Marie fait l’expé- chronologiquement avant le Christ et elle L’a
rience de la nuit de la foi, semblable à celle engendré et inséré dans notre histoire hu-
d’Abraham sur le mont Moriah, et après l’il- maine.
lumination de la Pentecôte, elle continue à
pérégriner dans la foi jusqu’à l’Assomption, Nous nous adressons à elle afin qu’elle
lorsque son Fils l’accueille dans la béatitude continue à nous guider vers le Christ et le
éternelle. Père, également dans la nuit ténébreuse du
mal, et dans les moments de doute, de crise,
« La Bienheureuse Vierge Marie conti- de silence et de souffrance.
nuer d’occuper “la première place” dans le
peuple de Dieu. Son pèlerinage de foi excep-
tionnel représente une référence constante
pour l’Église, pour chacun individuellement Marie, Pèlerin de la foi,
et pour la communauté, pour les peuples et audience du 21 mars 2001.
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
45
Pape émérite
La foi dans le jugement final, Benoît XVI
source d’espérance
D
ieu Lui-même s’est donné une sommes pas capables de concevoir et que ce-
« image » : dans le Christ qui s’est fait pendant, dans la foi, nous pouvons pressentir.
homme. En Lui, le Crucifié, la négation
des fausses images de Dieu est portée à l’ex- Oui, la résurrection de la chair existe. Une
trême. Maintenant, Dieu révèle son propre vi- justice existe. La « révocation » de la souffrance
sage dans la figure du Souffrant, qui partage la passée, la réparation qui rétablit le droit,
condition de l’homme abandonné de Dieu, la existent. C’est pourquoi la foi dans le Jugement
prenant sur Lui. Ce Souffrant innocent est de- final est avant tout et surtout espérance.
venu espérance-certitude : Dieu existe et Dieu
sait créer la justice d’une manière que nous ne Encyclique Spe Salvi, § 43.1.
L
es paroles de l’Apôtre Pierre jettent un de comprendre le mystère de la Croix et de
dernier rayon de lumière sur la foi : participer aux souffrances du Christ (cf. Col
« Vous en tressaillez de joie, bien qu’il 1, 24), sont un prélude à la joie et à l’espé-
vous faille encore quelque temps être affligés rance où conduit la foi : « Lorsque je suis
par diverses épreuves, afin que, bien éprou- faible, c’est alors que je suis fort » (2Co 12, 10).
vée, votre foi, plus précieuse que l’or péris- Nous croyons avec une ferme certitude que
sable que l’on vérifie par le feu, devienne un le Seigneur Jésus a vaincu le mal et la mort.
sujet de louange, de gloire et d’honneur, lors Avec cette confiance assurée, nous nous en
de la Révélation de Jésus-Christ. Sans L’avoir remettons à Lui : présent au milieu de nous,
vu, vous L’aimez ; sans Le voir encore, mais en Il vainc le pouvoir du Malin (cf. Lc 11, 20)
croyant, vous tressaillez d’une joie indicible et et l’Église, communauté visible de sa misé-
pleine de gloire, sûrs d’obtenir l’objet de votre ricorde, subsiste en Lui comme signe de la
foi : le salut des âmes » (1Pi 1, 6-9). réconciliation définitive avec le Père.
Paroles
SÉRIE
46
à transmettre
Q
u’est-ce que cela signifie : la com- la plus profonde entre les membres de
munion des saints ? C’est la com- l’Église. Dans l’Eucharistie, en effet, nous
munion qui naît de la foi et unit rencontrons Jésus vivant et sa force, et
tous ceux qui appartiennent au Christ en à travers Lui, nous entrons en commu-
vertu du baptême. Il s’agit d’une union nion avec nos frères dans la foi : ceux qui
spirituelle – nous sommes tous unis ! – vivent avec nous sur cette Terre, et ceux
qui n’est pas brisée par la mort, mais qui qui nous ont précédés dans l’autre vie, la
se poursuit dans l’autre vie. vie sans fin.
47
la Mère de Jésus. Marie est au centre de Pour celui qui veut suivre Jésus sur
la communion des saints, comme gar- la voie de l’Évangile, elle est le guide sûr,
dienne particulière du lien de l’Église car elle est la première disciple. Elle est
universelle avec le Christ, du lien de la fa- la Mère prévenante et attentive, à qui
mille. Elle est la Mère, elle est notre Mère, confier chaque désir et difficulté.
notre Mère.
Angélus,
Toussaint 2014
U
n aspect de la lumière qui nous nécessaire pour garder la foi, la garder
guide sur le chemin de la foi est des chants des sirènes qui te disent :
aussi la « sainte ruse ». C’est aus- « Regarde, aujourd’hui nous devons faire
si une vertu, la « sainte ruse ». Il s’agit de ceci, cela… »
cette rouerie spirituelle qui nous permet
de reconnaître les dangers et de les évi- Mais la foi est une grâce, elle est un
ter. Les Mages surent utiliser cette lu- don. Il nous revient de la garder avec
mière de « ruse » quand, sur la route du cette « sainte ruse », avec la prière, avec
retour, ils décidèrent de ne pas passer l’amour, avec la charité. Il faut accueil-
par le palais ténébreux d’Hérode, mais lir dans notre cœur la lumière de Dieu
de prendre un autre chemin. et, en même temps, cultiver cette ruse
spirituelle qui sait unir simplicité et as-
Ces sages venus d’Orient nous en- tuce, comme le demande Jésus à ses dis-
seignent comment ne pas tomber dans ciples : « Soyez prudents comme les ser-
les pièges des ténèbres et comment nous pents, et candides comme les colombes »
défendre de l’obscurité qui cherche à (Mt 10, 16).
envelopper notre vie. Eux, avec cette
« sainte ruse », ont gardé la foi. Homélie,
Épiphanie 2014.
48
Repères
Q
uand je souffre, je peux d’abord Dieu aime énormément ce combat que
m’offrir moi-même. Et puis, je mène contre le mal avec l’aide des méde-
offrir à Dieu l’effort que je fais cins et de ma famille, car Dieu, nous dit la
pour guérir, le cachet que j’ab- Bible, est en colère contre le mal sous toutes
sorbe pour mon mal de crâne, ses formes. C’est pourquoi j’ai le droit de
a fortiori la chimio que je viens de subir. Lui dire, comme Jésus l’a fait Lui-même au
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
49
« Ce n’est pas
ma souffrance
qui plaît à Dieu,
Calvaire : « Pourquoi, mon Dieu, pour-
quoi ? », « Pourquoi tant de souffrance sur mais cette espèce
cette Terre ? » Ce sentiment de révolte, qui
peut durer, n’est pas un péché, puisqu’il de sourire intérieur
participe en quelque manière à la révolte
de Dieu Lui-même contre le mal.
que je continue
Je peux me rappeler aussi ce qu’ont vécu
à Lui offrir. »
les saints quand ils souffraient, à savoir
l’abandon à la sainte volonté de Dieu. Si
Dieu permet cette épreuve, c’est pour un cier au sacrifice que Jésus Lui a offert sur la
bien que, la plupart du temps, je ne connaî- Croix. « Par Lui, avec Lui et en Lui », je peux
trai qu’au Ciel. Quand la petite Bernadette offrir à Dieu tous les actes d’amour que je
de Lourdes, devenue sœur Marie-Bernard, suis amené à faire dans mes heures de souf-
souffrait terriblement de son asthme dans france. Car il est évident que ce n’est pas ma
son couvent de Nevers, elle le vivait en redi- souffrance en elle-même qui plaît à Dieu,
sant le « oui » que la Sainte Vierge lui avait mais cette espèce de sourire intérieur que
appris à dire à la volonté de Dieu. je continue à Lui offrir au cœur de ma souf-
france, alors que j’aurais plutôt envie de
Une acceptation gémir, de m’enfuir, de me refermer. Ce sou-
qui dépasse mes forces rire répare tous les murmures des hommes
Cette acceptation dépasse mes forces. contre Dieu.
Elle n’est pas naturelle, mais surnaturelle.
C’est ce que le prêtre rappelle en introdui- Ce mystère de la souffrance rédemp-
sant le Notre Père. C’est « unis dans le même trice, l’Apôtre Paul l’a exprimé dans une
Esprit » que nous pouvons dire : « Père… Que formule percutante de sa Lettre aux Colos-
Ta volonté soit faite ! » Quand je souffre, je siens : « J’achève en ma chair ce qui manque
ne dois pas oublier de supplier tout de suite à la Passion du Christ pour son Corps, qui
Jésus de faire passer en moi son Esprit pour est l’Église » (1, 24). Cette conviction a per-
que je puisse dire moi aussi, comme Lui : mis depuis des siècles à des milliers de
« Père, non pas ce que je veux, mais ce que malades chrétiens de vivre leurs épreuves
Tu veux ! » (Mc 14, 36). de santé, sinon dans la joie, du moins dans
la paix. La paix que donne la certitude de
Le comble, c’est que cette acceptation ne pas vivre quelque chose d’inutile, quand
contribue au salut du monde. Dans son on a le corps ou le cœur tout chaviré par
immense miséricorde, Dieu veut m’asso- la souffrance.
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
2
Avancer dans Offrir
l’acceptation 3 par amour
Ensuite, il est indispensable d’avancer Enfin, le plus beau geste reste à faire :
sur la voie de l’acceptation : oui, accep- celui de l’oblation. L’offrande, effec-
ter qu’il en soit ainsi, non par résigna- tuée par amour du Seigneur et de nos
tion plus ou moins aveugle, mais parce frères, permet d’atteindre à un degré
que la foi nous assure que le Seigneur parfois très élevé de charité théolo-
peut et veut tirer le bien du mal. Com- gale, c’est-à-dire de se perdre dans
bien, ici présents, pourraient témoi- l’amour du Christ et de la Très Sainte
gner que l’épreuve, acceptée dans la Trinité pour l’humanité. Ces trois
foi, a fait renaître en eux la sérénité, étapes vécues par chacun des souf-
l’espérance... […] Ceux qui vous frants, selon son rythme et sa grâce,
entourent [...] cherchent justement à lui apportent une libération intérieure
vous faire aimer la vie [...], autant qu’il étonnante. N’est-ce pas l’enseigne-
est possible, comme un don de Dieu ! ment paradoxal rapporté par les évan-
gélistes : « Celui qui perd sa vie à cause
de moi la trouvera » (Mt 16, 25) ?
(1) Voir p. 78.
(2) Discours aux malades pélerins
de Lourdes, 15 août 1983.
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
51 Interview
La dépression,
une épreuve spirituelle ?
Comment traverser chrétiennement
une phase dépressive, alors qu’elle
s’accompagne souvent d’une nuit Le Père Jean-François Catalan sj,
de la foi ? Réflexions d’un professeur émérite de psychologie,
est notamment l’auteur de
prêtre psychologue. Dépression et vie spirituelle (éd. DDB).
U
n chrétien a-t-il le expression de saint Jean de la Croix. Ils ont
droit d’être déprimé ? éprouvé, quelquefois jusqu’au désespoir, le
La dépression est une découragement, la tristesse, l’angoisse, le
maladie, et le chrétien n’est dégoût de vivre… Saint Alphonse de Ligori
pas exempté de la maladie ! La a passé sa vie dans l’obscurité tout en récon-
foi sauve, elle ne guérit pas, pas toujours en fortant les âmes (« Je souffre un enfer »,
tout cas. Elle n’est pas un médicament, disait-il parfois), comme le saint Curé d’Ars
encore moins une panacée ou un antidote ou, plus récemment, sainte Teresa de Cal-
magique. En revanche, elle offre à celui qui cutta. Pour sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus,
accepte de s’y ouvrir, la possibilité de vivre à la fin de sa vie, « un mur [la] séparait du
autrement cette épreuve. Et un chemin d’es- Ciel ». Elle ne savait plus si Dieu, si le Ciel
pérance, ce qui est énorme, puisque la existaient. Or, elle a vécu cette épreuve dans
dépression mine l’espérance. l’amour. Cette « dépression » n’a pas empê-
Les grands saints furent nombreux à ché ces saints de tenir dans la nuit grâce à
traverser d’épaisses ténèbres, ces « nuits un acte de foi. Et ils ont été sanctifiés par
obscures », pour reprendre la fameuse cette foi elle-même, dans la nuit.
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
Interview 52
Blaise Pascal demandait à Dieu une vraie vie, qu’elles soient de nature phy-
de pouvoir faire « bon usage » sique (maladies, infection, virus, cancer…),
de sa maladie. Est-ce possible psychique (toutes les formes de processus
dans le cas de la dépression ? névrotiques, conflits intimes, frustrations
Je crois qu’on peut la vivre dans une atti- diverses…), ou spirituelle.
tude d’abandon à Dieu. C’est héroïque, il Il faut rappeler que, si les états dépres-
faut le souligner. À ce moment-là, le sens sifs peuvent avoir des causes physiques ou
de la maladie est changé ; s’ouvre une brèche psychologiques, ils peuvent aussi avoir des
dans le mur, même si la souffrance et la soli- causes spirituelles. Il y a dans l’âme humaine
tude ne sont pas supprimées. C’est le fruit de la tentation, de la résistance, du péché.
d’un combat constant ; c’est aussi une grâce On ne peut passer sous silence l’action de
reçue... l’Adversaire, le Satan, qui cherche à nous
Il y a deux mouvements. D’un côté, je « mettre des bâtons dans les roues » – tra-
fais ce que je peux, même si c’est minime duction libre du mot grec diabolos –, pour
et apparemment inefficace, mais je le fais, nous empêcher de progresser vers Dieu. Il
en acceptant de prendre des médicaments, peut jouer et profiter de l’état de déréliction,
de suivre une psychothérapie s’il le faut, de désolation, de dépression. Son but est
en essayant de renouer des contacts ami- de décourager et de désespérer.
caux... Et c’est parfois très difficile, car les
amis s’en sont allés, les proches sont sou- La dépression peut-elle
vent découragés. De l’autre côté, je compte être un péché ?
sur cette grâce de Dieu, qui me retient de Certainement pas, c’est une maladie !
désespérer. Mais une certaine forme de laisser-aller
dans la dépression peut ne pas être sans
Vous évoquez les saints, rapport avec une démission, un manque
mais pour les gens ordinaires, de foi, une désespérance, qui peuvent être
comme nous ? de l’ordre du péché. Les Pères du désert
C’est vrai que l’exemple des saints nous dénommaient cette démission « acédie ».
paraît parfois lointain. Nous vivons souvent Ce fléchissement spirituel dont on est com-
davantage dans la grisaille que dans la nuit… plice, cette tiédeur consentie, conduisent à
Mais nous expérimentons, comme les une tristesse profonde qui peut provoquer
saints, que toute vie chrétienne est, d’une un état dépressif.
manière ou d’une autre, un combat : un
combat contre le découragement, contre Vous citez à la fin de votre livre
les formes de repli sur soi, d’égoïsme, de la chanson de votre ami, le Père
désespérance… Ce combat est de tous les Duval : « Pourquoi, Seigneur,
jours, et il concerne tout le monde. Tu fis la nuit si longue ? »…
Chacun doit se battre en lui-même contre Cette « nuit si longue », c’est la nuit de
des forces de destruction qui s’opposent à tous les angoissés, de tous les déprimés, et
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
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54
55
DES TÉMOINS
POUR NOUS
AIDER
Ceux que les difficultés ont fait mûrir et qui ont
choisi la Vie sont nos guides dans la foi. La Vierge
Marie et les saints, au premier chef ; mais aussi
tous nos frères et sœurs souffrants dont la foi
au Christ allège le fardeau.
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
56
Rencontre
« Mon corps,
ma bataille »
Infirme moteur cérébral, Jean-Baptiste
Hibon tente chaque jour de dompter
F. COLLINI
ses membres, et le regard des autres.
Une ascèse pour un homme qui a choisi Jean-Baptiste Hibon
la communication pour profession. est psychosociologue,
auteur (1) et conférencier.
I
l s’est posé et a fait son nid sur catastrophe), il a, en raison de son handi-
la colline de Fourvière, qui sur- cap, des airs d’albatros maladroit lorsqu’il
plombe Lyon. Avec son épouse Sé- se meut dans l’espace, ses bras battant l’air
verine-Arneld (2), Jean-Baptiste Hi- de façon désordonnée. « En plus, les miens
bon a volontairement installé leurs sont immenses ! », articule laborieusement
trois fils âgés de 15 à 4 ans à quelques cet homme dont l’intelligence n’a pas été
encablures du centre-ville mais suffi- touchée par le handicap, pas plus que son
samment loin pour pouvoir s’extirper lui- sourire, franc et imposant.
même de l’agitation et du rythme effréné Lorsque Jean-Baptiste parle, il est éga-
de la cité. Infirme moteur cérébral depuis lement semblable à l’albatros – à son vol,
sa naissance (à cause d’un accouchement élevé et gracieux cette fois. À tel point que
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
57
« Ma fragilité
ce psychologue de formation a choisi la
et mes limites
profession de conférencier. Un pied-de- me permettent de
nez à tous ceux qui, le voyant et l’enten-
dant pour la première fois, supposent faire passer
que son handicap n’est pas que physique.
« C’est ce qui me fait le plus souffrir : ce dé- des choses fortes
calage entre mes capacités physiques et
celles de mon intelligence. Je me sens par-
sur la nature
fois comme un moteur de Porsche dans humaine. »
une carrosserie de 2 CV ! »
Si Jean-Baptiste file la métaphore au-
tomobile pour détendre son interlocu-
teur, il n’en reste pas moins qu’il ne s’est son handicap une opportunité. « Dans
jamais habitué à son sort. « J’essaie de dé- mes conférences, ma fragilité et mes li-
passer mon handicap, de l’intégrer, mais mites me permettent de faire passer des
c’est un combat à recommencer chaque choses fortes sur la nature humaine »,
jour, explique-t-il. Je suis dans un rapport explique-t-il, lui qui a fondé Le Réseau
de force permanent avec mon corps. Tou- humain, qui ambitionne d’améliorer la
jours à devoir équilibrer mes capacités in- qualité de vie des personnes handica-
tellectuelles avec mes limites physiques, je pées via les nouvelles technologies. « In-
suis continuellement en quête de nouvelles ternet, dans une certaine mesure, permet
solutions pour gérer cette dissonance. » d’abolir la contrainte physique liée aux
corps handicapés. »
Canaliser la révolte Malgré son handicap, il vit donc une
L’aïkido en est une. L’intérêt de cet existence bien remplie, entre son activité
art martial est qu’il met à profit la force professionnelle et ses rôles d’époux et de
de l’autre. « La pratique de l’aïkido cor- père de famille. « J’ai toujours eu le désir
respond toujours pour moi à un mo- de me marier, mais j’étais angoissé que ce
ment d’apaisement, de domptage de mon soit avec une femme valide. Car dans mes
corps », souligne Jean-Baptiste. Une ma- rêves, je pensais épouser une femme handi-
nière de canaliser aussi les sentiments de capée ! », avoue-t-il.
révolte qui ne manquent pas de resurgir De l’autre côté du salon familial, la
épisodiquement. « Le handicap n’est pas confidence fait sourire Séverine-Arneld,
un bien. C’est toujours dramatique, une avec qui il est marié depuis seize ans. Elle
erreur de la nature », précise celui qui, se souvient de leur première rencontre :
enfant, voyait tous ses copains faire du « Je me trouvais à l’arrière de la voiture
scoutisme quand lui en était empêché. d’une amie. Lui est monté devant, côté pas-
Jean-Baptiste Hibon a néanmoins fait de sager. Il était très chic et je me suis dit :
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
58
Rencontre
“Encore un type bien dans sa peau, sans l’unifie : « Notamment dans nos moments
problème dans la vie.” Et puis, j’ai entendu de tendresse, ma femme me reconnaît
sa voix, si particulière. À ce moment pré- corps ET esprit. Un sentiment que j’ai aussi
cis, j’ai pensé que ce jeune homme avait connu lorsque, adolescent, j’ai compris que
certainement une histoire hors norme. » j’avais du prix aux yeux de Dieu ».
Neuf mois après, les deux amoureux se Car la foi est l’une des clés de la ré-
mariaient. conciliation qui est à renouveler chaque
jour entre Jean-Baptiste et son corps.
« Son handicap me rassure » « Les jours où je me sens gagné par la
« Parfois, je me dis que je n’aurais jamais colère, par un sentiment d’injustice face
pu épouser quelqu’un d’autre », confie Sé- à ce handicap subi, je me tourne vers Jé-
verine-Arneld, qui souffre du regard posé sus qui a porté nos fautes jusqu’à la Croix,
sur son mari. « Son handicap ne m’a jamais Quelqu’un qui est allé plus loin que moi
fait peur. Au contraire, dans l’acceptation de la
il me rassure, car j’ai souffrance. »
connu des moments Chez Jean-Bap-
très durs dans ma vie. « Les jours où tiste, l’espérance est
En le rencontrant, toute tournée vers
j’ai pensé qu’il serait je me sens gagné le jour de la résur-
en mesure de me par la colère, par un rection finale. « Je
comprendre, parce ne sais pas com-
que lui aussi avait sentiment d’injustice, ment ça se passera.
“dégusté”. »
Elle apprécie aus- je me tourne Mais je suis sûr que
les corps les plus
si, dans l’intimité,
sa prévenance : « Je
vers Jésus. » abîmés, comme le
mien, seront dans
crois que sa fragilité l’éternité les plus
physique le rend plus rayonnants ! »
attentif aux moments de vulné-
rabilité qu’une femme peut connaître. Il est (1) Une sacrée erreur - Laissez le handicap
capable d’anticiper ce dont j’ai besoin. » vous rééduquer (éd. du Cerf ).
(2) Auteur de Madame fait de la résistance -
De son côté, Jean-Baptiste explique Être une femme de résurrection
comment le regard d’amour de sa femme (éd. du Cerf ).
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
Témoignage
59
Dans l’infertilité,
un cri d’espérance
Mariés depuis treize ans,
ces époux sont éprouvés
par la longue attente d’un enfant.
Un chemin de croix. Louis et Valérie Guillaume sont engagés
à Sainte-Colette des Buttes-Chaumont (Paris).
A
ffables, Louis et Valérie re- La douleur est mêlée d’incompréhen-
çoivent volontiers dans leur sion. Pourquoi le Seigneur leur refuse-t-Il
appartement haussmannien cet enfant si désiré alors qu’Il les a unis se-
décoré avec goût. Comme lui, lon un plan connu de Lui seul ? Ils se sont
le couple affiche un look soi- mariés tardivement, à 37 et 38 ans, alors
gné : cheveux mi-longs, lunettes à bords que Louis avait tout quitté, deux ans aupa-
épais et col roulé sombre sous son costume ravant, pour entrer au monastère, et que
pour Louis ; silhouette élégante, carré blond Valérie avait, du même coup, abandonné
et rouge à lèvres assorti à son pull pour Va- tout projet de mariage. « Ayant déjà vécu
lérie. Une cinquantaine qui ne se remarque cette épreuve de l’attente d’un conjoint, je
pas, de belles situations professionnelles, me suis dit : “Dieu va être sympa, mainte-
des talents artistiques... On pourrait en res- nant” », se souvient Valérie avec un sourire.
ter à l’apparence et ne pas voir la douleur « Et si moi, j’étais redescendu de ma mon-
profonde qui se cache. Le couple n’a pas tage, c’était pour fonder une famille, pour
d’enfants. Une situation qui est une épine avoir une fécondité humaine. Pas une fé-
dans leur chair, même après treize ans de condité spirituelle ! », s’exclame Louis.
mariage : « La paix que nous pouvons res-
sentir n’épargne pas la souffrance, souligne Entre révolte et grâces de paix
Louis. C’est une épreuve mortifère, on fait Las, malgré un rude parcours médical,
l’expérience d’une absence dramatique. » à 43 ans, Louis et Valérie restent sans en-
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
Témoignage
60
fant. Un long chemin d’acceptation com- se situer par rapport à Dieu, ce que Dieu
mence, fait de hauts et de bas, de révoltes lui demandait… », raconte Louis. Au sein
et de grâces de paix. « S’est posée bien sûr de la paroisse Sainte-Colette – la première
la question de l’adoption, lance Valérie, à Paris à proposer un lieu d’accueil pour
devançant la question facile qui brûle les les couples infertiles, qui les a soutenus –,
lèvres. « Seulement, pour moi, elle provoque Louis et Valérie ont pris la responsabilité du
une indignation supplémentaire. » Dans sa groupe pour les couples en espérance d’en-
voix, la colère gronde : « À notre âge, seule fant. Ils ont également pris celle du parcours
l’adoption internationale est ouverte. Et les Alpha Couple à Saint-Séverin. Ils écoutent
gens n’ont aucune idée de ce que ça veut dire. et aident ainsi les uns à trouver un chemin
Entrer dans une filière, prendre un avocat… de paix, les autres à communiquer, à se par-
C’est le parcours du combattant ! Non seu- donner mutuellement. Un engagement au
lement nous sommes infertiles, mais il fau- service du couple qui rejaillit au-dehors de
drait en plus nous battre pour adopter ? » la sphère catholique : « Un collègue m’a de-
mandé dernièrement si j’avais des adresses,
L’amour, possible dans l’épreuve car un couple de ses amis était en grande
Devant tant de souffrance, on ose po- souffrance », relate Valérie.
ser d’une voix timide la question de cette Rien de prémédité, d’acquis. Ce couple
fameuse « autre fécondité », promise aux qui aime tant pèleriner ensemble marche
couples infertiles un peu automatique- « les yeux braqués vers le Christ » sur un
ment, et dont on pressent qu’elle pallie dif- chemin incompréhensible, mais pourtant
ficilement l’absence d’enfant. « Les autres donné par Dieu. Tel Abraham qui ne com-
nous disent : “Vous êtes magnifiques, vous prend pas pourquoi Dieu lui demande de
rayonnez…”, souffle Valérie. Mais c’est le sacrifier son fils unique, et qui pourtant
temps qui va nous donner de voir les fruits de se met en route : « Nous faisons partie de
cette attente, de cette espérance particulière. tous ceux à qui le Seigneur demande d’en-
Malgré tout, je crois que Dieu veut notre trer dans l’espérance. Par elle, nous tenons
bonheur. » « La fécondité, on la reçoit plus quelque chose de l’éternité qui n’est pas en-
qu’on ne la décide », ajoute Louis. Après un core là. Sans cela, ce serait très difficile. »
temps de silence, il tente : « Notre fécondité, Dehors, un rayon de soleil fait son appari-
c’est d’être des témoins que l’amour conju- tion. « Notre vie est comme cette rue, relève
gal est possible dans cette épreuve. » Louis. On peut la trouver sale et bruyante.
C’est lors d’une retraite qu’ils ont pris Mais dès qu’il y a du soleil, tout change :
conscience de la force de leur témoignage. c’est le Paris haussmannien, avec sa pierre
Par rapport aux autres couples avec enfants, blonde et son fer forgé… L’espérance opère
« nous témoignions que nous cherchions à la même chose dans nos existences. Elle
comprendre comment notre couple devait éclaire tout, sans que rien ne change. »
Marine de Coupigny, paraplégique :
« J’ai choisi la vie »
Propos recueillis par Luc Adrian.
«A
ssise dans mon fauteuil sentiel. Je suis très gâtée matériellement,
roulant, je mesure j’ai la chance de pouvoir me faire plaisir –
1 m 29 – cela m’évite de peindre, voir des amis… J’en profite, mais
regarder les gens de je ne me laisse plus posséder par le super-
haut… Je suis paraplé- flu ni séduire par l’apparence.
gique depuis vingt-sept ans. Depuis ce 4 août
1986… Mon mari conduisait trop vite. Il a Une vivante qui rend grâce
perdu le contrôle ; nous avons plongé dans Bien sûr, j’ai une nature positive, un
un champ ; cinq tonneaux et le noir. À mon caractère enthousiaste et combatif. Mais la
réveil, j’avais perdu mes jambes… et mon joie profonde de vivre qui m’anime, je l’ex-
mari, tué sur le coup. Nos trois enfants, à l’ar- plique d’abord par cette foi chrétienne enra-
rière de la voiture, s’en sont sortis sans trop cinée depuis l’enfance. Ma vie a changé le
de dégâts, sauf Helena, notre dernière fille, jour de ma confirmation. L’Esprit Saint ne
qu’un traumatisme crânien handicapera m’a plus quittée : un Esprit de force et de
toujours. Mais elle est ma leçon de joie ! conseil dont j’ai besoin chaque jour, car je
J’aimais trop mon mari pour lui en vou- me sens si souvent dépassée…
loir. Alitée un an à l’hôpital, j’ai eu le temps Je ne suis pas un fauteuil roulant ! Je suis
de prier et de réfléchir. J’avais le choix : ou le la même Marine qu’avant : une vivante qui
choix de la vie, ou le (non)-choix de cette rend grâce, mais qui a été purifiée par le feu
mort lente que sont, à mes yeux, la plainte de l’épreuve. Je goûte chaque instant de la
perpétuelle, le rétrécissement apeuré. J’ai vie comme un cadeau en savourant parti-
choisi la vie. Et je l’ai choisi Lui, la Vie : « Sei- culièrement la joie que m’offrent mes
gneur, je ne peux plus rien faire : je suis obligé enfants et mes petits-enfants – ils viennent
de Te laisser faire. Puisque mon mari est parti, se blottir sur mes genoux insensibles
sois mon Époux ! » Dans mon impuissance, comme dans un couffin. Cela ne m’empêche
j’ai décidé de Le laisser agir et me nourrir. pas de savoir que l’Époux m’attend… et mon
L’accident a remis les choses à leur vraie mari. Quand l’heure sera venue, c’est le seul
place. Je ne peux plus tricher, je vais à l’es- excès de vitesse que je m’autoriserai ! »
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
62
Reportage
À Foi et lumière,
les messagers de la joie
Chaque mois, la communauté Foi et lumière
Saint-Augustin se réunit pour une journée d’amitié
et de prière. Ici, les rôles sont inversés : ce sont
les personnes avec un handicap qui sont les maîtres…
Par Marie de Varax.
« A
udrey ! Ça fait long- Le visage d’Audrey, une petite fille por-
temps qu’on ne s’est teuse d’un handicap mental, s’éclaire à
pas vues ! » s’exclame l’interpellation de Martine. Elle exprime
avec un grand sourire sa joie par des petits cris. Martine lui re-
Martine, une femme tourne son sourire. Il y a trente ans, c’était
dont les cheveux blonds pas très disci- elle qui était accueillie à bras ouverts avec
plinés encadrent deux yeux bleus rieurs. Claire, sa fille trisomique, qui avait alors
En ce froid dimanche de novembre, les l’âge d’Audrey. Elle cherchait à la faire
interpellations joyeuses qui fusent dans baptiser et avait du mal à trouver un lieu
la grande salle lumineuse de la maison d’accueil pour sa fille, mais aussi pour
paroissiale réchauffent l’atmosphère. elle-même, très isolée. La sœur tourière de
Comme tous les mois, la communau- l’hôpital où elle se rendait régulièrement
té Foi et lumière attachée à la paroisse lui avait alors parlé de Foi et lumière. Dans
Notre-Dame de la Gare (à Paris, dans le ce mouvement constitué d’une multitude
13e) se retrouve pour une journée d’ami- de petites communautés, personnes han-
tié, de prière et de fête. dicapées, familles et amis se retrouvent,
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
63
unis par ce constat révolutionnaire fait par crée des liens d’amitié si forts, que, plus de
la cofondatrice, Marie-Hélène Matthieu : trente ans après la fondation du groupe,
la personne handicapée est spécialement la plupart des premiers membres sont
aimée de Dieu, capable d’une relation encore là, fidèles, chaque mois. Une sim-
authentique avec Lui, voire d’une vraie plicité, enfin, qui permet d’arriver directe-
sainteté. Par là même, capable de rayon- ment à l’essentiel, au cœur. En cela, la per-
ner et d’entraîner les autres vers Jésus. La sonne handicapée se révèle un véritable
maman de Stéphane, porteur lui aussi de maître. De par son dénuement, elle a un
trisomie 21, s’en étonne encore en sortant accès direct au Mystère.
de la messe : « Vous avez vu comme il prie ?
Et c’est lui qui me pousse à venir à Foi et lu- Le handicap comme une richesse
mière, même quand je suis fatiguée et que Alors que l’on s’active à débarrasser la
je voudrais rester à la maison ! » table et que les enfants s’éparpillent dans
le jardin, c’est l’heure des confidences.
Proches par le cœur Annick, une amie de la Communauté, re-
Dans la grande salle, les estomacs traitée après avoir travaillé dans un centre
crient famine. Heureusement, chacun a pour enfants polyhandicapés, se souvient
apporté de quoi garnir la table. « Comme avec émotion de Corinne lui déclarant
d’habitude, il y a trop », glisse malicieu- à l’issue d’une adoration, avec son beau
sement Marie-Dominique, bergère du sourire édenté : « Je savais que Dieu exis-
groupe, responsable de l’animation des tait, mais là, Il est vraiment là ! » Foi et
réunions. Peu importe ! Oui, à Foi et lu- lumière fait partie de ces rares lieux où le
mière, c’est un peu la « foire », comme handicap n’est pas synonyme de « grand
aimait à plaisanter le prédécesseur de malheur », comme le dit le papa d’Audrey,
Marie-Dominique ; c’est pourquoi on mais de richesse. Comment ne pas être
s’y sent bien. Pas de mondanités, pas de édifié par Hélène, voulant comme seul
style guindé : « Ici, on est tranquille, on cadeau d’anniversaire aller à la messe ?
peut dire des choses gauches, bancales, Par Stéphane, qui va à la messe tous les
on est proches par le cœur », souligne la dimanches, seul de tout son foyer ?
maman de Stéphane, en servant sa spé- La réunion se termine par la prière. Le
cialité, les nouilles sautées. « On n’est pas groupe Saint Augustin a la chance de dis-
dans le faire, on est dans l’être. On n’a rien poser d’une grande chapelle dans le sous-
à faire d’autre que de partager », renchérit sol, avec la présence réelle. Dans le jour
la mère d’Audrey, sa petite dernière pelo- qui baisse, le chant composé en 2011 pour
tonnée contre son ventre rond – un heu- les 40 ans de Foi et lumière est entonné,
reux événement est prévu pour bientôt. comme un récapitulatif de ce qui se vit
Une simplicité de relations, sans juge- chaque mois : « Messagers de la joie, Jésus
ment ni arrière-pensée, qui est un véritable nous montre le chemin. Messagers de la
baume sur le cœur des parents, souvent paix, Il fait de nous ses témoins. Messagers
confrontés à l’incompréhension ou au re- de l’amour, Il nous guide chaque jour… »
jet de leur enfant. Une simplicité pleine de On part de cette réunion, le cœur léger,
tendresse – ici, on se prend par la main et conscients d’avoir rencontré quelques-
on s’embrasse comme du bon pain ! – qui uns des messagers de la vraie joie.
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
64
François
et Béatrice Morinière
« Le Ciel
nous est devenu
plus familier »
Deux ans et demi après la mort de leur fille
Sophie, en Guyane, sur la route des JMJ de Rio,
ses parents ont publié un témoignage familial (1).
Nous les avons rencontrés.
P
artout sur les murs de son lons de vin. François travaille désormais
bureau, situé à un drop à peine dans l’œnologie.
de l’Arc de Triomphe de Paris, Ce qui nous réunit ce matin n’est ni
des photos de sportifs : Fran- le sport, ni le vin. Des maquettes de ba-
çois Morinière, ancien directeur teaux côtoient des photos de famille. L’une
de L’Équipe, y rit entre Michel Platini et le d’elles montre quatre enfants, sur fond ma-
« roi » Pelé ; il pose avec la star du rugby rin. Devant ce cadre, une rose blanche, sé-
Jonny Wilkinson. Également, des posters chée, qui semble encore vivante. Serait-ce
de ballons, mais ceux-ci ne rebondissent le rappel symbolique de Sophie Morinière,
pas sur l’herbe des stades : ce sont des bal- décédée à 21 ans dans un accident d’auto-
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
65 Grand
entretien
66
pour nous est ne « fait » pas son deuil, c’est le deuil qui
nous fait. Le deuil, pour moi, c’est arriver
toujours palpable. à tenir debout sachant que j’ai au Ciel des
intercesseurs qui m’aident invisiblement à
On vit la communion vivre la séparation, et à grandir vers Dieu
malgré l’épreuve.
des saints. Cela nous
met dans la joie N’y a-t-il pas eu la tentation
de « canoniser » Sophie ?
malgré l’épreuve.» F. – Il y a eu une grande médiatisation
de son accident et une forte mobilisa-
tion. Mais personne n’ose dire qu’elle est
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
67 Grand
entretien
69 Interview
S
aints Louis et Zélie ont En quoi la souffrance peut-elle
souffert. Faut-il souffrir être « rédemptrice » ?
pour être saint ? Seules les souffrances de Jésus offertes
Non. Parce que, au Ciel, par amour sont rédemptrices, Lui seul
nous sommes saints sans souf- nous a sauvés. Mais Dieu a voulu nous as-
frir. Mais sur la Terre, saints ou non, socier à son plan de salut. C’est ce que dit
croyants ou non, que nous le voulions ou saint Paul : « Je complète en ma chair ce qui
non, nous sommes tous confrontés à un manque aux souffrances du Christ » (Col 1,
moment ou à un autre à la souffrance. Le 24). On peut alors parler, comme l’a fait
chrétien qui veut être saint accepte celle- le saint pape Jean-Paul II, de souffrance
ci et l’offre en union avec celle du Christ. « corédemptrice ». Cela signifie que, telle
Ainsi, il deviendra semblable au Christ. la Mère des douleurs, j’unis toute ma
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
70
Interview
71
72
Repères
La force
de Marie, c’est
sa foi
La Vierge Marie a connu
de nombreuses épreuves.
Comment les a-t-elle traversées ? Le Père Hervé Soubias,
L
a Sainte Vierge a connu choses les plus terribles, car elle a la certi-
beaucoup d’épreuves dans tude intérieure que Dieu sera fidèle à ses
sa vie. Comment a-t-elle promesses. Marie, au pied de la Croix, est
pu tenir debout dans ces la seule à espérer encore la résurrection
moments-là ? de Jésus. Tout le monde a fui, plus per-
Ce qui caractérise la Vierge Marie, c’est sonne ne croit qu’Il est le Messie, le Fils de
sa foi. Elle a une confiance inébranlable Dieu, pas même les Apôtres. Seule, elle a
en Dieu. Elle est capable de supporter les foi en Dieu.
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
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74
Repères
75
« Le problème
est qu’on a une
prière de demande
extrêmement intéressée.
Il faut élargir
tit qu’elle veille sur vous, à la fois de ma- notre prière. »
nière très simple et très extraordinaire.
Si on ne lui demande jamais rien, si on
n’essaye pas de voir ce qu’elle a fait pour
nous, on ne s’en rendra pas compte, évi- radis ! Il y a évidemment des accidents,
demment. des choses terribles qui arrivent. On a
Une petite histoire pour illustrer cela : un corps mortel, dans certaines situa-
au mois de septembre, je n’avais plus tions il ne résiste pas. La foi en la Vierge
d’argent sur mon compte. Ma maman, qui Marie ne signifie pas que l’on n’aura ja-
a 90 ans et qui vit avec moi, non plus. Elle mais aucun pépin, aucun accident. Moi,
avait bien un livret de caisse d’épargne à prêtre, mon grand amour pour la Sainte
la Poste, mais cela faisait deux ans qu’on Vierge ne m’a pas empêché de me casser
avait perdu la carte qui permettait d’ac- un jour la jambe et de passer trois mois
céder au compte. Je me suis alors tourné en fauteuil roulant !
vers Marie. Je me suis mis à genoux et je Le problème est qu’on a une prière
lui ai dit : « Nous n’avons plus rien, il faut de demande extrêmement intéressée.
que tu nous aides. » Cinq minutes après ma Elle est souvent fausse, « mauvaise »,
prière, je transporte le dernier carton de comme le dit l’apôtre Jacques, car elle
mon déménagement et un livre en tombe. ne concerne que nos intérêts propres.
La carte était à l’intérieur ! Quand on com- Quand vous priez pour un malade, dans
mence à comprendre que la Vierge Marie un hôpital par exemple, priez-vous pour
veille sur nous, on entre dans une attitude tous les malades de cet hôpital ? Inter-
de confiance. Nous ne risquons rien, car céder pour un membre de sa famille est
elle est là. légitime, mais il faut élargir sa prière. On
demanda un jour à Lourdes, à un homme
Les enfants qui étaient dans paralysé : « Priez-vous pour votre guéri-
le car percuté par le train à son ? – Non, je prie pour les autres malades
Perpignan en décembre 2017 ont autour de moi. » Voilà la vraie prière. Une
peut-être prié la Sainte Vierge… fois qu’on a compris ce qu’est la prière
Cela n’a pas empêché l’accident… de demande, comment Dieu et la Sainte
Peut-être ont-ils prié la Sainte Vierge. Vierge veillent sur nous, la vie change du
Et peut-être qu’elle les a accueillis au pa- tout au tout.
Prières
Famille Chrétienne HORS
SÉRIE
76
À Jésus
le véritable ami
Jésus, Tu es le seul véritable ami.
Tu m’écoutes toujours avec bonté.
Tu as le secret d’adoucir mes peines
et de renouveler sans cesse mon espérance.
Toi seul connais le fond de mon cœur.
Comme l’ami fidèle, Tu es mon puissant soutien :
« Celui qui Te trouve a trouvé un trésor. »
Toujours et partout, Tu es avec moi :
dans ton immense tendresse,
Tu viens en mon cœur faire ta demeure.
Révèle la merveille de ton amitié divine
aux mal-aimés, aux désespérés,
à tous les accablés de souffrances.
Jésus, je suis si persuadé
que Tu veilles sur ceux qui espèrent en Toi,
et qu’on ne peut manquer de rien
quand on attend de Toi toutes choses,
que j’ai résolu de vivre à l’avenir sans aucun souci
et de me décharger sur Toi de toutes mes inquiétudes,
puisque Tu n’abandonnes jamais
ceux qui ont confiance en l’amour de ton cœur.
77
À Notre-Dame
de Talence
Ô Marie, Mère de Jésus et notre Mère,
qui, au Calvaire, avez partagé si courageusement
la passion de notre Sauveur,
Ô Marie, qui [...] savez si bien
réconforter les âmes douloureuses,
accueillez maternellement
vos enfants qui viennent vous implorer.
Mère du Bon Conseil,
guidez-nous dans nos résolutions et nos efforts.
Mère sans tache, inspirez-nous l’horreur du péché.
Étoile du Matin, fortifiez notre confiance.
Salut des infirmes, soutenez notre faiblesse.
Vierge fidèle, apprenez-nous la vraie charité.
Consolatrice des affligés,
aidez-nous à offrir généreusement toutes nos épreuves.
Secours des chrétiens, faites de tous vos enfants
une grande famille fraternelle et accueillante.
Reine des Apôtres, donnez-nous une âme missionnaire.
Reine des Martyrs, soutenez ceux qui donnent leur vie
pour le règne de Dieu.
Reine de la paix, donnez la paix à notre monde.
78
Le sens chrétien
Cinq éloges de la souffrance
de l’épreuve Salvifici doloris
S. GERMAIN, E. LASIDA, A. LÉCU, SAINT JEAN-PAUL II,
V. MARGRON ET N. SARTHOU-LAJUS Pierre Téqui
Albin Michel
79
« Quand je suis
faible, je suis fort » :
La vie en bleu :
Debout dans Pourquoi la vie
l’épreuve est belle dans l’épreuve
THIERRY VERHLEST, ANNE DUCROCQ, MARTIN STEFFENS,
Bayard Marabout
80
81
La sagesse
Le Mal,
essai théologique de la Croix
CHARLES JOURNET, JOËL GUIBERT,
Éditions Saint-Augustin Éditions de l’Emmanuel
Qu’est-ce que le mal ? Si Dieu est Joël Guibert, prêtre, propose une réflexion
bon, comment expliquer qu’Il ait sur le mystère de la Croix et une lecture
créé un monde où le mal est de la Passion du Christ comme explication
partout ? Un livre dense mais de la souffrance humaine dans la
lumineux écrit par le cardinal et perspective du salut (voir p. 40).
théologien suisse Charles Journet Jésus ressuscité ne fait pas disparaître de
(1891-1975). Publié en 1962, il manière magique nos afflictions, mais
reste un ouvrage de référence Il les transfigure de l’intérieur. Il va même
sur le problème du mal. jusqu’à « utiliser » mystérieusement cette
souffrance vécue dans l’amour pour le
bienfait d’autres personnes dans l’épreuve.
Étonnante entreprise de recyclage que
cette rédemption de la souffrance !
« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le
fardeau, et moi je vous soulagerai » (Mt 11,
28). Cette promesse du Christ n’est pas
seulement affective, elle est effective !
Voici l’étonnant secret de l’école de la
Croix : en Jésus, votre souffrance deviendra
paix et vie.
Famille Chrétienne HORS
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RÉFLE X I O N S
D’UNE M A M A N
PHILO S O P H E
rghero
par Jeanne La
is
ti o n e s t in d is pensable... Ma
s l’éduca ion sur
L’exigence dan lle soit mûrie par une réflex
u’e ffection
encore faut-il q choix, et portée par une a
nos
la finalité de
bienveillante.
HORS Famille Chrétienne
SÉRIE
83
84-85
BONUS
92-93
APPRENDRE À
ATTENDRE TÉ
UNE AUTOREIU
QUI VOUS V
T
86-87 DU BIEN
Sommaire du
LE DÎNER 94-95
DE C L A SSE
JEU VIDÉO :
88-89 ET SI C’ÉTAIT
DE L’ART ?
LA MESSEÉ ,?
C’EST OBLIG 96-97
90-91
LE SEUNEST
HARCÈLEMENT DU JE
SCOLAIRE DE LA FÊTE
Famille Chrétienne HORS
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APPRE N D R E À
ATTE N D R E
à a tt e n d re , q uand nous
à gagner eut
Qu’avons-nous ut de suite ? Et quand on ne p
to age
pourrions avoir mment le vivre ? L’apprentiss
t, co
faire autremen
e la p a ti e n ce est essentiel.
d
P
aradoxalement, l’attente les pires idées en tête ! Cependant, sa-
n’est pas une vertu... Le chons reconnaître et comprendre la va-
chien qui attend sagement leur possible de l’attente, que celle-ci
ses croquettes n’est pas soit subie ou choisie : elle est un creu-
plus vertueux que le bébé set, où se forge l’or des vertus. Parce
qui hurle après son biberon. On a d’ail- que l’attente révèle, parce que l’attente
leurs coutume de prétendre qu’il ne transforme, osons ne pas toujours ré-
faut pas faire attendre les gens, car pondre immédiatement aux désirs de
c’est le meilleur moyen de leur mettre nos enfants.
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LE D Î N E R
DE C L A S S E
de lycé e n s cette année ?
lir un repas ient
Qui veut accueil surtout pas ! Et pour l'inconsc
Ne vous bouscu
lez
e r, v o ic i u n p e tit guide
par se dévou
qui finira bien
de survie.
C
e parent inconscient qui ac- aux décibels, peu de chances qu’il les
cueille toute une horde d’ados oublie : le voisinage énervé lui en parle-
doit bien être le seul à ne pas se ra encore dans cinquante ans.
douter que les pizzas prévues
pour trente ne suffiront pas aux Comme nous sommes du genre à
deux cents autres participants qui s’in- porter secours aux inconscients, met-
crusteront comme par magie dans son tons en commun nos stratégies éprou-
salon. Et probablement a-t-il oublié que vées par des années de tâtonnements et
la vodka n’a ni couleur, ni odeur, mais se de ratages en tous genres : autant que
prête à d’ahurissants mélanges. Quant cela serve aux suivants.
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LA M E S S E ,
C’EST OBLIGÉ ?
u n e co n tr a in te : c'est une
e n'est pas faire com-
Aller à la mess t- il a rr iv e r à le
rté. Encore fau
option de libe
enfants!
prendre à nos
D’
ordinaire, le terme grand jamais si on était libre, si on avait
« obligation » est perçu le choix, si personne ne nous forçait...
comme un répulsif ab- On se représente alors le Petit Nico-
solu. Être obligé, c’est las écrivant sous la menace une lettre
(semble-t-il) faire à de château à M. Moucheboume : « Le
contrecœur ce qu’on ne ferait jamais au pauvre, ses parents l’obligent. » C’est
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HARCÈ L E M E N T
SCO L A I R E
s d e h a rc è le ment à l’école
n des ca per
La multiplicatio difficulté des adultes à occu
ne d’éducateurs
signe surtout u s o n t b e s o in
s jeune our
le terrain... Le ers lesquels se tourner p
, v
proches d’eux ports de force.
rap
échapper aux
O
n intime souvent à nos par des adultes, et la jungle où règne le
enfants d’apprendre à se droit du plus fort, de celui qui maîtrise
défendre par eux-mêmes. le mieux l’art de l’autodéfense. Et de
Certes, il est toujours utile l’attaque. Tout cela explique pourquoi la
dans la vie de savoir maî- multiplication des cas de harcèlement
triser le crochet du gauche. Mais n’ou- est directement liée à l’effacement des
blions pas que les enfants en collectivi- adultes. Le harcèlement se produit
té sont avant tout confiés à des adultes, toujours dans l’espace qui échappe au
dont la mission première est de les regard de l’adulte, ou bien – et c’est
protéger. C’est la différence entre une pire – là où le regard de l’adulte est in-
école soumise à des règles incarnées différent.
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ÉCLAIRER
LA DIFFÉRENCE
ENTRE PUNITION
ET VENGEANCE
En outre, à chaque fois qu’un édu-
Évidemment, on ne peut pas, en col- cateur, un professeur, un parent in-
lectivité, se poster derrière chaque en- tervient dans une situation d’injustice
fant, chaque jeune. Cependant, dès lors manifeste, il fait plus que régler un
que ces jeunes ont conscience qu’ils sont conflit. Il structure le rapport que l’en-
le centre de l’attention, de l’intérêt bien- fant devenu grand aura à la justice.
veillant et soutenu d’adultes impliqués, Lorsque l’adulte intervient, explique et
ils peuvent alors intégrer fortement que sanctionne, il éclaire la différence fon-
l’autorité qui prévaut n’est pas celle du damentale entre une punition légitime
groupe. N’allons pas croire que la médi- et une vengeance.
sance, la calomnie, la violence entre
pairs soit une invention récente. Mais la Une punition est une sanction qui
nouveauté réside dans l’ouverture d’es- permet de réparer une situation et
paces sociaux et virtuels complètement donc de rétablir la justice. Elle pro-
soustraits au jugement des adultes, des cède d’un juge extérieur au conflit, ob-
éducateurs. D’où le génie de ceux d’entre jectif, capable de référer à une règle, à
eux qui ont compris qu’ils avaient d’abord une loi qu’il n’a pas inventée pour l’oc-
à conquérir physiquement leur place casion. En revanche, dès lors que les
dans les groupes d’enfants : jouer avec parties prétendent se faire justice
eux plutôt que les regarder jouer, distri- elles-mêmes et organisent leurs expé-
buer des plateaux à la cantine à l’heure ditions dites punitives, elles mettent en
du rush plutôt que de gagner vite fait la place le cycle infini de la vengeance,
salle à manger des profs, soupeser un qui rend de façon exponentielle le mal
cartable et filer un coup de main dans pour le mal, suivant des motifs subjec-
l’escalier… Ils seront la véritable défense, tifs aussi confus qu’arbitraires. C’est la
celle vers qui le jeune pourra se tourner logique même du harcèlement, qui
en toute confiance. Y compris quand ça échappe aux plus jeunes, mais que les
tourne mal sur Internet. adultes sont en situation d’enrayer.
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UNE A U T O R I T É
U S V E U T
QUI VO
DU B I E N
p o u r fa ir e grandir un
suffit pas à l’emprise
L’affection ne le s o u m e tt re
sque de pé-
enfant : elle ri envies changeantes. Il est im
es afin
tyranique de s une autorité bienveillante,
re
ratif d’y joind
sa liberté.
de faire croître
S
ur la question de l’autorité, le pour que tout fonctionne bien. À l’in-
malentendu règne souvent en verse, quand les enfants sont à l’école,
maître. En famille, on est porté ils ont souvent face à eux des profes-
à croire que l’amour et la com- seurs inquiets d’être débordés, mais
préhension mutuelle suffisent pour qui l’affectivité n’est pas un sujet :
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JEU V I D É O :
ET SI C ’ É T A I T
DE L ’ A R T ?
é fi a n ts v is -à -v is de l’em-
parents sont m ertes, il ne s’ag
it
Beaucoup de u rs e n fa n ts . C
idéo sur le eut-on aus-
prise des jeux v u e . M a is n e p
r d’esprit critiq ers culturel ?
pas de manque n n o u v e l u n iv
r comme u
si les considére
L
e regard critique que nous ne lation entre jeu vidéo et troubles de
manquons pas de porter sur l’attention, addiction ou déconnexion
le jeu vidéo se fonde en géné- sociale. Cette méfiance est légitime, il
ral sur deux critères. Moral, faut soumettre à la critique l’usage et le
lorsque l’on s’interroge entre contenu de ces jeux. Mais une question
autres sur son degré de violence. Psy- mérite d’être posée : que nous donnent-
cho-social, lorsque l’on pointe la re- ils à voir ? D’ailleurs, que signifie video ?
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LE S E N S
DU JE U E T
DE L A F Ê T E
e s s e n ti e ls à l’enfant pour
r, sont d'adulte.
Jouer, s’amuse p e rs o n n a li té
nstruire sa le monde et
préparer et co n t d e re cr é e r
ermette
Ces moments p cettes de soi-même.
fa
d’explorer des
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L
e film Le Sens de la fête a connu L’enfant dans ses jeux met en scène des
un joli succès. Les deux réali- rêves d’une tout autre nature : le jeu
sateurs, Olivier Nakache et Éric permet d’imaginer le monde tel qu’on
Toledano sont amis de longue voudrait qu’il soit, de le re-créer.
date. Lors de l’avant-première
LE CŒUR
du film, on leur a demandé le secret de
leur réussite : d’où leur est venue l’en-
vie de travailler ensemble, et où ils sont
allés trouver leurs idées. En fait, ils ont
été ensemble animateurs de colonie
de vacances. Depuis, ils ont en perma- EST FAIT POUR
nence cherché à revivre ces ambiances
de troupe, où, disent-ils, on se retrouve
à quatre-vingts autour de la même
table, où l’on vit et s’amuse ensemble.
SE RÉJOUIR
Les ingrédients de ce parcours ? Les Le jeu supprime les contraintes
jeux et la fête, ça ne fait pas très sérieux. que la vie nous inflige : dans le jeu, il
En réalité, ce sont des besoins essen- est toujours important de gagner…
tiels, dont la satisfaction contribue à mais il n’est jamais grave de perdre.
préparer et à construire la vie d’adulte. Les enfants se projettent dans leurs
On a avant tout une aventure humaine à jeux et peuvent alors explorer de nom-
vivre, perspective plus enthousiasmante breuses facettes d’eux-mêmes, fa-
que le simple projet de réussir dans la cettes que la vie ne leur permettra
vie. Les grandes réussites elles-mêmes peut-être pas de déployer. Et l’enfant
se trouvent là où certains ont rêvé de le plus inoffensif devient alors l’intré-
grandes aventures humaines, quand pide pirate qui part à l’assaut de vais-
d’autres semblent se contenter d’écha- seaux spatiaux à tête de dragon, et qui
fauder des plans de carrière ou de rem- emporte la victoire. Que d’enfants et
plir la to-do-list de leur existence. de jeunes jouent sans le savoir les
scènes même de L’Apocalypse…
L’espace imaginaire ouvert par le jeu
est le lieu où l’enfant libère les rêves La fête est, comme la louange, un
qui plus tard se rappelleront à lui. De- élan naturel du cœur. Le cœur aime
mandez à un homme : « Dis-moi ce que naturellement se réjouir, il est fait pour
tu as désiré pour toi, ce qui faisait vibrer cela, c’est même la promesse de la vie
ton cœur et le remplissait d’énergie il y a éternelle. Il en faut de l’énergie pour
des années. » Il y a peu de chances pour tourner les regards vers ce que la vie a
que le petit garçon de 7 ou 8 ans qu’il a de beau à offrir, pour savoir réveiller
été vous réponde : « J’avais des étoiles les sourires sur les visages des autres,
dans les yeux rien qu’à l’idée d’avoir la pour faire rire. La fête est alors aussi
tête du brave type qui remplit sa déclara- une œuvre de consolation. Le sens du
tion d’impôts en temps et en heure, et qui jeu et de la fête, ce n’est peut-être pas
ne confond pas les poubelles de tri » ! sérieux, mais c’est essentiel.
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