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Le Dieu de la Bible est-il une personne 

Is the God of the Bible a person?

Roger Pouivet

p. 79-98

Résumés

FRANÇAISENGLISH

Plusieurs des principaux philosophes et théologiens relevant de ce qu’on peut appeler « la philosophie
analytique de la religion » (y compris Richard Swinburne et Alvin Plantinga) pensent Dieu comme une
personne. Le Dieu-personne, la meilleure personne qui soit, semble aussi mieux correspondre à son
« personnage » biblique. Pourtant, le Dieu-personne est l’héritage d’une conception moderne et discutable de
la personne ; sa critique devrait nous conduire aussi à renoncer à cette conception pour la théologie et dans la
lecture de la Bible. Mais comment rendre compatible ce que, d’un côté, nous lisons au sujet de Dieu dans la
Bible (Il est présent dans la vie des hommes, Il est incarné, souffrant sur la croix, Il aime ses créatures), et de
l’autre côté, l’affirmation qu’il est, non pas une personne, mais ipse sum subsistens, l’unique être simple,
atemporel, immuable et impassible ?

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Plan

Le Dieu personnel de la Bible

Du théisme personnaliste au personnalisme théiste

Le concept moderne de la personne

Dieu souffre-t-il ?

La Trinité est-elle une question de personne ?

L’incompréhensibilité de Dieu et la lecture de la Bible

Lire la Bible et prier

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 1 Thomas D’aquin, Somme théologique  Ia, 4, 3, 4.

…dici potest aliquo modo quod creatura sit


similis Deo, non tamen quod Deus sit
similis creaturae1.

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1La métaphysique traditionnelle décrit Dieu comme un être tout puissant, omniscient, omniprésent. Il aurait
aussi quatre attributs fondamentaux. Il est simple  : chacune des propriétés réelles ou intrinsèques de Dieu est
identique à ses autres propriétés réelles ou intrinsèques, elles sont identiques aussi à son être ou à sa nature.
Il est atemporel  : non pas sempiternel, non pas vivant sans fin dans le temps depuis le commencement, mais
en dehors du temps. Il est immuable  parce qu’il est simple, et qu’un être changeant aurait nécessairement des
propriétés différentes dans le temps ; son immuabilité suit également de l’atemporalité : un être absolument
simple n’acquiert ni ne perd une propriété. Il est impassible  : rien n’agit sur Dieu, rien ne l’affecte.

2Mais pourquoi des métaphysiciens chrétiens, et non des moindres, ont-ils adopté cette description d’un
Dieu simple, atemporel, immuable et impassible, alors que le lecteur de la Bible ne manque pas de remarquer
que Dieu, s’il est certes « l’Éternel », intervient dans l’histoire ? Il change, même si ses intentions restent
stables. Il souffre, prenant en pitié les hommes, éprouvant une sainte colère face à leurs péchés, répondant
aussi à leurs demandes. Comment Saint Anselme peut-il alors dire :

 2 Anselme, Proslogion, 8, 1077-1078.

Quand vous daignez jeter un regard sur vos créatures qui souffrent, elles sentent les effets de votre
miséricorde ; mais vous, Seigneur, vous ne sentez point leurs souffrances. Vous êtes donc miséricordieux,
puisque vous consolez les malheureux et que vous pardonnez aux pécheurs, et en même temps vous êtes
impassible, puisque vous n’éprouvez point cette sympathie douloureuse qu’on nomme pitié2.

 3 Sur cette question, voir E. Stump, The God of the Bible and the God of the Philosophers  (The
Aquina (...)

3Nous retrouverions des formules équivalentes chez Augustin et chez Thomas. Faire de Dieu un être simple,
atemporel, immuable et impassible semble pourtant bien peu biblique. C’est l’opposition entre un Dieu
d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, d’un Dieu de la Bible donc, et du Dieu des philosophes, en particulier de la
métaphysique scolastique et de l’onto-théologie3. Deux attitudes, au moins, semblent alors possibles :
renoncer à la métaphysique ou aménager la métaphysique.

 4 Voir J.-L. Marion, Dieu sans l’être  (Quadrige), Paris, Presses Universitaires de France, 2013 4.

 5 Au sujet de Jean-Luc Marion, on a ainsi pu dire : « … la théologie de Marion cherche à libérer la r (...)

 6 R. Pouivet, « L’irrationalisation de la religion », dans : C. Tiercelin (éd.), La reconstruction de  (...)

4La première attitude, celle de renoncement à la métaphysique, au moins à la métaphysique traditionnelle,


propose un « Dieu sans l’être4 ». La foi n’a pas besoin de la pensée de l’être, comme le pensait Heidegger — et
nombre de théologiens et philosophes contemporains l’ont suivi. La métaphysique onto-théologique serait un
héritage aristotélicien ou, plus généralement, celui des philosophes grecs. Mais Athènes et Jérusalem sont non
seulement distinctes, mais concurrentes. Au regard de la Bible, une certaine philosophie de la religion
chrétienne serait à repenser en la sauvant de l’ontothéologie. Nous sommes encouragés à passer du Dieu de la
métaphysique, créature philosophique non biblique, au Dieu Amour, au-delà du concept. La foi est
l’expérience de sa rencontre, susceptible d’une herméneutique ou d’une phénoménologie, plutôt que d’une
métaphysique5. À mon sens, le risque n’est pas mince alors d’une certaine « irrationalisation de la religion6 ».
Mais je n’en discuterai pas ici.

5Une autre attitude en effet m’intéresse ici. Elle n’est pas critique à l’égard de la métaphysique, mais entend
plutôt l’adapter à un Dieu compris comme une personne, la plus parfaite qui soit — le Dieu supposé être celui

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de la Bible. Une telle métaphysique du théisme personnaliste  est bien représentée chez certains philosophes
analytiques de la religion, parmi les plus réputés : Alvin Plantinga, Richard Swinburne, William Hasker. Mais je
la contesterai. À ce théisme personnaliste s’oppose la métaphysique la plus traditionnelle, celle de Thomas
d’Aquin en particulier. Ainsi, la critique d’un courant dominant dans la philosophie analytique de la religion ne
conduit pas à épouser l’autre attitude, antimétaphysique, brièvement évoquée précédemment. Tout au
contraire, nous sommes encouragés à retrouver une conception scolastique de Dieu.

6Mais la question reste entière : comment rendre compatible ce que, d’un côté, nous disons au sujet de Dieu
dans la Bible (Il est présent dans la vie des hommes, Il est incarné, souffrant sur la croix, Il aime ses créatures),
et de l’autre, l’affirmation qu’il est, non pas une personne, mais ipse sum subsistens, l’unique être simple,
atemporel, immuable et impassible ?

Le Dieu personnel de la Bible

7À qui d’autre qu’une personne  adresserait-on une prière ? Si l’on s’adresse à une institution, on recherche,
justement, un véritable interlocuteur  ; on veut « parler à quelqu’un ». On ne s’adresse à un animal ou à un
objet qu’en le personnifiant. Quant à une prière d’action de grâce, aurait-elle le moindre sens si nous ne
l’adressions pas à une personne ? Dans l’évangile de saint Matthieu, Jésus dit : « Vous prierez donc ainsi »
(Mt 6, 9), avant d’énoncer le Notre Père. C’est apparemment la prière reçue du Christ qui fait de Dieu une
personne. Comment dès lors ne pas reconnaître qu’à l’évidence les relations entre Dieu et ses créatures
sont interpersonnelles  ?

8Le livre de l’Exode demande : « Qui est comme toi parmi les dieux, ô Yahweh ? Qui est comme toi, auguste en
sainteté, redoutable à la louange même, opérant des prodiges ? » (15, 11). Et à Job, il est dit : « Le Tout-
Puissant, nous ne pouvons l’atteindre : il est grand en force, et en droit, et en justice, il ne répond à
personne ! » (Jb 37, 23). Mais les métaphores décrivant Dieu sont significatives : Dieu est un roc (Ps 31, 2-3), il
est un berger (Ps 23, 1), il est un parent (Os 11, 1). Mais ne dirions-nous pas qu’il est plus un parent qu’un
berger, un berger qu’un roc ? Certaines métaphores semblent plus « ressemblantes » à leur objet que
d’autres, comme celle, justement, faisant de Dieu un parent — et donc une personne qui aime, se réjouit,
déplore, se met en colère et même regrette. Que dire de cette exclamation du premier chapitre de la Genèse :
« Dieu vit que c’était bon » ! N’exprime-t-elle pas une satisfaction apparemment toute personnelle ? Et dans le
livre d’Osée, Dieu accepte de reprendre Israël, malgré ses infidélités, comme une personne qui pardonne. Qui
douterait que Dieu soit une personne après avoir lu ce passage du livre de Sophonie : « Yahweh, ton Dieu, est
au milieu de toi, un vaillant sauveur ! Il fera éclater sa joie à cause de toi ; il se taira dans son amour ; il
tressaillira à cause de toi avec des cris de joie » (So 3, 17) ? Dieu ne formule-t-il pas constamment ses
intentions, les reformulant au besoin après tel ou tel événement ? Yahweh, après que Moïse l’eut imploré, « se
repentit du mal qu’il avait parlé de faire à son peuple » (Ex 32, 14). Ou encore : « Yahweh s’était repenti
d’avoir fait Saül roi sur Israël » (1 S 15, 35). Dieu aussi délibère, prend en compte les plaintes, les souhaits, les
craintes des hommes. Est-il alors hors du temps, impassible et immuable ?

9Dieu comme personne « a manifesté son amour pour nous en envoyant son Fils unique dans le monde, afin
que nous vivions par lui » (1 Jn 4, 9). Un Fils qui souffre sa Passion. Le Verbe devenu chair vit nos propres
tourments :

Ainsi, puisque nous avons en Jésus, le Fils de Dieu, un grand prêtre excellent qui a pénétré les cieux,
demeurons fermes dans la profession de notre foi. Car nous n’avons pas un grand prêtre impuissant à
compatir à nos infirmités ; pour nous ressembler, il les a toutes éprouvées hormis le péché (He 4, 14-15).

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10La Bible donne ainsi de Dieu Père et du Christ l’image de personnes. Certes ces personnes sont le Créateur
et le Rédempteur. Dieu n’est pas une personne comme l’est chacun de nous. Mais il n’est ni impassible, ni
dépourvu de toute émotion ; et il souffre. Ce n’est jamais plus clairement dit que dans ce passage, la source
principale de toute une théologie de la kénose :

Mais il s’est anéanti lui-même, en prenant la condition d’esclave, en se rendant semblable aux hommes, et
reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui ; il s’est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la
mort, et à la mort de la croix (Ph 2, 7-8).

11Aujourd’hui, que Dieu soit une personne apparaît dès lors comme un présupposé théologique, et même le
principal, de la pastorale. Nombre de sermons — au moins parmi ceux que j’ai pu entendre — insistent sur la
proximité de Dieu. Ils encouragent souvent une compréhension de l’amour divin par analogie étroite avec la
tendresse familiale entre parents et enfants. Le discours religieux chrétien nous enjoint de nous adresser à
Dieu, de « vivre en sa présence », de le placer « au plus profond du cœur ». C’est le Dieu-personne que nous
sommes supposés prier, plutôt qu’un Dieu transcendant, absolu, immuable et impassible — une créature
métaphysique inapte à nourrir notre expérience du divin, voire la contredisant. La prière permettrait, dit-on,
d’« entrer en communion avec Dieu ». On parle de « dialogue avec le Créateur », de « la rencontre avec le
Seigneur ». À la fin de son sermon, un prêtre peut dire, comme il m’a récemment été donné de l’entendre :
« Pendant ce carême, vivons intensément notre relation à Dieu, par la prière quotidienne, et entendons sa
parole, lui qui s’adressant à nous attend notre écoute. » La possibilité même de l’expérience religieuse semble
alors impliquer une telle relation, et donc que Dieu soit une personne. Que nous soyons à l’image de Dieu
signifierait ce partage entre la personne divine et les personnes humaines. Les maîtres-mots de la pastorale
sont « le cœur », « l’amour », « l’écoute », « le dialogue », « la rencontre ». Un vocabulaire dont la signification
est profondément personnaliste. Il est supposé trouver son origine et son fondement théologiques dans la
Bible elle-même.

Du théisme personnaliste au personnalisme théiste

 7 Voir C. Pinnock – R. Rice – J. Sanders – W. Hasker – D. Basinger, The Openness of God. A Biblical C  (...)

12Que Dieu soit une personne apparemment va de soi pour certains philosophes et théologiens
contemporains, comme Alvin Plantinga, Richard Swinburne ou William Hasker ; et aussi pour les défenseurs de
ce qu’on appelle le « théisme ouvert »7. Ils sont ainsi conduits à amender, ou à contester, certaines des
doctrines fondamentales du théisme classique, celles de la simplicité, de l’immuabilité et de l’impassibilité
divines, de l’éternité de Dieu, du moins comprise comme son existence hors du temps. Pourtant, ces doctrines
sont celles d’Augustin, Anselme ou Thomas.

13Est-il en effet possible de dire à la fois  que Dieu est simple, non composé, et qu’il est une personne ? Une
personne n’est pas simple : elle a des attributs, la sagesse et la beauté, par exemple ; elle peut les acquérir et
les perdre. Comment serait-elle immuable ou hors du temps ? Une personne change, en prenant connaissance
de ce qui est advenu, en désirant y remédier. Comment une personne serait-elle impassible ? Si nous sommes
avec Dieu dans une relation inter-personnelle, il doit bien entrer en sympathie, souffrir avec nous, être ému
par nos malheurs, etc. En insistant ainsi sur la personnalité de Dieu, certains des principaux philosophes
analytiques de la religion sont conduits, non pas à rejeter la métaphysique — ce dont nous sommes bien loin
avec Plantinga, Swinburne ou Hasker —, mais à l’aménager, afin qu’elle soit mieux compatible avec une
lecture personnaliste de la Bible. Cette métaphysique de Dieu comme personne évite en particulier de
toujours en appeler à la métaphore, et plus généralement à la figure de style, dès qu’on aperçoit, dans la Bible,
une caractérisation de la pensée et de la volonté de Dieu. Or, c’est indéniablement fréquent.

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14Au début de son maître-ouvrage, Warranted Christian Belief, Plantinga s’exprime ainsi :

 8 A. Plantinga, Warranted Christian Belief, New York, Oxford University Press, 2000, p. 7.

La croyance chrétienne classique comprend tout d’abord l’existence d’une personne telle que Dieu : c’est-à-
dire un être qui a un intellect et une volonté. Une personne a (ou peut avoir) une connaissance et un ensemble
de croyances, mais aussi des affections, des amours, des haines ; de plus, une personne a aussi ou peut avoir
des intentions, et peut agir pour les réaliser. Dieu a toutes ces qualités et en a certaines (la connaissance, la
puissance et l’amour, par exemple) à un degré maximal. Dieu est ainsi tout-connaissant et tout-puissant ; il est
aussi parfaitement bon et complètement aimant. Plus encore, il a créé l’univers, le soutient constamment et le
guide providentiellement. C’est la composante théiste de la croyance chrétienne8.

15C’est là un théisme personnaliste, consistant à penser Dieu comme une personne et à aménager ensuite les
attributs traditionnels, de telle façon qu’ils soient attribuables à ce Dieu-personne. Dès lors, n’est-ce pas même
de personnalisme théiste  qu’il convient de parler ?

16Une personne pourrait être humaine ou divine. Autrement dit, la distinction ontologique radicale entre
Dieu, créateur, et ses créatures, parmi lesquelles les êtres humains, ne changerait rien à la double valeur,
divine et humaine, de la notion de personne. Tout se passe comme s’il y en avait de deux sortes : d’une part
Dieu, un être qui a un intellect et une volonté, qui est créateur et providence, possédant certaines capacités
(connaissance, puissance, amour) à un degré maximal ; d’autre part des êtres qui ont aussi un intellect et une
volonté, mais des capacités (connaissance, puissance, amour) moindres.

17Tâchons alors de caractériser les thèses principales du personnalisme théiste.

1. Une personne est un être dont la vie, essentiellement mentale, consiste en états mentaux : pensées
(représentations mentales) et volontés (désirs).

2. Les personnes humaines sont liées à un corps de façon contingente (et temporaire).

3. Dieu, en tant que personne, n’est pas lié à un corps ; c’est un pur esprit.

4. Dieu a des pensées (représentations) et des volontés (désirs), celles que nous pourrions attribuer à
une personne.

5. Mais Dieu n’a pas les limitations des personnes non divines quand elles pensent et veulent quelque
chose.

18Ces cinq thèses composent un théisme apparaissant tardivement dans la métaphysique chrétienne, mais
dominant aujourd’hui dans la théologie analytique.

Le concept moderne de la personne

19Selon Brian Davies :

 9 B. DAVIES, The Reality of God and the Problem of Evil, London, Continuum, 2006, p. 59.

La formule « Dieu est une personne » est […] relativement récente. Je crois que sa première occurrence en
anglais se trouve dans les actes du jugement de quelqu’un qui s’appelait John Biddle (né en 1615), qui en 1644
fut conduit devant les magistrats de Gloucester, en Angleterre, pour répondre d’une accusation d’hérésie. Son
« hérésie » consistait à affirmer que Dieu est une personne9.

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20Alors, comment ce qui était tenu pour hérétique, selon Davies, peut-il être devenu la norme, aussi bien dans
la pastorale contemporaine que dans le théisme de maints philosophes de la religion, voire chez des
théologiens réputés ?

21Davies situe la naissance du personnalisme théiste au milieu du xviie siècle. Il est contemporain de


l’apparition d’une conception philosophique, appelée à un grand succès, la suivante : un être humain est un
esprit, qui fait de lui ce qu’il est, une personne — et cet esprit se trouve uni à un corps. C’est même la thèse
fondatrice de la Modernité en philosophie. Elle s’est substituée à celle qui fait des êtres humains des animaux
rationnels — des êtres composés d’une âme immatérielle et d’un corps matériel, formant une unique
substance. La différence est ontologique. Un être humain était une chose composée de deux parties
métaphysiques, une âme et un corps. Il est devenu un esprit, une conscience, un moi. Surtout, l’être humain
est alors, comme Dieu, un esprit !

 10 Voir A. Plantinga, Does God Have a Nature  ?  (The Aquinas Lectures 1980), Milwaukee, Marquette
Unive (...)

22Certes, la différence entre Dieu comme personne et la personne humaine n’est pas seulement de degré, un
simple différentiel dans la réalisation maximale de certaines propriétés. Plantinga, par exemple, insiste sur
l’aséité  de Dieu : il est incréé, auto-suffisant, indépendant à l’égard de toutes choses10. Pourtant, l’expression
revient constamment chez Plantinga : l’existence d’une personne en tant que Dieu ou de Dieu comme
personne (a person as God). Nous avons ainsi inévitablement une base commune, la personnalité, malgré les
différences apparemment radicales entre un être doué d’aséité et une créature. Il y a une personne comme
Dieu, et des personnes comme créatures.

23Résumons alors la démarche du personnalisme théiste. Que savons-nous des êtres humains ? Ils pensent et
font des choix libres ; ils sont limités dans le temps ; ils sont dépendants d’un corps ; ils ont des défauts
moraux. Que savons-nous de Dieu ? Pour répondre, il suffirait de penser à une personne faisant des choix
libres sans aucune des limitations cognitives et décisionnelles des êtres humains, et sans leur limitation
temporelle. Dieu serait-il une personne « zéro défaut », en quelque sorte, une personne superlative  ?

24Le personnalisme théiste se situe bien dans la lignée de l’épistémologie moderne ; il applique le concept de
personne, conçue comme un esprit, à Dieu. Ainsi, en lisant la Bible à partir d’une certaine conception,
moderne, de Dieu comme personne — ce qui est un héritage de la philosophie de Descartes et de Locke en
particulier —, on est conduit à distinguer le Dieu de la Bible (créateur, mais dans le temps, changeant et
passible) du Dieu de la métaphysique traditionnelle (hors du temps, immuable et impassible).

25Pourtant, comme le dit Eleonore Stump :

 11 Stump, The God of the Bible, p. 39.

Il est certain qu’Augustin et Thomas acceptent tous les deux les attributs divins qui sont centraux dans la
caractérisation de Dieu dans le théisme classique […] : immuabilité, éternité et simplicité. Il est cependant
notable que chacun de ces grands penseurs a aussi écrit des commentaires bibliques sans donner aucun signe
de malaise au sujet de la combinaison des histoires bibliques et du théisme classique11.

26Eleonore Stump se propose alors de montrer que le Dieu de la métaphysique traditionnelle n’en est pas
moins personnel et qu’il est même une personne.

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27On peut pourtant douter qu’Augustin et Thomas fassent le moindre usage de la notion de personne telle
qu’elle est comprise dans la philosophie moderne, celle justement que certains philosophes analytiques
adoptent dans leur personnalisme théiste. Et surtout, la description biblique de Dieu, qu’Augustin et Thomas
connaissent mieux que personne, ne les conduit pas à mettre en question ces caractérisations métaphysiques
traditionnelles de Dieu. Attribuer à Dieu intelligence et volonté — la notion d’action divine, donc — n’implique
pas que Dieu serait une personne comme nous le sommes, mais simplement en mieux. La compatibilité entre
le Dieu de la Bible et le Dieu de la métaphysique traditionnelle ne repose dès lors pas sur cette notion de
personne, qui a fini par être considérée, on l’a dit, comme un genre avec deux espèces, l’une divine (infinie) et
l’autre humaine (marquée par la finitude).

Dieu souffre-t-il ?

 12 Voir à ce sujet le dossier très complet fourni par T. G. Weinandy, O.F.M., Cap., dans le premier
ch (...)

28Pourtant, reprenons l’argument de l’incompatibilité de la description biblique de Dieu, dans l’Ancien


Testament et dans le Nouveau Testament, et du Dieu de la métaphysique traditionnelle. Comment s’étonner
qu’un lecteur de la Bible puisse penser que Dieu est une personne, une bonne personne, la meilleure de
toutes ? Alors que le Dieu de la métaphysique traditionnelle, par exemple, semble ne pas pouvoir répondre
aux hommes, puisque cela supposerait qu’il change. Le problème s’est tout particulièrement concentré sur la
question de la souffrance de Dieu. Cette question est devenue centrale dans la théologie contemporaine : seul
un Dieu souffrant serait un Dieu bon12. Certes, une personne ne compatissant en rien aux souffrances des
autres nous paraît dépourvue de toute bonté. On voit ainsi que la description morale d’une personne humaine
devient le critère  de la bonté de Dieu. En faisant de Dieu une personne, certains théologiens et philosophes
ont ainsi été conduits à faire de Dieu un agent moral.

29Or, comme le dit Herbert McCabe :

 13 H. Mccabe, God Matters, London, Continuum, 1987, p. 46. Voir P. O’grady, Aquinas’s Philosophy of


Re  (...)

Il est parfaitement sensé de dire, à la fois, qu’il n’est pas dans la nature de Dieu de souffrir et qu’il n’est pas
dans la nature de Dieu d’être dépourvu de cette participation intime aux souffrances de ses créatures. Pour
sauvegarder la compassion, nul besoin de recourir à l’idée que Dieu, prenant une vue d’ensemble sur l’histoire
de l’humanité, souffre avec nous, au sens littéral — quoique de façon spirituelle13.

 14 Voir Davies, The Reality of God, p. 234-235.

30Les Psaumes disent que « Yahweh est miséricordieux et compatissant, lent à la colère et riche en bonté »
(Ps 103, 8). C’est une métaphore. Sans entrer dans une discussion philosophique au sujet de la notion de
métaphore, on peut cependant comparer. Le Ps 102 dit que « Yahweh a regardé de sa sainte hauteur ». Mais
se demande-t-on si, de cette hauteur, il pouvait encore bien voir ? Quand on dit — ce n’est pas rare dans la
Bible — que Dieu se souvient, est-ce pour dire qu’il a une bonne mémoire ? Si c’est une métaphore de dire que
Dieu a regardé de sa hauteur, ou que Dieu se souvient, pourquoi ne serait-ce pas aussi  une métaphore
d’affirmer que Dieu est compatissant ? Ç’en est une autre de dire que Dieu n’est jamais distant à l’égard de ses
créatures — simplement parce qu’elles n’existent que par son acte créateur. Nous savons  que les victimes du
mal ne sont jamais sans Dieu, même si cela nous trouble, et que le dire à une victime n’est pas consolant. Et
cela n’offre certes aucune explication du mal14. Pour savoir que Dieu n’abandonne pas les hommes au mal,
nous n’avons pas à constater sa bonté en lisant la Bible, comme nous le ferions, en lisant sa biographie, pour

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une personne. Quant à la souffrance du Christ, rien n’oblige à interpréter le Mystère de l’Incarnation comme
l’évidence que Dieu est une personne ; ou à penser que le dogme des deux natures du Christ signifie qu’une
personne divine est une personne au même sens que nous le sommes (et, donc, que « personne » serait un
terme recouvrant les deux cas d’une personne divine et d’une personne humaine).

31Pour Michael Dodds :

 15 M. J. Dodds, The Unchanging God of Love. Thomas Aquinas and Contemporary Theology on Divine
Immutab  (...)

Même si nous en venions à supposer la situation impossible que, dans le Christ, Dieu souffre en tant que Dieu,
dans sa nature divine, une telle souffrance aurait peu à voir avec nous, parce que nous ne souffrons pas en
tant que Dieu, mais en tant qu’humains. Si Dieu nous rachète et se manifeste à nous dans le Christ, il doit se
révéler lui-même d’une façon que nous pouvons comprendre, d’une façon humaine. S’il nous rachète et se
révèle lui-même à nous tout spécialement à travers les souffrances du Christ, alors il est particulièrement
approprié que le Christ ne souffre pas en tant que Dieu […], mais en tant qu’humain, de la même façon que
nous souffrons15.

32Que nous nous tournions vers l’Ancien Testament ou vers le Nouveau Testament, nous ne pouvons
nullement dire que la Bible nous dicte  l’évidence que Dieu est une personne. Dès lors, dire que la
métaphysique scolastique devrait être abandonnée au profit d’un supposé Dieu biblique, qui serait une
personne, cela semble également discutable.

33En Dieu, être, connaître, aimer et créer sont identiques. C’est la doctrine que l’existence de Dieu et sa
nature, c’est tout un. C’est aussi la doctrine de la simplicité divine. Être et faire, c’est aussi en Dieu la même
chose. C’est pourquoi le modèle de la personne comme conscience, capable de réflexion et de décision, après
un examen de ce qu’il serait justifié de croire ou de ce qu’il serait bon de faire, n’est au mieux qu’une
métaphore. Cette métaphore nous est utile. Elle est peut-être indispensable à des personnes telles que nous
sommes, dont la compréhension a besoin de représentations sensibles et d’images. Mais si nous sommes en
cela conduits à en tirer une conclusion que Dieu est  une personne, nous nous trompons. Plus encore, nous
faisons fausse route si cela devient une raison pour affirmer que les attributs traditionnels, de simplicité,
d’atemporalité, d’immuabilité et d’impassibilité sont douteux.

34Swinburne parle de Dieu comme d’une personne sans corps, éternelle, libre, capable de tout faire, qui sait
tout, est parfaitement bonne, est l’objet approprié de la louange et de l’obéissance humaines, créateur et celui
qui soutient l’existence de l’univers. Mais n’est-ce pas paradoxal de parler ainsi d’une personne ? Certains
adjectifs sont aliénants, comme disaient les scolastiques. C’est le cas de « faux » dans l’expression « faux
passeport ». Un faux passeport n’est pas un passeport ! Une personne sans corps, éternelle, toute-puissante,
etc., ce n’est pas une personne. Même des adjectifs superlatifs peuvent être aliénants.  Parler d’une personne,
qui est Dieu, et donc parfaite comme Dieu peut l’être, n’est-ce pas absurde ?

35Pourtant, une objection semble possible : « Le Dieu chrétien n’est tout de même pas cette réalité
impersonnelle du panthéisme, ou le Deus sive natura  du spinozisme ! C’est le Seigneur, Il est personnel.  En le
refusant, ne passez-vous pas du théisme au déisme ? » À quoi on répond : Mais c’est bien différent de dire que
Dieu est personnel  (n’est pas impersonnel) et d’affirmer que Dieu est une personne. Comme le dit Brian
Davies, affirmer d’une personne qu’elle est féline ne revient pas à affirmer qu’elle est un chat ! Dire de Dieu
qu’il est personnel, ce n’est pas affirmer qu’il est une personne.  Cette tentation de « personnaliser » Dieu
pourrait tenir aussi, chez nos philosophes analytiques, à la crainte d’être acculés, sans cette personnalisation, à

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un apophatisme radical, voire à contester la possibilité d’un discours sensé au sujet de Dieu. On fait de Dieu
une personne pour qu’il soit possible d’en dire quelque chose. Mais la conséquence n’est pas bonne ! Le
théisme traditionnel n’est tout de même pas un apophatisme radical, et il ne fait pas de Dieu une personne !

 16 Les théistes traditionnels ont bien sûr examiné la question du mal. Mais ont-ils pensé qu’il
existe (...)

 17 Voir J. L. Schellenberg, The Hiddenness Argument. Philosophy’s New Challenge to Belief in


God,  Oxfo (...)

 18 Et aussi bien un modèle « moderne » de l’amour divin, forgé en gros sur la description des
relation (...)

36Faire de Dieu une personne, c’est être conduit à deux problèmes typiques de la philosophie contemporaine
(et surtout anglo-américaine) de la religion chrétienne, le « problème du mal » (problem of evil)16 et celui du
« Dieu caché » (Divine Hiddenness). En effet, comment sauver Dieu comme personne du reproche du mal dans
le monde, voire comment prétendre qu’un Dieu-personne existe s’il y a du mal dans le monde ? Non pas,
certes, que saint Augustin, saint Anselme et saint Thomas ignorent toute réflexion sur le mal, et même loin de
là, on le sait. Mais que le mal soit un problème  pour le théiste, voire son principal problème, cela ne repose-t-il
pas sur cette forme d’anthropomorphisme du Dieu-personne ? Autre exemple récent : l’« argument du Dieu
caché », tel qu’il est proposé par John Schellenberg, et beaucoup discuté depuis17. En gros, il prend cette
forme : Dieu reste caché à beaucoup d’êtres humains qui ne peuvent le connaître ; il serait mauvais de la part
d’un Dieu omniscient et tout-puissant de rester caché à l’égard de ses créatures ; mais un Dieu parfaitement
bon ne peut rien faire qui soit mauvais. Ne faudrait-il pas alors en conclure que ce Dieu n’est pas caché mais
inexistant ? Dans cet argument de John Schellenberg, c’est du Dieu-personne dont il s’agit ; le Dieu qui pense
et qui veut comme une personne, selon un modèle « moderne » de la personne18. Certains des problèmes
typiques de la philosophie analytique de la religion sont liés à cette thèse de Dieu comme personne. Non pas
qu’ils s’évaporent dès qu’on y renonce. On ne peut aller jusque-là. Mais ils se posent certainement de façon
différente.

La Trinité est-elle une question de personne ?

37« Mais nous ne pouvons manquer de dire que Dieu est une personne, si nous acceptons le dogme de la
sainte Trinité », dira encore l’objecteur. Et, certainement, nous ne pouvons rejeter ce dogme et être ou rester
chrétien ! C’est une objection de poids, semble-t-il, à la thèse selon laquelle le personnalisme théiste est une
invention métaphysique récente, bien loin d’être, comme le prétendent Plantinga et Swinburne, la conception
de Dieu du théisme classique — celui d’Augustin, Anselme et Thomas.

38Mais le terme « personne » du personnalisme théiste n’est qu’homonyme  avec celui de « personne » dans
la Trinité : un seul Dieu (une seule ousia) en trois personnes (en trois hypostases). Premièrement, les trois
personnes de la Trinité ne sont pas des instances d’une nature. Sinon, nous passons du trinitarisme au
trithéisme. Deuxièmement, la notion de personne de la Trinité n’est pas psychologique. Or, c’est bien à une
notion psychologique de personne que fait appel Swinburne. Il dit ainsi :

 19 R. Swinburne, The Christian God,  Oxford, University Press, 1994, p. 154.

C’est parce que les propriétés essentielles de Dieu suivent toutes de la propriété très simple d’avoir un pouvoir
intentionnel pur et sans limite que j’affirme que Dieu est un individu d’une très simple sorte : certainement la
plus simple sorte de personne qu’il puisse être19.

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 20 Swinburne, The Christian God, p.  152.

39Attention à la formule de Swinburne : Dieu est « la plus simple sorte de personne qu’il puisse être ». Dans
son propos, c’est la notion psychologique de personne qui est décisive, non pas celle de simplicité. D’après
Swinburne, les conséquences métaphysiques et théologiques de sa définition de Dieu comme personne sont
que « rien ne peut exercer une influence causale sur [Dieu] pour le faire agir comme il le fait20 ». Cette
personne superlative qu’est Dieu existe aussi, explique Swinburne, de toute nécessité métaphysique ; elle est
parfaitement libre, toute-puissante et omnisciente. Mais cette description de la nature divine est
essentiellement faite à partir de la notion de personne humaine, en retirant de la personne humaine tous les
défauts inappropriés s’agissant de Dieu. On est bien loin de Dieu comme acte pur, sans aucune potentialité,
absolument simple, éternel (et non pas sans commencement ni fin), le concept de Dieu dans la tradition
scolastique et thomiste en particulier. Dans cette tradition, Dieu n’est pas décrit comme un être qui aurait un
pouvoir intentionnel, fût-il pur. La notion de pouvoir intentionnel est en revanche, pour un personnaliste
théiste, directement liée à l’idée d’une expérience consciente, caractéristique aussi de la personne humaine.

40En réalité, comme le dit Herbert McCabe :

 21 H. Mccabe, God Still Matters,  London, Continuum, 2002, p. 52-53.

… la doctrine de saint Thomas ne garantit en rien l’affirmation qu’il y a trois personnes en Dieu ; parce que
« personne » en anglais [et en français] signifie sans aucun doute un sujet individuel, un centre distinct de
conscience. […] Si nous disons qu’il y a trois personnes en Dieu, au sens ordinaire de personne, nous sommes
tri-théistes. […] Pour saint Thomas, la clé de la Trinité n’est pas la notion de personne mais celle de relation.
[…] Les personnes de la Trinité ne sont pas des individus, des substances, ne sont pas rationnelles et n’ont  pas
des natures. Ce que saint Thomas cherche à montrer est que dans ce seul cas « personne » peut signifier une
relation. […] Mais bien sûr, même à l’époque de saint Thomas, persona  ne signifiait pas une relation et, c’est
encore plus évident, aujourd’hui « personne » ne le signifie pas. Dans notre culture, la « personne » est
l’opposé de la relation ; c’est le bastion isolé de l’individualité qui se pose contre le collectif. [Cette] notion de
personne ne sera jamais suffisamment relationnelle pour qu’on l’utilise dans une doctrine de la Trinité. […] La
doctrine [de saint Thomas] au sujet de la Trinité pourrait être encore plus aisément comprise si nous parlions
de trois rôles, dans le strict sens de trois rôles dans une distribution théâtrale21.

41Quelle que soit la notion de personne que la Trinité appelle, ce n’est pas celle à laquelle le personnalisme
théiste recourt : un moi ou une conscience, qui serait ce qu’est une personne humaine, mais sans les
limitations propres à un être humain.

42Jésus-Christ est le fils de Dieu et le fils de l’homme. Le Christ n’est pas une personne parmi d’autres,
mais une  personne de la Trinité. Et le Christ ayant deux natures, il est complètement Dieu et complètement
homme, c’est-à-dire, cette fois, une personne humaine. Mais il n’est pas une personne de la Trinité en tant que
personne humaine.

L’incompréhensibilité de Dieu et la lecture de la Bible

43L’anthropomorphisme du personnalisme théiste n’est-il pas lié à l’exigence, si manifeste chez Swinburne,
que Dieu soit compréhensible ? Et pour cela, il devrait être une personne, comme nous le sommes (ou plutôt
comme nous le sommes selon Swinburne et plus généralement certains philosophes modernes), mais en
mieux. Pourtant, comme le dit Brian Davies :

 22 B. Davies, « A Timeless God ? », New Blackfriars  64, 1983, p. 215-224 (p. 217).

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Tel qu’on en parle dans le courant dominant du judéo-christianisme, Dieu est incompréhensible, inimaginable
et tout à fait différent des êtres humains. Il est aussi immuable et le Créateur de toutes choses — ce qui
signifie que rien n’existe sans cause sauf Dieu. Dès lors, Dieu défie toute classification. En parler comme d’une
personne, au sens que Swinburne donne à ce terme, est un non-sens ou c’est de l’idolâtrie22.

 23 B. Davies, « Aquinas on What God is Not », Revue internationale de philosophie  2, 1998, p. 207-225.

44Le jugement est sévère. Pourtant, nul doute que nous n’avons pas de Dieu une expérience ni une
connaissance comparables à celles que nous avons du monde autour de nous. Notre connaissance de Dieu, au-
delà des preuves rationnelles de son existence, ne consiste pas à savoir ce qu’il est, mais plutôt ce qu’il n’est
pas23. Notre connaissance de Dieu reste environnée d’un profond mystère. Dans son Commentaire du Traité
des noms divins de Denys, saint Thomas dit qu’aucun nom, aucun discours complexe, pas même une intuition
simple de l’intelligence, ni une science issue du processus par lequel les conclusions dérivent des principes ne
sont attribués à Dieu de manière à l’embrasser totalement (voir I, 3, § 77). Dès lors, l’identifier comme une
personne, c’est beaucoup s’avancer ; c’est aussi donner trop d’importance et de valeur à l’épistémologie du
sujet conscient ; c’est encore faire de cette épistémologie et de cette philosophie de l’esprit apparue
au xviie siècle, avec le succès philosophique qu’on sait, la norme de l’intelligibilité de la nature de Dieu.

45Évitons de projeter sur la Bible une lecture anthropomorphique qu’elle ne requiert nullement. Préservons
plutôt la distinction radicale entre le Créateur et ses créatures — ce à quoi nous servent les idées de simplicité
et d’incompréhensibilité de Dieu. On peut dire à la suite d’Augustin :

 24 Augustin, Sermon  52, 16.

Que pouvons-nous donc dire de Dieu, mes frères ? Si l’on comprend ce que l’on veut dire de lui, ce n’est pas
lui ; ce n’est pas lui que l’on peut comprendre, c’est autre chose en place de lui ; et si l’on croit l’avoir saisi lui-
même, on est le jouet de son imagination. Il n’est pas ce que l’on comprend ; il est ce que l’on ne comprend
pas ; et comment vouloir parler de ce que l’on ne saurait comprendre24 ?

46On ne voit pas exactement le bénéfice à tirer de la lecture des Saintes Écritures si Dieu y devient une
personne dont les intentions sont examinées et jugées, quand bien même serait-ce dans l’admiration.

Lire la Bible et prier

47Malgré toutes nos critiques du personnalisme théiste, un argument semble subsister : si nous prions,
surtout si nous faisons à Dieu des demandes, si nos prières sont rogatoires, Dieu doit tout de même bien être
une personne !

48Et pourquoi ? Si nos prières ont un sens, c’est que nous nous adressons à un être concret, aimant et
personnel. Comme le dit Brian Davies :

 25 B. Davies, Thinking about God,  Eugene (OR), Wipf & Stock, 2011, p. 316 (publication originale :
Lon (...)

Comme Dieu est personnel, que le cours de la création dérive de sa volonté, qu’il est demandé aux chrétiens
de lui adresser des demandes, il semble naturel de se tourner vers Dieu comme vers celui qui peut faire
advenir ce que nous désirons25.

49Mais cela ne signifie pas que Dieu soit une personne. Comme le dit Herbert McCabe :

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 26 H. Mccabe, Faith within Reason,  London, Continuum, 2007, p. 122. Voir Thomas D’aquin, Somme
Théolog  (...)

La notion de prière rogatoire (de demande) est inintelligible si nous l’interprétons comme une pression
s’exerçant sur Dieu ou comme une tentative de le faire changer d’avis. C’est intelligible si nous voyons la prière
comme le moyen que Dieu a choisi de toute éternité pour faire que les choses arrivent. Saint Thomas nous
rappelle que notre prière librement proférée est aussi une créature de Dieu comme l’est la « réponse » à ma
prière. Ma prière n’est pas ce qui fait que Dieu fait quelque chose ; c’est Dieu qui fait que ma prière fait
quelque chose26.

 27 Denys, Des noms divins 3, 1.

50Une autre façon de le dire : la prière n’est pas une conversation avec une personne, mais l’action de la grâce
divine en nous. Comme le dit Denys, « dans la prière Dieu descend moins vers nous qu’il ne nous élève vers
lui27 ». Ce n’est pas une initiative prise par nous de demander à une certaine personne, Dieu, de faire quelque
chose ; ce n’est pas une requête. La prière, c’est Dieu en moi, plutôt que Dieu en face de moi. Dieu est certes
personnel, mais sans pourtant être une personne, avec laquelle on entretiendrait une relation, comme avec un
ami, sa femme ou son mari. Si l’on s’adresse à une personne, une prière sans réponse est possible. Elle ne nous
donne pas ce que nous demandons. Mais que Dieu ne réponde pas, cela n’a aucun sens, parce que cela n’a
aucun sens qu’il ne le puisse ni ne le veuille. C’est que nous ne prions pas indépendamment de son action en
nous. Et en ce sens, toute prière est heureuse. L’une des préfaces de la messe (Préface commune n o 4) le dit :
« Tu n’as pas besoin de notre louange, et pourtant c’est toi qui nous inspires de te rendre grâce : nos chants
n’ajoutent rien à ce que tu es, mais ils nous rapprochent de toi, par le Christ, notre Seigneur. »

51L’argument selon lequel si nous prions, alors Dieu est une personne fait donc fausse route, complètement. Il
est caractéristique de ce concept moderne de personne appliqué à tort (et à travers) à Dieu. Le domaine
théologique de la prière n’est pas celui de la relation interpersonnelle, d’une relation entre des esprits. C’est
celui de l’action divine. Ma prière est ce que Dieu fait en moi ; il fait ma demande. Être exaucé n’est pas avoir
obtenu quelque chose d’une personne, car la demande que nous avons faite est tout autant l’action divine que
la réalisation de ce que nous espérions.

52Les philosophes n’ont dès lors pas à renoncer à la métaphysique traditionnelle du théisme — à un Dieu
simple, atemporel, immuable et impassible — au nom de la Bible. Le théisme personnaliste, s’il prétend mieux
correspondre à la notion biblique de Dieu, consiste à introduire dans la religion chrétienne une notion
moderne de la personne, distribuée ensuite entre Dieu et les personnes humaines. Or rien dans la lecture de la
Bible ne nous enjoint d’accepter la divinisation de cette notion moderne de personne.

Yahweh, aussi écrit dans les publications Yahvé, Iahvé, Jéhovah, YHWH ou JHVH (de l'hébreu ‫יהוה‬ (yhwh)), est


dans le milieu ouest-sémitique du Proche-Orient ancien étroitement associée à l'Israël antique, un des noms
donnés au Très-Haut, le Dieu Créateur. Yahweh est vénéré dans les royaumes d'Israël et de Juda. Son
sanctuaire principal est le premier Temple de Jérusalem. Dans la Bible hébraïque, Yahweh (YHWH) est
présenté comme le Dieu national des Enfants d'Israël. En dehors de la Bible, l'archéologie a fourni des
exemples du lien entre le théonyme Yahweh et les Israélites. La religion de l'Israël antique ressemble
beaucoup à celle des autres peuples sémitiques du Proche-Orient ancien, notamment à celles de la zone syro-
palestinienne. Le culte israélite développe cependant avec le temps des caractéristiques uniques qui l'isolent
des autres religions.

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Sommaire

 1Nom

o 1.1Prononciation

o 1.2Signification

 2Origine

o 2.1Origine géographique

o 2.2L'hypothèse quénite

o 2.3Yahweh, un dieu révélé ?

 3Fonctions

 4Culte

 5Relations avec le panthéon cananéen

o 5.1Yahweh dans l'assemblée des dieux

o 5.2Yahweh et El

o 5.3Yahweh et Ashéra

o 5.4Yahweh et Baal

o 5.5Yahweh et Baalshamin

 6Monothéisme

o 6.1Le polythéisme israélite

o 6.2L'émergence du monothéisme

 7Notes et références

 8Bibliographie

 9Voir aussi

o 9.1Articles connexes

o 9.2Liens externes

Nom[modifier | modifier le code]

Prononciation[modifier | modifier le code]

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Le nom du Dieu d'Israël apparaît dans l'épigraphie de l'Israël antique et dans la Bible hébraïque où il figure plus
de 7 000 fois. Ce nom s’écrivant avec les quatre lettres hébraïques yod/he/waw/he ‫יהוה‬ (yhwh), il est aussi
appelé le « Tétragramme ». Comme l'hébreu biblique a une écriture principalement consonantique, la
prononciation précise du tétragramme est inconnue. Louis F. Hartman et S. David Sperling déduisent de son
usage dans lettres de Lakish écrites peu avant la destruction de Jérusalem en 586 av. J.-C. qu'il était
régulièrement prononcé au moins jusqu'au vie siècle av. J.-C. 1;2. Depuis la période achéménide, les Juifs ont
pris l'habitude de ne pas prononcer son nom et de le remplacer dans la liturgie par des expressions telles
qu'Adonaï, en hébreu ‫אדני‬ ('ădōnāy), c'est-à-dire « le Seigneur »3. Lors de la traduction en grec de la Bible
hébraïque dans la version de la Septante, YHWH est rendu par Kyrios (« Seigneur »). Lors de l'édition du texte
massorétique de la Bible hébraïque vers le xe siècle, les massorètes ont ajouté des signes diacritiques au texte
hébraïque pour en assurer une lecture correcte. Ils ont alors vocalisé YHWH avec les voyelles du mot Adonaï,
pour indiquer au lecteur de lire « le Seigneur ». yhwh est ainsi vocalisé ĕ-ō-ā (le ḥaṭef pataḥ [ă] vocalisant la
lettre aleph de Adonaï devient un simple shewa [ĕ] lorsqu'il vocalise le yod de yhwh)4. Dans la Mishna, il est
généralement écrit ָ ‫יְי‬. Le fait d'éviter de prononcer ce qui est considéré comme le nom propre de Dieu est
généralement expliqué comme une marque de respect 1, pour ne pas le limiter ou le galvauder5. Selon la
tradition rabbinique, le judaïsme avait adopté à l’époque de Siméon le Juste l’interdiction de transcrire ou de
prononcer le nom divin. Selon Maïmonide, seuls les prêtres le prononçaient lors de certains rituels 6.

Le nom Yahweh correspond à la prononciation la plus souvent proposée 7. La prononciation précise a fait


l'objet de nombreuses conjectures. Les spécialistes supposent souvent deux vocalisations possibles
pour yhwh : Yahweh ou Yahôh. Dans le premier cas, la troisième lettre du tétragramme, le vav, garde sa valeur
de consonne ([w]), alors que dans le deuxième cas, le vav n’est qu'une mater lectionis servant à marquer
un o long, dont l'allongement est précisé par le he final8.

La transcription Yahweh est une convention basée sur des textes grecs tardifs. Elle a été obtenue en
intercalant les deux voyelles « a » et « e » pour donner une forme prononçable aux quatre consonnes du
tétragramme YHWH. Il est en effet rendu par Ἰάω (Iaō) chez Diodore de SicileN 1 (ier siècle av. J.-C.)7. Elle peut
être corroborée par des témoignages de Pères de l’Église 6, comme Épiphane de Salamine qui cite Iabe comme
un des noms de Dieu, et prononce Yahweh sous sa forme brève Ἰα (Yah)9 ou Clément d’Alexandrie qui
donne Jave10. On trouve Ιαουε/Ιαουαι chez Clément d'Alexandrie (iie siècle)N 2 et par Ιαβε/Ιαβαι chez Épiphane
de Salamine (ive siècle) et Théodoret de Cyr (ve siècle). Dans les noms théophores apparaissant dans la Bible
hébraïque, le texte massorétique le vocalise -yāhû, ce qui appuie le choix de cette vocalisation 7. Des formes
abrégées sont également utilisées, notamment lorsqu'il apparaît comme élément théophore dans des noms
propres. En début de noms, on trouve les formes yĕhô et yô, à la fin yāhû et yāh4. Certaines de ces formes
traduisent une origine géographique : Yo/Yaw est plus utilisé dans le royaume d'Israël au nord, alors qu'au sud,
dans le royaume de Juda, c'est plutôt la forme Yah qui est employée3. La forme Yahôh se base sur Irénée de
Lyon11 (iie siècle), qui rappelle que les Gnostiques prononcent Ἰαωθ (contraction de Iao et Sabaoth
selon Thomas Römer) et que d’autres hérétiques prononcent Ἰαῶ . Origène d'Alexandrie (iiie siècle) parle de la
forme Iaō, en l'attribuant aux Gnostiques. Dans les documents araméens des Juifs d'Éléphantine en Haute-
Égypte, le nom divin est écrit yhw ou yhh. Sa prononciation est donc approximativement Yehô ou Yahô, plutôt
que Yahu. Un fragment du Lévitique en grec découvert à QumrânN 3 rend le tétragramme par Iaō12,13.

La forme Yahweh est généralement utilisée dans les publications scientifiques 14. Compte tenu des incertitudes,
des chercheurs n'emploient que les seules consonnes et transcrivent simplement Yhwh12,7 ou YHWH. En 2008
la Congrégation pour le culte divin a déclaré que dans la  liturgie catholique il faut mantenir la tradition de ne
pas prononcer le nom de Dieu sous la forme du tétragramme YHWH mais le rendre toujours comme
« Seigneur » ou comme « Dieu »15. La forme hybride Jehovah résulte du mélange entre les consonnes de

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YHWH et les voyelles du mot « Adonaï » (Seigneur) par lequel on remplaçait le tétragramme dans la lecture à
haute voix16. Elle apparaît chez des érudits chrétiens du Moyen Âge. Le plus ancient document identifiable
contenant cette forme hybride (dans l'orthographe Iehoua) est le Pugio fidei, écrit vers 1270 par Raimundus
Marti : « Et quod est nomen meum? ‫ יהוה‬Iehoua, sive Adonay, quia Dominus es omnium (Et quel est mon
nom ? ‫ יהוה‬Adonaï, car tu es le Seigneur de tous) »17.

Signification[modifier | modifier le code]

Comme pour sa prononciation, l'étymologie du nom de Yahweh est discutée. Le nom Yahweh (« yhwh ») est
généralement compris comme une forme verbale présentant la lettre préformante yod (« y »). Cette forme
correspond à la conjugaison d'un verbe à la troisième personne du singulier de l'aspect inaccompli. Le thème
verbal (voir Verbe hébreu) « hwh » peut être rapprochée de la racine sémitique hyy/hwy, qui signifie « être ».
C'est d'ailleurs ainsi qu'un passage du livre de l'Exode le comprend puisque le nom ‫יהוה‬ (yhwh) (à la troisième
personne) est mis en parallèle avec ‫אהיה‬ (ʾhyh) « je serai » (à la première personne)N 4. Il s'agit là d'une
explication traditionnelle du nom de Yahweh, ou d'une interprétation propre du rédacteur biblique.
Grammaticalement, la forme yhwh peut être soit une forme simple (qal), soit une forme causative (hiphil).
L'identification de la forme verbale est rendue difficile par la méconnaissance de la vocalisation du nom yhwh.
Si on retient la forme simple, Yahweh est « celui qui est », « celui qui se révèle ». À la forme causative, la
signification serait plutôt « celui qui fait être », c'est-à-dire « celui qui crée »7. Si la forme causative devait être
retenue, ce serait la seule occurrence dans la Bible hébraïque de ce verbe à cette forme 4.

Pour certains chercheurs18, Yahweh serait une abréviation ou dérive d'une épithète du dieu El. Il peut s'agir de
l'abréviation d'un nom de dieu, par exemple Yahweh-El (« puisse El être présent »), reconstruction basée sur le
modèle du nom yʿqb ʾl (« puisse El le suivre ») attesté à Mari. Il peut aussi s'agir de l'abréviation d'une formule
liturgique, par exemple yahwe sabaʾot (« celui qui crée les armées [célestes] ») ou El-Yahweh (« El qui se révèle
lui-même »). Cette dernière proposition est une formule analogue à celle qu'on trouve dans le Psaume 118
(117)N 5. Selon cette suggestion, Yahweh était à l'origine une épithète de El avant de devenir une divinité
distincte. La tradition israélite aurait abrégé la formule originelle pour ne garder que la forme verbale
caractérisant l'activité du dieu. L'emploi d'un nom verbal pour désigner une divinité est un usage qui n'est pas
propre aux Israélites. Il est attesté à Mari et chez les Arabes préislamiques19.

Yahweh étant vraisemblablement une divinité issue du panthéon sud-sémitique, on peut chercher un lien avec
la racine arabe hwy (« détruire », à l'origine, Yahweh serait un dieu destructeur) ou des parallèles dans des
divinités arabes préislamiques dont le nom se construit à partir d'une conjugaison à préformantes de verbes
du type Yaǵūt (« il aide »), Ya‘ūq (« il protège »)20. Dans ce contexte, on peut aussi proposer une étymologie
qui fait un parallèle avec l'arabe. Elle rapproche Yahweh de la racine hwy qui signifie notamment « tomber »
ou « souffler ». À la forme causative, Yahweh serait « l'aigle, le vautour21 ou celui « qui tombe » sur sa proie22,
ou encore celui qui fait tomber la pluie » ou les « éclairs », ou « celui qui fait souffler le vent ». Cette
étymologie va dans le sens de considérer Yahweh comme un dieu de l'orage. Il présenterait donc un caractère
proche du dieu cananéen Baal, dont le nom est à l'origine une épithète pour le dieu de l'orage Adad23.
L'explication de Julius Wellhausen24 sur une divinité du type dieu de l'orage est, en l'état actuel des
connaissances, l'explication la plus satisfaisante bien qu'elle ne soit pas exempte, elle aussi, de problèmes 25.
Des noms divins construits avec une conjugaison à préformante sont en effet, dans le monde sémitique
ancien, plutôt rares et s'appliquent aux dieux mineurs. De plus, ces parallèles en conjugaison à préformante se
trouvent généralement en forme apocopée.

Origine[modifier | modifier le code]

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Origine géographique[modifier | modifier le code]

L'origine de Yahweh a fait l'objet de nombreux débats. Son nom ne figure dans aucun texte antérieur à 1200
av. J.-C. même s'il a pu parfois être proposé d'identifier son nom sur des tablettes cunéiformes de l'âge du
bronze à Ougarit, en Mésopotamie ou à Ebla. Ces interprétations restent discutées. À Ebla (2400-2250 av. J.-
C.), l'élément Ya apparaît dans des noms propres mais il est peu vraisemblable qu'il s'agisse d'une forme
abrégée de Yahweh. Aucune divinité nommée Ya n'est connue par ailleurs à Ebla. Il existe d'autres tentatives
pour interpréter des noms comme possédant un élément se rapportant à Yahweh à Mari, Alalakh ou Ougarit
mais ces propositions ne semblent pas satisfaisantes 26. À Ougarit (1200 av. J.-C.), un passage du Cycle de
Baal fait apparaître le nom Yw. Il est parfois proposé d'y voir une forme abrégée de Yahweh 27.

En dépit des propositions précédentes, Yahweh semble absent des sources épigraphiques ouest sémitiques.
Son nom ne figure sur aucun texte cunéiforme. Il ne fait pas partie des divinités communes à la zone syro-
palestinienne. Son culte n'est attesté qu'en Israël à partir de l'âge du fer. En dehors de la Palestine, rien
n'indique que son culte ait été répandu. Seul un texte se rapportant à la région Hamath atteste de son culte
dans le nord de la Syrie au viiie siècle av. J.-C. Un dirigeant nommé Azri-Yau, équivalent au nom
biblique Azarias  , y fait partie d'une coalition araméenne face à Teglath-Phalasar III28, mais cette présence de
Yahweh en Syrie semble être un cas isolé29.

L'archéologie suggère de rechercher son origine dans le sud de la Palestine, dans le désert nord-arabique.
Au xive siècle av. J.-C., le culte de Yahweh semble pratiqué par des groupes édomites ou madianites. Deux
textes égyptiens datant d'Amenhotep III (xive siècle av. J.-C.) et de Ramsès II (xive siècle av. J.-C.) parlent en
effet de « Yahu en terre de Shosou ». La première inscription figure sur une colonne du temple d'Amon à
Soleb en Nubie. La deuxième est une inscription murale à Amarah ouest. Ces inscriptions font la liste de cités
du pays des Shasou. Les bédouins Shasou habitaient la Transjordanie méridionale et le Néguev pendant le
bronze récent et au début du fer I, à partir de 1500 av. J.-C. Dans ces listes, Yahu (Yhw) est un toponyme qui
peut indiquer une ville avec un sanctuaire, peut-être à l'origine beth-yhw, la maison de Yahu. Parmi les autres
toponymes mentionnés, on trouve srr, qu'on peut rapprocher de Séir et smt qu'on peut rapprocher des
Shiméanites de la BibleN 6, ancêtres des Qénites30. « Yahu en terre de Shosou » est donc à rechercher dans le
territoire d'Édom ou de Madian. Pour William G. Dever, les Shosou pourraient être les ancêtres des Israélites31.

Il existe cependant des réserves pour la lecture Séïr de srr dans les inscriptions égyptiennes. Certains
chercheurs suggèrent plutôt un contexte syrien pour les sites listés dans le temple de Ramsès II. Dans cette
hypothèse, des Araméens pourraient avoir vénéré Yahweh. Cette origine syrienne peut être mise en parallèle
avec le lien entre les Patriarches de la Bible et les populations araméennes, dont le séjour
de Jacob chez Laban4.

« L'Éternel [yhwh] est venu du Sinaï, il s'est levé sur eux de Séir, il a resplendi de la montagne de Paran » (Dt
33,2)
« O Éternel! [yhwh] quand tu sortis de Séir, quand tu t'avanças des champs d'Édom » (Jg 5,4)
« Dieu [yhwh] vient de Téman, le Saint vient de la montagne de Paran » (Ha 3,3)

« Qui est celui-ci qui vient d’Édom, de Botsra » (Es 63,1)

Bible Segond

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Dans la Bible, Yahweh est perçu comme venant du sud 32. Quatre passages le décrivent comme venant d'Édom,
de Teman, du Sinaï, du Séïr ou ParanN 7. Ces toponymes permettent de situer approximativement l'origine de
Yahweh dans les montagnes du Néguev central ou du Sinaï oriental. Un « Yahweh de Teman » est aussi connu
par les inscriptions de Kuntillet Ajrud dans le Sinaï au côté d'un « Yahweh de Samarie » (ixe et viiie siècles av. J.-
C.). Yahweh est probablement un dieu importé à l'origine un dieu de l'orage (et de la fertilité) et, comme
toutes les autres divinités de l'orage (telles que le dieu hourrite Teshub, le dieu sémitique Baal/Adad ou le dieu
égyptien Seth), un dieu guerrierN 8 vénéré par des groupes habitant dans des régions arides et se trouvant en
conflits militaires avec d'autres groupes33. Yahweh est également peut-être originellement un dieu des steppes
célébré comme un type de « maître des animaux » comme le suggère l'iconographie sigillaire
du xe et ixe siècles av. J.-C. trouvée dans le Néguev et en Juda (sceaux en forme de scarabées représentant
Yahweh qui dompte des autruches)34.

Si Yahweh est effectivement issu du désert nord arabique, cela pourrait expliquer le silence de la Bible
hébraïque sur le dieu Qôs, la principale divinité édomite. Les deux divinités étant issues de la même région et
présentant des caractéristiques proches, celles d'un dieu de l'orage, il est possible que la Bible préfère éviter
de mentionner Qôs, qui ressemble trop au dieu national d'Israël 35.

L'hypothèse quénite[modifier | modifier le code]

Dès la fin du xixe siècle, des chercheurs allemands ont émis l'hypothèse que Yahweh était à l'origine une
divinité du désert vénéré par les Madianites. Selon l'« hypothèse Qénites », appelée aussi « hypothèse
madiano-qénite » et formulée pour la première fois par le théologien Friedrich Wilhelm GhillanyN 9, son culte
aurait été introduit chez les Israélites par l'intermédiaire de Moïse avec la médiation des Qénites lors de leur
séjour dans le désert. Hobab, le beau-père (ou le beau-frère) de Moïse N 10 est présenté comme un prêtre
madianiteN 11 vénérant YahwehN 12 et appartenant à la tribu des Qénites, une branche des Madianites. Cette
hypothèse expliquerait le lien entre Moïse et sa belle-famille madianite, la description positive des Qénites
dans la Bible et les liens entre Yahweh et la topographique du sud de la Palestine 36.

Cette hypothèse correspond à la vision de l'archéologie qui place Yahweh en dehors des divinités ouest-
sémitiques. Elle accorde cependant une trop grande importance au rôle de Moïse et au séjour des Hébreux
dans le désert. Bien que les traditions bibliques présentent l'action de Moïse et l'Exode hors d'Égypte comme
des éléments fondateurs de l'identité politique et religieuse des Israélites, la recherche archéologique a établi
que l'émergence des Israélites résulte d'une évolution interne de la société cananéenne de l'âge du bronze. La
majorité des Israélites est originaire de Canaan. Ceux-ci n'ont donc pas amené le culte de Yahweh depuis
l’extérieur de la Palestine. Par contre, le culte de Yahweh a pu être introduit par des marchands appartenant à
des groupes qénites ou madianites. Il a pu se répandre à partir des routes commerciales passant au sud et à
l'est de la Palestine37.

Yahweh, un dieu révélé ?[modifier | modifier le code]

Plusieurs passages de la Bible suggèrent que Yahweh a été révélé aux Israélites et qu'il a existé une période de
leur histoire où Yahweh n'était pas connu. Deux textes du livre de l'Exode (Exode 3 et Exode 6), indiquent que
Yahweh s'est révélé pour la première fois à Moïse. Parmi les noms des contemporains de Moïse, le nom de
Yahweh n’apparaît pas comme élément théophore, où seulement à la fin de la vie de Moïse. Le premier nom
est Josué (Yĕhôšuaʿ). Yahweh n’apparaît pas non plus dans les généalogies de la Genèse. Une telle lecture
présente cependant des difficultés. L'absence de Yahweh peut s'expliquer par le souci de maintenir la
cohérence interne du récit lors de son édition finale. Les deux textes d'Exode 3 et 6 datent au plus tôt
du vie siècle av. J.-C. et il est difficile d'utiliser ces passages pour reconstruire l'histoire ancienne de Yahweh.

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Ces éléments suggèrent cependant que les Israélites percevaient Yahweh comme une divinité qui leur avait
été introduite29.

Fonctions[modifier | modifier le code]

Le nom yhwh sur la stèle de Mesha, ixe siècle av. J.-C. (Musée du Louvre, Paris)

Le nom yhwh sur un ostracon de Lakish, vie siècle av. J.-C.

Yahweh occupe une place centrale dans la religion des Israélites dans le royaume d'Israël et dans le royaume
de Juda. La première mention claire du Yahweh en dehors de la Bible montre que son culte est pratiqué en
Israël. Elle figure sur la stèle de Mésha du ixe siècle av. J.-C.. Le roi moabite Mésha y raconte ses succès
militaires contre le royaume d'Israël sous le règne d'Achab. Après avoir attaqué Nebo, une ville située au nord-
ouest de Moab, il fait emporter les « vases de Yhwh » devant son dieu Kémosh. Yahweh apparaît ici comme le
dieu officiel d'Israël, dont le culte est pratiqué jusque dans la ville de Nebo, à la frontière avec Moab. Un sceau
du viiie siècle av. J.-C. découvert à Jérusalem porte l'inscription « Miqneyaw serviteur de yhwh ». Un ostracon
de Kuntillet Ajrud mentionne un « Yahweh de Téman » et un « Yahweh de Samarie ». Les amulettes du Ketef
Hinnom (Jérusalem, viie – vie siècle) invoquent Yahweh dans un texte proche de la bénédiction
sacerdotale figurant dans le Livre des NombresN 13,38.

Les traits originaux de Yahweh sont difficiles à déterminer. Certains chercheurs supposent que c'est un dieu de
l'orage. Cette association à l'orage est peut-être héritée de son rival divin Baal. Yahweh s'exprime au travers

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des éclairs. Il utilise le feu pour manifester sa présence. C'est peut-être aussi un dieu de la montagne N 14. Il
contrôle l'eau de la mer, des rivières et la pluie. Il présente aussi les traits d'un dieu du désert. Il est associé aux
régions désertiques en marge des villes et des villages. Cette caractéristique est à relier avec la tradition
israélite selon laquelle les Hébreux étaient à l'origine des pasteurs nomades qui évoluaient en quête de
pâturages39.

Pour les rédacteurs bibliques, Yahweh est surtout le dieu de l'alliance car il a passé une alliance avec
les patriarches, les enfants d'Israël, le roi David et la monarchie judéenne4. Selon la tradition, Yahweh établit
d'abord son alliance avec les Patriarches, ce qui en fait le « dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob ». Il initie ainsi
une relation personnelle avec les Israélites. Parmi un fond culturel polythéiste, Yahweh est le dieu qui défend
les Israélites. En retour, ceux-ci reconnaissent son pouvoir et acceptent sa souveraineté. Cet engagement
mutuel est volontaire. La relation s'accompagne d'une alliance, conçue comme une sorte de traité qui engage
les deux parties. Le peuple s'engage à respecter les commandements de Yahweh. Ces prescriptions régissent
leur vie civile et religieuse. L'observance des lois et des rites garantit l'harmonie entre le monde humain et le
monde divin39.

L'onomastique suggère que Yahweh occupe un rôle particulier dans l'Israël antique. La présence de noms
propres intégrant l’élément Yahweh ou ses abréviations est une caractéristique propre à Israël et à Juda si on
compare avec les régions voisines. Sur un corpus de 738 noms israélites provenant de sceaux, de bulles ou
d'autres inscriptions, on a pu recenser que 351 incluent le nom de Yahweh, soit près de la majorité. Parmi les
noms restant, la majorité (339) ne font pas référence à des dieux. En dehors de Yahweh, les autres noms
théophores utilisent l'élément ēl dans seulement 48 cas et uniquement quelques-uns l'élément baal,
principalement à Samarie. Les autres dieux représentés dans l'onomastique israélite sont empruntés à la
tradition cananéenne (ʿnt « Anat », ym « Yam », mwt « Mot », ršp « Reshep ») ou égyptienne
(ʿmwn « Amon », ḥwr « Horus », bs « Bès »)40. L'emploi dominant de Yahweh dans l'onomastique de l'ancien
Israël est un usage assez différent par rapport aux royaumes voisins. Dans le territoire d'Ammon où les
données onomastiques sont suffisamment nombreuses pour faire une analyse statistique, le dieu
national Milkom est par exemple beaucoup moins représenté que 'ēl. Même si la mention d'une divinité dans
les noms propres ne peut être reliée simplement aux pratiques religieuse, il existe chez les Israélites une
manière particulière de concevoir leur divinité, manière qui n'est pas partagée par leurs voisins lorsqu'il s'agit
de donner des noms41.

Vers 600 av. J.-C., une inscription de Khirbet Beit Lei, à 8 km à l'est de Lakish, fait référence à Yahweh. Sur ce
site, on a retrouvé deux tombes de l'âge du fer. Plusieurs inscriptions figurent sur les parois de l'antichambre
de l'une des tombes. La plus longue inscription dit que « [Yahweh] est le dieu de la terre entière, les monts de
Juda appartiennent à lui, au dieu de Jérusalem »

‫יהוה אלהי כל הארץ ה‬


‫רי יהד לו לאלהי ירשלם‬

— Khirbet Beit Lei, graffito A42

Une seconde inscription est plus compliquée à déchiffrer. Elle a été rendue par « absous(-nous), dieu
miséricordieux, absous(-nous) Yahweh»N 15. « yhwh » est visiblement ici le dieu de Jérusalem. Un troisième
graffiti indique « délivre-nous Yahweh ». Les ostraca d'Arad contiennent des bénédictions et des invocations
au nom de « yhwh ». Une inscription fait aussi référence à la « maison de yhwh », probablement le temple
local. Dans les dernières années du royaume de Juda, les ostraca de Lakish contiennent elles aussi des
invocations au nom de « yhwh » (« que Yahweh donne la santé »)43,44.

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Culte[modifier | modifier le code]

Une particularité du culte de Yahweh tel qu'il est présenté dans la Bible est son caractère aniconique, c'est-à-
dire que la divinité n'est pas représentée par une statue ou par une image. La Bible interdit explicitement
toute image sculptée de YHWH. Elle ne mentionne d'ailleurs jamais de statue de YHWH, ni dans le royaume
d'Israël, ni en Juda. Cet aniconisme supposé des Israélites n'est pas un phénomène unique parmi les
populations ouest-sémitique du Proche-Orient ancien. Il en existe d'autres exemples, chez
les Nabatéens notamment. Cependant ces exemples sont généralement plus tardifs que la monarchie israélite.
Certains chercheurs estiment néanmoins que pendant la période monarchique, Yahweh a pu être vénéré sous
forme de statue comme chez les peuples environnants. Le culte aniconique aurait été mis en place lors des
réformes religieuses opérées par Josias et peut-être par Ézéchias vers la fin de la monarchie judéenne.
Beaucoup de textes bibliques décrivant le culte des Israélites semblent dater de la période exilique ou post-
exilique. L’absence de référence à des statues pourrait provenir d'un biais et d'une rétroprojection du culte tel
qu'il était pratiqué pendant la période post-exilique 45.

Prisme du roi Sargon II d'Assyrie, argile de Dur-Sharrûken, musée de l'université de Chicago (États-Unis).

En dehors de la Bible, plusieurs témoignages archéologiques sont parfois considérés comme indiquant une
possible existence d'images anthropomorphes de Yahweh dans les sanctuaires israélites d'Israël et de Juda.
Ces témoignages sont sujets à des interprétations divergentes. Le prisme de Sargon II datant
d'environ 706 décrit la prise de Samarie par les Assyriens. Parmi le butin mentionné, l'inscription parle de
l'enlèvement des dieux auxquels ils croient (ilāni tiklīšun). La déportation des statues des dieux est une
pratique courante lors de l'annexion d'un royaume dans le Proche-Orient ancien. Les dieux sont emmenés en
captivité. Cet élément est parfois pris comme la preuve de l'existence d'une statue anthropomorphe de
Yahweh dans le sanctuaire de Samarie. Pour d'autres chercheurs, ce passage fait allusion à des objets de culte
dont la nature ne peut être précisée. Il peut aussi s'agir d'un thème littéraire, « la spoliation des dieux », ne
correspondant pas à un évènement réel. Les bas-reliefs de Lakish présentent la prise de la ville
par Sennachérib. Sur l'un des panneaux, on y voit l'enlèvement d'objets de culte retirés du sanctuaire local lors
de la destruction de la cité. Parmi les objets, on identifie des autels à encens mais pas de statue. Ce
témoignage pourrait être un élément indiquant l'absence de statue dans le sanctuaire judéen 45.

Arche d'Alliance, 1896–1902, J. Tissot.

Chez les Israélites, l'Arche d'alliance semble servir de représentation pour Yahweh. Elle est le symbole de sa
présence. Elle prend la place de sa représentation lors des fêtes où elle est exposée au peuple 46.

Certains textes bibliques font état de sacrifices d'enfants dans un lieu appelé Tophet situé dans la vallée
du Hinnom en dehors de Jérusalem. Quelques chercheurs, dont Thomas Römer, estiment que ces sacrifices
étaient destinés à Yahvé pendant la période monarchique et que cette pratique a ensuite été condamnée
pendant la période perse. Dans la Bible, ces sacrifices sont attribués à Moloch. Ce nom, basé sur la racine
sémitique m-l-k, est une déformation de melek, c’est-à-dire « le roi ». Il s'agirait dans cette hypothèse d'une
désignation de Yahvé. Cette pratique disparaît vers le vie – ve siècle av. J.-C. et ce tournant trouve son illustration
dans le sacrifice d'Isaac47. Généralement, on considère que Mōlek (melek) est le titre ou l'épithète d'une
divinité. Comme pour Baal, son nom a été déformé par les scribes judéens en lui substituant les voyelles « ō-

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e » du nom hébreu bōshet, « honte »48. Plutôt qu'une épithète de Yahweh, Mōlek semble être une divinité du
monde souterrain associée au culte des morts 49,50.

Relations avec le panthéon cananéen[modifier | modifier le code]

Yahweh dans l'assemblée des dieux[modifier | modifier le code]

Plusieurs passages de la Bible semblent indiquer que Yahweh n'a pas toujours été à la tête du panthéon
israélite. À un moment donné, Yahweh a pu être considéré comme une divinité parmi d'autres. Plusieurs
passages bibliques mentionnent l'idée d'une assemblée divine et laissent penser que Yahweh a pu être
subordonné au grand dieu cananéen El ou au dieu El Elyon51. Le Psaume 82 présente ainsi Elohim au sein de
l'assemblée de El et rappelle l'idée que tous les dieux du Levant sont les fils de El (Elyon). Dans le Psaume
89, Yhwh est encore un fils des dieux, mais il est le plus grand d'entre eux 52. Dans le DeutéronomeN 16, il est
écrit que le dieu Elyon divise les hommes selon le nombre des fils de El. Ce passage se trouve dans le texte grec
de la Septante et dans un des manuscrits hébreux de QumrânN 17. Par contre, le texte massorétique, qui porte
l'expression « fils d'Israël » et pas « fils de El », ne semble pas correspondre au texte hébreu sur lequel se base
la Septante. Le texte massorétique est une édition plus tardive qui a semble-t-il été remaniée pour remplacer
une expression problématique par une autre aux accents moins polythéistes, tout en en gardant le nombre de
soixante-dix. Chacun des soixante-dix dieux est donc le dieu d'une nation. Parmi les fils de El, Yhwh est le dieu
de Jacob. La théologie exposée par ce texte est que tous les peuples ont leur dieu tutélaire et que parmi les
peuples, Yahweh est le dieu particulier d'Israël 51.

Même après avoir été adopté par Israël, Yahweh continue à cohabiter avec les autres divinités ouest-
sémitiques. Comme dans les autres panthéons sémitiques, Yhwh est à la tête d'une assemblée divine N 18. Cette
assemblée est d'abord composée de divinités de rang inférieur. Lorsque ces traditions seront plus tard relues
selon une théologie monothéiste, ces divinités seront alors interprétées comme des anges 53. Contrairement à
la mythologie développée à Ougarit au xive – xiie siècle av. J.-C., les membres de l'assemblée de Yahweh n'ont
pas de nom individuel, de rôle ou de volonté propre 54.

À la différence d'autres traditions religieuses du Proche-Orient ancien, la Bible hébraïque ne rapporte pas de
grands récits mythologiques centrés sur Yahweh. Il n'existe pas de récits épiques le mettant en scène face à
d'autres divinités ou face aux forces cosmiques. Alors que le Cycle de Baal est écrit à la gloire de Baal ou que
l'Enuma Elish l'est à la gloire de Mardouk, on ne dispose pas de textes semblables pour Yahweh 55. Les récits
bibliques reprennent cependant des thèmes mythologiques et des images connues par ailleurs, notamment
dans les textes d'Ougarit. Dans la Bible, Yahweh combat des monstres marins, comme le fait Baal face au
dieu YamN 19. Il combat les forces du chaos, telles que le Léviathan, le Tannin ou Rahab. Ces quelques thèmes
mythologiques ne sont que les rares survivances des anciennes croyances qui se sont maintenues lorsque la
mise en forme finale de la Bible a adopté un point de vue monothéiste 53. Les anciens mythes sont
réinterprétés. Dans le récit de la Genèse, les forces du chaos ne jouent plus aucun rôle dans la création 56.

Yahweh et El[modifier | modifier le code]

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Schéma du Tabernacle, G. L. Fink, 2009.

El est une divinité cananéenne. À la fin de l'âge du bronze, il est notamment vénéré à Ougarit où il est placé à
la tête du panthéon, même si son autorité semble décroître au profil du dieu Baal. Dans la Bible, le nom
'ēl apparaît 230 fois. Son usage est double : il sert à la fois pour désigner un dieu étranger et pour désigner le
dieu d'Israël57. Dans l'Israël antique, El semble avoir été vénéré dans le sanctuaire de Shilo et peut-être
à Sichem et Jérusalem sous les formes de El berît et El Elyon. Yahweh a ensuite pu être identifié à El et hériter
alors de ces titres. Les formes locales du dieu El ont pu devenir des épithètes pour Yahweh. Dans le livre de
l'ExodeN 20, Yahweh est identifié à El Shaddaï. Selon les traditions de Jacob issues des récits bibliques, le dieu El
semble être le dieu des Patriarches. Cette association avec le récit des Patriarches reflète probablement une
ancienne théologie de l'histoire religieuse d'Israël 58.

Certains aspects de la personnalité de Yahweh viennent probablement de celle de El dont il a repris les
caractéristiques. À l'instar de El, Yahweh est décrit comme un dieu âgé N 21 à la tête d'un conseil divinN 18. La
vision de Yahweh comme un dieu âgé perdure jusque dans la littérature biblique tardive N 22. Il est à la tête
d'une assemblée divine dont les membres sont appelés les qedōšîm, les « Saints ». Dans une relecture
monothéiste, les membres de cette assemblée deviennent les membres d'une assemblée angélique et non
plus divine59. La description du lieu de résidence de Yahweh dans une tente ('ōhel)N 23 rappelle la tente dans
laquelle réside El. Le terme utilisé pour les solives du tabernacle (qerāšîm) est construit sur la même racine que
le terme qrš (« pavillon ») désignant la résidence de El60.

Yahweh et Ashéra[modifier | modifier le code]

Image sur fragment de pithos trouvé à Kuntillet Ajrud sous l'inscription « Yahweh et son Asherah ». Les deux
personnages debout sont parfois perçus comme une représentation du couple divin, tandis que le joueur de
lyre assis derrière eux est un artiste. Également, de nombreux historiens de l'art identifient les personnages
debout comme des représentations du dieu-nain égyptien Bès, en raison de leurs visages distinctement
bovins. Il est également possible que les images sur le pot n'aient rien à voir avec l'inscription.

Yahweh est aussi associé à Ashéra dans deux inscriptions, à Kuntillet Ajrud dans le Sinaï et à Khirbet el-Qôm à
l'ouest d'Hébron. Ces inscriptions font référence à « yhwh et son ashera ». Elles ne mentionnent pas

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directement une déesse, mais plutôt un objet cultuel symbolisant Ashéra. Sur le plan de la philologie, la
construction grammaticale signifie qu'ashera est ici un nom commun et non pas un nom propre 53. Ces
inscriptions sont datées entre la fin du ixe siècle av. J.-C. et la deuxième partie du viiie siècle av. J.-C.. Dans la
Bible, Ashera apparaît à la fois comme une divinité et comme un objet (h'ašērâ ou 'ašērîm), qui est un arbre
cultuel. Son culte est pratiqué jusque dans le temple de JérusalemN 24. La question de savoir si Ashéra était ou
non la parèdre de Yahweh a donné lieu à des avis divisés. La majorité des chercheurs estiment qu'Ashéra était
vraisemblablement la déesse consort de Yahweh 61. Le culte de « Yahweh et son Ashérah » est certainement
pratiqué pendant très longtemps62. Lorsque Yahweh s'approprie les caractériques du dieu El, il reprend
visiblement aussi son rôle de consort de la déesse Athirat, dont Ashéra est une forme apparentée 63. À l'époque
néo-babylonienne, les Juifs de la colonie militaire Éléphantine associent eux aussi une parèdre à leur dieu
« Yaho ». Une liste indique les divinités vénérées dans le sanctuaire. Elle mentionne les déesses Anat Yahu et
Anat Bethel64. Si le couple divin Yahweh-Ashéra a pu être chargé d'un panthéon, cette vision évolue ensuite
vers une description où la figure de Yahweh seule est centrale et où les autres puissances, dont Ashéra,
n'occupent qu'un rang inférieur65.

Yahweh et Baal[modifier | modifier le code]

Dans l'Israël antique, le culte de Yahweh n'est pas exclusif. Il semble que Yhwh et Baal y étaient vénéré côte à
côte, notamment dans le royaume d'Israël. Les ostraca de Samarie (ixe siècle av. J.-C.) indiquent que les noms
propres font à la fois apparaître l'élément yhwh et l'élément baal. On y compte cinq individus avec des noms
incluant Baal contre neuf avec yhwh66. Cette impression se retrouve dans la Bible, où les deux éléments
apparaissent aussi dans les noms propres, même si l'élément bōšet, (« honte ») est souvent substitué
à Baal dans une volonté polémique. Ainsi le fils du roi Saül Ishbaal est-il aussi appelé Ishboshet. Cette
substitution est opérée dans le livre de SamuelN 25 mais les noms originaux sont correctement conservés dans
les livres des ChroniquesN 26. Le culte de Baal semble cependant moins répandu 67. Si son nom apparaît dans
quelques noms propres, le nom de Yhwh est largement plus courant dans l'épigraphie israélite 40. Dans la Bible,
le roi d'Israël Achab et son épouse phénicienne Jézabel sont présentés comme de grands promoteurs du culte
de Baal. Yhwh est cependant très présent dans le récit du règne d'Achab. Son premier ministre s'appelle
Ovadia (« serviteur de Yhwh ») et ses fils Azaria (« Yhwh aide ») et Yehoram (« Yhwh est élevé »)67. Dans
le deuxième livre des Rois68, le roi d'Israël Jéhu y est présenté comme un défenseur de la cause de Yahweh
contre Baal, Yhvh devenant définitivement la divinité la plus importante en Israël à cette époque 69

Yahweh et Baalshamin[modifier | modifier le code]

À partir du règne de Jéhu, Yahweh est vénéré à la manière de Baal de Sidon ou de Baalshamin. Il devint un baal
shamem, un « Seigneur du ciel », le dieu de la dynastie davidique et dieu national de Juda en intégrant les
traits du Dieu El, figure royale trônant, et ceux de Baalshamin, combinaison du dieu de l'orage et du dieu
soleil70.

Monothéisme[modifier | modifier le code]

Selon la Bible hébraïque, Israël s'est constitué en peuple lors de la révélation de Yahweh au Sinaï. Dès son
origine, Israël a été le peuple d'un seul dieu : YHWH. Si l'histoire d'Israël a été marquée par des périodes
d'apostasies, il ne s'agit que d'égarements ou de négligences qui n'ont jamais remis en cause le lien unique
entre Yahweh et Israël40.

Le polythéisme israélite[modifier | modifier le code]

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Le polythéisme est une caractéristique des sociétés du Proche-Orient ancien 71. Contrairement au discours
biblique, le monothéisme est un développement tardif de la religion des Israélites. Le culte des Israélites à
d'autres divinités est attesté au moins jusqu'à l'Exil à Babylone tant dans la Bible elle-même, dans ses critiques
du polythéisme, que par l'archéologie (épigraphie et figurines). Les nombreuses figurines, dont les « figurines
piliers », indiquent une forte présence de divinités féminines dans l'activité religieuse des Israélites aux viiie – 
viie
 siècle av. J.-C.. La Bible ne fournit cependant pas une description complète de la religion des Israélites. Une
sélection a été opérée lors de l'édition finale des textes. Seuls quelques vestiges d'information ont survécu et
confirment cette situation polythéiste. Dans le livre du Deutéronome, des passages monothéistes N 27 figurent à
côté de passages qui acceptent l’existence d'autres dieux N 28. Si Yahweh semble avoir le statut de dieu national,
son culte n'est qu'une des formes de la dévotion des Israélites 65.

Yahweh est à l'origine un dieu local sudiste, attaché à une géographie donnée, probablement des tribus
d'Édom qui se comprennent, via un médiateur (Moïse), comme  ‫עם יהוה‬, ‘am Yhwh « peuple ou parenté de
Yhwh » et qui introduisent leur dieu Yahweh dans le territoire de Benjamin et la montagne d'Éphraïm (en),
Yhwh devenant le dieu tutélaire d'Israël sous Jéroboam72. Un passage du livre des Rois illustre l'enracinement
géographique de Yahweh : après la déportation des habitants du royaume d'Israël par les Assyriens, un prêtre
de Yahweh est ramené dans le sanctuaire de Béthel pour organiser le culte du « dieu du lieu » pour les colonsN
29
. Ces colons nouvellement installés vénèrent à la fois leurs dieux ancestraux et le dieu local, attaché à la terre
sur laquelle ils vivent73. Face à une situation polythéiste, le discours monothéiste de la Bible est largement
rhétorique. Ce discours s'adresse avant tout à la communauté israélite et vise à renforcer le lien entre Yahweh
et le peuple, en tenant à distance les autres divinités. Il ne marque pas un nouveau stade dans la religion des
Israélites mais cherche à exprimer la relation particulière d'Israël à Yahweh. Il exprime les droits de Yahweh sur
Israël et la fidélité d'Israël à Yahweh74. Avec avènement de la dynastie de David, le « dieu du lieu » devient le
« dieu du roi ». À l'époque monarchique, Jérusalem héberge à la fois le pouvoir royal et le sanctuaire de
Yahweh. En renforçant la figure divine du dieu national et dynastique, le pouvoir politique vise à renforcer la
centralité de Jérusalem. Sous la monarchie, les représentations des divinités vénérées en Israël s'agrègent à la
figure de Yahweh qui acquiert une autorité divine supérieure aux autres dieux 75. L'importance majeure de
Yahweh dans la société israélite pourrait permettre de qualifier sa pratique religieuse de « monolâtrie »76. Les
prophètes Amos, Osée et Élie s'opposent certes aux cultes des autres divinités, mais ne s’intéressent qu'aux
cultes pratiqués en Israël même, pas à l'extérieur. Leur action permet cependant de les faire passer pour des
représentants du monothéisme, même si à ce stade, l’existence des autres divinités n'est pas niée, seuls leurs
pouvoirs sur Israël le sont75. Les autres dieux sont réels, mais ils ne sont pas aptes à régir les Israélites, et leur
puissance disparaitra à la fin des temps73.

Comme à Ougarit, le pouvoir de Yahweh est décrit en termes de conflit, notamment avec les forces
cosmiques77. Mais les anthropomorphismes et les thériomorphismes (attributions de caractéristiques
humaines ou animales) sont beaucoup plus réduits qu'à Ougarit. Contrairement à Baal, la virilité ne fait pas
partie des caractéristiques de Yahweh. Il n'est en général pas concerné par la mort ou la sexualité. Il échappe à
ces sources d'impuretés. Ces notions semblent écartées car elles sont incompatibles avec les concepts de
pureté rituelle propres aux prêtres qui sont visiblement responsables de la transmission et de la rédaction du
corpus biblique78. Par contre, il est présenté comme un scribe divin N 30.

L'émergence du monothéisme[modifier | modifier le code]

Une rhétorique réellement monothéiste émerge à partir des viie – vie siècle av. J.-C.. Il est difficile d'en
comprendre les raisons précises, même si la structure de la société israélite et les circonstances historiques ont
pu l'influencer. D'une part, la structure d'une divinité centrale entourée d'un conseil divin se démarque de la

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conception de la famille divine telle qu'on la retrouve à Ougarit. Dans la vision théologique israélite,
l'individualité de Yahweh se dégage largement. Cette individualisation peut refléter l'affaiblissement de la
structure familiale traditionnelle alors qu'émerge un pouvoir royal centralisateur et qui s’accompagne d'une
nouvelle classe de propriétaires terriens 79. D'autre part, les circonstances historiques ont pu faire évoluer la
vision de Yahweh. À partir des viiie – viie siècle av. J.-C., Israël entre en contact avec les
empires assyrien et babylonien. Alors qu'Israël est soumis à de puissants empires et qu'il se retrouve au bas de
l'échelle politique, les prêtres conçoivent la divinité nationale au sommet du pouvoir divin, dont l'autorité
s'étend sur tout l'univers. La détérioration de la position d'Israël dans l'histoire s'accompagne d'une élévation
du statut de Yahweh dans la littérature. Ce glissement du discours théologique fait passer Yahweh du statut de
dieu national à celui du seul dieu existant dans le cosmos 77. À partir du viie siècle av. J.-C., la réforme
deutéronomique vise à renforcer la cohésion communautaire. Yahweh devient le seul objet de vénération.
l’idolâtrie est considérée comme une trahison 80. Signe peut-être d'une réforme du roi Josias et d'une évolution
vers le monothéisme, la déesse Ashéra n’apparaît plus dans les formules de bénédictions et de protection dans
les ostraca de Lakish et d'Arad. Seul Yahweh intervient81.

« Ainsi parle l’Éternel (yhwh), roi d’Israël et son rédempteur, l’Éternel des armées : je suis le premier et je suis
le dernier, et hors moi il n’y a point de Dieu. » (Ésaïe 44,6)

Bible Segond

À partir de l'Exil, le discours de la Bible devient clairement monothéiste. Avec l'Exil, Israël a perdu sa terre et
ses institutions. Le Temple de Jérusalem est ruiné. La lignée royale de David, qui témoignait de la présence de
Yahweh aux côtés d'Israël et de sa protection, a disparu 82. Cette crise remet en cause l'identité d'Israël. Il lui
faut trouver un nouveau cadre théologique pour expliquer cette situation. Une nouvelle conception de
Yahweh prend alors forme83. On considère généralement que les chapitres 40 à 55 du livre d'Isaïe expriment
bien cette nouvelle théologie monothéiste. À l'époque de la monarchie, les juges et les rois israélites
obéissaient au plan divin pour sauver Israël. Désormais, c'est le roi perse Cyrus qui est l'oint de YahwehN 31.
Yahweh n'est pas seulement le dieu tutélaire d'Israël. Il dirige le monde et peut choisir des rois étrangers pour
assurer l'avenir d'Israël. L’existence même des autres dieux est refusé N 32 : Yahweh est le seul dieu dans le
cosmos et rien n'est semblable à lui84.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes

 Cet article est partiellement ou en totalité issu de l'article intitulé « Yahweh (transcription) » (voir la
liste des auteurs).

1. ↑ « chez les Juifs, Moïse disait avoir reçu les lois du Dieu appelé Iao », Diodore de Sicile, Bibliothèque
historique (1.94.2)

2. ↑ Stromates 5.6.34.5

3. ↑ 4QpapLXXLevb

4. ↑ Exode 3,14

5. ↑ Psaume 118,27

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6. ↑ 1 Chroniques 2,55

7. ↑ Deutéronome 33,2, Juges 5,4, Ésaïe 63,1 et Habakuk 3,3

8. ↑ Exode 15,3 et Psaume 24,8 dans la Bible Segond.

9. ↑ F.W. Ghillany publie Theologische Briefe an die Gebildeten der deutsche Nation en 1862 sous le
pseudonyme Richard von der Alm, son hypothèse étant trop osée pour son époque. Source : (en) K.
Van Der Toorn, Family Religion in Babylonia, Ugarit and Israel. Continuity and Changes in the Forms of
Religious Life, Brill, 1996, p. 283

10. ↑ Juges 1,16, Juges 4,11, Nombres 10,29

11. ↑ Exode 2,16, Exode 3,1, Exode 18,1

12. ↑ Exode 18,10

13. ↑ Nb 6,24-26

14. ↑ Jg 5,4

15. ↑ La lecture alternative « (le mont) Moriah que tu as favorisé, la demeure de Yah, yahweh » proposée
initialement par Joseph Naveh a été reconnue par l'auteur comme erronée (Naveh 2001)

16. ↑ Deutéronome 32,8

17. ↑ 4Q37

18. ↑ Revenir plus haut en :a et b 1 Rois 22,19

19. ↑ Ésaïe 27,1

20. ↑ Exode 6,2

21. ↑ Ésaïe 40,28, Habakuk 3,6

22. ↑ Ecclésiastique 18,30, Daniel 3,25

23. ↑ Psaume 15,1, Psaume 27,6

24. ↑ 2 Rois 23,4

25. ↑ 2 Samuel 2,8, 2 Samuel 21,7

26. ↑ 1 Chroniques 8,33, 1 Chroniques 9,39

27. ↑ Deutéronome 5,35

28. ↑ Deutéronome 5,7, Deutéronome 6,4

29. ↑ 2 Rois 17,27

30. ↑ Exode 31,18

31. ↑ Ésaïe 45,1

Page 26 sur 60
32. ↑ Ésaïe 44,6, Ésaïe 45,5

YHWH

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Pour le Dieu unique du judaïsme, voir les articles  Adonai  et  Elohim. Pour la divinité du  Proche-Orient ancien,
voir  Yahweh.

Le Tétragramme en phénicien, en araméen ancien et en hébreu carré.

‫יהוה‬ est le Tétragramme (grec ancien : Τετραγράμματον / Tetragrámmaton, « mot composé de quatre


lettres »), le théonyme de la divinité d’Israël, composé des lettres yōḏ (‫)י‬, hē (‫)ה‬, wāw (‫)ו‬, hē (‫)ה‬, et
retranscrit YHWH en français.

Apparaissant près de 7 000 fois dans l’ensemble de la Bible hébraïque et présenté comme le « nom propre »
de l’Elohim du judaïsme, il pourrait être dérivé de la racine trilittère en hébreu : ‫היה‬ (HYH, « être »)1. Considéré
d’une sainteté suprême et déclaré ineffable en raison du troisième commandement (« ne pas prononcer le
nom divin en vain ») vers le iiie siècle, il est substitué dans les prières ou la lecture de la
Torah par Adonaï (hébreu : ‫אדני‬ « mon Seigneur »), par HaElohim (hébreu : ‫« אלוהים‬ le Dieu ») et
par HaShem (hébreu : ‫השם‬ « le Nom ») dans un contexte profane.

Certaines traductions chrétiennes de la Bible l’ont parfois transcrit par « Yahvé », « Yahweh », « Jéhovah » ou
« Jéhova ». Depuis le pontificat de Benoît XVI, l’Église catholique préconise, entre autres par respect pour les
Juifs, de ne plus prononcer « Yahvé » mais d’employer à la place l'expression « le Seigneur »2 selon l’usage de
la Vulgate, laquelle suit elle-même les copies tardives de la Septante, dans lesquelles le Tétragramme avait fini
par être remplacé par Κύριος (Kyrios, « Seigneur »). Depuis la Bible d'Olivétan (1535), la plupart des
traductions protestantes retiennent quant à elles le terme « l'Éternel », jugé plus proche du sens hébreu3.

Sommaire

 1Le nom à quatre lettres dans la Bible

 2Les quatre consonnes

o 2.1Interdit de prononciation dans le judaïsme

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o 2.2Prononciations dans le christianisme

 2.2.1Église ancienne

 2.2.2Moyen Âge et Renaissance

 2.2.3Époque contemporaine

 2.2.4Position catholique

 2.2.5Traductions protestantes de la Bible

 2.2.6Traductions œcuméniques de la Bible

 3Le verbe « être »

o 3.1La révélation du Buisson ardent

o 3.2Approche philosophique

 4Traditions et œuvres liées au Tétragramme

 5Notes et références

 6Annexes

o 6.1Bibliographie

 6.1.1Textes anciens

o 6.2Sources récentes

o 6.3Articles connexes

o 6.4Liens externes

Le nom à quatre lettres dans la Bible[modifier | modifier le code]

La première occurrence explicite du nom à quatre lettres se trouve en Genèse 2:4 (le premier chapitre emploie
« Elohim »). Le nom apparaît ensuite plus de 1 400 fois dans la Torah (avec 153 occurrences dans le Livre de la
Genèse, 364 dans le Livre de l'Exode, 285 dans le Lévitique, 387 dans le Livre des Nombres et 330 dans
le Deutéronome), près de 2 700 dans les livres prophétiques et un peu moins de 1 300 fois dans
les Écrits[réf. nécessaire].

Les quatre consonnes[modifier | modifier le code]

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Le Tétragramme sur la stèle de Mesha, musée du Louvre.

La forme YHWH correspondrait à une flexion verbale atypique à la forme causative de l'imparfait hébreu de
la racine trilittère ‫היה‬, HYH (« être, devenir, arriver, il fait devenir »). Tel était déjà l’avis des grammairiens juifs
du Moyen Âge, conforté par celui de Baruch Spinoza.

La plus ancienne mention épigraphique connue du Tétragramme est un nom théophore, c'est-à-dire « portant
[le nom de] Dieu », daté de 820 av. J.-C. sur la stèle de Tel Dan. Une inscription plus explicite, datée de 810 av.
J.-C., a été trouvée sur la stèle de Mesha4,5.

Selon la Jewish Encyclopedia (1906), le Tétragramme apparaît 5 410 fois dans le Tanakh. Ces occurrences se
répartissent ainsi : 1 419 dans la Torah6, 2 696 dans les Prophètes (Nevi'im) et 1 295 dans les Écrits
(Ketouvim)7. Pour Douglas Knight (2011)8, le Tétragramme est écrit 6 828 fois dans les éditions de Kittel et de
Stuttgart. Le dictionnaire BDB indique quant à lui un total de 6 518 occurrences.

Dans les écritures hébraïques, le nom personnel divin apparaît près de 7 000 fois.

Interdit de prononciation dans le judaïsme[modifier | modifier le code]

Les Juifs s’imposent une interdiction de prononcer le Tétragramme, fondée sur le Troisième Commandement :


« Tu n’invoqueras pas le nom de YHWH ton Dieu en vain » (Ex 20:7). Le grand-rabbin Lazare Wogue, traducteur
de la Torah, précise : « Quant au saint Tétragramme, on sait que le judaïsme, de temps immémorial et dans
toutes ses sectes sans exception, s’est abstenu de le prononcer selon sa forme véritable : les rabbanites
ou pharisiens disaient Adônaï, les Samaritains Schimâ »9. Lorsque le Tétragramme est inscrit dans les Écritures
hébraïques, d’autres mots lui sont substitués à l’oral, le plus souvent Adonaï (‫אדני‬, « mon Seigneur ») mais
occasionnellement Elohim (« Puissances »)10. Cette substitution11 explique les points-voyelles utilisés dans
plusieurs transcriptions du Pentateuque selon qu'il faut lire Adonaï ou Elohim. Dans la conversation, on utilise
de préférence HaShem (« le Nom », cf. Lv 24:11). À l’école, on dit aussi « Eloqim ». Lors des bénédictions, à la
synagogue ou à la table familiale, les participants saluent la prononciation d’« Adonaï » par la
formule « Baroukh Hou ou Baroukh Shemo » (« Béni [soit]-Il et Béni [soit] Son Nom »).

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Feuille d'argent (c. 600 AEC) comportant la bénédiction sacerdotale (Nb 6:24-26) : « Que YHWH te bénisse et
te garde. »

La prononciation exacte du Tétragramme n'est pas possible, ce qui est logique compte tenu de l'interdiction
qui pèse sur elle. En revanche, le Nom s'écrit au moyen des consonnes, qui sont fixes. Un tel procédé s'appelle
"Quetiv Quéré12" Il indique que l'on utilise un nom de substitution pour ne pas prononcer le Nom interdit.

A propos de prononciation, Joel M. Hoffman, par exemple 13, soutient que le Tétragramme n’a jamais été
prononcé. Les autres hébraïsants s’appuient, entre autres, sur les noms théophores et sur les chapitres
du Pentateuque contenant le Tétragramme et sur un passage couramment appelé « Le songe d’Isaïe » dont la
prosodie et les assonances en « O » et « OU » suggèrent une prononciation d'un Nom de substitution
phonologiquement voisin, usité à l’époque de la rédaction du texte, avant l’interdiction comme le signalent
nombre de nom théophores14 composés avec le Tétragramme généralement considéré comme l’un des plus
anciens du corpus biblique, rédigé vers le viiie siècle avant l’ère commune15.

L'interdit va si loin qu'il modifie la numération hébraïque. Celle-ci est de type décimal ; la lettre yud (‫)י‬
représente le nombre 10. De 11 à 19 inclus, les nombres sont écrits sur le modèle « 10 + n » : 11 = 10 + 1, 12 =
10 + 2, et ainsi de suite. Or, en suivant ce schéma, les nombres 15 et 16 seraient formés l'un et l'autre par deux
des lettres du Tétragramme : le yod (‫ )י‬et le hé (‫ )ה‬pour 15 (10+5), et le yod (‫ )י‬et le waw (‫ )ו‬pour 16 (10+6). La
numération est donc modifiée : la lettre thet (‫)ט‬, qui ne fait pas partie du Tétragramme et a pour valeur 9, est
substituée au yod (10). Le nombre 15 s'écrit (9+6) ‫טו‬, et 16 s'écrit (9+7) ‫טז‬. C'est pourquoi on emploie la
numération avec le thet en désignant par Tou Bichvat et Tou Beav les fêtes du 15 Chevat et du 15 Av.

Prononciations dans le christianisme[modifier | modifier le code]

Le Tétragramme dans une sacristie, en Suède, avec les voyelles de « Jéhovah ».

Église ancienne[modifier | modifier le code]

L’interdiction de prononcer le nom propre de Dieu ne concerne pas seulement les juifs mais aussi les premiers
chrétiens, qui n’ont peut-être jamais connu sa prononciation. Dans la liturgie chrétienne et dans les copies
tardives de la Septante et ensuite dans la Vulgate, le Tétragramme est remplacé par les mots Kurios (Kύριος en
grec), et Dominus (en latin) « Seigneur ». Toutefois, dans son Prologus Galeatus, préface aux livres de Samuel

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et des Rois, Jérôme de Stridon dit avoir rencontré le Nom en caractères archaïques dans des rouleaux grecs.
Jérôme évoque aussi des Grecs ignorants qui ont entrepris de transcrire le nom divin 16.

Moyen Âge et Renaissance[modifier | modifier le code]

La translittération en « Jéhovah » date de la fin du xiiie siècle : elle est due au disputateur catalan Raimond


Martin, dans son ouvrage Pugio Fidei17, « certains chrétiens qui lisaient la Bible dans sa version originale ont lu
YHWH en lui appliquant la vocalisation du terme Adonaï, c’est-à-dire en intercalant ses trois voyelles « ĕ »18,
« ō » et « ā », et obtenu ainsi le nom Jéhovah »19. Cette hypothèse refait surface dans l'ésotérisme de la
Renaissance, lorsque Johannes Reuchlin émet une théorie sur le rapport entre le Tétragramme et le nom de
Jésus. Dans son De verbo mirifico, il affirme que le nom de Jésus, retranscrit vers l'hébreu, donne le
pentagramme YHSVH ou IHSUH, les quatre lettres du Tétragramme YHVH ou IHUH, au cœur duquel il en a
inséré une cinquième, le Sh : ‫ש‬ (shin). Selon cette hypothèse, cette consonne supplémentaire rendrait le nom
prononçable. Celui-ci se lirait alors Yehoshuah, c'est-à-dire Jésus20. Cette théorie n'est pas retenue par les
spécialistes de la langue hébraïque. Martin Luther, lui-même traducteur de la Bible, l'avait déjà disqualifiée en
expliquant que la prétendue similitude entre Jéhovah et Jéhoshuah aurait nécessité non seulement l'ajout
d'une consonne (le shin) à Jéhovah mais aussi la suppression d'une autre (le ayin de Jéhoshuah21).

Le Tétragramme dans la chapelle royale [archive] du château de Versailles est présent à deux endroits de


l'autel dans des triangles équilatéraux : sur la porte du tabernacle et au-dessus.

Époque contemporaine[modifier | modifier le code]

Le mot « Jéhovah », d’apparence scientifique, est contestable sur les plans historique et théologique.
Pour André-Marie Gerard22, cette version « n’appartient à aucune langue… si ce n’est celle de Racine et
de Victor Hugo ! » Longtemps tombée dans l’oubli, la transcription « Jéhovah » est abandonnée au début
du xixe siècle par les spécialistes après les travaux du linguiste allemand Wilhelm Gesenius, qui la remplace par
la transcription « Yahweh ». Cependant, cette hypothèse reste populaire au cours du xixe siècle dans la
littérature française. Au début du xxe siècle, le philologue Paul Joüon se réfère à l’édition de 1894 de
la traduction Crampon, qui emploie le mot « Jéhovah ». Il adopte à son tour cette solution et le préfère cette
« forme littéraire et usuelle en français » à l’« hypothétique » forme Yahweh23.

Position catholique[modifier | modifier le code]

Cependant, à la suite de Gesenius, le catholicisme a utilisé de préférence la transcription Yahweh (ou « Yahvé »
par francisation) durant tout le xxe siècle. Cette forme a été appliquée dans les éditions non liturgiques de la
Bible comme Bible de Jérusalem. Le philologue André Lemaire a ainsi pu remarquer en 2001 : « On hésite

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généralement aujourd'hui entre deux vocalisations : Yahwoh et Yahwéh. Avec la plupart des traductions, nous
adopterons ici la vocalisation conventionnelle Yahwéh »4.

Or, à la fin du xxe siècle, l’Église catholique est devenue plus réticente à l’égard de cette formulation. En 2001,
« par directive du Saint-Père », la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements a
déclaré : « En se conformant à une tradition immémoriale, évidente déjà dans la Septante, le nom de Dieu
tout-puissant, exprimé en hébreu dans le Tétragramme, et traduit en latin par le mot Dominus24, doit être
rendu dans chaque langue vernaculaire par un mot de la même signification »25. Cette directive a été rappelée
le 29 juin 2008 par une lettre aux conférences épiscopales et mise en pratique en octobre 2008 par le Synode
des évêques sur la parole de Dieu dans la vie et la mission de l’Église. Le Tétragramme est donc traduit par « le
Seigneur ».

Traductions protestantes de la Bible[modifier | modifier le code]

La plupart des Bibles protestantes francophones rendent le Tétragramme par « l’Éternel », à la suite de Pierre
Robert Olivétan (1509-1538), cousin de Jean Calvin, qui fut le premier à traduire la Bible en français à partir
des textes originaux hébreux, araméens et grecs. Le raisonnement d'Olivétan a été de rattacher le
tétragramme à la racine du verbe « être » (hébreu HWH, devenu HYH), verbe qui est utilisé pour présenter
Dieu dans de nombreux passages de la Bible dont le plus connu est le récit de la révélation de Dieu
à Moïse auprès du buisson ardent et son « je suis celui qui suis »3. Cette « trouvaille d'Olivétan », ainsi que
l'ont surnommée certains commentateurs, est une traduction dynamique qui refléte le sens profond d'un
terme hébreu que plusieurs textes de l'Ancien et du Nouveau Testament interprètent de manière
convergente26. La Bible d'Olivétan, dite « version Olivétan-Synodale », restera le texte de référence dans le
protestantisme francophone jusqu'à la parution des Bibles de David Martin (1707)27, Jean Ostervald (1744)28,
et Louis Segond (1880 et 1910)29 qui toutes reprennent la « trouvaille d'Olivétan »3.

Traductions œcuméniques de la Bible[modifier | modifier le code]

Dans la Traduction œcuménique de la Bible (TOB), qui combine l’effort de spécialistes principalement


catholiques et protestants, mais aussi orthodoxes (en particulier pour l’Ancien Testament), le Tétragramme est
traduit par « le SEIGNEUR », en lettres majuscules.

Le verbe « être »[modifier | modifier le code]

Articles détaillés : Buisson ardent (Bible) et en: I Am that I Am.

La révélation du Buisson ardent[modifier | modifier le code]

Le Tétragramme sur l'un des ostraca de Lakish.

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L’explication du Tétragramme est fournie par la Bible en Ex 3:13-14 lors de l'épisode du Buisson ardent,
lorsque Moïse demande à Dieu de se nommer. La réponse est donnée en deux temps. Tout d'abord, Dieu
répond : « Eyeh Asher Eyeh », jeu de mots théologique pour lequel il existe plusieurs traductions mais qui
contient deux fois le verbe « être ». Puis, devant l'insistance de Moïse, Dieu prononce lui-même le
Tétragramme : « YHWH », qui provient du même verbe « être »30.

Le récit biblique est traduit en ces termes par la Bible de Jérusalem :

[13] « Moïse dit à Dieu : "Voici, je vais trouver les Israélites et je leur dis : “Le Dieu de vos pères m’a envoyé
vers vous.” Mais s’ils me disent : “Quel est son nom ?”, que leur dirai-je ?" [14] Dieu dit à Moïse : "Je suis celui
qui est [Ehyeh Asher Ehyeh ‫שר אֶ ֽ ְהי ֶה‬
ֶׁ ‫"]אֶ ֽ ְהי ֶה ֲא‬. Et il dit : "Voici ce que tu diras aux Israélites : Je suis m’a envoyé
vers vous." »

C'est au verset suivant (Ex 3:15) que Dieu prononce le Tétragramme devant Moïse31.

Selon la tradition juive, il s'agit plutôt d'un refus de révélation, dans une conception apophatique. Ce passage
biblique prépare le tabou du nom tout en « spéculant » dessus30.

Approche philosophique[modifier | modifier le code]

L’expression Ehyeh Asher Ehyeh peut être rendue en français par Je suis celui qui est, ou par Je suis celui qui
suis (dans la traduction due à Louis Segond, qui traduit aussi par l'Éternel3) ou encore par Je suis qui je
serai dans la TOB32. La Bible du Rabbinat traduit par Être invariable33, ce que regrette Henri Meschonnic34, qui y
détecte une contamination du « Theos » grec de la Septante.

L'emploi répétitif du verbe « être » dans cette formule et sa réapparition dans le Tétragramme, ainsi que la
diversité des traductions qui en découlent, ne vont pas sans « aimanter » la philosophie elle-même
selon Xavier Tilliette35. Le Eyeh Asher Eyeh peut être perçu comme « l'étonnante déclaration d'où procède le
Nom par excellence, le Nom imprononçable »35. C'est ici, dans la révélation sur le mont Horeb, que le Dieu
d'Abraham rejoint le Dieu des philosophes.

La question de Ex 3:14 se pose depuis le christianisme médiéval jusqu'à la « métaphysique de l'Exode » étudiée
par Étienne Gilson et à la « souveraine liberté » divine définie par Luigi Pareyson.

Le thomisme perçoit dans le Eyeh Asher Eyeh une expression de l'« acte d'être » et traduit par Je suis Celui qui
est, ce qui infléchit la formule vers l'ontologie35. Étienne Gilson, faisant sienne cette traduction, écrit : « Il n'y a
qu'un seul Dieu, et ce Dieu est l'Être, telle est la pierre d'angle de toute la philosophie chrétienne, et ce n'est
pas Platon, pas même Aristote, mais c'est Moïse qui l'a posée »36. À l'inverse, Ernst Bloch, favorable à la
traduction Je suis Celui qui sera, propose la vision « utopique » d'une sorte de « Dieu-Exode » cheminant sans
cesse, en perpétuel devenir, « coextensif à l'humanité »35.

Traditions et œuvres liées au Tétragramme[modifier | modifier le code]

Selon la gematria, la valeur du Tétragramme est 26 : 10 (yōḏ) + 5 (hē) + 6 (wāw) + 5 (hē) = 26.

La supputation d’une prononciation exacte du Tétragramme et de ses effets de puissance, voire de ses effets
« magiques », a beaucoup alimenté la production littéraire. Le mythe du Golem créé par le Maharal de
Prague en est une des nombreuses variantes, popularisée à l’époque moderne par le roman de Gustav
Meyrink, Le Golem.

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L’Adversaire, roman policier d’Ellery Queen, offre la « lecture » de quatre crimes sur le modèle de la « lecture »
du Tétragramme. Dans un registre comparable, « La mort et la boussole », nouvelle de Jorge Luis Borges dans
le recueil Fictions, met en scène une série de meurtres conçus en fonction du Tétragramme et ponctués par
« La première lettre du Nom a été articulée », « La deuxième lettre du Nom a été articulée »… Chacune des
lettres du Tétragramme est assimilée à l'un des quatre points cardinaux. L'Aleph, du même auteur, reprend
indirectement les thématiques de la « puissance » du nom divin.

Yah Mo B There  (en) est une chanson R&B de James Ingram et Michael McDonald. Elle a été écrite par Ingram,
McDonald, Rod Temperton et produit par Quincy Jones. Selon Michael McDonald, le titre original
était Yahweh  be there.

Notes et références[modifier | modifier le code]

1. ↑ (en) Shmuel Bolozky, 501 Hebrew Verbs Fully Conjugated, p. 149.

2. ↑ Directive de Benoît XVI [archive] répercutée dans une disposition de la Congrégation pour le culte


divin.

3. ↑ Revenir plus haut en :a b c et d "Désirant montrer la vraie propriété et signification de ce mot YHWH (...) je l'ai
exprimé selon son origine, au plus près qu'il m'a été possible par le mot Éternel. Car YHVH vient de
HWH qui veut dire «est». Or, il n'y a que lui qui soit vraiment et qui fasse être toute chose (...) De le
nommer comme les Juifs Adonaï c'est-à-dire Seigneur, ce n'est pas remplir et satisfaire à la
signification et majesté du mot. Car Adonaï en l’Écriture est communicable, étant aux hommes comme
à Dieu. Mais Yahvé est incommunicable, ne se pouvant approprier et attribuer, sinon qu'à Dieu seul
selon son essence." Extrait de la préface de la Bible d'Olivétan, cité par « Le tétragramme YHWH et sa
traduction par "Éternel" » [archive], sur https://www.bible-ouverte.ch/  [archive] (consulté le 19 avril
2020).

4. ↑ Revenir plus haut en :a et b André Lemaire, « Le yahwisme ancien », 2001 [archive].

5. ↑ André Lemaire, Naissance du monothéisme  : point de vue d'un historien, Bayard, 2003, p. 27.

6. ↑ Soit 153 occurrences dans le Livre de la Genèse, 364 dans le Livre de l'Exode, 285 dans le Lévitique,
387 dans le Livre des Nombres, 330 dans le Deutéronome.

7. ↑ (en) Article « Tetragrammaton » [archive] in Jewish Encyclopedia, 1906.

8. ↑ (en) Douglas Knight, The Meaning of the Bible  : The Names of God, New York, HarperOne, 2011.

9. ↑ Lazare Wogue, Le Pentateuque, Paris, 1860, t. 1, p. L.

10. ↑ Elohim est le pluriel de révérence de el, nom commun désignant la divinité (« dieu » avec une
minuscule).

11. ↑ En termes techniques, cette substitution se nomme le « qéré permanent ». Un qeré (de la racine du
verbe « lire ») est le mot ou le lemme tel qu'il doit être lu, par opposition au ketiv (du verbe « écrire »),
qui est la formulation écrite.

12. ↑ Weingreen, Jacob., Jean Margain, Haelewyck, Jean-Claude. et Sessions de langues


bibliques (Montpellier), Hébreu biblique, méthode élémentaire,
Beauchesne, 2004(ISBN 2701014530 et 9782701014531, OCLC 470499882, lire en ligne [archive])

Page 34 sur 60
13. ↑ Dans In the Beginning.

14. ↑ Cours de Michaël Langlois sur la prononciation des voyelles en hébreu biblique dans le cadre du DU
de langues bibliques, Université de Strasbourg.

15. ↑ Thomas Römer et al., Introduction à l’Ancien Testament, Labor et Fides.

16. ↑ Épître 25, citée dans la Catholic Encyclopedia (1909), article « Jehovah ». Dans le même article,
l'encyclopédie donne quelques exemples de transcriptions, qu'elles soient grecques ou non : Diodore
de Sicile (Jao), Irénée de Lyon (Jaoth), les disciples de Valentin (Jao), Clément
d'Alexandrie (Jaou), Origène (Jao), les samaritains (Jabe), Jacques d'Édesse (Jehjeh)…

17. ↑ Et quod est nomen tuum? YHWH (en caractères hébreux) Jehova, sive Adonay, quia Dominus es
omnium in incunable de Pugio Fidei, III.2.3., commentaire du Livre des Rois, écrit vers 1270.

18. ↑ le ḥaṭef pataḥ « ă » vocalisant le aleph de ădōnāï est rendu par un shewa « ĕ » lorsqu'il vocalise
le yod de YHWH.

19. ↑ Geoffrey Wigoder (dir.), Dictionnaire encyclopédique du judaïsme, Cerf-Laffont, coll. « Bouquins »,


1996, article « Dieu, Noms de ». Selon Robert Henry James, « la mauvaise prononciation 'Jehovah' a
été introduite par un érudit du xvie siècle, Petrus Galatinus, dans son livre De arcanis catholicae
veritatis, 1518 » (The Critical History of the Doctrine of a Future Life, 1899, p. 4).

20. ↑ Cf. Johannes Reuchlin, De verbo mirifico (Du verbe admirable) (1494), in Sämtliche Werke, t. 1,
Stuttgart-Bad Cannstatt : Frommann-Holzboog, 1996, XV-445 p., in François Secret, Les Kabbalistes
chrétiens de la Renaissance, Dunod, Paris, 1964, rééd. Arma Artis, 1985, p. 44-51.

21. ↑ Martin Luther, Études sur les Psaumes,  éd. Georges Laguarrigue, Labor et Fides, 2001, p. 156 sq.

22. ↑ Dictionnaire de la Bible, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1989, article « Noms de Dieu ».

23. ↑ Paul Joüon, Grammaire de l’hébreu biblique, 1923, note p. 49.

24. ↑ La Congrégation se réfère ici à la Vulgate, où saint Jérôme traduit le Tétragramme par le mot
latin Dominus, « le Seigneur ».

25. ↑ Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements -   De l'usage des langues
vernaculaires dans l'édition des livres de la liturgie romaine (Rome 2001) [archive], Cinquième
instruction « pour la correcte application de la Constitution sur la sainte liturgie »  (2001) sur le site du
Vatican.

26. ↑ Voir notamment Ex 3,14-15, Ex 6,3, Ex 34,6, Jn 6,35, etc. Jn 6,48, Jn 6,51, Jn 8,12, Jn 9,5, Jn 10,9-14,
etc., cité par « Le tétragramme YHWH et sa traduction par "Éternel"  » [archive],
sur https://www.bible-ouverte.ch/  [archive] (consulté le 19 avril 2020).

27. ↑ « La Bible David Martin » [archive], sur https://www.bibliorama.org/  [archive] (consulté le 19 avril


2020).

28. ↑ « La Bible Ostervald » [archive], sur https://www.bibliorama.org/  [archive] (consulté le 19 avril


2020).

Page 35 sur 60
29. ↑ « La Bible Segond 1880 » [archive], sur https://www.bibliorama.org/  [archive] (consulté le 19 avril
2020).

30. ↑ Revenir plus haut en :a et b Thomas Römer, Du nom divin à l'attaque de Moïse. Préparations du récit des
plaies [archive], Chaire des Milieux bibliques du Collège de France, 27 mars 2014, 17 min 30 s.

31. ↑ Ex 3,15 dans la Bible Segond, Exode 3:15 [archive] dans la Bible du Rabbinat.

32. ↑ Traduction œcuménique de la Bible [archive] « Copie archivée » (version du 11 novembre 2008 sur


l'Internet Archive), avec l'intégralité des introductions et notes, site des  éd. du Cerf.

33. ↑ Bible du Rabbinat [archive].

34. ↑ Henri Meschonnic, Gloires, Desclée de Brouwer, Paris, 2001.

35. ↑ Revenir plus haut en :a b c et d Xavier Tilliette, Les philosophes lisent la Bible, Cerf, 2001, chapitre 3, « Le Buisson
ardent », p. 77 sq.

36. ↑ Commentaires philosophiques de l'Être, Vrin, 1983, p. 236 et 241. Cité par Xavier Tilliette, Les


philosophes lisent la Bible, op. cit., p. 80.

La Bible, une histoire inventée ?

Jésus n’est pas né à Bethléem et le royaume de David n’était qu’un chapelet de villages, affirment des
historiens et des archéologues. La foi des chrétiens est plus que jamais mise à l’épreuve par la science, a
constaté notre journaliste, de retour de Terre sainte.

Monde

Roch Côté

4 février 2009

Jésus qui naît dans une crèche à Bethléem, le peuple hébreu fuyant l’Égypte par la mer Rouge avec Moïse à sa
tête, la conquête de la Terre promise, la chute des murs de Jéricho sous l’effet des trompettes de Josué, la

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magnificence du royaume de David et de Salomon… Ces récits bibliques ont une chose en commun : ils
appartiennent à l’univers du mythe et non à celui de l’histoire.

La critique des récits bibliques à laquelle se livrent des experts de tous horizons aboutit aujourd’hui à
considérer nombre d’entre eux non pas comme des données historiques fiables, mais comme des légendes,
des textes symboliques qui s’apparentent à des fables. Leur but est d’éduquer, d’édifier et non pas de
reconstituer les événements du passé.

Le récit de la naissance de Jésus à Bethléem, avec la mangeoire, le bœuf et l’âne, les bergers, les Rois mages,
est considéré par les exégètes — les experts de l’interprétation biblique —, tant catholiques que protestants,
comme une fable pieuse destinée à soutenir la foi. Pour eux, Jésus, dont l’existence est historiquement avérée,
est né à Nazareth, là où vivait sa famille. « On ne retient absolument pas l’historicité de ces récits que l’on
trouve dans les Évangiles de saint Matthieu et de saint Luc », commente Odette Mainville, spécialiste des
Évangiles et professeure à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal. «
Qu’on soit un exégète catholique ou protestant, on se rendrait ridicule en disant qu’il faut prendre à la lettre
ces récits de naissance. »

Les deux textes évangéliques présentent d’ailleurs des divergences inconciliables. Chez Matthieu, Jésus naît à
Bethléem, puis sa famille doit fuir en Égypte pour éviter le massacre des jeunes garçons que va perpétrer le roi
Hérode. C’est seulement au retour d’Égypte que la famille s’établit à Nazareth. Selon Luc, par contre, les
parents de Jésus vivent déjà à Nazareth, mais Joseph doit se rendre à Bethléem pour s’y faire recenser,
conformément à l’édit de l’empereur romain. Il n’y est pas question de massacre d’enfants et la famille
rentrera à Nazareth.

Non seulement les récits ne concordent pas, mais les historiens ne croient pas au massacre de garçons et
estiment que Luc fait erreur sur la nécessité pour Joseph de se rendre à Bethléem pour le recensement.

Écrits plus de 60 ans après la mort de Jésus, les récits concernant son enfance sont les derniers textes compilés
dans les Évangiles de Matthieu et de Luc. « Les Évangiles se sont créés par strates, explique Odette Mainville. À
un moment donné, le rédacteur final rassemble les différentes traditions et y ajoute ses remaniements
personnels. Quand l’Évangile de Marc a été écrit, vers l’an 65, on n’a pas ces récits d’enfance. Pour Matthieu et
Luc, la rédaction finale des textes se situe entre 85 et 90. »

À cette époque, le christianisme se répand comme religion indépendante du judaïsme et ses adhérents
tiennent à mettre Jésus sur le même pied que les grands personnages qui ont marqué l’histoire de l’humanité.
Or, le récit fabuleux de naissance est un genre répandu dans l’Antiquité : un grand personnage doit avoir une
naissance exceptionnelle. Le conquérant grec Alexandre le Grand, par exemple, se targuait d’une origine
divine. « Les gens de l’époque n’étaient pas dupes, affirme Odette Mainville. On savait à quoi servait ce genre
littéraire, soit à faire l’éloge d’un grand personnage. » Il ne fallait donc pas prendre ces récits au pied de la
lettre. Mais au cours de l’histoire, la fable de la nativité de Jésus a été interprétée de façon littérale.

Mais qu’avait donc de prestigieux une naissance à Bethléem plutôt qu’à Nazareth ?

« Nazareth est un trou », écrit l’auteur français Jacques Duquesne dans son livre Jésus, un best-seller paru en
1994. Bethléem, par contre, était le lieu de naissance du roi David, figure de proue de l’histoire juive et
symbole de la grandeur d’Israël et de son alliance avec Yahvé. Les évangélistes ne manquent d’ailleurs pas de
le souligner : Jésus était de la lignée de David et, en tant que Messie, c’est à Bethléem qu’il devait naître. À
l’époque de Jésus, le peuple juif, dominé par la puissance romaine et un roi mal-aimé, rêvait d’un nouveau

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David, d’un roi ayant reçu l’onction sacrée (c’est la définition de « messie »), qui allait lui redonner son
indépendance.

Si la naissance de Jésus à Bethléem relève de la fable, le récit biblique de la puissance et de la grandeur du


royaume de David (1 000 ans av. J.-C.) ne se porte guère mieux aujourd’hui. Les textes de la Bible font de David
un poète conquérant ayant reçu de Yahvé la promesse d’un royaume indépendant et d’une lignée qui devait «
subsister à jamais ». Ils lui attribuent un royaume dont les frontières vont de l’Égypte jusqu’à l’Euphrate, en
Syrie. Son fils héritier, Salomon, doté d’une puissante armée, croulant sous les richesses et possédant un
harem de 1 000 femmes, aurait construit à Jérusalem un temple somptueux, digne de figurer parmi les
merveilles du monde. Rois sacrés de la Bible, David et Salomon n’ont cessé d’exercer dans l’imagination des
juifs et des chrétiens la fascination d’un véritable âge d’or, placé sous le signe de l’alliance du ciel et de la terre.
La recette du bonheur !

Or, cette légende dorée n’a pas résisté à un examen des récits de la Bible. Les critiques, cette fois, ne sont pas
des théologiens exégètes, mais des historiens-archéologues, qui ont jeté ces dernières années quelques pavés
dans la mare de l’histoire biblique. Ils se nomment Israel Finkelstein, de l’Université de Tel-Aviv, et Neil Asher
Silberman, de l’Université du Massachusetts. Lancé au début des années 2000, leur ouvrage La Bible dévoilée a
été un best-seller mondial. En 2006, ils ont approfondi leur analyse de la légende de David et de Salomon dans
Les rois sacrés de la Bible.

Se basant sur les résultats d’années de recherches en archéologie, les deux auteurs ramènent le fabuleux
royaume de David et de Salomon à des proportions tellement modestes que les deux rois n’apparaissent plus
que comme des chefs locaux régnant sur une population rurale clairsemée dans les collines de Judée. Ont-ils
même réellement existé ? Certains auteurs les considèrent comme aussi irréels que le légendaire roi Arthur,
qui aurait combattu les envahisseurs de la Grande-Bretagne au début du Moyen Âge.

Finkelstein et Silberman estiment que des preuves archéologiques, même fragmentaires, témoignent plutôt en
faveur de leur existence. Mais les preuves manquent complètement lorsqu’il s’agit de confirmer le récit
biblique portant sur la grandeur et la puissance de leur royaume. « La Jérusalem du 10e siècle [av. J.-C.],
écrivent-ils, était plutôt réduite, elle devait se limiter aux dimensions habituelles d’un village de montagne
typique. » Le reste du royaume de Juda — territoire du sud d’Israël dominé par la monarchie de Jérusalem —
se résumait à « une vingtaine de villages abritant quelques milliers d’habitants ». Leur conclusion ? « David et
Salomon ne furent guère que des chefs de clan dont le pouvoir administratif, local, s’étendait uniquement sur
la région montagneuse qu’ils contrôlaient. »

Le nom d’Israel Finkelstein (voir « Nul n’est prophète en son pays») est lié à la campagne de fouilles menée
depuis une quinzaine d’années sur le site de Megiddo, à 125 km au nord de Jérusalem. Situé au sommet d’une
colline qui surplombe la vallée fertile de la Galilée, ce site est considéré comme le joyau de l’archéologie
biblique. Il a été habité dès le septième millénaire avant l’ère chrétienne. Une trentaine de couches
d’occupation s’y superposent : une vraie mine d’or pour les équipes d’archéologues qui s’y sont succédé
depuis 1903 ! Megiddo, c’est aussi l’Armageddon (déformation grecque de l’hébreu Har Megiddo) de
l’Apocalypse de saint Jean, là où doit se dérouler, à la fin des temps, l’ultime bataille entre les forces du bien et
celles du mal. Le pape Paul VI s’y est rendu en visite solennelle en 1964. On y trouve, entre autres, les vestiges
d’une cité-forteresse ayant contenu de magnifiques palais. Depuis le début du 20e siècle, les archéologues,
fidèles à l’interprétation biblique traditionnelle, ont attribué ces palais au roi Salomon. Ils y voyaient une
preuve de la véracité historique de la Bible sur la splendeur et la puissance de son royaume.

Page 38 sur 60
Ici, Finkelstein va renverser l’ordre des choses. Il rompt avec la très ancienne tradition qui a consisté à prendre
la Bible pour guide et à se servir de l’archéologie comme preuve de sa véracité. Non, soutient-il, ces palais de
Megiddo n’ont pas été construits par le grand Salomon. Ils sont l’œuvre d’une autre dynastie, qui a régné sur
le nord d’Israël, y constituant un royaume plus riche et plus puissant que celui sur lequel régnaient les petits
rois de Jérusalem. Les rédacteurs de la Bible, au service de ces derniers, n’arrêtent d’ailleurs pas de maudire
cette royauté du Nord, coupable de toutes les abominations. Il faut réinterpréter les récits de la Bible à la
lumière des découvertes de la science, soutient Finkelstein, et cesser de la prendre pour un manuel d’histoire.
Le cas de Megiddo n’est qu’un jalon dans une série de remises en question des récits bibliques. Parmi ceux que
les résultats de l’archéologie permettent de ranger sur la liste des légendes sans fondement historique, on
trouve :

• celui des patriarches. Abraham, Isaac, Jacob et ses 12 fils, considérés comme les pères de la nation israélite.
L’analyse serrée des détails historiques du texte biblique ainsi que de ses anachronismes, ajoutée aux
découvertes de l’archéologie, démontre que ce texte a été composé en réalité quelque 1 500 ans après les
faits qu’il prétend décrire. Ses rédacteurs ont inventé une épopée nationale des commencements.

• celui de l’Exode. La Bible raconte qu’au 13e siècle avant Jésus-Christ quelque 600 000 Israélites — avec
Moïse à leur tête — quittent l’Égypte, où ils sont tenus en esclavage, traversent miraculeusement la mer
Rouge et entament un périple de 40 ans dans le désert du Sinaï. Sur le mont du même nom, Yahvé révèle sa
véritable identité à Moïse et lui remet les 10 commandements. N’en déplaise aux admirateurs de Charlton
Heston, la célèbre incarnation hollywoodienne de Moïse, les données historiques et archéologiques rendent
impossible un tel exode. Au surplus, les 600 000 campeurs du désert n’ont laissé aucune trace, ce qui est
invraisemblable aux yeux des archéologues.

• celui de la conquête de la Terre promise. La Bible affirme que, après leur périple dans le désert, les Israélites
se sont lancés à la conquête de Canaan, la Terre promise, correspondant aux territoires actuels d’Israël et de
Cisjordanie. Première tombée, la ville de Jéricho est conquise par Josué, qui en abat les remparts en faisant
sonner ses trompettes. Cette guerre de conquête culminera dans la prise de Jérusalem par nul autre que
David. En réalité, le pays de Canaan est à cette époque fermement contrôlé par l’Égypte, la plus grande
puissance du monde. Une horde de réfugiés du désert n’a pas pu conquérir ce territoire. Quant à Jéricho, les
fouilles archéologiques ont démontré qu’à l’époque de sa prétendue conquête non seulement elle n’avait pas
d’enceinte, mais elle n’était même pas habitée.

• celui de l’origine du peuple hébreu. Loin d’avoir conquis de haute lutte la Terre promise contre les
Cananéens, les Hébreux, au temps de Moïse, étaient déjà sur place, comme le prouvent de nombreux indices
archéologiques. Les Cananéens… ce sont eux !

Qu’y a-t-il derrière toutes ces légendes ? Pourquoi a-t-on inventé autant d’histoires grandioses ? Selon
Finkelstein et Silberman, ces récits bibliques ont été rassemblés et rédigés à l’époque du roi Josias (639-609 av.
J.-C.), dans le but de créer une unité politico-religieuse autour de la monarchie de Jérusalem. L’épopée ainsi
constituée visait à faire croire à une unité ancienne du peuple israélite autour de cette monarchie, une sorte
d’âge d’or qu’il fallait maintenant recréer. En cette fin du septième siècle, le royaume de Juda, plus peuplé,
plus riche, plus grand et mieux organisé qu’à l’époque de David, affirme sa prétention sur tout le territoire
d’Israël. Le texte biblique reflète cette ambition en instaurant un culte unique dans le temple de Jérusalem et
un royaume d’Israël unifié, celui de Josias, qui se présente comme un nouveau David.

La remise en cause du caractère historique de certains récits bibliques ne va pas de soi pour tout le monde. Le
discours des auteurs critiques ne passe pas comme une lettre à la poste auprès du grand public, qui reste

Page 39 sur 60
attaché à la version légendaire des événements. On n’accepte pas facilement de se faire dégonfler ses grandes
histoires sacrées.

« Même dans les milieux de l’exégèse catholique, la révision critique des récits traditionnels — la
“démythisation” — est un fait acquis. Le vrai problème est le décalage entre le discours des spécialistes et le
discours pastoral. Le pape actuel me semble faire tout ce qu’il peut pour freiner cette intégration des deux
niveaux », déplore Pietro Boglioni, professeur d’histoire religieuse à l’Université de Montréal et auteur d’un
livre critique sur le célèbre roman de Dan Brown (Le Da Vinci Code : Le roman, l’histoire, les questions).

Ce qui est encore massivement propagé auprès des croyants n’est pas la version « démythifiée », mais la
version traditionnelle et littérale des récits bibliques, comme celui de la crèche de Noël. « Quelles sont les
tribunes où l’on pourrait faire cette éducation ? se demande Odette Mainville, de la Faculté de théologie de
l’Université de Montréal. Les églises sont vides ! Et il y a des prêtres qui n’ont pas eu le temps d’aller se
recycler. Mais je dis toujours qu’il faut nettoyer la crèche et non pas la démolir. C’est une imagerie qui fait
partie des textes du Nouveau Testament. Elle a une symbolique et il s’agit de l’expliquer. »

Même phénomène du côté israélien, à propos des récits sur les rois sacrés de la Bible. Des auteurs comme
Finkelstein et Silberman ont beau diffuser les résultats de leurs recherches, la mythologie biblique continue de
l’emporter sur les données de la science, même dans les écoles d’Israël.

En octobre dernier, à Jérusalem, Yosef Garfinkel, archéologue de l’Université hébraïque, a fait la une des
journaux en prétendant avoir découvert sur un site judéen la preuve de la grandeur du royaume de David. «
Quand on voit l’atmosphère religieuse qui entoure ces travaux, les groupes religieux qui les financent, on
constate qu’il s’agit d’un refus de se rendre à l’évidence et d’une tentative désespérée de vouloir prouver que
ce récit de la Bible est littéralement exact », commente en entrevue Neil Asher Silberman, coauteur de La Bible
dévoilée. Selon lui, il y a chez certains scientifiques une attitude un peu puérile vis-à-vis de la Bible : il faudrait
que tout soit vrai ou que tout soit faux. « C’est le point de vue des créationnistes américains sur la vieille
histoire de la création du monde. »

Que la Bible ne soit plus prise pour un livre d’histoire où tout serait littéralement vrai ne lui enlève pas sa
valeur essentielle, ajoute Silberman. Que le grand royaume biblique de David et de Salomon soit réduit par la
science à des proportions beaucoup plus modestes n’enlève rien à la force symbolique du mythe ainsi créé. «
C’est un mythe universel, celui de l’âge d’or à partir duquel l’humanité a déchu et auquel elle désire retourner.
Cette image forte d’un âge d’or au cours duquel nous étions gouvernés par un roi rempli de sagesse revêt une
grande importance pour les gens du monde entier, mais cela ne signifie pas qu’il s’agisse d’une réalité
historique. »

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La victoire de Biden, une mauvaise nouvelle pour Poutine ?

L’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche annonce le retour du statu quo d’antan dans les relations russo-
américaines. Et ce n’est pas de bon augure pour Vladimir Poutine.

Monde

États-Unis

Alexandre Melnik, ICN Business School

8 décembre 2020

 1

Page 41 sur 60
Photos : La Presse Canadienne ; Presse présidentielle et office d'information du Kremlin

La victoire de Joe Biden agira comme un révélateur de l’état des choses en Russie. Les réactions et les attentes
qu’elle suscite en disent long sur la situation de la Russie d’aujourd’hui (et, peut-être, de demain) et sur la
façon dont ses dirigeants actuels perçoivent le monde.

En 2020, presque 30 ans après la disparition de l’URSS, la relation russo-américaine reste imprégnée de
stéréotypes datant de la guerre froide. Quatre décennies durant, les États-Unis et l’Union soviétique avaient
incarné les deux pôles d’excellence de la planète, aux antipodes l’un de l’autre. Malgré cette adversité, les
deux géants nourrissaient l’un pour l’autre une sorte de fascination refoulée, décuplée par l’ignorance
réciproque. À l’époque, Internet n’existait pas, les voyages entre les deux géants étaient rares, et la principale
source d’information sur l’Amérique pour les Soviétiques était le quotidien du Parti communiste, La Pravda,
tandis que la perception des Soviétiques par les Américains était largement façonnée par Hollywood.

Page 42 sur 60
Le mur de Berlin est tombé en 1989, l’Union soviétique n’existe plus depuis 1991 ; le monde est devenu global,
interdépendant, instantané, régi par le clic, mais les reliquats de la mentalité d’antan continuent à façonner les
« logiciels mentaux » de part et d’autre. Y compris la perception des États-Unis par l’ancien colonel du KGB qui
se trouve aux manettes de la Russie d’aujourd’hui.

Trump, objet du « dépit amoureux » de Moscou

Joe Biden sera le cinquième président américain à faire face à Vladimir Poutine, lequel s’est installé au Kremlin
pour la première fois en mars 2000. Le quatrième, Donald Trump, avait ravivé à Moscou l’espoir d’un « Yalta
bis » — à savoir un nouveau partage du monde, sur la base de la realpolitik qui privilégie le rapport de forces.
Trump fut d’abord perçu au Kremlin comme le fossoyeur bienvenu des valeurs démocratiques américaines —
valeurs qui, dans l’esprit de Poutine, relèvent du mythe.

Ainsi, selon un proche du pouvoir russe, l’élection de Trump avait donné à Poutine l’enivrante impression de
circuler sur la place Rouge, le drapeau américain à la fenêtre de sa voiture. « Pour nous, c’était comme le
jackpot au casino », avoue-t-il. Sans préciser que ses collègues avaient tout fait pour favoriser ce
« jackpot » : l’immixtion de la Russie dans la campagne électorale aux États-Unis en 2016, bien que jamais
juridiquement prouvée, émanerait logiquement d’un projet global des autorités russes visant à saboter la
démocratie occidentale, jugée factice et obsolète.

Néanmoins, l’euphorie suscitée à Moscou par l’élection de Trump est vite retombée. La Maison-Blanche
n’a pas levé les sanctions américaines à l’encontre de la Russie, consécutives à son annexion de la Crimée en
2014. De même, l’approche mercantile qui composait la vision géopolitique de Trump a contrarié le projet
Nord Stream 2, un gazoduc sous la mer Baltique reliant la Russie à l’Allemagne sans passer par l’Ukraine, dont
la construction constitue une priorité pour le Kremlin.

Bref, l’imprévisibilité de celui qui avait été trop vite intronisé par Moscou comme son « ami » a enterré son
désir de concocter avec Washington une feuille de route commune à long terme, et même de faire des
« accords » bilatéraux, au gré des circonstances.

Cependant, malgré la déception engendrée par Trump, Moscou espérait jusqu’au bout sa victoire face à Biden,
comme si entre deux maux il fallait choisir le moindre. Ce qui explique que la défaite de Trump a d’abord
plongé Poutine dans le mutisme : il a persisté, malgré l’évidence, à ne pas reconnaître officiellement la victoire
de Biden. Ensuite, une fois cette première réaction quasi épidermique passée, le Kremlin a fini par admettre en
coulisse sa disponibilité à coopérer avec les nouvelles autorités américaines, essentiellement dans les
domaines qui constituent la base invariable de la relation entre les deux pays depuis des années, comme la
sécurité internationale et le désarmement. Autant de formules diplomatiques pour laisser entendre que Biden,
c’est le retour du statu quo ante, et que Moscou n’attend rien de bon, dans les quatre prochaines années, de
ses relations avec Washington, déjà en piteux état.

Cependant, il est possible de déceler dans l’accession de Joe Biden à la Maison-Blanche deux motifs de
modeste satisfaction pour Poutine.

Primo, le président russe espère que l’excentricité déroutante d’un Trump prompt à casser allègrement les
codes laissera la place à un rassurant déjà vu. La victoire de Biden pourrait signaler, en effet, le retour à la
stabilité que les régimes autoritaires recherchent.

Secundo, la présidence de Biden, autrement plus sensible que son prédécesseur à la promotion de la
démocratie libérale, la liberté individuelle, l’État de droit partout dans le monde, notamment dans l’espace

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postsoviétique, peut apparaître comme du pain bénit pour les siloviki (les représentants des « structures de
force », partisans de la ligne dure dans les hautes sphères du pouvoir russe). Ils n’attendent qu’un président
américain qui viendrait s’immiscer dans leur pré carré et qui les appellerait à respecter divers principes jugés
« occidentaux » pour imposer une approche encore plus musclée à l’égard des États-Unis. D’après eux, la
relance de cet affrontement rhétorique pourrait encore doper la popularité de Poutine auprès de son
électorat, celui qui fait de l’anti-américanisme l’étendard du patriotisme russe.

D’une façon générale, nous allons sans doute, dans l’immédiat, vers une nouvelle crispation de la relation
russo-américaine sur les dossiers stratégiques comme la Syrie, l’Irak, la Biélorussie, l’Ukraine, la sécurité
européenne sous la tutelle de l’OTAN, où Joe Biden et son équipe responsable de l’international (notamment
Antony Blinken, secrétaire d’État, et John Kerry, représentant spécial du président pour le climat) préconisent
sans ambages la réinitialisation du leadership américain.

Toutefois, d’éventuelles convergences se profilent aussi : la volonté de Joe Biden de réanimer l’accord
nucléaire avec l’Iran, signé par Barack Obama, et de prolonger le New Start, un traité bilatéral de réduction des
armes stratégiques nucléaires, conclu en 2010, est vue de Moscou comme une base de travail pour les efforts
diplomatiques à venir. S’ajoute l’espoir que le nouveau président américain ne remettra pas en cause Nord
Stream 2, pour éviter le risque de s’aliéner ses alliés européens, en premier lieu l’Allemagne, laquelle reste,
pour Biden, la pierre angulaire de l’UE.

Et en dehors du pouvoir ?

Alors que les réactions officielles de Moscou à l’élection de Joe Biden restent extrêmement mitigées, une
partie de la société civile russe y voit un signe d’espoir. Ainsi, l’ancien président de l’URSS Mikhaïl Gorbatchev,
Prix Nobel de la paix et artisan de la perestroïka, qui incarne pour la majorité de l’intelligentsia russe
l’ouverture du pays sur le monde, affirme que désormais les liens entre Moscou et Washington peuvent
s’améliorer. Selon lui, le nouveau président américain, dans le sérail du Parti démocrate depuis cinq décennies,
est une « personne sincère et raisonnable », capable de permettre, entre autres, des avancées dans le
domaine du désarmement nucléaire.

Le principal opposant russe Alexeï Navalny, dont la visibilité s’est accrue en Russie à la suite de son
empoisonnement, en août dernier, largement relayé par les réseaux sociaux, va encore plus loin : au
lendemain de l’annonce de la victoire de Biden, il a félicité dans un tweet le président désigné, sa vice-
présidente Kamala Harris et les Américains pour avoir « choisi une nouvelle direction dans une élection libre et
équitable ».

Il est évident qu’une relation russo-américaine apaisée et dépourvue d’affrontement direct serait, en ces
temps troubles, une bonne nouvelle pour un monde en quête de nouveaux équilibres.

Bible

Pour les articles homonymes, voir  Bible.

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Bible datant de 1859.

La Bible est un ensemble de textes considérés comme sacrés par les juifs et les chrétiens. Les différents
groupes religieux peuvent inclure différents livres dans leurs canons, dans un ordre différent. Les textes des
livres eux-mêmes ne sont pas toujours identiques d'une religion à l'autre.

La Bible rassemble une collection d’écrits très variés (récits des origines, textes législatifs, récits historiques,
textes sapientiaux, prophétiques, poétiques, hagiographies, épîtres) dont la rédaction s’est échelonnée entre
le viiie siècle av. J.-C. et le iie siècle av. J.-C. pour l'Ancien Testament, et la deuxième moitié du ier siècle, voire le
début du iie siècle pour le Nouveau Testament.

La Bible hébraïque est dite en hébreu « TaNaKh », acronyme formé à partir des titres de ses trois parties
constitutives : la Torah (la Loi), les Nevi'im (les Prophètes) et les Ketouvim (les autres écrits). Elle est traduite
en grec ancien à Alexandrie. Cette version — la Septante — est utilisée au tournant du ve siècle par Jérôme de
Stridon pour compléter sa traduction latine de la Bible — la Vulgate — à partir de l'hébreu puis, au ixe siècle,
par les « apôtres des Slaves » Cyrille et Méthode pour traduire la Bible en vieux-slave.

La Bible chrétienne, qui connait plusieurs canons selon les époques et les confessions, est constituée de deux
parties : l'Ancien Testament, qui reprend le Tanakh tel quel ou augmenté d'un certain nombre de livres N 1 et
le Nouveau Testament commun à la plupart des Églises chrétiennes et regroupant les écrits relatifs à Jésus-
Christ et à ses disciples. Il s'agit des quatre Évangiles canoniques, des Actes des Apôtres, des Épîtres et de
l'Apocalypse.

Sommaire

 1Étymologie

 2Canons bibliques primitifs

o 2.1Canon de la Bible hébraïque (canon massorétique)

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o 2.2Canon de la « Septante » christianisée

o 2.3Canon chrétien

 2.3.1Livres deutérocanoniques (ou apocryphes)

 2.3.2Nouveau Testament

 3Autres versions et traductions

o 3.1La Vulgate

o 3.2Bible samaritaine

 4Composition

o 4.1Bible hébraïque (Ancien Testament)

o 4.2Nouveau Testament

 5Exégèse biblique

o 5.1Historicité de la Bible

o 5.2Hypothèses sur les divergences textuelles

 6Subdivisions

 7Lectures de la Bible

o 7.1Judaïsme

o 7.2Christianisme

 7.2.1Catholicisme

 7.2.2Protestantisme

 8Traductions et diffusion

o 8.1Traductions

o 8.2Livre le plus diffusé au monde

 9Notes et références

o 9.1Notes

o 9.2Références

 10Bibliographie

 11Voir aussi

o 11.1Textes juifs

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o 11.2Bible chrétienne

o 11.3Recherches historiques et exégétiques

o 11.4Dans la fiction

 12Liens externes

o 12.1Traductions

 12.1.1Éditions juives

 12.1.2Éditions chrétiennes

o 12.2Autres

Étymologie[modifier | modifier le code]

Le mot « bible » vient du grec ancien biblos ou biblion1 correspondant à l'hébreu sépher2  — « livre » — qui a


donné τὰ βιϐλία (ta biblia), un substantif au pluriel qui signifie « les livres », soulignant son caractère multiple,
qui est traité par les auteurs médiévaux en latin comme un féminin singulier, biblia, avec pour pluriel bibliae2,
par lequel il passe dans la langue française3.

Le mot « Testament », traduit du latin testamentum, correspond lui au mot grec διαθήκη, diathêkê, qui signifie
« convention » ou « disposition écrite »4 avant de recouvrir une acception littéraire spécifique au sens de
« testament philosophique », un sens que retient la Septante pour traduire le terme hébreu berith,
« alliance », qui correspond pourtant davantage au grec sunthêkê5. Le déplacement sémantique du terme en
tant que « testament » littéraire s'opère chez les auteurs chrétiens dès le iiie siècle6, traduit alors par le terme
juridique latin testamentum qui est repris ensuite dans toutes les langues 7.

Canons bibliques primitifs[modifier | modifier le code]

Articles détaillés : Canon (Bible) et Liste des livres de la Bible.

Le corpus biblique réunit plusieurs livres d'origines diverses, d'où le pluriel originel du mot « Bible ». Dès le
début de sa formation, il existe plusieurs collections canoniques concurrentes de la Bible, chacune étant
défendue par une communauté religieuse différente. Le mot canon (en grec ancien, κανών signifie règle) est
utilisé dès le ive siècle pour désigner la liste des livres reconnus par une communauté (ou Église) 3.

Les « canons » primitifs les plus importants sont sans doute ceux de la Bible hébraïque (canon massorétique)
qui est reconnu par le judaïsme (rabbinique et karaite), et celui de la Bible grecque (Septante) qui est, quant à
lui, reconnu par la plupart des Églises d'Orient et d'Occident. La Bible hébraïque, appelée Tanakh, se compose
de trois parties : la Loi (Torah), les Prophètes (Nevi'im) et les Écrits (Ketouvim). La Bible grecque se compose
quant à elle de quatre parties : le Pentateuque, les Livres historiques, les Hagiographes et les Prophètes. À
partir du milieu du iie siècle, les chrétiens ont nommé cette dernière liste de livres l'Ancien Testament pour la
distinguer de leur propre collection : le Nouveau Testament. La Septante diffère de la Bible hébraïque non
seulement par la langue utilisée, mais aussi par le fait qu'elle incorpore des livres supplémentaires, dits
« deutérocanoniques », et que le texte des livres « canoniques » diverge parfois. De plus, l'ordre et
l'importance des livres ne sont pas les mêmes dans les deux canons 8.

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Les trois différentes parties de la Bible hébraïque sont canonisées et leur texte est relativement stabilisé en
plusieurs étapes : d'abord la Torah (ve siècle av. J.-C.), puis les Nevi'im (ive siècle av. J.-C.), et enfin
les Ketouvim (ier siècle av. J.-C.). Le texte « protomassorétique » (précurseur du texte massorétique) est
définitivement stabilisé à la fin du ier siècle9. Les textes du Nouveau Testament, quant à eux, sont rédigés entre
le milieu du ier et le début du iie siècle, mais leur canonisation n'a lieu qu'au cours des iiie et ive siècles10.

Canon de la Bible hébraïque (canon massorétique)[modifier | modifier le code]

Un rouleau de la Torah.

Article détaillé : Tanakh.

La Bible hébraïque est écrite en hébreuN 2 avec quelques passages en araméen. Le canon massorétique, c'est-à-
dire celui de la Bible hébraïque, se compose des parties suivantes 11 (entre parenthèses, l'appellation
chrétienne dans l'Ancien Testament d'après le regroupement adopté par la TOB12) :

 La Torah ou Loi (Le Pentateuque) : Bereshit (Genèse), Shemot (Exode), Vayiqra (Lévitique), Bamidbar
(Nombres) et Devarim (Deutéronome).

 Les Nevi'im ou « Prophètes » (Les livres prophétiques) :

o Prophètes « antérieurs » (Les « Livres historiques ») : Josué, Juges, I-II Samuel et I-II Rois ;

o Prophètes « postérieurs » (Les « Prophètes ») : Isaïe, Jérémie et Ézéchiel ;

o Les « douze petits prophètes » ou XII


(idem) : Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie 
et Malachie.

 Les Ketouvim (Les autres Écrits) :

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o Les livres poétiques : Psaumes, Proverbes, Job ;

o Les cinq rouleaux : Cantique des Cantiques, Ruth, Lamentations, Ecclésiaste, Esther ;

o Prophétie : Daniel ;

o Histoire : Esdras, Néhémie, I-II Chroniques.

Canon de la « Septante » christianisée[modifier | modifier le code]

Article détaillé : Septante.

Le Pentateuque (ou le recueil des cinq livres de la Torah) fut traduit en grec à Alexandrie au iiie siècle av. J.-C..
Selon une légende rapportée par la Lettre d'Aristée13 et amplifiée depuis, la traduction en grec de la Torah, dite
« des Septante » ou « alexandrine », serait l'œuvre de soixante-douze savants juifs, six par tribu, qui, à la
demande des autorités grecques d'Égypte (et isolés pendant soixante-douze jours, selon certaines versions),
aboutirent à un texte commun.

Cette traduction devait être reçue comme ayant autant de valeur que l'œuvre originale, malgré certaines
critiques. Cette version fut conservée à la bibliothèque d'Alexandrie avec les « Lois » : elle ne relève pas alors
de la religion, mais du code coutumier du peuple juif. Toujours est-il que le nom de « Septante » est resté à
cette traduction commencée au iiie siècle av. J.-C., et à toute la Bible grecque par extrapolation. Les autres
livres de la Bible hébraïque ont été traduits en grec au fil des siècles suivants. Certains livres ou passages ont
été écrits directement en grec.

Ce corpus, largement répandu dans la diaspora juive hellénophone du ier siècle, sera adopté tel quel par les
apôtres et par les premiers chrétiensN 3, et constitue l'Ancien Testament de l'époque.

Lors de l’instauration du judaïsme rabbinique, pour se démarquer du christianisme naissant, le texte grec est
abandonné dans le monde juif au profit du texte hébreu, pour des raisons à la fois linguistiques et religieuses N
4
. Après avoir été la version la plus répandue dans le monde juif hellénistique, la Septante devient l'Ancien
Testament des chrétiens. Dès lors, le judaïsme la rejette de plus en plus à partir de la fin du ier siècleN 5. Dans le
monde chrétien d'occident, en revanche, la Septante continue d'être la référence et connaît plusieurs
traductions en latin. Elle ne sera remplacée par la Vulgate que tardivement, au viiie siècle14. Dans l'église
d'Orient pour laquelle la langue sacerdotale est le grec, la Septante est restée le texte de référence pour les
traductions.

Le canon de la Septante, tel qu'accepté par les chrétiens, se compose de quatre parties 11 :

 Le Pentateuque (les cinq livres de Moïse) : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome ;

 Les Livres historiques : Josué, Juges, Ruth, I-II Samuel (I-II Règnes), I-II Rois (III-IV Règnes), I-II


Chroniques (I-II Paralipomènes), Esdras, Néhémie, Esther#, Tobit*, Judith*, I-II Maccabées* ;

 Les « Hagiographes » : Job, Psaumes, Proverbes, Ecclésiaste, Cantique des Cantiques, Sagesse de


Salomon*, Siracide* ;

 Les
Prophètes : Isaïe, Jérémie, Lamentations, Baruch*, Ézéchiel, Daniel#, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, 
Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et Malachie.

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Les livres présents dans le canon de la Septante et absents du canon Massorétique sont
appelés deutérocanoniques, et sont marqués ici par *. Les livres dont le texte a été complété par des ajouts
grecs significatifs par rapport au texte massorétique sont marqués ici par #.

Canon chrétien[modifier | modifier le code]

Article détaillé : Canons des Églises chrétiennes.

Livres deutérocanoniques (ou apocryphes)[modifier | modifier le code]

Article détaillé : Livres deutérocanoniques.

Les Livres deutérocanoniques sont des textes écrits avant l'ère chrétienne qui ont été incorporés dans le canon
de la Septante. Toutes les confessions chrétiennes dites « traditionnelles », c'est-à-dire existant avant la
Réforme — comme les catholiques, les orthodoxes, les coptes, les chaldéens et les maronites — les ont
toujours considérés comme faisant partie de la Bible. Cependant, ils n'ont pas été acceptés dans le canon
par Luther, puisque lui-même se fonde sur le texte massorétique de la Bible hébraïque. Luther juge néanmoins
ces livres utiles.

Ces livres de l'Ancien Testament rédigés en grec N 6 sont nommés « apocryphes » (du grec ἀπόκρυφος, caché)
par les protestants et les pères de l'Église comme Augustin ou Jérôme. Les catholiques les nomment
« deutérocanoniques », c’est-à-dire « livres secondaires » dans le canon (du grec δεύτερος, deuxième), ce qui
est définitivement confirmé au concile de Trente en 1546.

Certains des livres de la Septante n'ont pas été admis comme deutérocanoniques. Ils ne sont reconnus par
aucune Église et sont appelés « apocryphes » ou « pseudépigraphes » (écrits sous une fausse signature). Ils
forment avec d'autres de la même époque ce que l'on nomme aujourd'hui les « écrits intertestamentaires ». Il
s'agit par exemple du livre du Pasteur d'Hermas, présent dans le Nouveau Testament, puis retiré du canon
biblique au iiie siècle. L'Épître de Barnabé fut elle aussi présente un temps dans le Nouveau Testament, avant
d'être retirée par décision conciliaire.

Nouveau Testament[modifier | modifier le code]

Article détaillé : Nouveau Testament.

Le Nouveau Testament se divise en plusieurs groupes de livres 15 :

 les évangiles synoptiques (Matthieu, Marc, Luc), ainsi que les Actes, qui sont construits comme une
suite de l’évangile selon Luc16 ;

 la littérature paulinienne, qui comprend les épîtres de Paul lui-même (Romains, 1 et 2


Corinthiens, Galates, Philippiens, 1 Thessaloniciens, Philémon), les épîtres deutéro-pauliniens qui sont
attribuées à Paul mais ne semblent pas être de lui (2 Thessaloniciens, Éphésiens et Colossiens), les
épitres pastorales (1 et 2 Timothée, Tite), et l’épître aux Hébreux17 ;

 la tradition johannique (l'évangile selon Jean, 1, 2 et 3 Jean, et l’Apocalypse) ;

 et les épîtres catholiques (Jacques, 1 et 2 Pierre, et Jude).

Ces livres sont généralement présentés selon l'ordre du canon occidental :

 les quatre évangiles canoniques (Matthieu, Marc, Luc, Jean) ;


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 les Actes des Apôtres ;

 14 épîtres, dont certaines sont attribuées à Paul de Tarse ;

 d'autres épîtres catholiques attribuées à d'autres disciples Pierre, Jacques le Juste, Jean et Jude ;

 l’Apocalypse.

Autres versions et traductions[modifier | modifier le code]

La Vulgate[modifier | modifier le code]

Article détaillé : Vulgate.

Saint Jérôme par maître Théodoric, couvent Sainte-Agnès, Prague

À l'origine, la Bible chrétienne est disponible en grec, la Septante et le Nouveau Testament étant tous deux
rédigés dans cette langue. Les chrétiens du monde latin ont cependant très tôt utilisé des traductions latines
de ces livres. Ces traductions sont appelées Vetus Latina18.

Au ive siècle, ces traductions sont considérées comme imparfaites par Jérôme de Stridon qui entreprend d'en
faire une nouvelle traduction en latin commanditée selon ses dires 19 par l'évêque de Rome Damase dont
Jérôme, qui a été ordonné par un évêque schismatique 20, a été un collaborateur occasionnel21 : il entame la
traduction du Nouveau Testament en 382, trois ans avant celle de l'Ancien Testament 18 pour proposer un texte
connu depuis sous ne nom de « Vulgate » qu'il achève en 40518.

Pour ce faire, il choisit tout d'abord de se baser sur les Hexaples d'Origène, puis entreprend une nouvelle
traduction à partir du texte hébreu, le seul inspiré d'après lui 18. Pour les Évangiles, la Vulgate utilise les
manuscrits grecs. La traduction latine des textes qui constituent la fin du Nouveau Testament, y compris
les épîtres pauliniennes ou du moins leur correction, sont attribuées essentiellement à un disciple de Jérôme
prénommé Rufin, généralement identifié à Rufin le Syrien22.

La traduction de Jérôme, que les pratiques ascétiques et approches théologiques confinent en dehors des
courants alors dominants de la Grande Église23, est largement rejetée par ses contemporains, religieux comme
laïcs, qui vont jusqu'à questionner l'orthodoxie de son auteur 23. Ainsi, l'usage de la Vulgate ne se généralise pas
avant le ixe siècle tandis que l'usage et les copies de la Vetus Latina restent répandus parmi les moines et clercs
érudits jusqu'au xiiie siècle23. Bien que Jérôme ait été une personnalité marginale du christianisme de son

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époque, son œuvre a connu une large diffusion et la Vulgate, largement diffusée dans le christianisme
occidental, est canonisée comme une version « authentique » de la Bible par l'Église catholique lors du Concile
de Trente, en réaction aux critiques philologiques et exégétiques des humanistes depuis Lorenzo Valla24.

Bible samaritaine[modifier | modifier le code]

Article détaillé : Bible samaritaine.

Les Samaritains (en hébreu moderne : Shomronim - ‫שומרונים‬, c'est-à-dire « de Shomron », la Samarie ; ou


« Israélites-Samaritains »N 7) sont un peuple peu nombreux se définissant comme descendant des anciens
Israélites, et vivant en Israël et en Cisjordanie. On appelle parfois leur religion le « samaritanisme ». À l'inverse,
les Juifs orthodoxes les considèrent comme des descendants de populations étrangères (des
colons assyriens de l'Antiquité) ayant adopté une version illégitime de la religion hébraïque.

Un Pentateuque écrit en alphabet samaritain

Leur religion repose sur une version particulière du Pentateuque, la Bible samaritaine. Ils n'adoptent pas les
autres livres de la Bible hébraïque, et sont donc des « observants » de la seule Torah.

Leur Pentateuque est très proche de celui des Juifs, mais il s'écrit en hébreu samaritain avec l'alphabet
samaritain, une variante de l'ancien alphabet paléo-hébraïque abandonné par les Juifs. Il diffère de la Torah
hébraïque par des différences de fond. Les plus importantes portent sur le statut du mont Garizim comme
principal lieu saint en lieu et place de Jérusalem. Les Dix Commandements de la Torah samaritaine intègrent
ainsi en dixième commandement le respect du mont Garizim comme centre du culte 25. Les deux versions des
dix commandements existants dans le Tanakh juif (celle du Livre de l'Exode et celle du Deutéronome) ont été
également uniformisées25. Afin de conserver le nombre des commandements (dix), le 1er commandement juif
(« Je suis l'Éternel (YHWH), ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de servitude ») est
considéré comme une simple présentation, le premier commandement samaritain étant donc le deuxième
commandement juif : « Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face ». Pour les Samaritains, « les sages juifs
ont fait de la présentation un commandement pour maintenir le nombre de ceux-ci à dix (le nombre de
commandements est mentionné dans l'Exode, 34.28), après qu'ils ont corrigé leur version en en retirant le
dixième »26 relatif au mont Garizim.

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Outre ces différences fondamentales, il existe d'assez nombreuses variantes sur des détails de rédaction entre
la Torah samaritaine et la Torah juive. Exception faite des divergences portant sur le mont Garizim, ces
différences rendent le Pentateuque samaritain plus proche de la version des Septante que du texte
massorétique27.

Composition[modifier | modifier le code]

Article détaillé : Datation de la Bible.

La Bible est une compilation de plusieurs textes rédigés à différentes époques de l'histoire par divers auteurs,
compilateurs et rédacteurs. La forme finale d'un livre est appelée en théologie forme canonique.

Bible hébraïque (Ancien Testament)[modifier | modifier le code]

Le Livre d'Isaïe dans une Bible anglaise

Articles détaillés : Histoire de la recherche sur le Pentateuque, Hypothèse documentaire, Crise


moderniste et Datation de la Bible.

Souvent citée, l'hypothèse documentaire défend l'idée que la Bible hébraïque est le résultat de trois ou quatre
sources indépendantes. Dans les années 1960, on a considéré ces sources comme ayant été rédigées entre
le xe et le vie siècle av. J.-C. et compilées ensuite. Cette hypothèse n'est aujourd'hui plus dominante 28,29. La
recherche actuelle penche en faveur d'une datation plutôt « basse » de la rédaction de la Bible. On identifie en
général deux phases importantes d'écriture, entrecoupées de phases moins prolifiques. Ces phases s'articulent
autour de l'exil à Babylone. La première débute juste après l'alphabétisation de Juda, c'est-à-dire entre la fin
du viiie siècle av. J.-C. et le début du vie siècle av. J.-C.. La seconde, qui fait suite à une situation difficile pour
la Palestine, se situe durant la période hellénistique, c'est-à-dire autour du iiie siècle av. J.-C.30.

L'hypothèse d'une édition du Pentateuque à l'époque du rétablissement du judaïsme en Judée sous la


domination perse (538 av. EC - 332 av. EC) est largement répandue dans l'exégèse germanophone, en
cohérence avec la documentation de l'attitude de l'Empire perse (pratique perse dite de l'« autorisation
impériale », qui incitait les peuples soumis à rassembler leurs traditions légales dans un seul document qui
formait alors la source du droit pour la province en question). Cela expliquerait pourquoi l'Ancien Testament

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semble être une sorte de « document de compromis », où se trouvent rassemblés les grands courants
théologiques du judaïsme post-exilique 29.

Nouveau Testament[modifier | modifier le code]

Articles détaillés : Problème synoptique, Théorie des deux sources et Source Q.

La théorie dominante aujourd'hui sur la composition des Évangiles est celle dite « des deux sources » :
Matthieu et Luc auraient été écrits à partir de Marc et d'une source de paroles (logia) de Jésus (dite « Q », de
l'allemand Quelle, source) ; Jean viendrait d'une tradition indépendante, qui aurait aussi produit les épîtres et
l'Apocalypse placées sous le même patronage. Les Actes sont incontestablement la suite de Luc. Les épîtres
reconnues par tous comme étant de Paul sont celles aux Romains, aux Corinthiens, aux Galates, et la première
aux Thessaloniciens (peut-être le plus ancien écrit du Nouveau Testament). La période de rédaction est donc
très brève : trois générations au maximum, au plus tard au début du iie siècle.

Exégèse biblique[modifier | modifier le code]

Articles détaillés : Exégèse biblique et Commentaire biblique (judaïsme).

Historicité de la Bible[modifier | modifier le code]

Pour ce qui concerne les premiers livres de la Bible, de Genèse à Juges, les fouilles des lieux qui sont cités dans
la Bible ne corroborent pas les faits qu'elle décrit 31. Par exemple, l'Exode, le séjour au désert pendant quarante
ans et la conquête du pays de Canaan ne sont corroborés ni par l'archéologie ni par l'histoire.

Plus on s’approche de la période de l’Exil (vie siècle av. J.-C.), et plus le texte biblique s’accorde avec l’histoire
bien attestée de la région du Levant. Ainsi, la Bible fait référence à la destruction du royaume d’Israël en -
72232, à la mort du roi Josias en -60933, à la destruction du premier temple de Jérusalem en -587, puis à sa
reconstruction vers -515.

Les découvertes scientifiques en géologie au xviiie siècle sur l'âge de la Terre, puis en biologie


aux xviiie et xixe siècles sur le transformisme et la théorie de l'évolution sont entrées en contradiction avec
l'interprétation littérale du livre de la Genèse qui était la règle à cette époque34.

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Hypothèses sur les divergences textuelles[modifier | modifier le code]

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La Septante est souvent plus proche de la version samaritaine que du texte massorétique actuel, de même que
les textes juifs des manuscrits de la mer Morte retrouvés à Qumrân et écrits entre le iiie siècle av. J.-C. et
le ier siècle divergent parfois (dans les textes en hébreu) du texte massorétique, ou reprennent (dans les
quelques documents en grec qui les accompagnent) le texte de la Septante. Plus encore, certains passages de
la Septante correspondent étroitement à des textes hébreux des manuscrits de la mer Morte N 8. Diverses
hypothèses sont susceptibles d'expliquer les ressemblances entre ces textes juifs et la version samaritaine du
Pentateuque :

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L'un des manuscrits de la mer Morte

 Une influence religieuse samaritaine sur les traducteurs juifs de la Septante et sur les écrits de
Qumrân, peut-être par l'intermédiaire de la Septante. Cette hypothèse est délicate, Juifs et
Samaritains de l'époque ayant de très mauvaises relations. De plus, dans le domaine considéré par les
Samaritains comme étant le plus important, à savoir le rejet de la centralité de Jérusalem, aucune
influence n'est perceptible dans la Septante ou dans les manuscrits de la mer Morte.

 Une influence de la Septante sur le texte samaritain. Les mauvaises relations entre Juifs et Samaritains
compliquent cependant cette hypothèse. De plus, la Torah samaritaine est écrite en hébreu
samaritain, ce qui aurait obligé à une rétrotraduction (de l'hébreu au grec, puis du grec à l'hébreu
samaritain).

 L'existence ancienne de plusieurs versions légèrement différentes des rouleaux bibliques aurait sa
source dans l'appartenance de celle-ci à des traditions différentes, le texte massorétique découlant de
l'une d'elles, tandis que les textes de Qumrân, la Septante et la Bible samaritaine, avec leurs
ressemblances, relèveraient d'une autre. De fait, les textes de la mer Morte montrent une forte
hostilité au judaïsme « officiel » de leur temps et peuvent refléter des points de vue qui n'étaient pas
ceux des courants dominants du judaïsme contemporain.

 Enfin on considère souvent que le texte massorétique du Tanakh n'a été fixé définitivement que vers
le xe siècle. Dans cette optique (contestée par les juifs orthodoxes, pour lesquels le texte n'a jamais
varié), il est plausible que les ressemblances entre le texte samaritain et celui de la Septante (donc le
texte catholique) soient liées à la ressemblance entre les versions hébraïques utilisées au début de
l'ère chrétienne par les Samaritains et les Juifs, la version massorétique actuelle s'en étant quelque
peu éloignée par la suite. Dans cette hypothèse, le texte samaritain actuel serait donc plus fidèle aux
versions du Pentateuque telles qu'elles existaient chez les Juifs et les Samaritains il y a deux mille ans,
du moins pour les divergences les plus superficielles. Les plus importantes, celles portant sur la place
du mont Garizim ou de Jérusalem, renvoient aux fondements de la divergence entre Juifs et
Samaritains, laquelle est plus ancienne. La Torah samaritaine de l'époque de la Septante les intégrait
certainement.

En toute hypothèse, si les divergences concernant la place de Jérusalem et du mont Garizim s'expliquent
aisément, tant elles sont fondatrices pour l'existence même des Juifs et des Samaritains, les autres divergences
entre la Bible samaritaine et les différentes versions juives connues (Septante, texte massorétique et
manuscrits de la mer Morte) ont des origines plus obscures.

Subdivisions[modifier | modifier le code]

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Le Psaume 1 dans la Biblia Hebraica

La Bible est découpée en chapitres et en versets. Le découpage en chapitres date du xiiie siècle, tandis que
celui en versets, établi par les massorètes au xe siècle, ne fut répandu qu'au xvie siècle35,36,37.

La version King James (en anglais) comprend 1 189 chapitres et 31 171 versets. En 1227, Stephen Langton,


professeur à l'université de Paris, puis archevêque de Cantorbéry, divise la Bible en chapitres ; auparavant, la
taille du parchemin commandait la division. En 1250, le cardinal Hugues de Saint-Cher reprend cette division.
Les versets furent créés par Robert Estienne en 1539 à l'occasion de l'impression de la Bible
d'Olivétan, 2e édition. En 1555, fut publiée l'édition de la Vulgate latine par Robert Estienne ; c'était la
première Bible complète avec la numérotation actuelle des chapitres et des versets [réf. nécessaire]. Ce système
permet de faire correspondre les versions hébraïque, grecque, latine et autres (pour autant qu'elles aient le
même texte).

Dans les éditions récentes de la Bible, un petit nombre de versets de la division établie par Robert Estienne ont
disparu, ou ont été remplacés par un point d'interrogation. Les manuscrits les plus anciens ne contenant pas
ces versets[réf. nécessaire] (c'est également vrai pour certains mots), ils ont été écartés des textes admis comme
fiables par les spécialistesN 9. Cela montre que la Bible, bien qu'elle s'appuie sur un texte ancien, continue
d'évoluer encore aujourd'hui, au fil des recherches.

Lectures de la Bible[modifier | modifier le code]

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Les lectures de la Bible peuvent être différentes entre le judaïsme et le christianisme, et entre les
différentes branches du christianisme. C'est la raison pour laquelle, outre l'exégèse biblique, les études
bibliques comportent une branche, l'herméneutique, qui s'attache à l'interprétation des Écritures.

Judaïsme[modifier | modifier le code]

Au xiie siècle, le rabbin et érudit juif Maïmonide, pourtant suspect de rationalisme, pose que le huitième des
treize articles de foi est que la Torah a été donnée à Moïse, étant bien entendu que sa lecture littérale n'est
que le premier des Quatre sens de l'Écriture. La lecture du texte hébraïque de la Torah, ainsi réputé original,
est au centre du culte synagogal[réf. nécessaire].

Suivant Jean-Christophe Attias, « tout juif croyant d'aujourd'hui comme d'hier tient en principe que le texte
biblique actuellement entre nos mains est d'une intégrité sans faille »38. Le rabbin philosophe Marc-Alain
Ouaknin explique que pour ces croyants « la plupart des livres bibliques ont d'abord été transmis oralement,
de génération en génération, jusqu'à ce qu'ils soient mis par écrit à une époque bien plus tardive […] Ce sont

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les hommes de la Grande Assemblée créée par Ezra qui, au ve siècle av. J.-C. mirent en forme le texte définitif
de la Bible hébraïque. Ils recueillirent les textes existants et écrivirent aussi de nombreux livres […] »39.

Christianisme[modifier | modifier le code]

Enluminure de la Bible de Lilienfeld (xiiie siècle)

Les confessions chrétiennes se réfèrent à la Bible, qui est composée de l'Ancien Testament et du Nouveau
Testament.

Catholicisme[modifier | modifier le code]

L'Écriture parvient aux catholiques par deux canaux qui se rattachent au témoignage apostolique :
les Écritures et les Traditions non écrites, transmises et conservées dans la continuité de la vie de l'Église. Le
rôle du magistère de l'Église est de conserver cette tradition. Le concile de Trente insiste sur cette double
source de la foi. Les protestants s'en tiennent à la sola scriptura, l'Écriture seule.

Pour le philosophe et théologien catholique Xavier Tilliette, « la Bible est un ouvrage complexe et même scellé.
Le Livre des livres est un livre de livres. Il est donc susceptible d'interprétation, il ne va pas sans une
herméneutique. La Parole de Dieu […] s'est faite parole humaine, astreinte à la compréhension. Il n'y a pas
d'acheminement direct à la Bible, il faut toujours une médiation au moins implicite : traduction, exégèse,
histoire, genres littéraires, étude des styles, typologie, connaissance de la Tradition, lectio divina »40…

Enluminure du Codex Gigas (xiiie siècle)

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Le document de référence du magistère romain sur l'exégèse biblique est L'interprétation de la Bible dans
l'Église. Ce texte publié en 1993 par la commission biblique pontificale est préfacé par le cardinal Joseph
Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Il présente diverses méthodes d'exégèse
biblique. La première est l'approche historico-critique jugée indispensable à tout travail scientifique d'exégèse
biblique. S'ensuit une présentation de douze types d'approches exégétiques recommandées avec une
évaluation de l'intérêt et des limites de chacune 41. Cette présentation se conclut par une section consacrée à la
lecture fondamentaliste de la Bible estimée contraire à toute approche scientifique, enracinée dans une
idéologie non biblique, et dangereuse 42.

L'acceptation puis la recommandation des méthodes d'exégèse scientifique et historico-critique ne s'est pas
faite sans difficultés chez les catholiques43. Au xixe siècle les avancées de la critique historique sur la Bible
avaient été froidement accueillies. Conscient du retard que les catholiques étaient en train de prendre en ce
domaine, le dominicain Marie-Joseph Lagrange a réagi en fondant à Jérusalem dès 1890 une École biblique.
Parallèlement, l'encyclique Providentissimus Deus Léon XIII encourageait les catholiques à prendre part aux
recherches et aux débats sur l'exégèse soulignant l'importance de son rôle dans l’Église : « Il appartient aux
exégètes de s’efforcer [...] de pénétrer et d’exposer plus profondément le sens de la Sainte Écriture, afin que
par leurs études en quelque sorte préparatoires, mûrisse le jugement de l’Église ». Toutefois, il en limitait de
beaucoup la portée en réaffirmant la doctrine de l'inhérence biblique y compris pour les vérités de fait, et en
refusant aux rédacteurs bibliques le statut d'auteurs à part entière 44. L'exégèse catholique commence
cependant à sortir de sa torpeur grâce à des initiatives motivées par la volonté de rattraper le retard des
catholiques mais aussi le sentiment qu'il faut répondre à ce qui est perçu comme des attaques contre la foi et
contre l’Église. C'est en ce sens qu'est créé en 1902 l'Institut biblique pontifical dirigé ensuite par le
jésuite Leopold Fonck (de) qui ne tarde pas à entrer en conflit avec Lagrange et l'École biblique de
Jérusalem jugée trop moderniste.

Avec le décret du Saint-Office Lamentabile sane exitu et l'encyclique Pascendi Dominici gregis qui condamnent


le modernisme, le pontificat de Pie X fige durablement la situation de l’exégèse catholique. Dès lors plongés
dans ce qu'il est convenu d'appeler la crise moderniste, les débats se concentrent sur les thèses et les
déclarations d'Alfred Loisy qui est excommunié en 1908 et qui devient chez nombre de catholiques la
personnification de ce que Rome condamne. Rome interdit aussi de publication les travaux du père Lagrange.
Après une période d'intense conflits et de discussions, entre catholiques, avec le magistère romain et sous
l'influence de tous ceux qui chrétiens ont eu part à ces débats, le monde catholique prend à nouveau
conscience de son retard dans l'exégèse biblique au sortir de la Seconde Guerre mondiale tandis qu'en 1943, le
pape Pie XII avait réaffirmé l'intérêt et l'importance de l'exégèse avec l'encyclique Divino Afflante Spiritu45.

Jusqu'au concile Vatican II, la grande masse des fidèles connaissait la Bible surtout par des citations dans des
livres de piété tels que L'Imitation de Jésus-Christ, comme ce fut par exemple le cas de Thérèse de Lisieux. La
connaissance de la Bible s'est accrue chez les fidèles après la Seconde Guerre mondiale grâce à la diffusion de
traductions annotées et commentées de la Bible et l'encouragement fait aux fidèles de lire et d'étudier la Bible
en tenant compte des connaissances historiques sur ce texte et sur le milieu biblique. En français la première
initiative de ce genre est celle réalisée sous le patronage du cardinal Achille Liénart, avec la publication en
1951 de la Bible dite « du cardinal Liénart ». Cette traduction est rapidement éclipsée par celle réalisée par
l'École biblique et archéologique française de Jérusalem, appelée Bible de Jérusalem, dont la première édition
en un volume paraît en 1956. La constitution dogmatique Dei Verbum du concile Vatican II met fin aux conflits
sur l'exégèse biblique dans le monde catholique, tandis que les méthodes historico-critiques sont
progressivement encouragées, jusqu'à être déclarées indispensables par le magistère romain 42.

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Protestantisme[modifier | modifier le code]

Tous les protestants se reconnaissent dans, voire se définissent par l'affirmation « Sola scriptura »,
expression latine signifiant « par l'Écriture seule ») affirmant que la Bible est l'autorité ultime et unique à
laquelle les chrétiens et l'Église doivent se soumettre, pour la foi et la vie chrétiennes.

À l'époque de Luther46, il s'agissait surtout de s'opposer aux décrets parfois abusifs provenant des prélats,
des conciles ou du pape. Aujourd'hui, la lecture de la Bible éclairée par le Saint Esprit, reste, pour les
protestants, la seule source de la révélation, position qui s'oppose donc à la croyance catholique
d'une révélation continue de Dieu à son Église guidée par l'Esprit Saint, comme à la croyance orthodoxe d'une
vérité issue du consensus des fidèles guidés par le même Esprit.

Même s'il figure en tête des professions de foi de plusieurs dénominations chrétiennes issues de la Réforme, le
« Sola scriptura » n'empêche pas que des divergences importantes se soient faites jour parmi les protestants
quant à la lecture plus ou moins littérale ou interprétative de la Bible.

De par l'importance qu'il confère au texte biblique, le protestantisme est à l'origine de nombreuses nouvelles
traductions de la Bible en langue vulgaire, pour rendre accessible le message évangélique, à commencer par
la Bible d'Olivétan et par la Bible de Luther, mais il est aussi, dès le xixe siècle, à l'origine de nouvelles
méthodes d’exégèse biblique et d'analyse de la Bible (historico-critique, structuraliste, etc.) et de nombreuses
études des textes originaux et des langues anciennes dans lesquels ils ont été écrits. Depuis la Réforme,
chaque pasteur protestant étudie le grec et l'hébreu. Le protestantisme a de ce fait aussi constitué une
importante incitation à l'apprentissage de la lecture 47.

Traductions et diffusion[modifier | modifier le code]

Traductions[modifier | modifier le code]

Article détaillé : Traductions de la Bible.

La diffusion et la mise à disposition de la Bible passent obligatoirement par des étapes de traductions.

La Bible n'a pas toujours été traduite aussi abondamment qu'elle l'est aujourd'hui. La première traduction
connue est la Septante. Il s'agit d'une traduction en grec de la Bible hébraïque, qui commence à partir du
milieu du iiie siècle av. J.-C. et continue ensuite pendant des siècles. Une autre traduction marquante, en latin,
a été celle effectuée par Jérôme de Stridon (saint Jérôme), la Vulgate, entre la fin du ive et le début
du ve siècle apr. J.-C. Cependant, le latin devenait de moins en moins parlé et compris par les populations
pendant le Moyen Âge, et seuls les lettrés comprenaient cette langue. On continuait de lire la Bible en latin
lors des messes. Des traductions partielles en langues vulgaires furent donc réalisées vers le xiie siècle, mais
elles furent le fait de courants chrétiens dissidents (Vaudois, Cathares…) et, de manière inattendue, le
pape Innocent IIIN 10, à la fin du xiie et au début du xiiie siècle, s'est opposé à ces traductions.
Plusieurs conciles ultérieurs confirmèrent cette décision (voir notamment l'article « concile de Toulouse
(1229) »). Néanmoins, les rois de France disposaient souvent à partir du xiiie siècle de bibles en français 48. L'une
des premières traductions en prose et en français fut la Bible historiale de Guyart des Moulins en 1297.

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La Bible de Gutenberg (Vulgate), première Bible imprimée, Bibliothèque du Congrès, Washington

Il fallut attendre la Renaissance aux xve et xvie siècles pour que les traductions se multiplient. Le premier livre qui
soit sorti des presses de Gutenberg a été la Bible dans la version latine de saint Jérôme, la Vulgate.
La traduction allemande de la Bible réalisée par le réformateur Martin Luther à partir des
textes grecs et hébreux parut en 1522 pour le Nouveau Testament et en 1534 pour l'Ancien Testament. En
raison de son caractère novateur sur le plan linguistique et de sa forte diffusion, elle est considérée comme
fondatrice de la langue allemande moderne actuelle49. La Bible de Dietenberger fut la première bible
catholique en langue allemande traduite par Jean Dietenberger et imprimée à l'imprimerie Jordan
à Mayence en 1534. La première traduction complète de la Bible en français à partir du latin fut celle
de Lefèvre d'Étaples en 1528. La première traduction de la Bible en français à partir de l'hébreu et du grec, la
Bible dite d'Olivétan, a été réalisée en 1535. La première traduction complète en anglais à partir de l'hébreu et
du grec a été publiée en 1537 (essentiellement à partir des travaux de William Tyndale), celle
en espagnol en 1569, et celle en italien en 1607 (par Giovanni Diodati)50. Tant les catholiques que les
protestants réalisèrent ensuite de nombreuses traductions en langues vernaculaires.

Livre le plus diffusé au monde[modifier | modifier le code]

Selon des estimations, environ 25 millions d'exemplaires de la Bible seraient vendus chaque année 51,52. De
nombreux chiffres, colportés par les livres et magazines mais manquant de fiabilité, donnent une autre
estimation : de 2,5 à 6 milliards de Bibles ont été distribuées (le chiffre bas estimant le nombre d'exemplaires
imprimés tandis que le chiffre haut prenant en compte les exemplaires donnés) 53,52. Aucun ouvrage à travers le
monde n'a jamais eu un tirage aussi important et constant au fil des siècles, la Bible dépassant le Petit Livre
rouge (plus d'un milliard d'exemplaires)54 de Mao et le Coran (800 millions d'exemplaires)55.

En 2014, le canon protestant complet de la Bible est disponible en 531 langues et dialectes, et le Nouveau
Testament en 1329, 1023 langues disposent d'un ou plusieurs livres de La Bible et un grand nombre de langues
disposent uniquement de passages de La Bible [pas clair]. La Bible est par ailleurs en cours de traduction dans plus
de 1 500 autres langues et dialectes. Cela doit être mis en relation avec le nombre de langues et dialectes
parlés dans le monde, qui est estimé à plus de 6900 56.

D’après une étude de 200857, 75 % des Américains, 38 % des Polonais et 21 % des Français déclarent avoir lu au
moins un passage de la Bible au cours de l’année passée 58. La déchristianisation, inégale selon les régions, se
traduit par des attitudes différentes à l'égard de la Bible : plus de la moitié des Français ne possèdent pas de
Bible chez eux, contre 15 % des Polonais et 7 % des Américains58.

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