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Calendrier positiviste.

[suivi
de] Auguste Comte, l'oeuvre
vécue ([Reprod. en fac-sim.])
/ par Auguste Comte ; par
[...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Comte, Auguste. Auteur du texte. Calendrier positiviste. [suivi de]
Auguste Comte, l'oeuvre vécue ([Reprod. en fac-sim.]) / par
Auguste Comte ; par Patrick Tacussel. 1849.

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CULTE SYSTÉMATIQUE DE L'HUMANITÉ.

L'AMOUR POUR PRINCIPE, L'ORDRE POUR BASE,


ET LE PROGRÈS POUR but.

CALENDRIER POSITIVISTE
O

SYSTÈME GÉNÉRAL
DE COMMEMORATION PUBLIQUE,
destiné, stirroi'i
A LA TRANSITIONFINALE DE LA GRANDI-: OCCIDENTAL?
COMPOSt6 DES CINQ POPULATIONS AYANCGES,
FRANÇAISE ITALIENNE GERMANIQUE BRITANNIQUE ET ESPAGVOI.P.
TOUJOURS SOLIDAIRES DEPUIS ClIARI.EMACIÏE

COMPOSÉ

PeR AUGUSTECOMTE,
Auteur du Système de philosophie positive,

ET PUBLIÉ AU NOM DE LA SOCIÉTÉ POSITIVISTE.

PRÉSENTÉ PAR

PATRICK TACUSSEL.

FONTFROIDE,
ÉDITIONS FATA MORGANA.
Octobre 1993.
Deux cent-cinquièmeannée de la grande révolution.
CALENDRIER POSITIVISTE,
PAR

AUGUSTE COMTE

SUIVI DE

AUGUSTE COMTE, L'OEUVRE VÉCUE,

PAR

PATRICK TACUSSEL.

LES ATTRACTIONS ÉLECTIVES.


ÉDITIONS FATA MORGANA.
CULTE SYSTÉMATIQUE DE

L'AMOUR L'ORDRE POUR


ET LE PROGRÈS POLR

CALENDRIER POSITIVISTE,

SYSTÈME
GÉNÉRAL
DE COMMÉMORATION PUBLIQUE,
ÛESTIN&SUUl'OI1
A LATRANSITIONFINALE DE LA GRANDE OCCIDENTALE
COMPOSÉE DES CINQ POPULATIONS AVANCÉES,
FRANÇAISE, ITALIENNE, GERMANIQUE, BRITANNIQUE, ET ESPAGNOLE,
TOUJOURS SOLIDAIRES DEPUIS CllARLElHAGNE

COMPOSE

PAR Aucun COMTE,


Auteur du Système de philosophie positive,

ET PUBLIÉ AU NOM DE LA SOCIÉTÉ POSITIVISTE.

Vivre pour autrui.

PARIS.
A LA LIBRAIRIE SCIENTIFIQUE-INDUSTRIELLE DE L. MATHIAS,
15, QUAI MALAQUAIS.

Avril 1849.
Soixante-unième année de la grande révolution.
EXPLICATION PRÉLIMINAIRE

son

LA NOUVELLE DIVISION DE L'ANNÉE.

Pour faciliter l'exposition de mon système de commémora-


tion, je dois d'avance expliquer séparément l'innovation très-
simple que j'ai été conduit à proposer dans la division actuelle
de l'année occidentale, d'après les besoins essentiels du
culte positiviste, accessoirement fortifiés par divers motifs
usuels.
Le double mouvement de notre planète détermine naturelle-
ment la durée du jour et celle de l'année, entre lesquelles l'in-
stitution du temps moyen établit une harmonie fondamentale,
que complète l'intercalation bissextile, d'abord julienne, puis
grégorienne. Sans rien changer à ces deux termes extrêmes, le
calendrier positiviste modifie seulement les deux périodes,
essentiellement artificielles,qui servent à les lier. Cette modifi-
cation est destinée à faire assez concorder nos deux modes ac-
tuels de décomposition de l'année en jours, tantôt par mois,
tantôt par semaines. Leur évidente discordance a souvent suscité
des voeux, et même des tentatives, toujours stériles jus-
qu'ici.
On ne peut établir une telle régularité qu'en altérant, sinon
ces deux périodes, du moins l'une d'elles. Pour innover le moins
possible, j'ai entièrement conservé la plus petite, comme étant
la plus usuelle et la plus répandue. Ainsi, l'institution de la se-
maine, qui remonte à l'âge théocratique, et qui depuis long-
temps sert à toute la race blanche, outre la majeure partie de la
race jaune, devient la base directe du calendrier positiviste. J'y
ai donc subordonné le mois, en le composanttoujours de quatre
semaines, ce qui m'a forcé d'introduire un treizième mois, que
j'appelle provisoirement Final. Or, cette dernière innovation
était déjà commandée par les principales exigences du culte
systématique de l'llumanité, dont les deux modes nécessaires
la rendent également indispensable, soit à la glorification con-
crète du passé, soit à l'idéalisation abstraite de l'avenir.
L'année positiviste, qui d'ailleurs commence et finit comme
l'année chrétienne, n'en diffèredonc que par sa division en treize
mois égaux. Au dernier d'entre eux, succède un jour complé-
mentaire ou dercx, selon que l'année est commune ou bissextile,
d'après la règle julio-grégorienne. On n'attribue aucun nom
hebdomadaire à ce jour exceptionnel, désigné seulement par la
fête correspondante. Le nouveau calendrier devient ainsi per-
pétuel. Chaque mois y commencera toujours par un Zundi, et
finira par un Dimanche.
Il serait superflu d'indiquer ici les diverses propriétés prati-
ques d'un tel calendrier, dont la régularité permet seule d'or-
ganiser un véritable système de commémoration, comme l'expo-
sition suivante le fera nettement sentir. La grande institution
du Dimanche s'y trouve profondément consolidée, pour fournir
au positivisme, remplaçant désormais le catholicisme, un pré-
cieux moyen de sanctifier la vie active par une digne culture
périodique de l'esprit d'ensemble et du sentiment social. Nos
plus intimes besoins moraux motivent même spécialement la
fixité ainsi introduite dans la correspondance des deux sortes
de dates quotidiennes, tantôt, hebdomadaires, tantôt men-
suelles. Tous ceux qui cultivent secrètement d'affectueux sou-
venirs ont dû souvent déplorer la douloureuse fluctuation que
le cœur éprouve entre ces deux modes discordants de rappeler
ses meilleures émotions.
En satisfaisant ainsi le besoin déjà senti do régulariser le ca-
lendrier occidental, on altère le moins possible les habitudes
modernes. On peut, dès lors, espérer d'instituer, à cet égard
des usages vraiment invariables, graduellement susceptibles
d'une entière universalité; tandis que la routine actuelle tend
toujours à susciter des changements vicieux et incohérents. La
prétendue inflexibilité des habitudes rclativcs aux douze mois
se trouve d'avance écartée par beaucoup d'exempleshistoriques,
surtout en voyant les anciens Grccs attribuer alternativement
douze et treize mois à leur année lunaire, pour l'ajuster au soleil,
Quant aux vrais inconvénients pratiques du nombre treize, on y
peut aisémentremédier, en rapportant à la semaine les moitiés et
quarts d'année, maintenant rattachés au mois. Ce simple chan-
gement d'expression convient d'autant mieux que la durée
moyenne de chaque saison coïncide davantage avec treize se-
maines qu'avec trois mois.
Au reste, je dois aussi remarquer, en général, qu'une telle
réformation doit résulter seulement d'un libre assentiment gra-
duel, sans aucune vaine prescription temporelle. Le nouveau
pouvoir spirituel se borne aujourd'hui à recommander cette
année positiviste à tous les occidentauxqui pourront en appré-
cier, par une expérience quelconque, l'utilité publique et pri-
vée, surtout envers le culte final.
NOTIONS FONDAMENTALES

SUR

LE SYSTÈME DE COMMÉMORATION.

D'après mon Discours sur l'ensemble du positivisme, publié


en juillet 1848, la synthèse définitive se résume entièrement par
le culte systématique de l'Humanité, où le culte proprement dit
est inséparable du dogme et de la morale, dont il constitue
l'idéalisation caractéristique. Ainsi, rien ne peut mieux secon-
der désormais l'avènement social de la nouvelle philosophie, et
même son ascendant intellectuel, que d'organiser, autant que
possible, cette célébration décisive, sommairement indiquée
dans ce Discours.
Une telle conviction habituelle m'a conduit, pendant les cinq
derniers mois, à élaborer spécialement, au sein de la Société
Positiviste, la seule partie du nouveau culte occidentalqui com-
porte une institution immédiate, propre à placer les cœurs et
les esprits dans la vraie direction finale. Cette nouvelle conception
offre donc, comme celles du Gouvernement Révolutionnaire et
de l'École Positive, une troisième anticipation essentielle sur les
conclusions nécessaires de mon Système de politiquc positive.
Elle est pareillement destinée à régulariser déjà la grande tran-
sition occidentale, qui, ainsi fondée par la systématisation du
présent et la préparation de l'avenir, avait besoin de se compléter
par la glorification du passé.

Le culte systématique de l'Humanité présente naturellement


deux parties très-distinctes l'une, essentiellement concrète,
célèbre surtout le passé; l'autre, nécessairementabstraite, re-
présente directement l'avenir. Ce dernier mode prévaudra fina-
lement, comme seul propre à développer profondément les
mœurs positivistes, en caractérisant l'existence finale, par la
solennelle idéalisation du vrai Grand-Être, dont il apprécie
d'abord les liens fondamentaux, ensuite les états préparatoires,
et enfin les fonctions normales, au début des treize mois de la
nouvelle année. Le tableau suivant suifira, quoique très-som-
maire, pour indiquer ici la nature et la destination de ce culte
définitif.
CULTE ABSTRAIT DE L'HUMANITÉ,
ou
CÉLÉBRATION SYSTÉMATIQUE DE LA SOCIABILITÉ FINALE.
SYSTÈME DE COMMÉMORATION. 9

Pour compléter l'indicationgénérale qui résulte de ce tableau,


il faut noter que la célébration principale propre à chaque
mois comporterait aussi une décomposition secondaireen quatre
fêtes hebdomadaires,signalée ici envers les seuls mois extrêmes,
où elle est mieux appréciable.
Tous les lecteurs habitués à la nouvelle philosophie sentiront
aisément l'intime correspondance d'un tel culte avec l'ensemble
du dogme et de la morale positivistes. Car il représente fidèle-
ment soit la théorie fondamentale de la famille et de la société
régénérées,soit aussi la marche nécessaire de l'initiation humaine.
Quand une immense élaboration esthétique aura dignement dé-
veloppé cette idéalisation systématique, elle tendra profondé-
ment à former et à consolider les mœurs émanées de la nouvelle
éducation occidentale. Dès lors, le culte concret cessera d'être
séparément indispensable. En effet, cette célébration de l'avenir
comprend aussi une juste consécration du passé, aisément sus-
ceptible d'une spécification plus complète. La principale partie
du culte concret f nira donc par se fondredansl'ensembledu culte
abstrait, qui, outre sa portion directement historique, mani-
festera toujours l'évolution nécessaire de chaque élément hu-
main.
Ce culte définitifcomporte seul une pleine destination morale,
d'après son aptitude naturelle à fournir de dignes types géné-
raux pour les divers modes, privés ou publics, de la nouvelle
existencenormale, A mesure que l'avenir positiviste suscitera des
personnificationsvraiment caractéristiques, elles formeront le
complément concret de ces modèles abstraits. Le passé ne sau-
rait, au contraire, nous offrir aujourd'hui des types pleinement
susceptibles d'une active imitation puisqu'il représente une
sociabilité radicalement distincte, et même nécessairementim-
parfaite, qu'on doit vénérer sans l'imiter.
Mais, en constatant ainsi la supériorité fondamentaledu culte
abstrait, chacun sentira facilement, d'après le tableau précé-
dent, qu'il ne comporte point une organisation immédiate. Sa
principale eflicacité suppose des convictions préalables qui sont
trop rares encore, et même trop peu familières. Ainsi, il ne con-
vient pas aujourd'hui à la transition occidentale, qui ne l'ad-
mettra que quand les nouveaux principes auront assez prévalu
pour permettre le libre essor des mœurs correspondantes. On
ne pourrait maintenant ébaucher que ses deux célébrations
extrêmes, avec les quatre fêtes hebdomadairespar lesquellcs j'ai
complété chacune d'elles. Toutefois, je dois indiquer ici une
heureuse inspiration accessoire, due à l'un de mes jeunes con-
frères, pour populariser déjà les principales bases du culte
abstrait, en dédiant, sans aucune dénominationnouvelle, chaque
jour de la semaine positiviste à quelqu'un des liens fondamentaux
ci-dessus mentionnés

Lundi.
Mardi. Le Hfartape.

Jeudi
Mercredi

Vendredi
Samedi.
La
La
La
La
La
Paternité.
Fraternité.
Domesttctté.
Fentnte, ou l'Atttonr.
DIMANCHE L'HVlttANITÉ.

L'impossibilitéd'établir immédiatement le culte abstrait ne


me dispensait point de le caractériser assez pour marquer ici la
destination essentiellement transitoire, du culte concret, but
spécial de ce travail.
Après cet éclaircissement nécessaire, je dois maintenant ré-
duire le nouveau culte à la glorification concrète du passé, seule
applicable aujourd'hui aux principaux besoins, intellectuels et
moraux, de la situation occidentale.
La commémoration positiviste embrasse l'ensemble de l'ini-
tiation fondamentalequi, sous l'empire toujours décroissant du
système théologique et militaire, dut graduellement préparer
l'élite de l'humanité à sa sociabilité finale, suivant la théorie
historique établie dans mon Système de philosophie positive. Je
me borne donc ici à la série des ancêtres, intellectuels ou so-
ciaux, de la grande famille occidentale. Seulement j'ai placé,
au début théocratique, quelques indications anticipées de l'apti-
tude nécessaire du positivisme à une entière universalité.D'après
le même principe, je dois aussi m'arrêter à l'ouverture de la
crise décisive qui, depuis soixante ans, entraîne l'Occident vers
une complète régénération. Cette règle naturelle ne souffre ici
d'exception apparente qu'envers les progi ès partiels qui n'offrent
que des prolongements spéciaux des divers mouvements anté-
rieurs. Jusqu'à ce que la révolution occidentale atteigne son
terme organique, elle n'admettra d'autre célébration régulière
qu.3 l'usage, déjà très-convenable, d'y rapporter la véritable ère
moderne, qu'une aveugle routine rattache encore au régime
déchu (1).
Cette commémoration systématique de tout notre passé est
surtout destinée à développer profondément, chez la généra-
tion actuelle, l'esprit historique et le sentiment de continuité,
afin d'imprimer à la seconde partie de la grande révolution son
vrai caractère propre. L'énergie de nos pères ne pouvait entre-
voir une pleine rénovation sans leur haine instinctive du régime
qui enchaînait leurs conceptions. Au contraire, notre essor dé-
cisif vers l'avenir ne peut désormais reposer que sur une digne
glorification du passé dont ils nous ont affranchis. Depuis leur

(1) Pour faciliter l'adoption de cette ère historique il faut noter qu'elle
n'exige aucun changement dans l'origine de l'année, puisque ces immenses
ébranlements ne comportentpoint de dates mensuelles. Tout se réduit donc à
retrancher le nombre constant 1788 aux millésimes encore usités. Ce nombre
se trouvant être un multiple de 4, cette modification n'altérera nullementles
principaux usages actuellementpropres aux années bissextiles.
victoire, cette solennello justice constitue la seule condition qui
manque encore à notre irrrévocable émancipation. L'ordre et le
progrès l'exigent également, car les utopies subversives et les
tendancesrétrogrades ne trouvent plus d'appuis vraiment dan-
gereux que d'après l'entière ignorance des lois fondamentalesde
l'évolution humaine.
Sans doute, ces lois naturelles, comme toutes les autres, ne
peuvent être assez appréciées que par une étude abstraite, qui
constituera le terme rationnel de la nouvelle éducation occiden-
tale. Mais, pour en préparer l'avénement normal, il faut au-
jourd'hui appeler les cinq populations avancées à la célébration
systématique de leurs principaux ancêtres,depuis les plus loin-
taines impulsions historiques jusqu'aux plus récentes prépa-
rations. Cette série de types personnels suscite une opération
essentiellement esthétique, qui, fondée sur la saine théorie du
mouvement humain, est très-propre à la faire prévaloir, en y
puisant la base générale d'un immense poëme sur l'évolution
préparatoire de l'humanité.
Mais les avantages moraux d'une telle commémoration sur-
passent encore ses propriétés intellectuelles.En un temps où la
prépondérance du sentiment social peut seule nous préserver
d'une anarchie toujours imminente, il importe beaucoup de
cultiver le plus possible l'instinct familier de la continuité his-
torique, sans se borner à la solidarité actuelle, qui ne constitue
qu'une insuffisante ébauche de notre vraie sociabilité. Rien ne
peut mieux développer l'amour universel, principe unique de
la régénération finale, que ces habitudes, à la fois privées et
publiques, d'une intime et respectueuse reconnaissance pour
les divers services de tous nos prédécesseurs. Cette affection
deviendra d'autant plus profonde que nous sentirons davantage
les immenses difficultés propres à l'élaboration originale, uni-
quement émanée d'un instinct spontané, privé des lumières
de la théorie positive qui désormais régularisera l'essor mental
et social.
Quand l'esprit et le sentiment historiques auront ainsi pré-
valu, ce culte concret, ayant rempli son principal office, sera
peu à peu absorbé par le culte abstrait, qui, seul définitif, se
trouvera dès lors assez préparé. Néanmoins, le système de
commémoration conservera toujours une destination secon-
daire, pour mieux développer la partie du culte final qui célé-
brera sans cesse la grande initiation humaine, constamment
représentée dans chaque évolution individuelle, et même long-
temps reproduite chez les diverses populations retardées. Mais,
à cela près, il ne constitue donc qu'une indispensable introduc-
tion, sans laquelle on ne peut aujourd'hui régler la dernière
transition de l'Occident, où il faut surtout populariser une
saine connaissance de l'histoire, afin de faire convenablement
prévaloir l'esprit organique sur l'esprit critique.
Par cette salutaire construction, qu'elle seule peut accom-
plir, la nouvelle philosophie constatera dignement son aptitude
caractéristique à glorifier toutes les phases humaines, d'après
sa nature toujours relative, qui lui permet de tout rattacher
sans effort à sa vasto unité, également objective et subjective.
La vénération publique rappellera enfin de leur long et indi-
gne exil ces immortelles mémoires que repoussait la brutalité
chrétienne. En même temps, leur retour solennel deviendra
pleinement compatible avec une meilleure célébration de tous
les grands noms propres au moyen âge. Car, la commémo-
ration catholique ne comportait aucune hiérarchie elle con-
fondait toutes ses gloires dans une anarchique égalité, aussi
pénible au cœur qu'à l'esprit. Nos principaux précurseurs ca-
tholiques ou féodaux seront donc mieux honorés d'après la
coordination propre au nouveau culte qu'ils n'avaient jamais
pu l'être par leur célébration exclusive. L'époque même où
surgit cette immense apothéose tend à mieux marquer sa su-
périorité nécessaire, à la fois morale et mentale. En effet, le
catholicisme, restreint à ses propres noms, ne put consacrer sa
gratitude qu'après avoir assez vécu pour multiplier ses types
personnels. Au contraire, c'est dès sa naissance que le positi-
visme célèbre l'ensemble de ses prédécesseurs quelconques,sans
excepter les plus hostiles; et même il s'interdit tout hommage
direct envers sa fondation systématique, dont l'appréciation est
réservée au culte abstrait.
En exerçant sur leur siècle cette réaction vraiment sainte,
les nouveaux philosophes n'assureront pas moins leur légitime
autorité sociale que le juste ascendant de leur doctrine. Tout
pouvoir réel, surtout spirituel, s'établit seulernent d'après un
digne exercice. Quand le sacerdoce de l'Humanité aura ainsi
fait librement adopter sa théorie du passé, il aura, par cela
môme, pris possession de l'avenir. Le jugement effectif des
morts autorise nécessaircment à juger aussi les vivants, en pro-
longeant davantage l'application des principes fondamentaux,
vu l'inaltérable continuité de toute évolution humaine.
Pour compléter cette exposition, il me reste à caractériser la
coordination générale qui distingue la commémoration posi-
tiviste.
J'y subordonne l'un à l'autre trois genres de types, mensuels,
hebdomadaires, et quotidiens (1). La succession, toujours chro-
nologique, des treize types mensuels représente l'étude la plus
fondamentale de l'ensemble du passé, en concentrant la véné-
ration occidentalesur les principaux organes de la grande ini-
tiation intellectuelleet sociale. Chacun d'eux préside au mois

(1) La pratique du culte concret suscitera peut-être l'usage commode de


qualifier ces trois degrés de vénération,d'après les dénominations, désormais
sociologiquement disponibles, de deux, héros, et saints, émanées des syn-
thèses antérieures.
correspondant, sans que sa célébration spéciale y trouve aucun
siége fixe. Mais cette mobilité naturelle sera pleinement com-
pensée par la subordination spontanée de toutes les autres mé-
moires analogues. D'ailleurs, la pratique du système introduira
bientôt l'usage de désigner chaque mois positiviste par son pro-
pre chef, quoique je m'abstienne ici de prendre, à cet égard,
une initiative qu'il faut laisser au public occidental.
Sous chaque type du premier ordre, j'en range chronologi-
quement qualre du second, principaux coopérateurs de l'évo-
lution qu'il représente, et célébrés dans les quatre dimanches
du mois correspondant. L'ensemble de ces cinquante-deux
noms caractérise un second degré de développement et de pré-
cision pour la conception concrète du mouvement humain. A
mon gré, la destination intellectuelle du système de commémo-
ration se trouverait assez réalisée par la succession de ces deux
approximations générales, dont la solennité supérieure aug-
mentera d'ailleurs l'efficacité. Mais l'office moral exige une
culture plus complète, pour satisfaire dignement la reconnais-
sance occidentale envers tous les noms vraiment dignes d'im-
mortalité, et aussi pour mieux développer le besoin fondamental
d'éterniser convenablementl'existence personnelle.
J'institue donc une troisième glorification du passé, en consa-
crant chronologiquementles jours ordinaires de chaque semaine
aux six meilleurs érnulcs du type qui la domine. Ces noms sont
d'ailleurs choisis indifféremment parmi les précurseurs ou les
successeurs du chef correspondant. Leur appréciation suscite
la principale difficulté d'exécution du plan de comm(moration
elle comportera naturellement plus de modifications qu'aucune
autre, d'aprè, une saine discussion publique. Néanmoins, rien
n'étant arbitraire dans leur choix, le système total peut enfin
obtenir, mPme à cet égard, une véritable fixité, suivant une
meilleure application de la théorie historique qui sert de base
à toutes ses parties. Il y faut tendre à ce que chaque nom soit
aussi exactement placé dans cette hiérarchie positiviste que
peut l'être chaque genre dans la vraie série animale. Toute date
se trouverait ainsi exprimable finalement d'après le culte cor-
respondant, comme l'obtint quelquefois le catholicisme.
Ces illustrationsdu troisième ordre se trouvant être plus nom-
breuses que les jours de l'année, je n'ai pu embrasser tous les
noms qui méritent une certaine glorification occidentale qu'à
l'aido d'un artifice supplémentaire. Il consiste à accompagner
un type quotidien d'un nom accessoire, destiné à le remplacer
de trois ans l'un (i), en vertu de titres analogues, quoique moin-
dres. Ces compléments n'influent jamais sur la décomposition
propre à chaque semaine, où leur place ne dépend que de leur
lien spécial. Je me suis toujours efforcé de n'appliquer cette
adjonction qu'à des mémoires trop éminentes pour redouter un
tel partage, ou, au contraire, aux apothéoses qui exigeaient
quelque atténuation en sorte que l'harmonie générale du ta-
bleau sacré fût plutôt améliorée qu'altérée par cet artifice.
Quoique la plupart de mes types quotidiensrestent étrangers à
ces modifications, je crois avoir ainsi épuisé tous les noms
vraiment dignes de la reconnaissance occidentale, en vertu d'un
concours réel à l'accomplissementde la préparation humaine.
Dans l'ensemble du calendrier positiviste, la succession chro-
nologique ne doit être complète qu'entre les types du premier
ordre. On ne pourrait l'étendre aux deux autres classes sans y
altérer souvent la vraie filiation, qu'il faut surtout représenter.
J'ai dû partout poursuivre jusqu'au bout l'évolution correspon-
dante à chaque partie du système de commémoration en ne
rangeant selon les temps que les noms appartenants à une même
division. Ainsi, en changeant de semaine, l'ordre chronologique

(1) Ces adjonctions sont toujoursinscrites ici en caractèresitaliques.


ne subsiste pas toujours entre les types quotidiens, ni même,
d'un mois à l'autre, entre les types hebdomadaires.
Quant aux principes de mes jugements, mon ouvrage fon-
damental les a, depuis longtemps, posés, en établissant la vraie
philosophiede l'histoire. Je dois seulement ajouter ici que, dans
leur application j'ai soigneusement combiné les conditions
morales avec les titres intellectuels, même envers les illustra-
tions purement théoriques. Le chancelier Bacon est le seul per-
sonnage en faveur duquel la grandeurphilosophique m'ait forcé
d'écarter une insuffisante moralité.
Dans l'élaboration d'un système destiné surtout à faire irré-
vocablement prévaloir l'esprit organique sur l'esprit critique,
j'ai rigoureusement exclu tous ceux qui n'ont réellement que
détruit, sans rien construire. On n'y trouvera donc ni Luther,
ni Calvin ni Rousseau Voltaire n'y figure qu'au titre de poi;te
tragique. Malgré leur utilité passagère, ces services négatifs
exigent trop peu de valeur intellectuelle, et supposent de trop
vicieuses dispositions morales, pour admettre une telle consé-
cration personnelle. Leurjuste appréciation appartient au culte
abstrait, qui embrassera tout, même l'anarchie, sans que ses
hommages collectifs comportent jamais les dangers qu'offrirait
aujourd'hui cette célébration concrète. Envers de tels person-
nages, l'absence de théorie historique égare souvent l'instinct
public, qui leur attribue des révolutions où ils n'ont vraiment
influé que comme organes, opportuns mais aveugles, d'un der-
nier ébranlement devenu inévitable d'après une décomposition
spontanée longtemps inaperçue. On suppose ainsi une grande
supériorité chez des natures peu éminentes, qui, à d'autres
époques, seraient demeurées presque vulgaires. Quant aux vé-
ritables illustrations, philosophiques ou politiques, qui accom-
pagnèrent le mouvement négatif, je crois leur avoir ici accordé
une juste part. Depuis que les méprises révolutionnaires ont
cessé d'être excusables, il importe de ne plus confondre des
auxiliaires provisoires et indirects de la grande préparation
humaine avec ses organes directs et définitifs, dont la mémoire
ne doit jamais périr.
Je dois avertir aussi que, dans la comparaison des titres in-
tellectuels, j'ai nécessairementcombiné la valeur mentale avec
les services effectifs, qui ne sont pas toujours à son niveau, vu la
grande influence, dépressive ou stimulante, de la situation
historique. En construisant, par exemple, le mois consacré à
la science moderne, je devais honorer Newton d'une célébration
hebdomadaire, d'après l'importance des travaux qu'il eut le
bonheur d'accomplir; tandis qu'une moindre opportunité m'a
forcé de n'accorder à Lagrangequ'une simple glorification quoti-
dienne, quoique je le juge très-supérieur au fondateur de la mé-
canique céleste, soit comme penseur, soit même comme homme.
Enfin, il faut noter ici que la nature essentiellement esthé-
tique de cette composition sans exemple m'a conduit, pour
mieux remplir sa destination sociale, à introduire, mais seule-
ment dans la première semaine de l'année, quelques anciens
types fabuleux, qui m'ont semblé propres à caractériser des
phases historiques dépourvues de tous représentants réels.
Quand la poésie régénérée aura dignement complété leur idéali-
sation primitive, leur profonde efficacité ne sera plus contes-
table, et l'on sentira aussi que leur forme seule est pleinement
fictive. Par des motifs analogues, j'ai intercalé quelques célé-
brations collectives, mais assez rares pour ne pas altérer sensi-
biement l'individualitéqui convientau culte concret.
Avant d'exposer le Panthéon positiviste, je crois devoir placer
ici un tableau qui en fera mieux saisir l'ensemble, en concen-
trant l'attention sur les deux premiers ordres de types, où réside
la principale partie du système, et d'ailleurs la seule entière-
ment fixe.
CULTE CONCRET DE L'HUMANITÉ

po un

PRÉPARER L'OCCIDENT AU CULTE ABSTRAIT, SEUL DÉFINITIF.

Telle est la base générale du classement d'environ cinq cents


noms d'élite que j'ose ici proposer comme offrant tous des titres
réels, quoique très-inégaux, à la commune vénération des cinq
populations occidentales. Chacune d'elles pourra ensuite déve-
lopper davantage ce culte concret, en l'étendant aux mémoires
purement nationales, et même jusqu'aux simples illustrations
provinciales ou municipales, de manière à y incorporer enfin
les célébrations domestiquesqui en seront dignes. Mais, quelle
que doive être, en tems opportun, l'efficacité morale de ces ex-
pansions successives, le nouveau pouvoir spirituel doit aujour-
d'hui s'en abstenir entièrement, pour mieux caractériser son
occidentalité, qu'il faut constituer avant tout.
Dans l'ensemble de ce culte, le temps attribué à chaque grande
phase historique représente fidèlement,quoiqu'en sens inverse,
sa propre nature générale. Le premier mois de l'année positi-
viste suffit réellement pour une digne célébration occidentale
de la théocratie initiale, malgré que co régime primitif ait beau-
coup plus duré qu'aucun autre, au point de persister essentiel-
lement chez d'immenses populations actuelles. Mais son admi-
rable unité et sa consistance opiniâtre expliquent assez cette
apparente disproportion. Trois mois m'ont été ensuite in-
dispensables afin de glorifier pleinement la grande évolution
intellectuelle de l'ancienne Grèce, où la poésie, la philosophie,
et la science no se dégagent que successivement du tronc théo-
cratique, sous la réaction latente du principe militaire. Au
contraire, le mois suivant caractérise assez le vaste ensemble
de la sociabilité romaine, y compris son double préambule
grec; car cet essor homogène et cohérent offre partout le dé-
veloppement d'une même civilisation, aisément représentée par
quelques types bien choisis. Un semblable motif convient aussi
au moyen âge, dont les neuf siècles sont ici dignement célébrés
dans les deux mois que mon plan m'accordait envers le catho-
licisme et la féodalité. Si les cinq siècles de l'évolution moderne
absorbent seuls les six derniers mois de l'année positiviste, cette
nécessité ne tient pas seulement à la notable accélération du
mouvement humain, ni à l'importance supérieure d'une prépa-
ration qui touche à son but. Elle est surtout due à la nature
profondément dispersive d'une telle progression, où on ne peut
point embrasser tous les élément essonliels du résultat général
sans multiplier beaucoup les types partiels. Un seul mois n'y
représenterait point assez, comme je l'espérais d'abord, l'en-
semble de l'essor poétique, que j'ai dû répartir entre l'épopée
et
le drame; ce qui m'a d'ailleurs permis d'y incorporer
respecti-
vement la peinture et la musique. De même, si on concentrait,
au mois de Descartes, la double célébration du mouvement phi-
losophique et du mouvement scientifique,
on caractériserait
mal la participation finale de chacun d'eux à la fondation systé-
matique du positivisme, résullée, en temps opportun, de leur
concours nécessaire.

Le cours philosophiqueque je professe maintenant, Palais-


au
Cardinal, sur l'histoire générale de l'Humanité,
constitue na-
turellement une introduction dogmatique
au système de com-
mémoration exposé ici. Quand cette suite de prédications
positivistes sera terminée, je commencerai, dès l'an prochain,
l'exécution de la vaste opération sacerdotale
que j'institue
aujourd'hui, en consacrant deux années consécutives
aux deux
premiers degrés du culte concret. Son ébauche décisive
pour-
rait donc être complète dans trois ans, si je trouvais déjà six
dignes collaborateurs, qui pussent ensuite se
vouer à l'accom-
plissement, pénible mais indispensable, du troisième et dernier
degré. Le besoin d'invoquer solennellement un tel
concours
influe beaucoup sur la publication actuelle de cet essai. Mais
je l'ai aussi résolue pour mieux provoquer au perfection-
nement du nouveau calendrier, surtout quant aux types
quotidiens, envers lesquels j'ai déjà puisé quelques heureuses
rectifications dans les libres conférences de la Société Positi-
viste. J'accueillerai donc, avec une sincère gratitude, tous les
conseils, même inadmissibles, qu'une saine critique pourrait
m'adresser, pourvu qu'ils procèdent toujours
par substitution
spéciale, et jamais par simple négation.
Ainsi détachée du grand ouvrage où elle trouvera sa place
dogmatique, une telle composition encourra peut-êtrebeaucoup
de fausses appréciations, dues à la grande difficulté de bien saisir
aujourd'hui son véritable esprit. Cependant, son adoption gé-
nérale, après un long examen, par la Société Positiviste, me
permet d'espérer ailleurs un digne accueil,quoiqueje ne doive,
sans doute, obtenir de personne une complète adhésion spé-
ciale. Malgré tous les inconvénients de cette publication anti-
cipée, je n'hésite donc point à l'accomplir, afin qu'une applica-
tion aussi caractéristique accélère, dans notre urgente situation,
l'avénement social de la seule philosophie qui puisse terminct-
la révolution occidentale.

Paris, le jeudi 5 avril 1849.

AUGUSTE COMTE,
Auteur du Système de philosophie positive,
Fondateur et Président de la Société Positiviste.
( 10, rue Monsieur-le-Prince. )
CALENDRIER POSITIVISTE,
POUR UNE ANNÉE QUELCONQUE.

JANVIER,
PREMIER MOIS. CONSACRÉ A LA THÉOCRATIEINITIALE.

MOÏSE.
1
2
Lundi. Hercule
Mardi Prométhée. Thésée.
Mercredi.
3
4
5
Jeudi.
Vendredi.
Orphée.
Ulysse.

6 Samedi. Lycurgue.
Romulus.
7

8
9
DIMANCHE.
Lundi.
Mardi. Bélus
NUMA.

Sésostris.
Mercredi. Menou.
Sémiramis.
10
11
12
Jeudi
Vendredi.
Cyrus.
13 Samedi. Zoroastre.
Les Druides Ossian.
\h Dimanche. BOUDDHA.
15
16
Lundi.
Mardi. Fo-Hi.
Lao-ïseu.
Mercredi.
17
18
19
Jeudi
Vendredi.
Meng-Tseu.
LcsthéocralesduThibcl.
Les Ihéocrates du Japon.
20 Samedi. Manco-Capac Taméhamca.
21 DIMANCIIE. CONFUCIUS.
22
23
Lundi.
Mardi. Joseph.
Abraham.

Mercredi.
24
25
26
Jeudi. Salomon.
Vendredi. Isaïe.
Samuel.
David.

27 Samedi. Saint-jean-Baptiste.
28 Dimanche. MAHOMET.
FÉVRIER,
CONSACRÉ A
DEUXIEME «OIS LA

HOMERE.

Lundi. Hésiode.
2 Mardi Tyrlée Sapho.
1

Mercredi. Anacréon.
3
Jeudi.
5 Vendredi. Sophocle
lx
Euripide.
6 Samedi. Théocrite. Gungus.
7 DIMANCHE. ESCHYLE.
8 Lundi. Scopas.
9
10
Mardi. Zeuxis.
Mercredi. Ictinus.
11 .Jeudi. Praxitèle.
Vendredi. Lysippc.
12
13 Samedi. Apcllcs.
Mi DIMANCHE. 1'IIlUIAS.
15 Lundi Ésope Pilpaï.
16
17
Mardi Aristopitane.
Mercredi. Térence Ménanire.
18 Jeudi Phèdre.
19 «. Juvénal.
Vendredi.
Samedi. Lucien.
20
21 Dimanche. PLAUTE
22
23
Lundi Ennius.
Mardi Lucrèce.
Mercredi. Horace.
2lt
25
26
Jeudi. Tibulle.
Vendredi. Ovide.
27 Samedi. Lucain.
28 Dimanche.
VIRGILE.
MARS,
TlXOlbltMi; MOIS. CONSACRÉ A LA l'HILObOTBIE AVCU.-NE.

ARISTOTE.
Lundi Anaximandre.
2 Mardi Anaximcnc.
3 Mercredi. Heraclite.
h Jeudi Anaxagorc.
5 Vendredi. Démocrite.
6 Samedi. Hérodote.
7 Dimanche. THALÈS.

H
9
Lundi.
Mardi Solon.
Xénopliane.
10
11
12
jeudiMercredi. Empedocte.
Vendredi. Thucydide.
Arcliylas.
13 Samedi. Apollonius-dc-Tyanc.
\h Dimanche. PVTHAGORK.

15
16
Lundi Aristippe.
Mardi Anlislhènos.
Mercredi.
17
18
19
Jeudi. CicCron
Zenon.

Vendredi. Kpictètc.
Pline-k-jeune.
Arrien.
20 Samedi Tacite.
21 Dimanche. SOCRATE.

22
23
Lundi. Xénocrate.
Mardi. Philon-d' Alexandrie.
24 Mercredi. Saint-Jcan-1'évangéliste.
25 Jeudi,
26 Venclredi. S1. -Clément-d'Alexandrie.
27 Samedi. Origènc. Terlullien,
28 Dimanche. PLATON.
AVRIL,
lïUATBlèMB MOIS. CONSACRÉ à LA SCIENCE ANCIENNE.

ARCHIMEDE.

1
2
Lundi.
Mardi. aste.
Théophr
Hérophile.
3 Mercredi. Érasistrate.
h Jeudi Celse.
5 Vendredi. Galien.
6 Samedi. Aviceune Averrhoës.
7 HÏPPOCRATE.
DIMANCHE.
8 Lundi. Eucllde.
9 lVlardi. Aristée.
10 Mercredi. Théodose-de-Bithynie.
il-
12
Jeudi. Héron.
Vendredi. Pappus.
13 Samedi Diophante.
1.4 DIMANCHE. APOLLONIUS.
15 Lundi Eudoxe Aralus.
16 Mardi Pythéas Néarque.
17 Mercredi. Aristarque. Bérose.
18 Jeudi Ératosthène Sosigène.
19 Vendredi. Ptolémée.
20 Samedi Albategnius Nassir-Eddin.
21 DIMANCHE. HIPPARQUE.

22 Lundi.
Mardi Varron.
Columelle.
23
24 Mercredi. Vitruve.
25 Jeudi. Strabon.
Vendredi. Frontin.
26
27 Samedi. Plutarque.
28 PLINE-l'ancien.
DIMANCHE.
MAI,
CINQUIÈME MOIS. CONSACRÉ A LA CIVILISATION MILITAIRE.

CÉSAR.

1 Lundi.
Mardi. Miltiade.
Léonidas.
2
Mercredi.
3
h Jeudi.
Vendredi.
Aristide.
Cimon.
Xénophon.
Samedi. Phocion.
5
6 Épaminondas.
7 THÉMISTOCLE.
DIMANCHE.
8
9
Lundi.
Mardi. Périclès.
Philippe.
Mercredi. Démosthènes.
10
11
12
Jeudi.
Vendredi.
Ptolémée Lagus.
Philopœmen.
13 Samedi. Polybe.
14 DIMANCHE. ALEXANDRE.

15
16
Lundi.
Mardi. Junius Brutus.
Camille.
Mercredi. Fabricius. Règulus.
17
18 Jeudi.
Vendredi.
Annibal.
Paul-Émile.
Samedi. Marius. Les Gracques.
19
20
21 DIMANCHE. SCIPION.

22
23
Lundi.
Mardi. Auguste.
Vespasien.
Mécène.

Mercredi.
24
25
26
Jeudi. Adrien.
Antonin.
Vendredi. Papinien.
Marc-Aurèle.
Ulpien.
27 Samedi. Alexandre Sévère.
28 DIMANCHE. TRAJAN.
JUIN,
SIXIÈME MOIS. CONSACRÉ A IX ulIKOLlUIbllI.

SAINT- PAUL.
1 Lundi. Saint-Luc.
2 Mardi. Saint-Cyprien.
3 Mercredi.. Saint-Athanase.
h .Jeudi. Saint-Jérfimc.
5 Vendredi.. Saint-Ambroisc.
6 Samedi. Sainte-Monique.
7 DIMANCHE.. SAINT-AUGUSTIN.

8 Lundi. Constantin.
9 Mardi. Théodose.
10 Mercredi.. Saint-Chrysostôme. Saint-Basile.
11 • Jeudi. Saintc-Pulchéric.
12 Vendredi.. Sainte-Geneviôvc-de-Paris.
13 Samedi. Saint-Grégoire-le-Grand.
1h Dimanche.. IIILDEBRAND.
15 Lundi. Saint-Benoît Saint-Antoine.
16 Mardi. Saint-Bonifacc. Saint- Austin.
17 Mercredi.. Saint-Isidore-dc-Sévillc. Saint-Bruno.
18 Jeudi. Lanfranc. Saint-Anselme.
19
20

21
fige.
Vendredi.. Héloïse.
Samedi. Lesarclitcctesdumoyen
DIMANCHE.. SAINT-BERNARD.
Sainl-Benexet.

22 Lundi. Saint-François-Xavier. Ignace de Loyola.


23' Mardi. Saint-Charles-Borromée. FrédéricBorromée.
24 Mercredi.. Sainte-Thérèse. Sainte Catherine-
de-Sienne.
25 Jeudi. Saint-Vincent-de-Paule. Flêchier.
Bourdaloue.
26
27
28
Vendredi..
Samedi. W. Penn.
Dimanche.. BOSSUET.
Claude Fleury.
G. Fox.
JUILLET,
SKP1IEML Mim CONSACRÉ A LA EËÛDALK

CHARLEMAGNE.
1
2
Lundi.
Mardi. Théodoric-lc-Grand.
Pélage.
Mercredi. Othon-lc-Grand.
3
4
5
Jeudi. Saint-Henri.
Vendredi. Villiers.
Henri-V

La Valette.
Oiseleur.

6 Samedi. Don Juan d'\ulriche


(le vainqueur de
Lépantc) Jean Sobieski.
7 DIMANCHE. ALFRED.

8
9
Lundi.
Mardi Le Cid.
Charles-Martel.
Tancrède.
10 Mercredi. Kicliard Saladin.
Il Jeudi leanne d'Arc.
12 Vendredi. Albuqucrquc. llralter Raleigh.
13 Samedi liayard.
1h DIMANCHE. CODEFROI.
Lundi Sainl-Léon-lc-Grand.
15
16 Mardi. Gerherl
Mercredi. Pierre-l'Ermite.
Pierre Damicn.
17
18
19
Jeudi.
Vendredi.
Suger..
III.
Alexandre
Vainl-ltioi.
Thomas Heckel.
20 Samedi. S'François-d'Assise. Saint- Dominique.
21 DIMAIYCIIE. INNOCENT lit.
22
23
Lundi. Sainte-Clotilde.
Mardi Sainte-Bathilde.
Mercredi. Saint-Étienne-de-IIongric.
24
25
26
Jeudi. Sainte-Élisafoetli-dc-Hongrie.
Vendredi. Blanche de Castille.
27 Samedi. Saint-Ferdinand III. Alphonse X.
28 DIMANCHE. SAINT-LOUIS
AOUT,

UU1T1ÈHE MOIS. CONSACRÉ A L'ÉPOPÉE MODERNE.

DANTE.
1 Lundi. Les Troubadours.
2 Mardi. Boccace.
Mercredi..

Foé.
3 Cer vantes.
h Jeudi. Rabelais.
5 Vendredi.. La Fontaine.
6 Samedi Goldsmàth.
7 DIMANCHE. ARIOSTE.

8 Lundi. Léonard de Vinci. Le Titien.


Mardi. Michel-Ange Salvator Rosa.
9
10
il Holbein.
Jeudi. Poussin.
Mercredi.. Rembrandt.

12
13 Samedi
Murillo.
Vendredi..
Téniers.
Lesueur.
Alonzo Cano.
Rubens.
lft DIMANCHE. RAPFIAEL.

15
16
Lundi.
Mardi.
Froissart.
Camoens.
Joinville.

17 Mercredi.. LesRomancistes espagnols.


18 Jeudi. Chateaubriant.
19 Vendredi.. Walter-Scott.
20 Samedi Manzoni.
21 DIMANCHE. TASSE.

22 Lundi. Pétrarque.
23 Mardi. Thomas A'Kempis. Louis de Grenade.
Mercredi.. Madame de Lafayette.
24
25 Jeudi. Fénelon. Madame de Staël.
Saint -François-
de-Sales.
26
27
Vendredi..
Samedi
Klopstock.
Byron.
Gessner.

28 DIMANCHE. MILTON.
SEPTEMBRE,
NEUVIÈME MOIS. CONSACRÉ ':INDUSTRIE MODERNE
A

GUTTEMBERG.

1 Lundi. Marco -Polo Chardin.


Mardi. Jacques Coeur.
2
3 Gama.
Jeudi. Neper.
Mercredi.
Gresham.
Magellan.
4
5
6 Samedi.
Lacaille.
Vendredi.
Cook.
Briggs.
Delambre.
Tasman.
7 Dimanche.. COLOMB.

8 Lundi. Benvenuto Cellini.


9 Mardi. Amontons. lTlheatstone.
10
11
Harrison.
Mercredi.
Jeudi. Dollond. Pierre
Graham.
Geroy.

12 Vendredi. Arktwright. Jacquart.


13 Samedi. Conté.
14 DIMANCHE.. VAUCANSON.

15 Lundi. Stévin.
Mardi. Mariotte.
Torricelli.
16
17 Papin.
Mercredi.
Jeudi.
Boyle.
H'orcester.
18
19
20
Jouffroy
Vendredi.
Black.

Samedi. Dalton.
Fulton.
Thilorier.
21 DIMANCHE.. WATT.

22 Lundi. Bernard de Palissy.


23 Mardi. Guglielmini. Riquet.
Mercredi. Duhamel (du Monceau).
24
25 Jeudi. Saussure. Borda.
Bouguer.
26
27
Coulomb.
Samedi. Carnot.
Vendredi.
J7auban.
28 DIMANCHE.. MONTGOLFIER.
OCTOBRE,
OUIÈHE MOIS. CONSACRÉ A I-K DRAME MODERNE.

SHAKESPEARE.

Lundi. Lope de Vega.


Mardi. Movelo Guillen de Casfro.
1
2
3 Mercredi. Hojas.
k .Jeudi Otway.
5 Vendredi. Lcssing.
6 Samedi. Goethe.
7 DIMANCHE.. GALDKRON.

8
9
Lundi.
Mardi.
Tirso.
Vondel.
10 Mercredi. Racinc.
11
12
Jeudi.
Vendredi. Alficri.
Voltaire.
Métastase.
13 Samedi. Schiller.
14 Dimanche.. CORNEILLE.
15 Lundi. Alarcon. Motteville. Madame Roland.
16 Mardi. Madame de
i7
18
Mercredi.
Jeudi
Vendredi.
Lesage.
Madame de Sévigné..

Staal.
Lady Montague.
Sterne.
Miss Edgeworth.
19
20
21
Samedi. Fielding
Madame de

DIMANCHE.. MOLIÈRE.
Richardson.

Lundi. Pergolèse. Palestrina.


22
23 Mardi. Sacchini. Grétry.
Mercredi. Gluck. Lully.
24
25 Beethoven Handel.
Jeudi. Rossini.
26
27
28
Vendredi.
Samedi. Bellini.
TVeber.

Dimanche.. AIOZART.
Donixetli.
NOVEMBRE,
OSZttlBE MOIS, CONSACRÉ A I.A PHILOSOPHIEÎIODF.RKE.

DESCARTES.

1 Lundi. Albert-le-Grancl. Finceni-de-Beau-


2 Mardi. Roger Bacon. Raimond Lulle
3
4
5
Jeudi. Ranius
Mercredi.. Saint-Bonavenlure.. Joachim.
Vendredi.. Montaigne
Cardan.
lrasme.
6 Samedi. Canipanella Morus.
7 Dimanche.. Sl.-THOMAS-d'Aquin.
8
9
Lundi.
Mardi.
Hobbes
Pascal. Spinosa.
Giordano Bruno
10
11
Mercredi.. Locke.
Jeudi. Vauvernargues. Mallebranchc.
Mme de Lambert.
12 Vendredi.. Diderot.
13 Samedi. Cabanis Georges Leroy.
14 DIMANCHE.. Le chancel. BACON.
15 Lundi. Grotius. Cujas.
16
17
18
Vico.
Mardi. Fonteuclle.
Jeudi. Fréret
Mercredi.. Ilerder.
FVinckelmann
19 Vendredi.. Montesquieu IJ'flguesseau.
20 Samedi. Buflbn.
21 DIMANCHE.. LEIBNITZ.
22 Lundi. Adam Smilh.. Robertson.
23 Mardi. Kant.
24
25 Jeudi. Condorcet
Mercredi.. Ferguson.
Fichte.
26 Vendredi.. Joseph de Maistre.. Bonald.
27
28
Samedi. Hegel. Sophie Germain.
DIMANCHE.. HUME..
DÉCEMBRE,

DOUZIÈME MOIS. CONSACnê A LA POLITIQUEMODBRBÏ.

FRÉDÉRIC.

1 Lundi. Marie dede Molina.


2 Mardi. Côme deMedicis.
Mercredi domines. Guicciardini.
Philippe
3
U
5
Jeudi. Isabelle de Castille.
Vendredi. Charles-Quint. Sixte-Quint.
6 Samedi. Henri IV.
7 DIMANCHE. LOUIS XI.
8 Lundi. Coligny. L'Hdpital.
9 Mardi. Gustave-Adolphe.
Barneveldt.

il Jéudi.
10

12
Mercredi.
De Witt.
Vendredi. Ruyter.
13 Samedi. Guillaume III.
14 DIMANCHE. GUILLAUME-le-Ta-
citurne.

15
16
17 Mercredi.
Sully.
Lundi. Ximenès.
Mardi. Colbert. Louis
Oxenstiern.
XIF.
18 Jeudi. •NValpole Mazarin.
Vendredi. D'Aranda. Pombal.
19
20 Samedi. Turgot. Campomanes.
21 DIMANCHE. RICHELIEU.
22 Lundi. Sidney Lambert.
23 Mardi. Franklin.
Mercredi. Washington.
24
25
26
Jeudi. Jefferson.
Vendredi. Bolivar.
27 Samedi. Francia.
28 DIMANCHE. CROMWELL.
FINAL,
TREIZIÈME ETr>EI\niE.D MOIS. CONSACRÉ A LA A SlIEïtCB MOtLRNF

BICHAT.

2
1 Lundi.
Mardi Copernic
Kepler.
Tycho-Brahé.
Mercredi. Huyghens. liarignon.
3
Jeudi.
4
5
6 Samedi. GALILÉE. Volta
Jacques Bernouilli.. jean Bernouilli.
Vendredi. Bradley. Halley.
Ampère.
7

8 Viète.
DIMANCHE.
Lundi.
Mardi Wallis. fermai
ifarriott.
Mercredi. Clairaut
Il- Jeudi. Euler.
9
10 Maupertuis.
Honge.
12 D'Alemuert.
Vendredi. Daniel Bernouilli.
13
U\
Lagrange
Samedi. NEWTON.
DIMANCHE..
Joseph rourier.

15
16
Lundi.
Mardi. Bcrgmann
Pricstley Scheele.
Dary.
17 Mercredi. Cavendish.
18 Jeudi Guyton Morveau.
Vendredi. Berthollet
19
20 Samedi. Berzélius Rilter.
21 Dimanche. LA VOISTEIL

Lundi Ilarvcy
22
23
1li
•25
26
Bern.
Mardi Boërhaave Slhal.
daller
Jeudi. Lamarck
Mercredi.
Vendredi.
Ch. Bell.
l.inné
Oken.
de Jussieu.
Vicq d'Azyr.

27 Samedi. Broussais. Morgagni


28 Dimanche. GALL.

Après ces quatre célébrations initiales de la Fête des Réprouvés, ce jour


exceptionnelprendra sa destination finale pour le culte abstrait.
AUGUSTE COMTE, L'OEUVRE VÉCUE,
PAR

PATRICK TACUSSEL.

En sollicitant librement les textes d'Auguste Comte, nous


pourrions aussi bien rencontrer un publiciste aigu ou fan-
tasque en quête de généreuses solutions aux problèmes de
son temps, croiser le gonfalonier d'une synarchie unissant
déjà les techniciens et les chefs de l'industrie, apercevoir
l'étoile polaire d'une constellation romantique française. De
ces silhouettes, aucune n'est assez juste pour emporter
l'adhésion du lecteur. Les reliefs du système découpent
avec clarté les lignes d'un tableau d'idées cohérent, mais le
ton glisse au contraste à l'intérieur d'un concert d'ombres
nourri de passions, d'inquiétude, de mélancolie. Seuls les
tourments de l'existence expliquent la hardiesse d'une intel-
ligence et un besoin d'ordre qui aujourd'hui encore tracent
un chemin dans l'œuvre. Le positivisme resterait sans doute
incompréhensible si le passage de la philosophie à la reli-
gion ne donnait à cette conversion spirituelle sa véritable
envergure, en l'occurrence sociale. Le Calendrierpositiviste
ou Système général de commémoration publique illustre la
satisfaction globale de l'Humanité célébrée dans son unité
substantielle et indivisible. Il importe de connaître un peu
l'homme et d'étendre la sphère de sa présence pour voir
comment une pareille exigence de raison et d'ambition
encyclopédique épouse des instincts impérieux, en vertu
desquels les individus règlent leurs aptitudes réciproques à
vivre en société. Le souci biographique finit par éclairer le
portant nocturne de l'âme qui donne plus d'éclat à la doc-
trine celle-ci ne commande-t-elle pas l'interprétation que
l'auteur a lui-même offerte des drames de sa vie et ne fixe-
t-elle point sa conduite dans une fantasmagorieunique dans
le genre ? En outre, elle invite à réfléchir sur la position
marginale des réformateurs au milieu du dix-neuvième
siècle. En choisissant pour adage «Vivre au grand jour»,
Comte exprime le souhait de lier le monde vécu social et les
événements du domaine privé. Cette façon de se représenter
la relation de l'homme au monde ajoute à ces motifs un
intérêt nouveau quant à la réception de la rupture alors
inaugurée par ses travaux.

Né le 19 janvier 1798 à Montpellier, Isidore Comte


choisit en 1817 de se faire appeler par son second prénom
Auguste. Son père, caissier à la recette générale du dépar-
tement de l'Hérault, et sa mère, Rosalie Boyer, issue d'une
famille de médecins, étaient catholiques et légitimistes. Il ne
fut jamais attaché à ce père, modeste et consciencieuxfonc-
tionnaire qui lui survécut, ni à son frère et à sa sœur; par
contre, sa mère sera honorée publiquement de sa gratitude
et de son amour. Dès son entrée au Lycée de Montpellier,
à l'âge de neuf ans, le jeune garçon suscite l'admiration de
ses condisciples et accumule les «prix de prééminence»,
dont celui d'éloquence en 1813. Sa précoce agilité d'esprit
le fait remarquerpar le pasteur DanielEncontre, philosophe
et mathématicien, qui exercera un magistère influent dans
ces années de formation. Durant cette période, il cesse de
croire en Dieu; plus tard, dans la préface du Catéchisme
positiviste, il affirmera que les occidentaux du Midi de-
meurent moins perméables aux «lectures négatives», à la
métaphysique protestante ou déiste, aux sophismes constitu-
tionnels, «au déplorable exercice du suffrage universel» et
«des complots parlementaires». De ce point de vue, l'estime
que lui portera Charles Maurras n'est pas injustifiée. Le
projet de rétablir les provinces dans leur autonomie admi-
nistrative, l'institution des intendances, composées de cinq
départements, la diminution graduelle de la centralisation
exagérée constituent également quelques principes chers au
théoricien de l'Action Française.
Admis en octobre 1814 à l'École Polytechnique, Auguste
Comte confirme des dispositions très éloignées de la disci-
pline en vigueur dans l'établissement. Il perd assez vite son
grade de caporal pour insubordination. Ses camarades le
surnomment «Sganarelle» ou encore «le philosophe» la
sagesse satirique qui alimente son comportement fait recette
auprès de ses compagnons. Cependant, aux yeux du com-
mandement de l'École, il est un factieux, un louangeur des
conventionnels. Il déteste déjà Robespierre et vénère
Danton; sur son lit de mort, il demandera à ses amis de
réhabiliter la mémoire de ce dernier.
L'École Polytechnique est alors un foyer d'agitation répu-
blicaine et bonapartiste; bientôt, elle sera ouverte au vent
des utopies socialistes. Les saint-simoniens, puis les fourié-
ristes, vont recruter dans ses rangs des zélateurs pleins
d'optimisme. Elle doit «nourrir les générations à venir»
selon la formule d'Enfantin. Jusqu'à la Commune de Paris,
les élèves et les anciens de Polytechnique fourniront une
cohorte de combattants sur les barricades parisiennes en
juillet 1830 et en février 1848. Pour l'anecdote, signalons
que pendant le siège de Paris un groupe de travailleurs
manuels fonda le Cercle des prolétaires positivistes. En avril
1816, l'École est fermée et ses pensionnaires licenciés.
Quelques mois auparavant, le jeune Comte avait été exclu
pour avoir ridiculisé un répétiteur irrespectueux et rédigé
contre celui-ci, un nommé Lefebvre, une pétition. Jugeant
compromises ses chances de réussite, Comte ne se présente
pas l'année suivante au concours d'entrée dans le service
public. Dans son testament, il interdira à tout membre de
l'École Polytechnique d'assister à ses funérailles.
Bien que le positivisme fasse prévaloir l'ordre sur le
mouvement, son inventeur n'affiche pas un tempérament
qu'on qualifierait aujourd'hui de réactionnaire. Antimilitariste
déclaré, il est condamné à trois jours de prison pour avoir
refusé de servir dans la Garde nationale. Il prend le parti
des ouvriers en 1848 et dénonce les «bourreaux de juin»,
c'est-à-dire les généraux responsables de la répression. Le
premier acte de la dictature républicaine dont il fixe le pro-
gramme consiste à abolir l'armée. En 1835, il est solidaire
des accusés du procès d'avril, plus tard, en 1845, il soutient
Barbès et Blanqui emprisonnés. Tout cela n'est guère sur-
prenant, le Système de politique positive entend promouvoir
une république sociale, et non politique, après une complète
liberté d'exposition et de discussion. Cette phase sera le cré-
puscule de «la vaine domination des parleurs» et favorisera
«la propagation directe des méditations régénératrices». A
l'instar de Charles Fourier, il rêve ainsi d'éliminer les jour-
nalistes, les académiciens et les journaux pour leur substi-
tuer la «presse des rues» avec des affiches placardées sur les
murs annonçant les nouvelles et les opinions.

Dans la perspective de la République Occidentale, la


France doit se doter d'un «gouvernement préparatoire»
exercé par un triumvirat de prolétaires, lequel cèdera
ensuite la place au «patriciat industriel» dont les élus auront
préalablement achevé leur éducation sociale «sous la juste
pression de quelques éminents prolétaires». Par divers
côtés, le principe fondamental du communisme est, selon
Auguste Comte, absorbé par le positivisme. A l'empirisme
révolutionnaire, insuffisant et subversif, la saine doctrine
sociologique préfère l'introduction des moyens moraux. Il
appartient au «prolétariat contemplatif» de mener à son
terme cette nécessaire entreprise de régénération de la
société. L'auteur du Discours sur l'esprit positif ne voit-il
point en chaque prolétaire un philosophe spontané et der-
rière tout philosophe un prolétaire systématique ? Il déve-
loppera ce programme le 24 février 1847 devant une
assemblée des communistes parisiens. «L'irrésistible appui
des femmes» vient par ailleurs consolider cette nouvelle
force collective «étrangère à toute prétention doctorale», et
par là capable d'imposer les conditions encyclopédiques
indispensables à l'office social qui attend les décideurs.
Cette «sainte coalition sociale» a pour objectif de «moraliser
la puissance matérielle» qui continue à soumettre le monde
réel. Depuis la fin du Moyen Age, Comte observe
que
l'intervention du «sexe affectif» a contenu secrètement les
ravages moraux propres à l'aliénation mentale, selon ses
propres mots, en particulier en Occident et surtout en
France. L'ascendant du Romantisme est incontestable.
Dans le Catéchisme positiviste, l'auteur assure que la pré-
pondérance du sentiment préserve seule la société euro-
péenne d'une grave et générale dissolution. Il écrit «Je ne
vois partout que les femmes, qui, d'après leur salutaire
exclusion politique, puissent m'offrir un point d'appui suffi-
sant pour faire librement prévaloir les principes d'après les-
quels les prolétaires deviendront enfin capables de bien placer
leur confiance théorique et pratique». Ses déboires conju-
gaux n'entameront en rien sa détermination de rencontrer
«l'angélique interlocutrice»,l'éminente nature associée pour
la postérité au triomphe de ses conceptions. Clotilde de
Vaux va remplir ce rôle au-delà de sa disparition prématurée.
Comme chez les saint-simoniens, la femme est appelée à
une haute mission dans le positivisme. Dans les deux philo-
sophies, il s'agit d'une féminitésacerdotale, clef de voûte de
la résistance inconsciente à une corrosion de la sensibilité
engendrée par la mécanisation du travail, le nivellement des
valeurs, l'idolâtrie de l'argent et de la marchandise. Cet
argument est voué à faire carrière Marx et Engels s'en
emparent dans le Manifeste du Parti Communiste (1847);
Georg Simmel (1858-1918) consacre à la question plusieurs
articles. Comte se livre à une démonstration similaire à celle
des deux rédacteurs du Manifeste; avec la même radicalité,
il lie «l'incorporation sociale du prolétariat au digne
affranchissement de la femme». Quant à la citation qui va
suivre, on pourrait la croire extraite du programme de la
Ire Internationale «Sans cette universelle émancipation,
complément nécessaire de l'abolition du servage, la famille
prolétaire ne saurait être vraiment constituée,puisque l'exis-
tence féminine y reste habituellement abandonnée à une
horrible alternative entre la misère et la prostitution». Les
convergences entre le positivisme et le socialisme «scientifi-
que» sont d'ailleurs plus fréquentes qu'on ne le croit.
Auguste Comte analyse l'action décisive de la bourgeoisie
dans l'ébranlement qui met fin à l'ancien régime théologi-
que et militaire, et il constate que depuis lors le prolétariat
occidental élève d'irrésistibles prétentions sur son intégra-
tion à l'ordre moderne.
Dans l'Appel aux conservateurs (1855), il se montrera non
moins audacieux en se prononçant sans réserve en faveur de
la restitution de l'Algérie aux arabes et d'un processus de
décolonisation le plus total, incluant la Corse.

Le «carré féminin» occupe une place essentielle dans la


biographie de Comte. La mère, Rosalie, décédée en mars
1837, Caroline Massin, rencontrée le 3 mai 1821, qu'il
épousera à la mairie du IVe arrondissement le 19 février
1826, Clotilde de Vaux enlevée par la tuberculose le 5 avril
1846, Sophie, la fidèle servante qu'il adopta légalement.
Dans l'Addition secrète à son testament, Comte dresse l'état
de son infortune conjugale on y apprend que Caroline, fille
naturelle d'une ouvrière en linge, était à l'origine une racco-
leuse inscrite depuis ses dix-sept ans sur le registre de la
prostitution de la préfecture de police. Néanmoins, ce
portrait contredit la présentation qu'il offre de la jeune fille
dans une lettre à son ami Vallat il loue à l'époque ses
grâces, son bon cœur, son amabilité, ses bonnes habitudes,
son esprit, etc. Il est probable que le malheureux philosophe
ait ultérieurement noirci le tableau. Caroline assistait aux
cours positivistes et aux séances de l'Académie des
Sciences, et commentait les idées de son époux. En 1852,
elle trouvera en Littré un avocat résolu à faire reconnaître
ses droits; ce dernier n'hésita pas à lui prêter son concours
lorsqu'elle attaqua sans succès en justice le testament du
défunt théoricien. Comte sortit très affaibli du naufrage de
son couple avec Caroline Massin. Effondré nerveusement,
dépité par les fugues de sa femme, il sera interné en avril
1826 à la clinique du Dr Esquirol. Sa lucidité intellectuelle
était-elle amoindrie ? Rien n'est moins sûr. Il explique à
Blainville sa maladie et le traitement qu'il compte suivre.
Malgré le diagnostic d'Esquirol qui le considère incurable,
il est relâché le 2 décembre 1826 sur l'insistance de sa
mère. Celle-ci, persuadée qu'il est puni d'un état de péché,
organise aussitôt son mariage religieux. Prisonnier des
circonstances, Comte parodie le sermon du vicaire et signe
l'acte Brutus-Bonaparte Comte. Les adversaires du positi-
visme, les héritiers les plus tièdes, les commentateurs uni-
versitaires soucieux de défendre la «respectabilité» de la
sociologie ont vu dans cette parade chattemitesque le
symptôme indubitable de sa folie grandissante. Il suffit
pourtant de consulter la recension critique du traité de
Broussais sur «l'irritation et la folie» qu'il publie en août
1828, dans Le Journal de Paris, pour constater qu'il fait un
très lucide examen de la maladie mentale sur la base de sa
pénible épreuve. Georges Dumas se rendra à cette conclusion
dans la Psychologie de deux messies positivistes (1905),
Alexandrian (Le socialisme romantique, 1979) parlera d'une
auto-analyse armée pour contenir tout son désordre ner-
veux. Cette crise fut interprétée par lui comme une espèce
de régression vers l'état métaphysique, puis vers l'état théo-
logique et même fétichique avant une remontée à l'état posi-
tif. L'appréciation qu'il propose à partir de son cas clinique
ne manque pas de perspicacité et ne paraît pas en contradic-
tion flagrante avec les données psychiatriques contemporai-
nes traduites dans le vocabulaire de ses praticiens.

Les séquences de la vie d'Auguste Comte, à travers elle


la forme de son odyssée intellectuelle,forcent le rapproche-
ment avec l'existence des autres architectes de la pensée
sociale du XIXe siècle. Une sorte de pression atmosphérique
mystérieuse semble souffler le génie tandis que les vagues
de facteurs défavorables empêchent les créateurs d'at-
teindre une terre hospitalière. On songe à Saint-Simon dont
il fut le secrétaire, avant de fuir les «séductions passagères
d'un jongleur superficiel et dépravé», à Pierre Leroux,
Charles Fourier, Pierre-Joseph Proudhon. Dans leur voisi-
nage, il remarque comment les modernes sont enclins à la
vénération et de quelle façon elle persiste au milieu des
grands égarements révolutionnaires. Il affirme qu'une
«secrète impulsion sociale» telle la «vieille taupe» enterrée
de Marx est sur le point de produire d'irréversibles modi-
fications. Elle caractérise cette «transition négative» et fragi-
lise la domination des classes hétérogènes et éphémères.
Enfin, il plaide l'universalité de son enseignement tendu
vers l'épanouissement d'un homme nouveau, générique,
possédant une vision cohérente de son devenir historique.
Pour atteindre ce suprême degré dans le perfectionnement
de l'espèce humaine, Comte annonce un Traité d'éducation
universelle qui ne verra jamais le jour. Le talon d'Achille de
la critique marxienne apparaît en définitive comme un
bouclier pour la somme positiviste nous avons affaire à une
spéculation philosophique qui se réclame des sciences
objectives si on l'attaque en tant que croyance de facture
récente, et d'autre part, à une vision du monde métamor-
phosée en foi dogmatique, donc à l'abri de la révision et de
la réfutation, inséparables de l'aventure scientifique. Les
deux faces sont complémentaires, sculptées dans un style
inimitable d'où se dégage sous une sobre poésie, «l'admira-
ble inspiration esthétique, qui convertit un simple portrait en
un tableau profond». L'intention didactique est une préoc-
cupation constante d'Auguste Comte qui cherche à atteindre
le grand public, notamment à travers son Association poly-
technique d'instructionpopulaire et son Cours d'astronomie,
lancés en décembre 1830. La préface du Catéchisme positi-
viste insiste sur les qualités d'expression qui conviennent à
«l'art de communiquer», à la beauté ordinaire du dialogue
et à l'alchimie de conceptions assez mûries pour frayer la
voie des sentiments. Les mots et les phrases doivent éviter
d'éteindre les consciences d'instruction inégale «Il faut
alors considérer l'état propre de l'auditeur, et prévoir les
modifications qu'une telle exposition suscitera dans sa
marche spontanée». Le simple discours logique apparaîtra
toujours inférieur aux combinaisons poétiques qui, par
façonnage artistique, rapprochent le langage artificiel du
langage naturel. L'authentique communication ne tire-t-elle
pas sa chaleur native de l'effusion libérée dans l'exposi-
tion ? Comte pense que «la concision du discours et l'assis-
tance des images», le remplacement de la prose par les vers,
seront un jour en mesure d'améliorer la transmission de la
sagesse pratique, des saines indications théoriques, en bref
de sortir d'un mode grossier de présentation qui nuit
beaucoup à l'efficacité des lectures recommandables. Nous
sommes loin, admettons-le,du scientisme ou du rationalisme
couleur de muraille dans lequel les historiens des sciences
sociales ont parfois hâtivement enfermé le bâtisseur de la
Synthèse subjective.

La personnalité et la trajectoire d'Auguste Comte compor-


tent de nombreux aspects qui coïncident avec la définition
du littérateur sans attaches dégagée par Karl Mannheim. La
notion d'intelligentsia sans attaches semble à l'évidence
appropriée pour saisir le contexte de fermentationculturelle
du «professeur ambulant» dont la situation matérielle n'a
jamais cessé d'être précaire. D'abord installé rue du Fau-
bourg Montmartre, puis rue Saint-Jacques, Auguste Comte
emménage, en juillet 1841, 10 rue Monsieur-le-Princedans
un appartement cossu et spacieux. Dans son nouveau
domicile, il reçoit régulièrement d'illustres savants, des
hommes de lettres et initie les disciples aux préceptes de la
religion positive. Cependant, sa notoriété reste indécise pour
ne pas dire ambiguë; il n'occupe que des emplois médiocres
partagés entre les leçons particulières, les cours dans les
institutions privées et les postes subalternes de répétiteur ou
d'examinateur à l'École Polytechnique. Son opposition
publique à Arago lui ferme quelques portes et le met en
délicatesse avec son éditeur.
L'intelligentsia sans attaches désigne des penseurs
sociaux, dont l'autorité est d'abord spirituelle et choisit
d'élargir sur un plan moral et politique les résultats d'une
entreprise à prétention scientifique ou littéraire. Ce type
d'audace entretient la fièvre créatrice tandis que la renom-
mée de ces polygraphes repose presque uniquement sur la
confiance, souvent la ferveur, que suscitent leurs idées
auprès d'auditeurs bientôt transformés en inconditionnels.
Le génie singulier est de la sorte consacré à l'extérieur du
milieu institutionnel de la production, de la circulation et de la
légitimation des connaissances (les académies, les universités,
etc). La «conspiration du silence» l'expression est de
Comte coalisant contre lui la «pédantocratie algébrique»
et les serviteurs du conformisme culturel renforce sa posi-
tion qui, par un ironique paradoxe, échappe définitivement
au contrôle critique jugeant les réputations du moment. Les
fidèles deviennent parfois des souscripteurs lorsque le maî-
tre est dans le besoin. Ainsi, le 12 novembre 1848, Littré
prend la direction du subside positiviste afin d'assurer à
Auguste Comte un revenu de cinq mille francs par an.
Douze cotisants, parmi lesquels quatre ouvriers, trois étu-
diants, deux médecins, deux professeurs de mathématiques
et le célèbre lexicographe, organisent un appel de fonds. Le
philosophe, qui demandera assez vite «l'accroissement déci-
sif du noble subside» (il atteindra 8 246 Francs en 1856),
regarde cette initiative comme une renaissance de «l'esprit
chevaleresque (.) le mieux adapté à notre état social», une
sorte de «protectorat volontaire (.), une digne inauguration
des véritables mœurs républicaines». La liste des généreux
donateurs s'étend hors du pays, elle voit cohabiter l'anglais
J. Stuart Mill, le baron Ribbentrop de Prusse, le Comte Sti-
rum de Hollande et don José Florez, un espagnol. Dans leur
majorité, les sectateurs appartiennent aux couches urbaines
confrontées aux mutations nées de l'avènement industriel, à
l'exemple de Jacquemin, un ouvrier mécanicien correspon-
dant de Comte. Paul Lafargue les dépeint aussi comme des
déclassés capables de devenir des entrepreneurs avisés et
des spéculateurs. En vérité, l'excentricité, presque toujours
involontaire, du Littérateur sans attaches l'abandonne à une
liberté sans frein dans ses inspirations et ses analyses.
Aucune instance d'évaluation n'est habilitée à expertiser ses
travaux; de son côté, le réformateur de l'humanité espère
les lauriers d'une communauté moins restreinte, celle des
ennemis du scepticismestérile. La thèse de Karl Mannheim
résume la condition de cette catégorie de penseurs un
mode de transmission des idées faisant appel aux émotions
autant qu'à la raison, le milieu où s'exerce leur influence à
partir d'un noyau solidement constitué (école sectaire, cer-
cle de sympathisants, partisans.), enfin une facilité à
«changer d'optique historique» (J. Gabel). Suivant cette défi-
nition, on peut s'interroger sur la valeur très circonstancielle
de l'intellectuel attache. Rappelons que les champions du
sérieux qui ont fait obstacle à Comte ou Fourier ont sombré
dans un oubli réparateur et définitif.
Les théories de l'intellectuel sans attaches surgissent de
la «vacance» des idéologies dominantes par un effet de
décentration, d'écart absolu vis-à-vis des pressions socio-
centriques. Elles sont loin cependant d'être coupées du vécu
le plus concret. En général, elles contiennent une vitalité
projetative utopiste, réformatrice ou révolutionnaire
drainant dans son lit des alluvions messianique, mystique,
syncrétique. Tenter de réduire ces doctrines à une typologie
classique est d'avance condamné à l'échec. Un conservateur
borgne peut bien regarder le positivisme sous l'angle mort
d'un modèle progressiste, son alter ego n'a guère de diffi-
cultés à soutenir exactement le contraire. Un Pécuchet
moderniste n'est pas mieux loti face aux textes qu'un Bou-
vard traditionnaliste. Il y a là une étrangeté pour le moins
éclairante qui ouvre l'œuvre sans ravaler l'esprit de l'auteur
en offrant le plaisir d'une lecture jamais fermée sur elle-
même. Concernant Auguste Comte, les termes employés
dans son système ne correspondent pas à la signification
usitée. Les vocables majeurs sont bien sûr tirés de la langue
courante, et par là reconnaissables dans leur généralité,
mais la forme qu'ils recouvrent n'est plus synchrone avec le
sens jusqu'alors attribué. Par exemple, la notion de sacer-
doce, les mots ordre ou prêtre, et tous les concepts articulant
la majesté de fceuvre se détachent sur un horizon sémanti-
que symbolisant, donc susceptible d'appropriationsmultiples.
Le rituel positiviste, avec sa pièce maîtresse le Calendrier de
commémoration publique, est une manière de combler l'ina-
déquation entre le sens visé et sa nécessaire réalisation à
travers un geste concret, une pratique d'outre-temps. Le
nouveau cycle ainsi créé instaure une répétition au sein d'un
réel allégorique peuplé d'emblèmes et de figures débar-
rassés de leur énigme et de leur fantaisie. Inactuel par rap-
port à son époque, ce genre de pensée peut donc faire
l'objet d'actualisations secondaires fécondes, même si elles
demeurent ad aperturam libri partielles.

Le décor mental qui sert de toile de fond à la philosophie


comtiste s'impose dès 1822 à la faveur d'«une véritable
unité cérébrale». Il n'envisage pas autrement cette intime
convergence des deux ordres de tendances, scientifiques et
politiques, antérieurement opposés. Comte prétend en avoir
fait la découverte au cours d'une méditation de quatre-
vingts heures; la loi des trois états (encore appelée loi de
filiation ou loi d'évolution) est le résultat décisif de cette
intense activité de l'esprit. Afin de rendre sa démarche plus
claire, il confesse que sa carrière se divise en deux volets
le premier, scientifique ou philosophique, expose un
système général des conceptions humaines gouverné par la
réduction du multiple à l'un; le second, à partir de 1851,
transporte les acquis du Cours de philosophiepositive, rédigé
de 1830 à 1842, dans le noble domaine de la réorganisa-
tion sociale et morale. Le but spécial de ses recherches est
de remplacer irrévocablement les bases surnaturelles de la
civilisation, «dont la décrépitude est trop évidente». En retrou-
vant désormais «une forte destination pratique», l'existence
se meut «d'après notre socialité supérieure» et l'humanité
engage son avenir selon le mouvement autonome de lois éman-
cipées de la tutelle des contraintes fétichiques, théologiques
et métaphysiques. Les puissances de l'ingouvernable cessent
de commander à la nécessité quotidienne, le jeu des abs-
tractions, l'étude maniaque et infructueuse des causes
s'effacent devant la mise en lumière de déterminismes
maîtrisés par le génie collectif. L'ontologienaturaliste impli-
cite du positivisme trouve son dépassement dans la semi-
trdnscendance des phénomènes sociaux qui illumine le
cercle du Grand-Être et assure sa conservation, son aspect
statique intangible. La sociologie consiste à approfondir la
synthèse qui doit maintenant coordonner les providences
morale, intellectuelle et matérielle autour de «l'accord des
esprits», providence générale et ciment du consensus socié-
taire. En reprenant la distinction entre le pouvoir temporel
et le pouvoir spirituel, l'«état politique de la politique»
parachève le changement des formes de la domination le
premier passe des conquérants armés aux industriels, le
second émane des savants et des philosophes qui rejettent
dans le passé les représentants des églises superstitieuses.
Pour Auguste Comte, ce dessein est le mieux adapté pour
contenir les penchants égoïstes et favoriser l'éducation
des tendances altruistes. «Vivre pour autrui» recommande
l'ami des femmes et des prolétaires pour couronner un
système dont les lignes directrices viennent d'être briève-
ment évoquées.

Ce texte espère dissiper quelques malentendus et rendre


au Calendrier positiviste une exemplarité documentaire.
Nous avons en effet sous les yeux une pièce archéologique
qui témoigne de la prise de conscience de la modernité opé-
rant sur elle-même un retour aux étapes de sa lente gésine.
Comte ambitionne d'agir sur la continuité historique de la
temporalité, de mettre son sceau personnel sur l'héritage
dispersé de la haute pyramide des progrès de l'humanité.
En honorant les artisans de son édification, il fait l'éloge du
positivisme travaillé dans la vaste carrière des siècles. Bien
sûr, l'intention pédagogique est patente, le calendrier livre
à la publicité, telle que Kant la conçoit, les noms d'Appol-
lonius de Tyane, de Gerber, de Lope de Vega. Il fonctionne
aussi comme un moyen d'éducation populaire en fixant une
immuable hiérarchie dans chaque région du talent la
poésie ancienne, le drame moderne, la philosophie an-
cienne, la science moderne, etc. En louant dans une
symétrie minutieuse ceux dont «le concours réel à l'accom-
plissement de la préparation humaine» mérite glorification,
le philosophe veut gratifier la vie active d'une culture pério-
dique capable de vivifier le sentiment d'appartenance ou
esprit d'ensemble. C'est la raison pour laquelle il a écarté
de ces apothéoses tous les auteurs «qui n'ont réellement que
détruit, sans rien construire», ainsi Luther, Calvin ou Rous-
seau. Auguste Comte rappelle de cette façon que le crédit
intellectueldemeure insuffisant sans le bénéfice moral à ce
principe, il avoue néanmoins faire une exception, le chance-
lier Bacon. Toutes ces précautions sont élémentaires, elles
sanctionnent la supériorité de l'esprit organique sur l'esprit
critique. L'idéalisation caractéristique du dogme et de la
morale découle de la saine connaissance de l'histoire,
«principe unique de la régénération finale». Seule une juste
vénération du passé ouvre la porte de la célébration encore
abstraite de l'avenir. A plusieurs reprises, le doctrinaire
insiste sur la dimension esthétique de cette grandiose élabo-
ration, sur son aspect d'initiation concrète à la consolidation
des moeurs propres à «la grande famille occidentale».
Cependant, comme les saint-simoniens, il aspire au rappro-
chement de l'Orient et de l'Occident, à leur communion
intellectuelle et morale, «hors de toute théologie et métaphy-
sique». Au nom de cet universalisme, Bouddha, Confucius,
Mahomet figurent dans le premier mois, Moïse, dédié à la
théocratie initiale. Dans le même ordre d'idées, le mouve-
ment négatif des étapes révolues de la civilisation n'est pas
dédaigné, ce qui explique la présence de Cromwell. Il est
vrai que le régicide inspiré promit «le règne des saints» dans
une période où les méprises révolutionnairesétaient encore
excusables. Comte aime rappeler «Tout est relatif, voilà la
seule chose absolue», néanmoins le fantasme de la totalité
est chevillé au cœur du culte positiviste. Ce dernier
s'adresse à la fois au Grand Être, c'est-à-dire à la trinité
synthétique de l'humanité (la priorité, le public et la posté-
rité), au Grand Fétiche, la Terre considérée comme un orga-
nisme vivant capable d'innervation et au Grand Milieu,
l'espace cosmique.
Le novateur devine les difficultés qui entravent déjà
l'accomplissement effectif d'un projet aussi exceptionnel.
N'ignorant pas que la «routine actuelle tend toujours à
susciter des changements vicieux et incohérents», il attente
le moins possible aux habitudes modernes. Certes l'année
est calculée à partir de treize mois de quatre semaines, mais
chacune d'entre elles commence par un lundi et s'achève
par un dimanche. Tandis que le calendrier saint-simonien
rend uniquement hommage aux affiliés les jours de la
semaine sont nommés Rodrigues, Bazard, etc, le Système
général de commémoration publique récompense des per-
sonnages confirmés par les critères positivistes. Le vendredi
12 mars devient Archytas 12 Aristote. La confection du
tableau s'est déroulée dans une atmosphère de discussions.
On rapporte que Littré souhaitait gratifier Jésus-Christ;
opposé à ce choix, Comte intronisa Saint Paul face au
«prétendu fondateur»du catholicisme. Sa vision de l'histoire
fait remonter la naissance de la modernité occidentale au
XIVe siècle, mais la «grande crise décisive» inaugurant les
temps nouveaux a lieu en 1789. Aussi pour obtenir une date
positiviste, il suffit de soustraire 1788 au millésime de
l'année ou d'additionner suivant le même principe. 1849,
date de la parution du calendrier, est la soixante-unième
année de la Grande Révolution. De cette manière, on passe
de la simple chronologie des événements privés de leur
amplitude émotionnelle à une chronosophie marquant des
types de sociabilité inoubliables et radicalement distincts.

Le culte des valeurs sociales proclamé par Comte n'est


rien d'autre que la religion naturelle des peuples, la transfi-
guration poétique du sentiment de continuité historique. Le
besoin de vivifier le souvenir dans la vie quotidienne en-
gendre le soin moral et protège le sentiment commun contre
l'utopie subversive, l'anarchie, tout ce qui procède de
«l'ignorance des lois fondamentales de l'évolution hu-
maine». Telle est la conviction du philosophe. Le panthéon
positiviste n'est d'ailleurs pas conçu comme un système
clos; il tend même vers un polythéisme des valeurs compa-
tible avec la spécificité de chaque groupe, et anticipe en cela
une thèse classique de Max Weber. A côté des cinq cents
noms d'élite affichés dans le Calendrier, le prédicateur de
«la transition finale de la Grande République Occidentale»
imagine que chaque province ou commune finira par
incorporer des célébrations domestiques au sein du culte
affirmatif. La sociolâtrie prend acte ici de la diversité des
mentalités tout en liant les coutumes disparates autour de
l'invariance sacrée de la communauté des morts. La distinc-
tion comtienne entre théologie et religion est essentielle car
la seconde à la différence de la première cherche à
fondre l'intelligence, le sentiment et l'activité dans un
régime unique en réglant toutes les individualités sur leur
nature. Par ce moyen, «le sacerdoce de l'Humanité aura
ainsi fait librement adopter sa théorie du passé (.), par cela
même pris possession de l'avenir» explique la notice préli-
minaire du Calendrier.
Dès la première moitié du XIXe siècle, l'idéologie du
progrès installe la conscience dans une situation incon-
fortable. Comment éterniser convenablement l'existence
personnelle quand la spirale du futur commande le sens de
la vie en société ? Quelle signification attribuer à la dispari-
tion physique et individuelle dans l'univers des satisfactions
profanes ? Que reste-t-il de la noblesse de l'âme désormais
privée du salut octroyé par le décret céleste ? Toutes ces
questions poussent comme les fleurs du mal dans le jardin
mélancolique des observateurs lucides de la révolution
industrielle; bientôt Max Weber va leur donner, dans son
essai sur Le métier et la vocation de savdnt, une allure de
fatale pesanteur à l'image du «Ciel bas et lourd» qui obsède
Charles Baudelaire. Avant le sociologue allemand, Balzac
parle de «désenchantement du monde». Cette crise heurte
l'unité psychique du sujet qui ne reconnaît plus l'ancien
paysage des distinctions sociales. A la différence des «rétro-
grades», Auguste Comte juge inepte de réveiller les vieux
contenus de la tradition, mais il croit essentielle la sauve-
garde de sa forme et de sa fonction. Si le Grand Être tisse
une chaîne spirituelle entre les morts et les vivants, la théo-
rie de l'immortalité subjective consolide le lien de vénéra-
tion des vivants aux disparus en vertu d'une «sainteté
sociale» virtuellementaccessible à tous êtres humains. On le
voit célébrer en 1848 le premier mariage positiviste, celui
de Sophie, sa fille adoptive; en 1850, celui du docteur Louis
Segond dont Littré signe l'acte avec une vingtaine d'autres
témoins. Il détourne aussi le 15 août de sa signification
catholique et demande que l'on institue l'utopie de la vierge-
mère à cette date. Version positiviste de l'Immaculée
Conception, sa fête publique symbolise la divinisation de
la femme et du Grand Être «se fécondant sans aucune
assistance étrangère à sa propre constitution». L'église posi-
tiviste du Brésil orchestra la première cérémonie vouée à
ce
mythe de parthénogénèse le 15 août 1884, à Rio de
Janeiro. Les germes émanés des
croyances absolues
trouvent dans la religion relative une dérivation syncrétique
supposée conforme à l'état normal de l'humanité.

Le destin et la pensée du fondateur du positivisme


sont
marqués en profondeur par les puissances que l'œuvre
voulait initialement contenir. La vérité de la doctrine féti-
chise un monde que la lenteur des choses humaines rend
presque immobile dans son fondement enfin révélé, comme
le note Max Horkheimer «Le contentement à l'égard de
ce
qui est ne naît pas seulement d'une volonté paralysée, mais
du sentiment qu'après cela rien
ne viendra, du moins rien
qui dépende de nous». Auguste Comte s'est éteint à Paris
le 24 Gutenberg 69, à six heures du soir. Derrière le
drapeau vert positiviste, Proudhon suivit le cortège de
l'enterrement au Père Lachaise, le 8 septembre 1857.
Musset, Vidocq, Eugène Sue et le chansonnier Béranger
sont morts cette année-là. Charles Baudelaire publie
recueil bouleversant. Michel Lévy édite pour 800 F et un
pour
cinq ans Madame Bovary. Entre le souci de savoir
et le
besoin de croire s'étendait alors un terrain
vague sur lequel
la nostalgie de l'innocence trompait l'angoisse derrière
un
masque d'avenir.
TABLE

EXPLICATION PRÉLIMINAIRE
SUR LA NOUVELLE DIVISION DE L'ANNÉE. 3

NOTIONS FONDAMENTALES
SUR LE SYSTÈME DE COMMÉMORATION. 7

CALENDRIER POSITIVISTE. 23

AUGUSTE COMTE, L'ŒUVRE VÉCUE,


PAR PATRICK TACUSSEL. 37
Achevé d'imprimer le 6 Shakespeare 205
par Georges Monti à Cognac, ce volume
est tiré à sept cents exemplaires
sur vergé ivoire.

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