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Chapitre 15
L’équilibre général
1. Andreu Mas-Colell, Michael D. Whinston et Jerry R. Green, Microeconomic Theory, Oxford University Press,
1995.
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“doc” (Col. : Wasmer) — 2014/8/25 — 13:30 — page 310 — #326
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Dans le cadre de l’analyse d’un équilibre général, les changements intervenus sur un
marché affectent les conditions de vente sur un autre marché. On parle d’interaction
entre des marchés lorsque la variation du prix ou de la quantité d’un bien provoque
simultanément une variation du prix ou de la quantité d’un autre bien. Une analyse en
équilibre général détermine donc les prix et quantités de tous les marchés simultanément.
Prenons l’exemple de l’interaction entre le poisson et la viande, biens substituables dont
les courbes d’offre et de demande sont représentées sur la figure 15.1.
O
O
O
p3 p5
p2 p4
p1 D D
D D
q2 q1 q3 Q q4 q5 Q
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“doc” (Col. : Wasmer) — 2014/8/25 — 13:30 — page 311 — #327
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Précisons que l’analyse en équilibre général intègre théoriquement l’effet des changements
au sein d’un marché sur tous les autres marchés et pas sur un seul autre marché
(voir l’encadré en fin de section). En pratique, on se limite à l’étude de deux ou trois
marchés, mais notons que l’on aurait tout aussi bien pu intégrer à l’analyse des effets des
changements dans l’importation de la viande sur le marché de la restauration rapide, des
steak houses et de la production agricole ovine.
On peut réitérer l’analyse précédente pour deux biens cette fois-ci complémentaires,
comme le poisson et le vin blanc, si l’on part du principe qu’un plat à base de poisson
s’accompagne volontiers d’un côtes-de-beaune ou d’un arbois. Considérons maintenant
un renchérissement du prix du gasoil qui augmente les coûts liés à la pêche. Cela est
illustré sur la figure 15.2, partie gauche, où la courbe d’offre passe de O à O’. L’effet direct
en est la baisse de l’offre générale de poisson, augmentant son prix de p1 à p2 et diminuant
sa quantité d’équilibre de q1 à q2 .
Cette fois-ci, la hausse du prix de vente du poisson a un effet négatif sur la quantité de
vin blanc vendue : la courbe de demande sur ce marché se déplace vers la gauche de D à
D’. Par conséquent, prix et quantité de vin à l’équilibre diminuent de p4 à p5 et de q4 à q5
respectivement.
En retour, cela provoque à nouveau un effet sur le marché du poisson et, en particulier, une
diminution de la demande de poisson, de D à D’ sur la partie de gauche de la figure 15.2.
L’interaction entre les marchés du poisson et du vin blanc entraîne ainsi une dynamique
O O
O
p2 p4
p3 p5
p1
D
D D
D
q3 q2 q1 Q q4 q5 Q
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“doc” (Col. : Wasmer) — 2014/8/25 — 13:30 — page 312 — #328
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On peut dès à présent noter que le résultat obtenu en équilibre général est très différent de
celui auquel on aurait abouti en équilibre partiel. Au lieu de regarder l’offre et la demande
d’un seul bien, les prix et quantités d’équilibre général s’obtiennent en considérant
simultanément les prix et quantités des autres biens. En d’autres termes, le niveau d’offre
et de demande de chaque bien tient compte de celui de tous les autres biens. On voit dès
maintenant que, pour N marchés, il nous faudra résoudre un système à 2N équations,
une par offre et demande agrégée pour chaque marché.
Au chapitre précédent, nous avions vu l’effet des aides au logement dont l’impact
inflationniste sur les loyers a été établi par plusieurs études en France, celle de Gabrielle
Fack (« Are Housing Benefit an Effective Way to Redistribute Income? Evidence from a
Natural Experiment in France », Labour Economics, Elsevier, vol. 13, n˚ 6, p. 747-771,
décembre 2006) et plus récemment celle de Céline Grislain-Letrémy et Corentin
Trevien (« The Impact of Housing Subsidies on Rental Sector », présentation au
séminaire du département d’économie de Sciences Po, 4 avril 2014). Cet effet est
certainement la conséquence d’une offre peu élastique de logements locatifs et d’une
subvention à la demande dans un cadre d’équilibre partiel. Mais il existe aussi des
effets d’équilibre général.
D’autre part, il se peut que, dans les municipalités où les loyers augmentent, la
demande de logement social s’accroisse fortement. C’est notamment le cas en région
parisienne, où les délais d’obtention d’un logement social sont notoirement très élevés
(voir Alain Trannoy et Étienne Wasmer, « La politique du logement locatif », note
n˚ 10 du CAE, octobre 2013). Dans certaines municipalités, cela conduit à augmenter
l’offre de logement social, ce qui réduit d’autant la demande sur le marché locatif privé
et atténue l’effet initial de hausse des loyers dans le parc privé. Cela étant, il est assez
vraisemblable que l’augmentation de l’offre du secteur social se fasse au détriment de
l’offre du secteur privé, à la location et à la vente, avec des effets potentiels d’éviction
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“doc” (Col. : Wasmer) — 2014/8/25 — 13:30 — page 313 — #329
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L’avantage de l’échange
Commençons par un modèle en économie fermée sans production. La boîte d’Edgeworth
permet de représenter de manière compacte les paniers de biens des deux agents en un
seul graphique. Prenons l’exemple d’un couple qui prend son petit déjeuner et regarde ce
qui est disponible, en l’occurrence des croissants et des tranches de pain d’épice. Sur la
figure 15.3, l’axe horizontal représente le nombre d’unités de croissants, et l’axe vertical
celui des pains d’épice pour Agnès et Bertrand. Chaque point sur cette figure indique à la
fois le panier de biens de Bertrand et d’Agnès, c’est-à-dire la quantité de croissants et de
pains d’épice que chacun des deux agents possède.
Chacun a une quantité de départ de chaque bien. Le point I correspond aux dotations
initiales de Bertrand et d’Agnès. La somme de leurs deux dotations initiales correspond
à la quantité totale de croissants et de pains d’épice. Ici, le panier de biens initial d’Agnès
est (7C, 1P), ce qui signifie 7 croissants et 1 pain d’épice ; celui de Bertrand est (3C, 5P),
soit 3 croissants et 5 pains d’épice. Au total, cette économie, considérée en autarcie, est
composée de 10 croissants et de 6 pains d’épice.
Il est possible qu’Agnès préfère le pain d’épice relativement aux croissants, tandis que
Bertrand aime mieux les croissants que le pain d’épice. On retrouve ici le concept de taux
marginal de substitution, que nous introduirons formellement plus tard. Compte tenu de
leurs préférences, un échange peut avoir lieu entre eux, représenté par le point F. Agnès
échange 1 pain d’épice contre 2 croissants, et Bertrand 2 croissants contre 1 pain d’épice.
On peut constater que la quantité totale des deux biens n’a pas changé.
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“doc” (Col. : Wasmer) — 2014/8/25 — 13:30 — page 314 — #330
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Plus formellement, si l’on note e A (e1A ; e1A ) et e B (e2B ; e2B ) les dotations initiales des deux
agents où l’exposant est le type de bien (1 ou 2) et l’indice est la lettre représentant l’agent,
U A , U B leur fonction d’utilité et x A (x 1A ; x 2A ) , x B (x B1 ; x B2 ) leur panier de biens final après
échange, un échange se produit si :
• x iA + x iB = eiA + eiB pour i = 1,2 : la nouvelle allocation est possible puisque les quantités
totales finales sont égales aux quantités initiales ;
• ∀K = A, B, U K (x K ) U K (e K ) : la nouvelle allocation est souhaitable pour chacun des
agents, c’est-à-dire si l’utilité procurée par la nouvelle allocation est supérieure à celle
produite par l’allocation initiale pour chacun des agents.
Bertrand - Croissants
10C 5C 3C 0B
6P
Bertrand -
Agnès - Pain d’épice
Pain d’épice
F
2P 4P
1P 5P
I : dotations
initiales
6P
0A
5C 7C 10C
Agnès - Croissants
Dotations initiales : Agnès (7C ; 1P), Bertrand (3C ; 1P).
Quantités totales : 10C, 6P.
Après échange : Agnès (5C ; 2P), Bertrand (5C ; 2P.)
Allocations efficientes
Comment savoir si la nouvelle allocation atteinte au terme de l’échange est la meilleure
possible ? Comme nous l’avions fait pour la théorie du consommateur, on peut tracer les
courbes d’indifférence des deux agents comme l’illustre la figure 15.4, de forme convexe
en partant de l’origine pour chacun d’entre eux. Comme précédemment, l’échange n’a
lieu que si les deux agents augmentent leur utilité.
On peut visualiser ceci à partir du point I, qui est le point de dotations initiales. Sur
la figure, on a tracé les courbes d’indifférence d’Agnès notées U Aj pour j = 1, 2, 3 :
l’exposant j représente ici des niveaux d’utilité différents. Ces courbes sont telles que, à
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“doc” (Col. : Wasmer) — 2014/8/25 — 13:30 — page 315 — #331
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Bertrand - Croissants
10C 0B
6P
UB1
E B UA3
D
UA2
UA1
Points de tangence : I : dotations
pentes égales initiales
6P
0A
10C
Agnès - Croissants
partir de la courbe notée U A1 passant par le point de dotations initiales I, elles se décalent
vers le haut et donc traduisent une utilité plus élevée s’éloignant du point d’origine 0 A
(courbe en couleur). On a aussi tracé les courbes d’indifférence de Bertrand notées U Bj
pour j = 1, 2, 3 qui, à partir de celle notée U B1 qui passe par le point de dotations initiales
I, se décalent en s’éloignant du point d’origine de Bertrand 0 B et traduisent une utilité
s’accroissant en se dirigeant vers le bas.
On peut en déduire que, pour qu’un échange ait lieu, il faut qu’il se trouve dans la zone
ombrée : c’est celle qui représente l’intersection entre des surfaces où l’utilité d’Agnès et
celle de Bertrand sont toutes deux plus élevées. Ces surfaces sont définies par la courbe
d’indifférence qui passe par I pour Agnès (donc, tout point se situant en haut et à droite
de cette courbe traduit une utilité plus élevée pour Agnès) et par la courbe d’indifférence
qui passe par I pour Bertrand (donc, tout point se situant en bas et à gauche de cette
courbe traduit une utilité plus élevée pour Bertrand). La zone ombrée est l’intersection
de ces deux surfaces.
En effet, si une nouvelle allocation se produit au point D, par exemple, elle augmente à
la fois la quantité de croissants et de pains d’épice obtenue par Agnès, ce qui accroît son
utilité. En revanche, pour Bertrand, ce point se trouverait sur une courbe d’indifférence
plus proche de l’origine et réduirait donc son utilité ; par conséquent, ce dernier refuserait
l’échange. En revanche, aux points C ou B par exemple, l’échange est réalisable. Comme
on va le voir, il est possible de faire mieux pour les deux agents.
Pour cela, on peut remarquer que les courbes d’indifférence ont été tracées de façon à faire
apparaître des points de tangence entre les courbes d’indifférence des deux personnes. Cela
correspond aux points E, F et G. Comme on l’avait vu dans le cadre de la consommation
optimale, les points de tangence ont des propriétés particulières. Ils reflètent une situation
optimale. En suivant un raisonnement semblable à celui développé dans le chapitre sur la
théorie du consommateur, on peut montrer que l’échange est Pareto-efficient précisément
en ces points de tangence, lorsque les courbes d’indifférence correspondantes des deux
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“doc” (Col. : Wasmer) — 2014/8/25 — 13:30 — page 316 — #332
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agents ont une pente égale. En ces points, le taux marginal de substitution (TMS) des
deux agents est identique, et chacun valorise de la même manière un bien relativement à
un autre. On peut voir graphiquement qu’aucun des deux agents ne peut plus augmenter
son bien-être sans réduire celui de l’autre ; aucun autre échange ne peut plus avoir lieu.
L’équilibre atteint n’est toutefois pas unique. Plusieurs allocations Pareto-optimales sont
possibles ; elles dépendent des dotations initiales et des multiples échanges réalisés entre
les agents. L’ensemble des allocations efficientes est appelé courbe des contrats, comme
on peut le voir sur la figure 15.5, qui décrit l’ensemble des points de tangence entre les
courbes d’indifférence des deux agents. Ces points de tangence se situent sur une ligne
qui peut être concave ou convexe.
Bertrand - Croissants
10C 0B
6P
Courbe
de contrats
Agnès - G Bertrand -
Pain d’épice Pain d’épice
F
6P
0A
10C
Agnès - Croissants
Une autre propriété très importante de ces échanges particuliers est qu’ils ne conduisent
pas à un même partage du surplus d’utilité issu de l’échange. Par exemple, pour l’échange
représenté par le point E, la courbe d’indifférence de Bertrand passe par celle de l’allocation
initiale I : il maintient donc son même niveau d’utilité que lors de l’allocation initiale,
et c’est Agnès qui retire tout le surplus de l’échange. L’inverse se produit au point G :
Agnès a le même niveau d’utilité qu’au point initial I, et c’est l’utilité de Bertrand qui
a le plus progressé. C’est alors lui qui retire tout le surplus de l’échange. Entre ces deux
points extrêmes, chaque point sur la ligne de contrat représente un partage du surplus
qui correspond à un pourcentage (de 0 % à 100 % pour Agnès, de 100 % à 0 % pour
Bertrand, lorsqu’on passe de E à G).
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“doc” (Col. : Wasmer) — 2014/8/25 — 13:30 — page 317 — #333
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échanger. Le but de l’échange reste pour chaque agent de maximiser son utilité, compte
tenu du prix relatif des biens échangés et de sa dotation initiale.
Dans l’exemple suivant, le prix relatif des croissants et des pains d’épice est fixé à 1, ce
qui se lit sur le graphique par une pente de la droite de prix égale à −1. Cela signifie
qu’un croissant a la même valeur qu’un pain d’épice. Toute nouvelle allocation ne peut
donc se réaliser que si un croissant est échangé pour un pain d’épice. Si I correspond aux
dotations initiales, Agnès et Bertrand possèdent initialement des dotations de (7C, 1P)
et (3C, 5P). Si l’on considère les points entre les deux courbes d’indifférence en I pour
Agnès et Bertrand, seuls les points à l’intérieur sont de possibles allocations d’échange. Le
point B est en dehors de l’espace des échanges possibles.
• pour une allocation efficiente à l’équilibre, le ratio des prix est égal à la tangente des
deux courbes d’indifférence : TMS A = PCroissants /PPains d’épice = TMS B ;
• pour les allocations possibles qui ne sont pas le point F, le marché est en déséquilibre
car l’offre et la demande sur un marché ne correspondent pas. On dit qu’il existe
une demande excédentaire sur un marché lorsque la quantité demandée d’un bien est
supérieure à son offre. Si cette quantité est négative, il s’agit d’une offre excédentaire. La
demande excédentaire est donc en fait la demande excédentaire nette. Dans l’exemple
précédent, au point C, le prix relatif du pain d’épice est plus faible que le prix d’équilibre,
et la quantité totale de pains d’épice demandée par le marché (ici par Agnès) est
supérieure à celle que le marché (ici Bertrand) est prêt à lui consentir : il existe une
demande excédentaire de pains d’épice ;
• à l’équilibre, la demande et l’offre excédentaires de chaque bien sont nulles, l’excédent
de demande est résorbé.
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“doc” (Col. : Wasmer) — 2014/8/25 — 13:30 — page 318 — #334
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La loi de Walras formalise cette relation. Elle énonce que la somme des demandes
excédentaires des biens multipliée par leur prix est nulle. C’est un résultat qui porte
sur les contraintes de budget des agents et qui est vérifié si les agents épuisent leur budget
au prix considéré, qui n’est pas forcément un prix d’équilibre.
Le corollaire, qui est en fait le résultat le plus important, est que sur un marché à N biens,
si N − 1 marchés sont à l’équilibre, le dernier l’est nécessairement en raison de cette
égalité. Il s’agit donc d’un résultat important de l’équilibre général des marchés.
Bertrand - Croissants
10C 5C 4C 3C 0B
6P
Droite de prix
P
Agnès - Bertrand -
Pain d’épice Pain d’épice
F C
3P
1P 5P
I
10P
0A
5C 6C 7C 6C
Agnès - Croissants
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“doc” (Col. : Wasmer) — 2014/8/25 — 13:30 — page 319 — #335
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F
20K 10K Capital
Courbe pour la production
Capital de contrats de CD
pour la production de production
de livres E
10K D 20K
30K
Ol 10L 20L 30L 40L 50L
Travail pour la production de livres
On trace également les courbes isoquantes définies au chapitre 10 qui représentent les
différentes combinaisons de travail et de capital nécessaires pour produire un même niveau
de chacun des deux biens. De même que dans le modèle d’échange sans production, les
allocations efficientes des facteurs de production sont atteintes pour les points où les
tangentes des courbes isoquantes des deux biens sont confondues. Les points D, E et
F font partie de la courbe des contrats dans la production, qui représente l’ensemble des
combinaisons de production efficientes pour lesquelles il n’est pas possible d’augmenter
la production d’un bien sans réduire celle de l’autre bien. Notons à nouveau que les
allocations efficientes ne sont pas uniques et qu’une fois une de ces allocations de
production atteinte, les échanges prennent fin dans l’économie. Enfin, en ces points
de tangence, les pentes, qui représentent les taux marginaux de substitution techniques
(TMST) entre capital et travail, sont égales pour la production de chacun des deux biens.
C’est donc une condition d’efficacité de l’économie.
En dernier lieu, le point I représente les allocations initiales. S’il n’est pas sur la courbe
des contrats, alors il y aura un gain mutuel à l’échange.
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“doc” (Col. : Wasmer) — 2014/8/25 — 13:30 — page 320 — #336
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Une allocation des facteurs de production efficiente est réalisée lorsque le taux marginal de
substitution technique (TMST) est égal au rapport des facteurs de production, soit :
MPL w
TMSTLK = =
MPK r
On peut retranscrire cet équilibre dans le plan des productions de chaque bien avec
plusieurs agents, chacun étant à la fois consommateur et producteur. L’équilibre entre les
consommateurs et les producteurs sera à nouveau la réunion de trois points de tangence.
D’une part, comme dans la théorie de la consommation, nous aurons un point de tangence
entre la consommation et la droite de budget des consommateurs, qui a comme pente
p L / pC . D’autre part, comme cela est représenté sur la figure 15.8, il y a un point de
tangence entre une nouvelle courbe, appelée frontière des possibilités de production, et la
droite de budget. Ainsi cette nouvelle courbe est tangente à la courbe d’indifférence des
consommateurs.
CD
TMS = TMST
60
Courbe d’indifférence
de consommateurs
Frontière
des possibilités
de production
Livres
100
Cette nouvelle courbe est dénommée frontière des possibilités, car elle marque l’ensemble
des allocations des facteurs qui permettent une production optimale, pour laquelle il n’est
pas possible d’augmenter strictement la production d’un bien sans amoindrir celle de
l’autre bien. L’ensemble des combinaisons efficientes tirées de la courbe des contrats de
production est concave. Sa pente est un taux marginal de transformation (TMT) qui
est égal au ratio des coûts marginaux de production de chaque secteur noté CmCD et Cm L
pour les CD et les livres, respectivement.
La condition d’efficience est énoncée comme suit : une économie produit de manière
efficiente si, pour chaque consommateur :
TMS = TMT
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“doc” (Col. : Wasmer) — 2014/8/25 — 13:30 — page 321 — #337
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pL Cm L
TMS = = = TMT
pC CmCD
On peut saisir l’importance de cette condition en supposant l’égalité non vraie, avec par
exemple TMS = 2 et TMT = 3. Dans ce cas, si l’on reprend notre exemple de livres et de
CD, les consommateurs sont prêts à renoncer à 2 CD pour obtenir 1 livre. Or, le coût
marginal de production d’une unité supplémentaire de livre est de 3 CD. Clairement, on
assiste ici à une demande excédentaire de livres, et le marché n’atteint pas l’équilibre. On
retrouve donc une nouvelle loi de Walras.
Pour résumer, les conditions d’équilibre de l’échange en production sont les suivantes :
• les allocations de production sont efficientes, c’est-à-dire que les pentes des courbes
isoquantes sont égales (TMT identique pour tous les agents) ;
• les coûts de production sont minimisés, c’est-à-dire que les facteurs de production sont
payés à leur produit marginal pour tous les secteurs (w = MPL et r = MPK) ;
• la production est efficiente, c’est-à-dire que le taux de renonciation de consommation
est égal au taux de renonciation de production : TMS = ppCL = CCmCD mL
= TMT.
Le théorème de Rybczynski
Il faut noter que le modèle de production à deux secteurs apparaît souvent dans
la théorie traditionnelle du commerce international, car il contient un résultat très
intéressant, appelé théorème de Rybczynski : si la dotation d’un facteur de production
augmente, à l’équilibre général, la production du bien qui utilise ce facteur de
façon relativement plus intensive augmente et la production du bien qui l’utilise
relativement moins intensément diminue. Ainsi, dans une économie qui a recours
plutôt à du travail qualifié qu’à du travail moins qualifié, l’augmentation de la dotation
initiale de travailleurs non qualifiés va renforcer la spécialisation vers le secteur des
biens utilisant la main-d’œuvre non qualifiée. Adapté au commerce international, ce
résultat implique que l’ouverture aux échanges avec des pays dotés en main-d’œuvre
non qualifiée va défavoriser les secteurs faisant appel à de la main-d’œuvre non
qualifiée et donc défavoriser ces travailleurs.
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