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Prolégomènes à la nouvelle théorie de la


croissance endogène
Conférence scientifique du MINEPAT (Cameroun)

Raoul Patrick NOUGOUM

26 août 2019
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Travaux préparatoires pour la planification de la mise en œuvre de la
deuxième phase de développement de long terme

Yaoundé le 26 août 2019

Région Synodale de BAMBOUTOS et du Nord-Ouest


Elaborer un paradigme de développement axé sur le
mouvement économique structurel, sa coordination,
l’interventionnisme économique optimal et l’innovation

Conseil scientifique du MINEPAT


Intitulé : Prolégomènes à la nouvelle théorie de la croissance
endogène
Préparé et proposé par : Dr Raoul Patrick Nougoum (économiste et Président)
Panel Africa, Institut d’études et de recherche / Economie théorique (Modèles et
théories du développement économique, théorie de la stabilisation, théorie du bien-être,
théorie de l’épargne…) Econométrie, Economie internationale, économie du
changement technologique, Economie de la recherche et du développement
expérimental, Economie sectorielle, Comptes économiques, …

Quartier Bastos, Yaoundé B.P. 1403 Cameroun


www.panel-africa.com
raoul.nougoum@panel-africa.com

PLAN

I. INTRODUCTION...……………………………………………………………..3
II. LE DEVELOPPEMENT AU SENS DE LA PLANIFICATION……………….4
III. VERS UN CHANGEMENT DE CAP…………………………………………..5
IV. L’ORDOLIBERALISME ALLEMAND……………………………………….6
V. L’ORDOLIBERALISME CAMEROUNAIS………………………………......6
V.1. De la tectonique des économies et des risques……………………………..6
V.2. Le tournant ordolibéral du Cameroun……………………………………...7
V.3. Des principes de base de l’école ordolibérale de Yaoundé..…………….....7
V.4. Résumé de la théorie ordolibérale de Yaoundé………………………….....8
V.5. Postulats épistémologiques et rationalité de la théorie ordolibérale de
Yaoundé…………………………………………………………………………9
V.6. Introduction à la théorie du développement économique de l’école de
Yaoundé………………………………………………………………………..12
3

VI. INTRODUCTION A LA NOUVELLE THEORIE DE LA CROISSANCE


ENDOGENE DE YAOUNDE…………………………………………………15
VI.1. La théorie de la poussée transitionnelle de l’école de Yaoundé…….16
VII. CONCLUSION...…………………………………………………………..25

I. Introduction

Le paradigme de développement est comme une maladie incurable. Chacun de ses


courants se fonde sur des postulats optimistes qui privilégient le paravent du confort
idéologique, qu’importe s’il entraine des externalités négatives, des déséquilibres ou des
conjonctures dépressives ; l’objectif fondamental est la quête d’effets positifs, furent-ils
unilatéraux ». J’illustrerai ceci avec quelques exemples. A sa naissance au siècle des
Lumières, le libéralisme, lui-même issu du latin « liberalis » (i.e. qui sied à un homme
libre), s’impose au cours du XIXe siècle par des thèses sur l’ultime mission de l’Etat
dans son rôle de protecteur des libertés humaines, à travers la préservation de la division
sociale et économique du travail. De l’antiquité à l’ère classique, ce panorama fut
exploré par des auteurs sous des approches protolibérales variées, à l’instar du concept
imaginaire de l’individu (Zoon politikon) dans un Etat acquis à l’idéal de liberté
individuelle et d’égalité, sous l’égide de législations d’origine humaine (Aristote, 384-
322 av. J.C-.), ou, parmi d’autres contributions, le Policraticus (1159) de Jean de
Salisbury - théorie de l’Etat de droit reliée au droit naturel (1180)- ayant contribué à
l’émergence de la Rule of Low (consacrée 8 siècles plus tard en 1949 dans le Statut du
Conseil de l’Europe). Chemin faisant, le libéralisme est soumis à d’autres applications
évolutionnaires, et à diverses interprétations de la compréhension économique, animées
par John Locke (1632-1704), Baruch Spinoza (1632-1677), Bernard Mandeville (1670-
1733), ), Quesnay (1694-1774), Montesquieu (1689-1755), Diderot (1713-1784),
Gournay (1712-1754), David Hume (1711-1776), Jean-Jacques Rousseau (1712-1778),
Adam Smith (1723-1790), Turgot (1727-1781), Jeremy Bentham (1748-1832), etc. Le
courant libéral français réclame la séparation des pouvoirs : exécutif, législatif et
judiciaire. Après la Seconde Guerre mondiale, Jean Monnet (1888-1979) défend l’idée
selon laquelle,l’économie de reconstruction doit s’inscrire dans la logique de l’économie
de guerre, pour répondre aux exigences d’une planification à la hauteur des enjeux, et
aux nouveaux défis de l’économie française. Compte tenu des dégâts occasionnés par la
guerre, le libéralisme planifié à la française vise la reconstruction, le rattrapage
industriel et technologique et la maitrise de l’urbanisation. A l’opposé du modèle
socialiste russe, il est indicatif et incitatif, et ne porte guère atteinte à l’initiative privée ;
il s’appuie sur les accords de prêts américains du plan Marshall et s’exécute à travers
ses instruments que sont le Commissariat général du plan (CGP), l’INSEE et la SEEF.
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(Service des études économiques et financières du ministère des finances). 11 plans aux
caractéristiques variées sont exécutés pendant près d’un demi-siècle (1946-2006).
Le Cameroun a connu quatre principales périodes de planification présentant des
similitudes avec le libéralisme économique français des années 1946-2006 : l’ère des
plans quinquennaux sous le libéralisme planifié (1960-82), la période des plans
quinquennaux sous le régime du libéralisme communautaire (1982-86) - le pays connait
des vagues de réformes entre 1987 et 2004 -, la période post-PPTE donnant naissance au
DSRP (2005-08) et l’ère de la vision 2035 menant au DSCE (2009-20 – phase I).
En regroupant toutes ces périodes, on observe des similitudes tout à fait
significatives : (i) l’interventionnisme public se caractérise par l’omniprésence de
l’Etat dans la sphère économique, l’utilisation en dehors du contexte de leur bon usage
de la théorie keynésienne (The General Theory of Employment, Interest and
Money, 1936) et, certains aspects de la théorie du Big push de Paul Roseinstein-
Rodan (1940) ; (ii) les analyses soulignent qu’un important fossé sépare la vision
publique de l’initiative privée ; (iii) les objectifs fixés dans le cadre des plans
quinquennaux et de la récente stratégie décennale (DSCE) n’étaient pas en connexité
avec des structures techniques ou des moyens d’accompagnement adéquats;(iv) en
l’absence d’une politique économique structurelle de long terme, l’économie est
demeurée sensible aux chocs de conjoncture en ayant un accès difficile aux financements.

Fondamentalement, Keynes considère l’apport de sa théorie dans le rôle d’une


intervention de relance, quand l’économie déprime, en raison de causes inhérentes au
fonctionnement du système. La politique d’investissement du Cameroun va à l’encontre
des préceptes keynésiens, notamment ceux qu'exige son critère du circuit monétaire, en
raison de ce que l’incitation à investir se traduit, au regard de l'observation empirique, par
l’accumulation intensive du capital et de l’endettement à des taux non keynésiens (la
différence entre l’efficacité marginale du capital et le taux d’intérêt étant négative dans la
grande majorité des cas), au détriment d'une faible accumulation du travail et des
recettes, qui auraient pu être tirés par la demande effective. D’autre part, la théorie de
la grande poussée (Big push) s'avère contre-indiquée dans l’usage du scénario de
priorité sectorielle, en l’occurrence dans le contexte de diminution de l’APD (après le pic
de 2013 selon le rapport phare de la BAD sur les perspectives économiques en
Afrique en 2019), et compte tenu de la timidité de l’investissement amplifiée par la
crise des cours pétroliers bas de la mi-2014. De plus, passer d’un équilibre à l’autre
requiert une exemplaire coaction des secteurs public et privé.

II. LE DEVELOPPEMENT AU SENS DE LA PLANIFICATION

Pour le cas particulier du Cameroun, la planification du développement sera


structurellement efficace si les directives suivantes sont respectées: (i) affirmer des
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sensibilités socioculturelles différentes, (ii) trancher le nœud gordien de la supériorité


occidentale en créant une classe intellectuelle indépendante loyale au courant
statocentrique (i.e. l’Etat est au centre des réflexions), respectueuse des régimes
internationaux, qui se charge de la conception des modèles originaux, pour répondre à la
demande d’orientation en matière de politique ordonnatrice, afin de venir en soutien à
l’implémentation de l’économie sectorielle dans la substitution des importations et la
promotion des exportations, (iii) concevoir une nomenclature structurelle d’activités
économiques productives (dérivées de la nomenclature CITI) pour faciliter la
complémentarité entre secteur et faire en sorte que, l’essor d’une activité puisse
entrainer les autres comme le veut le Big push, mais aussi d'impliquer directement la
formation, la décentralisation (à travers les approches Bottom-up et Top-down) et
l’investissement dans les processus de production, (iv) mobiliser les capitaux privés et
créer des outils financiers novateurs remplissant, entre autres, la fonction de
désinformalisation de la finance et d’encadrement de l’investissement productif.

III. VERS UN CHANGEMENT DE CAP

Tocqueville (1848) pensait et démontrait avec force comment la route de la liberté


conduit à l’égalité, quand la route de l’égalité mène à la servitude. Les régimes planifiés
libéral et communautaire camerounais tout comme la vision 2035 ont-ils
essentiellement une finalité idéologico-politique, ou se limitent-ils seulement à fournir
des indications communes (analyses, stratégie, objectifs…), comme le veut la
planification indicative ? Les outils de la planification incitative, bien qu’indispensables
dans la mise en œuvre d’une politique volontariste de développement, ont cruellement
manqué dans l'établissement des actions appropriées, destinées à transformer les
objectifs, tant des plans quinquennaux que du DSCE en résultats. Ces constats
corroborent la thèse de James Kloppenberg (Uncertain Victory en 1986) sur le nouveau
libéralisme, qui voit à travers son « via media » une confusion libérale partagée entre
irrationnel et scientisme. C’est dans cette image confuse de l’économie camerounaise
qu’est apparue une société du mépris, entretenue par des intellectuels, des hommes
politiques, des hommes d’affaires, voire des hommes de la rue, menant jusqu’à leur
terme des processus de réification, qui accompagnent la récupération de la vision
économique de l’Etat à des fins égoïstes. Interpellés sur les questions y relatives et
mesurant les risques et dérives du libéralisme, Ludwig von Mises (1881-1973) et Max
Weber (1864- 1920), en précurseurs avertis, développent très tôt les bases intellectuelles
du néolibéralisme pour réguler la coordination morale de l’action publique. D’autres
théoriciens dont Mill (De la liberté, 1859), se dressent contre l’économisme (i.e.
tendance à tout expliquer par l’argument de la rentabilité et le déterminisme
économique) alors que c’est de là que naissent les postulats clés de l'ultralibéralisme.
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Le socialisme d’inspiration marxiste vise d’obtenir l’égalité sociale en supputant à


travers des arguments scientifiques du socialisme utopique et du socialisme libertaire
développés par les anarchistes.

IV. L’ORDOLIBERALISME ALLEMAND

D’inspiration kantienne, l’ordolibéralisme allemand attribue à l’Etat le rôle


d’ordonnateur, qui dans le respect des lois du marché crée un cadre légal et
institutionnel, arrimé à l’économie, pour garantir le respect des règles morales
indispensables au bon déroulement des transactions et le maintien d'un niveau sain de
concurrence. L’économiste Walter Eucken (1891-1950), père de l’ordolibéralisme et
les juristes Franz Böhm (1895-1977) et Hans Grossmann-Doerth (1894-1944) sont les
principaux architectes de l’école de Fribourg, où l’ordolibéralisme allemand développe
des conceptions économiques opposées au libéralisme matérialo-hédoniste DLQVLTX
j la
théorie évolutionniste marxiste. Les économistes Alfred Müller-Armack (1901-1978) et
Wilhelm Röpke (1899-1966) se joignent à Eucken dans le cadre des publications
scientifiques de la revue ORDO qui constituent indubitablement le point central
influant fortement sur le succès rencontré par la politique économique successive des
chanceliers allemands du 20e au 21e siècle. A titre honorifique, ils ont été auréolés de la
paternité intellectuelle du miracle économique ouest-allemand, et ont bénéficié d’une
grande reconnaissance pour leurs contributions à la naissance de l’économie sociale de
marché allemand (qualifié de troisième voie par certains de ses pères fondateurs).
Enfin, l’ordolibéralisme allemand se situe entre les deux ordres économiques libéral et
socialiste : il reconnait la propriété privée et l’économie de marché, mais donne libre
cours à l’Etat, de disposer de compétences étendues, lui permettant de piloter et de
corriger les processus économiques, dans le double intérêt de la justice et de la
protection sociale.

V. L’ORDOLIBERALISME CAMEROUNAIS

V.1. De la tectonique des économies et des risques (Ecole de Yaoundé)

Dans tout espace de transaction (marché, société), la position des économies (et/ou des
agents économiques) les prédispose naturellement à subir des distorsions (crises
économiques, crises financières, conflits) liées à leurs différences d’approche et de
caractéristiques intrinsèques (typologie de la richesse, PIB, RNB/tête, Gini, IDH…). La
relation bilatérale agent-économie est en réalité le seul déterminant de la notion de
frontière liant tous les acteurs. Or, seuls la loi, les règles communes, les régimes
nationaux et internationaux définissent les normes de transaction, que nous appelons ici
« le critère de coulissage (emprunté à la tectonique des plaques en géologie) ».
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Le coulissage est par conséquent un mouvement économique composé de frontières


différentes, toutefois régulées par le principe d’unanimité qui répond néanmoins à une
homogénéité partielle. Ainsi, la différence de taille entre économies (et/ou agents
économiques) marque un coulissage à l’origine des crises et des conflits de diverses
natures. La théorie fondamentale ordolibérale de Yaoundé considère qu’une juste
coordination du critère de coulissage aura pour effet de briser l’ignorance concernant
la relation bilatérale factuelle, et d’établir des règles équitables, prenant en compte les
différences d’approche et caractéristiques (des économies et/ou agents) pour une
organisation efficace des structures économiques et sociales.

En conséquence, le paramétrage du paradigme économique par la théorie est la condition


sine qua non pour transformer nos conceptions du coulissage (normes de transaction) de
manière à garantir un mouvement économique structurel, à travers un développement
équilibré et/ou déséquilibré, sans perturber ipso facto le principe de l’unanimité qui en
revanche est appelé à s’adapter aux phénomènes nouveaux.

V.2. Le tournant ordolibéral du Cameroun

Les prévisions de long terme sur l’évolution de l’économie camerounaise ces 60


dernières années se sont dissipées avec des interruptions récurrentes d’essor sous l’effet
de chocs négatifs extérieurs. Malgré des phases de reprise consécutives aux périodes de
récession, les politiques restrictives ont montré leurs limites, durant toutes ces années. Si
les écarts de capital se creusent entre les grandes entreprises (en l’occurrence les
multinationales) et les PME, ces rapports de forces inégales s’exacerbent à travers la
concurrence déloyale, qui participe au saccage des PME, dont le taux de mortalité est
anormalement élevé, et subséquemment, au processus de désindustrialisation de
l’économie. Les effets pervers des politiques libérales mises en œuvre par le Cameroun
ont eu pour conséquences de créer un environnement incertain pour les quintiles des
classes intermédiaire et inférieure du fait d’un manque de volontarisme économique ;
ce qui a désavoué les espérances publiques sur la répartition des revenus, en modifiant
les conditions de la croissance.

Toutes les analyses s’accordent à présent à démontrer, qu’un tournant social


historique, s’opère au Cameroun, au risque et péril de l’Etat, et qu’il faut
nécessairement réorienter la montée de la puissance publique, en invoquant un nouveau
paradigme de développement.

V.3. Des principes de base de l’école ordolibérale de Yaoundé

L’ordolibéralisme camerounais tire le meilleur des bases théoriques de l’école de


Fribourg, et traite de la nature et des limites d’une justice sociale, garantissant des bases
égalitaires qui assurent l’équilibre des pouvoirs entre les revendications de la société,
les ressources disponibles et l’interventionnisme public dans la création et la répartition
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des richesses. La thèse fondamentale posée par le fondateur de l'école de Yaoundé est la
suivante : « l’Etat doit exercer une justice égalitaire et commutative amont, garante de
l’égalité des chances et de l’équitabilité de l’initiative privée, et veiller à l’établissement
d’une justice méritocratique aval, répondant aux besoins de la société et de l’individu ».
La forme de justice avale qui souligne la mise en pratique de l’équilibre régional devrait
être progressivement prohibée ; étant donné qu'il constitue une source de querelles
intercommunautaires comme le démontrent les faits. Le modèle que nous défendons se
rapproche d'un nouveau libéralisme communautaire reprenant certaines théories
philosophiques du conséquentialisme, de la justice et des capabilités (Ascombe, Modern
Moral Philosophy [1958], Nosick, Anarchie, Etat et Utopie [1974], Sen, Les Droits et la
question de l’Agent [1982]), Rawls [1971], Sen [1998]).

« La condition de l’émergence du Cameroun est celle que toutes les couches de la


société s’associent à la vision de l’émergence de la nation, ainsi qu’à la création,
l’accomplissement et la préservation de cette émergence » (Panel Africa, Le Modèle
Camerounais, 22 avril 2019, P.77).

L’interprétation de l’expression morale relative à la crise sécuritaire elle-même à


l’origine du chaos actuel peut prendre plusieurs sens : (1) le constat empirique souligne
des différences morales dans la conception matérialiste attribuée à la richesse et à sa
répartition, (2) la suggestion d’une gouvernance fédérée se conçoit d’un point de vue
méta-éthique comme l’unique moyen de parvenir à une rétribution, en reflet de
l’abondance des ressources et des opportunités existantes, (3) les indices de Gini et de
la pauvreté (respectivement établis à 0,44% et à 37,5% en 2014 (INS,2018)) confèrent
un pouvoir explicatif à l’argument selon lequel les incidences sur les capabilités de
base et la détérioration de la situation sécuritaire proviennent des inégalités en général,
et attestent que, les démarches actuelles de politique économique et de gestion des crises
ne s’attaquent pas adéquatement à ces problèmes.

La théorie de justice de l’école de Yaoundé se veut une opération intellectuelle à


vocation productive, réunissant un ordre économique libéral et une coordination garante
de la prospérité individuelle et de l’initiative privée, à travers la planification
décentralisée, la répartition et la gestion équitable et durable des ressources, selon la
démarche procédurale admettant un pilotage participatif ascendant, émanant d'un
pilotage directif descendant actionné et animé par l'Etat. Notre modèle reconnait la
propriété privée et l’économie de marché, mais exige en vertu de l’égalité des chances
et la protection sociale, que l’Etat initie, pilote et coordonne les processus
économiques, en se référant aux principes de la justice commutative et à « l’équilibre
régional » amont, avec un accent mis sur « la justice méritocratique (avale), reconnue
comme une ressource de bonne gouvernance ».

V.4. Résumé de la théorie de base ordolibérale de Yaoundé


9

Le développement économique est d’origine contractualiste, chaque personne au sens


de l’homo economicus (formes de rationalités produites par les agents) doit satisfaire à
deux conditions de la prospérité et du bonheur collectif : à savoir le respect de la loi et
l’observation du critère utilitariste, sur la maximisation de l’utilité sociale, d’après le
principe des limites de la rationalité économique. Cela dit, nous reconnaissons la
théorie de l’équilibre général, mais rejetons le dogme de l’information parfaite dans les
même conditions qu’Akerlof et Stiglitz (Nobel d’économie en 2001). Cette nuance fait
coexister le conséquentialisme eudémonique (Broad consequentialism) de Sen (1982), et
l’utilitarisme benthamien, dont l’articulation détermine la légitimité de l’action
économique et sociale.

Chaque personne a droit à une justice commutative, la société de prospérité fonde


l'économie de liberté où la conception objectiviste propose une justice égalitaire. A
cette fin, les activités productives destinées à accélérer le développement économique
relèvent, pour être concret, d’une logique de système, dans lequel, la gestion des
ressources (input) et des résultats (output) épousent une idée raisonnable de justice
équitable, et respectent in fine la propriété privée.

Ainsi, l’Etat s’assure de relier l’égalité des chances et l’initiative privée en créant les
conditions d’une meilleure qualité de vie, pour des capabilités optimales, afin de
donner à la liberté économique toute sa force et toute sa justice, en vue de l’émergence
du Cameroun.

V.5. Postulats épistémologiques et rationalité de la théorie ordolibérale de l’école


de Yaoundé

Nos modèles de connaissance ont largement été débattus lors des sections précédentes.
Mais il reste nécessaire de préciser comment nous nous débarrassons des obstacles
épistémologiques, et formulons des hypothèses prédisant des faits déblayés de toutes
formes de réalisme et d’idéalisme. Nous nous sommes cependant intéressés à prospecter
des approches nouvelles. La révolution noétique du 21e siècle, étant au centre du monde
des idées innovantes et des connaissances intelligentes (Halévy, 2006), nous avons
élaboré nore démarche à la hache, questionnant froidement les vieux principes de
rationalité et de modélisation, qui véritablement ne sont qu’un adjuvant de l’objectivation
scientifique, et, par le truchement de l’expérimentation, une recherche finalisée. Le
principe est donc simple : après avoir privilégié une analyse minutieuse et plurivalente de
la matrice disciplinaire proposée par Kuhn (1962), nous avons opté pour la méthode du
paradigme-exemple, sans ignorer la relation épistémologique à l’origine de son
établissement. Par conséquent, la validité de nos théories trouve sa signification profonde
dans la diversité des modèles vérifiés en Allemagne, aux Etats-Unis, au Japon, en Chine,
au Brésil et dans la plupart des pays émergents. Toutefois, pour son originalité, nous
insisterons sur le cas particulier de l’Allemagne, avant de conclure par des concepts les
plus illustratifs de nos modèles, plutôt que de développer d’autres sections plus
10

complexes sur notre façon d’appréhender le déterminisme situationnel et ses rapports à


la rationalité substantive, ou à l’irrationnalité substantive (limites de la rationalité), ou,
enfin, à la rationalité procédurale (théories épistémologiques phares de l’école de
Yaoundé). En dépit d’une adhésion générale à l’économie néoclassique, les nuances
théoriques constatées et les expressions mathématiques inhabituelles ont conduit à des
fonctionnalités, dont la validité a été vérifiée par le truchement des modèles dynamiques
d’équilibre général.

Ce n’est pas un hasard si l’Allemagne est devenue la première puissance économique


européenne, alors qu’elle amorce sa période de reconstruction en 1945, dans une posture
défavorable, en comparaison du statut particulier des prêts américains, alloués au
financement des alliés. L’Allemagne s’est développée plus rapidement et durablement
grâce aux concepts de constitution économique élaborés par l’école de Fribourg. A
travers la spécialisation et la division scientifique du travail, la théorie constitutionnelle
de Fribourg a permis à l’Allemagne de construire une économie de l’offre, bénéficiant
d’une réputation mondiale établie sur la qualité et la solidité de ses produits, mais aussi à
travers la longévité du made in Germany qui venait de fêter ses 125 ans. La coordination
libérale de tous ces concepts s’est appuyée sur les politiques ordonnatrices définies par
les chanceliers allemands, pour qui, les programmes de reconstruction et d’accélération
de la croissance étaient liés à la justice sociale et au développement des compétences et
savoir-faire des populations.

Le savoir- faire allemand et sa puissance exportatrice repose sur l’intelligence de la


gouvernance industrielle qui réserve l’exclusivité des services de recherche et
développement, ainsi que la fabrication des produits haut de gamme aux entreprises
basées en Allemagne, en délocalisant la fabrication des produits à plus faible valeur
ajoutée dans les pays étrangers à faible coût de main d’œuvre. Rappelons-nous cette
notion de « hidden champions » développée par Hermann Simon (72 ans) : « la plupart
des entreprises allemandes sont des champions cachés qui sans être mondialement
connus ont réussi le pari de s’imposer sur le marché mondial avec une stratégie de
spécialisation ». L’accent est mis sur la capacité à innover, c’est de là que vient le succès
et la force exportatrice des PME allemandes (par ailleurs appelés Mittelstand).
L'évocation du CAC 40 nous fait sous-tendre une remarque importante : alors que ce
sont surtout les grandes entreprises françaises qui s’illustrent dans les marchés,
l’Allemagne mise pour sa part sur ses PME prospères qui représentent plus des deux
tiers de ses emplois salariés et près d’un tiers de son PIB. Deux autres choses qui
frappent, ce sont, d’une part, l’importance que l’Allemagne accorde à l’apprentissage
des métiers à travers le système de formation professionnelle duale (alternance entre une
formation académique et une formation pratique en entreprise), et d’autre part, le
dialogue social à l’allemande : la fameuse « Mitbestimmung » qui en se passant des
11

intérêts partisans fixe un cadre de dialogue social entre syndicats et patrons, dans le but
d’aboutir à une meilleure stratégie globale de l’entreprise. Passons maintenant en revue
quelques constats étayés par les chiffres du ministère fédéral des finances : (i) 95% des
PME allemandes sont avérées plus résilientes pendant les crises financières, (ii) pour
chaque entreprise, les investissements consacrés à la recherche et développement sont
en moyenne de 3,25% de leurs revenus (largement supérieurs au taux de 2%
recommandé par Bruxelles), (iii) plus de 1 307 PME sont des leaders mondiaux dans
leur secteur d’activité contre seulement 75 en France, (iv) 99% des entreprises
allemandes sont des PME et 95% d’entre elles sont des entreprises familiales, (v) selon
Reinhart W. Wettmann (83 ans), plus de 250 000 entreprises opérant dans près de 45
branches d’activités différentes coopèrent avec plus de 400 associations d’entreprises
pour faire face à la concurrence mondiale, (vi) 80% des PME se financent auprès des
établissements bancaires locaux sur la base d’une collaboration de longue durée (vii) la
plupart des entreprises allemandes ces 50 dernières années n’ont pas connu une baisse
significative de leur chiffre d’affaires, et seulement 10% de leurs revenus ont été
externalisées.
Tout comme c’est le cas des expériences américaines et asiatiques, nous constatons que,
le développement économique de l’Allemagne s’appuie sur les performances du
capital humain et de la productivité.
A l’issue d’une étude sur les sources de la croissance aux Etats-Unis vers le milieu du
20e siècle, Robert Solow (94 ans) attribue 88% de l’accumulation de la croissance à la
Productivité globale des facteurs (PGF) et 12% seulement aux facteurs travail et capital.
Parmi les 4 facteurs auxquels Jean Fourastié (1907-1990) associe le succès des Trentes
glorieuses, qu’il qualifie par ailleurs de révolution des invisibles, le gain de productivité
représente selon lui le carburant de la croissance, et est à la base du miracle
économique occidental. En 1964, quand le Japon met en service le Shinkansen, premier
Train à grande vitesse (TGV) au monde (210km/h), la productivité de son économie
est déjà à son plus haut niveau. C’est en imitant de près le modèle de
développement japonais que les quatre Dragons asiatiques (Corée du Sud, Hong Kong,
Singapour, Taïwan) sont devenus des pays développés à part entière, en 1990.

Les théoriciens majeurs de la croissance endogène ont une meilleure explication du


phénomène de la productivité, qu’ils associent indirectement à l’accumulation de
nouveaux biens capitaux (invention et dans d’autres cas l’innovation et l’imitation), et
directement à l’économie du savoir ou l’économie des idées : capital cognitif et
connaissances (Fritz Machlup, 1962), et donc principalement au capital humain. Selon la
Banque mondiale, les théories de la croissance endogène qui ont été testées dans un
grand nombre de pays ces trois dernières décennies ont permis de confirmer les
hypothèses d’accumulation rapide du travail qualifié et de la productivité sur la
croissance économique. Dans les années 2000, la Banque Mondiale définissait les bases
de l’économie du savoir sur les quatre piliers suivants : incitation économique et régime
institutionnel, éducation et ressources humaines, système d’innovation et infrastructures
12

d’information. Après la conférence de Göteborg (tenue par la commission européenne


en rapport avec la stratégie de Lisbonne en 2009), ces quatre piliers sont remplacés par
trois autres piliers plus représentatifs du triangle de la connaissance, à la racine de
l’avenir de l’Europe. Il s’agissait de : la Recherche et développement et l’innovation,
l’Education et les Technologies de l’information et de la communication.

V.6. Introduction à la théorie du développement économique de l’école de Yaoundé

L’individu est au cœur de la théorie de Yaoundé : ce sont les hommes qui font émerger
les nations. Tout pays se développe sous l’impulsion d’une génération d’intellectuels et
de créatifs capables de satisfaire au mieux aux besoins de consommation des
populations, par la création de modèles productifs pratiques, innovants et originaux. La
planification économique se fait sur la base de deux mouvements : le mouvement long :
trends de croissance adaptés à l’évolution économique structurelle, et le mouvement
court : politique économique conjoncturelle. Dans l’un ou l’autre cas de figure, le
développement économique est déterminé par la qualité des hommes qui animent son
processus, et par la nature des outils qu’ils utilisent.

Différents faits stylisés de la croissance dépendent des modèles qui expliquent leurs
processus. La loi de convergence des économies pose l’hypothèse qu’un pays à l’Etat
stationnaire - ou au-dessus de son stationnaire - se distingue par un capital/tête qui ne
change plus : en vertu du principe de dynamique de transition, la croissance ralentit et
devient lente. Par contre, les pays n’ayant pas encore atteint leur stationnaire comme le
Cameroun présentent un fort potentiel d’accumulation du capital/tête : en vertu du
principe de dynamique de transition, la croissance s'accélère et devient plus rapide. La
relation entre le capital/tête et le taux de croissance de la population laisse planer encore
des points d’ombre sur les sources réelles de la croissance. Des expériences étayées par
la théorie néoclassique indiquent que certains pays sont riches parce qu’ils ont un taux
d’investissement en capital fixe élevé, ou un progrès technique fort, ou enfin, un taux de
croissance démographique faible. C’est la troisième hypothèse qui nous intéresse !
Selon elle, l’augmentation du taux de croissance démographique entraine une forte
pression sur l’accumulation du capital en augmentant le dénominateur du capital/tête.
Cette croyance conforte les postulats qui sous-tendent la thèse de la limitation des
naissances dans les ménages africains (ou des pays à revenu faible). Bien entendu, ce cas
de figure suggère que la vigueur du taux de croissance de la population africaine est une
incommodité, du moins aux yeux des partisans du modèle néoclassique. La règle d’or de
l’accumulation de Phelps (1961) renforce cette croyance et démontre que le taux de profit
doit être égal au taux de croissance, toute chose étant égale par ailleurs. Et dans cette
même veine, la théorie affirme que le taux de participation de la population à l'emploi
est constant :
13

𝑌 = 𝐹(𝐾, 𝐿) = 𝐾𝛼𝐿(1−𝛼) , 𝛼 ∈ [0,1]………………………………………………(1) –


les rendements d’échelle étant constants : (𝛼 + (1 − 𝛼) = 1)

Heureusement pour l’Afrique et le Cameroun, le renouveau a lieu dans l’intérêt pour les
théories de la croissance des économistes Paul Romer et Robert Lucas, dans les années
1980. Le rôle des idées et du capital humain est placé, par ces derniers, au cœur de la
problématique de la croissance économique (théories endogènes). Comme je le disais
plus haut, de nombreux travaux empiriques cherchant à évaluer l’importance de ces
modèles ont confirmé leur efficacité. Le modèle de Solow avec capital humain
n’explique pas convenablement le phénomène de la croissance. Utilisons une fonction
Cobb Douglas pour le démontrer :

𝑌 = 𝐾 𝛼 (𝐴𝐻)1−𝛼 …………………………………………………………………….(2)
𝐴 croît au taux exogène 𝑔 et représente un progrès technique renforçant le travail. Le
travail de base est transformé par l’éducation en travail qualifié par la relation :

𝐻𝑡 = 𝑒 𝜓𝑢 . 𝐿𝑡 ……………………………………………………………………….....(3)
𝑢 est la fraction du temps d’un individu réservée à l’éducation, et 𝐿 le travail (quantité
totale de base) utilisé dans la production. En passant, nous pouvons déduire que
𝐿𝑡 = (1 − 𝑢)𝑁𝑡 si la population est donnée par 𝑁𝑡 . Dans l’équation (3), 𝜓 est une
constante positive. La production est réalisée avec du travail non qualifié si
𝑢 = 0, 𝐻 = 𝐿.
𝐻de (𝜓. 100)% croît si 𝑢 augmente de manière marginale. Les travaux qui ont confronté
ce modèle aux données empiriques soulignent que le paramètre 𝜓 implique un incrément
de salaire de 10% pour chaque année de scolarisation supplémentaire, aussi que 𝐴(étant
le même pour tous les pays) est une source d’erreur dans la capacité descriptive du
modèle à établir la diversité technologique. Contrairement aux modèles néoclassiques
ou 𝐴 est un indicateur de la productivité en renfort au travail qui croît de manière
exogène, les théories de la croissance endogène considèrent dans certaines conditions
que 𝐴 est un un facteur de production ayant des rendements factoriels constants ou
croissants à travers la technologie. L’économiste américain Paul Romer (64 ans),
corécipiendaire (Avec William Nordhaus [78 ans]) du Nobel d’économie en 2018
démontre cette hypothèse qu’il traduit par son modèle de base :

Y = 𝐾 𝛼 (𝐴𝐿𝑌 )1−𝛼 , ……………………………………………………………………(4)


𝐿𝑌 est le travail consacré à la production et 𝛼 est un paramètre compris entre 0 et 1. Dans
cette fonction de production, les facteurs 𝐾 et 𝐿𝑌 ont des rendements constants pour un
niveau donné de 𝐴 (la technologie). Cependant, en considérant les idées (𝐴) comme un
facteur de production à part entière, la technologie a des rendements croissants :

𝐹 (𝑡𝐾, 𝑡𝐴, 𝑡𝐿) = 𝑡 𝛼 𝐾 𝑎 . (𝑡 1−𝛼 𝐴1−𝛼 ). (𝑡 1−𝛼 𝐿1−𝛼


𝑌 )
14

𝐹 (𝑡𝐾, 𝑡𝐴, 𝑡𝐿) = 𝑡 2−𝛼 . 𝐹 (𝐾, 𝐴, 𝐿) > 𝑡. 𝐹(𝐾, 𝐴, 𝐿)

Il faut comprendre le sens particulier de la technologie dans les théories de la croissance


et du développement : elle est la manière dont les inputs sont transformés en output
pendant le processus de production. La fonction 𝐹(𝑡𝐾, 𝑡𝐴, 𝑡𝐿) symbolise la
transformation desdits inputs en output. Les rendements sont croissants dans l’unique
scénario d’utilisation non rivale des idées en situation de concurrence imparfaite.
Comme vous avez pu le constater, à l’opposé des biens publics qui ne sont pas protégés,
les idées en tant que bien ont un degré d’exclusion significatif et doivent être protégées.
Ces concepts font de l’invention (innovation et/ou imitation) le moteur de la croissance
moderne et du développement économique. A noter également, les équations
d’accumulation du capital et du travail des modèles Solow et Romer sont identiques :

𝐾 = 𝑠𝐾 𝑌 − 𝛿𝐾,
𝐿
=𝑛
𝐿
Mais il est un intérêt spécifique au courant de la croissance endogène que l’école de
Yaoundé partage : le taux de croissance démographique devient un puissant atout quand
la société est en mesure de générer une population capable de produire de nouvelles
idées, d’innover, ou de substituer aux importations une production nationale (par
imitation) pour gagner en indépendance (autonomie).

Le volume des investissements consacrés à l’innovation par les grandes économies


témoigne de la capacité des stocks de connaissance, via la R&D, les inventions, les
idées nouvelles, les transferts de compétence et les transferts technologiques, à générer
de très hauts niveaux de revenus. Citons deux exemples importants. En contrepartie de
fortes retombées économiques de la technologie 5G, la Chine va investir 200 milliards
de dollars dans ce secteur d’ici 2025 (Télévision d’Etat, 2019), dans l'espoir que la
commercialisation de la 5G rapporte plus de 1500 milliards de dollars entre 2020-2035 à
l'économie chinoise ( source : Académie chinoise des technologies, de l’information et
de la communication). Récemment en 2018, les Etats-Unis ont consacré un
investissement total (public et privé) de 307 milliards de dollars au financement de
l’innovation.

L’origine théorique du modèle de croissance de l'école de Yaoundé par du constat


suivant : un écart désespérant existe entre la valeur théorique et la valeur empirique
des modèles de croissance avec capital humain dans les pays d’Afrique subsaharienne
à revenu faible, des tranches inférieure et supérieure, y compris dans certaines
économies pré-émergentes. En revanche, cet écart est presqu'invisible dans les pays
développés et émergents (BRICS).
15

VI. INTRODUCTION A LA NOUVELLE THEORIE DE LA


CROISSANCE ENDOGENE DE L'ECOLE DE YAOUNDE

Alors qu’une grande partie de l’analyse se focalise sur les causes exogènes des crises à
l'origine de la forte dépendance du Cameroun vis-à-vis des solutions extérieures, nous,
nous estimons que la réalité est tout autre : des causes endogènes identifiées sont à
l'origine de la stagnation économique persistante, causant une grande instabilité
politique, et des conditions sociales extrêmement précaires.
Les économies subsahariennes connaissent une récurrence de chocs conjoncturels
parce qu’elles subissent des chocs endogènes durables. Ces pays ne disposent pas assez
d’institutions garantes de l’accumulation de la croissance par l’innovation, et le travail
y croit aléatoirement sans obéir aux dispositions de la constitution économique (Ecole
de de Fribourg). Dans le modèle de croissance de Romer, A(t) correspond au stock
des idées inventées jusqu'au moment t.
Les nouvelles idées inventées pendant l’effort de recherche se notent (dans la plus simple
expression du modèle):
𝐴 = 𝜏𝐿𝐴, où 𝐿𝐴 représente le nombre de personnes engagées dans la recherche de
nouvelles idées, et 𝜏 est le taux de découverte des nouvelles idées par ces individus, et
donc 𝐿 = 𝐿𝑌 + 𝐿𝐴 Nous arrivons à la même conclusion que celle du modèle
néoclassique : la croissance per capita dépend du progrès technique. Elle se note : 𝛾𝑦 =
𝛾𝑘 = 𝛾𝐴 . Le long du SCE, les stocks d’idées (invention, imitation, transferts
𝐴
de technologies) doivent être constants : ≡ 𝛾𝐴 = 𝐶𝑠𝑡𝑒. Cela est faisable dans
𝐴
l’unique condition où l’équation suivante augmente à la même vitesse :
𝐴. 𝐿𝜏𝐴 𝐿.𝐴 𝐴.
=𝜌 1−𝜙
⟹0=𝜏 = − (1 − 𝜙 ) Ce faisant, nous devons avoir le long du SCE :
𝐴 𝐴 𝐿𝐴 𝐴
𝐿.𝐴 𝐿.
= = 𝑛 Par conséquent :
𝐿𝐴 𝐿

𝐴 𝜏𝑛
𝛾𝐴 = = ………………………………………………………………………...(5)
𝐴 1−𝜙

La croissance de long terme de l’économie dépend finalement des paramètres de la


fonction de production des idées et du taux de croissance de la population. Cette réalité
est possible dans les deux cas, où la population de chercheurs d’idées augmente ou si la
population totale augmente. Surtout, ne perdons pas de vue le sens que prend la
recherche et/ou la production de nouvelles idées dans le contexte africain et
camerounais. Par exemple, il peut vouloir dire « transfert de technologies », « imitation
de modèles ayant fait leurs preuves ailleurs », « amélioration des procédés existants »,
« acquisition de nouvelles compétences », « création de nouveaux modèles
scientifiques et productifs » ou « invention de nouveaux objets ».
16

VI.1. La théorie de la poussée transitionnelle de l’école de Yaoundé

Voici comment nous énonçons le principe d’inertie de Newton : « Toute économie


stationnée se distingue par la stabilité relative de ses activités réelles, dont la fluctuation
des taux ne favorise ni la croissance, ni la décroissance de celle-ci ; à moins que
quelque force n’agisse sur elle et ne la contraigne à changer d’Etat, soit positivement
ou négativement. » C’est le principe du stationnement économique (Panel Africa,
L’émergence du Cameroun, un nouveau paradigme, 22 avril 2019, P.77).
Dans une publication récente intitutlée le modèle camerounais, nous expliquons
amplement en quoi consiste une poussée transitionnelle. Il s’agit en effet d’une grande
poussée (Big push), cependant non assimilable à celle de Roseinstein-Rodan (1940).
Dans un sens plus large, nous considérons la démarche des priorités sectorielles que nous
organisons de manière séquencée, à travers des phases d’expansion animées par des
fluctuations ascendantes des vagues de la croissance. Le mouvement de l’économie est à la
fois statique et dynamique (macrodynamique). Subséquemment, tout changement positif
ou négatif de l'économie implique une poussée et un mouvement. La première loi de
Newton assume l'ambition de clarifier ce phénomène : « les changements qui arrivent
dans le mouvement sont proportionnelles à la force motrice et se font dans la ligne droite
dans laquelle cette force a été imprimée ». Selon Paul Roseinstein-Rodan, la force
proportionnelle nécessaire au changement économique doit à priori associer un
investissement massif et un globalisme sectoriel. Allons maintenant voir du côté de la
mécanique: l'expérience ancienne conclut que si vous poussez un gros rocher et que vous
arrêtez de le pousser, il s’arrêtera (ce qui vous donne l’impression que sans force il n’y a
pas de mouvement et que force et mouvement sont indissociables) ; par contre, la nouvelle
expérience affirme qu’après avoir lancé le petit caillou, il continu d’avancer après qu’on
ait fini de le lancer. Une expérience newtonienne soutient qu’un petit caillou jeté sur la
glace est ralenti et arrêté par ses frottements. Considérant les frottements comme des
obstacles à la croissance, la poussée transitionnelle juge qu’il faut imprimer une force
proportionnelle pour les renverser, afin de créer de nouvelles conditions
d’accélération de la croissance. La règle qui apparait est simple : à partir d’une grande
poussée, nous aurons l’accélération de la croissance, et de cette accélération, nous
aurons la vitesse (amélioration des paramètres), et de la vitesse, la position (résultats).
Selon le mouvement brownien (1837), une grosse particule se déplace en ligne droite avec
une vitesse constante et l’accélération de la grosse particule se produit lorsqu’elle rencontre
une molécule de fluide ou de paroi. En fait, d'une certaine manière, ce postulat traduit une
critique de la marche de l’ivrogne (Random walk). En voici la raison : les processus
stochastiques sont repérables, on identifie leur mouvement dans une relation empirique et
il devient alors possible de repérer ses différentes marches, et d’en délivrer des
connaissances. Le cycle Kondratieff (1926) nait dans un cadre expérimental similaire,
où grâce à l’observation des prix sur une période de près de 50 ans, trois marches ou
périodes sont identifiées : la période d’expansion qui dure 20 ans
17

(hausse des prix et de la production et faibles taux d’intérêts), la période de récession


primaire ou plateau (10 ans) et la période de dépression (20 ans). Après une seconde
analyse de la fluctuation des prix sur le critère de Kondratieff, Schumpeter (1926)
identifie les variables aléatoires donnant une explication rationnelle aux cycles longs
Kondratieff : les cycles Kondratieff sont le résultat d’innovations majeures selon
Schumpeter. Il estime que l’entrepreneur est l’acteur fondamental de l’évolution
économique, qui brise les comportements routiniers de l’état stationnaire. De même,
l’innovation est au cœur de ce processus et détermine les conditions de la transformation
structurelle. La théorie des cycles d’affaire réels (Real business cycle, RBC) a une
conception étrange du Random Walk ; d’abord, elle ne reconnait pas l’existence des
trends de croissance ; ensuite, elle rejette toute possibilité de prédire son sentier. C’est
quand même étonnant parce que Prescott (1982), l’un des fondateurs du courant des
RBC avoue lui-même que les circonstances des variations aléatoires de l’activité
proviennent du progrès technique, et que 70% de l’activité depuis 1945 aux Etats-Unis
s’expliquent à travers les fluctuations de l’activité. Cette vue est partagée par
Schumpeter qui en fait le fondement de sa théorie de l’évolution et force est de constater
qu’elle referme une forte connotation prédictive. La théorie des cycles réels a ses
avantages, ce sont des modèles souples qui concordent avec de faibles paramètres
structurels et des hypothèses : le facteur humain (sous l’influence des chocs
technologiques) est placé dans le rôle de diffuseur des propriétés cycliques ; les
nouvelles théories macroéconomiques (contestant l’approche keynésienne) s’en
inspirent ; les RBC profitent du cadre de concurrence parfaite avec anticipations
rationnelles élaboré par Lucas (1970), mais cependant, le modèle canonique RBC de
Plosser et Robelo (1988) s’en écarte, pour l’hypothèse selon laquelle les variations
aléatoires et non anticipées du stock de monnaie sont la cause des fluctuations.

Ses limites sont nombreuses : (i) en 2002, Solow désavoue ce qui lui semble être l’une
des contributions les plus regrettables de Milton Friedman à l’analyse économique : il
estime qu’une théorie doit être jugée à l’aune de ses implications et non de ses
hypothèses – nous pensons que Solow ne fait pas grand sens en soulevant cette
controverse – , personnellement, je ne partage pas l’entièreté des concepts attribués au
courant monétariste mais, cette contribution de Friedman me parait juste (même si
la critique sur la neutralité des variables financières fortifie la position de Solow et
met dos au mur les partisans des RBC) ; nous allons y revenir moyennant d’autres
transcriptions, sur l’argument de l'irréalisme des hypothèses, (ii) le calibrage des
principaux paramètres réduit le pouvoir des tests empiriques ; le modèle craque devant
certaines variances et covariances des séries temporelles observées...

Revenons maintenant à la question de Solow dont vous vous souvenez sans doute :
l’argument d’irréalisme des hypothèses pointé par Solow est le fruit des limites de son
imaginaire dans sa caractérisation du résidu qu'il affecte à la technologie.
18

Voilà qui est clair pour tout le monde.

Les périodes de gloire des économies américaine, asiatique et européenne partagent les
mêmes expériences en matière d’élévation de la productivité. En évoluant au fil du
temps, les jugements convergent pour dire que les paramètres d’innovation de
Schumpeter se vérifient à travers toutes les étapes de la croissance parcourues par les
principales puissances économiques. Il n’est nullement justifié qu’un problème de
faiblesse d’hypothèses se pose à la théorie de la poussée transitionnelle ; à moins que le
contraire ne soit clairement démontré. Dans le deuxième cas, la loi de l’évolution est
responsable de la mise en application du principe qui établit l’invention-innovation au
centre du changement économique et social. Nous parvenons à la conclusion suivante :
(i) dans la reproduction des faits stylisés du cycle économique, les modèles RBC avec
choc technologique sont particulièrement faible (ii) mais si nous intégrons au modèle
RBC ce que postule la nouvelle théorie de la croissance endogène (école de Yaoundé),
le raisonnement qui explique la délimitation des chocs stochastiques sera chose
possible, et dès lors, une fois que nous nous serons mis d’accord sur l’évidence de la
relation de cause à effet qui existe entre les chocs technologiques stationnaires et les
faits stylisés, sans peut-être le savoir, nous aurons expliqué le principe du changement
structurel (point de fluctuation d'un trend ou d’un cycle), mais aussi celui du changement
conjoncturel (point de retournement). En résumé, il ne sera pas insensé de dire que nous
venons de tracer le schéma d'une possible démarche pour prédire le sentier de la
croissance en suivant un procédé aléatoire. Le développement économique n’est pas non
plus un simple mouvement linéaire de l’antériorité des expériences regroupées dans les 5
étapes de croissance identifiées par Rostow (1960).

La théorie de la poussée transitionnelle est une économie du take-off. Sans capituler,


nous acceptons partiellement le substantivisme de Karl Polanyi (1957), et admettons que
la logique économique veut une action rationnelle dans le choix distinctif de ressources
ou moyens limités dans un monde incertain. L'incertitude dans la gestion des
ressources est due aux limites de la rationalité du capital cognitif de l’homme, plutôt
qu’à l’irrationnalité de la nature. La rationalité procédurale de nos modèles jugule
l’incertitude théorisée par l’école de Chicago (Knight, 1921) à travers les apports d’une
irrationnalité substantive reliée à des formes de rationalité substantive testées dans
l’univers des mathématiques computationnelles (dialogue mathématique et intuitif
d’écritures formelles et d’algorithmes numériques). Les universités africaines sont
dévastées par les palmarès internationaux qui choisissent les meilleurs établissements
d’enseignement par rapport à ceux qu’ils jugent moins bons. L’Afrique du Sud joue la
partition africaine de cette caractérisation avec d’autres pays comme l’Egypte, le
Ghana, le Kenya et le Nigéria. Au Cameroun, de nombreuses universités et certaines
19

grandes écoles accompagnent dorénavant les étudiants dans l’innovation en veillant à


leur insertion socioéconomique et socioprofessionnelle. C’est un plus !

Passons sans plus tarder aux modèles de connaissance rationnelle de la poussée


transitionnelle.

Notre position est claire : les sociétés africaines sont moins aptes à susciter des
entrepreneurs, des intellectuels, des innovateurs et des ouvriers qui offrent des habiletés
techniques adaptées à la consommation (l’un des moteurs de l’économie). La faute
revient au système institutionel qui malheureusement n’a pas encore en sa possession la
meilleure formule pour réduire le fossé qui sépare les connaissances scientifiques et
techniques de la réalité qui nous entoure.

Le retard pris concernant le développement, par les économies africaines est ahurissant !
Il faut rattraper ce retard. Notre préoccupation à ce stade est de trouver des solutions
fondées sur un schéma théorique qu'il faudrait traduire par des actions concrètes
mesurées par des indicateurs de résultat. Certes, ce n’est toutefois pas ici le lieu indiqué
pour exposer sur des outils relevant du domaine de l’ingénierie économique (économie
finalisée). Cependant, nous allons tenter d'exercer une sorte de complexité que je
qualifie d’ingénierie théorico-économique de la poussée transitionnelle. Allons-y.

Le raisonnement aristotélicien de l’énergie et de la dynamique oppose deux types de


forces : la force en action (réalité effective) et la force en puissance (réalité possible).
Nous ne l’oublions pas. La physique moderne nous a aidé à comprendre par
l’intermédiaire de trois expériences distinctes (mentionnées plus haut) qu’il n’y a pas de
lien de proportionnalité entre la force et la vitesse. La physique de Newton (1687) nous
rappelle que les forces changent la vitesse, mais que l’évolution de la vitesse dépend de
l’accélération. Ce phénomène est illustratif d’une série de mouvements difficilement
appréhendables en dehors des référentiels galiléens. En fin de cycle, la position peut
éventuellement être le point de poussée ou de la fluctuation de l’économie, ou de son
retournement. C’est un peu embarrassant de tenir un langage économique dans le
champ de la physique. Nous sommes bien sûr en économie-physique-mathématique.
C’est surtout à Albert Einstein (1879-1955) que revient le mérite de la synthèse qui
nous conduit à la linéarisation aléatoire du mouvement de l’économie selon certains
critères de prédiction. Ces critères sont économiques, physiques et mathématiques.

La poussée transitionnelle est en fin de compte un calcul stochastique comprenant une


famille de variables 𝑥𝑡 où les prédictions sont codées par une probabilité, et où les
valeurs croissantes du temps 𝑡 appartiennent à un ensemble 𝑇 ⊂ ℝ où les 𝑥𝑡 prennent
leurs valeurs dans un ensemble 𝐸.

Il est peut être intéressant de repréciser l’objet de notre étude : nous étudions le
mouvement de l’économie dans ses rapports avec les fluctuations de la croissance
20

(cycles long et court), les chocs positif et négatif et les changements économiques
majeurs. Nous considérons quatre orientations d’étude : le système étudié (l’économie),
son référentiel (le paradigme du développement économique), ses repères (les
fluctuations économiques et leur durée) et les types de forces économiques.

Rappelons quelques lois mathématiques et physiques utiles :

- Toute série évolue de manière aléatoire par rapport au temps :

𝑦𝑡 = 𝛼 + 𝛽𝑡 + 𝜀𝑡 (L’epsilon est l’état stationnaire)…………………………………..(6)

- Hypothèse classique d’une tendance stochastique :

𝑦𝑡 = 𝛿 + 𝑦𝑡−1 + 𝜀𝑡 ⟺ Δ𝑦𝑡 = 𝛿 + 𝜀𝑡 ………………………………………………...(7)

En règle générale, si delta est différent de 0, on dit que la série suit une marche aléatoire
avec dérive. La série suit une marche aléatoire pure si delta est égal à 0. Le modèle est
dit stationnaire en différence lorsqu’on différencie la variable. A une période donnée,
les chocs ont des effets permanents non transitoires sur la trajectoire de la variable (la
variable en t dépend de sa valeur à la période précédente).

- Première loi de Newton (permet de déterminer les forces statiques) :

𝑃⃗ + 𝑅⃗ = ⃗0 et 𝑃 = 𝑚𝑔(toujours) donc 𝑅 = 𝑚𝑔(ici)…………………………………(8)

- Deuxième loi de Newton (un objet de masse m soumis à des forces subit une
accélération)
⃗⃗⃗⃗⃗
Σ𝐹
𝑎= ou Σ𝐹 = 𝑚𝑎 ………………………………………………………………….(9)
𝑚
Cela vérifie que :

Σ𝐹 ⟶ 𝑎(𝑎𝑥 𝑒𝑡 𝑎𝑦 ) ⟶ 𝑣 (𝑣𝑥 (𝑡)𝑒𝑡 𝑣𝑦 (𝑡 )) ⟶ 𝑝𝑜𝑠𝑖𝑡𝑖𝑜𝑛(𝑥 (𝑡 ) 𝑒𝑡 𝑦(𝑡 ))………...…...(10)

- Troisième loi de Newton (action=réaction : la force de B/A est opposée à la force de


A/B)

𝐹 𝐴 𝑠𝑢𝑟 𝐵 = −𝐹 𝐵 𝑠𝑢𝑟 𝐴……………………………………………………………(11)

Dans le régime de l’économie ordolibéral camerounais, la poussée transitionnelle se


programme aléatoirement sur le modèle de base de la nouvelle théorie de la croissance
endogène de l’école de Yaoundé. Elle structure à travers une probabilité
computationnelle des prévisions économiques fondées sur l’hypothèse que, de
nouvelles conditions de la croissance, paramétrées sur le principe de l’innovation,
donnent de précieux indices sur les perspectives économiques, et aident à améliorer à
la fois, la puissance et l’exactitude des prévisions.
21

Nous notons Σ𝐷 la somme des forces de propulsion comprises dans le bilan des forces
économiques au sens de l’école de Yaoundé. Le 𝛾𝐷 est une force d’accélération qui agit
directement sur les facteurs de production. Le facteur D est un adjuvant du travail, du
capital et de la technologie. Par contre, dans un processus stochastique, il prend la
forme d’une fonction exponentielle dérivable sur ℝ en agissant de par ses propriétés
sur les variables de la série. Ci-après, la forme la plus simplifiée de notre modèle de
base :
𝑌 = 𝐾 𝛼 𝐷 𝛼 (𝐴𝐿𝑌 )1−𝛼 …………………………………………………………..……(12)
Où  est un paramètre compris entre 0 et 1, 𝐿𝑌 est le travail consacré à la production, et
𝐴 est le stock des idées. Il existe un facteur 𝐷, qui dans le rôle d’un facteur institutionnel
(force économique d’origine institutionnelle) permet l’augmentation de l’ensemble des
facteurs de production à travers une propriété d’accroissement définie par les transferts
de technologie, les transferts de compétence, le bien-être (santé publique et condition
sociale), l’éducation productive, les croyances positives et la formation.

Dans un contexte de faible productivité, une éducation productive est celle qui génère
un travail productif et des emplois à forte valeur ajoutée. Une croyance positive est un
paradigme du développement des politiques publiques, des habiletés politiques et des
compétences nécessaires à l'éléboration des stratégies sectorielles.

Le taux de croissance de (D) augmente par ailleurs les idées (A), la technologie a des
rendements croissants :

𝐹 (𝑡𝐾, 𝑡𝐷, 𝑡𝐴, 𝑡𝐿) = (𝑡 𝛼 𝐾 𝑎 ). (𝑡 1−𝛼 𝐷1−𝛼 ). (𝑡 1−𝛼 𝐴1−𝛼 ). (𝑡 1−𝛼 𝐿1−𝛼
𝑌 )

𝐹 (𝑡𝐾, 𝑡𝐷, 𝑡𝐴, 𝑡𝐿) = (𝑡 2−𝛼 . 𝐹(𝐾, 𝐷, 𝐴, 𝐿) > 𝑡. 𝐹(𝐾, 𝐷, 𝐴, 𝐿)

Notre modèle s’appuie sur une planification dont la durée est établie sur une période de
référence de 10 ans (période de poussée). Le cycle de fluctuation est de 4 ans (cycle de
poussée). En tout, nous avons 2 cycles et demi dans une période décennale. Chaque
cycle comprend deux mouvements biennaux sécables en deux vagues (chacune). La
poussée transitionnelle se fait au début de chaque cycle de fluctuation (4 ans *2). A la
fin, une poussée de propulsion (exponentielle) imprime sa force sur la première vague
du dernier mouvement biennal du cycle de poussée et provoque le take-off de
l’économie. Chutons finalement par une description du mouvement de chaque vague à
la phase d’expansion : (1) première vague – poussée transitionnelle (accumulation de
nouvelles combinaisons productives,…), (2) deuxième vague – second couteau
schumpetérien (appui technique aux agents timides,…), (3) troisième vague –
accélération (renforcement de l’accumulation du capital,…), (4) quatrième vague –
troisième couteau suggéré par l’auteur – (accumulation de la PGF,…).
22

Exemple d’application sur un modèle de transfert de technologie (issu du modèle de


référence des théories de la croissance endogène),où A est le nombre total de biens
intermédiaires disponibles dans l’économie, et qui se mesure en flux de 𝑋𝑗 (biens
capitaux). Une nouvelle idée inventée correspond à un nouveau bien capital créé. Ainsi,
nous avons :

𝑌 = 𝐿1−𝛼 𝛼 1−𝛼 𝛼 1−𝛼 𝛼


𝑌 𝑋1 + 𝐿𝑌 𝑋2 … + 𝐿𝑌 𝑋𝐴

∑𝐷 = 𝐷 𝛼 qui est l’ensemble des facteurs institutionnels (paramétrés par Σ𝐷) exerçant
une influence sur les cycles de fluctuations de la croissance. Nous obtenons alors la
fonction de production des biens capitaux partant du facteur institutionnel 𝐷 𝛼 =
𝐴
(𝐿𝐴 )1−𝛼 . ∫0 𝑋𝑗𝛼 𝑑𝑗 qui dépend de la fonction de transfert technologique :

ℎ ℎ(𝑡)
𝑌 = 𝐿1−𝛼 ∫0 𝑋𝑗𝛼 𝑑𝑗 et ∫0 𝑋𝑗 (𝑡 )𝑑𝑗 = 𝐾(𝑡)

Où h représente le niveau de qualification de la main d’œuvre.

La croissance per capita de notre modèle dépend de l’évolution des facteurs


institutionnels et du progrès technique comme déjà établi par la théorie néoclassique.
De là, nous avons la notation : 𝛾𝑦 = 𝛾𝑘 = 𝛾𝐷 = 𝛾𝐴

Les quantités de facteurs institutionnels et les stocks d’idées (obtenues par invention,
imitation, ou transfert de technologies) doivent être constantes le long du SCE :
𝐷. 𝐴.
= ≡ 𝛾𝐴 = 𝐶𝑠𝑡𝑒.
𝐷 𝐴

Comment se construit le processus stochastique du cycle décennal de la poussée


transitionnelle ?

Nous savons déjà qu’une série évolue de manière aléatoire par rapport au temps. Pour
développer cette optique, nous avons soumis notre théorie à quelques-uns des
enchainements logiques de l’équation de Einstein (𝐸 = 𝑀𝐶 2 ). Les résultats obtenus
nous confirment la justesse relative des chocs technologiques stationnaires et
permanents sur l’évolution du produit et du taux de croissance de la productivité des
facteurs. Le dynamisme et la robustesse de la croissance française pendant les Trente
glorieuses s’expliquent par un choc d’offre stationnaire durable. C’est dans cette
condition identique de choc d’offre stationnaire, que les grands pays asiatiques
parviennent à rattraper peu à peu leur retard sur les pays développés. L’accumulation
des facteurs institutionnels (𝛾𝐷) est une fonction de productivité qui se diffuse à
travers des espaces spécialisés (zones économiques ou industrielles, parcs scientifiques,
zones de santé publique…) et des outils de transferts de compétences, de transferts
technologiques, ainsi que des outils financiers novateurs visant l'amplification de leurs
23

performances. Ceci devrait permettre aux pays d'augmenter leur croissance, de financer
la hausse des salaires, d’accroitre leurs profits et d’avoir une marge de manœuvre
unilatérale sur l’inflation, indépendamment de la politique monétaire, notamment menée
par la Banque centrale. Outre cette approche, les chocs technologiques permanents sont
encadrés par le mouvement des vagues de croissance (séquence biennale). Des
économistes brillants à l’instar de King et alii (1988), et bien d’autres, ont incorporé
avec succès les bases de la croissance endogène dans des modèles stochastiques
d’équilibre général dynamique. Tant mieux ! Ils renforcent nos conclusions en montrant
également que la voie d’amélioration des modèles RBC n’est pas fermée.
Dans un certain sens et selon notre propre expression, les processus stochastiques
combinent aléatoirement les facteurs institutionnels donnés par 𝜮𝑫 qui influent sur
l’accumulation des facteurs dont la valeur de prédiction liée aux biens et services
obéit à un codage de type Shannon-Fano (1948/49), par une relation de probabilité
ascendante. La temporalité du processus est délimitée par les deux critères des
hypothèses de marches aléatoires pure et avec dérive, et implique des mouvements
animés par les lois de Newton et d’Einstein. Dans une perspective de long terme, je
souligne davantage que les intervalles compris dans les limites de la marche aléatoire
sont des référentiels galiléens et désignent la périodicité des chocs d’offre stationnaires.
Venons-en à l’équation de Einstein :
l’énergie interne à vitesse nulle se note 𝐸0, sachant que 𝐸0 = 𝑀𝐶2, elle désigne
précisément le taux de croissance du produit et la valeur des paramètres des facteurs en
période de récession durable ; une autre formule reliée à la précédente associe l’énergie
totale E à l’inertie 𝐼 ; d’où la formule 𝐸 = 𝐼𝐶2, qui équivaut selon notre interprétation au
taux de croissance du produit et à l’évolution des facteurs dans une période où la
croissance est stationnaire. La combinaison des facteurs travail/capital renvoie à la
valeur de la masse dans les équations de Newton/Einstein, alors que la somme des
facteurs institutionnels correspond à l’énergie totale, qui explique par ailleurs le résidu
de Solow, et la notion de carburant de la croissance évoquée par Fourastié.

Il existe notamment une relation masse-inertie-vitesse notée :

𝐼 = √1 − 𝑣 2 /𝑐 2 . Elle participe à décrire le caractère cumulatif des facteurs dans la


période de poussée (10 ans) où l’énergie totale dépend surtout des effets de la somme
des facteurs institutionnels.
𝐸0 = 𝑀𝐶 2 indique une période de dépression qui ne laisse pas entrevoir de possibilités
immédiates de relance de l’économie. La poussée transitionnelle en tant que force en
puissance ou réalité possible est le seul et unique recours pouvant remettre l’économie
sur les rails. Le relais est aussitôt pris par une phase d’accélération des facteurs, qui
animent l’expression cyclique de l’activité tout au long de la période stationnaire. La
vitesse limite 𝐶2 n’est pas un point de retournement ; elle représente une période de
24

ralentissement succédant à la phase d’expansion, précédée par un nouveau cycle


de poussée, qui se termine enfin par la propulsion de l’économie (take-off).

La somme des forces positives selon le modèle de Yaoundé (Σ𝐷) accompagne le


mouvement économique d'après une structure de décollage en trois étapes : la poussée
transitionnelle (force motrice pour renverser les obstacles et créer les conditions de la
croissance), l’accélération (élévation de la productivité des facteurs) et le décollage
(poussée exponentielle).

Tantôt associée au cycle de poussée, tantôt à l’accélération et à la propulsion, la théorie


de la poussée transitionnelle est destinée aux pays non émergents disposés à accueillir
les innovations conceptuelles appropriées, et à les utiliser comme des modèles de
rattrapage, contribuant à combler les retards enregistrés jusqu'ici dans divers domaines.
Elle admet de multiples interprétations tant économiques que physiciennes et
mathématiciennes.

Recommandation particulière pour l'élaboration d'un mouvement fluide qui


s’étend sur plusieurs générations.

Il faut donner à la planification le caractère d’un mouvement fluide à temporalité


variée : (a) concevoir un cycle politique séculaire sur 5 siècles ; paramétrer ses facteurs
d’accumulation aux mouvements générationnels en fixant le seuil de vie à atteindre à
75 ans/cycle générationnel : la comptabilité de l’évolution humaine étant définie par
les objectifs à atteindre suivant les critères de l’approche biologique et psychologique
(b) concevoir un mouvement de trends de 50 ans, faisant office de cycle technologique
et monétaire lié à la consommation globale (c) configurer la stratégie décennale sur le
modèle de la poussée transitionnelle.

Cette recommandation particulière permet en l'occurence de maitriser l’approche


générationnelle des pratiques économiques nouvelles, et de parier sur le dynamisme
des générations futures.

Un mot sur l’investissement pour terminer. L’école de Yaoundé voit, dans l’usage de
l’investissement, un moyen d’accélération du capital et du travail, par une fonction
croissante de l’offre et de la demande. Robert Barro (1974) recommande de consacrer
l’investissement public à la construction des infrastructures publiques pour stimuler la
croissance. Naturellement, nous partageons cette position ; toutefois, le capital humain,
la technologie, l’apprentissage des métiers pratiques et la recherche et développement
présentent d’énormes potentiels de croissance, en l’absence de rendements croissants.
Ces facteurs garantissent le développement d'une offre tournée vers la satisfaction de la
demande intérieure et extérieure. Le défi de la croissance c'est d'améliorer le bien-être
collectif et de contribuer à la profitabilité des branches de l’économie nationale.
25

Il faut soumettre la décision d’investissement aux exigences d’une analyse coût


avantage. Le coût d’installation de l’investissement total doit être inférieur à la valeur
actualisée du flux de profits futurs de l’économie. Un investissement massif alloué à
l’installation des facteurs institutionnels aura des effets d’entrainement importants sur
l’offre et la demande ; il contribuera à renforcer l’accumulation des infrastructures et à
développer les secteurs des biens de consommation intermédiaire et finale.

Comment définissons-nous la notion de facteur institutionnel ?

Un facteur institutionnel est un cadre réunissant des experts connus pour leur
compétence dans des domaines en liaison avec la politique de développement de l’Etat,
dont la mission est d’apporter des solutions techniques les mieux adaptées à la
satisfaction de la consommation globale. Il comprend trois niveaux interdépendants de
développement de l’offre : (a) le niveau1 – production des savoirs et savoirs-faire
(solutions intellectuelles, innovations, inventions, transferts de technologie, imitations,
formations universitaires spécialisées, formations professionnelles…) (b) le niveau2 –
production des biens capitaux publics et productifs (c) le niveau3 – production des biens
de consommation finale.

Son implantation sur le terrain exige l’observation d’un processus de filières


territorialisées, ayant un ancrage avec les entreprises et les collectivités territoriales
décentralisées.

VII. CONCLUSION

L’actualité internationale est marquée par la tenue du Sommet du G7 à Biarritz en


France (24-26 août 2019), où le Conseil consultatif pour l’égalité entre les hommes et
les femmes a appelé les dirigeants du G7 et d’autres dirigeants à travers le monde à
mettre en œuvre des cadres législatifs progressifs, pour l’égalité hommes-femmes. Loin
de cette façade apparente de la bonification des rapports sociaux hommes et femmes,
tout le monde a pu constater que le terrain des vrais enjeux mobilisant l’intérêt des pays
était celui de l’économie. Les tensions douanières Chine-Etats-Unis et la crise iranienne
étaient au centre des préocupations. Ces tensions, induisant un effet de hausse des prix,
ont mis à mal la multilatéralité et le commerce international. On observe également que
les différends politiques prennent le dessus sur les questions essentielles, et que les
parties, inflexibles, campent sur leur position et leurs intérêts, au détriment des règles à
26

observer pour une juste coordination de l’économie internationale. C’est le nœud du


problème ! Dans son analyse traitant de l’impact des chemins de fer sur les fluctuations
économiques au 19e siècle en France, François Caron (1931-2014) avait identifié une
entrave à l'accumulation du capital. Il concluait ensuite, qu'écrire l’histoire d’une
entreprise consistait à écrire l’histoire de ses coûts, et qu'il n’était de vrai patron que
celui qui était capable de les modifier. Le monde va ainsi, ne nous y trompons pas, la
nature du choix du modèle de développement détermine déjà la capacité d'un pays à agir
sur les structures de marché et à développer une résilience à toute épreuve, ou à influer
sur les prix. Sur le sujet de l’ajustement automatique des prix, l’économie néoclassique
se trompe ; les processus de tâtonnement ne sont qu'une simple fiction : toute décision ou
retombée économique est toujours la résultante d’un rapport de force ou d'un conflit.

Paul Romer a dépouillé l’économie Mainstream de sa parure intellectuelle et démontré


comment, en situation de concurrence imparfaite, la recherche et développement et
l’apprentissage pouvaient impacter une population et transformer le cours de l’histoire
d’une nation. La conférence scientifique du MINEPAT apparait comme une initiative
qui arrive à point nommé, et qui devrait contribuer à répondre à la nouvelle vocation
intellectuelle du Cameroun. L’adoption d’un nouveau paradigme économique peut
aider à pallier aux difficultés et défis liés à la condition actuelle du pays, tant sur le plan
économique que social et sécuritaire. Ce prolégomène entend marquer l'existense d'un
rapport de proximité riche entre la nouvelle théorie de la croissance endogène en
gestation et des solutions qui reposent à la fois sur les systèmes institutionnels et les
programmes économiques volontaristes.

En effet, il nous a semblé opportun de réexaminer en profondeur cette question de la


théorie de la croissance endogène, son évolution dans le monde en général et en Afrique
en particulier, afin de soumettre à la réflexion logique et rationnelle le cas presque
désespéré de la défaillance de validité empirique, observée dans la plupart des modèles
de développement utilisés jusqu’ici au Cameroun.

Excepté l'originalité qu'elle incarne, notre approche offre des outils qui s’incorporent
aux modèles de croissance testés dans différents contextes, et qui de plus bénéficient
déjà d’une reconnaissance internationale. Nous proposons des concepts pour
développer le caractère cumulatif de la croissance qui dépend essentiellement du
comportement des agents. Les efforts sont par conséquents dirigés vers l’amélioration
des régimes d’accumulation du capital humain et de la technologie à travers
l’innovation. La notion du facteur institutionnel Σ𝐷 de notre modèle de base est un
concept entièrement nouveau, qui propose des formes institutionnelles mieux adaptées
27

au contexte réel de l’économie, pour une mise à profit optimal des outils de
planification nationaux et internationaux, à l'instar du DSCE et des agendas 2030 (ONU)
et 2063 (UA).
Il faut sortir des conceptions routinières du développement qui assimilent la notion
d’institutions aux apparences des grands édifices publics. Je conclurai ce pré-travail avec
une retentissante citation de North Douglas (Nobel d’économie en 1993) :

« (…) C’est très simple. Le développement économique n’est ni plus ni moins qu’une
fonction de la productivité de l’économie. Lorsqu’une économie est productive, elle
s’enrichit, lorsqu’elle ne l’est pas, elle s’appauvrit. Par conséquent, nous devons
chercher à savoir ce qu’il faut faire pour qu’un pays soit productif et réalise le potentiel
qui existe dans le monde ».

Pour moi, la première institution du développement endogène c’est l'outil intellectuel,


et ses moyens sont : le capital humain, le capital fixe, la technologie, et en dernier
ressort, l’investissement.

REFERENCES

1. DoiseW. & Mugny G. (1981), Le Développement social de l’intelligence, Paris : Interéditions.


2. Paul Romer (1989), Human capital and growth : theory and evidences.
3. Paul Romer (1989), Endogenous technological change
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