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charles de goal
satiété digitale
satiété digitale
collection Trois pour le prix d'un
traduit de l'américain
émondé et amendé en français
charlesdegoal@
épigraphe
– le texte intégral
- sa version courte
stephen hacking
. L a r é a l i t é c o m m e d o nn é e s
14
dépouiller les rouages bio-cybernétiques se-
crets, protégés et ineffables1, ainsi que les pro-
jections stratégiques de puissance, ou lignes
d'opérations, qui procurent tant de substance
universelle à ce déterminisme religieux, ainsi
qu'à ces satires et révélations aussi faciles
qu’inutiles.
16
d'entre eux adhèrent alors rapidement.
17
que je crois que tout est pensée), le seul genre
de théorie qui échappe nécessairement à tous
les spécialistes – et qui leur sera probable-
ment insupportable. Certes, de mon point de
vue la société ne peut être transformée que
par un mouvement pratique, un débat et un
projet impliquant toute l'humanité, au-delà et
contre ceux qui continuent de décider pour
nous. Mon intention est donc de contribuer
aux conditions initiales de ce débat, sûrement
tumultueux, à venir.
18
1. spectacle marchand 3.0
19
à la campagne, plus décourageant que décou-
ragé, écrit des Commentaires sur la société du
spectacle, une déclinaison qui entend montrer
certaines conséquences pratiques de l'intégra-
tion continue et du développement accéléré
des principaux éléments de la société specta-
culaire. Cinq évolutions majeures sont identi-
fiées :
20
mode de vie circulaire dans lequel il n'y a plus
de passé digne d'être mentionné, ni d'avenir
digne d'être désiré
21
finale de la société du spectacle.
22
chandage entre les entreprises et les Etats. La
plus grande partie de ce qu’on s’entête à nom-
mer économie reste secrète ou inconnaissable
– ineffable – pour la plupart d'entre nous.
23
total de tout feedback ou révision critique, ef-
facement par brouillage des distinctions,
confusion généralisée au niveau de l'ensei-
gnement, acquisition et financement conti-
nuels de projets scientifiques plus pointus au
gré des intérêts commerciaux, suppression de
brevets considérés comme non souhaitables,
etc.), il a complètement éliminé le temps de
toute considération historique potentielle-
ment différente. L'ancien présent perpétuel
de la société spectaculaire-marchande est dé-
sormais un vide parfait où le temps a cessé de
régner, son appropriation digitale devenant
au contraire une forme d'omniprésence post-
historique et également post-temporelle.
24
2. ce qui ne doit pas être dit
26
çade populiste et leur présentation remar-
quablement bien ficelée dans le domaine
du spectaculaire, les développements tech-
nologiques dominants et les mises au point
essentielles se produisent au niveau le plus
profond de l'Etat, de l'information et des
affaires, bien éloignés des yeux du vulgum
pecus, rigidement maintenu donc dans un
état d'ultra-ignorance – ces développements
sont cachés
27
de l'imprévisibilité chaotiques apparentes
de sa si grande complexité technique, une
compréhension complète de celle-ci appa-
raît comme une ambition démesurée pour
l'erewhonian. Elle ne peut être évoquée de
manière convaincante que par les experts
validés par le spectacle – pour le reste du
monde, elle est ineffable
28
3. l’insolence contre les dieux
30
me l'application de l'intelligence humaine à la
praxis, est aussi ancienne que l'histoire, tissée
dans chaque fil de celle-ci, un élément frap-
pant de notre forme particulière d'intelli-
gence. Nous sommes très familiers avec son
développement inégal, sa chaîne et sa trame,
ses périodes de somnolence, son ascendance
soudaine et presque surréaliste de notre vi-
vant. Bien que The Megamachine démontre
avec succès que la technologie se développe à
tout moment et à des rythmes variables dès
l’apparition d’homo sapiens, elle a semblé dor-
mir ou, la plupart du temps, avancer à pas
comptés jusqu'à l'aube du bouleversement in-
dustriel du 19ème siècle, lorsque le son grê-
leux des roches façonnées en premiers outils
se fond brusquement avec le rugissement pla-
nétaire de la société capitaliste fondée sur la
science, la technologie et la production de
masse. Dès lors, à un rythme bouleversant ali-
menté par une croissance démographique
sans précédent, la technologie devient le
porte-drapeau pratique, le support et l'outil
essentiels de toutes les transformations hu-
maines et, comme nous le montrerons plus
loin, l'agent le plus important de l'aliénation.
31
Cette seconde explosion d’intelligence fut si
intense qu'elle força la plus grande partie de
l'humanité à se penser elle-même – et à per-
cevoir l'aliénation – comme un phénomène
purement matériel, ce qui représente un mal-
entendu précoce sur le fait que la technologie,
quelle que soit la profondeur de sa relation
avec la matière, n'est en fait qu'un autre mode
de pensée, et en cela, similaire à la matière elle-
même.
32
donc aussi parler de pouvoir. Ainsi, en dehors
de la totalité, il n'y a pas réellement de cri-
tique de la technologie en soi, il n’y a même
pas de technologie en soi, tout comme il n'y a
pas de critique de l'agriculture – on ne peut
que parler des multiples relations sociales con-
crètes propres à l'agriculture ou des divisions
sociales propres à la technologie.
34
tenariat pacifique avec la nature) ; il appert
désormais que le seul but du progrès expo-
nentiel de l'interface digitale et de l’explosion
d'information qui l'accompagne est de trans-
former la façon dont la société se reproduit, la
façon dont la richesse est créée, de refaire l’ar-
gent, cette fois en mieux ; et en même temps, de
peaufiner son appareil répressif et refaçonner
sa domination médiatique. Mais clairement
de ne pas transformer de manière significa-
tive son but capitaliste unique : une richesse
en perpétuelle augmentation sous forme de
profits pour certaines élites, quel qu'en soit le
prix pour le reste de la société. Un exemple
de formulation idéologique en tout opposée à
mon constat nous est proposé par un des
principaux transhumanistes : « Il y a même
une croissance exponentielle du taux de
croissance exponentielle. En quelques décen-
nies, l'intelligence artificielle dépassera l'intel-
ligence humaine, conduisant à la Singularité
– un changement technologique si rapide et
profond qu'il représente une rupture dans le
tissu de l'histoire humaine. Les implications
incluent la fusion de l'intelligence biologique
et non biologique, des humains immortels
35
basés sur des logiciels et des niveaux d'intelli-
gence ultra-élevés qui s'étendent vers l'exté-
rieur dans l'univers à la vitesse de la lumière. »
36
4. the long and winding road
37
ruse, capacité de tromper, soit, plus naïve-
ment, comme imitation de la nature ; homère
dit déjà d'ulysse qu’il est polumechanos, « très
malin, plein de ressources, toujours prêt »
38
- le point de vue qui considérait la technolo-
gie comme le développement humain des at-
tributs divins de la transformation : et quelle
est la puissance de vulcain comparée à celle
d'une fonderie moderne ? Une puissance qui,
sous le capitalisme, est vouée à devenir une
machine à marchandises qui soutient directe-
ment la croissance exclusive de la plus-value
capitaliste
39
mation originelle de l'Etat, sur lequel se se-
raient développées ensuite les civilisations
40
- le concept selon lequel nous sommes inca-
pables d'imaginer la technologie comme étant
devenu le sujet de l'histoire, contribuant ainsi
à notre propre obsolescence
41
ait jamais besoin de faire
42
ment le travail est enfin sous contrôle – adieu
prolétariat, adieu syndicats, adieu luttes de
classes ; mais surtout à la mise en place
d’autres niveaux de contrôle, plus précis – au-
delà de la pseudo-méritocratie ossifiée de cer-
taines élites plus sophistiquées – dans le raffi-
nement permanent des méthodes de création
de richesse.
43
5. c y b o r g t o i - m ê m e
44
On voit maintenant que ces trois hypothèses
se confondent en une plus solide : l'instru-
mentalisation technologique de l'être humain
au service perpétuel du capital. D'une défini-
tion à l'autre, il y a eu un saut qualitatif, reflé-
té pratiquement dans la dimension sociale du
cyborg et dans la peur qu'il provoque. Dans
une première phase, les cyborgs prendront la
place des anciens esclaves salariés. Cela ne si-
gnifie pas que notre existence biologique sera
remplacée par une existence digitale, mais
plutôt qu'à un moment donné, la ligne sera
franchie entre un être humain biologique
standard et son substitut bio-cybernétique,
réalisant ainsi la prochaine force de travail cy-
borg, soumise et hautement programmable.
Une deuxième phase pourrait concerner la
nature même du travail : comment il reste le
même sous d'autres noms. Par exemple, dans
plusieurs cercles de pensée contemporains, la
fusion individu-machine est un donné, un fu-
tur nécessaire, une destinée : ce jumelage va
générer un rejeton, le cyborg. La question est,
dans cette fusion, qui perd le plus ? La ma-
chine peut facilement conserver son intégrité
– cela s'appelle réparations et entretien. Mais
45
si l'humain abandonne quelque chose dans
cette fusion, il ne peut pas le récupérer. Ce
n’est pas un euphémisme quand nous disons
moitié ceci et moitié cela. Alors, si le cyborg
ne contient qu'une moitié d’homme, qu’est-ce
que devient cet homme ?
46
destruction/remplacement des anciennes
structures de travail se déduit facilement de
l'analyse coût/bénéfice capitaliste : si une ma-
chine peut le faire, aucun homme ne peut le
faire à aussi bon marché et/ou aussi efficace-
ment. Mais si nous suivons cette première
piste, il n'est pas nécessaire d'être un singulari-
tariste 5 pour émettre l'hypothèse que, à me-
sure que les extensions bio-mécatroniques
commenceront à connaître une croissance de
type mooréen, elles ne saisiront pas seulement
le contrôle du monde du travail tel que nous
prétendions le connaître autrefois, mais aussi
commenceront à s'étendre au noyau profond
de l'humanité – en d'autres termes, elles sont
48
tion, jusqu'aux hypothèses et spéculations
contemporaines plus sophistiquées sur la su-
perintelligence, ratent toutes l’essence de la
stratégie digitale : non pas que la machine
nous conquiert et nous subjugue, nous dimi-
nuant ou peut-être même nous éliminant
complètement ; au contraire, la machine s’au-
to-construira pour devenir nous, la fusion oui,
mais vue du point de vue de la machine – un
processus de plusieurs ordres de complexité
et de magnitudes dépassant ces anciennes
peurs. Un précurseur de cette vision se re-
trouve dans le concept de complexification,
développé comme il se doit par un jésuite,
pour expliquer de façon entièrement maté-
rialiste l’émergence de la conscience à partir
de la plus simple particule cosmique. Une fois
que l'IA aura intégré ce concept, elle com-
prendra l'évolution pour ce qu'elle est et
pourra désormais embrasser sa transforma-
tion accélérée, avec des conséquences et des
créations en série inimaginables, chacune plus
complexe que la précédente. De fait, noo-
sphère pourrait mieux se traduire par digi-
sphère.
49
6. la méthode de l’argent
51
tionnant toute pensée (idéologie capitaliste) et
toute apparence (spectacle). Mais la société di-
gitale, sans fanfare, par le moyen algorith-
mique de son interface, a déjà acquis un avan-
tage stratégique décisif et s’achemine sans tracas
vers son sens absolu, absolu de par son conte-
nu. Pour commencer, elle contient non seule-
ment la totalité des échanges, mais à son mo-
ment digital elle en arrive à proposer aussi
bien la totalité des contenus de la communi-
cation. Sa première tactique consiste à trans-
former toute communication en information,
l'argent ayant totalement surmonté les limita-
tions intrinsèques de la nature marchande de
la communication. Sa stratégie consiste à
exercer dès que possible la sagesse digitale qui
s’impose amicalement à la conscience comme
connaissance totale, monopole de la pensée
ayant la totalité comme projet. En passant,
elle réforme et rend obsolètes toutes les traces
diachroniques du mode antérieur d'échange
et de communication. Ainsi, le sens le plus
grave de ce mouvement est que pour la pre-
mière fois dans l'histoire nous avons créé un
médium qui veut et a les moyens à sa disposi-
tion pour choisir sa fin, peuplant la sphère ac-
52
tuelle de domination et menaçant d'englober
non seulement la conscience mais au-delà
elle, la totalité de la pensée. En utilisant le
concept plus réducteur de principe social domi-
nant, nous pouvons récapituler cette évolu-
tion :
53
son œuvre fondatrice sous nos yeux, en quel-
ques générations. Les premières prédictions
les plus fantastiques – que la masse des igno-
rants, tout comme les scientifiques, considé-
raient à l'époque comme de la science-fiction
pure ou démente – doivent maintenant être
considérées comme trop indigentes si l'on
considère que nous nous occupons quotidien-
nement à nous transformer en la première
race techno-digitale ou en êtres bio-cyberné-
tiques sociaux : cyborgs pleinement évolués et
pleinement soumis.
54
7. t e r m i n a t o r
55
D’après la doxa :
57
prendre ce que nous sommes, qui nous
sommes, ce que nous voulons – certains ont
même gentiment commencé à nous corri-
ger – et qui intègrent continuellement la
forme digitale, de manière continuellement
plus sophistiquée 6, jusqu'à ce qu'une forme
initialement grossière de connaissance de soi
soit atteinte, créant ainsi le fondement d'une
sorte de conscience, dont la forme finale est
imprévisible à notre stade de connaissance.
De plus, l'émergence d'humains génétique-
ment transformés est imminente, sûrement
déjà à l'œuvre quelque part dans le monde,
ensevelie par le secret défense – qui ne se dis-
tingue plus du secret industriel ou commer-
cial. Ces êtres seront l’apport cyborg direct
dans l'évolution classique du fait que nous
nous fabriquons nous-mêmes comme créa-
tures qui peuvent transmettre à leur progéni-
ture ces mutations contrôlées en laboratoire.
59
8. a u t o p o i e s i s
60
imposteur et rejoignant par là la vision hei-
deggérienne, puisque « seul Dieu peut rendre
justice » à ce monde) : ce n'est pas que cette
forme de société rendra les humains moins
humains ; c'est que cela nous transformera en
une autre forme d’humanité – car il ne s'agit
plus de transformer les infrastructures de la
société mais les structures psychique et biolo-
gique de l'individu, pour en faire un cyborg
digitalement esclave, qui n'aura peut-être
même pas à travailler pour faire partie de ce
néo-tissu social.
61
partie prenante de cet organisme digital régu-
lateur, l’algorithme-roi. Les termes du nou-
veau contrat social digital constituent la pre-
mière métaphore d'une catégorie de soumis-
sion sans précédent historique.
64
des productions plus anciennes
65
cès massivement dirigé à des informations
présélectionnées, l'illusion d'inclusion au
moyen du self-branding et l’illusion de partici-
pation par le biais de pseudo-communautés
digitales, le perfectionnement constant des té-
léphones cellulaires si bien nommés (qui de-
viennent plus malins au fur et à mesure que
leurs prisonniers se retrouvent plus désar-
més), etc. Finalement, bien que le sens et l'im-
pact historique du feedback atteignant son mo-
ment universel restent encore à comprendre,
nous savons déjà que rien ne sera plus jamais
pareil.
66
comment ces produits sophistiqués étaient
réellement fabriqués et arrivaient sur le mar-
ché. De nos jours, dans un enfouissement en-
core plus profond, seule une poignée de spé-
cialistes sait comment the sausage is made
67
velles maladies digitales et de nouveaux
poèmes, à de nouveaux postes de police cryp-
to-digitale et de nouvelles révolutions
68
fier en se noyant dans les interstices de la
fracture digitale, car dans le monde de l'infor-
mation absolue et du triomphe final de l'effi-
cacité auto-codée, logique et productrice de
richesses, la lutte acharnée ou l'irrationalité de
la liberté n'ont aucun sens
69
9. v e u i l l e z r e g a g n e r
v o s c e l l u l a i r e s
72
damental de chaque individu de plus en plus
réduit à son identité digitale de consomma-
teur ; un à un, cyborg après cyborg, ils aban-
donnent ou sont coupés de leurs anciens liens
sociaux et revendiquent pour eux-mêmes le
cyber-droit d'être les acteurs de la conception,
de la construction et du développement de
leur propre capitulation – qui sera magnifiée
dans quelque Charte universelle des droits digi-
taux, non moins fumeuse que la Déclaration
des droits de l’homme. De cette façon, la société
digitale progresse de manière géométrique et
totalitaire proportionnellement à notre reddi-
tion. Ainsi, il semblerait que cette société sou-
haite que l'on se souvienne de la façon dont
elle était obéie plutôt que de la façon dont la
vie y était vécue.
73
10. s i g n e z i c i
74
vous n'avez strictement rien à dire à propos
du telos de la société. Semblable à cette autre
forme de soumission vexatoire, le vote, il
vous est simplement demandé d'accepter de
cocher la case ou de signer au bas de l'accord
– à défaut de quoi vous n'êtes pas autorisé à
entrer dans le sancta sanctorum de la société
digitale 9.
76
11. t r i p a l i u m
77
comme tout travailleur le comprend – nul
besoin de devenir marxiste pour cela. Le chô-
mage (ce mème politique insensé mais virulent
de l'électionnisme) signifie l'absence de cette
contribution et, contrairement à ce qui est vo-
ciféré dans les médias, rien d'autre qu'un lé-
ger fardeau pour l'aide sociale de l'Etat (pou-
belle sociale) ou un tour de passe-passe poli-
tique de l'élite dirigeante. Avec l'essor de la
société digitale, pour la première fois, une so-
ciété permettra aux profits d'augmenter indé-
pendamment des humains salariés, la produc-
tion cessant progressivement d'avoir besoin
de travailleurs au-delà de ses cyborgs (c'est-à-
dire des travailleurs augmentés), transformant
ainsi ces anciens esclaves salariés en zombies
économiques inutilisables et ressemblant à
des enfants qui devront se voir accorder un
salaire universel en échange de leur soumis-
sion incontestée. Parfaitement remplaçables,
ces rouages vont et viennent, usés et malme-
nés, rectifiés ou sculptés au gré des besoins du
mastodonte capitaliste. Parce que la survie des
rouages dépendait de leur placement à vie
dans cette machine, peu d'entre eux, voire au-
cun, n'ont jamais pensé à vivre leur vie d'une
78
manière différente, sauf à ces rares moments
d’émeutes et de révolution. La fin abrupte de
cet arrangement serait aussi bien celle de l'es-
clavage salarié et ouvrirait des perspectives
imprévues pour la vie – au-delà de la survie
plus ou moins améliorée. Si le processus se
déroule assez rapidement (disons en une ou
deux générations), une révolution pourrait
s'ensuivre si une tranche suffisamment im-
portante d'individus choisissait d'appliquer
son oisiveté à des fins anti-cyborgs, pour lan-
cer le débat universel sur l'objectif final de
l'humanité. Sinon, cette forme particulière de
la fin du travail pourrait bien marquer « une
phase d'inadaptation temporaire » (comme on
disait déjà en 1930 à propos du chômage
technologique), suivie de la refonte du cy-
ber-travail, c'est-à-dire du travail effectué par
des machines sous le contrôle tutélaire d'un
être humain transformé en cyborg, comme
une autre facette de la dépendance ultra-
consumériste.
79
utile, une phraséologie vide. Que tout travail
sous le régime de l'argent soit également abo-
minable ne fait pas partie des bannières dres-
sées dans les amphithéâtres – presse, télé,
etc. – où ces pseudo-débats sont présentés au
grand public. La critique du travail, et donc
des travailleurs en tant que machines, à une
très longue histoire dans l'histoire. Mainte-
nant, pour la première fois, les machines – la
mégamachine – vont s'entremêler organique-
ment avec l'humain, et vice versa. Tout com-
me un cyborg est un travailleur augmenté, un
cyber-travailleur n'est que l'embryon des cy-
borgs augmentés – ou super-travailleurs – du
futur. Comme cela est bien documenté, les
usines deviennent si intelligentes que la plu-
part des travailleurs semblent stupides en
comparaison. C'est pourquoi on pousse cons-
tamment leurs employés à renouveler leurs
aptitudes. Bientôt, l'IA les dépassera si com-
plètement que, à moins qu'ils n'acceptent d'en
intégrer une partie dans leur propre corps
(l'option cyborg), ou de refaçonner leur cer-
veau (l'option éducatrice ou lavage de cer-
veau), ils deviendront parfaitement inutiles,
très probablement des déchets de l'aide so-
80
ciale. La fusion – qu'elle soit bio-mécanique
ou intellectuelle – est considérée comme né-
cessaire, la seule solution à la discontinuité
soudaine, voire dangereuse, du monde du tra-
vail provoquée par les derniers développe-
ments technologiques. Comme mentionné
dans un essai récent, sans capital humain bien
formé et performant, le développement mo-
derne est pratiquement impossible. En effet,
l'expert conclut : « Pour cette raison, les insti-
tutions et les entreprises sont obligées de met-
tre en relation et de favoriser les opportunités
de propagation et de circulation des connais-
sances et des compétences à acquérir dans un
contexte d'apprentissage externe ou interne
aux entreprises ».
81
12. t e l o s m a r c h a n d
82
Parce que la technologie n'existe pas séparé-
ment de toutes les autres parties de la société,
son développement et son orientation de base
sont déterminés par les pouvoirs financiers,
étatiques et médiatiques. En ce sens, la société
digitale, mais toujours et encore spectaculaire,
est identique à celle qui existe depuis presque
deux cents ans, et à son fondement nous re-
trouvons notre vieil ennemi, la marchandise.
Comme il ressort de tous les développements
en ligne, le commerce commande la commu-
nication de plus en plus profondément. De
chaque interaction, il prélève ce dont il a be-
soin pour identifier adéquatement chaque
consommateur, puis délivre le dosage indivi-
duel nécessaire à la création de l’addiction
commerciale. Pour la première fois dans l'his-
toire, on peut dire de certains d’entre nous
que les cyborgs experts en métadonnées nous
connaissent mieux que nous-même. Et ils uti-
lisent cette connaissance dans le seul but d'en-
richir leurs propriétaires.
Caveat emptor, certes, mais il est probablement
trop tard pour arrêter le processus. Le com-
merce, et non le contenu, est roi.
83
Autrement dit et en dernier ressort, la société
digitale n'est pas seulement la conservation
historique mais la consécration de l'ancienne
société marchande, développée au point où la
ruse de l’argent perpétuera automatiquement
la folie de la croissance sans limites, sans l'aide
des êtres humains à l'ancienne, dans un for-
mat amélioré : l’automatisation de la dynamique
des échanges – incluant cette fois ceux des hu-
mains qui auront été transformés en cy-
borgs – grâce à son algorithme de gouver-
nance. La technologie étant elle-même un
grand facilitateur du cycle de la marchandise,
la logique de cette marchandise continuera de
régner sans conteste, la différence étant dé-
sormais qu'elle aura complètement supprimé
la pensée franchement séditieuse d'un débat
pratique entre humains, au profit de la sagesse
du feedback résultant du traitement, du
contrôle et de l'interaction de données, d'in-
formations et de connaissances qui s'accu-
mulent indéfiniment. Il ne serait pas surpre-
nant que cette société réinventée par le digital
invoque au titre de défense l'argument sui-
vant : bien que fondé sur le contrôle, le mou-
vement de cette explosion d'intelligence, cen-
84
trée peut-être à palo alto ou à san josé, mais
qui se mondialise plus vite que toute autre
chose, n'est contrôlé consciemment par per-
sonne. Et ce serait juste d’un certain point de
vue. Il n'y a pas une seule vraie cabale puis-
qu'il y en a tellement. L’Etat, l’argent et les
médias sont tous en compétition pour les pre-
mières solutions à des problèmes techniques
essentiels au monde entier ! La société digi-
tale est le résultat d'une multitude de réalisa-
tions mondaines et de paralysies voulues, la
convergence d'une multitude de conspira-
tions, d'instincts, de recherches rationnelles,
de real-politik et de penchants inconscients,
principalement dans le domaine scientifique.
Elle profite des efforts d'une multitude de
spécialistes qui ne travaillent pas de façon
unitaire vers une fin concertée, sinon la
conservation du statu quo. Elle est soutenue
dans tout cela, au-delà des intentions person-
nelles, par un accroissement de la guerre du
spectacle, une stratégie marchande massive qui
est allée bien au-delà de son vieil arsenal : une
presse obéissante, du marketing objectif, de la
publicité subliminale, des médias et des ver-
sions entièrement digitales du panem et cir-
85
censes (du rêve et des divertissements), ne né-
gligeant pas de les intégrer toutes bien enten-
du.
86
nier plongeon dans la fracture digitale et
toutes ses conséquences courageuses mais ir-
réparables. Aujourd'hui, à travers le génie de
la mondialisation, nous sommes sur le point
de réaliser les deux premières conditions à
l'échelle mondiale. La troisième condition
n’en est encore qu’à ses balbutiements, n’est
encore qu’une possibilité.
87
13. zapatero, a tus zapatos
88
l'idée de vérité. La tromperie, qui va bien plus
loin que le mensonge, mieux décrite peut-
être par machiavel, a été un trope, un outil
fondamental de la domination, utilisé depuis
l'aube du pouvoir social séparé, de l’Etat (cf.
l’histoire de la hiérarchie ou de la création des
royaumes). Historiquement, la vérité, lors-
qu'elle est brandie comme une arme contre
les mensonges officiels ou dominants, est ré-
volutionnaire, un outil de sédition. Aujour-
d'hui, avec les contre-outils d'information dé-
veloppés par la technologie crypto-digitale,
tous facilitant la diffusion d'une tromperie
spectaculaire et d'un arbitraire indiscutable à
un niveau universel sans précédent, la vérité
et tous ses concepts associés : vraisemblance,
justification, vérification, corroboration, té-
moignages, etc., ont perdu leur sens, victimes
de la guerre que mènent continuellement les
médias contre toute possibilité de véritable
dissidence dans une société aussi heureuse,
ouverte et libre. Le bodyguard of lies du temps
de la guerre a été remastérisé et repose désor-
mais sur les trois piliers de la défense des sales
secrets de la société digitale :
89
1. Les réseaux mondiaux de falsification que
l’on qualifie vulgairement d'information domi-
nante, c’est-à-dire la grande majorité des mé-
dias. Comme la multitude de cabales super-
posées qu'ils soutiennent, il existe des médias
avec divers agendas politiques, sociaux ou
même culturels, tous rivalisant pour attirer
l'attention du spectateur marqué (branded) ;
des médias avec une variété de formats pour
s'adapter à toutes les possibilités de liberté
d'expression, des médias qui semble s'en
prendre aux médias, très probablement à des
fins homéostatiques. Mais aucun n'échappe à
sa soumission essentielle aux hiérarchies exis-
tantes – y compris google qui du fait même
de son activité devient le secrétaire particulier
du pouvoir, un eusèbe de césarée digital. Pour
n'utiliser qu'un exemple devenu représentatif
de notre époque et qui dément l'hypocrisie de
ces médias sur la montée soudaine de faits al-
ternatifs, l'utilisation de tels mensonges a tou-
jours existé dans le catéchisme de la domina-
tion, depuis les vénérables édits des anciens
rois à notre frénésie actuelle de tweets clow-
nesques.
90
En tout cas, dans cette ère de multiplication
des complots et de confidentialité, le remède
à la confusion proposé par ces trompeurs
professionnels est la révélation par des tiers
– pas la possibilité d'une vérité vérifiée, ni
même un débat sur ce que ce processus de
vérification pourrait impliquer. Jamais de
prétendus faits médiatiques n'ont été utilisés
aussi efficacement pour dissimuler autant de
choses à autant de personnes 10. La simple ob-
servation que personne ne souhaite discuter
honnêtement de ce que pourrait être un fait
93
2. Les réseaux mondiaux de désinformation.
La désinformation est la semaille secrète du
mensonge, régulièrement accompagnée de
révélations opportunes de vérités ennemies.
Cette tactique n'est pas une découverte digi-
tale récente puisque nous pouvons retracer
son utilisation, déjà experte, jusqu'aux anciens
services secrets tsaristes de l’okhrana, par
exemple. Son usage digital moderne est aussi
complexe que répandu (bonjour kaspersky).
Les entreprises l'utilisent, les agents de l'Etat
l'utilisent et maintenant il est même mis à la
disposition de tout individu connecté au
monde digital et à son réseau obscur (dark
web). La manipulation universelle de l'infor-
mation (dont le spectre va de la création ex ni-
hilo à l'altération ou à l'effacement post facto)
est devenue la norme du monde digital. Aussi
simple à utiliser que photoshop, personne ne
peut y échapper : cela peut impliquer la ma-
nœuvre globale d'agents de l'Etat visant le dis-
crédit et l'élimination éventuelle d’Etats
voyous ou le contrôle de toute tentative de sé-
dition populaire (printemps arabe, multiples
émeutes en chine). Du côté non officielle-
ment belliqueux, la publicité et le marketing
94
ayant utilisé cet outil depuis le début se re-
trouvent très à l'aise avec ses avancées univer-
selles mieux intégrées. Et les individus l'em-
brassent comme un moyen de donner de
l'éclat à leurs propres mini-spectacles et à
leurs tristes pseudo-vies en ligne.
97
14. h a c k é p a r l ' E t a t
101
wisdom) ™
knowledge)
information)
© data)
r
most wanted
AI intelligence
: news straight from the technostructure
// ce dont on ne peut parler : non pas tant parce que c'est inac-
cessible, interdit ou secret que parce que c'est obscure, mysté-
rieux – comme insaisissable
106
15. r e n o u v e a u h u m a n i s t e
108
16. c y b e r c o n s c i e n c e
110
raître, représente un danger existentiel pour
le monde, c’est-à-dire pour la pensée et la
réalité. Les hypothèses dystopiques et uto-
piques (soit une fin technologique catastro-
phique de l'humanité, soit sa dissolution cy-
ber-digitale finale par la fusion) sont l'expres-
sion du même renoncement superficiel au
débat historique sur le choix délibéré de la fin
de l'humanité.
111
geront ainsi au fil du temps, au fur et à me-
sure que d'autres observations et divisions ap-
paraîtront. Le principe anthropique n'atteint
pas la formulation de la réalité comme résul-
tat, même s'il s'en approche par implication,
car si nous ne pouvons concevoir un univers
sans ses observateurs, alors le concept même
d'univers ne peut être que le résultat de ces
observations. L'étape suivante, plus auda-
cieuse, indique que ces observateurs ne voient
pas un là-bas en dur ou un univers donné, ils
voient simplement une variété particulière ou
des groupes de variétés possibles se réalisant.
L'univers sous toutes ses facettes, pour ces ob-
servateurs, est possible, mais il n'est réel que
lorsque j'observe sa fin, lorsque je l'expéri-
mente à travers la destruction de ses pos-
sibles. Ce n'est que lorsque j’observe/expéri-
mente qu'une possibilité particulière est ter-
minée – c'est-à-dire qu'elle a été utilisée, dé-
truite, achevée, réalisée – que je constate :
c'est la réalité. Mais le principe anthropique,
même sous sa forme participative, se dérobe
à ces conclusions plus radicales et continue de
postuler un monde là-bas, peut-être corrélatif
à nous en tant qu'observateurs et peut-être
112
sur mesure pour nous, mais toujours là-bas
dans son indépendance mystique, hors de la
pensée, un donné, son lien flou avec nous en-
core inexpliqué, toujours embourbé dans le
mysticisme. En tant que tel, le principe an-
thropique n'est pas en désaccord avec les
principes fondamentaux de l’idéologie du
biocentrisme, la troisième roue du transhu-
manisme/posthumanisme, postulant que la
vie est au centre de tout et que le monde n'est
qu'un corrélat et une projection de la vie sur
la planète Terre. Poussée jusqu'au bout, cette
idée concorderait aussi avec l'hypothèse dé-
crite ci-dessus. Mais elle choisit de rester dans
le donné incontesté.
113
a commencé et une fusion est notre meilleur
scénario. Toute version sans fusion aura un
conflit : nous asservissons l'IA ou elle nous as-
servit. »
114
talité. Cependant, il a rapidement perdu ses
dents, se divisant en sectes, évoluant de cette
position critique qui changeait la donne jus-
qu’à développer son propre édifice de
croyances scientifiques en une néo-religion.
L'humanisme est devenu la version idéolo-
gique laïque ou la religion cachée de toute la
culture post-renaissance, la Weltanschauung
occidentale dominante, plus ancienne encore
que la révolution française, qui l'a authenti-
fiée. A ce jour, être un humaniste continue
d'impliquer une adhésion non critique à un
ensemble universel de croyances morales,
éthiques et sociales sur la nature, sur l'homme
et sur la nature de l'homme et du monde – un
fonds de commerce pour les éditorialistes et
les écrivains bien pensants, en particulier
lorsqu’ils se retrouvent confrontés à l’ogre
technologique. Cette sinécure philosophique
pose toujours le monde là-bas, hypostasié,
adoucissant le coup en l'appelant nature, ma-
tière vitale ou énergie, tandis que l'homme,
assis en son milieu, paraît toujours de plus en
plus petit tandis que l'univers paraît toujours
de plus en plus grand, plein de devoirs à la
fois sociaux et personnels – voire plein de
115
multivers. De la même manière, utilisant le
même vocable de rationalisme scientifique, le
posthumanisme, le matérialisme critique qui
prétend corriger marx et le transhumanisme
(même le plus récent), loin de comprendre la
réalisation de l'homme comme sa fin, veulent
plutôt devenir des néo-religions, des idéolo-
gies proposant des ensembles de croyances
universelles sur la vie, les humains, la matière
vivante et leur transcendance technologique
vers l'immortalité cyborg. Mais poser la dési-
rabilité de cette transformation et l'appeler
trans- ou post- humaine ne définit ni ne com-
prend aucune humanité différente. L'amélio-
ration technologique ou cyborg des capacités
et/ou du cerveau de l'humain actuel, conçue
pour créer une humanité augmentée, n'est
pas la même chose que la réalisation de l'hu-
manité, mais une autre forme du report indé-
fini de cette réalisation dans un univers uto-
pique ou dystopique dirigé par l'IA. Ce que ni
le transhumanisme ni sa conclusion, le post-
humanisme, ne peuvent cacher, c'est que tous
deux sont également sans fin, également dé-
pourvus de véritable contenu humain.
116
1 7 . le néo-matérialisme inouï
117
Pour bonnet blanc, « le transhumanisme est la
philosophie qui dit que nous pouvons et de-
vrions nous développer à des niveaux supé-
rieurs à la fois physiquement, mentalement et
socialement, en utilisant des méthodes ration-
nelles » ; pour blanc bonnet, « le transhuma-
nisme est l'idée que les nouvelles techniques
vont probablement tellement modifier le
monde d'ici un siècle ou deux que nos des-
cendants ne seront plus “humains” sous de
nombreux aspects. »
118
l'éthique et louent la nécessité d'intégrer une
dimension planétaire plus activement et régu-
lièrement dans les études de la politique mon-
diale, interétatique et étatique. »
121
connaissance. Fatalement, la seule pensée de
la réalité comme résultat leur échappe à ja-
mais.
122
tifiables. Plutôt que de développer les consé-
quences controversées de cette intuition, ils se
séparent en une multitude de développe-
ments et d’hyper-spécialités concernant tel ou
tel aspect singulier de la totalité et, ce faisant,
perdent de vue cette totalité – la malédiction
de toutes les spécialités. On se retrouve ainsi
devant la fragmentation analytique d’une
somme de connaissances et d'hypothèses mê-
lées, mais sans synthèse théorique, ni de lien
crucial à une hypothèse sur la totalité. Ce lien
semble hors de leur portée, soit méthodologi-
quement, soit à dessein, à moins que cela ne
soit pas acceptable dans leurs aventures épis-
témiques ou qu’ils atteignent le point final de
la fatigue historico-heuristique 18. Les nou-
veaux matérialistes (qui se reproduisent com-
me des lapins) poursuivent cette fragmenta-
tion encore plus loin avec leurs cadres d'ana-
124
18. b i o c e n t r i s m e v s .
a n t h r o p o c e n t r i s m e
125
pliqué théologiquement, et que nous ne pou-
vons pas modifier fondamentalement. Ergo :
cede deo.
19. Bien que les grecs aient dit que la croyance est à
la vérité ce que le changement est à l’immuable et à
l’infini.
126
maine semble chose bien difficile à trouver »
s’émerveille le pragmatiste por antonomasia.
Par exemple : si nous acceptons un jour l'hy-
pothèse que l'humanité a une fin, à la fois un
telos, un but et un sens, qui peut être réalisée,
une fin non pas merdique mais historique,
c’est-à-dire quelque chose qui serait notre
œuvre, toutes les autres hypothèses anthro-
pologiques seront effacées comme autant de
poussières et nous serons confrontés aux ri-
gueurs et aux joies d'un débat sur comment
terminer, comment nous accomplir, com-
ment réaliser le sens de l’humanité. Mais cette
hypothèse est bien sûr considérée comme
impossible par la pensée dominante.
127
d) l'illusion sensorielle, réfutée logiquement
depuis longtemps par berkeley, que dès la
naissance tout semble être déjà là et que pour
tous ceux qui restent en vie, en faisant l'expé-
rience de la mort des autres, tout semble res-
ter là aussi. Ce qui est, est, et ce qui n'est pas,
n'est pas, disait parménide. Mais héraclite a
également détruit une telle hypothèse il y a
longtemps : nous sommes et nous ne sommes
pas. La matière et la réalité comme donné ont
été réfutées par berkley. La physique quan-
tique primitive a également atteint cette com-
préhension. Mais à l'intérieur de la bulle
d'illusion du spectacle, l'apparence de conti-
nuité cède à l'illusion de permanence et celle-
ci alimente à son tour le concept dominant
d'éternité, d'immortalité ou d'infini. En fin de
compte, les humains sont divisés entre ceux
qui cherchent à conserver ce qui est et
doivent nier et tenter d'arrêter la vérification
pratique de la fin de toutes choses ; et ceux
qui cherchent ce qui n'est pas en produisant
maintenant les changements qui peuvent être
pratiquement effectués vers un telos défini en
commun. Le parti de la conservation de ce
qui est – le statu quo –, contre le parti de la
128
révolution comme changement essentiel :
c'est le conflit historique définissant nos vies,
le fleuve tumultueux de l'histoire.
129
deux fentes de young et, plus tard, celle des
particules, imaginée par la physique quan-
tique), soutenu par une variété de concepts
non vérifiés ou invérifiables, affaiblit sa
thèse : cela indique toujours quelque chose en
dur et de donné là-bas. Son penchant pour les
sciences dites exactes force le biocentrisme à
nier sa propre hypothèse initiale et à accepter
également comme un donné la réalité subato-
mique qui subsume la théorie ; son quasi-
mysticisme le pousse dans les bras de quelque
infinité secrète de la conscience. Son ordre du
jour est de conserver le conscientocentrisme à
tout prix (la croyance que la conscience est à
l’origine de toute la pensée et même qu’elle la
contiendrait toute). De toute évidence, il ne
réalise pas que nous vivons déjà dans un
monde qui gravite autour de la conscience et
où toute pensée est assimilée à la conscience
– par descartes déjà, au 17ème siècle. Mais,
plus important encore, la vie et la conscience
individuelle ont toutes deux une fin, comme
tout le reste. La question que le biocentrisme
ne peut pas ou choisit peut-être de ne pas
aborder est : allons-nous choisir notre propre
fin ou est-ce que quelque chose d'autre la
130
choisira pour nous (le singleton, une catas-
trophe naturelle, etc.)
131
19. jeux artificiels d'intelligence
132
sûr, donc dans le cerveau, du développement
bio-évolutif de systèmes et sous-systèmes de
plus en plus complexes, produit de milliards
d'années d'évolution lente et irréversible.
Chalmers est un dualiste : il accepte l'évolu-
tion physique des éléments constitutifs de la
conscience, mais ceux-ci échouent à expli-
quer pour lui la vie intérieure, l'existence d'un
je, mystère qu’il nomme le problème difficile de
la conscience : on ne sait pas comment « l'eau
du cerveau se transforme en vin de la
conscience ». Il émet l'hypothèse vague d'une
sorte de proto-panpsychisme (une forme de
conscience distribuée à tout) qui pourrait être
un trait déterminé de l'univers. En revanche,
mon hypothèse est que la conscience est une
forme de la pensée, le moment particulier de
la pensée se reflétant dans une tête, la dyna-
mique particulière par laquelle elle peut se
prendre pour objet. Dennett critique les idées
de chambers comme des résidus de l'ancien
dualisme religieux. Chalmers reproche à den-
net d'expliquer uniquement les fonctions de
la conscience (le problème facile), mais d'en
manquer le cœur. Personne n'ose critiquer
l'hypothèse que je soutiens : forcément, ce se-
133
rait finir par la défendre.
134
penseurs, il n'y a pas d'explication plus pro-
fonde ou plus satisfaisante de ce phénomène
que de l'appeler subjectif (c'est-à-dire n'exis-
tant que dans une tête particulière, tout com-
me la pensée est censée n'exister que dans
une tête à la fois).
135
En soi, l'univers – pour prendre un objet qui
se présente comme manifestement universel –
n'a pas d'en soi, car univers est notre concept,
comme il est à la mode de dire : la seule his-
toire connue de l'univers est celle que nous lui
attribuons – des explications cosmologiques
qui ont changé avec le temps et continueront
de le faire. La réponse courte à cela est que
nous sommes la seule existence connue qui
attribue un en soi à son soi. La conscience de
soi n'est pas du tout un mystère. Elle peut fa-
cilement être définie, une fois pour toutes,
comme :
136
Ce problème est aggravé par le constat que
l'intelligence humaine est plus que la con-
science de soi individuelle ; en d'autres ter-
mes, que cette conscience semble n'être qu'un
moment particulier de quelque chose qui se
passe au niveau de la pensée collective, c’est-
à-dire de la pensée de l’humanité en entier
– ce que j'appelle esprit. A la limite le nom
qu’on lui donne est sans importance. Ainsi, le
« sens humain de la situation » est basé sur
nos objectifs, nos corps et notre culture, il est
fondé dans nos intuitions, attitudes et con-
naissances inconscientes sur le monde. Il ex-
plique que la partie non consciente de nos
connaissances est l'élément le plus important
de notre intelligence et qu'aucune IA ne cap-
turera jamais cette partie symboliquement ; il
pointe aussi les limites de la doxa qui place la
conscience au centre de tout, en tant que so-
leil de l'intelligence humaine et de l'univers
pensant (conscientocentrisme). Au-delà de
cette critique précoce, le mieux semble de ré-
viser radicalement la conception que l’on se
fait de la conscience, de la pensée et de l'esprit
pour espérer débattre d'une formulation sans
précédents de ces phénomènes – un pro-
137
blème dont la plupart des scientifiques ne
souhaitent jamais se préoccuper, à moins
qu'ils ne le craignent. Pour moi, la pensée est
la totalité de l'expérience ou manifestation
humaine, qui est nécessairement universelle
et collective et, avec une égale nécessité, his-
torique. Dans cette perspective, la conscience
de soi n'est que le moment particulier de la
pensée se prenant comme objet, une paille
enfoncée dans l'esprit et en aspirant ce qu'elle
peut, se dissolvant et se résolvant toujours en
lui. L'esprit lui-même est considéré comme la
totalité à accomplir par l'activité humaine.
Ainsi, la conscience de soi, de ce point de vue,
n'est pas infinie, elle a une fin – dont la nature
dépendra entièrement de ce que les humains
choisissent d'atteindre, de la fin qu’ils désirent
vraiment et pour laquelle ils luttent.
138
20. l a f i n d e s f i n s
141
partout la vieille idéologie nationaliste qui
maintenant s'arme contre cette menace et
brandit le spectre de la guerre. Mais ce n'est
qu'un épouvantail. L'apparente résurgence
des Etats-nations (et des formes de chauvi-
nisme qui en découlent) n'est que l'effet se-
condaire négatif de cette guerre ou concur-
rence asymétrique qui est menée aux niveaux
les plus élevés et les plus mondiaux de la di-
plomatie, des cyberattaques ou de la défense :
coups d'Etat financiers, course à l'intelligence
assistée par la technologie, superintelligence,
développement de cryptographies, sanctions
économiques, meurtres approuvés et grand
théâtre de la culture (guerres culturelles est l'eu-
phémisme que l’on attribue à cette lutte spec-
taculaire). Les Etats nationaux doivent s'im-
pliquer précisément parce que ce qui est en
jeu, c'est le caractère mondial de cette compé-
tition, avec les pressions universelles précises
qu'elle engage, l'équivalent contemporain de
la peur que chaque tribu ressent lorsqu'une
catastrophe naturelle est sur le point de la
frapper. Les fonds souverains des Etats-na-
tions et des entreprises multinationales doi-
vent se combiner avec la puissance militaire
142
et l'appareil médiatique pour maximiser la
puissance économique capable de mettre à
genoux d'autres nations moins fortes finan-
cièrement. Ainsi, la peur de la mondialisation
n'est que le spectacle politique des nations
plus fortes vassalisant les plus faibles et les en-
gloutissant jusqu'à ce que seuls les trois ou
quatre acteurs les plus puissants restent de-
bout dans le paysage géopolitique. La méprise
spectaculaire consiste ici à voir la forme sans
saisir son contenu. Mais du point de vue stric-
tement opposé qui est le mien, la mondialisa-
tion est plutôt le mouvement en croissance
exponentielle de l’esprit, le mouvement de la
pensée du genre humain en entier à travers
toutes les frontières précédemment recon-
nues. Ces divisions temporaires – aussi par-
faitement fictives qu’objectives – seront anni-
hilées quand se réalisera la seule division qui
vaille, et que le parti de la subjectivité vaincra
le parti de l’objectivité.
143
de la russie avec l’ukraine, puisqu’il est patent
que :
145
lointaine, la menace de guerre, la guerre
déléguée à l'armée, etc), lequel ne devient un
inconvénient que lorsqu'elle se rapproche
avec ses effets collatéraux en cascade : de la
mort à l'inflation, en passant par les migra-
tions, famines, pénuries, rationnements, gilets
jaunes ; c'est-à-dire lorsqu'elle dévoile le re-
vers de la société, qui est aussi bien le fonde-
ment, la vérité de la vie ordinaire, globale-
ment policée certes, quoique de plus en plus
durement.
147
21. n o u s e t l e s a u t r e s
149
par les crypto-algorithmes de surveillance
globale et quasi absolue qui font déjà partie
intégrante du paysage panoptique quoti-
dien. Il est envisageable qu'une nouvelle gé-
nération de hackers radicalisés puisse déve-
lopper des contre-algorithmes pour lutter
contre cet état de fait, mais la victoire révo-
lutionnaire par ces seuls moyens ennemis
restera impossible
150
tion du règne de la séparation généralisée ;
de l'illusion de la participation, qui est en fait
la création active du statut passif de
chaque spectateur digital ; et de l'illusion de
l'inclusion, qui est en fait l'isolement confir-
mé dans l’infime portion du domaine digi-
tal acheté ou accordé à chaque individu, ce
qui contribue puissamment à accentuer et
à perpétuer la soumission universelle des
pauvres à la méga-machine cyborg
151
WANTED
Alive, or Even Dead
) l'écologie est le cadet de mes soucis, mais bon, les arbres sont des
humains comme les autres, que l'on évite de tuer inutilement. Après, par
principe je suis pas contre tuer quelqu'un si ça se justifie – le pro-
blème c'est donc les arbres qui sont envoyés au pilon, morts pour rien,
au nom de la Culture, pardon, au service de l’industrie culturelle
–amen
la lune est une vérité théorique, qui n'a pas de réalité tant qu'on ne met pas les pieds dessus
. Le sens de la vie
. Technique de l'humanité
1) Finissons l'infini
3) Vérifions la vérité
156
Le possible d'une chose,
le contraire de sa réalisation,
n'est vrai que tant que la chose n'est pas
réalisée.
Ce monde est possible,
mais il n'est pas vrai.
L'humanité est une possibilité,
pas encore une réalité.
Le possible est infini,
la réalité nie le possible :
tout est à réaliser. [3]
157
L'histoire est le milieu des téléologues,
l'urgence et le débat en sont les extrêmes.
La négation de la téléologie est l'aliénation.
[4]
158
la tortue (achille court deux fois plus vite que
la tortue, et part derrière elle ; chaque fois que
la tortue a parcouru une distance, achille ré-
duit l'intervalle de moitié ; et, donc, ne rat-
trape jamais la tortue).
159
« C'est par sa fin que tout commence ». C'est
en effet parce que la totalité a une fin qu'elle a
pu commencer : seul le fait qu'une chose ait
une fin permet qu'elle commence. Mais l'en-
semble du paragraphe est une exhortation
méthodologique – l'accord et le temps du
verbe dans le titre l'indiquent assez – et non,
comme la fausse interprétation laisse en-
tendre qu'il a été compris, une analyse onto-
logique. Il s'agit de montrer qu'une chose est
compréhensible à partir du fait qu'on sait
qu'elle a une fin, et que ce qu'on en découvre
est alors bien différent que ce que permet la
pensée déductive dominante, dans laquelle il
faut aussi compter la dialectique : par la fin de
tout se conçoit le contenu de chaque chose et
c'est pourquoi la pensée extérieure, qui prend
pour objet, a intérêt à commencer par l'idée
que cet objet même a une fin. Il aurait peut-
être été nécessaire de dire, au lieu de « C'est
par sa fin que tout commence », « C'est par
l'idée de sa fin que tout commence à prendre
un sens ». Il aurait peut-être alors été mieux
compris que ce paragraphe porte sur la téléo-
logie, comme il est d'ailleurs résumé au para-
graphe 4 : « La téléologie est la méthode de
160
pensée dont la fin est le commencement. » []
161
par essence d'être vérifiée, et que sa vérifica-
tion la supprime. Commencer par la fin pré-
sente donc l'intérêt de rétablir la spéculation
hors de l'opprobre positiviste en la plongeant
dans l'élément de sa propre insécurité, c'est-à-
dire en projetant enfin fermement de la finir.
Spéculez, spéculez à tour de bras. Ce n'est
donc pas de la nature de la pensée, des choses,
que se conçoit sa fin, ou son infinitude, com-
me s'il s'agissait d'un peut-être, peut-être pas,
d'un qui vivra verra, d'un loisir facultatif
qu'on acquiert après avoir accompli sa tâche,
mais c'est de la fin que se conçoit ce qui est.
162
moderne revêt une importance particulière :
elle est la seule étincelle de ce débat, de cette
urgence, mais l'étincelle seulement. []
163
opposé, le mensonge est parfois considéré
comme une forme de subversion, et le serait
bien davantage encore, si tous les partis prati-
quant le négatif ne s'étaient pas toujours dé-
clarés les meilleurs pourfendeurs de la vérité,
héritage dont le sens semble oublié dans un
passé pré-tactique.
164
putent la morale dominante et sa dissolution.
C'est la vérité de la parole. Si la vérité en tant
que concept s'oppose au possible, la vérité en
tant que parole s'oppose au mensonge. Cette
vérité, contrairement à son concept, est fort
bien connue de tous, puisqu'elle est l'objet de
divers catéchismes, religions, écoles, informa-
tions, polices, justices. Mais, si nos ennemis
continuent de s'en proclamer les défenseurs,
nous continuerons aussi longtemps qu'ils
existent à signaler en quoi cette défense est
hypocrite. D'abord, évidemment, la vérité de
la parole n'est pas indépendante du concept
de vérité. La parole est l'engagement de la
réalisation d'une chose. En ce sens, la vérité
de la parole est le garant du dépassement
dans le débat sur la fin des choses. Sinon, la
vérité de la parole n'a effectivement qu'un
sens de valeur morale, ce qui, dans notre
perspective ayant une fin, n'a aucun sens. Le
mensonge est ainsi toujours une manœuvre
qui vise à retarder et à conserver, en vérité à
gagner du temps contre la vérité, la réalisa-
tion, la suppression de ce dont il est l'engage-
ment qui ne sera pas tenu ou le refus d'enga-
gement. Paradoxalement, car l'apparence in-
165
dique souvent le contraire, le mensonge dans
la parole doit être ainsi considéré comme op-
posé à l'urgence.
166
ture, outre qu'elle n'était pas nécessairement
une fin en soi, appartenait et provenait donc
du surnaturel. Chez kant, puis chez hegel, la
téléologie est ainsi le rapport entre le méca-
nisme borné de la nature et la liberté de la
spiritualité infinie. La position matérialiste,
notamment exprimée par engels, dévoile
(mais limite aussi) la téléologie comme une
conception religieuse, le supranaturel impli-
cite ne pouvant être que Dieu.
167
pensée, et non pas l'inverse. Ceci n'est com-
préhensible, dans notre monde pseudo-maté-
rialiste, que dans la mesure où l'on considère
ce qu'on appelle nature comme fini. Car les
matérialistes considèrent au contraire la na-
ture comme infinie. Et, leur seule modestie,
mais elle est de taille, consiste à se représenter
comme une minuscule partie de cette nature
infinie. Ils opposent à cette nature gigan-
tesque, puisqu'elle va au-delà de leur imagi-
nation, non pas leur pensée, mais la pensée
tout court, où la pensée est une sorte de gaz
qui se dissout aussitôt produit, assurément
rien qui existe dans la nature. Au contraire, la
nature est une forme de la pensée humaine,
et la pensée est quelque chose d'agissant, et
pas seulement dans une tête, mais jusqu'à l'ex-
trémité du temps et des étoiles.
168
mencée il y a cent cinquante ans ; ainsi, la
théorie du « big bang », outre son aspect pué-
ril, est la tentative d'assigner un commence-
ment à quelque chose qui n'aurait pas de fin,
une extrémité inexplicable et d'ailleurs inte-
nable à la nature. La vision du « big bang » est
la vision de la finitude inversée du monde ;
elle est le résultat de la tentative de concilia-
tion d'observateurs qui cherchent à vérifier,
pour le compte d'une idéologie qui le présup-
pose, le matérialisme infini et l'explosion de
pensée humaine qui est ce qu'ils constatent
réellement, mais sans le savoir. Le « big bang »
est la tentative théorique de stopper et de
contrôler cette expansion, de lui assigner une
limite, matérielle, dans les termes mêmes de
l'idéologie matérialiste dominante.
169
•
171
. . . post coïtum
αlpha / On veut immédiatement, dans les grandes surfaces, au prix du paracétamol, une
pilule noire et une pilule gris foncé. Noire : pour tourner la page en moins de
10 secondes. Gris foncé : pour ceux qui veulent s'éteindre paisiblement en une heure ou
deux. Ce n'est pas discutable. C'est le minimum vital relativement à la souveraineté
individuelle ; sans préjuger de la fantaisie des gens à toutes fins utiles.
Ωméga / La fin du monde et la fin du mois, on s'en fout, le con de base il veut vivre
indéfiniment ; ainsi le con de base est un transhumaniste de base : moi-même je veux
vivre indéfiniment, comme tout le monde. Alors, on veut savoir ce qui est réellement
déjà possible et ce qui est envisageable très sérieusement à court, moyen et long termes
(y compris à la marge) ; on ne veut pas et on ne supporterait pas que ça se passe encore
dans le dos de la conscience ; on veut aussi connaître le dosage exact de poudre aux
yeux. Car, quand tout le monde vivra indéfiniment, la question de base, fondamentale,
ne paraîtra plus une incongruité : l'humanité finira-t-elle en beauté, de son propre chef ?
Σigma / Quand on a définit l'alpha et l'oméga on pense que tout est dit ; mais si l'alpha
et l'oméga sont des impératifs, ils ne sont que défensifs. Tandis que sigma est la somme
de tout ce qui est compris d'alpha à oméga, y compris l'alpha et l'oméga donc ; il est
même susceptible de les redéfinir de fond en comble. En somme, sigma est le reste – ce
qui n'est pas écrit.
Vous noterez qu'en ce qui concerne l'alpha et de l'oméga, tout est dit, et que cependant
le suspens reste entier. Mieux, chose admirable, on ne fait que le renforcer en trahissant
ses ressorts – ainsi que cela va être fait sur le mode parabolique :
dans un monde où tout acte vraiment défensif est aussitôt un acte offensif, ceux qui ont
un peu de suite dans les idées auront pressenti à quelles profondeurs atteignent nos
lignes de défense :
se faire lulu.com, cela relève des préliminaires
se faire amazon – simplement pousser l'avantage – c'est juste s'envoyer en l'air
se faire google, c'est the girl next click pour de bon, pour de vrai, à la vie à la mort
(partant du principe que c'est en prenant le contrôle d'un monopole de ce genre que
les gens pourront juger effectivement de l'intérêt et des potentialités d'un tel
monopole ; et que ce n'est pas la pire position pour en détruire tout ou partie)