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Projet de recherche
BOSEY WABI Virginie
1. Titre
Notre recherche s’intitule « Analyse rhétorique du discours de Cicéron contre
Verrès, seconde action, livre IV ».
2. Objectif de la recherche
Le procès Verrès reste une action exemplaire, le modèle des procès de
corruption en politique. Le magistrat romain Verrès en 70 av. J.C, est accusé par
les Siciliens d’abus du pouvoir, de détournement des fonds et des œuvres d’art
pendant les trois ans de sa propréture dans leur ville 1. Cicéron, un jeune avocat,
met tout son talent à défendre les siciliens contre Verrès. L’orateur façonne une
langue saine et colorée, claire et souple, expressive et harmonieuse afin
d’atteindre son objectif. Nous voudrions étudier les genres de style et les figures
rhétoriques de ce discours et apporter à cet effet une contribution à la
connaissance de la langue de Cicéron.
4. Problématique
Lorsqu’il prononce les Verrines, il n’a ni célébrité dans les barreaux,
ni parti politique, encore moins un mentor dans ce domaine. Il n’était même pas
encore un homo novus au sens strict. Il était cependant un homme ambitieux,
avide de la gloire dans ce qu’il entreprenait. Son caractère novice dans la vie
publique nous semble un moteur quant à la quête de ses idéaux. 2 Persuadé par le
rôle majeur que lui conférerait le procès de Verrès sur la scène politique, sur
demande des Siciliens, Cicéron charge impitoyablement Verrès d’avoir ravagé
et dévasté la ville, d’avoir vidé les maisons, d’avoir dépouillé les lieux sacrés de
toutes les œuvres d’art. Il y réfute toutes les pistes de défense soulevées par
l’accusé.
La qualité ou le niveau de son langage devraient jouer un rôle non
négligeable pour persuader son auditoire. D’où cette interrogation en guise de

1
Catherine Salles Cicéron et la corruption à Rome : le procès de Verrès, in mensuel
N°120 1989p.1, url https://www.google.lhistoire-ciceron-et-la-corruption-rome-le-
proces-de-verres.com Consulté le 16 avril 2022
2
Sylvie Pittia, « Usages et mésusages de l’histoire dans les Verrines de Cicéron » in
Cahier des études anciennes, p.1 URL http://books.openedition.org/pur/24829.
Consulté le 10 juin 2022
2

problématique : quel type de style et quelles sont les figures rhétoriques que
Cicéron a utilisées pour embellir son style afin de convaincre les juges ?
5. Hypothèses
La rhétorique comme art, exige un style approprié et adapté au sujet.
Le travail de style ne répond pas seulement au besoin esthétique mais vise à
faire du discours une arme efficace défensive et offensive pour convaincre
l’auditoire3. Sur ce, nous pensons que devant un auditoire trié sur mesure et dans
un procès d’une telle envergure, Cicéron aurait utilisé un style varié, tantôt
élevé, tantôt moyen selon l’effet visé. Les styles seraient ornés des figures et des
tropes qui auraient une portée rhétorique à même de persuader les juges.
6. Méthodologie
Pour réaliser cette recherche, nous procéderons à la lecture
méthodique de l’ouvrage de base qu’est le discours de Cicéron contre Verrès.
Nous lirons avec le même scrupule les livres de théories de la stylistique afin
d’obtenir une base aisée de éléments de notre analyse. Nous prendrons les livres
de Cicéron, celui de Quintilien, de Ch. REGIANI et enfin celui Reboul. Nous
nous servirons de ces théories pour commenter les phrases de notre corpus.
7. Cadre théorique
A la lumière des lectures que nous avons faites jusqu’ici, nous avons
retenu trois grands noms dans la théorisation de l’élocution. Il s’agit de Cicéron,
de Quintilien et de Christelle Reggiani. Nous signalons tout de même qu’il
n’existe aucune contradiction entre ces théoriciens, seulement de
complémentarités.
Pour Cicéron, la noblesse de l’élocution réside dans la clarté, dans le
brillant et enfin dans la convenance et l’accord du style avec le sujet. Une bonne
élocution, ajoute-t-il, repose sur l’ensemble du discours, ce qui signifie que le
discours doit tenir l’auditoire accroché et charmé d’un bout à l’autre 4. Le
discours ne doit en aucun cas perdre son élan dans l’une des parties du discours,
de peur que l’auditoire ne se lasse. Il doit demeurer fort, doux, sensible et
pathétique de telle sorte que la personnalité même de l’orateur ainsi que son
intégrité ne soient pas remises en question. A propos des figures de styles et des
autres formes d’ornement, l’orateur note qu’elles doivent garnir tout le discours
3
REGGIAN Ch., Initiation à la rhétorique, Paris, Hachette, 2009, p 36.
4
CICERON, De Oratore, livre III, texte établi et traduit par E. COURBEAU et Henri
BORNECQUE, Paris, Belles-Lettres, 2002, p. 37
3

et renforcer la rétention de l’auditoire grâce à leur riche variété. Toutefois,


l’auteur du De Oratore souligne que chaque figure de style a un emploi précis
qui correspondrait à l’une ou l’autre des parties de l’oratio 5. 
Pour maintenir l’auditoire accroché au discours, Cicéron préconise
l’usage de l’amplification du style. En effet, celle-ci consiste non seulement à
aggraver ou à relever les objets par les expressions, mais aussi à les amoindrir et
à les rabaisser si nécessaire. Cette gymnastique permet à l’orateur d’atteindre
l’élégance du style6. À l’amplification se greffent les moyens d’ornement du
style. Ceux-ci peuvent porter soit sur les mots isolés soit sur les mots groupés 7.
En ce qui concerne les mots isolés, il en existe trois sortes : les termes propres
déterminés par la nature de l’objet. L’orateur doit éviter les mots triviaux et usés
pour ne prendre que ceux qui sont brillants, pleins et sonores8.
Les métaphores, c’est-à-dire les mots pris au sens figuré, ne seront
d’usage qu’en cas de nécessité et surtout de carence lexicale. En effet, tout objet
qu’on peut prendre en comparaison fournit en même temps un mot qui oudonne
de l’éclat au style. Pour ce faire, l’orateur se méfiera de l’inexactitude de la
comparaison. Elle ne doit pas provenir de trop loin et l’orateur évitera aussi les
mots bas au travers desquels la comparaison porterait négativement l’esprit de
son auditoire. L’objet d’où est issue la métaphore devrait toucher les sens, car il
est plus facile pour l’intelligence de se ressaisir devant un objet déjà connu
plutôt que verser dans ceux dont on a seulement entendu parler9.
Les néologismes sont des mots créés par l’orateur ou bien ceux formés
par la réunion de plusieurs mots10.
A propos des mots groupés, l’art de la rhétorique comprend deux
éléments : l’arrangement puis en quelque sorte le rythme et les tours harmonieux
de la phrase. Les mots doivent être disposés sans heurt et doivent conférer à la
phrase une étroite unité et une ferme cohésion11.
Les mots groupés avec soin donnent au style une certaine harmonie.
Les différents groupements lexicaux et syntaxiques conduisent à l’identification

5
CICERON, De Orat. III, 96-100
6
Ibidem, 104
7
Ibidem, 149
8
Ibidem, 149 -153
9
Ibidem, 155-164S
10
CICERON, De Orat. III, 154
11
Ibidem, 171-172
4

des figures de style ou figures de rhétorique. On trouve ainsi les figures de mots
et celles de pensée12.
Le deuxième auteur ayant parlé de l’élocution est Quintilien. Sans
contredire Cicéron, Quintilien confirme tout simplement que la force de
l’éloquence et par ricochet de l’élocution consiste essentiellement à augmenter
et à atténuer. « L’amplification, écrit-il, se réalise par quatre moyens : le
grossissement, la comparaison, le raisonnement et l’accumulation13. »
Le grossissement est un moyen qui consiste à faire paraître grandes les
choses moins importantes. Il comporte un ou plusieurs degrés et permet de
s’élever à ce qu’il y a de plus fort et même parfois au-delà de ce point. Il ajoute
à ce qui dépasse le superlatif absolu ou il monte par degré, il n’indique pas ce
qui est du point le plus élevé, mais un point plus élevé que tout ce qu’on peut
concevoir. Quelquefois, on apporte un terme de comparaison qui semble
analogue et qui sert à grossir ce que nous devons exagérer.
Par raisonnement, l’amplification est placée dans un endroit et produit
l’effet dans un autre, parce qu’on exagère telle circonstance pour grossir telle
autre et que par le raisonnement on arrive à celle qu’on veut amplifier.
L’amplification par accumulation fait appel au mot ainsi qu’à ses
synonymes, car bien que n’étant pas une gradation ascendante, l’objet reste
augmenté14
Terminons avec Christelle Reggiani qui complète les deux premiers.
Elle parle surtout de la mise en mot ou de l’arrangement pour ne pas dire le
style. Pour elle, la réflexion sur la mise en mots du discours est centrée dans
deux qualités essentielles : la clarté de l’expression et la question d’ornement.
Le travail du style n’est pas qu’un simple embellissement apporté au
discours, mais il désigne l’équipement guerrier de l’orateur. Celui de
l’expression et de la recherche de l’ornement ne sont pas toujours bornés à
l’esthétique : ils veulent faire du discours une arme efficace propre à l’emporter
à la joute oratoire. Il y a trois styles autour de la notion de convenance15. 

12
CICERON, De Orat. III, 199
13
Quintilien, Institution oratoire, III (Livre VII-IX), Traduction nouvelle d’Henri
BORNECQUE, Paris, Garnier Frères, SD, p.195
14
Quintilien, op.cit., 195-207
15
REGGIAN Ch., op.cit., p 36.
5

a. Le principe de convenance : le style doit être varié selon les circonstances,


et adapté au genre du discours, au sujet traité et à la partie du discours
concernée16.
b. Les trois styles : le style simple, clair et proche du langage courant, pour
expliquer : le style moyen, plus travaillé pour plaire et enfin le style
travaillé et orné pour émouvoir17.
c. L’ornement des figures : les figures constituent les moyens essentiels de
l’ornement. Leur fonction n’est pas seulement décorative mais elles
rendent la forme efficace et elles font du discours une arme offensive et
défensive dans les débats oratoires18.
Sur ce, les figures ont leur portée rhétorique, elles sont persuasives et
peuvent être rattachées cependant aux trois types de preuves qui sont les preuves
logiques, éthiques et pathétiques.
- Les preuves logiques arguments que l’orateur formule pour
persuader son auditoire ;
- Les preuves éthiques sont relatives à l’image ou de la personnalité
même de l’orateur. c’est ce que MEYER appelle ethos, c’est-à-
dire, « ce qui, de l’orateur, fit qu’on le croit, qu’on se fie à son
jugement, qu’on accepte ce qu’il dit et qu’on ne remet pas les
réponses 19».
- Par les preuves pathétiques, l’orateur suscite des sentiments, des
émotions auprès de ses auditeurs afin d’être persuasifs 20 ; bref,
« c’est l’auditoire avec ses passions et ses problèmes ».21

16
Ibidem
17
Ibidem, p. 36-39
18
Ibidem p. 41-42
19
MEYER M., (sous la direction de), Histoire de la rhétorique, de Grecs à nos
jours, Paris, Librairie Générale Française, 1999, p. 304
20
REGGIAN Ch., op.cit., p. 8-16
21
MEYER M., op.cit. p. 305
6

BIBLIOGRAPHIE

Cette bibliographie est provisoire. Elle sera enrichie au fur et à mesure que la
rédaction progressera.
OUVRAGES DE BASE

CICERON, In Verrem, actio secunda,


OUVRAGES DE RHETORIQUE
CICERON, De Oratore, livre II, texte établi et traduit par Edmond
COURBEAU, Paris, Belles-Lettres, 1985.
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MEYER M., (sous la direction de), Histoire de la rhétorique, de Grecs à nos
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