Cet ouvrage 
a été publié à l’occasion
de l’exposition de Julian Baron,
Régime Visuel, présentée aux
Rencontres d’Arles dans le cadre
du Prix Découverte, du 6 Juillet au 
20 Septembre 2015.
Cosmos - Arles Books
Magasin Électrique, parc des Ateliers.
Arles, France.
Ceux qui s’insurgent contre la « fiesta » la perçoivent comme un
spectacle rétrograde, éloigné de tout standard esthétique civi-
lisé. Rien ne saurait être plus éloigné de la vérité : les combats
de taureaux que nous connaissons non seulement possèdent
une signification ancestrale liée aux rituels sacrificiels des
cultures, mais, de plus, étaient à l’origine une pratique réservée
à la classe supérieure, et qui fut utilisée au cours du processus
historique de formation des États-nations pendant les Lumières.
Le torero n’est ni un barbare ni un boucher. Il est bien plutôt
l’honorable maître de cérémonie d’un scénario cathartique à
même de donner une cohésion à la communauté et de la nourrir
avec des mythes et des histoires. La tauromachie partage avec
la tragédie grecque la quête d’une œuvre d’art totale, au sein
de laquelle les dimensions sonores, plastiques et poétiques
s’unissent pour produire un même effet ; et dans laquelle la mort
a un effet réel, au-delà de sa seule signification rituelle.
L’« œuvre d’art totale » est l’une des grandes aspirations
modernes, la quête d’une intégrité perdue dans un monde qui
repose avant tout sur le destin et la fragmentation. Cette aspi-
ration ne peut être atteinte que grâce à un État voué à l’organi-
sation de ce Léviathan amorphe, chaque acte de volonté de cet
État étant alors absolu. Cet État se concentre, s’affirme et se
légitime par le biais de représentation grandiose de lui-même
200 exemplaires et de sa nature et fonction primordiale, à savoir la police. La
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GALERIE 2600.ORG
/ 200
notion de « police » fait ici référence à un art du gouvernement
dans lequel ce dernier est capable d’embrasser toutes choses
(la justice, la finance, l’armée), de considérer les individus
comme des créatures vivantes, actives et productives, et de
garantir la splendeur et le pouvoir de l’État grâce au contrôle
des moyens de communication. L’homme et la vie elle-même
deviennent alors l’objet ou la cible de la police.
Ce qui a l’origine n’était qu’une science de l’hygiène
et de la sécurité au sein des communautés a endossé de nos
jours un rôle répressif, non seulement dans les dictatures, mais
également dans les démocraties et les États de droit. Notre
modèle politique opte toujours pour le contrôle centralisé du
travail et la réduction à l’extrême de la citoyenneté. Les foules
auto-organisées ont beau exiger une autre place et une autre
représentation, davantage fondées sur les événements et les
signes au niveau local, l’image finale que l’histoire de cette
« œuvre d’art totale » retient représente toujours la même dé-
bandade folklorique : l’ordre contre le chaos. Dans la Société
du Spectacle, le public souverain est devenu incapable de
reconnaître son rôle dans ce drame.
Luis Navarro
Tauromaquia est un projet de Julian Baron. 
Conception graphique : Eloi Gimeno.