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Annuaire de l’EHESS

Comptes rendus des cours et conférences 


2007
Annuaire 2005-2006

L’interprétation littéraire. Théories et pratiques


Pierre Judet de La Combe

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/annuaire-ehess/18286
ISSN : 2431-8698

Éditeur
EHESS - École des hautes études en sciences sociales

Édition imprimée
Date de publication : 1 janvier 2007
Pagination : 458-460
ISSN : 0398-2025
 

Référence électronique
Pierre Judet de La Combe, « L’interprétation littéraire. Théories et pratiques », Annuaire de l’EHESS [En
ligne],  | 2007, mis en ligne le 15 avril 2015, consulté le 20 mai 2021. URL : http://
journals.openedition.org/annuaire-ehess/18286

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EHESS

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L’interprétation littéraire. Théories et pratiques 1

L’interprétation littéraire. Théories


et pratiques
Pierre Judet de La Combe

Pierre Judet de La Combe, directeur d’études

Interprétations d’un genre parodique : la comédie


grecque ancienne
1 LE but du séminaire était de déterminer le type de validité qu’un genre poétique comme
la comédie pouvait revendiquer dans la culture athénienne du Ve siècle av. J.-C. La
question suppose qu’il existe à la fois des critères socialement partagés sur ce qui fonde
la légitimité et la réussite d’une œuvre poétique et, d’autre part, que cette œuvre
développe une prétention propre, qui la distingue, selon des critères particuliers dont
elle démontre la pertinence par la nature de sa composition. La difficulté est de ne pas
comprendre cette prétention selon les critères propres à d’autres formes de discours.
Héritières historiques de la philosophie, la philologie et l’analyse littéraire et historique
des œuvres poétiques ont eu et ont tendance à soumettre la comédie à des exigences de
type théorique au sens où elles s’attendent à trouver en elle une représentation, par
l’auteur, de « ce qu’est » la vie politique, culturelle ou religieuse à Athènes. Le propos
des séances a été de définir l’activité symbolique déployée par la comédie
d’Aristophane en évitant cette réduction. Nous sommes partis d’une analyse de l’acte
de langage qui, par opposition avec la tradition de l’éloge et avec la tragédie,
caractérise la comédie, à savoir l’injure (sur la base des travaux de Rossella Saetta-
Cottone), qui se distingue de l’éloge en ce qu’elle échappe aux règles de la proposition
(l’Injure étant indifférente à la négation : « x est un non-imbécile » reste injurieux).
Alors qu’elle se présente sous la forme d’un jugement motivé, l’injure fait en réalité
rupture au sein du discours, comme effet de réel immédiat, Irréversible et indiscutable
(à l’injure ne peut s’opposer qu’une autre injure, et non sa réfutation). Ce fait oblige à
analyser la forme comique comme essentiellement discontinue, les injures venant

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L’interprétation littéraire. Théories et pratiques 2

interrompre l’enchaînement des discours scéniques, et cela d’autant plus qu’elle est
souvent adressée à des Athéniens réels. Dans les deux comédies que nous avons lues,
Les Grenouilles et Les Nuées, l’injure s’applique systématiquement à des individus
scéniques qui sont pris dans la réalité, Eschyle, Euripide et Socrate. La comédie prétend
bien par là dire quelque chose sur des êtres existants, et sur le sens de leurs actes, mais
elle le fait dans une construction où l’analyse de leur réalité historique (comme auteurs
tragiques, comme philosophe) excède la représentation de ce qu’ils sont, mais en fait
les porteurs immédiats de significations inattendues qui se condensent sur eux et qui
les magnifient comme êtres invraisemblablement nuisibles ou ridicules. Ainsi, pour Les
Grenouilles, nous avons évité de lire la pièce comme un traité de poétique avant la lettre,
comme si elle proposait ou défendait un concept de la tragédie, et avons tenté de
repérer les motifs de l’analyse comique de la tragédie, comme mise en contradiction
risible entre les intentions prêtées aux deux Tragiques et la réalité de leurs œuvres et
des effets grandioses et destructeurs qu’elles auraient produits à Athènes. Pour Les
Nuées, l’insistance sur la solidarité continue entre le personnage du paysan, Strepsiade,
qui prend les métaphores philosophiques au pied de la lettre, et le Socrate de la pièce,
qui est, paradoxalement, à la fois physicien présocratique et sophiste, nous a sans doute
permis d’échapper à l’une des apories habituelles de la lecture (ce Socrate est-il
historique, inventé, ou seulement typique de l’intellectuel athénien ?), l’éducation
théorique proposée par le philosophe coïncidant avec le souhait du paysan de se mettre
du côté d’un monde contrefactuel (puisqu’il veut annuler ses dettes par la dialectique),
tout comme le langage théorique se définit comme simple échappée, par son écart
constant par rapport au réel visible, dans l’invention de métaphores nouvelles. Dans les
deux pièces, ce sont bien des individus historiques et non des types, qui sont mis en
scène, mais recomposés à partir du fait de leur présence scénique, comme réalité
indépassable et violente. Face à elle, les discours savants, soumis à cette analyse
comique, sont neutralisés. Anne de Crémoux (Université Lille-III) nous a présenté son
interprétation des Acharniens d’Aristophane.
2 Vittorio Citti (Université de Trente, ancien responsable du Doctorat international de
philologie, auquel participe l’École) a présenté les orientations d’un projet d’édition
critique d’Eschyle (Rome, Accademia dei Lincei), en parallèle avec la traduction
commentée, en français, des sept tragédies de cet auteur actuellement réalisée avec
Jean Bollack et plusieurs membres du séminaire (Myrto Gondicas et Rossella Saetta-
Cottone).
3 Cet enseignement entre dans le programme postdoctoral, mis en place par Paolo
Odorico, avec les universités de Cassino, Salamanque, lannina, Budapest.

Publications
• « Strepsiade présocratique. Petites réflexions sur la grandeur de la bêtise dans Les Nuées »,
Dioniso, 5, 2006, p. 54-69.
• « La philologie contre le texte ? Histoire d’un problème : Euripide, Médée, vers 1056-1080 »,
Cahiers du Centre de recherches historiques, 37, avril 2006, p. 89-106.
• « Théâtre, syntaxe, traduction », dans Enseigner le Théâtre à l’École, P. Charvet (éd.), Paris,
publication de la Direction de l’enseignement scolaire du ministère de l’Education nationale,
2006, p. 61-84.
• Avec H. Wismann, « Grammaire et histoire. La question politique de la langue », Universalia,
La politique, les connaissances, la culture en 2005, Paris, Encyclopædia Universalis, 2006, p. 87-91.

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Thèmes : Signes‚ formes‚ représentations

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