"La reconnaissance a la mémoire courte". Ce constat
absolument amer de Benjamin Constant, essayiste français (1767-1830), est sans nul doute pertinent. Ah, si les murailles d’Oujda, de Nador et de Berkane, mais aussi celles de Témara, de Bouznika et de Mohammedia, pouvaient parler !! Elles vous conteraient allègrement la naissance laborieuse et combien douloureuse de l'Algérie indépendante. Elles évoqueraient longuement avec vous la gestation, les avatars et les succès de l’insurrection algérienne face à l'occupation française, à partir du Maroc, avec le soutien quotidien, permanent, total, jamais démenti, des Marocains et de leurs Souverains, feu MOHAMED V et feu HASSAN II. Elles vous rappelleraient des faits et des gestes que beaucoup, à l'Est de nos frontières, font semblant avoir oublié. Il faut commencer par rappeler, à toute fin utile, qu'Ahmed BEN BELLA, Premier Président de la République algérienne indépendante (1963-1965), est d’origine marocaine. Ses parents étaient des petits paysans de la région de Marrakech, de la tribu des Banu Hassan, fraction des Banu Maquil, et lui-même est né à Lalla Maghnia, aux bordures de la frontière algéro-marocaine, au temps de l’Algérie encore française.
Lalla Maghnia, une bourgade par ailleurs tristement
célèbre…..où fut paraphé un sinistre accord …le Traité de Lalla Maghnia, imposé par la France du Roi Louis Philippe au Sultan Moulay Abderrahmane, le 18 mars 1845, au lendemain de la défaite marocaine d’Isly du 14 août 1844......accord qui consacra l’amputation du Maroc d’une partie considérable de sa frange orientale.
Durant la seconde guerre mondiale, Ahmed BEN BELLA a
par ailleurs combattu au sein du 5ème régiment de tirailleurs marocains de la 2ème division d'infanterie marocaine et participé la bataille de Monte Cassino en Italie, au sein de régiments des légendaires goumiers marocains. Né de parents marocains, le premier président de l'Algérie indépendante est devenu algérien par un de ces hasards dont l’histoire seule a le secret. On ne saurait omettre Houari Boumediene, de son vrai nom Mohamed Ben Brahim BOUKHAROUBA, chef d'état- major de l'armée de libération algérienne, l’ALN, puis Président de la République algérienne, après un coup d'Etat fomenté le 19 juin 1965 contre son "ami", Ahmed Ben Bella. Comment en fait oublier l'homme de tous les coups bas, l’assassin de ses compagnons d’armes, le fossoyeur de l'idéal maghrébin. Même le nom qu’il se donna fut "emprunté" au célèbre mystique soufi Sidi Boumediene, saint et savant, dont un sanctuaire à Tlemcen, perpétue la mémoire.
Mohamed BOUKHAROUBA, alias Houari Boumediène,
fut l'homme clé du fameux Clan d'Oujda, organisé sous la direction du Colonel Boussouf, Chef de l’état-major de l’armée des frontières, secondé par quatre hommes, Chrif Belkacem, Kaïd Ahmed, Ahmed Mdeghri et Abdelaziz Bouteflika. Bien avant l’indépendance le Clan d’Oujda fut à l’origine de l’assassinat de Abbas Ramdane au Maroc en 1957 et du Colonel Amirouche en 1957.
Ils étaient tous là, dans le triangle formé par Berkane,
Nador et Oujda, repliés, depuis le début de leur combat en 1954, dans cette frange orientale du Maroc, qui fut la base arrière logistique principale de leur résistance. Et c'est naturellement au Maroc que virent le jour les premiers ateliers de fabrication d'armes de l'ALN algérienne, dans des fermes- usines clandestines implantées à Bouznika, Témara, Souk El- Arba, Skhirat et Mohammedia, au vu et au su de la police marocaine qui "fermait les yeux". Et c'est à partir d'Oujda et de Nador que s'organisèrent les convois d'armes et de munitions qui alimentèrent la résistance de l'intérieur. Durant l'été 1962, le Colonel Boumediene entre en Algérie à partir d’Oujda, à la tête de son "armée des frontières". Ferhat Abbas, l'auteur de "L'indépendance confisquée", écrira plus tard : en "semant des cadavres sur sa route, Boumediene faisait la conquête de l'Algérie. Et il ajouta fort justement : "C'est la seule guerre qu'il fit ".
Houari Boumediene, alias Mohamed BOUKHAROUBA, fit
ensuite systématiquement le vide autour de lui, en commençant par assassiner ses propres compagnons d'armes, Mohamed Khider à Madrid en 1967 et Krim Belkacem à Francfort en 1970, entre tant d'autres, avant de s'atteler à saborder ignoblement l'amitié algéro-marocaine. Abdelaziz BOUTEFLIKA, de son côté, dit Boutef, est né à Oujda, le 2 mars 1937, au numéro 6 de la Rue Nedroma, dans le quartier dit des Algériens. Son père, Ahmed Bouteflika est un tailleur, qui devint mandataire au marché d'Oujda, et sa mère, Mansouriah Ghezlaoui, est la gérante de Hammam Jerda. Il est le premier enfant de sa mère et le second de son père. Il a quatre frères et deux sœurs. Le nom Bouteflika signifie "celui qui fait tout exploser". Bouteflika fait ses premières classes à Sidi Ziane, une école d'Oujda qui a vu passer Meziane Belfkih, Aziz Belal, Ahmed Osman et Allal Sinaceur. Il rejoint ensuite l'Ecole Hassania de scoutisme et poursuit sa scolarité au Lycée Abdelmoumen d'Oujda, de la rue Jakarta. Au lycée, il anime alors la cellule du Parti de l'Istiqlal auquel il a adhéré. Il intégrera plus tard l'armée des frontières et suivra une instruction militaire à l'Ecole des cadres de l'ALN à Dar El Kebdani, entre Oujda et Nador. Mohamed BOUDIAF, paix à son âme, fut l'un des hommes clés de la guerre d'indépendance algérienne. Il entra très tôt en opposition contre les premiers régimes mis en place et s'exila durant près de 28 ans au Maroc, à Kenitra plus exactement, où il gérera une briqueterie. Rappelé en Algérie en 1992 en tant que chef de l'Etat, il est lâchement assassiné à Annaba, par les services algériens, le 29 juin de la même année. Aux sources....de la guerre d'indépendance algérienne, il y donc eut le Maroc et les Marocains. Le Maroc oriental, de Oujda à Berkane en passant par Nador, certes, mais pas seulement ; en fait le Maroc tout entier. Allez comprendre alors comment ceux-là mêmes qui doivent tant à un pays qui a abrité quotidiennement leurs combats, durant des années, sont devenus ses adversaires les plus irréductibles. Comment expliquer cela ? "L'ingratitude, a pu postuler si justement, fort en rhétorique, le français Jean Baptiste Blanchard (1731-1797), est un vice aussi commun qu'il est déshonorant. Comment ne voit-on pas même de ces serpents odieux qui, après avoir reçu les secours et les services d'un bienfaiteur, cherchent à percer le sein qui les a réchauffés !
"Goethe aussi avait sans nul doute raison : "l’ingratitude est
toujours une sorte de faiblesse. Je n’ai jamais vu que les hommes capables se soient montrés ingrats".
L’ingratitude, fort heureusement, grandit ceux qu’elle