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Corticoïdes locaux

Résumé de la fiche
De nombreuses pathologies dermatologiques inflammatoires, dysimmunitaires ou prolifératives sont sensibles aux
dermocorticoïdes. Leur utilisation a révolutionné la prise en charge de dermatoses comme le psoriasis, la dermatite
atopique ou l’eczéma. Leur usage abusif des premières années a conduit à des effets indésirables sévères, en particulier
chez l’enfant, responsables d'une appréhension des prescripteurs et des malades vis à vis de ces médicaments. Cette
"phobie" ressentie par les malades ou leur entourage conduit fréquemment à une mauvaise observance du traitement,
responsable d'échec thérapeutique. Leur utilisation chez l’enfant comme chez l’adulte doit respecter des règles qui
permettent le plus souvent d'éviter les effets indésirables. Les conditions d'utilisation doivent être clairement expliquées au
patient et/ou à son entourage, en s'assurant au cours des consultations successives qu'elles ont été comprises et
respectées.

Item(s) ECN
183 : Hypersensibilités et Allergies cutanéomuqueuses chez l’enfant et l’adulte.

Médicaments existants
L’activité anti-inflammatoire d'un dermocorticoïde dépend

- de la structure chimique de la molécule

- de son affinité pour les récepteurs

- de sa concentration dans le véhicule

- de la nature du véhicule

La classification des dermocorticoïdes est basée d'une part sur le test de vasoconstriction de McKenzie (voir chapitre
« Effets utiles en clinique ») et d'autre part sur les données d’efficacité issues des essais cliniques. Même si elle reste
indicative, cette classification est importante en pratique quotidienne car elle permet de choisir la formulation la plus
appropriée en termes de rapport bénéfice/risque. Elle comporte actuellement 4 niveaux d’activité anti-inflammatoire :

- activité anti-inflammatoire très forte

- activité anti-inflammatoire forte

- activité anti-inflammatoire modérée

- activité anti-inflammatoire faible

En raison de la variété des formes galéniques proposées pour une même molécule et des associations multiples
(antibactériens, antiseptiques, antifongiques, anesthésiques locaux, acide salicylique), il existe en France une centaine de
spécialités contenant des dermocorticoïdes. Les dermocorticoïdes non associés actuellement disponibles en France sont
les suivants :

Activité Dénomination commune Nom de Spécialité Formes galéniques Concentration %


Internationale
Anti-
inflammatoire
Très forte Clobétasol propionate Dermoval® Crème, gel capillaire 0.05
Bétaméthasone Diprolène® Crème, pommade 0.05
dipropionate
Forte Bétaméthasone valérate Betneval® Crème, pommade 0.10

Betneval®Lotion Emulsion
Bétaméthasone valérate Célestoderm® Crème 0.10
Bétaméthasone Diprosone® Crème, pommade, 0.05
dipropionate lotion
Acéponate Efficort® Crème hydrophile, 0.127
d’hydrocortisone
Crème lipophile
Difluprednate Epitopic 0.05%® Crème, gel 0.05
Fluticasone Flixovate® Crème 0.05

Pommade 0.005
Désonide Locatop® Crème 0.10
Hydrocortisone butyrate Locoïd® Crème, crème 0.10
épaisse, émulsion
fluide, lotion,
pommade
Diflucortolone valérate Nérisone® Crème, pommade 0.10

Nérisone®Gras Pommade anhydre


Modérée Bétaméthasone valérate Célestoderm® Relais Crème 0.05
Difluprednate Epitopic 0.02%® Crème 0.02
Désonide Locapred® Crème 0.10
Fluocinolone acétonide Synalar® Solution 0.01
Désonide Tridésonit® Crème 0.05
Fluocortolone Ultralan® Pommade 0.50
base+caproate
Faible Hydrocortisone Aphilan Crème 0.50
Démangeaisons®
Hydrocortisone Biacort® Crème 0.50
Hydrocortisone Hydracort crème® Crème 0.50
Hydrocortisone Dermaspraid® Crème 0.50

Démangeaison Solution
Hydrocortisone Mitocortyl® Crème 0.50

démangeaisons
Hydrocortisone Hydrocortisone Crème 1
Kérapharm®

Mécanismes d’action des différentes molécules


L’action des glucocorticoïdes passe par un récepteur ubiquitaire appartenant à la superfamille des récepteurs aux
stéroïdes, intracellulaires.

Il possède 3 domaines fonctionnels:

       - domaine d'activation du gène (ou de régulation transcriptionnelle),

       - domaine de liaison à l'ADN

       - domaine de liaison au ligand

Il est présent sous forme inactive dans le cytosol, lié à un complexe protéique comprenant la "heat-shock protein" HSP 90
(protéine de choc thermique) et l’immunophiline.

La fraction libre du corticoïde (10 à 20%) est responsable de l'activité pharmacologique : le corticoïde traverse la
membrane cellulaire par diffusion passive pour se lier au récepteur, provocant la dissociation du complexe protéique.
L'ensemble ligand-récepteur migre dans le noyau (translocation nucléaire) (figure 1)
2- Régulation transcriptionnelle

- Action directe sur la transcription

Le complexe hormone-récepteur interagit avec l'ADN au niveau de sites appelés "Glucocorticoids-Responsive-Elements"


(GRE) et exerce une activation de la transcription. Il en résulte une augmentation de production de protéines anti-
inflammatoires comme la lipocortine-1 (ou annexine-1), l’interleukine 10 ou la protéine IkB. Une inhibition de transcription
de certains gènes par régulation négative de la transcription via un site de liaison négatif ou nGRE est également possible
(figure 2).
- Action transcriptionnelle indirecte, par les facteurs de transcription AP-1, NF-kB et NF-IL6 :

Les corticoïdes contrôlent l’expression de multiples gènes de l’inflammation comme ceux de nombreuses cytokines
(activation ou inhibition de leur transcription). Cette action n’est pas liée à l’interaction directe avec un GRE mais passe
par une interaction avec des protéines de régulation transcriptionnelle (facteurs de transcription) comme AP-1, NF-kB et
NF-IL6. Cette interaction constitue le principal mécanisme responsable des effets des glucocorticoïdes. 

- Action sur la structure chromosomique

Les glucocorticoïdes pourraient modifier la structure de la chromatine, réduisant l’accès des facteurs de transcription à
leurs sites de fixation et inhibant l’expression des gènes concernés.

3- Effets non génomiques

Ces effets pourraient expliquer les effets rapides des corticoïdes : actions membranaires, actions post-transcriptionnelles
sur les ARNm, sur les protéines.

Effets utiles en clinique


1- Activité anti-inflammatoire

C’est l’activité la plus utile en clinique. Elle résulte d’actions sur des nombreuses cibles moléculaires et cellulaires:
cytokines, médiateurs de l'inflammation, molécules d'adhésion, cellules sanguines de la lignée blanche, cellules
endothéliales, fibroblastes.

Les dermocorticoïdes ont également des propriétés vasoconstrictrices qui participent à leur effet anti-inflammatoire en
diminuant rapidement l’érythème et l’oedème. Cette propriété de vasoconstriction sert de support au test de McKenzie
mis au point pour comparer sur la peau humaine l'effet vasoconstricteur des différents corticoïdes entre eux (mesure de
l'intensité du blanchiment obtenu après application cutanée sous occlusion).

2- Activité anti-mitotique (ou anti-proliférative)


Les dermocorticoïdes ont une activité anti-proliférative sur tous les composants cellulaires de la peau. Ces propriétés sont
à l'origine d'effets indésirables locaux (atrophie épidermique réversible, dépigmentation, atrophie dermique à l’origine de
vergetures définitives) mais sont aussi utilisées dans un but thérapeutique, par exemple dans les cicatrices chéloïdes
(effet atrophiant dermique recherché).

3- Activité immunosuppressive

Les dermocorticoïdes exercent une activité immunosuppressive locale, utile dans le cadre de pathologies faisant
intervenir le système immunitaire (eczéma par exemple), mais également responsable du risque infectieux associé à une
utilisation prolongée.

Tachyphylaxie

Ce phénomène se traduit par l'apparition d'une tolérance, c'est-à-dire d'une résistance de la dermatose au traitement
après applications prolongées et ininterrompues. Ce phénomène ne concerne pas les effets indésirables qui ont tendance
à s'accentuer.

4- Dermocorticoïdes de « nouvelle génération »

La recherche dans le domaine des dermocorticoïdes s'oriente depuis quelques années vers la production de nouveaux
dérivés qui posséderaient une activité anti-inflammatoire du même ordre que les dérivés plus anciens, mais induisant
moins d'effets indésirables qu'eux (fluticasone, prednicarbate, aceponate de méthylprednisolone, furoate de
mométasone). Les résultats des études in vitro et in vivo sont contradictoires et l’intérêt de ces nouvelles molécules en
termes d’effet indésirable dans le cadre d’utilisation prolongée dans des pathologies dermatologiques chroniques reste à
démontrer.

Pharmacodynamie des effets utiles en clinique


1- Action à l’échelon moléculaire

En modulant la transcription génique, les corticoIdes interfèrent avec la synthèse des médiateurs de l'inflammation. Leurs
effets anti-inflammatoires reposent en particulier sur:

- l'inhibition de synthèse de la cyclo-oxygénase 2, des cytokines et des interleukines.

- l'augmentation de synthèse d'annexine-2, qui a de puissantes proprétés anti-inflammatoires.

2- Action à l'échelon cellulaire

2-1- Cellules sanguines de la lignée blanche

- Macrophages : inhibition de la différentiation, de la myélopoïèse, de l’expression des antigènes HLA de classe II induite


par l’interféron-g, de la production de cytokines, de prostaglandines et de leucotriènes, du chimiotactisme et de la
phagocytose, diminution de l’activité tumoricide, fongicide et bactéricide des macrophages activés

- Polynucléaires neutrophiles : inhibition de leur adhésion aux cellules endothéliales freinant leur afflux sur les lieux de
l’inflammation.

- Polynucléaires éosinophiles, basophiles et mastocytes : inhibition de la libération IgE-dépendante d’histamine et de


leucotriène C4 par les basophiles et de la dégranulation des mastocytes

- Lymphocytes

-          Lymphocytes T : Inhibition de la production, de la prolifération et des fonctions des lymphocytes T helper,
suppresseurs et cytotoxiques avec production préférentielle de cellules de la voie Th2 et inhibition des cellules de la voie
Th1

-          Lymphocytes B (moins sensibles que les lymphocytes T) : inhibition de la prolifération des lymphocytes B, effets
minimes sur les plasmocytes et la sécrétion d’immunoglobulines

2-2- Autres cellules

- Cellules endothéliales : diminution de la perméabilité vasculaire et de l’activation des cellules endothéliales, inhibition
de l’expression des antigènes HLA de classe II, des molécules d’adhésion, diminution de la sécrétion de la fraction C3 et
du facteur B du complément et de la formation d’IL-1, des métabolites de l’acide arachidonique et de la cyclooxygénase 2.
- Fibroblastes : Diminution de la prolifération et de la production de protéines dont le collagène

Posologie
 

Caractéristiques pharmacocinétiques utiles en clinique


Biodisponibilité cutanée

Le corticoïde délivré à partir de la préparation pénètre par voie trans-épidermique et transfolliculaire. La biodisponibilité
cutanée dépend de nombreux facteurs influencent la pénétration cutanée :

Facteurs liés au dermocorticoïde :(molécule, forme galénique)

- Caractéristiques physico-chimiques de la molécule : pénétration favorisée par une forte liposolubilité

- Concentration: augmentation de la pénétration avec l'augmentation de la concentration

- Excipient: pénétration favorisée par un excipient gras (effet occlusif), par le propylène glycol (solubilisant)

- Adjuvants: l'acide salicylique (kératolytique) et l'urée (agent hydratant de la kératine) favorisent la pénétration

Facteurs liés à l’état cutané :

- Altération de l'épiderme: augmentation de la pénétration dans les dermatoses exfoliatrices et inflammatoires.

- Hydratation: meilleure diffusion dans un épiderme hydraté.

- Localisation anatomique: en fonction de l'épaisseur de la couche cornée, principale barrière à la diffusion

- Âge du patient: absorption plus importante chez le sujet âgé et surtout chez le prématuré. Chez l'enfant le problème est
surtout lié à un rapport surface corporelle/poids élevé.

- Température cutanée: augmentation de la pénétration avec l'augmentation de la chaleur locale.

Facteurs liés au mode d'application

- Surface d'application

- Durée du contact

- Occlusion: multiplie l'absorption cutanée par un facteur 10 en augmentant le degré d'hydratation de la couche cornée, la
température locale et le temps de contact.

Effet réservoir

Les dermocorticoïdes ont la capacité de s'accumuler dans la couche cornée pour être relargués ensuite progressivement
vers les couches plus profondes de l'épiderme et le derme. Cela explique qu’une seule application par jour soit suffisante
dans la grande majorité des cas. L'augmentation de la fréquence d'application peut se justifier pour le traitement initial des
dermatoses dans lesquelles l'effet réservoir est diminué voire inexistant, en pratique en cas d'altération de la couche
cornée.

Situations à risque ou déconseillées


Les dermocorticoïdes sont contre-indiqués dans toutes les dermatoses infectieuses et en particulier au cours des
dermatoses virales (herpès, varicelle). Ils sont également contre-indiqués sur des lésions d’acné, de rosacée et
d’érythème fessier.

Contre-Indications 

Hypersensibilité à l'un des produits contenus dans la préparation.

Infections primitives bactériennes, virales, fongiques ou parasitaires

Lésions ulcérées.

Acné, rosacée.
Dermatite périorale

Application sur les paupières (risque de glaucome).

Précautions d’emploi
Choix de l’activité du dermocorticoïde

- Il repose sur le rapport bénéfice/risque du traitement, dépendant du type de l’affection, de la surface et du siège des
lésions à traiter, de l’âge du patient.

- Les dermocorticoïdes d’activité très forte doivent être réservés à un usage spécialisé.

Quantification des dermocorticoïdes

- La durée du traitement et la quantité totale de produit (nombre de tubes par unité de temps) doivent être limitées et
contrôlées.

- Une unité de mesure a été proposée « la phalangette » : quantité de crème sortie d’un tube d’un orifice de 5 mm de
diamètre (= 0,5 g) et déposée sur la dernière phalange d’un index d’adulte, permettant de traiter une surface cutanée
équivalente à la surface de 2 mains d’adulte.

Technique et rythme d’application

 - Le dermocorticoïde doit être étalé en couche fine après le bain ou la douche (matin ou soir) sur une peau encore un peu
humide.

- La technique de l'occlusion est de prescription spécialisée, à réserver aux lésions très épaisses, résistantes, de surface
limitée, aux atteintes des paumes et des plantes et parfois du cuir chevelu. L’application sur les fesses des nourrissons
(sous la couche) ou dans les grands plis reproduit une occlusion naturelle et doit être évitée.

- La posologie initiale est de 1 application par jour, 2 applications n’apportant pas de bénéfice supplémentaire, mais
pouvant augmenter le risque d’effet indésirable.

- La durée du traitement doit être aussi courte que possible. Dans les dermatoses aiguës, le dermocorticoïde peut être
arrêté rapidement. Dans les dermatoses chroniques, l'arrêt doit être lentement progressif en espaçant les applications
pour éviter un rebond de la dermatose.

- En cas de surinfection microbienne d’une dermatose corticosensible, un traitement spécifique doit précéder (sans trop la
retarder) la corticothérapie locale.

Effets indésirables
Ils apparaissent d'autant plus vite et sont d'autant plus marqués que le dermocorticoïde est puissant, surtout en cas
d’utilisation prolongée et/ou sous occlusion.

Effets indésirables locaux

Lorsqu’ils sont utilisés pendant des périodes courtes et sans occlusion, les dermocorticoïdes sont sans effet indésirable
important. L’effet local le plus souvent observé est l’atrophie cutanée au site d’application observée cliniquement lors des
traitements prolongés. L'atrophie du derme, irréversible, ne se voit que dans de rares cas d'utilisation prolongée de
dermocortocoïdes puissants.

Allergie de contact : La sensibilisation aux dermocorticoïdes se voient essentiellement chez des patients ayant des
dermatoses chroniques traités par de multiples dermocorticoïdes. Elle doit être suspectée en cas de résistance au
traitement ou devant un eczéma de contact oedémateux. Devant cette situation, des tests allergologiques adaptés doivent
être demandés Cette sensibilisation peut être due aux excipients, aux produits associés ou aux corticoïdes eux-mêmes. Il
existe une classification spécifique en fonction des réactions croisées entre les différents corticoïdes utilisés par voie
locale.

Effets indésirables systémiques


Des effets systémiques de type hypercorticisme peuvent s’observer après utilisation prolongée (souvent abusive) de
dermocorticoïdes de forte ou très forte activité, sur de grandes surfaces et sur des épidermes altérés ou sous occlusion.
Bien que rapportés chez l'adulte, ils sont surtout à redouter chez l'enfant en raison d'un rapport surface corporelle/poids
plus important que chez l'adulte.

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30 mai 2018 Posté dans: Allergie, médicament du choc (/medicaments/par-specialites/category/allergie-medicament-du-


choc), Dermatologie (/medicaments/par-specialites/category/dermatologie)

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