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Division de l’information, de la documentation et des recherches – DIDR

1er mars 2022

Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux sociaux

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Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux sociaux

Table des matières


1. Cadre juridique ................................................................................................................................ 4
1.1. Relatif à la liberté d’expression................................................................................................ 4
1.2. Relatif à l’utilisation d’Internet .................................................................................................. 5
1.2.1. 2007-2013 : La protection des valeurs familiales et de l'unité nationale ....................... 5
1.2.2. 2013-2016 : Un élargissement de l’application des mesures à d’autres thématiques ... 6
1.2.3. Depuis juillet 2016 : un durcissement des mesures ........................................................ 7
2. Outils des autorités pour encadrer l’utilisation d’Internet ................................................................ 8
2.1. Surveillance des utilisateurs .................................................................................................... 8
2.2. Retrait de contenu, inaccessibilité de certains sites web et coupure Internet ....................... 10
2.3. Trolls et bots .......................................................................................................................... 12
3. La poursuite des utilisateurs pour leurs publications sur les réseaux sociaux.............................. 12
3.1. Des chiffres en augmentation ................................................................................................ 12
3.2. Des poursuites arbitraires...................................................................................................... 13
3.3. Exemples de poursuites ........................................................................................................ 14
3.3.1. Soutien au mouvement guléniste ................................................................................. 14
3.3.2. Soutien à des mouvements de gauche ou protestataires ............................................. 14
3.3.3. Soutien à la cause kurde ou au Parti démocratique des peuples (HDP) ....................... 15
3.3.4. Critiques contre l’intervention militaire de la Turquie en Syrie .................................... 16
3.3.5. Critiques contre l’action du gouvernement .................................................................. 17
Bibliographie .......................................................................................................................................... 21

DIDR – OFPRA

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Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux
sociaux

Résumé : Bien que la Constitution garantisse la liberté d’expression, les publications sur le web font
l’objet d’une législation restrictive depuis 2007 au motif de la protection des valeurs familiales et de
l’unité nationale. En 2013, le gouvernement turc est confronté à plusieurs vagues de contestation sur
les réseaux sociaux, notamment à la suite des manifestations du parc Taksim Gezi à Istanbul en juin,
puis d’un scandale de corruption en décembre. En février 2014, les autorités renforcent l’encadrement
d’Internet par une plus grande surveillance des internautes et une fermeture de sites web sans décision
judiciaire. En juillet 2020, une nouvelle loi sur la réglementation des réseaux sociaux oblige les
entreprises à établir une présence officielle dans le pays et à stocker les données des utilisateurs en
Turquie. En parallèle aux modifications législatives, les autorités multiplient leurs outils pour encadrer
l’utilisation d’Internet : plus grande surveillance des utilisateurs, augmentation des demandes de retrait
de contenu, blocage de sites web, coupure Internet ou encore multiplication des trolls et des bots. Après
la tentative de coup d’Etat de 2016, le gouvernement durcit les mesures de restriction employées et
élargit le type d’incidents pouvant amener à des restrictions. Les poursuites pour des publications sur
les réseaux sociaux sont arbitraires. Une simple approbation (« like ») peut amener à une inculpation,
quel que soit le niveau de visibilité du compte, l’ancienneté de l’action ou sa légalité lors de sa
réalisation. Une surveillance des comptes des personnes à l’étranger est courante. Les poursuites pour
« insulte au président » et « propagande terroriste » en raison des actions sur les réseaux sociaux sont
en augmentation depuis 2014 et l’arrivée de Recep Tayyip Erdoğan à la présidence.

Abstract: Although the Constitution guarantees freedom of expression, web publications have been
subject to restrictive legislation since 2007 on the grounds of protecting family values and national unity.
In 2013, the Turkish government faced several waves of protests on social networks, notably following
the Taksim Gezi Park protests in Istanbul in June and a corruption scandal in December. In February
2014, the authorities tightened the regulation of the Internet by increasing surveillance of Internet users
and closing down websites without a court decision. In July 2020, a new law on the regulation of social
networks obliges companies to establish an official presence in the country and to store user data in
Turkey. In parallel to the legislative changes, the authorities are multiplying their tools to regulate Internet
use: greater surveillance of users, increased requests to remove content, blocking of websites, cutting
off the Internet or even an increase in trolls and bots. After the attempted coup in 2016, the government
is tightening up the restrictive measures used and broadening the type of incidents that can lead to
restrictions. The prosecution of social media posts is arbitrary. A simple "like" can lead to a charge,
regardless of the level of visibility of the account, the age of the action or its legality at the time it was
made. Monitoring of the accounts of individuals abroad is common. Prosecutions for "insulting the
president" and "terrorist propaganda" due to actions on social networks have been on the rise since
2014 and the arrival of Recep Tayyip Erdoğan as president.

Nota : La traduction des sources en langues étrangères est assurée par la DIDR.

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En 2021, selon l’institut de statistiques turc, 92% des ménages dispose d’un accès à Internet 1. Selon
l’étude effectuée par la société turque de conseil et de collecte de données Konda, l’utilisation des
réseaux sociaux est en nette augmentation depuis une décennie. En 2021, 82% des Turcs utilisent les
réseaux sociaux (contre 38% en 2011) : 50% au moins ont un compte Facebook, 27% Twitter et 55%
Instagram 2. En 2020, selon le centre de recherche Institut Reuters pour l'étude du journalisme, 71% des
Turcs utilisent YouTube, 67% Facebook, 67% WhatsApp, 66% Instagram, 44% Twitter et 32%
Facebook Messenger 3. Les réseaux sociaux constituent une source importante d’informations
indépendantes, concurrentes aux médias progouvernementaux 4, et un lieu propice à l’activisme
numérique 5.
Recep Tayyip Erdoğan, Premier ministre de mars 2003 à août 2014 et président de la République
depuis cette date, émet à plusieurs reprises des critiques fortes contre les réseaux sociaux. En juin
2013, à l’occasion des manifestations organisées contre la destruction du parc Taksim Gezi à Istanbul,
qui prennent une dimension nationale et antigouvernementale grâce à la mobilisation sur les réseaux
sociaux, face à l’ampleur de la répression policière, le président qualifie Twitter de « menace pour la
société » 6. Plus récemment, en novembre 2020, il appelle à une action contre « le fascisme
numérique », après la suspension par Twitter de plusieurs comptes de responsables politiques proches
du pouvoir en raison de leur discours haineux envers la communauté LGBTQIA+ 7. En décembre 2021,
Recep Tayyip Erdoğan décrit les réseaux sociaux comme l’une des principales menaces pour la
démocratie 8.

1. Cadre juridique
1.1. Relatif à la liberté d’expression
La Turquie est un Etat partie à la Convention européenne des droits de l’Homme depuis 1954. L’article
10 de cette convention proclame le « droit à la liberté d’expression ». La Turquie est liée par les
décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme 9.
Au niveau national, le paragraphe VIII de la Constitution consacre la « liberté d’expression et de
propagation de la pensée ». L’article 26 précise cependant que « l'exercice de ces libertés peut être
limité dans le but de préserver la sécurité nationale, l'ordre public, la sécurité publique, les
caractéristiques fondamentales de la République et l'intégrité indivisible de l'État du point de vue de son
territoire et de la nation, de prévenir les infractions, de punir les délinquants, d'empêcher la divulgation
des informations qui sont reconnues comme des secrets d'État, de préserver l'honneur et les droits ainsi
que la vie privée et familiale d'autrui et le secret professionnel prévu par la loi, et pour assurer que la
fonction juridictionnelle soit remplie conformément à sa finalité » 10. Plusieurs dispositions du Code pénal
viennent également limiter ce droit. Voici une liste non exhaustive :
Selon l’article 125 du Code pénal, la diffamation est un délit passible d'une amende et d'une peine
d’emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux ans, avec une peine plancher d’une année pour la
diffamation d'un agent public. Selon l’article 299 du Code pénal, l’insulte au Président est passible
d’un à quatre ans d’emprisonnement. Pour ces deux délits, la peine est augmentée d'un sixième
lorsque l'infraction est commise en public 11. Selon différentes organisations non gouvernementales
(ONG) et chercheurs, ces deux accusations sont souvent utilisées comme prétexte pour poursuivre les
personnes critiques à l’égard du gouvernement 12.

1
Turquie, Türkiye Istatistik Kurumu (TÜIK), 26/08/2021, url
2
Les données ici présentées sont calculées à partir des données obtenues auprès d’au moins 2 700 personnes et d’au maximum
33 000 personnes. Konda, 01/02/2022, url
3
Les données ne proviennent pas d’un échantillon représentatif au niveau national. Elles surreprésentent les zones urbaines, et
donc les utilisateurs plus riches et plus connectés. Institut Reuters, 06/2020, p. 85, url
4
Institut Reuters, 06/2020, p. 85, url
5
Freedom House, 2021, url
6
Al Arabiya (source : Associated Press), 02/06/2013, url
7
Lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queers, intersexes et asexuelles. Freedom House, 2021, url
8
Al-Arabiya (source: The Associated Press), 11/12/2021, url ; Sözcü, 26/11/2020, url
9
Conseil de l’Europe, consulté le 16/02/2022, url ; Cour européenne des droits de l’Homme, service presse, 09/2021, url
10
Turquie, 17/03/2011, url
11
Turquie, 15/02/2016, url
12
Freedom House, 2021, url ; YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 10,
url Bilge Yesil est professeure associée de culture médiatique à l’université de Staten Island à New York. Efe Kerem Sözeri est
doctorant à l’université libre d’Amsterdam. Emad Khazraee est professeur-assistant dans le département de communication et

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Selon l’article 314 du Code pénal et l’article 7 de la loi anti-terroriste, la « propagande » pour une
organisation terroriste est passible d’un à cinq ans d’emprisonnement 13. Plusieurs ONG ou
organisations internationales (OI) alertent sur les risques que font planer sur la liberté d’expression la
définition large du terrorisme au sein de la législation. La loi anti-terroriste est ainsi régulièrement
employée par des tribunaux pour poursuivre des journalistes et des universitaires qui critiquent le
gouvernement, sans qu’un lien évident soit établi avec des activités terroristes 14. En 2021, l’ONG
internationale Freedom House note que la loi anti-terroriste s’applique également aux activités en
ligne 15.
Selon l’article 216 du Code pénal, une personne qui incite à la haine ou humilie une partie de la société
risque une peine d’un à trois ans d’emprisonnement. Selon l’article 301 du Code pénal, toute personne
qui humilie la « nation turque, l’Etat de la république de Turquie, la Grande Assemblée nationale turque,
le gouvernement de la République turque et les organes judiciaires de l’Etat » encourt une peine de six
mois à deux ans d’emprisonnement 16.
De juillet 2016 à juillet 2018, l’état d’urgence, entré en vigueur à la suite de la tentative de coup
d'État de 2016, permet au président de gouverner par décret. Par le biais de ces décrets, Recep
Tayyip Erdoğan élargit le pouvoir de surveillance du gouvernement 17 et bouleverse le système
judiciaire, notamment en suspendant une partie du personnel judiciaire, en réduisant les droits des
prévenus et en conférant aux autorités administratives et au pouvoir exécutif des moyens
discrétionnaires 18. Freedom House alerte sur la soumission du pouvoir judiciaire au gouvernement, les
membres de l’organe judiciaire qui se prononcent contre l’avis de l’exécutif risquant leurs carrières 19.
En parallèle, le gouvernement mène des purges massives dans tous les secteurs de la société afin
d’arrêter les supposés membres de la confrérie de Fethullah Gülen, stigmatisée comme « organisation
terroriste » (FETÖ) 20 et accusée d’être à l’origine du coup d’Etat manqué 21. Ce climat favorise
l’autocensure 22.

1.2. Relatif à l’utilisation d’Internet


Dans un article publié en 2017, dans le cadre du projet Internet Policy Observatory de l’université de
Pensylvannie (Etats-Unis) visant à soutenir la recherche sur les régions où la liberté Internet est
menacée, Bilge Yesil, professeure associée de culture médiatique à l’université de Staten Island à New
York et autrice en 2016 du livre « Media in New Turkey: The Origins of an Authoritarian Neoliberal
State », et Efe Kerem Sözeri, doctorant à l’université libre d’Amsterdam et Emad Khazraee, professeur-
assistant dans le département de communication et sciences de l’information de l’université d’Etat du
Kent, établissent quatre grandes périodes dans la réglementation d’Internet en Turquie, découpage ici
repris :
- 1993-2007 : absence de régulation ;
- 2007-2013 : protection des valeurs familiales et de l'unité nationale ;
- 2013-2016 : élargissement de l’application des mesures à d’autres thématiques ;
- Depuis juillet 2016 : durcissement des mesures après la tentative de coup d’Etat 23.

1.2.1. 2007-2013 : La protection des valeurs familiales et de l'unité nationale


En 2007, la loi sur la « réglementation des publications sur Internet et répression des délits
commis au moyen de ces publications » marque le début de la réglementation d’Internet par

sciences de l’information de l’université d’Etat du Kent. Internet Policy Observatory est un projet de l'université de Pennsylvanie.
L'objectif principal du programme est d'approfondir le réservoir de chercheurs et de défenseurs dans les régions où la liberté
Internet est menacée ou restreinte.
13
Turquie, 15/02/2016, url ; Turquie, 2010, url ; Freedom House, 2021, url ; Nations unies, Haut-Commissariat des Nations unies
aux droits de l'Homme, 09/06/2021, url
14
Freedom House, 2021, url ; Nations unies, Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme, 09/06/2021, url
15
Freedom House, 2021, url
16
Turquie, 15/02/2016, url
17
Freedom House, 2021, url
18
DIDR, OFPRA, 17/03/2017, url
19
Freedom House, 2021, url
20
En turc: Fethullahist terror organization
21
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 12-13, url
22
Freedom House, 2021, url
23
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p.6, url

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l’Etat turc. Cette loi a pour objectif de protéger les utilisateurs de contenus illégaux ou
préjudiciables (incitation au suicide, facilitation de l'usage de stupéfiants, pornographie
infantile, obscénité, prostitution, facilitation des jeux d'argent et diffamation de l'héritage
d'Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne) 24. La législation impose aux fournisseurs d'accès à
Internet d'interdire l'accès au contenu illégal dès notification d’une ordonnance judiciaire ou d’un avis
émis par la présidence des télécommunications et de la communication (TIB) 25, institution chargée de
surveiller les contenus publiés sur Internet 26.
En 2011, le Conseil des technologies de l'information et de la communication (BTK) 27 lance le
programme « utilisation sûre d’Internet ». Le BTK souhaitait initialement imposer à tous les
utilisateurs l’installation d’un système de filtrage dans leur ordinateur, système choisi parmi quatre
forfaits (enfant, famille, domestique et standard). Face à la mobilisation de la société civile, le BTK
adapte son programme. L’institution rend le filtrage optionnel et réduit le nombre de filtres à deux
(enfant et famille) 28. Le filtre familial reste obligatoire dans les lieux où Internet est en accès public
comme les cybercafés. Le BTK refuse de fournir une liste complète des sites web bloqués par ces
filtres 29. Le filtre enfant empêche, à titre d’exemple, l'accès à Facebook, YouTube, le journal de la
minorité arménienne Agos et plusieurs sites web défendant la théorie de l'évolution 30. Concernant le
filtre familial, il bloquerait l’accès à 1,5 million de sites web 31.

1.2.2. 2013-2016 : Un élargissement de l’application des mesures à d’autres thématiques


En 2013, selon Bilge Yesil, Efe Kerem Sözeri et Emad Khazraee, les autorités turques sont
confrontées à deux crises de légitimité majeures. En juin 2013, des manifestations sont
organisées contre la destruction du parc Taksim Gezi, à Istanbul. Face à l’importance de la
répression policière, le mouvement s’étend ensuite à toute la Turquie et prend une dimension
antigouvernementale. En décembre, les révélations sur un scandale de corruption massif parmi
des proches du gouvernement ébranle le pouvoir. Ces deux événements trouvent un écho important
sur Internet et plus spécifiquement sur les réseaux sociaux, largement utilisés pour permettre
l’organisation de manifestations. En réponse à la mobilisation de la société civile, le gouvernement
impose de nouvelles restrictions pour lutter contre la menace supposée de l’utilisation d’Internet par les
citoyens 32.
En février 2014, à la suite de ces deux crises, le Parlement modifie la loi sur Internet de 2007.
Grâce à ces amendements, le gouvernement peut désormais ordonner la fermeture de sites web
sans décision judiciaire. Les fournisseurs d’accès à Internet sont aussi contraints de collecter
des informations sur les utilisateurs et de les tenir à disposition du gouvernement. Bilge Yesil,
Efe Kerem Sözeri et Emad Khazraee détaillent ces nouvelles mesures 33 :
« La nouvelle loi autorise la présidence des télécommunications et de la communication (TIB) à émettre
un ordre de blocage sur la base d'une plainte déposée pour violation du droit à la vie privée d'un individu
et à le faire sans obtenir une décision de justice. En vertu de la nouvelle loi, les personnes physiques
et morales peuvent s'adresser directement à la TIB et demander le retrait du contenu illicite. La TIB peut
alors exiger des fournisseurs d'accès à Internet qu'ils retirent le contenu incriminé dans un délai de
quatre heures. La nouvelle loi permet également un système de blocage basé sur les localisateurs
uniformes de ressources (URL) 34, ce qui rend possible le blocage de messages individuels ou de tous
les messages d'un utilisateur de réseaux sociaux spécifique. Si le site web incriminé est hébergé dans
le pays, il peut être retiré par la TIB ; s'il est hébergé à l'étranger, le contenu peut être bloqué et filtré
par les fournisseurs d’accès à Internet. La nouvelle loi donne également au président de la TIB le pouvoir
de bloquer des URL sans qu'aucune plainte n'ait été déposée. Une autre disposition controversée

24
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p.5, url ; Freedom House, 2021,
url
25
En turc : Telekomunikasyon Iletisim Baskanligi
26
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p.5, url
27
En turc: Bilgi Teknolojileri ve İletişim Kurumu
28
Freedom House, 24/09/2012, url
29
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p.6, url ; Kame (blog sur la
protection des données personnes et la censure sur Internet), 20/09/2015, url
30
JONES Dorian, VOA News, 22/12/2011, url
31
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p.6, url ; Kame, 20/09/2015, url
32
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p.7, url
33
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p.7-8, url
34
En anglais: uniform resource locator

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exigeait des fournisseurs d’accès à internet qu'ils collectent des données sur les activités des utilisateurs
pendant une période pouvant aller jusqu'à deux ans et qu'ils fournissent ces données aux autorités sur
demande » 35.
En parallèle, le Parlement modifie la loi sur les services de renseignement et étend ainsi la
surveillance des utilisateurs en ligne. L'amendement donne à l'organisation nationale du
renseignement (MIT) 36 un accès sans entrave aux "informations, documents, données ou
enregistrements en ligne et hors ligne des institutions publiques, des institutions financières et des
entités avec ou sans personnalité juridique". En pratique, la nouvelle loi permet au MIT d'obtenir les
données personnelles des citoyens auprès de n'importe quelle institution publique ou privée
(banques, écoles, hôpitaux, fournisseurs d'accès à Internet) sans ordonnance judiciaire. En
outre, la fuite et la publication d'informations officielles secrètes sont désormais passibles d'une peine
d’emprisonnement pouvant aller jusqu'à neuf ans 37.

1.2.3. Depuis juillet 2016 : un durcissement des mesures


Les décrets-lois pouvant être adoptés dans le cadre de l’état d’urgence sont normalement limités aux
questions liées au coup d’Etat. Cependant, Bilge Yesil, Efe Kerem Sözeri et Emad Khazraee notent que
l’adoption de certains décrets-lois entraînent une « surveillance numérique des utilisateurs » 38 :
- Le décret-loi 670 permet l'interception des communications numériques de tous les
utilisateurs dans le cadre des enquêtes liées au coup d'État et la collecte de données
privées auprès des institutions de l'État et des entreprises privées 39 ;
- Le décret-loi 671 modifie la loi sur les communications numériques. Les nouveaux
amendements obligent les fournisseurs de télécommunications à exécuter les ordres du
gouvernement dans les deux heures suivant leur réception. Ils permettent également au
Conseil des technologies de l'information et de la communication (BTK) de prendre le
contrôle de toute entreprise privée de communications numériques, afin de maintenir « la
sécurité nationale et l'ordre public, prévenir la criminalité, protéger la santé et la moralité
publiques, ou protéger les droits et libertés » des citoyens 40 ;
- Le décret-loi 680 modifie le code de conduite de la police et permet au département de la
cybercriminalité de collecter et d'intercepter le trafic Internet dans le cadre de toute enquête
liée à la cybercriminalité, et d'obtenir des informations personnelles auprès des fournisseurs
d'accès à Internet sans décision de justice 41 ;
- Un autre décret-loi acte la fermeture du TIB sous prétexte d’infiltration de l’institution par les
gulénistes. Ses attributions sont transférées au BTK, qui opère sous l'égide du ministère
des Transports, des Affaires maritimes et des Communications, et dont le personnel est
nommé par le gouvernement 42.

En mai 2020, Fahrettin Altun, responsable des médias et de la communication au sein de la présidence
de la République turque, publie des « directives pour les réseaux sociaux » et rappelle aux utilisateurs
de ces réseaux qu'ils seraient tenus pour responsables s'ils approuvaient ou partageaient une
publication perçue comme illégale ou diffamatoire 43. Au cours du même mois, Mahir Ünal, vice-président
du Parti de la justice et du développement (AKP 44, islamo-conservateur, au pouvoir depuis 2002) chargé
de la publicité et des relations avec les médias, crée une initiative qui permet de distinguer sur les
réseaux sociaux les « utilisateurs éthiques » et les « utilisateurs nationaux » grâce à l’ajout d’un point

35
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p.7-8, url
36
En turc : Milli İstihbarat Teşkilatı
37
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p.7-8, url
38
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 13, url
39
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 13, url
40
Freedom House, 2021, url ; YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 13,
url
41
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 13, url
42
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 13, url
43
Freedom House, 2021, url ; ALTUNCU Özgür (entretien avec le directeur des communications de la présidence turque, Fahrettin
Altun), Hürriyet, 29/05/2020, url
44
En turc : Adalet ve Kalkınma Partisi

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vert ou d’un drapeau turc à côté de leur nom d’utilisateur. La majorité des profils mis en avant avec cette
pratique sont des utilisateurs partageant des contenus progouvernementaux 45.
En juillet 2020, une nouvelle loi sur la réglementation des réseaux sociaux oblige les entreprises
de réseaux sociaux comptant plus d'un million d'utilisateurs quotidiens à établir une présence
officielle dans le pays en ouvrant un bureau ou en désignant un représentant sur place qui soit
responsable devant les autorités turques, tant sur le plan juridique que fiscal. Les entreprises
sont également tenues de stocker les données des utilisateurs en Turquie, exigence soulevant
des inquiétudes sur le respect de la vie privée des utilisateurs. En outre, les entreprises doivent se
conformer aux ordres de retrait de contenu émanant de particuliers dans un délai de 48 heures, et de
tribunaux dans un délai de 24 heures, sous peine de lourdes amendes. Dans la pratique, la grande
majorité des ordres de blocage sont émis par le BTK, et une minorité par les tribunaux. Les procédures
entourant les décisions de blocage sont opaques, ce qui crée des difficultés importantes pour ceux qui
cherchent à faire appel 46. En cas de non-respect de la loi, l’entreprise est passible d'amendes élevées
(jusqu’à 40 millions de livres turques, soit environ 2,6 millions d’euros 47), de l’interdiction d’émettre de
la publicité ou encore d’une réduction de la bande passante jusqu'à 90% 48. Après avoir été soumis à
une amende de 10 millions de livres turques (soit environ 645 000 euros actuels), YouTube, Facebook
et Twitter ouvrent des bureaux locaux, en décembre 2020, janvier et mars 2021 respectivement 49.
D’après l’agence gouvernementale des Etats-Unis Bureau de la démocratie, des droits de l'Homme et
du travail, les opposants à la loi ont affirmé « qu'elle était destinée à faire taire les dissidents et à
étouffer l'expression en ligne » 50.
Depuis juin 2021, les sociétés de réseaux sociaux doivent publier sur leurs sites web des statistiques
sur le retrait de contenu de leurs plateformes 51.
En 2021, Freedom House note qu’« il n'existe pas de lois qui criminalisent spécifiquement les activités
en ligne telles que la publication d'opinions, le téléchargement d'informations, l'envoi de courriels ou de
messages texte » 52.
Dans le contexte des importants feux de forêts en Turquie à l’été 2021 et d’une vague de tweet
« HelpTurkey » partagé par les internautes devant l’incapacité de l’Etat turc à contenir les
incendies 53, le gouvernement « fait part de son intention » de renforcer les restrictions sur les
réseaux sociaux en faisant de la "désinformation" via les réseaux sociaux, un délit passible de
deux à cinq ans d’emprisonnement. A la date de la présente note, aucune modification juridique
n’a été mise en place en ce sens 54.

2. Outils des autorités pour encadrer l’utilisation d’Internet


2.1. Surveillance des utilisateurs
Selon l’ONG Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), depuis plusieurs années, la police
turque renforce considérablement ses capacités de lutte contre la cybercriminalité 55. Ainsi, entre
2011 et 2014, la police nationale turque utilise des « outils et des services d'intrusion en ligne » fournis
par la société de surveillance italienne Hacking Team 56. De même, Turk Telekom, le plus important

45
Freedom House, 2021, url ; Dokuz8 haber, 18/05/2020, url
46
Les juges peuvent émettre des ordonnances de blocage pendant les enquêtes préliminaires ainsi que pendant les procès. Le
raisonnement qui sous-tend les décisions de justice n'est pas fourni dans les avis de blocage. Par conséquent, les propriétaires
de sites ont du mal à déterminer pourquoi leur site a été bloqué et quel tribunal a rendu l'ordonnance. Le mandat du BTK comprend
l'exécution des ordonnances judiciaires de blocage, mais il peut également émettre des ordonnances administratives pour les
sites web étrangers, les contenus impliquant des abus sexuels sur des enfants et l'obscénité. En outre, dans certains cas, il
demande avec succès aux fournisseurs d’accès à internet de retirer les éléments incriminés de leurs serveurs, afin d'éviter
d'émettre une ordonnance de blocage qui aurait des répercussions sur l'ensemble du site web.
47
Taux de change en février 2022, InforEuro.
48
Al-Arabiya (source: The Associated Press), 11/12/2021, url ; Etats-Unis, Bureau of democracy, human rights and labor, 2020,
url ; Freedom House, 2021, url
49
Freedom House, 2021, url
50
Etats-Unis, Bureau of democracy, human rights and labor, 2020, url
51
Etats-Unis, Bureau of democracy, human rights and labor, 2020, url
52
Freedom House, 2021, url
53
Le Parisien, 08/08/2021, url
54
Human Rights Watch, 2021, url
55
OSAR, 05/12/2018, url
56
KEREM SOZERI Efe, Daily Dot, 07/07/2015, url

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8 01/03/2022
Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux
sociaux

fournisseur d’accès à Internet au sein du pays, se procure 57 des outils d’inspection approfondie des
paquets (DPI) 58 auprès de Procera Networks, une société basée aux États-Unis dont la technologie
aide les opérateurs télécoms à gérer le trafic Internet. Normalement inoffensive quant au respect de la
vie privée des utilisateurs d’Internet, la DPI peut aider à découvrir des logiciels malveillants ou à
acheminer des données plus efficacement. Cependant Turk Telekom a également demandé à
pouvoir accéder à l’adresse Internet Protocol (IP) 59 des internautes, aux sites qu'ils avaient
visités et à leur date de visite ainsi qu’à leurs noms d'utilisateur et leurs mots de passe pour les
sites web non cryptés 60. En parallèle, le gouvernement se dote d’une « unité de surveillance des
réseaux sociaux » 61 et d’une unité de surveillance contre « les insultes à l’encontre des autorités
publiques » 62. La date exacte de création de ces unités n’est pas indiquée dans les sources consultées.
Les autorités turques mettent en place une surveillance de certains utilisateurs des réseaux
sociaux 63. Selon Efe Kerem Sözeri, cité par le quotidien suisse Neue Zürcher Zeitung (NZZ), les
autorités turques utilisent des moyens techniques, notamment des algorithmes, afin d’identifier
le contenu suspect sur les réseaux sociaux. Toutefois, en raison de la grande quantité de
données, les enquêteurs se concentrent sur les comptes les plus suivis, ciblant ainsi souvent
les journalistes ou les politiques. Le chercheur note cependant qu’ « en raison des
dénonciations, il est en principe possible pour toute personne de se trouver dans le viseur des
autorités turques » 64. Pour dénoncer un compte ou une publication, les citoyens peuvent notamment
s’appuyer sur l’application pour smartphone et la page web lancée en décembre 2016 par la police
nationale, permettant aux utilisateurs de signaler les publications sur les réseaux sociaux qu'ils
considèrent comme de la propagande terroriste. La police encourage les citoyens à partager toutes les
informations disponibles concernant le contenu préjudiciable, l'utilisateur, et à prendre une capture
d'écran du contenu au cas où il serait supprimé 65. Les citoyens turcs résidant à l’étranger peuvent
aussi faire l’objet d’une surveillance de leurs comptes sur les réseaux sociaux. En janvier 2021,
Seyit Sönmez, avocat membre de l’Association du barreau d’Istanbul déclare que, sur une période non
précisée, plusieurs milliers de citoyens turcs vivant à l’étranger, pour la plupart titulaires d’une double
nationalité, ont été mis en détention, expulsés ou se sont vu refuser l’entrée du territoire pour des
messages postés sur les réseaux sociaux considérés par les autorités turques comme contenant de la
propagande terroriste, des insultes envers le président de la République ou des incitations à la
violence 66. Il ajoute qu’une unité spéciale des services gouvernementaux turcs est chargée de surveiller
les échanges des expatriés turcs sur les réseaux sociaux et qu’elle reçoit de nombreuses
dénonciations 67.
Certains comptes sur les réseaux sociaux font l’objet de piratage 68. A titre d’exemple, en janvier
2020, le journaliste Kenan Kırkaya, détenu pour promotion du terrorisme en raison de ses activités sur
les réseaux sociaux, rapporte que son compte Facebook a été piraté. Il assure qu’il n’est pas l’auteur
des publications qui font l’objet d’une enquête puisqu’elles ont été publiés alors qu’il était déjà incarcéré,
et donc sans accès aux réseaux sociaux 69. De même, en mars 2020, le compte Twitter du journaliste
Ayşenur Arslan est piraté, empêchant ce dernier d’y accéder 70. En août 2020, après qu’une femme a
publié une vidéo sur Instagram montrant la police faisant preuve d'une violence excessive pour faire
respecter le port du masque pendant la pandémie de Covid-19, son compte est piraté par un inconnu, ;le

57
par le biais de l’entreprise Sekom, spécialiste des réseaux basés à Ankara
58
En anglais: deep packet inspection
59
L’adresse IP est un numéro unique assigné à chaque appareil permettant son identification sur Internet.
60
BREWTSER Thomas, Forbes, 25/10/2016, url
61
Cumhuriyet, 14/01/2017, url
62
Neue Zürcher Zeitung (NZZ, quotidien suisse), 01/11/2018, url ; OSAR, 05/12/2018, url
63
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 10, url
64
NZZ, 01/11/2018, url ; OSAR, 05/12/2018, url
65
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 16-17, url ; MERKEZI Haber,
Yeni Safak, 23/12/2016, url
66
Freedom House, 2021, url ; ERDEM Ali Kemal, Independent Türkçe, 05/01/2021, url ; Stockholm Center for Freedom,
07/01/2021, url
67
ERDEM Ali Kemal, Independent Türkçe, 05/01/2021, url ; Stockholm Center for Freedom, 07/01/2021, url Consulter également:
Bureau européen d’appui pour l’asile (EASO), 26/08/2019, url
68
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 10, url ; Freedom House, 2021,
url
69
Evrensel, 23/01/2020, url
70
Freedom House, 2021, url

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Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux sociaux

pirate partage ses informations privées en ligne, notamment l'adresse de son domicile, appelle à
l’agresser sexuellement et à la lyncher et ajoute des messages de soutien à la police 71.

2.2. Retrait de contenu, inaccessibilité de certains sites web et coupure Internet


Selon Bilge Yesil, Efe Kerem Sözeri et Emad Khazraee, la Turquie se classe parmi les pays où les
demandes de suppression de compte ou de publication sur Facebook, Google et Twitter sont
les plus nombreuses 72. Le plus souvent, les plateformes de réseaux sociaux se conforment aux
demandes des autorités turques afin d’éviter une interdiction totale, la perte d'utilisateurs et de
revenus publicitaires 73. Bilge Yesil, Efe Kerem Sözeri et Emad Khazraee présentent différents cas de
figure 74. A titre d’exemple, depuis mars 2014, Twitter bloque certains utilisateurs ou tweets afin qu’ils
ne soient pas visibles en Turquie 75. De son côté, Facebook ferme à plusieurs reprises des pages de
politiciens et de journaux kurdes, des pages d'intérêt général sur la musique et la culture kurdes et des
pages au contenu pro-kurde sur la base de "plaintes de la communauté" 76. En avril 2014, un tribunal
d'Istanbul demande à Twitter, YouTube et Facebook de retirer les images d'un procureur menacé par
une arme, arguant qu’elles contribuaient à "diffuser de la propagande terroriste". Facebook se conforme
à la décision du tribunal, retire lesdites images avant la date limite et évite ainsi l'interdiction. Twitter et
YouTube sont indisponibles pendant plusieurs heures et décident finalement eux aussi de retirer les
images 77. Entre juin 2020 et mai 2021, Freedom House recense 84 comptes sur les réseaux sociaux,
gérés par des militants, des ONG, des plateformes d'information indépendantes, des journalistes, des
hommes politiques et des partis politiques suspendus ou restreints ; la plupart retrouvent ensuite l'accès
à leurs comptes 78. A titre d’exemple, en septembre 2020, le compte YouTube de Tele1, un organe
d'information qui partage fréquemment des contenus critiquant le gouvernement, est suspendu sans
explication 79.
Depuis 2013, les autorités multiplient les blocages des réseaux sociaux, les rendant
inaccessibles 80. A titre d’exemple, des sites de rencontres et de réseaux sociaux destinés à la
communauté homosexuelle sont confrontés à des blocages : depuis 2013, le site et l'application de
rencontres Grindr ; depuis août 2020, le réseau social Hornet et en septembre 2020, le site de
rencontres Gabile.com 81. Certains blocages peuvent aussi être mis en place de manière temporaire. En
mars 2014, la TIB bloque l'accès à Twitter en invoquant une décision de justice fondée sur des plaintes
pour atteinte à la vie privée qui avaient été déposées par des internautes. Cependant selon Zeynep
Tufekci, sociologue spécialiste de l’impact des technologies de l’information et de la communication,
l'interdiction était en réalité motivée par le besoin de l'AKP de limiter la diffusion de nouvelles et
d'informations critiques avant les élections locales devant se dérouler à la fin du mois 82. Pour Bilge
Yesil, Efe Kerem Sözeri et Emad Khazraee, après la tentative de coup d’Etat de 2016, les autorités
turques modifient leur encadrement d’Internet. Les chercheurs notent ainsi une évolution des
types de mesures. Avant juillet 2016, les autorités se concentraient sur l’étranglement des
réseaux sociaux. Après juillet 2016, cette pratique est complétée par le blocage des cloud, des
extensions réseau privé virtuel (VPN) 83 et de l'accès à Tor 84. En parallèle à cette évolution, on
assiste également à un élargissement des types d’incidents pouvant amener à de telles
restrictions. Avant juillet 2016, ces mesures étaient déclenchées lors d’incidents liés à la sécurité

71
Sözcü, 24/08/2020, url ; Freedom House, 2021, url
72
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 8, url
73
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 9, url ; Freedom House, 2021,
url
74
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 9, url
75
Twitter, blog, 26/03/2014, url
76
Freedom House, 27/08/2014, url
77
PEKER Emre et SCHECHNER Sam, The Wall Street Journal, 06/04/2015, url
78
Freedom House, 2021, url
79
Tele 1, 02/10/2020, url
80
Cette pratique existait avant 2013. A titre d’exemple, You Tube est resté inaccessible entre 2008 et 2010. YESIL Bilge, KEREM
SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 6-8, url
81
Etats-Unis, Bureau of democracy, human rights and labor, 2020, url
82
TUFEKCI Zeynep (sociologue spécialiste de l’impact des technologies de l’information et de la communication), Medium,
24/03/2014, url
83
En anglais : virtual private network
84
Tor est l’acronyme de « The Onion Router » (le routeur en oignon). « Tor est un réseau multi-proxy qui ne repose pas sur des
serveurs proxy spécifiques pour traiter les données. A la place, il utilise les connexions d’une multitude d’autres utilisateurs de
Tor afin de masquer l’IP de l’utilisateur original ». L’utilisation de Tor permet de masquer les adresses IP des utilisateurs et de
contourner les restrictions géographiques. Le Big Data, 25/12/2021, url

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10 01/03/2022
Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux
sociaux

(comme à titre d’exemple le lancement d’opérations militaires). Depuis la tentative de coup


d’Etat, elles peuvent dorénavant être également déployées pour limiter d’éventuelles
protestations civiles. A titre d’exemple, en octobre 2016, en réponse à la fuite d’archives de courriers
électroniques de Berak Albayrak, ministre de l'Energie et des Ressources naturelles et gendre de Recep
Tayyip Erdoğan, le gouvernement bloque l'accès aux services de drive (Google Drive, DropBox,
Microsoft One Drive) et au service web d'hébergement et de gestion de développement de logiciels
GitHub. Ces courriers électroniques dévoilaient les relations entre l'AKP, les milieux d'affaires et les
médias, ainsi que des détails sur la vie privée de Berak Albayrak 85. Le 4 novembre 2016, après
l’arrestation de onze députés du Parti démocratique des peuples (HDP) 86 pro-kurde, le gouvernement
met en place un blocage national de Twitter, Facebook, YouTube et WhatsApp. C’est la première fois
qu'un service de messagerie instantanée est restreint 87. Plus récemment, le 27 février 2020,
concomitamment à des frappes aériennes turques dans le nord de la Syrie, l’accès aux réseaux sociaux
est bloqué durant seize heures 88.
Bilge Yesil, Efe Kerem Sözeri et Emad Khazraee partagent également plusieurs exemples de
coupures Internet localisées mises en place par les autorités depuis 2016 pour empêcher la
société civile de se mobiliser en temps de crise. Ainsi, selon eux, la première coupure Internet
intervient en septembre 2016, lorsque les maires élus de plusieurs villes à majorité kurde sont démis
de leurs fonctions en vertu des décisions relatives à l'état d'urgence. La coupure, effectuée par la BTK,
est localisée dans dix villes. En octobre 2016, lorsque les co-maires de Diyarbakır, ville du sud-est de
la Turquie symbolique pour la communauté kurde, sont arrêtés pour terrorisme, Internet est coupé entre
deux et cinq jours dans le Sud-est du pays 89.
Bilge Yesil, Efe Kerem Sözeri et Emad Khazraee relèvent qu’entre 2013 et 2016, les autorités
commencent à utiliser de nouveaux outils pour contrôler Internet : l’étranglement de la bande
passante et l’empoisonnement du cache Domain Name System (DNS, ou usurpation de cache
DNS) 90.
L’étranglement de la bande passante consiste à ralentir intentionnellement le service Internet au niveau
du fournisseur d’accès. Ainsi, le gouvernement a bloqué les URL (y compris de sites d’information) et a
étranglé des plateformes de réseaux sociaux lors d'événements politiques majeurs et de crises
sécuritaires afin de supprimer les reportages critiques et d'empêcher les citoyens de se mobiliser. A titre
d’exemple, le 15 juillet 2016, la nuit de la tentative de coup d'État, la bande passante des réseaux
sociaux est étranglée. Cette décision est cependant rapidement annulée afin de permettre la diffusion
de l'appel du président Erdoğan à ses partisans à descendre dans la rue et résister au coup d'État 91.
L’empoissonnement du cache DNS consiste à rediriger les utilisateurs vers des adresses IP incorrectes
sans que ces derniers ne s’en rendent compte 92. Ainsi, en mars 2014, Turk Telecom détourne les
demandes adressées aux serveurs des DNS les plus populaires à l'extérieur du pays, dont Google, afin
que ces demandes soient acheminées vers un serveur du réseau de Turk Telekom où l’accès à Twitter
et YouTube est bloqué. En d’autres termes, « toute personne se trouvant en Turquie et tentant d'utiliser
le DNS Google ou un service similaire pour accéder à Twitter ou YouTube sera dirigée vers un serveur
DNS gouvernemental où ces services sont bloqués ». De plus, les adresses IP des appareils essayant
d’atteindre Twitter et YouTube à l’aide de DNS étrangers sont enregistrés par le gouvernement. Les
autorités ont décidé de bloquer Twitter et YouTube à la suite de partages sur ces services
d'enregistrements audio présumés de responsables gouvernementaux, dont Recep Tayyip Erdoğan,
alors Premier ministre. Les enregistrements litigieux comprenaient une conversation téléphonique
présumée entre Recep Tayyip Erdoğan et son fils Bilal, discutant de la manière de dissimuler ou de se
débarrasser d'importantes sommes d'argent dans le cadre d'enquêtes de corruption en cours, ainsi
qu'une réunion de hauts fonctionnaires discutant des options militaires en Syrie 93.

85
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 13-15, url
86
En turc: Halkların Demokratik Partisi
87
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 13-15, url ; Turkey Blocks,
04/11/2016, url
88
Net Blocks, 27/02/2020, url
89
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 13-15, url
90
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 11-12, url
91
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 11, url
92
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 12, url
93
YORK Dan, Internet Society, 01/04/2014, url ; GALLAGHER Sean, Ars Technica, 30/03/2014, url ; sur cette conversation, voir
RTS, 25/02/2014, url

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01/03/2022 11
Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux sociaux

2.3. Trolls et bots


A la suite des manifestations de Gezi en 2013 (cf.1.2.2.), le gouvernement prend conscience du
caractère mobilisateur de Twitter et forme sa propre équipe de soutien sur les réseaux sociaux. Ce
réseau, composé d’environ 6 000 membres, promeut une image positive du gouvernement 94.
L'Observatoire d’Internet de Stanford met ainsi en lumière l’existence d’« anneaux de retweet » liés
à l’aile jeunesse de l’AKP. A titre d’exemple, durant la campagne du référendum de 2017 sur le
passage d’un régime parlementaire à un régime présidentiel, l’équipe progouvernementale partage des
tweets appelant au renversement de la démocratie parlementaire. Lors des opérations militaires de
l’armée turque en Syrie en octobre 2019, les comptes progouvernementaux retweetent les informations
permettant de renforcer la légitimité de l’intervention turque sur la scène internationale 95.
Cependant, cette équipe est rapidement qualifiée de « trolls » en raison du harcèlement et des
menaces dont elle est l’autrice. Ainsi, des journalistes, des universitaires ou encore des membres de
la société civile qui critiquent le gouvernement font l'objet d'un harcèlement orchestré sur Twitter,
souvent par des dizaines, voire des centaines d'utilisateurs qui s'efforcent de les discréditer 96. En 2017,
Bilge Yesil, Efe Kerem Sözeri et Emad Khazraee notent « une augmentation palpable de la présence
progouvernementale en ligne et, par conséquent, des niveaux plus élevés d'intimidation et de
harcèlement à l'encontre des journalistes, des experts et des utilisateurs anti-AKP » 97. En juillet 2020,
Twitter suspend les comptes du réseau Pélican, un réseau progouvernemental qui harcelait et ciblait
les médias indépendants et les opposants à l'AKP dans le pays 98. Le phénomène perdure pourtant. En
mai 2021, Nesibe Kırış, avocate des droits de l'Homme, militante des droits des femmes et
chroniqueuse, perd la majorité de ses followers sur Twitter en raison d'un ciblage coordonné par des
trolls progouvernementaux sur les réseaux sociaux après qu'elle a publié des articles critiques à l'égard
du gouvernement 99.
Selon Bilge Yesil, Efe Kerem Sözeri et Emad Khazraee, « l'inondation de la Twittersphère turque
avec des messages progouvernementaux pour repousser les dissidents repose également sur
l'utilisation de bots » (logiciels qui exécutent des tâches automatisées, répétitives et prédéfinie). Selon
le classement de l’entreprise Norton, la Turquie est le pays ayant la plus forte population de bots dans
la région Europe, Moyen-Orient et Afrique. Le pays se classe au cinquième rang international avec un
bot pour 1 139 utilisateurs d'Internet. L’utilisation de bots qui tweetent des messages pro-AKP est
particulièrement prégnante lors d’évènements spécifiques comme les campagnes électorales ou après
des attentats à la bombe 100.

3. La poursuite des utilisateurs pour leurs publications sur les réseaux


sociaux
3.1. Des chiffres en augmentation
Depuis 2014, l’année où Recep Tayyip Erdoğan est devenu président, les poursuites pour
« insulte au président » ont considérablement augmenté. Ces poursuites, restreintes aux
rédacteurs en chef de journaux d’opposition sous l’ancien président Abdullah Gul, visent
désormais toutes les couches de la société 101.
Selon Özgür Urfa, un avocat poursuivi pour insulte au président :
- Entre 2012 et 2014, 1 871 enquêtes ont été ouvertes pour insulte au président, donnant lieu
à 412 procès ;
- Entre 2015 et 2017, 66 009 enquêtes ont été ouvertes pour insulte au président, donnant
lieu à 12 173 procès 102.

94
Freedom House, 2021, url ; YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 17-
25, url
95
Internet Observatory Stanford, 11/06/2020, url
96
Freedom House, 2021, url ; YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 17-
25, url ; KIZILKAYA Emre, Al-Monitor, 15/11/2013, url
97
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 17-25, url
98
Freedom House, 2021, url ; Cumhuriyet, 19/07/2020, url
99
Freedom House, 2021, url
100
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 17-25, url
101
ASHER-SCHAPIRO Avi, Vice, 22/10/2015, url
102
Cumhuriyet (source: Özgür Urfa, un avocat poursuivi pour insulte au président), 03/12/2019, url

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12 01/03/2022
Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux
sociaux

Entre 2014 et 2018, 17 541 personnes ont été jugées dans le cadre de procédures pour insulte au
président. Sur les 14 822 dossiers ayant fait l’objet d’une décision, seules 2 676 décisions
d’acquittement ont été rendues 103.
Selon les statistiques du ministère de la Justice, en 2019, la police a enquêté sur 36 066 personnes
pour insulte au président ou à l'État ; 12 298 ont été jugées et 3 831 ont été sanctionnées 104.
Entre 2014 et la fin de l’année 2021, 160 169 enquêtes ont été lancées pour insulte au président, 35 507
cas ont été poursuivis et 12 881 condamnations ont été prononcées 105.
Selon le quotidien économique et financier britannique Financial Times, la vague de poursuites
à l’encontre des utilisateurs des réseaux sociaux pour des motifs de « propagande terroriste »
débute en 2015, peu après l’échec du processus de paix entre l’Etat turc et le Parti des
travailleurs du Kurdistan (PKK) 106, mouvement armé pro-kurde considéré comme terroriste par la
Turquie et l’Union européenne. Les poursuites pour ce motif se multiplient après la tentative de
coup d’Etat de juillet 2016 107. Human Rights Watch note qu’en 2018, les personnes poursuivies au
nom de la lutte contre le terrorisme le sont de manière croissante au motif d’être « membre d’une
organisation terroriste armée » plutôt qu’au motif de propagande ou association à une
organisation terroriste armée. Ce changement de qualification entraîne des détentions provisoires
plus fréquentes et des peines plus lourdes en cas de condamnation. Pour autant, les éléments à
charge sont faibles et peuvent se réduire à l’utilisation de hashtags, le partage d’une opinion ou
l’appartenance à une organisation de la société civile 108.
Bilge Yesil, Efe Kerem Sözeri et Emad Khazraee notent que « la poursuite des utilisateurs des
réseaux sociaux n'est pas un phénomène nouveau, cependant, dans la période post-coup d'État,
elle s'est intensifiée à la fois en terme d'omniprésence et de sévérité » 109. Au cours des huit
premiers mois de 2020, selon le ministère de l'Intérieur, 14 186 comptes de réseaux sociaux ont fait
l'objet d'une enquête et 6 743 personnes ont été jugées en raison de leurs publications 110. En 2021,
Freedom House précise que « chaque année, des milliers de personnes sont arrêtées et poursuivies
pour leurs publications sur les réseaux sociaux, généralement pour diffamation, insulte au président ou
diffusion de propagande terroriste » 111. Selon le média Radio France Internationale (RFI), la
publication par le ministère de l’Intérieur des statistiques de poursuites contre les utilisateurs
de réseaux sociaux visent à intimider les internautes plus qu’à augmenter la transparence 112.

3.2. Des poursuites arbitraires


L’ONG OSAR souligne le « caractère arbitraire » des poursuites et des inculpations : toutes les
personnes qui postent des messages critiques envers le gouvernement sur les réseaux sociaux ne sont
pas systématiquement poursuivies. L’éventualité d’une poursuite dépend entre autres de « la teneur du
message, son niveau de diffusion et les éventuels liens entretenus par son auteur avec un réseau
considéré par le gouvernement comme subversif ». Cependant, à partir d’entretiens réalisés en 2018
avec des activistes et des avocats locaux, l’ONG conclut qu’ « il est difficile de prévoir qui sera poursuivi.
La formulation des messages peut, mais ne doit pas nécessairement, être déterminante pour décider
d’éventuelles poursuites. […] Les autorités semblent décider arbitrairement quelles personnes seront
poursuivies pour avoir publié des messages considérés comme illicites sur les réseaux sociaux ».
L’ONG ajoute que « le fait de partager ou d’approuver (« liker ») des messages sur les réseaux
sociaux, ou simplement de suivre certains comptes, peut également donner lieu à des
poursuites judiciaires » 113. Pour Nina Ognianova, coordinatrice du programme pour l'Europe et l'Asie
centrale au Comité de protection des journalistes, les poursuites pour « insulte au président » sont « un
processus complètement arbitraire », et « le plus souvent, les tribunaux se rangent du côté du

103
Cumhuriyet (source: Özgür Urfa, un avocat poursuivi pour insulte au président), 03/12/2019, url
104
Etats-Unis, Bureau of democracy, human rights and labor, 2020, url
105
Al Jazeera, 23/01/2022, url
106
En kurde : Partiya Karkerên Kurdistan
107
OSAR (source : Financial Times, « Turkey arrests scores over social media ‘propaganda’ on Syria offensive », 23/01/2018,
url) 05/12/2018, url
108
Human Rights Watch, 27/03/2018, url
109
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 16-17, url
110
Freedom House, 2021, url ; Etats-Unis, Bureau of democracy, human rights and labor, 2020, url
111
Human Rights Watch, 2021, url
112
ANDLAUER Anne, Radio France internationale (RFI), 09/07/2018, url
113
OSAR, 05/12/2018, url

DIDR – OFPRA
01/03/2022 13
Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux sociaux

président » 114. RFI note qu’« absolument n’importe qui peut être poursuivi : le quidam aux 100
abonnés sur Instagram, le journaliste célèbre et ses milliers de followers sur Twitter, un député
d’opposition ou même un citoyen étranger » 115.
Selon le NZZ, les poursuites des autorités pour des publications sur les réseaux sociaux
dépendent de la situation ou du climat politique et sont donc évolutives. A titre d’exemple, les
messages pro-russes, considérés à une période comme problématiques, sont mieux acceptés en 2018,
lors d’une phase d’amélioration des relations entre la Russie et la Turquie 116.
Selon un entretien réalisé par OSAR le 11 octobre 2018 avec une personne qui travaille dans le domaine
des médias 117, les publications postées sur les réseaux sociaux il y a plusieurs années peuvent
donner lieu à des poursuites, même si le contenu était légal au moment de la publication. La
personne interrogée donne l’exemple de Selahattin Demirtaş, co-président du HDP entre 2014 et 2018,
poursuivi pour un discours de 2013 soutenant le processus de paix alors en cours entre le PKK et l’Etat
turc 118.
Les acquittements sont rares mais restent possibles. A titre d’exemple, en mars 2020, un tribunal
d'Ankara donne raison à un citoyen accusé de diffamation envers le président Erdoğan en raison d’une
publication sur un réseau social, parce que l'individu a ostensiblement « insulté » Recep Tayyip Erdoğan
en tant que chef du parti AKP, et non en tant que chef de l'exécutif du pays, réduisant ainsi sa
condamnation à cinq mois d’emprisonnement pour « insulte » sous le coup d’un autre article du Code
pénal 119. Cependant OSAR note que ceux qui ne sont pas condamnés à une peine
d’emprisonnement risquent tout de même d’être socialement exclus et de perdre leur emploi 120.

3.3. Exemples de poursuites

La présente partie ne vise pas à dresser une liste exhaustive des types de publications sur les
réseaux sociaux pouvant amener à être poursuivi, mais plutôt à mettre en lumière la diversité des
cas de figure.

3.3.1. Soutien au mouvement guléniste


Des internautes peuvent être poursuivis pour leurs activités sur les réseaux sociaux perçues comme un
soutien au mouvement FETÖ. A titre d’exemple, en avril 2020, trois propriétaires de compte Twitter 121
sont détenus pour avoir diffusé « de la propagande » pour le mouvement FETÖ 122.
Selon les informations recueillies entre 2018 et novembre 2020 par la Commission de l'immigration et
du statut de réfugié du Canada (CISR), les personnels du corps diplomatique et des services de
renseignement turcs, avec le soutien d’associations de la diaspora turque, consacrent des efforts
soutenus à la surveillance des partisans allégués du mouvement Gülen à l’étranger ; plusieurs de ces
derniers ont été rapatriés de force en Turquie depuis le Gabon, le Soudan, la Moldavie, l’Azerbaïdjan,
l’Ukraine, la Malaisie, la Suisse et la Mongolie 123.

3.3.2. Soutien à des mouvements de gauche ou protestataires


Des publications en lien avec des mouvements de gauche ou protestataires peuvent également amener
leurs auteurs à être poursuivis 124.

114
ASHER-SCHAPIRO Avi, Vice, 22/10/2015, url
115
ANDLAUER Anne, RFI, 09/07/2018, url
116
NZZ, 01/11/2018, url
116
KEREM SOZERI Efe, Daily Dot, 07/07/2015, url
117
La personne est identifiée par la lettre H.
118
OSAR (source : entretien avec une personne qui travaille dans le domaine des médias, 11/10/2018), 05/12/2018, url
119
ULUDAĞ Alican, Cumhuriyet, 09/03/2020, url
120
OSAR, 05/12/2018, url
121
Les trois comptes Twitter concernés sont « Türkiye Gerçekleri » (Faits sur la Turquie), « Ankara Kuşu » (l’oiseau d’Ankara) et
« Kulis Kuşu » (l’oiseau des coulisses).
122
Ahval, 02/04/2020, url
123
Canada, Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR), 02/12/2020, url
124
SÖYLEMEZ Ayça, Bianet, 25/01/2022, url ; DW, 25/12/2021, url ; Bianet, 03/02/2021, url

DIDR – OFPRA

14 01/03/2022
Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux
sociaux

En mai 2020, Banu Özdemir, ancienne vice-présidente du Parti républicain du peuple (CHP 125, centre-
gauche laïc) de la province d'Izmir, est arrêtée par la police pour ses publications sur les réseaux
sociaux. Elle avait partagé des vidéos de la mosquée d'Izmir diffusant par ses haut-parleurs, à la suite
d’un piratage, la chanson révolutionnaire italienne « Bella Ciao ». Elle est arrêtée sous l'inculpation de
« négation des valeurs religieuses » et passe une semaine en détention provisoire. Jugée le 10
décembre 2020 par la 50ème chambre de la Justice de paix pénale, elle est acquittée, décision saluée
par le CHP 126.
Au début de l’année 2021, des manifestations sont organisées pour protester contre la nomination par
le gouvernement d’un administrateur pour devenir le recteur de l'université Boğaziçi à Istanbul (à la
place de la traditionnelle élection sur le campus). La mobilisation des étudiants, des professeurs et des
organisations d’anciens élèves se déroulent également en ligne, où fleurissent de multiples publications
dénonçant cette nomination et soutenant les personnes LGBTQIA+ de l’université. De nombreux
étudiants sont arrêtés pour avoir soutenu le mouvement sur les réseaux sociaux. A titre d’exemple,
Havin Özcan, militant LGBTQIA+, étudiant universitaire et soutien du mouvement sur les réseaux
sociaux, est arrêté par la police antiterroriste. Il affirme avoir été torturé lors de sa détention. Selon lui,
son compte Twitter a été piraté et utilisé pour envoyer des liens malveillants à d'autres manifestants 127.
Plusieurs étudiants sont également arrêtés après avoir utilisé l’application de partage audio Clubhouse,
leur identification ayant été facilitée par la demande de l’application de s’enregistrer avec son nom 128.
En décembre 2021, une enquête est ouverte contre Murat Güzel, membre du parti politique de gauche
Sol, pour avoir partagé sur les réseaux sociaux la photographie de Hıdır Aslan, le dernier condamné à
mort exécuté en 1984 129.
En janvier 2022, le média turc Bianet consacre un article sur les poursuites à l’encontre de l'avocat
Efkan Bolaç pour « insulte au président » en raison de deux caricatures partagées sur Instagram en
2014, réalisées par Carlos Latuff, un caricaturiste brésilien. L’une montrait Recep Tayyip Erdoğan, alors
Premier ministre et non président, et un policier anti-émeute malmenés par Berkin Elvan. Ce jeune
manifestant, âgé de 15 ans, avait été mortellement blessé par un tir de capsule de gaz lacrymogène
par un policier pendant les manifestations de Gezi en 2013. Cette caricature a également été publiée
par plusieurs médias dont le quotidien progouvernemental Hürriyet. La deuxième caricature portait sur
les 301 mineurs qui ont perdu la vie à Soma, dans la province de Manisa, en 2014, en raison de la
surexploitation de la mine 130. Le procès doit se dérouler le 6 septembre 2022 131.

3.3.3. Soutien à la cause kurde ou au Parti démocratique des peuples (HDP)


Le soutien sur les réseaux sociaux à la cause kurde peut conduire à des poursuites 132.
Le 27 juin 2016, Resul Üçdağ, imam dans une mosquée locale dans la commune de Sur à Diyarbakır,
est inculpé pour « propagande en faveur d’une organisation terroriste ». Il est poursuivi en raison de
deux publications sur son compte Facebook effectuées respectivement le 1er juin 2015 et le 3 janvier
2016 133 :
- Une photographie, partagée originellement par un utilisateur Facebook intitulé « Mıhı Insari
Mala Kalo », de deux personnes en tenue militaire et armées, qui se tenaient debout devant
des immeubles détruits. Les autorités turques assimilent les deux personnes à des
membres des Unités de protection du peuple (YPG) 134, milice kurde de Syrie considérée
par les autorités turques comme une branche du PKK ;
- Une photographie, partagée originellement par un utilisateur Facebook intitulé
« Diyarbakır », d’une foule qui manifestait dans une rue publique devant un feu,

125
En turc: Cumhuriyet Halk Partisi
126
Etats-Unis, Bureau of democracy, human rights and labor, 2020, url ; Duvar English, 10/12/2020, url
127
Freedom House, 2021, url
128
Freedom House, 2021, url ; Tele 1, 03/02/2021, url
129
La peine de mort est abolie en 2004. DW, 25/12/2021, url
130
SÖYLEMEZ Ayça, Bianet, 25/01/2022, url. Les avocats des familles des victimes accusent le gouvernement d'avoir négligé
l'ampleur du drame et couvert les fautes des dirigeants de l'entreprise exploitante, présentés comme proches du pouvoir.
Challenges, 13/04/2015, url
131
SÖYLEMEZ Ayça, Bianet, 25/01/2022, url
132
Etats-Unis, Bureau of democracy, human rights and labor, 2020, url Pour plus d’informations, consulter: DIDR, OFPRA,
07/06/2021, url
133
Cour européenne des droits de l’Homme, 31/08/2021, url
134
En kurde : Yekîneyên Parastina Gel

DIDR – OFPRA
01/03/2022 15
Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux sociaux

accompagnée du commentaire « Si nos frères et sœurs à Sur ne sont pas en paix, nous ne
pouvons pas être en repos. Que tout le monde partage une fois pour réagir. Si vous ne
pouvez rien faire, au moins faites savoir à tout le monde s’il vous plaît » 135.
Le 23 mars 2017, la 5ème cour d’assises de Diyarbakır condamne Resul Üçdağ à un an, six mois et
vingt-deux jours d’emprisonnement avec sursis. Le 11 février 2019, la Cour constitutionnelle déclare
irrecevable son recours en raison du non-respect du délai de dépôt. Le 31 août 2021, la Cour
européenne des droits de l’Homme, saisie par Resul Üçdağ, constate que 136 :
Les décisions des juridictions turques « n’apportent pas une explication suffisante sur les raisons pour
lesquelles les contenus incriminés devaient être interprétés comme glorifiant, légitimant et
encourageant les méthodes de contrainte, de violence et de menace employées par le PKK dans le
contexte de leur publication. [… Elles ne répondent] pas à la question de savoir si les partages litigieux
pouvaient être considérés, eu égard à leur contenu, au contexte dans lequel ils s’inscrivaient et à leur
capacité à nuire compte tenu de leur impact potentiel sur les réseaux sociaux dans les circonstances
de l’espèce, comme renfermant une incitation à l’usage de la violence, à la résistance armée ou au
soulèvement, ou comme constituant un discours de haine. Elle considère par conséquent que les
autorités nationales n’ont pas procédé à une analyse appropriée au regard de tous les critères énoncés
et mis en œuvre par elle dans les affaires relatives à la liberté d’expression » 137.
La Cour européenne des droits de l’Homme condamne la Turquie à verser au requérant 5 000 euros
pour dommage moral et 1 736 euros pour frais et dépense 138.
Plus récemment, en décembre 2020, une enquête est ouverte sur un soldat ayant posté sur les réseaux
sociaux une vidéo où il chantait en kurde 139. Le 5 novembre 2021, Hifzullah Kutum, un universitaire
kurde de la province orientale d'Elazığ, est arrêté pour avoir publié sur les réseaux sociaux « Vive le
Kurdistan » accompagné d’une photographie de l'ancien président du gouvernement régional du
Kurdistan (GRK), Masoud Barzani. Il est suspendu de l’université de Fırat et placé en détention pour
« propagande en faveur d’une organisation terroriste » 140.
Selon un entretien réalisé par OSAR le 11 octobre 2018 avec une personne qui travaille pour le HDP 141,
« le fait que des utilisateurs suivent (« follow ») le compte de politiciens du parti pro-kurde HDP peut
être utilisé par les autorités pour justifier des accusations de liens avec des organisations terroristes » 142.
En juin 2020, Abdurrahman Karabulut, avocat au barreau de Konya, dans l’Anatolie centrale, adresse
un communiqué au journal de gauche Yeni Özgür Politika dénonçant un « complot judiciaire contre les
Kurdes à l’étranger ». Il alerte sur les nombreuses procédures ouvertes contre des membres de
l’opposition kurde et turque dans les pays scandinaves, en Allemagne, Autriche et Suisse, sous le motif
plus souvent, de « propagande en faveur d’une organisation terroriste » ou « insulte au président de la
République », sur la base de leurs échanges sur les réseaux sociaux ou d’autres éléments. Selon lui,
ces accusations se basent sur la foi d’informations recueillies illégalement par les services de
renseignement. Les personnes accusées peuvent être interdites d’entrée sur le territoire turc ou, au
contraire, retenues en Turquie contre leur gré, parfois pendant plusieurs mois. Ces mesures peuvent
s’appliquer à des personnes ayant renoncé à la citoyenneté turque et titulaires de la « Carte bleue » 143,
document attestant de cette renonciation sur la base de l’article 15/1-c de la loi n°6458. La procédure
de recours contre une interdiction d’entrée sur le territoire peut prendre de trois à douze mois 144.

3.3.4. Critiques contre l’intervention militaire de la Turquie en Syrie


Des utilisateurs de réseaux sociaux peuvent être poursuivis pour des publications critiquant les
opérations militaires turques, dans le nord-ouest de la Syrie 145. Selon le ministère de l’Intérieur, entre le
20 janvier 2018, jour du lancement de l’opération militaire Rameau d’olivier à Afrin, et le 26 février 2018,

135
Cour européenne des droits de l’Homme, 31/08/2021, url
136
Cour européenne des droits de l’Homme, 31/08/2021, url
137
Cour européenne des droits de l’Homme, 31/08/2021, url
138
Cour européenne des droits de l’Homme, 31/08/2021, url
139
Birgün, 23/12/2020, url
140
BATMAZ Ardıl, Gazete Duvar, 07/11/2021, url
141
La personne est identifiée par la lettre E.
142
OSAR (source : entretiens réalisés en 2018 avec des avocats et des activistes locaux), 05/12/2018, url
143
En turc : Mavi Kart
144
Özgür Politika, 17/06/2020, url
145
YESIL Bilge, KEREM SÖZERI Efe et KHAZRAEE Emad, Internet Policy Observatory, 2017, p. 11, url ; Human Rights Watch,
27/03/2018, url

DIDR – OFPRA

16 01/03/2022
Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux
sociaux

648 personnes sont détenues en raison de leurs publications sur les réseaux sociaux critiquant la
nouvelle opération militaire turque. Sur la même période, 197 personnes sont détenues pour avoir
manifesté ou exprimé leur solidarité avec les manifestants sur les réseaux sociaux Ces arrestations
concernent aussi bien des journalistes, des militants des droits de l’Homme, des hommes politiques,
des membres d’ONG, des universitaires, des médecins, des lycéens ou encore des étudiants 146. A titre
d’exemple, en janvier 2018, les journalistes Hayri Demir et Sibel Hürtaş sont poursuivis pour « incitation
du public à la haine et à l'inimitié » et « propagande en faveur d'une organisation terroriste » en raison
de leurs publications sur les réseaux sociaux relatives à l’opération militaire Rameau d’olivier. Il est
reproché à Sibel Hürtaş d’avoir retweeté une publication de Osman Baydemir, un député du HDP, dans
lequel ce dernier qualifiait l’opération militaire d’« invasion », de « crime » et « d’occupation ». Pour sa
part, Hayri Demir a partagé sur son compte Facebook une photographie d’une action pro-kurde
montrant une photographie d’Abdullah Öcalan et le drapeau du PKK, ainsi qu’un lien vers un reportage
accusant les autorités turques d’assassinat. En mars 2020, les poursuites pour « incitation à la haine »
et « propagande en faveur d'une organisation terroriste » sont annulées et remplacées par « humiliation
de la nation turque, l’Etat de la république de Turquie, des institutions et organes de l'État ». Leur
jugement est toujours en cours 147. En parallèle à ces arrestations, à la suite d’un ordre juridique émanant
d’un tribunal d’Ankara, Facebook accepte de restreindre l’accès en Turquie à la page des YPG, milice
visée par l’opération Rameau d’olivier 148.
En mars 2020, un internaute publie une vidéo sur les réseaux sociaux dans laquelle il tourne en dérision
des soldats turcs qui sont tués à la suite d'une frappe aérienne dans la province syrienne d'Idlib. Il
apparaît ensuite dans une autre vidéo dans laquelle il est violemment arrêté par les forces d'opérations
spéciales, alors que des milliers de partisans d'extrême droite scandent qu'il doit être torturé 149.
Le 25 septembre 2020, Cihan Erdal, ancien membre du comité exécutif central du HDP et doctorant
vivant au Canada, est arrêté par les autorités turques lors d’une visite en Turquie. Détenu dans une
prison de haute sécurité de type F, principalement en isolement, il est empêché de rencontrer un avocat
durant les 36 premières heures de sa détention. L’acte d’accusation est transmis à ses avocats le 7
janvier 2021, soit près de quatre mois après son arrestation. Cihan Erdal est accusé « d’atteinte à
l’intégrité ou à l’unité de l’Etat » et « d’incitation au meurtre ». Il lui est reproché d’avoir tweeté depuis
son compte des messages de soutien à des manifestations s’étant déroulées en octobre 2014 dans
plusieurs villes de Turquie en soutien à la ville kurde syrienne de Kobané, proche de la frontière turque
et alors assiégée par les djihadistes de l'organisation État islamique (EI, Daech). Les deux publications
étaient des partages : l'une d'une déclaration de Selahattin Demirtaş, alors coprésident du HDP,
exprimant le soutien de son parti à la résistance de Kobané, l'autre d'un article d'un journal national de
gauche évoquant la mort d'un jeune homme victime des violences policières lors de la répression des
manifestations pro-Kobané. Il est également reproché à Cihan Erdal d’avoir participé à une réunion du
Comité exécutif central du HDP à la suite de laquelle ce parti avait lancé des appels sur les réseaux
sociaux pour soutenir les protestations contre les attaques de Kobané. En juin 2021, Cihan Erdal est
placé en liberté conditionnelle avec interdiction de quitter le territoire. En octobre 2021, le Groupe de
travail des Nations Unies sur la détention arbitraire reconnaît sa détention comme arbitraire et illégale 150.

3.3.5. Critiques contre l’action du gouvernement


Selon le Bureau de la démocratie, des droits de l'Homme et du travail des Etats-Unis, le gouvernement
turc accuse fréquemment les personnes qui le critiquent d'affiliation à des groupes terroristes, de
terrorisme ou de mise en danger de l'État 151.
En février 2015, Merve Buyuksarac, une ancienne Miss Turquie, est arrêtée pour avoir publié en 2014
sur son compte Instagram un poème satirique, tiré de l’hebdomadaire turc Uykusuz, qui se moquait du
président Recep Tayyip Erdoğan. Elle est condamnée à quatorze mois d’emprisonnement avec sursis
pour insulte au président 152. Le 21 octobre 2015, un adolescent de 14 ans est arrêté pour avoir insulté
le président Recep Tayyip Erdoğan sur Facebook. Après une nuit en détention, la police le relâche,

146
Human Rights Watch, 27/03/2018, url
147
IZLEME Dava, Media and Law Studies Association (MLSA) Turkey, 04/03/2021, url
148
GILLUM Jack et ELLIOTT Justin, ProPublica, 24/02/2021, url
149
Yurt Gazetesi, 29/02/2020, url
150
ERDAL Cihan, ONGUN Ömer et ÖZSU Umut, Open Democracy, 15/03/2021, url ; Groupe de travail des Nations Unies sur la
détention arbitraire, 01/10/2021, 16 p., url
151
Etats-Unis, Bureau of democracy, human rights and labor, 2020, url
152
ASHER-SCHAPIRO Avi, Vice, 22/10/2015, url ; FRADIN Andréa, Rue 89, 21/11/2016, url

DIDR – OFPRA
01/03/2022 17
Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux sociaux

déterminant qu’il était trop jeune pour être inculpé pénalement en vertu de la loi, car âgé de moins de
15 ans 153. En juin 2016, Rifat Çetin est condamné à un an d’emprisonnement avec sursis par un tribunal
de la province d’Antalya et au retrait de son droit de garde parental après qu’il a publié en 2014 sur son
compte Facebook un montage photographique de Recep Tayyip Erdoğan avec une image de Gollum,
personnage fictif de gnome dans les romans britanniques « Le Hobbit » et « Le Seigneur des
anneaux ». L’internaute prévoyait alors de faire appel du verdict, Recep Tayyip Erdoğan étant Premier
ministre et non président lorsque l’image a été postée 154.
En août 2018, dans un contexte de crise économique et monétaire, le ministère de l’Intérieur lance des
enquêtes sur 346 comptes de réseaux sociaux accusés de publier des messages négatifs sur la livre
turque, cette monnaie étant en pleine dévaluation depuis le début de l’année 155. En juin 2019, 36
internautes sont mis en examen après avoir critiqué sur les réseaux sociaux la situation économique
turque ou commenté un article sur la dépréciation de la livre 156. Plus récemment, le 12 décembre 2021,
trois YouTubeurs sont arrêtés pour avoir partagé des micros-trottoirs avec des habitants dans lesquels
ces derniers évoquaient leurs difficultés financières 157.
En janvier 2020, le procureur général d'Ankara ouvre des enquêtes sur 50 personnes pour leurs
publications sur les réseaux sociaux liées au tremblement de terre d'une magnitude de 6,8 s’étant
déroulé le 24 janvier 2020 à Elâzığ et Malatya, dans la région d’Anatolie orientale. Ils sont accusés
d’avoir avec leurs publications « créé de l'inquiétude, de la peur et de la panique parmi le public » et
« d'avoir insulté la Turquie ». De la même façon, en octobre 2020, le ministère de l'Intérieur annonce
l’ouverture d’enquêtes à l’encontre de 40 comptes de réseaux sociaux, la détention de dix personnes
et l’arrestation de deux personnes pour des publications sur les réseaux sociaux liées au séisme en
mer Egée qui a frappé sous forme de mini-tsunami la province d’Izmir, à l’ouest de la Turquie, le 30
octobre 2020 158.
Le 23 mars 2020, Buse Söğütlü, journaliste à Gazete Yolculuk, est accusée de « divulgation ou
publication de l'identité d'un fonctionnaire en charge du contre-terrorisme » et « appartenance à une
organisation terroriste » après avoir publié le 18 mars 2019, via son compte Twitter, une critique du juge
Akın Gürlek. Dans son tweet, elle partageait un reportage publié par Gazete Seyahat sur le procès des
avocats de l’association des avocats progressistes (ÇHD) 159 et du Bureau des droits du peuple (HHB) 160
poursuivis pour appartenance au Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C) 161, une
organisation d’extrême gauche considérée comme terroriste par la Turquie, les États-Unis, le Canada,
le Royaume-Uni et l’Union européenne 162.. Elle a joint au partage le commentaire suivant : « Si Hitler
quittait sa tombe, venait ici et s'asseyait à la place d'Akın Gürlek, il prononcerait plus ou moins les
mêmes phrases que lui. L'éthique professionnelle et tout le reste mis à part, une personne devrait avoir
la gravité de son siège ». L’ONG britannique Article 19 « affirme que les dispositions légales pénales
turques applicables, en l'espèce, ont été détournées afin de punir Buse Söğütlü pour sa critique de la
conduite du juge Akin Gurlek dans le procès en question. Il ne peut pas être soutenu qu'elle a divulgué
ou publié l'identité du juge Akin Gurlek, car il avait déjà fait l'objet de nombreuses critiques, ni que ses
commentaires auraient pu inciter à un risque réel de violence directe à son encontre. Enfin, il n'est
nullement démontré sur quels motifs le défendeur a été accusé d'appartenance à une organisation
terroriste et cette allégation n'est absolument pas étayée » 163. Le 3 février 2022, la 23ème chambre de
la Cour d’assises d’Istanbul acquitte Akın Gürlek de l’accusation de « divulgation ou publication de
l'identité d'un fonctionnaire en charge du contre-terrorisme ». Cependant, la Cour prévoit le dépôt d’une
plainte pour « insulte à un agent public » à l’encontre de Buse Söğütlü 164.
En mai 2020, selon le ministère de l’Intérieur, 10 111 comptes de réseaux sociaux ont publié des
« messages infondés et provocateurs » sur le coronavirus. Les autorités ont identifié 1 105 propriétaires
de comptes, arrêté plus de 500 personnes liées à ces comptes pour interrogatoire, et ouvert près de

153
ASHER-SCHAPIRO Avi, Vice, 22/10/2015, url
154
The Guardian (source : Reuters), 23/06/2016, url
155
TURAK Natasha, CNBC, 14/08/2018, url
156
Reuters, 14/06/2019, url
157
Arab News, 13/12/2021, url ; DARAGHI Borzou, The Independent, 13/12/2021, url
158
Etats-Unis, Bureau of democracy, human rights and labor, 2020, url
159
En turc: Çağdaş Hukukçular Derneği
160
En turc : Halkın Hukuk Bürosu
161
En turc : Devrimci Halk Kurtuluş Partisi-Cephesi
162
DIDR, Ofpra, 23/03/2020, url ; Reporters Sans Frontières (RSF), 24/01/2011, url
163
BUKOVSKA Barbora, Article 19, 20/12/2021, url
164
Bianet, 03/02/2022, url

DIDR – OFPRA

18 01/03/2022
Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux
sociaux

600 enquêtes pénales. Parmi les personnes faisant l'objet d'une enquête policière figuraient des
médecins éminents et des chefs d'associations médicales 165. A titre d’exemple, en mars 2020, un
internaute est arrêté après avoir partagé une vidéo montrant une personne immobile, décédée selon lui
après une infection au Covid-19. Il encourt une peine d’emprisonnement de deux à quatre ans pour
“avoir publié des informations qui auraient incité à la panique et à la peur” 166.
Selon un article du site d’information Ahval publié en avril 2020 : « Un chauffeur de camion qui a déclaré
qu'il devait gagner de l'argent pour nourrir sa famille et ne pouvait pas rester à la maison pendant la
pandémie a été arrêté le lendemain du jour où sa vidéo Instagram est devenue virale. Le ministre de
l'Intérieur a défendu l'arrestation, affirmant que le chauffeur avait des arrière-pensées et souhaitait
semer la panique et la peur parmi le public » 167.
En juin 2020, le gouvernement engage des poursuites judiciaires contre certains soldats qui avaient
publié sur les réseaux sociaux des critiques sur le retard dans la démobilisation des conscrits pendant
la pandémie de Covid-19, publication considérée comme une insulte au président 168.
En juillet 2020, la police détient onze personnes et en arrête une à la suite de leurs commentaires sur
les réseaux sociaux concernant la fille et le gendre du président, l'ancien ministre du Trésor et des
Finances Berat Albayrak, après la naissance de leur fils. Ils sont accusés d'avoir « insulté un agent
public » 169.
Le 7 septembre 2020, Oktay Candemir, un journaliste kurde de la ville de Van, dans l'est de la Turquie,
est arrêté pour « insulte à la mémoire d’une personne décédée » en raison d’un tweet se moquant de
« Diriliş Ertuğrul », une série de nouvelles émissions de télévision sur les sultans ottomans, produite
par la chaîne de télévision publique turque TRT. L'émission s'inscrit dans une tendance de nouvelle
programmation glorifiant le passé de la Turquie. Libéré sous caution mais soumis à une interdiction de
voyager, il risque jusqu’à deux ans d’emprisonnement. Son avocat a déclaré au journal basé à Abu
Dhabi The National que la loi en vertu de laquelle Oktay Candemir a été arrêté exige qu'un parent vivant
porte plainte, ce qui n'a pas été fait dans son cas 170. Les poursuites à son encontre sont abandonnées
en février 2021 171.
Dans le contexte des importants feux de forêts en Turquie à l’été 2021 et d’une vague de tweet
« HelpTurkey » partagé par les internautes, les autorités turques lancent une enquête sur les personnes
ayant partagé ces tweets qui avaient selon elles pour objectif de créer de l’anxiété, de la peur et de la
panique au sein de la population, et d’humilier le gouvernement turc 172. En août 2021, Le
commandement de la gendarmerie provinciale d'Antalya annonce que 1 742 comptes de réseaux
sociaux ont été analysés, 66 personnes sont poursuivies pour « incitation à la haine et à l'inimitié »,
« l'humiliation de la nation turque, l’Etat de la république de Turquie et les institutions de l'État » et
« insulte au président » 173.
En février 2022, les bureaux du procureur général d'İstanbul et d'Ankara ouvrent des enquêtes sur les
publications sur les réseaux sociaux concernant l'état de santé du président Erdoğan, après que ce
dernier a annoncé le 5 février que lui et son épouse Emine Erdoğan avaient été testés positifs au Covid-
19. L’internaute Pinar Ö. est détenue puis placée en résidence surveillée pour insulte au président après
avoir utilisé le hashtag helva (un dessert traditionnellement cuisiné et mangé après le décès d'une
personne). Elle se défend : « Quand j'ai vu le hashtag et comme les choses ne vont pas bien entre moi
et mon petit ami, j'ai écrit quelque chose comme ça, en pensant qu'il le verrait. Je ne visais pas le
président avec mon tweet. Je n'accepte pas le délit qui m'est reproché. Je suis innocente, je demande
ma libération » 174. Le même mois, le bureau du procureur général d'Istanbul lance une enquête contre
l'ancien nageur Derya Büyükuncu à la suite de la publication d’un tweet : « Il a eu le coronavirus et veut
des prières. Nous prions; qu'il ne s'inquiète pas. J'ai commencé à préparer 20 pots de helva. Je les
distribuerai à tout le quartier le moment venu ». La Fédération turque de natation le prive de ses
droits 175. Le 6 février 2022, selon des informations de Anadolu Ajansı (AA), l’agence de presse du

165
Etats-Unis, Bureau of democracy, human rights and labor, 2020, url ; DHA, 21/05/2020, url
166
DHA, 18/06/2020, url
167
Ahval, 02/04/2020, url
168
Freedom of Expression Association (İfade Özgürlüğü Derneği, İFÖD), 09/07/2020, url ; Freedom House, 2021, url
169
Etats-Unis, Bureau of democracy, human rights and labor, 2020, url
170
MCKERNAN Bethan, The Guardian, 27/09/2020, url ; MEHTA Gautama, Coda, 10/09/2020, url
171
ADAL Hikmet, Bianet, 25/02/2021, url
172
Le Parisien, 08/08/2021, url
173
DW, 08/08/2021, url
174
Bianet, “Citizen placed under house arrest over a social media post about Erdoğan’s health”, 07/02/2022, url
175
Bianet, “Warrant against former national swimmer Derya Büyükuncu over a tweet”, 07/02/2022, url

DIDR – OFPRA
01/03/2022 19
Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux sociaux

gouvernement turc, 36 comptes sur les réseaux sociaux ont été analysés pour avoir tenu des propos
insultants à l’encontre du couple Erdoğan ; huit personnes ont été placées en garde à vue et quatre
d’entre elles incarcérées 176.

176
Independent Türkçe (source: Anadolu Ajansı), 06/02/2022, url

DIDR – OFPRA

20 01/03/2022
Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux
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Bibliographie
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Treatment of people expressing dissent or criticism via social media (2018-2019) [Q16] », 26/08/2019,
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exposés à un risque accru à leur retour (2018-novembre 2020) », 02/12/2020,
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hakk%C4%B1ndaki-payla%C5%9F%C4%B1mlar-i%C3%A7in-g%C3%B6zalt%C4%B1lar-
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Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux sociaux

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foto%C4%9Fraf%C4%B1na-soru%C5%9Fturma/a-60256115

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ki%C5%9Fi-hakk%C4%B1nda-i%C5%9Flem/a-58800801

Le Parisien, « Incendies : la Turquie veut enquêter sur la campagne «d’humiliation» dont Erdogan
accuse l’étranger », 08/08/2021,
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dhumiliation-dont-erdogan-accuse-letranger-08-08-2021-
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Tele 1, « Clubhouse’da Boğaziçi yayını yapanlar gözaltına alındı », 03/02/2021,


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nedeniyle işlem yapıldığı iddia edildi”, Independent Türkçe, 05/01/2021,
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binlerce-ki%C5%9Fiye-t%C3%BCrkiye-giri%C5%9Flerinde-sosyal-medya-
payla%C5%9F%C4%B1mlar%C4%B1

Birgün, « Kürtçe şarkı söyleyen asker hakkında soruşturma başlatıldı », 23/12/2020,


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Duvar English, “Turkish court acquits former CHP politician in ‘Bella Ciao’ case”, 10/12/2020,
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case-news-55431

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Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux
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Tele 1, « Merdan Yanardağ’dan YouTube Türkiye’ye çok sert sansür tepkisi: Ya AKP’nin uşağısınız ya
da akılsız », 02/10/2020,
https://tele1.com.tr/merdan-yanardagdan-youtube-turkiyeye-cok-sert-sansur-tepkisi-ya-akpnin-
usagisiniz-ya-da-akilsiz-235957/

MCKERNAN Bethan, “‘It’s a war on words’: Turks fear new law to muzzle social media giants”, The
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social-media-giants

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yila-kadar-hapis-istendi-1777472

Özgür Politika, “Yurt dışındaki Kürtlere yargı kumpası”, 17/06/2020,


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Altun), « 'Sosyal Medya Kullanım Kılavuzu': Sosyal medyadaki gücünü fark et, doğru kullan », Hürriyet,
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et-dogru-kullan-41527433

DHA, « İçişleri Bakanlığı: Provakatif koronavirüs paylaşımı yapan 510 kişi yakalandı », 21/05/2020,
https://www.dha.com.tr/gundem/icisleri-bakanligi-provakatif-koronavirus-paylasimi-yapan-510-kisi-
yakalandi-1772325

Dokuz8 haber, “Twitter'da "yeşil noktalı" profiller kimler?”, 18/05/2020,


https://www.dokuz8haber.net/twitterda-yesil-noktali-profiller-kimler

Ahval, “Turkish authorities arrest three influential Twitter users on terror charges”, 02/04/2020,
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ULUDAĞ Alican, “Mahkemeden Cumhurbaşkanı'na hakaret davasında emsal karar: Hakaret genel
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hakaret-genel-baskana-1725966

Yurt Gazetesi, « Şehitlere hakaret etti, göz altına alındı », 29/02/2020,


https://www.yurtgazetesi.com.tr/guncel/sehitlere-hakaret-etti-goz-altina-alindi-h151632.html

Evrensel, “Gazeteci Kenan Kırkaya: Akit hedef gösterdikten sonra dava açıldı”, 23/01/2020,
https://www.evrensel.net/haber/395916/gazeteci-kenan-kirkaya-akit-hedef-gosterdikten-sonra-dava-
acildi

DIDR – OFPRA
01/03/2022 25
Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux sociaux

Cumhuriyet, “Avukata 'Cumhurbaşkanı'na hakaretten dava: ‘Onbinlerce kişiden sonra sıra bize geldi’” ,
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https://www.cumhuriyet.com.tr/haber/avukata-cumhurbaskanina-hakaretten-dava-onbinlerce-kisiden-
sonra-sira-bize-geldi-1705962

Reuters, « Turkey seeks jail terms for two Bloomberg reporters », 14/06/2019,
https://www.reuters.com/article/us-turkey-economy-court/turkey-seeks-jail-terms-for-two-bloomberg-
reporters-idUSKCN1TF1CG

Neue Zürcher Zeitung (NZZ, quotidien suisse), « Touristen in der Türkei müssen mit ihren Likes auf
Facebook vorsichtig umgehen », 01/11/2018,
https://www.nzz.ch/international/in-der-tuerkei-kann-schon-ein-like-gefaehrlich-sein-
ld.1431613?reduced=true&mktcid=smsh

TURAK Natasha, « Turkey is investigating hundreds of social media accounts bad-mouthing the lira »,
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Cumhuriyet, « Sosyal medyaya büyük operasyon: 17 bin kişi hakkında fezleke hazırlandı, 45 bin
kullanıcı aranıyor », 14/01/2017,
https://www.cumhuriyet.com.tr/haber/sosyal-medyaya-buyuk-operasyon-17-bin-kisi-hakkinda-fezleke-
hazirlandi-45-bin-kullanici-araniyor-660327

MERKEZI Haber, “Sosyal medyada teröre destek verenler nasıl ihbar edilir?”, Yeni Safak, 23/12/2016,
https://www.yenisafak.com/teknoloji/sosyal-medyada-terore-destek-verenler-nasil-ihbar-edilir-2585434

FRADIN Andréa, « Une ex-miss Turquie condamnée pour avoir insulté Erdogan sur Instagram »,
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https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-monde/20160601.RUE3051/une-ex-miss-turquie-
condamnee-pour-avoir-insulte-erdogan-sur-instagram.html

BREWTSER Thomas, “Is An American Company's Technology Helping Turkey Spy On Its Citizens?”,
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https://www.forbes.com/sites/thomasbrewster/2016/10/25/procera-francisco-partners-turkey-
surveillance-erdogan/?sh=7a8942164434

The Guardian (source : Reuters), « Man who depicted Erdoğan as Gollum given suspended sentence »,
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https://www.theguardian.com/world/2016/jun/23/rifat-cetin-erdogan-gollum-suspended-sentence-
turkey

ASHER-SCHAPIRO Avi, « Teen Arrested for 'Insulting' Erdogan on Facebook as Crackdown in Turkey
Continues », Vice, 22/10/2015,
https://www.vice.com/en/article/3kwvqy/teen-arrested-for-insulting-erdogan-on-facebook-as-
crackdown-in-turkey-continues

KEREM SOZERI Efe, “Turkey paid Hacking Team $600K to spy on civilians”, Daily Dot, 07/07/2015,
https://www.dailydot.com/debug/hacking-team-turkey/

Challenges, « La justice turque ouvre le procès de la catastrophe minière de Soma », 13/04/2015,


https://www.challenges.fr/monde/turquie-la-catastrophe-de-la-mine-de-soma-devant-la-justice_99779

DIDR – OFPRA

26 01/03/2022
Turquie : Poursuites pour des publications sur les réseaux
sociaux

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Google Ban”, The Wall Street Journal, 06/04/2015,
https://www.wsj.com/articles/turkish-court-bans-access-to-internet-sites-over-hostage-crisis-content-
1428325451

RTS, « Une supposée conversation entre Erdogan et son fils secoue la Turquie », 25/02/2014,
https://www.rts.ch/info/monde/5642102-une-supposee-conversation-entre-erdogan-et-son-fils-secoue-
la-turquie.html

KIZILKAYA Emre, “AKP’s social media wars”, Al-Monitor, 15/11/2013,


https://www.al-monitor.com/originals/2013/11/akp-social-media-twitter-facebook.html

Al Arabiya News (source: Associated Press), "Erdogan rejects ‘dictator’ claims, says Twitter is a
‘menace’", 02/06/2013,
https://english.alarabiya.net/News/world/2013/06/02/Erdogan-rejects-dictator-claims

JONES Dorian, “Turkey Blocks Web Pages Touting Darwin's Evolution Theory”, VOA News,
22/12/2011,
https://www.voanews.com/a/turkey-blocks-web-pages-touting-darwins-evolution-theory-
136162663/149894.html

Blogs

Le Big Data, « TOR : tout savoir sur le navigateur web qui protège vos données », 25/12/2021,
https://www.lebigdata.fr/tor-tout-savoir

Kame (blog sur la protection des données personnes et la censure sur Internet), « Türkiye’de Kaç
Websitesi Sansürlü? », 20/09/2015,
https://network23.org/kame/2015/09/20/turkiyede-kac-websitesi-sansurlu/

GALLAGHER Sean, “Turkey now blocking social media by hijacking Google DNS”, Ars Technica,
30/03/2014,
https://arstechnica.com/information-technology/2014/03/turkey-now-blocking-social-media-by-
hijacking-google-dns/

Twitter, Blog, “Challenging the access ban in Turkey”, 26/03/2014,


https://blog.twitter.com/official/en_us/a/2014/challenging-the-access-ban-in-turkey.html

TUFEKCI Zeynep (sociologue spécialiste de l’impact des technologies de l’information et de la


communication), “Everyone Is Getting Turkey’s Twitter Block Wrong”, Medium, 24/03/2014,
https://medium.com/message/everyone-is-getting-turkeys-twitter-block-wrong-cb596ce5f27

DIDR – OFPRA
01/03/2022 27

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