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Introduction Générale
Si le droit des affaires de l’Union européenne apparaît comme un droit régissant les
rapports économiques de ses Etats membres, il mérité d’être enseigné dans les facultés de
droit marocaines en raison du statut spécifique accordé du Maroc dans le domaine politique
et économique. D’abord, dans le domaine politique, le renforcement de l'architecture
institutionnelle s’est traduit par l'installation d'une commission mixte paritaire « Parlement
marocain-Parlement européen » et l'obtention par le Maroc du statut d'observateur à
l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
Ensuite, c’est certainement le domaine qui nous intéresse dans le cadre de ce cours,
le domaine économique où le statut comporte un rapprochement du cadre législatif du
Maroc à l'acquis de l’Union européenne et la possibilité d'approfondir les relations
commerciales à travers un « Accord de Libre-Échange Approfondi (ALEA) » qui couvrira un
nombre important de domaines à savoir un accès aux marchés publics, une facilitation de
l'accès au marché pour les produits industriels, des mouvements des capitaux et paiements,
des droits de la propriété intellectuelle et industrielle, et une politique de la concurrence.
C’est cette politique qui nous intéresse dans ce cours et qui plus particulièrement les juristes
d’affaires marocains.
Au Maroc, comme dans les autres systèmes juridiques étrangers, le droit des affaires
apparaît comme le moyen d’adapter le droit de l’entreprise aux nécessités de la vie
économiques contemporaine. Compte tenu des vastes champs disciplinaires de cette
matière, il n’est pas question dans ce cours de les aborder toutes de manière critique. Plus
modestement nous accorderons une place non négligeable au droit de la concurrence.
2
Envisagé sous ses aspects économiques, ce droit, composante essentielle du droit des
affaires de l’Union européenne a pour objet l’organisation des structures des entreprises et
les comportements des entreprises sur le marché. C’est donc un droit de régulation des
activités concurrentielles par les pouvoirs public et privés. Il réglemente les formes
juridiques de l’économie. Cependant, ce droit est un droit qui dérange les juristes des États
membres de l'Union européenne et oblige à remettre en cause les habitudes de pensée
traditionnelles. Les juristes privatistes n'échappent pas à cette situation et pensent que les
rapports entre le droit de l’Union européenne et le droit privé soient sensiblement différents
selon qu'il s'agît des rapports économiques où la diversité des droits nationaux est un
obstacle à la réalisation de l’Union européenne.
Cette situation a fait que le droit des affaires de l’Union européenne est le fruit d’une
longue et lente construction progressive et chronologique. Aujourd’hui, ce droit a
principalement pour source les traités fondateurs, la jurisprudence de la Cour de justice, une
multitude d’instruments de droit dérivé et aussi d’une certaine manière des ordres
juridiques des Etats membres. Au sein de l’Union européenne ce corpus juridique a pour
principaux destinataires les agents économiques. En intégrant l’ensemble des droits des
Etats membres, le droit des affaires de l’Union européenne devient ainsi une composante
essentielle du droit interne de ces Etats. A l’instar du droit interne, comme au Maroc, le droit
des affaires est l’ensemble des règles relatives à l’activité économique. Mais pour l’Union
européenne, ce droit s’inscrit dans le cadre d’une réglementation régionale, comme c’est le
cas en Afrique pour l’OHADA 1, ou Mercosur en Amérique du Sud.
Ce droit présente plusieurs particularités. Il comporte, d’abord, un ensemble de
règles relatives au développement des échanges, comme la liberté de circulation et
l’interdiction des pratiques anticoncurrentielles, mais aussi des règles applicables aux
opérations sur le marché intérieur, comme par exemple la distribution, la propriété
intellectuelle, le commerce électronique et l’espace judiciaire européen. Il comporte, ensuite
et enfin, des règles relatives au développement des entreprises comme le droit européen
des sociétés et le contrôle des concentrations. Ce droit des affaires de l’Union européenne
est destiné d’une certaine manière aux relations d’affaires, c'est-à-dire les rapports entre les
agents économiques sur le marché de l’Union européenne. Il regroupe donc toute une
1
Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, comprenant 17Etats membres.
réglementation à vocation purement économique. Ce droit procède, comme en droit
marocain, par une appréhension d’une situation de fait et dans une situation particulière
pour lui donner un régime propre. Ce droit des affaires de l’Union européenne présente
l’avantage de tenir compte de l’évolution économique.
Il est certainement réducteur de présenter le droit des affaires de l’Union
européenne comme émanant de la seule sphère des institutions de l’Union. Il est aussi le
fruit d’un dialogue : dialogue entre les États membres, dialogue entre l’échelon national et
l’échelon européen. Ce dialogue contribue à l’élaboration et l’affirmation du droit des
affaires de l’Union européen. En ce sens, la concurrence entre les ordres juridiques des États
3
membres constitue un facteur possible de rapprochement.
Si l’histoire de la construction de ce droit des affaires de l’Union européenne est
aujourd'hui plus que cinquantenaire, les États membres n’ont pas renoncé totalement à
légiférer en la matière. Certains volets demeurent avant tout tributaires du droit interne
comme l’illustre ce que l’on désigne sous le vocable de droit des pratiques restrictives de
concurrence ou le droit de la concurrence déloyale. Il n’en demeure pas moins que
l’opérateur économique européen reste toujours confronté à l’existence d’une intégration
juridique inachevée et donc incomplète.
Si comme en droit interne l’expression « droit des affaires » paraît incertaine, on peut
lui préférer celle de droit commercial. Sans entrer dans le débat, il faut souligner que le droit
commercial, en tout cas pour les juristes marocains, ne régit pas toutes les activités
économiques. Or, ainsi qu’il sera vu par la suite, le droit européen et singulièrement le droit
européen de la concurrence s’attachent à l’activité économique et ce, quelle que soit la
forme prise, commerciale ou non. Le vocable de droit professionnel a pu être adopté,
englobant ainsi l’activité économique des non-commerçants. Mais, l’expression « droit des
affaires » semble recouvrir le contenu de ce droit des activités économiques. Au point
d’ailleurs qu’il serait peut-être préférable de parler de droit économique européen. Mais
finalement, il a été choisi de maintenir le terme de droit des affaires, défini comme le droit
des relations d’affaires, que ce soit du point de vue des structures ou des opérations. Ou plus
exactement, d’expliciter le contenu de ce droit des affaires au regard des deux grandes
branches qu’il recouvre aujourd'hui du point de vue de l’agent économique, de l’opérateur
économique, de l’entreprise à savoir la libre concurrence et la libre circulation.
Certains choix délibéré sont été volontairement opérés dans ce cours. Il ne s’agit ici
nullement, comme nous l’avons déjà souligné, de couvrir tous les domaines de ce que l’on a
longtemps désigné par l’expression, plus vague, de droit communautaire matériel, par
opposition au droit communautaire institutionnel. On ne trouvera donc pas de
développements autres que très généraux et dans la mesure où ils contribuent
effectivement à l’étude du droit des affaires, objet de notre cours.
L’originalité de l’ordre juridique européen notamment les principes de primauté et
d’effet direct qui le caractérisent, conduisent à faire des juridictions et autorités nationales
les acteurs en première ligne du droit des affaires de l’Union européenne. Le droit des
pratiques anticoncurrentielles en est l’illustration la plus parfaite. Afin de bien percevoir ce
phénomène, il a été choisi d’illustrer les aspects majeurs du droit des affaires de l’Union
européenne par des décisions prononcées par les juridictions et autorités françaises.
Le droit des affaires de l’Union européenne est pour l’essentiel construit par des
acquis jurisprudentiels de la Cour de justice qui fonde l’ordre juridique de l’Union
européenne et l’ordre juridique national. Une étape décisive de cette construction résulte
d’un arrêt de première importance en date du 5 février 1963 dit « Van Gend en Loos », qui a
institué dans l’ordre juridique de l’Union européenne le principe de l’effet direct. Selon cet
4
arrêt « le droit de l’Union européenne, indépendamment des législations des Etats membres,
engendre des droits au profit des ressortissants qui entrent dans leur patrimoine juridique.
Est donc instituée une voie de droit à l’initiative des particuliers qui peuvent agir devant leurs
juges nationaux en invoquant ces droits ce qui, indirectement, peut avoir pour effet de faire
sanctionner les manquements des Etats ». Ce principe de l’effet direct de l’ordre juridique,
signifie que les Etats membres ont accepté la limitation de leur souveraineté, et que leurs
citoyens ont désormais la possibilité de s’appuyer sur les Traités pour faire valoir leurs droits
devant les juridictions nationales.
Un an plus tard, le 15 juillet 1964, un autre arrêt important, dit « Costa contre ENEL »
pose le principe de primauté du droit européen sur les législations européennes des Etats
membres. Enfin, l’arrêt dit « Simmenthal » en date du 9 mai 1978 consacre le juge national
comme le juge de l’Union européenne. Le juge a l’obligation d’appliquer le droit de l’Union
européenne dans l’ordre juridique interne. Mais pour le cas où le droit de l’Union
européenne ne serait pas clair, le juge national peut saisir la Cour de justice d’une question
préjudicielle au sens de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
La Cour de justice interprétera le droit de l’Union européenne et le juge national
devra suivre cette interprétation. C’est le cas par exemple lorsqu’une loi nationale est
contraire au droit de l’Union européenne.
Par tous ces arrêts, les juges imposent que le droit de l’Union européenne constitue
un ordre juridique propre, ce qui signifie qu’il est autonome des droits nationaux. De plus, ce
droit est intégré dans les droits nationaux. Dès lors, ces droits nationaux deviennent eux-
mêmes une part du droit de l’Union européenne. Il est remarquable de noter que c’est une
juridiction et non les Traités fondateurs qui a opéré une avancée considérable de
l’intégration européenne et donc une base du droit des affaires.
Au sein du marché de l’Union européenne, il y a la mise en place de libertés
économiques et des principes fondamentaux comme la libre concurrence. Mais, comme
pour toutes les libertés, il y a pour certaines d’entre elles des limites non seulement à
l’échelle de l’Union européenne mais aussi à l’échelle des Etats membres qui elles sont
toutefois soumises au contrôle de l’Union européenne. Toutes ces libertés et a ussi leur
restriction sont donc réglementées par ce droit des affaires de l’Union européenne.
Mais, l'application la plus significative du droit des affaires de l’Union européenne est
certainement le droit de la concurrence par les autorités de la concurrence, au premier chef
desquelles la Commission européenne, qui rend la prise en compte de cette réglementation
indispensable par les entreprises. Le droit de la concurrence de l’Union européenne est
d'autant plus important qu'il s'impose, en droit ou en fait, aux autorités et juridictions
nationales et s'applique donc, en pratique, à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.
Sa compréhension et sa mise en œuvre peuvent néanmoins s'avérer délicates, car il
s'agit d'un droit très empreint d'économie, et dans lequel la pratique décisionnelle et la
jurisprudence tiennent une place particulièrement importante. Pour autant, s'il constitue
5
une contrainte pesant sur le comportement des entreprises, sa connaissance fine peut
également permettre de s'en servir comme d'un outil dans les relations commerciales et
industrielles entre les entreprises.
Cette réglementation vise à permettre un contrôle tant des comportements des
entreprises, a posteriori comme par exemple le droit des ententes anticoncurrentielles et
des abus de position dominante, que de leurs opérations significatives de croissance
externe, a priori par exemple le droit des concentrations. À cet égard, il convient de prendre
garde à la signification de certaines notions cardinales du droit de la concurrence telles que
celles d'entreprise, ou de marché, qui diffère de celle qui est la leur dans d'autres
réglementations nationales.
Prolégomènes
La logique du droit de la concurrence est l’élimination des frontières entre les Etats
membres. C’est la raison pour laquelle l’action du droit de l’Union européenne s’est
concentré dans l’élimination des barrières et autres entraves aux échanges de nature
étatique afin de réaliser un espace sans frontières intérieures. Dans le domaine économique,
cette logique exprime l’idée de compétition entre les entreprises sur un marché définie.
9
Historiquement, le droit concurrence est né avec le Traité de Rome du 25 mars 1957.
Ses anciens articles 85, 86 et 90, devenus après les articles 81, 82 et 86, puis aujourd’hui les
articles 101, 102 et 106 suite à l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, respectivement
consacrés aux ententes anticoncurrentielles, aux abus de position dominante et à leur
application aux entreprises titulaires de droits spéciaux ou exclusifs, n'ont connu aucune
modification de texte depuis leur origine. Cette réglementation a été complétée toutefois en
1989 par un règlement du Conseil européen 2 établissant un contrôle des concentrations.
Dès son origine dans le domaine économique, le processus d'intégration européenne
a fait le choix de l'économie de marché. C’est la cas de l’économie marocaine. Cette
économie a besoin d'être encadrée, protégée contre elle-même et ses effets de domination.
Justement, pour garantir une économie de marché ouverte où la concurrence est
libre, le droit de la concurrence demeure un outil au service de la réalisation des objectifs
généraux du droit des affaires de l'Union européenne 3. À cet égard, il vise notamment à
éviter le rétablissement par des entreprises privées des barrières aux échanges intra-
européens supprimées au niveau étatique et, de manière plus générale, que des entreprises,
en restreignant la concurrence entre elles ou avec des tiers, réduisent le bien-être du
consommateur final 4. Dans ce contexte, le droit européen de la concurrence vise à protéger
non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la
structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle5.
Il convient de s’intéresser aux notions fondamentales du droit de la concurrence de
l’Union européenne (Section 1) avant de voir son articulation avec les droits nationaux
(Section 2).
2
Cons. UE, règl. n° 4064/89, 21 déc. 1989. - auquel a succédé Cons. UE, règl. CE n° 139/2004, 20 janv. 2004,
relatif au contrôle des concentrations entre entreprises : JOUE n° L 24, 29 janv. 2004, p.1
3
par exemple TPICE, 30 avr. 2009, aff. T-12/03, Itochu Corp c/ Commission des Communautés européennes,
Contrats, conc. consom. 2009, comm., 172 ; Europe 2009, comm., 243.
4
Par exemple TPICE, 27 sept. 2006, aff. T-168/01, GlaxoSmithKline Services Unlimited c/ Commission des
Communautés européenne.
5
Par exemple TUE, 16 sept. 2013, aff. T-386/10, Aloys F. Dornbracht GmbH & Co. KG/Commission européenne,
point 176.
Section 1. Les notions fondamentales du droit de la concurrence de l’Union
européenne.
6
Par exemple TUE, 15 juill. 2015, aff. T-436/10, HIT Groep BV/Commission européenne, point 117.- CJUE, 10
avr. 2014, Siemens AG Österreich, aff. C-231/11, point 43
Mais, contrairement au droit des affaires marocain et français, l'entreprise au sens
du droit européen de la concurrence se définit donc par son activité et non par son statut ou
sa structure. Cela est d'ailleurs encore plus manifeste en droit des concentrations puisqu'il
s'agit alors, non seulement de toute structure ou partie de structure constituée sous une
forme juridique par une société, mais, plus généralement, de tout actif, corporel ou
incorporel, auquel peut être rattaché un chiffre d'affaires.
L'activité économique consiste dans le fait d'offrir des biens ou des services sur un
marché donné, activité de fabrication, de vente ou de distribution de produits ou services,
peu importe le type de biens fournis 7.
11
Il arrive que certaines entités ne sont pas qualifiées d'entreprises car les activités
qu'elles exercent ne sont pas considérées comme des « activités économiques ». C’est le cas
par exemple des organismes remplissant une fonction à caractère exclusivement social,
fondée sur le principe de solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif. Tel est
notamment le cas en matière de régimes d'assurances sociales 8, ou encore, des entités
gérant une activité consistant dans l'exercice de prérogatives de puissance publique. Il s'agit
là d'une notion distincte de l'exercice d'une mission de service public, qui peut se définir
comme une mission d'intérêt général qui relève des fonctions essentielles de l'État 9.
Si le fait qu'une entreprise soit publique et/ou en charge d'une mission de "service
public" ne la fait pas échapper pour autant au droit de la concurrence, un aménagement à
l'application de celui-ci est cependant prévu. En effet, s'agissant des entreprises chargées de
la gestion de services d’intérêt économique général, le droit de la concurrence ne leur est
applicable que dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à
l’accomplissement de la mission qui leur a été impartie 10.
Les entreprises sont donc les sujets du droit de la concurrence de l’Union
européenne. A côté de cette notion d’entreprise, il y a aussi une autre notion importante,
celle de marché.
7
Par exemple CJCE, aff. C-113/07 P, 26 mars 2009, Selex Sistemi Integrati SpA : Contrats, conc. consom. 2012,
comm. 263 ; Contrats - Marchés publ. 2009, comm. 152 ; Rev. dr. transp. 2009, comm. 106 ; Europe 2009,
comm. 198.
8
Par exemple CJUE, 3 mars 2011, aff. C-437/09, AG2R Prévoyance c/ Beaudout Père et Fils Sarl . : Contrats,
conc. consom. 2011, comm. 124 ; Europe 2011, comm. 180.
9
Par exemple CJCE, 26 mars 2009, aff. C-113/07 P, Selex Sistemi Integrati SpA , Contrats, conc. consom. 2012,
comm. 263 ; Contrats - Marchés publ. 2009, comm. 152 ; Rev. dr. transp. 2009, comm. 106 ; Europe 2009,
comm. 198.
10
Par exemple TPICE, 24 mai 2007, aff. T-289/01, Der Grüne Punkt - Duales System Deutschland GmbH c/
Commission des Communautés européennes : Contrats, conc. consom. 2007, comm. 177 ; Europe 2007, comm.
188.
la fois les rapports de concurrence entre les entreprises en cause, leur puissance de marché
(c'est-à-dire la capacité d'une entreprise à limiter les débouchés et/ou à augmenter les prix
au préjudice des consommateurs) et les effets de la pratique incriminée ou de l'opération de
concentration envisagée. La délimitation d'un marché ne constitue donc pas une fin en soi,
mais un moyen 11.
11
Par exemple TUE, 16 sept. 2013, aff. T-396/10, Zucchetti Rubinetteria SpA/Commission européenne, point 28.
12
Par exemple TUE, 25 mars 2015, aff. T-556/08, Slovenská pošta a.s/Commission européenne, points 111 s. -
CJUE, 28 févr. 2013, aff. C-1/12, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas/Autoridade da Concorrência : Contrats,
conc. consom. 2013, comm. 85 ; Europe 2013, comm. 175.
13
Par exemple TPICE, 7 mai 2009, aff. T-151/05, Nederlandse Vakbond Varkenshouders (NVV), Marius Schep et
Nederlandse Bond van Handelaren in Vee (NBVH) c/ Commission des Communautés européennes.
Mais alors comment ce droit s’articule avec les droits nationaux ?
14
Par exemple TUE, 13 juill. 2011, aff. jtes T-144/07, T-147/07, T-148/07, T-149/07, T-150/07 et T-154/07,
ThyssenKrupp Liften Ascenseurs NV, ThyssenKrupp Aufzüge GmbH, ThyssenKrupp Fahrtreppen GmbH,
ThyssenKrupp Ascenseurs Luxembourg Sarl, ThyssenKrupp Elevator Ag, ThyssenKrupp Ag, ThyssenKrupp Liften
BV/Commission européenne.
15
Comm. CE, n° 2004/C 101/07, Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant au
Traité CE, art. 81 et 82 : JOUE 27 avr. 2004, n° C 101, p. 81.
16
par exemple CJUE, 16 juill. 2015, aff. C-172/14, ING Pensii – Societate de Administrare a unui Fond de Pensii
Administrat Privat SA/Consiliul Concurentei points 48 s..
17
par exemple CJUE, 16 juill. 2015, aff. C-172/14, ING Pensii – Societate de Administrare a unui Fond de Pensii
Administrat Privat SA/Consiliul Concurentei points 48 s..
18
CJCE, 14 déc. 2000, aff. C-344/98, Masterfood) et a même été renforcé par l'article 3 du règlement CE n°
1/2003 (Cons. UE, règl. n° 1/2003, 16 déc. 2002, art. 3 § 3, consid. 9, relatif à la mise en œuvre des règles de
concurrence prévues au Traité CE, art. 81 et 82 : JOCE n° L 1, 4 janv. 2003, p. 1 .- CJUE, 13 déc. 2012, aff. C-
226/11, Expedia Inc./Autorité de la concurrence ; Contrats, conc. consom. 2013, comm. 140 ; Comm. com.
électr. 2013, comm. 28 ; Contrats, conc. consom. 2013, comm. 41 ; Europe 2013, comm. 88 ; JCP E 2013,
1020.
autoriser une pratique illicite en vertu du droit européen. Le droit national ne peut quant à
lui interdire un accord jugé licite au plan européen.
Toutefois, le droit national peut être plus strict que le droit européen s'agissant des
comportements unilatéraux. A ce sujet, il est prévu une règle de conflit prévue à l'article 3
du Règlement de 89 qui n'interdit pas « l'application de dispositions de droit national qui
visent à titre principal un objectif différent de celui visé par les articles 81 et 82 du Traité ».
C’est le ca par exemple « des dispositions qui interdisent aux entreprises d'imposer à un
partenaire commercial d'obtenir ou de tenter d'obtenir de lui des conditions commerciales
injustifiées, disproportionnées ou sans contrepartie ».
14
A ces grands principes, il y a ceux qui concernent les libertés économiques au sein du
marché intérieur de ‘Union européenne.
Chapitre 2.
Permettre la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des
capitaux suppose deux actions différentes mais complémentaires de la part de l’Union
européenne. Il convient, d’une part, de démanteler les barrières étatiques de toute nature
qui peuvent entraver la libre circulation. D’autre part, il est nécessaire d’adopter des
mesures favorisant le rapprochement des législations nationales dans une optique, là
encore, de libre circulation des marchandises ou des opérateurs économiques.
Le démantèlement des barrières nationales susceptibles d’empêcher l’accès aux
différents marchés nationaux est expressément prévu en tant qu’obligation à la charge des
États membres. Que cela touche les marchandises, les personnes, les services ou les
capitaux, l’action de l’Union européenne doit conduire à « l’abolition des obstacles à la libre
circulation »19. Si, les États membres ont progressivement fait disparaître les barrières
tarifaires et techniques existant entre eux. Ils sont tenus de ne pas en ériger de nouvelles. En
ce sens, il est expressément prévu, par exemple en matière de marchandises, que les États
membres « s’abstiennent de toute mesure nouvelle […] qui restreint la portée des articles
relatifs à l’interdiction des droits de douane et des restrictions quantitatives entre les États
membres ».
Le Traité de l’Union européenne prévoit cependant la possibilité de réinstaurer des «
barrières » dans une hypothèse qui tient à des considérations de nature non économique.
16
L’invocation de cette clause de sauvegarde par les États membres est cependant très
strictement encadrée20.
Afin de garantir la libre circulation, l’Union européenne agit aussi dans le
rapprochement des législations nationales 21. Ainsi, sont envisagées « des directives pour le
rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États
membres qui ont une incidence directe sur l’établissement ou le fonctionnement du marché
commun » 22 et les « mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives,
réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le
fonctionnement du marché intérieur » 23. Il s’agit de rapprocher les législations nationales
selon une logique d’harmonisation qui contribue à une homogénéité des règles sur le
marché. Elles deviennent alors équivalentes.
C’est ainsi qu’ont été adoptées de très nombreuses directives d’harmonisation qui
ont eu un impact sur le marché intérieur. On peut ainsi évoquer les textes élaborés en
matière de propriété industrielle et intellectuelle. Comme au Maroc, un droit de brevet ou
un droit de marque offre un monopole territorial à son détenteur qui peut, dès lors, porter
atteinte à la libre circulation des marchandises. Pour ne prendre que l’exemple des marques,
une directive du 21 décembre 1988 est venue rapprocher les législations des États membres
en cette matière. Selon cette directive « les législations qui s’appliquent actuellement aux
marques dans les États membres comportent des disparités qui peuvent entraver la libre
circulation des produits ainsi que la libre prestation des services et fausser les conditions de
concurrence dans le marché commun ». Cette directive a pour objectif d’harmoniser le droit
des marques. Toute la logique de l’harmonisation est d’assurer une équivalence entre les
règles nationales.
19
art. 3 c) CE.
20
. L’article 114 TFUE prévoit ainsi qu’après l’adoption par l’Union d’une mesure d’harmonisation, un État
membre peut notifier à la Commission le maintien de dispositions nationales, fondé sur des considérations
relatives à l’ordre public, la protection de l’environnement ou la protection du milieu de travail.
21
C’est l’objet des articles 114 à 118 TFUE.
22
art. 115 TFUE.
23
art. 114 TFUE.
C’est cette logique qui existe pour le Maroc dans le cadre du processus de
convergence réglementaire qui permet une harmonisation du droit marocain avec les acquis
de l’Union européenne.
Qu’en est-il de l’affirmation jurisprudentielle ?
24
CJCE 20 févr. 1979, Rewe Zentral, aff. 120/78, Rec. CJCE 649.
25
CJCE 25 juill. 1991, Säger, aff. C-76/90, Rec. CJCE I-4221.
où cet intérêt n’est pas déjà sauvegardé par des règles auxquelles le ressortissant
communautaire est soumis dans l’État membre où il est établi » 26.
Parmi ces quartes libertés, seule la liberté de circulation des marchandises fera
l’objet d’un développement dans ce cours.
18
26
CJCE 20 mai 1992, Ramrath, aff. C- 106/91, Rec. CJCE I-3351.
Chapitre 3.
Comme pour les accords de libre échange conclus entre le Maroc et d’autres Etats,
cette liberté s’est traduite concrètement par la suppression progressive des droits de
douane et autres restrictions quantitatives à l’entrée et à la sortie des marchandises.
En droit des affaires de l’Union européenne, l’article 28 Traité fondateur de l’union
européenne prohibe les droits de douane à l’importation et à l’exportation ainsi que toutes 19
taxes d’effet équivalent. Ses articles 34 et 35 quant à eux interdisent les restrictions
quantitatives à l’importation et à l’exportation ainsi que toutes mesures d’effet équivalent.
Cette interdiction n’est cependant pas absolue. Une dérogation est toutefois autorisée
lorsqu’il y a des justifications tirées de la moralité publique, de l’ordre public ou de la
protection de la santé et de la vie des personnes, ou encore, de la protection de la propriété
industrielle et commerciale. Cependant, cette dérogation ne doit pas constituer ni un moyen
de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États
membres.
Il faut retenir que l’idée centrale est celle naturellement d’assurer un libre accès des
marchandises au marché intérieur de l’Union européenne. C’est ce que confirme, d’ailleurs,
la reconnaissance du « principe de libre pratique » qui conduit à ce que des produits en
provenance d’États tiers à l’Union européenne, comme par exemple le Maroc, mais ayant
subi les formalités douanières prévues puissent aussi librement circuler sur l’ensemble du
territoire européen.
Mais, avant d’aborder la libre circulation des marchandises, il est nécessaire de
préciser le sens du terme « marchandise ». Les auteurs du Traité fondateur de l’union
européenne, dès sa version d’origine, n’ont pas fait le choix de recourir à une notion
juridiquement connotée, comme celle de « bien », que l’on retrouve d’ailleurs en droit
marocain, susceptible de soulever des difficultés de qualification. On observe encore que le
droit primaire envisage indifféremment les marchandises ou les produits27, tandis que le
droit dérivé semble également les tenir pour synonymes.
Quoi qu’il en soit, la définition de la notion de marchandise doit certainement
s’entendre de façon large et revêt, à cet égard, un caractère extensif. Ainsi, la directive
européenne n° 85/374/CEE relative à la responsabilité du fait des produits défectueux 28
propose comme une définition du produit comme étant « tout meuble, même s’il est
incorporé dans un autre meuble ou dans un immeuble. Le terme […] désigne également
l’électricité » révélant l’indifférence du caractère immatériel aux fins de la définition de la
notion de marchandise.
27
Art. 28 § 1 et 2 TFUE, art. 29, 37 § 2et 110 TFUE.
28
JOCE L 210 du 7 août 1985.
Par ailleurs, la jurisprudence confirme cette souplesse de la notion en affirmant que
les marchandises s’entendent des produits agricoles 29, ou en révélant qu’elles peuvent être
des déchets 30, comme des œuvres d’art 31. De jurisprudence constante, le juge de l’Union
européenne se borne à définir les marchandises, au sens du Traité de l’Union européenne,
comme des « produits appréciables en argent ou susceptibles, comme tels, de former l’objet
de transactions commerciales » sans davantage de précisions. Sont, comme en droit
marocain, dès lors exclus les produits hors commerce, comme les stupéfiants 32. En revanche,
les produits du tabac doivent être traités comme des marchandises 33. En réalité, en retenant
une acception large de la notion qui nous intéresse, le droit des affaires de l’Union
européenne s’inscrit dans une logique de pragmatisme non tributaire des éventuelles 20
divergences de qualifications retenues par les droits nationaux.
Il paraît dès lors utile de s’attacher d’abord à la nature des entraves (section 1), puis
aux moyens de les éradiquer (section 2).
29
CJCE 20 avr. 1978, Société des Commissionnaires réunis SARL c/Receveur des douanes ; SARL Les fils de Henri
Ramel c/ Receveur des douanes, aff. jtes 80/77et 81/77 Rec. CJCE 927.
30
CJCE 8 nov.2007, StadtgemeindeFrohnleiten et GemeindebetriebeFrohnleiten, aff. C-221/06, Rec.CJCE 9642.
31
CJCE 10 déc. 1968, Commission c/ Italie, aff. 7/68,Rec. CJCE 617.
32
CJCE 26 oct. 1982, Wolf, aff. 221/81,Rec. CJCE 3681.
33
CJUE 14 mars 2013, Commission c/ France, aff. C-216/11, Rec. 2013.
Dans cette interdiction, il revient à la Cour de justice de l’Union européenne de
proposer une définition des taxes d’effet équivalent. C’est très justement dans un arrêt dit
du « Pain d’épices », que la Cour énonce qu’« est une taxe d’effet équivalent, un droit,
unilatéralement imposé, quelles que soient son appellation et sa technique, soit au moment
de l’importation, soit ultérieurement et qui, frappant spécifiquement le produit importé à
l’exclusion du produit national similaire, a pour résultat, en altérant son prix, d’avoir sur la
libre circulation des produits la même incidence qu’un droit de douane » 34. Cette définition a
été complétée par une autre aux termes de laquelle la Cour a insisté sur l’indifférence, d’une
part, du caractère minime de la taxe perçue, d’autre part, du fait qu’elle n’exerce aucun effet
discriminatoire ou protecteur et que le produit imposé ne se trouve pas en concurrence avec 21
une production nationale 35. C’est tout logiquement que les opérateurs économiques ont pu
très justement contester toute une variété de taxes, soit en saisissant la Commission
européenne de plaintes de nature à la conduire à engager un recours en constatation de
manquement de l’État membre concerné, soit alors en invoquant directement les
dispositions du Traité de l’Union européenne devant le juge nati onal en vertu de l’effet
direct des articles reconnu par la jurisprudence « Van Gend en Loos ».
Mais, deux précisions doivent cependant être apportées. En premier lieu, il faut se
garder de croire que toutes les taxes perçues par un État membre sur une marchandise
importée constituent immanquablement des TEE. En effet, la Cour de justice de l’Union
européenne admet deux justifications de l’entrave résultant de l’interdiction des droits de
douane. D’une part, elle rappelle régulièrement que ne constitue par une TEE une charge
financière exigée lors d’une importation ou d’une exportation de marchandises qui s’analyse
en la rémunération directe d’un service rendu à l’importateur ou à l’exportateur. La
contrepartie financière exigée doit être proportionnée au service rendu, celui-ci s’entendant
d’« un avantage, spécifique ou individualisé, procuré à l’opérateur économique » 36.
La Cour observe cependant que ces conditions sont d’interprétation stricte du fait de
leur caractère dérogatoire. Ainsi, dans son arrêt « Denkavit », elle considère par exemple
que le fait de percevoir une taxe non en raison d’un service rendu mais dans le but de
subvention des productions nationales relève de l’interdiction des TEE 37. D’autre part,
l’obligation imposée par une réglementation européenne38 ou par une convention
internationale appliquée par l’ensemble des États membres, qui vise à favoriser le
commerce entre ces derniers au moyen d’un système de contrôle qu’ils reconnaissent
mutuellement 39, peut également justifier l’entrave découlant de l’interdiction des taxes
d’effet équivalent.
34
CJCE 14 déc. 1962, Commission c/ Luxembourg, aff. 2 et 3/62, Rec. CJCE 813.
35
CJCE 1erjuill. 1969, Commission c/ Italie, aff. 24/68, Rec. CJCE 193.
36
CJCE 30 mai 1989, Commission c/ Italie, aff. 340/87, Rec. CJCE 193.
37
CJCE 31 mai1979, Denkavit, aff. 132/78, Rec. CJCE 1923.
38
CJCE 25 janv. 1977, W. J. G. Bauhuis c/ État néerlandais,aff. 46/76, Rec. CJCE 5.
39
CJCE 12 juill.1977, Commission c/ Pays-Bas, aff. C-89/76, Rec. CJCE 1355.
En second lieu, il faut bien distinguer les taxes d’effet équivalent de l’article 30 Traité
de l’Union européenne des impositions intérieures. Les unes et les autres sont
complémentaires mais ne se confondent pas, les qualifications de taxe d'effet équivalent et
d'imposition intérieures étant d’ailleurs exclusives 40. C’est ainsi que l’article 110 Traité de
l’Union européenne vise à maintenir la neutralité de l’impôt au regard de la concurrence
entre produits importés et produits nationaux. Il dispose en ce sens qu’« aucun État membre
ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d’impositions
intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à celles qui frappent directement
ou indirectement les produits nationaux similaires ». Le juge de l’Union européenne rappelle
régulièrement que cette disposition, qui est, rappelons-le, d’effet direct, « a pour objectif 22
d’assurer la libre circulation des marchandises entre les États membres, dans des conditions
normales de concurrence » et vise « l’élimination de toute forme de protection pouvant
résulter de l’application d’impositions intérieures discriminatoires à l’égard des produits
originaires d’autres États membres » 41. On comprend immédiatement que les impositions
intérieures reposent sur l’exigence de caractérisation de la discrimination. Le régime de la
fiscalité indirecte prévue par l’article 110 TFUE nécessite l’existence de produits nationaux
similaires taxés, pour pouvoir statuer sur l’absence de discrimination fiscale entre ces
derniers produits et les produits importés taxés. C’est d’ailleurs ce que la Cour a rappelé
dans une importante décision relative « aux postes émetteurs » 42. Dans cette affaire, était en
cause une taxe perçue en France au moment de la livraison de ce matériel. Le juge
administratif français saisi d’une contestation, a interrogé la Cour sur la nature exacte d’une
telle taxe. La Cour a répondu en estimant que la taxe qui frappe ces postes doit s’analyser
non comme une imposition intérieure, mais comme une TEE.
En effet, constatant l’absence de production nationale, il était impossible de
caractériser une discrimination. En revanche, parce que la taxe ne s’appliquait qu’à des
produits importés de la Communauté Européenne, elle constituait une TEE qui, elle, ne
suppose pas nécessairement de caractériser une discrimination, mais seulement de relever
que le produit est frappé du seul fait qu’il franchit la frontière et ne peut s’analyser en la
rémunération directe d’un service rendu à l’importateur. Si les solutions sont aujourd'hui
bien acquises, la Cour de Justice de l’Union européenne procède encore à quelques rappels
pédagogiques sur les éléments constitutifs des deux notions taxe d’effet
équivalent/imposition intérieure.
Ainsi, dans un arrêt dit « Orgacom », la Cour de Justice de l’Union européenne
souligne que, dans un système d'imposition intérieur, le prélèvement doit affecter des
produits identiques (importés, exportés, nationaux), au même stade de commercialisation,
avec un fait générateur identique.
40
CJCE, 8 nov. 2007, aff. C-221/06, StadtgemeindeFrohnleiten, Rec. I - 09643 ; CJUE, 7ech., 2 oct. 2014, aff.
C-254/13, Orgacom, Rec. 2014.
41
CJUE 7 avr. 2011,Tatu c/ StatulromânprinMinisterulFinantelor si Economiei, aff. C-402/09, Rec. CJUE I-2711 ;
CJUE, 3ech., 17 déc. 2015, aff. C- 402/14,Viamar, Rec. 2015.
42
CJCE 22 avr. 1999, CRT France international SA, aff. C-109/98, Rec. CJCE I-2266.
Constitue alors une taxe d’effet équivalent, au sens des articles 28 et 30 du Traité de
l’Union européenne, toute charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposée,
quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises en raison
du fait qu’elles franchissent la frontière, lorsqu’elle n’est pas un droit de douane proprement
dit. Ainsi, « la caractéristique essentielle d’une taxe d’effet équivalent, qui la distingue d’une
imposition intérieure de nature générale, réside dans la circonstance que la première frappe
exclusivement le produit qui franchit la frontière en tant que tel, tandis que la seconde frappe
à la fois des produits importés, exportés et nationaux » 43.
Sans multiplier les exemples, on peut évoquer une affaire qui a longtemps occupé le
23
devant de la scène judiciaire française et européenne l’affaire dite de la « supervignette». De
longue date, le législateur français avait institué une vignette majorée pour les véhicules
automobiles de plus de seize chevaux fiscaux. Or, il s’avérait qu’aucune production
automobile nationale ne faisait plus de seize chevaux. Seuls les véhicules importés et
notamment, certaines berlines allemandes étaient donc concernés. La C our de justice de
l’Union européenne à l’époque, dans un arrêt a pu conclure que la règle nationale était
manifestement discriminatoire et donc contraire à l’article 110 Traité de l’Union
européenne44.
Sur le plan interne, la Cour de cassation française a rapidement tiré les conséquences
de cette jurisprudence et, s’appuyant expressément sur cet arrêt a affirmé au visa de l’article
110 Traité de l’Union européenne que « la taxe instituée […] est une taxe spéciale dont le
montant n’est pas déterminé selon un barème progressif mais, au contraire, est fixé à une
somme forfaitaire unique constituant une charge spécifique qui, par son importance, peut
influer sur le choix des consommateurs entre des véhicules dont la puissance fiscale se situe
soit en dessous soit en dessus du seuil fixé pour l’application de cette taxe ; que, dès lors,
ladite taxe, frappant les seules voitures importées en France, notamment d’autres États
membres de la Communauté, comme cela résulte des énonciations du jugement, tombe sous
le coup de la prohibition découlant du Traité tel qu’interprété parla Cour de justice »45.
43
CJUE, 7ech., 2 oct. 2014, aff. C-254/13, Orgacom, Rec. 2014.
44
CJCE 9 mai 1985, Humblot, aff. 112/84, Rec.CJCE 1367.
45
Com. 11 févr. 1986, Bull. civ. IV, no7.
A. L’approche textuelle
B. L’approche jurisprudentielle
46
CJCE 11 juill. 1974, Dassonville,aff. 8/74, Rec. CJCE 837.
Quelques années plus tard, la Cour de Justice de l’Union Européenne souligne
expressément dans un arrêt important, dit « Cassis de Dijon » 47, que la MEERQ vise les
mesures discriminatoires, mais également les mesures indistinctement applicables aux
produits nationaux et aux produits importés. Les opérateurs économiques ainsi que la
Commission européenne sont alors partis à l’assaut de toutes les pratiques, mesures,
réglementations nationales susceptibles d’entraver la libre circulation des marchandises sur
le territoire européen. Le révélateur de ce phénomène a notamment été l’explosion du
contentieux devant la Cour, mais aussi devant les juridictions nationales. C’est ainsi que, sans
prétendre à l’exhaustivité, ont été contestées des règles nationales imposant un
conditionnement particulier pour le produit importé 48 ou un étiquetage du produit 25
exclusivement dans la langue nationale 49, des lois nationales imposant le principe du repos
dominical50 ou soumettant le remboursement de lunettes à une autorisation préalable51.
C’est alors que les juridictions françaises, notamment répressives, ont connu aussi un
contentieux abondant. Ainsi, la chambre criminelle a affirmé qu’« en réservant l’utilisation
de la dénomination de fantaisie “montagne” aux seuls produits fabriqués en France à partir
de matière première française, la loi du 9 janvier 1985 et le décret du 26 février 1988
instituent une discrimination, entre produits nationaux et non nationaux, constitutive, au
sens de l’article 30 [désormais, article 28] du Traité, d’une entrave actuelle ou potentielle aux
échanges intracommunautaires » 52.
Le seul fait de restreindre la liberté commerciale des entreprises a progressivement
semblé suffisant pour contester les réglementations des différents États membres. La
généralité de la définition des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives
retenue par la Cour a ainsi amené cette dernière à une tentative de réaction : un troisième
arrêt important est intervenu c’est l’arrêt « Keck et Mithouard » 53. À l’occasion de cette
affaire relative à une procédure pénale engagée contre deux commerçants français pour
avoir revendu à perte des produits importés, la Cour se situe explicitement en rupture par
rapport à sa jurisprudence antérieure. La Cour admet tout d’abord, de façon surprenante, «
que les opérateurs économiques invoquent de plus en plus l’article 30 du Traité pour
contester toute espèce de réglementations qui ont pour effet de limiter leur liberté
commerciale, même si elles ne visent pas les produits en provenance d’autres États membres
». Puis elle procède à une véritable redéfinition de la MEERQ et décide que, contrairement à
ce qui a été jugé jusqu’ici, ne sont pas « aptes à entraver directement ou indirectement,
actuellement ou potentiellement le commerce entre les États membres au sens de la
jurisprudence « Dassonville », des mesures qui limitent ou interdisent certaines modalités de
vente, pourvu qu’elles s’appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur
47
CJCE 20 févr. 1979, Rewe-Zentral, aff. 120/78, Rec. CJCE 649.
48
CJCE 20 févr. 1979, Rewe-Zentral, aff. 120/78, Rec. CJCE 649.
49
CJCE 12 sept. 2000, Geffroy, aff. C-366/98, Rec. CJCE I-6579.
50
CJCE 23 nov. 1989, Torfaen Borough Council,aff. C-145/88, Rec. CJCE 3885.
51
CJCE 28 avr. 1998, Decker, aff. C-120/95, Rec. CJCE I-1831.
52
Crim. 18 sept. 1997, Bull. crim. No305.
53
CJCE 24 nov. 1993, Keck et Mithouard, aff. C-267/91 et C-268/91, Rec. CJCEI-6126.
le territoire national, et pourvu qu’elles affectent de la même manière, en droit comme en
fait, la commercialisation des produits nationaux et ceux en provenance d’autres États
membres ». A la suite de cet arrêt, il convient de bien distinguer deux situations. Si une
mesure nationale est discriminatoire, elle constitue quelle que soit sa nature ou son objet
une MEERQ. Si une mesure nationale est indistinctement applicable aux marchandises
importées et aux marchandises nationales, elle ne constitue une MEERQ qu’à la condition de
ne pas être assimilable à une modalité de vente. Les réglementations limitant ou interdisant
certaines modalités de vente, en effet, n’apparaissent a priori pas incompatibles avec les
échanges entre les États membres. Aussi bénéficient-elles d’une présomption de conformité
aux dispositions du droit européen, à condition, cependant, qu’elles s’appliquent à 26
l’ensemble des opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national et
qu’elles atteignent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des
produits nationaux et celle des produits en provenance d’autres États membres 54.
Sur le plan national, le juge français a apparemment bien intégré cette distinction. A
propos d’un contentieux relatif à l’étendue du monopole de vente reconnu aux
pharmaciens, dans un premier arrêt du 9 juillet 1996, la Haute juridiction retient que la
réglementation est susceptible de s’analyser en une entrave mais qu’elle n’est « contraire à
aucune disposition du Traité instituant la CEE dès lors que cette réglementation s’applique
sans distinction tant aux produits nationaux qu’à ceux importés des autres États membres et
que les restrictions aux importations qui pourraient en résulter sont justifiées par des raisons
de protections de la santé publique et des consommateurs » 55.
La Cour de cassation applique la jurisprudence « Keck et Mithouard », en retenant
que « les dispositions de l’article L. 512 du Code de santé publique s’appliquent sans
discrimination tant aux produits nationaux qu’à ceux importés des États membres. Cette
réglementation échappe au domaine d’application de l’article 30 [désormais, art. 28] du
Traité instituant la Communauté européenne et, ne constituant pas une mesure d’effet
équivalent à une restriction quantitative à l’importation, il n’y a pas lieu de rechercher, pour
écarter l’exception prise de l’incompatibilité du monopole avec ce texte, s’il est justifié,
conformément à l’article 36 [désormais, art. 30] ». Concernant les modalités de vente la Cour
n’en estime pas moins que dans certaines hypothèses, elles puissent être de nature à
empêcher l’accès au marché des produits en provenance d’un autre État membre ou à les
gêner davantage qu’elles ne gênent celui des produits nationaux.
Les marchandises doivent pouvoir circuler sans entrave sur l’ensemble du territoire
européen. Ce principe, rappelé avec force à de très nombreuses reprises par la Cour, ne
54
CJCE 30 avr. 2009, Fachverband der Buch– undMedienwirtschaft c. LIBRO HandelsgesellschaftGmbH, aff. C-
531/07, Rec. CJCE I-3717
55
Crim. 9 juill. 1996, Bull. crim. No288.
signifie pas pour autant que les États membres n’ont aucune possibilité de s’opposer à
l’entrée sur leur territoire national de telle ou telle marchandise importée depuis un autre
État membre. La meilleure preuve en est que, dès l’origine, les rédacteurs du Traité ont
prévu que les États membres pouvaient interdire ou restreindre les importations et les
exportations dans la mesure où ces restrictions ou interdictions sont « justifiées par des
raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et
de la vie des personnes […] » (art. 30 CE, désormais art. 36 TFUE).
Par ailleurs, la Cour de justice de l’Union euroépenne, en posant le principe de
reconnaissance mutuelle des produits, dans son arrêt « Cassis de Dijon » a reconnu que « les
27
obstacles à la libre circulation intracommunautaire résultant des disparités de législations
nationales relatives à la commercialisation des produits […] doivent être acceptés dans la
mesure où ces prescriptions peuvent être reconnues comme étant nécessaires pour satisfaire
à des exigences impératives, tenant notamment à l’efficacité des contrôles fiscaux, à la
protection de la santé publique, à la loyauté des transactions commerciales et à la défense
des consommateurs ». Ces deux approches complémentaires donnent un rôle décisif aux
juridictions nationales et européennes qui, chargées de l’application et de l’interprétation du
droit de l’Union, vont donc être amenées en présence d’entrave à contrôler les éventuelles
justifications présentées par les États.
L’élimination des entraves est donc judiciaire et doit être rattachée à l’affirmation du
principe de reconnaissance mutuelle. Cette élimination peut aussi procéder de l’intervention
du « législateur » européen qui, constatant l’existence d’entraves, va estimer opportun et
nécessaire d’harmoniser les législations et réglementations nationales afin de les supprimer.
L’élimination des entraves à la libre circulation des marchandises peut résulter par la
jurisprudence et par l’harmonisation.
Parallèlement à l’œuvre d’harmonisation, la jurisprudence a contribué de deux
manières à l’éradication des entraves à la libre circulation des marchandises. D’une part, elle
a précisé le régime de l’article 30 CE, désormais article 36 TFUE, en en délivrant une
interprétation. D’autre part, elle a élaboré une théorie des exigences impératives qui a
donné lieu à une jurisprudence riche et complexe.
Il s’agit dans les deux cas d’encadrer strictement la compétence reconnue aux États
membres de s’opposer à l’entrée sur leur territoire de produits importés depuis un autre
État membre.
Les mesures tombant a priori sous le coup de l’interdiction de l’article 34 Traité
fondateur de l’Union européenne peuvent être validées si elles sont susceptibles d’entrer
dans le champ d’application de l’article 36 Traité fondateur de l’Union européenne. Ce
dernier dispose très exactement que « les dispositions des articles 34 et 35 ne font pas
obstacle aux interdictions ou restrictions d’importation, d’exportation ou de transit, justifiées
par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de sécurité publique, de protection de la
santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux, de
protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou
de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou
restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction
déguisée dans le commerce entre les États membres ». Ainsi le Traité permet aux États
membres de justifier certaines entraves (voire, d’en créer) pour des raisons que l’article 36
énumère.
D’après le Traité fondateur de l’Union européenne parmi les moyens mis en œuvre
par l’Union pour assurer la réalisation des objectifs du Traité, l’harmonisation des législations
nationales doit contribuer à l’édification du marché intérieur. La suppression des entraves à
28
la libre circulation des marchandises passe donc aussi par une harmonisation des législations
et des spécifications techniques applicables aux marchandises.
Un rapprochement des législations nationales n’est ainsi entrepris que lorsque la
reconnaissance mutuelle des produits est insuffisante pour parvenir à l’objectif de leur libre
circulation. L’article 114 du Traité fondateur de l’Union européenne permet aux institutions
d’arrêter « les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives,
réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le
fonctionnement du marché intérieur ». En harmonisant par exemple les dispositions
nationales relatives aux règles de conditionnement, d’étiquetage, les entraves sont donc
censées disparaître. Ainsi les États membres sont tenus d’accepter l’entrée sur leur territoire
de marchandises dès lors que ces dernières sont conformes aux normes techniques visées
par les directives.
L’existence d’une directive d’harmonisation est donc une redoutable arme aux mains
des plaideurs ou de la Commission.
Du point de vue juridique, le droit des affaires de l’Union européenne distingue trois
catégories d'ententes que sont les accords (A), les pratiques concertées (B) et les décisions
d'associations d'entreprises (C) 57.
56
D’un point de l’analyse juridique, l'article 101 du TFUE a une structure tripartite. Son paragraphe 1 pose le
principe de l'interdiction de certaines ententes en ce qu'elles portent atteinte à la concurrence. Son paragraphe
2 énonce une sanction qui s'attache à cette prohibition, à savoir la nullité de plein droit des accords en cause.
Son paragraphe 3 établit une dérogation au principe d'interdiction posé par le paragraphe 1er, en énonçant
que cet alinéa peut être déclaré inapplicable aux accords qui remplissent quatre conditions (deux négatives et
deux positives) cumulatives.
57
Par exemple CJUE, 11 sept. 2014, Mastercard, aff. C-382/12 : Contrats, conc. consom. 2014, comm. 251.
A. Les accords
Il s'agit d'« une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée
jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une
coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence » 59 . Par cette coopération, les
entreprises portent atteinte à l'incertitude concurrentielle devant prévaloir sur le marché, en
influençant le comportement d'un concurrent actuel ou potentiel et/ou en lui dévoilant le
comportement que l'on est décidé à tenir soi-même. La notion de pratique concertée
implique, outre la concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché y
faisant suite et un lien de cause à effet entre ces deux éléments (qui peut néanmoins être
présumé dans certaines circonstances 60.
Comme cela ressort de cette dénomination, constitue une entente au sens de l'article
101 du Traité fondateur de l’Union européenne l'expression, par un organe commun, de la
volonté collective de ses adhérents 61. La forme de cette expression de volontés est
indifférente comme les statuts d'association, règlement intérieur, décision,
recommandation. Il est de même inutile que celle-ci soit obligatoire en droit ; il peut s'agir,
58
Par exemple TUE, 16 juin 2015, aff. T-655/11, FSL Holdings e.a./Commission européenne, point 412.
59
Par exemple TUE, 16 juin 2015, aff. T-655/11, FSL Holdings e.a./Commission européenne, point 414.- CJUE, 5
déc. 2013, Solvay SA, aff. C-455/11, point 36.
60
Par exemple TUE, 16 juin 2015, aff. T-655/11, FSL Holdings e.a./Commission européenne, point 417.- CJUE, 5
déc. 2013, Solvay Solexis SpA, aff. C-449/11.
61
par exemple CJUE, 11 sept. 2014, aff. C-382/12, Mastercard , préc. .- CJUE, 4 sept. 2014, aff. C-184/13 , API:
Contrats, conc. consom. 2014, comm. 249 point 41.
par exemple, d'une simple recommandation suivie par ses adhérents. Il suffit qu'elle ait été
adoptée avec l'objet ou l'effet d'influencer le comportement commercial de ses membres 62.
En droit des affaires de l’Union européenne, comme d’ailleurs en droit marocain des
affaires l’expression d’entreprises est utilisée sans pour autant être définie. Les organes en
charge du droit de la concurrence n’ont pas non plus adopté de réelle définition commune.
Ils ont davantage cherché à dégager certains critères, selon eux, caractéristiques de
l’entreprise.
Une synthèse jurisprudentielle permet de mieux cerner ce qu’il faut entendre par
entreprise. D’abord, la jurisprudence du Tribunal de Première Instance de l’Union 33
européenne a ainsi proposé de voir dans les entreprises « des entités économiques
consistant chacune en une organisation unitaire d’éléments personnels, matériels et
immatériels, poursuivant de façon durable un but économique déterminé ». De son côté,
celle de la Cour de justice a, elle, adopté une définition un peu plus extensive en ne
s’attachant pas forcément à la présence d’éléments matériels et immatériels. Il ressort de la
confrontation de ces différentes propositions jurisprudentielles qu’un élément déterminant
et commun semble se profiler qui est celui de la poursuite d’une activité économique. Dès
lors « la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique,
indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement » 63.
La collusion s'entend d'un accord de volontés entre (au moins) deux entités
autonomes. Ce caractère d'autonomie de volontés fait défaut dans deux hypothèses
principalement, excluant la qualification d'entente aux décisions mises en œuvre.
Si un accord est passé entre deux entités d'un même groupe et que l'une ne dispose
d'aucune autonomie commerciale et financière vis-à-vis de l'autre, il ne relèvera pas du droit
des ententes. Il n'y aura pas une rencontre de volontés autonomes, mais un accord intra-
groupe ; vont être concernées, en particulier, les relations entre une société mère et sa
filiale, si elle exerce un contrôle sur celle-ci et que cette dernière ne dispose pas
d'autonomie financière ou commerciale64.
Il est également admis que dans certaines conditions, les relations entre une société
commettant et son agent échappent au droit des ententes. Tel est le cas lorsque l'agent ne
supporte pas de risques financiers ou commerciaux significatifs ; il est alors considéré
62
Par exempleTPICE, 26 janv. 2005, aff. T-193/02, Piau , Contrats, conc. consom. 2005, comm. 119 ; Europe
2005, comm. 93.
63
CJCE 23 avr. 1991, Höfner, aff. C-41/90, Rec. CJCE I-1979.
64
Par exempleTPICE, 15 sept. 2005, aff. T-325/01, DaimlerChrysler c/ Commission : Europe 2005, comm. 391 ;
JCP E 2007, 179.
comme une continuation de l'entreprise commettant et non comme un opérateur
indépendant avec lequel l'entreprise pourrait mettre en œuvre une entente 65.
65
Par exemple CJCE, 11 sept. 2008, aff. C-279/06, CEPSA , Estaciones de Servicio SA/LV Tobar e Hijos SL :
Europe 2008, comm. 382 ; Contrats, conc. consom. 2009, comm. 17 ; TUE, 15 juill. 2015, aff. T-418/10,
voestalpine AG/Commission européenne, points 134 s.
66
Par exempleCJUE, 16 juill. 2015, aff. C-172/14, ING Pensii – Societate de Administrare a unui Fond de Pensii
Administrat Privat SA/Consiliul Concurentei, points 31 s. .- CJUE, 11 sept. 2014, aff. C-67/13, Groupement CB,:
Contrats, conc. consom. 2014, comm. 250, point 48.
67
Par exemple CJUE, 16 juill. 2015, aff. C-172/14, ING Pensii – Societate de Administrare a unui Fond de Pensii
Administrat Privat SA/Consiliul Concurentei, aff. C-172/14, points 31 s. .- CJUE, 11 juill. 2013, aff. C-440/11,
Commission européenne, point 97.
§4. La typologie des ententes
68
Par exemple, TUE, 16 juin 2015, aff. T-655/11, FSL Holdings e.a./Commission européenne.
69
Par exemple, TUE, 9 sept. 2015, aff. T-82/13, Panasonic et Matmut Picture Display/Commission.- CJUE, 19
mars 2015, aff. C-286/13, Dole Food Company Inc.)
70
par exemple, CJUE, 16 juill. 2015, aff. C-172/14, ING Pensii – Societate de Administrare a unui Fond de Pensii
Administrat Privat SA/Consiliul Concurentei.
71
Sur la méthodologie de détermination du montant de l'amende, cf. par exemple TUE, 15 juill. 2015, aff. T-
389/10 et T-419/10, Siderurgica Latina Martin SpA (SLM), Ori Martin SA/Commission européenne.- CJUE, 5 déc.
2013, aff. C-449/11, Solvay Solexis SpA, point 75.
§2. Les sanctions non pécuniaires
La principale sanction des ententes anticoncurrentielles réside dans la nullité des
accords conclus. Il s'agit d'une nullité de plein droit et absolue, c'est-à-dire rétroactive, dont
la portée (accord en entier ou seules clauses illicites) va dépendre du droit national.
§3. Les dérogations à l’interdiction des ententes
Le droit des affaires de l’Union européenne prévoit que certaines restrictions de
concurrence peuvent être « rachetées » si elles répondent à certaines caractéristiques. Deux
modalités de « dérogation » au principe de prohibition existent. Les exemptions catégorielle
(A) et individuelle (B). 36