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DE L’UNION EUROPÉENNE
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INTODUCTION GÉNÉRALE
Si le droit des affaires de l’Union européenne apparaît comme un droit
régissant les rapports économiques de ses Etats membres, il mérité d’être enseigné
dans les facultés de droit marocaines en raison du statut spécifique accordé du Maroc
Conseil de l'Europe.
marchés publics, une facilitation de l'accès au marché pour les produits industriels,
intéresse dans ce cours et qui plus particulièrement les juristes d’affaires marocains.
Au Maroc, comme dans les autres systèmes juridiques étrangers, le droit des
cette matière, il n’est pas question dans ce cours de les aborder toutes de manière
critique. Plus modestement nous accorderons une place non négligeable au droit de la
essentielle du droit des affaires de l’Union européenne a pour objet l’organisation des
structures des entreprises et les comportements des entreprises sur le marché. C’est
donc un droit de régulation des activités concurrentielles par les pouvoirs public et
droit qui dérange les juristes des États membres de l'Union européenne et oblige à
n'échappent pas à cette situation et pensent que les rapports entre le droit de l’Union
européenne et le droit privé soient sensiblement différents selon qu'il s'agît des
4
rapports économiques où la diversité des droits nationaux est un obstacle à la
Cette situation a fait que le droit des affaires de l’Union européenne est le
Cour de justice, une multitude d’instruments de droit dérivé et aussi d’une certaine
manière des ordres juridiques des Etats membres. Au sein de l’Union européenne ce
l’ensemble des droits des Etats membres, le droit des affaires de l’Union européenne
devient ainsi une composante essentielle du droit interne de ces Etats. A l’instar du
droit interne, comme au Maroc, le droit des affaires est l’ensemble des règles
dans le cadre d’une réglementation régionale, comme c’est le cas en Afrique pour
l’interdiction des pratiques anticoncurrentielles, mais aussi des règles applicables aux
1
Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, comprenant 17Etats membres.
intellectuelle, le commerce électronique et l’espace judiciaire européen. Il comporte,
ensuite et enfin, des règles relatives au développement des entreprises comme le droit
l’Union européenne est destiné d’une certaine manière aux relations d’affaires, c'est-
à-dire les rapports entre les agents économiques sur le marché de l’Union
d’une situation de fait et dans une situation particulière pour lui donner un régime
aussi le fruit d’un dialogue : dialogue entre les États membres, dialogue entre
entre les ordres juridiques des États membres constitue un facteur possible de
rapprochement.
est aujourd'hui plus que cinquantenaire, les États membres n’ont pas renoncé
du droit interne comme l’illustre ce que l’on désigne sous le vocable de droit des
demeure pas moins que l’opérateur économique européen reste toujours confronté à
on peut lui préférer celle de droit commercial. Sans entrer dans le débat, il faut
souligner que le droit commercial, en tout cas pour les juristes marocains, ne régit
pas toutes les activités économiques. Or, ainsi qu’il sera vu par la suite, le droit
économique et ce, quelle que soit la forme prise, commerciale ou non. Le vocable de
6
droit professionnel a pu être adopté, englobant ainsi l’activité économique des non-
maintenir le terme de droit des affaires, défini comme le droit des relations d’affaires,
que ce soit du point de vue des structures ou des opérations. Ou plus exactement,
d’expliciter le contenu de ce droit des affaires au regard des deux grandes branches
s’agit ici nullement, comme nous l’avons déjà souligné, de couvrir tous les domaines
trouvera donc pas de développements autres que très généraux et dans la mesure où
ils contribuent effectivement à l’étude du droit des affaires, objet de notre cours.
autorités nationales les acteurs en première ligne du droit des affaires de l’Union
majeurs du droit des affaires de l’Union européenne par des décisions prononcées par
Le droit des affaires de l’Union européenne est pour l’essentiel construit par
« Van Gend en Loos », qui a institué dans l’ordre juridique de l’Union européenne le
indépendamment des législations des Etats membres, engendre des droits au profit
des ressortissants qui entrent dans leur patrimoine juridique. Est donc instituée une
voie de droit à l’initiative des particuliers qui peuvent agir devant leurs juges
nationaux en invoquant ces droits ce qui, indirectement, peut avoir pour effet de faire
juridique, signifie que les Etats membres ont accepté la limitation de leur
souveraineté, et que leurs citoyens ont désormais la possibilité de s’appuyer sur les
Traités pour faire valoir leurs droits devant les juridictions nationales.
Un an plus tard, le 15 juillet 1964, un autre arrêt important, dit « Costa contre
européennes des Etats membres. Enfin, l’arrêt dit « Simmenthal » en date du 9 mai
Mais pour le cas où le droit de l’Union européenne ne serait pas clair, le juge national
peut saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle au sens de l’article 267 du
national devra suivre cette interprétation. C’est le cas par exemple lorsqu’une loi
Par tous ces arrêts, les juges imposent que le droit de l’Union européenne
constitue un ordre juridique propre, ce qui signifie qu’il est autonome des droits
nationaux. De plus, ce droit est intégré dans les droits nationaux. Dès lors, ces droits 8
nationaux deviennent eux-mêmes une part du droit de l’Union européenne. Il est
remarquable de noter que c’est une juridiction et non les Traités fondateurs qui a
opéré une avancée considérable de l’intégration européenne et donc une base du droit
des affaires.
comme pour toutes les libertés, il y a pour certaines d’entre elles des limites non
membres qui elles sont toutefois soumises au contrôle de l’Union européenne. Toutes
ces libertés et aussi leur restriction sont donc réglementées par ce droit des affaires
de l’Union européenne.
car il s'agit d'un droit très empreint d'économie, et dans lequel la pratique
autant, s'il constitue une contrainte pesant sur le comportement des entreprises, sa
connaissance fine peut également permettre de s'en servir comme d'un outil dans les
croissance externe, a priori par exemple le droit des concentrations. À cet égard, il
de la concurrence telles que celles d'entreprise, ou de marché, qui diffère de celle qui
Prolégomènes
Quelques propos sur le processus de
convergence règlementaire du Maroc : Vers la
consécration de l’acquis de l’Union européenne
dans le cadre du statut avancé.
Politiquement, l’histoire des relations de partenariat entre le Maroc et l’Union
Celles-ci vont porter leur fruit à partir de 1969 où un premier accord a eu lieu. Sa
vocation première était purement commerciale. En 1976, cet accord fut remplacé par
européenne. A la grande surprise du Maroc, quelques années plus tard, en 1987, cette
demande fût simplement rejetée par le Conseil européen. Ce refus fût essentiellement
fondé par la condition sine qua none d’appartenir au continent européen. C’est cette
condition qui permet à un Etat d’être éligible à l’adhésion. Ce n’est donc pas le cas
participeraient les pays membres de l’Union européenne et tous les pays partenaires
Mais dés 1996, le Maroc a procédé à la conclusion d’un nouvel accord euro-
fois sur des principes et des valeurs universels. Tout en abrogeant l’accord de 1976,
juridique.
12
Dans son volet économique, cet accord de 1996 a permis de mettre en place
une zone de libre échange notamment pour les produits industriels. En contre partie,
mais également entreprendre toute une série de réformes relatives aux structures
dont l’objectif était d’instaurer des nouvelles règles de coopération fondées sur le
rupture entre l’Union européenne et les Etats n’ayant pas vocation à adhérer.
pour la période de 2005 à 2010, le Maroc s’était engagé d’entreprendre toute une
MEDA.
décentralisation.
2008 a été une année d’une extrême importance pour le Maroc. En effet, sous
partenariat privilégié par le statut avancé. Ce statut est une reconnaissance par
plus grandes opportunités de coopération. Cela s’est traduit non seulement par un
règlementaire qui doit et devra tenir absolument des législations et des standards
européens.
l’éducation, l’énergie….etc.
2010 a été une année politiquement importante pour le Maroc. Dans le cadre
Aussi, tous les objectifs prévus dans le statut avancé ont été concrétisés par
voisinage était arrivé à expiration. Ainsi, cette année a connu la signature entre le
Maroc et l’Union européenne d’un nouveau plan d’action pour la mise en œuvre du
statut avancé. Prévu pour la période de 2010-2013, ce plan avait pour objectif
Mais, cependant cette intégration exige que le Maroc dispose de normes juridiques
du droit de la concurrence.
15
Pour atteindre cet objectif, l’Union européenne encourage le Maroc à
Mieux encore, le statut avancé est plus qu’un simple stade de coopération. Il permet
au Maroc d’être dans une situation similaire à d’autres Etats à l’adhésion à l’Union
européenne.
16
PREMIÉRE PARTIE
LE DROIT DE LA CONCURRENCE DE
L’UNION EUROPÉENNE
17
Chapitre 1.
Etats membres. C’est la raison pour laquelle l’action du droit de l’Union européenne
s’est concentré dans l’élimination des barrières et autres entraves aux échanges de
nature étatique afin de réaliser un espace sans frontières intérieures. Dans le domaine
économique, cette logique exprime l’idée de compétition entre les entreprises sur un
marché définie.
18
Historiquement, le droit concurrence est né avec le Traité de Rome du 25
mars 1957. Ses anciens articles 85, 86 et 90, devenus après les articles 81, 82 et 86,
puis aujourd’hui les articles 101, 102 et 106 suite à l'entrée en vigueur du Traité de
ou exclusifs, n'ont connu aucune modification de texte depuis leur origine. Cette
objectifs généraux du droit des affaires de l'Union européenne 3. À cet égard, il vise
notamment à éviter le rétablissement par des entreprises privées des barrières aux
la concurrence vise à protéger non pas uniquement les intérêts directs des
Si l’entreprise est une notion qui reste intrinsèquement liée aux sciences
1991, dit « Hofner », que la Cour de justice a adopté une conception fonctionnelle et
entre les formes légales d’entreprises existantes dans chaque Etats membres.
L’entreprise comme sujet de droit est une véritable nécessité juridique pour garantir
partir du moment où elle opte pour une forme déterminée de société. Le mot renvoie
au contrat qui lie les associés en un objet social, lequel génère une activité
La seule personne, sujet de droit, est donc bien la personnalité morale, condition
sens du droit européen de la concurrence se définit donc par son activité et non par
6
Par exemple TUE, 15 juill. 2015, aff. T-436/10, HIT Groep BV/Commission européenne, point 117.-
CJUE, 10 avr. 2014, Siemens AG Österreich, aff. C-231/11, point 43
son statut ou sa structure. Cela est d'ailleurs encore plus manifeste en droit des
structure constituée sous une forme juridique par une société, mais, plus
chiffre d'affaires.
L'activité économique consiste dans le fait d'offrir des biens ou des services 21
sur un marché donné, activité de fabrication, de vente ou de distribution de produits
Il arrive que certaines entités ne sont pas qualifiées d'entreprises car les
économiques ». C’est le cas par exemple des organismes remplissant une fonction à
dépourvue de tout but lucratif. Tel est notamment le cas en matière de régimes
d'assurances sociales8, ou encore, des entités gérant une activité consistant dans
l'exercice d'une mission de service public, qui peut se définir comme une mission
7
Par exemple CJCE, aff. C-113/07 P, 26 mars 2009, Selex Sistemi Integrati SpA : Contrats, conc.
consom. 2012, comm. 263 ; Contrats - Marchés publ. 2009, comm. 152 ; Rev. dr. transp. 2009,
comm. 106 ; Europe 2009, comm. 198.
8
Par exemple CJUE, 3 mars 2011, aff. C-437/09, AG2R Prévoyance c/ Beaudout Père et Fils Sarl . :
Contrats, conc. consom. 2011, comm. 124 ; Europe 2011, comm. 180.
9
Par exemple CJCE, 26 mars 2009, aff. C-113/07 P, Selex Sistemi Integrati SpA , Contrats, conc.
consom. 2012, comm. 263 ; Contrats - Marchés publ. 2009, comm. 152 ; Rev. dr. transp. 2009,
comm. 106 ; Europe 2009, comm. 198.
de la concurrence ne leur est applicable que dans les limites où l’application de ces
règles ne fait pas échec à l’accomplissement de la mission qui leur a été impartie 10.
22
§2. La notion de marché
de définir tout à la fois les rapports de concurrence entre les entreprises en cause, leur
d'un marché ne constitue donc pas une fin en soi, mais un moyen 11.
dans lequel les échanges s'effectuent dans les mêmes conditions que dans
un marché intérieur.
10
Par exemple TPICE, 24 mai 2007, aff. T-289/01, Der Grüne Punkt - Duales System Deutschland
GmbH c/ Commission des Communautés européennes : Contrats, conc. consom. 2007, comm. 177 ;
Europe 2007, comm. 188.
11
Par exemple TUE, 16 sept. 2013, aff. T-396/10, Zucchetti Rubinetteria SpA/Commission
européenne, point 28.
concurrence entre entreprises. Elle permet d’établir le cadre dans lequel la
est d’identifier de manière systématique les contraintes que la concurrence fait peser
qui apportent des informations utiles concernant le marché afin d’apprécier une 23
position dominante des entreprises. Le marché comprend au moins deux facettes : le
consommateurs12.
éléments, tels que la nature et les caractéristiques des produits ou des services
12
Par exemple TUE, 25 mars 2015, aff. T-556/08, Slovenská pošta a.s/Commission européenne,
points 111 s. - CJUE, 28 févr. 2013, aff. C-1/12, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas/Autoridade
da Concorrência : Contrats, conc. consom. 2013, comm. 85 ; Europe 2013, comm. 175.
différences considérables de parts de marché des entreprises ou de différences de
prix substantielles13.
24
Section 2. L’articulation du droit de l’Union européenne avec les droits
nationaux
le commerce entre États membres est affecté ou susceptible d'être affecté de façon
est définie par des seuils chiffrés, l'affectation du commerce entre États membres est
avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou
13
Par exemple TPICE, 7 mai 2009, aff. T-151/05, Nederlandse Vakbond Varkenshouders (NVV),
Marius Schep et Nederlandse Bond van Handelaren in Vee (NBVH) c/ Commission des Communautés
européennes.
14
Par exemple TUE, 13 juill. 2011, aff. jtes T-144/07, T-147/07, T-148/07, T-149/07, T-150/07 et T-
154/07, ThyssenKrupp Liften Ascenseurs NV, ThyssenKrupp Aufzüge GmbH, ThyssenKrupp
Fahrtreppen GmbH, ThyssenKrupp Ascenseurs Luxembourg Sarl, ThyssenKrupp Elevator Ag,
ThyssenKrupp Ag, ThyssenKrupp Liften BV/Commission européenne.
15
Comm. CE, n° 2004/C 101/07, Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce
figurant au Traité CE, art. 81 et 82 : JOUE 27 avr. 2004, n° C 101, p. 81.
membres »16. Cette influence peut être positive ou négative, se traduire par une
la concurrence dans le marché commun, voire même ne concerner qu'un seul État
membre dès lors qu'il s'agit d'une partie substantielle de l'Union européenne. En
revanche, il est nécessaire que cette affectation soit suffisamment sensible 17.
Il existe un principe de cumul entre les droits des affaires nationaux et le droit 25
des affaires droit de l’Union européenne. À l'exception du droit des concentrations,
national ne peut autoriser une pratique illicite en vertu du droit européen. Le droit
national ne peut quant à lui interdire un accord jugé licite au plan européen.
Toutefois, le droit national peut être plus strict que le droit européen
s'agissant des comportements unilatéraux. A ce sujet, il est prévu une règle de conflit
dispositions de droit national qui visent à titre principal un objectif différent de celui
visé par les articles 81 et 82 du Traité ». C’est le ca par exemple « des dispositions
16
par exemple CJUE, 16 juill. 2015, aff. C-172/14, ING Pensii – Societate de Administrare a unui
Fond de Pensii Administrat Privat SA/Consiliul Concurentei points 48 s..
17
par exemple CJUE, 16 juill. 2015, aff. C-172/14, ING Pensii – Societate de Administrare a unui
Fond de Pensii Administrat Privat SA/Consiliul Concurentei points 48 s..
18
CJCE, 14 déc. 2000, aff. C-344/98, Masterfood) et a même été renforcé par l'article 3 du règlement
CE n° 1/2003 (Cons. UE, règl. n° 1/2003, 16 déc. 2002, art. 3 § 3, consid. 9, relatif à la mise en œuvre
des règles de concurrence prévues au Traité CE, art. 81 et 82 : JOCE n° L 1, 4 janv. 2003, p. 1 .-
CJUE, 13 déc. 2012, aff. C-226/11, Expedia Inc./Autorité de la concurrence ; Contrats, conc.
consom. 2013, comm. 140 ; Comm. com. électr. 2013, comm. 28 ; Contrats, conc. consom. 2013,
comm. 41 ; Europe 2013, comm. 88 ; JCP E 2013, 1020.
tenter d'obtenir de lui des conditions commerciales injustifiées, disproportionnées ou
sans contrepartie ».
26
27
Chapitre 2.
ces libertés sont qualifiées par la Cour de justice comme étant des libertés
28
fondamentales constitutives du marché intérieur européen.
commerciaux entre les États membres. En ce sens, est affirmée ces quartes libertés.
Cette liberté de circulation est donc la clef de voûte du marché commun, aujourd'hui
appelé marché unique. Afin d’assurer la mise en œuvre effective des quatre libertés,
le marché unique requiert des règles de concurrence commune à tous les Etats
institutions européennes entreprennent depuis les années 1970 notamment par une
Mais, parler de libre circulation des marchandises, des personnes, des services
ou des capitaux ne doit pas conduire à penser qu’il s’agit de libérer les activités
économiques de toutes les contraintes juridiques qui les organisent. En droit des
traitement. Ce que d’ailleurs les articles du Traité tendent à promouvoir. C’est le cas
(Section 2).
toute nature qui peuvent entraver la libre circulation. D’autre part, il est nécessaire
économiques.
charge des États membres. Que cela touche les marchandises, les personnes, les
des obstacles à la libre circulation »19. Si, les États membres ont progressivement
fait disparaître les barrières tarifaires et techniques existant entre eux. Ils sont tenus
nouvelle […] qui restreint la portée des articles relatifs à l’interdiction des droits de
réinstaurer des « barrières » dans une hypothèse qui tient à des considérations de
19
art. 3 c) CE.
nature non économique. L’invocation de cette clause de sauvegarde par les États
rapprochement des législations nationales 21. Ainsi, sont envisagées « des directives
administratives des États membres qui ont une incidence directe sur l’établissement 30
ou le fonctionnement du marché commun »22 et les « mesures relatives au
intérieur »23. Il s’agit de rapprocher les législations nationales selon une logique
d’harmonisation qui contribue à une homogénéité des règles sur le marché. Elles
qui ont eu un impact sur le marché intérieur. On peut ainsi évoquer les textes
qui peut, dès lors, porter atteinte à la libre circulation des marchandises. Pour ne
prendre que l’exemple des marques, une directive du 21 décembre 1988 est venue
rapprocher les législations des États membres en cette matière. Selon cette directive «
les législations qui s’appliquent actuellement aux marques dans les États membres
comportent des disparités qui peuvent entraver la libre circulation des produits ainsi
que la libre prestation des services et fausser les conditions de concurrence dans le
20
. L’article 114 TFUE prévoit ainsi qu’après l’adoption par l’Union d’une mesure d’harmonisation,
un État membre peut notifier à la Commission le maintien de dispositions nationales, fondé sur des
considérations relatives à l’ordre public, la protection de l’environnement ou la protection du milieu
de travail.
21
C’est l’objet des articles 114 à 118 TFUE.
22
art. 115 TFUE.
23
art. 114 TFUE.
marché commun ». Cette directive a pour objectif d’harmoniser le droit des marques.
Toute la logique de l’harmonisation est d’assurer une équivalence entre les règles
nationales.
C’est cette logique qui existe pour le Maroc dans le cadre du processus de
convergence réglementaire qui permet une harmonisation du droit marocain avec les
l’Union européenne, il s’agit d’une logique de confiance mutuelle entre les États
subsidiarité.
Ce principe est dégagé d’une solution jurisprudentielle qui constitue l’un des
dite du « Cassis de Dijon »24. À l’occasion de cette affaire, la Cour énonce qu’en
membres gardent la compétence de régler sur leur territoire tout ce qui concerne la
commercialisées dans l’un des États membres, doivent pouvoir être introduites dans
tout autre État membre. Cet arrêt pose le principe de la reconnaissance mutuelle
24
CJCE 20 févr. 1979, Rewe Zentral, aff. 120/78, Rec. CJCE 649.
Cette reconnaissance mutuelle comme base de la libre circulation des
marchandises a été reprise pour les opérateurs économiques que ce soit en matière
ne saurait, non plus, restreindre, entraver, sans motif valable la fourniture d’un 32
service sur son territoire par un prestataire qui exerce légalement son activité dans
prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de nature
à prohiber ou à gêner autrement les activités du prestataire établi dans un autre État
étendue au droit d'établissement par un arrêt « Ramrath » qui affirme que « la libre
circulation des personnes, en tant que principe fondamental du Traité, ne peut être
limitée que par des réglementations justifiées par l’intérêt général et s’appliquant à
toute personne ou entreprise exerçant les dites activités sur le territoire de l’État en
question, dans la mesure où cet intérêt n’est pas déjà sauvegardé par des règles
établi »26.
25
CJCE 25 juill. 1991, Säger, aff. C-76/90, Rec. CJCE I-4221.
26
CJCE 20 mai 1992, Ramrath, aff. C- 106/91, Rec. CJCE I-3351.
33
Chapitre 3. 34
Comme pour les accords de libre échange conclus entre le Maroc et d’autres
Etats, cette liberté s’est traduite concrètement par la suppression progressive des
marchandises.
En droit des affaires de l’Union européenne, l’article 28 Traité fondateur de
ainsi que toutes taxes d’effet équivalent. Ses articles 34 et 35 quant à eux interdisent
mesures d’effet équivalent. Cette interdiction n’est cependant pas absolue. Une
Il faut retenir que l’idée centrale est celle naturellement d’assurer un libre
ce que des produits en provenance d’États tiers à l’Union européenne, comme par
exemple le Maroc, mais ayant subi les formalités douanières prévues puissent aussi
l’union européenne, dès sa version d’origine, n’ont pas fait le choix de recourir à une
notion juridiquement connotée, comme celle de « bien », que l’on retrouve d’ailleurs
les produits27, tandis que le droit dérivé semble également les tenir pour synonymes.
27
Art. 28 § 1 et 2 TFUE, art. 29, 37 § 2et 110 TFUE.
Quoi qu’il en soit, la définition de la notion de marchandise doit certainement
défectueux28 propose comme une définition du produit comme étant « tout meuble,
même s’il est incorporé dans un autre meuble ou dans un immeuble. Le terme […]
affirmant que les marchandises s’entendent des produits agricoles 29, ou en révélant
qu’elles peuvent être des déchets30, comme des œuvres d’art 31. De jurisprudence
davantage de précisions. Sont, comme en droit marocain, dès lors exclus les produits
hors commerce, comme les stupéfiants32. En revanche, les produits du tabac doivent
être traités comme des marchandises33. En réalité, en retenant une acception large de
la notion qui nous intéresse, le droit des affaires de l’Union européenne s’inscrit dans
Il paraît dès lors utile de s’attacher d’abord à la nature des entraves (section
28
JOCE L 210 du 7 août 1985.
29
CJCE 20 avr. 1978, Société des Commissionnaires réunis SARL c/Receveur des douanes ; SARL
Les fils de Henri Ramel c/ Receveur des douanes, aff. jtes 80/77et 81/77 Rec. CJCE 927.
30
CJCE 8 nov.2007, StadtgemeindeFrohnleiten et GemeindebetriebeFrohnleiten, aff. C-221/06,
Rec.CJCE 9642.
31
CJCE 10 déc. 1968, Commission c/ Italie, aff. 7/68,Rec. CJCE 617.
32
CJCE 26 oct. 1982, Wolf, aff. 221/81,Rec. CJCE 3681.
33
CJUE 14 mars 2013, Commission c/ France, aff. C-216/11, Rec. 2013.
Section 1. La nature des entraves à la libre circulation
douane et les restrictions quantitatives. Ainsi, sont prohibés non seulement les droits
de douane (§1), mais aussi les autres taxes d’effet équivalent et les restrictions
quantitatives (§2). 37
des taxes d’effet équivalent à des droits de douane, que ceux-ci soient perçus à
des charges pécuniaires frappant un produit parce qu’il franchit une frontière ».
Sont donc interdits par le Traité de l’Union européenne dès lors que la frontière en
cause est commune à des États membres. Plus précisément, le Traité a posé
l’interdiction de leur perception et, surtout, a obligé les États à s’abstenir d’en
introduire de nouveaux.
d’interdiction qui touche les taxes d’effet équivalent à des droits de douane (TEE).
L’expression laisse supposer vise toutes les taxes qui, bien que non qualifiées de
de proposer une définition des taxes d’effet équivalent. C’est très justement dans un
arrêt dit du « Pain d’épices », que la Cour énonce qu’« est une taxe d’effet
équivalent, un droit, unilatéralement imposé, quelles que soient son appellation et sa
résultat, en altérant son prix, d’avoir sur la libre circulation des produits la même
incidence qu’un droit de douane »34. Cette définition a été complétée par une autre
aux termes de laquelle la Cour a insisté sur l’indifférence, d’une part, du caractère
38
minime de la taxe perçue, d’autre part, du fait qu’elle n’exerce aucun effet
concurrence avec une production nationale 35. C’est tout logiquement que les
opérateurs économiques ont pu très justement contester toute une variété de taxes,
devant le juge national en vertu de l’effet direct des articles reconnu par la
faut se garder de croire que toutes les taxes perçues par un État membre sur une
l’interdiction des droits de douane. D’une part, elle rappelle régulièrement que ne
constitue par une TEE une charge financière exigée lors d’une importation ou d’une
34
CJCE 14 déc. 1962, Commission c/ Luxembourg, aff. 2 et 3/62, Rec. CJCE 813.
35
CJCE 1erjuill. 1969, Commission c/ Italie, aff. 24/68, Rec. CJCE 193.
proportionnée au service rendu, celui-ci s’entendant d’« un avantage, spécifique ou
fait de leur caractère dérogatoire. Ainsi, dans son arrêt « Denkavit », elle considère
par exemple que le fait de percevoir une taxe non en raison d’un service rendu mais
par une convention internationale appliquée par l’ensemble des États membres, qui
vise à favoriser le commerce entre ces derniers au moyen d’un système de contrôle
En second lieu, il faut bien distinguer les taxes d’effet équivalent de l’article
30 Traité de l’Union européenne des impositions intérieures. Les unes et les autres
ce sens qu’« aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits
cette disposition, qui est, rappelons-le, d’effet direct, « a pour objectif d’assurer la
36
CJCE 30 mai 1989, Commission c/ Italie, aff. 340/87, Rec. CJCE 193.
37
CJCE 31 mai1979, Denkavit, aff. 132/78, Rec. CJCE 1923.
38
CJCE 25 janv. 1977, W. J. G. Bauhuis c/ État néerlandais,aff. 46/76, Rec. CJCE 5.
39
CJCE 12 juill.1977, Commission c/ Pays-Bas, aff. C-89/76, Rec. CJCE 1355.
40
CJCE, 8 nov. 2007, aff. C-221/06, StadtgemeindeFrohnleiten, Rec. I - 09643 ; CJUE, 7ech., 2
oct. 2014, aff. C-254/13, Orgacom, Rec. 2014.
libre circulation des marchandises entre les États membres, dans des conditions
l’absence de discrimination fiscale entre ces derniers produits et les produits importés
taxés. C’est d’ailleurs ce que la Cour a rappelé dans une importante décision relative
« aux postes émetteurs »42. Dans cette affaire, était en cause une taxe perçue en
d’une contestation, a interrogé la Cour sur la nature exacte d’une telle taxe. La Cour
a répondu en estimant que la taxe qui frappe ces postes doit s’analyser non comme
des produits importés de la Communauté Européenne, elle constituait une TEE qui,
seulement de relever que le produit est frappé du seul fait qu’il franchit la frontière et
41
CJUE 7 avr. 2011,Tatu c/ StatulromânprinMinisterulFinantelor si Economiei, aff. C-402/09, Rec.
CJUE I-2711 ; CJUE, 3ech., 17 déc. 2015, aff. C- 402/14,Viamar, Rec. 2015.
42
CJCE 22 avr. 1999, CRT France international SA, aff. C-109/98, Rec. CJCE I-2266.
Ainsi, dans un arrêt dit « Orgacom », la Cour de Justice de l’Union
doit affecter des produits identiques (importés, exportés, nationaux), au même stade
essentielle d’une taxe d’effet équivalent, qui la distingue d’une imposition intérieure
exclusivement le produit qui franchit la frontière en tant que tel, tandis que la
Sans multiplier les exemples, on peut évoquer une affaire qui a longtemps
majorée pour les véhicules automobiles de plus de seize chevaux fiscaux. Or, il
43
CJUE, 7ech., 2 oct. 2014, aff. C-254/13, Orgacom, Rec. 2014.
44
CJCE 9 mai 1985, Humblot, aff. 112/84, Rec.CJCE 1367.
Sur le plan interne, la Cour de cassation française a rapidement tiré les
affirmé au visa de l’article 110 Traité de l’Union européenne que « la taxe instituée
[…] est une taxe spéciale dont le montant n’est pas déterminé selon un barème
progressif mais, au contraire, est fixé à une somme forfaitaire unique constituant une
charge spécifique qui, par son importance, peut influer sur le choix des
42
consommateurs entre des véhicules dont la puissance fiscale se situe soit en dessous
soit en dessus du seuil fixé pour l’application de cette taxe ; que, dès lors, ladite taxe,
frappant les seules voitures importées en France, notamment d’autres États membres
»45.
d’effet équivalent à une restriction quantitative (MEERQ), le droit dérivé s’en est
partiellement chargé. Mais cette approche textuelle (A) n’a que de peu de poids par
A. L’approche textuelle
ont tenté de donner une définition des mesures d’effet équivalent à des restrictions
45
Com. 11 févr. 1986, Bull. civ. IV, no7.
quantitatives. Dans une directive européenne n°70/50/CEE du 22 décembre 1969
relative à la suppression des MEERQ, la notion est présentée comme incluant les
administratives, ainsi que tous les actes émanant d’une autorité publique qui font
obstacle à des importations qui pourraient avoir lieu en leur absence, y compris celles
exemple des conditions de paiement pour les produits importés différentes de celles
Une étape supplémentaire a été franchie et qui s’est traduite par l’abandon de
marché intérieur pour ce qui est de la libre circulation des marchandises entre les
États membres, l’entrave est définie comme « une entrave à la libre circulation des
marchandises entre les États membres, qui est imputable à un État membre du fait de
son action ou de son inaction, qui est susceptible de constituer une violation des
». Et en cas de caractérisation d’une telle entrave, une procédure est prévue qui
de la question en cause ».
B. L’approche jurisprudentielle
définition dans des termes larges, de façon à appréhender une grande variété de
restrictions imputables aux États membres. Dans un célèbre arrêt « Dassonville »46,
elle explique ainsi que constitue une MEERQ « toute réglementation commerciale
souligne expressément dans un arrêt important, dit « Cassis de Dijon »47, que la
Cour, mais aussi devant les juridictions nationales. C’est ainsi que, sans prétendre à
46
CJCE 11 juill. 1974, Dassonville,aff. 8/74, Rec. CJCE 837.
47
CJCE 20 févr. 1979, Rewe-Zentral, aff. 120/78, Rec. CJCE 649.
48
CJCE 20 févr. 1979, Rewe-Zentral, aff. 120/78, Rec. CJCE 649.
la langue nationale49, des lois nationales imposant le principe du repos dominical50
C’est alors que les juridictions françaises, notamment répressives, ont connu
intracommunautaires »52.
restrictions quantitatives retenue par la Cour a ainsi amené cette dernière à une
tentative de réaction : un troisième arrêt important est intervenu c’est l’arrêt « Keck
engagée contre deux commerçants français pour avoir revendu à perte des produits
antérieure. La Cour admet tout d’abord, de façon surprenante, « que les opérateurs
espèce de réglementations qui ont pour effet de limiter leur liberté commerciale,
même si elles ne visent pas les produits en provenance d’autres États membres ».
49
CJCE 12 sept. 2000, Geffroy, aff. C-366/98, Rec. CJCE I-6579.
50
CJCE 23 nov. 1989, Torfaen Borough Council,aff. C-145/88, Rec. CJCE 3885.
51
CJCE 28 avr. 1998, Decker, aff. C-120/95, Rec. CJCE I-1831.
52
Crim. 18 sept. 1997, Bull. crim. No305.
53
CJCE 24 nov. 1993, Keck et Mithouard, aff. C-267/91 et C-268/91, Rec. CJCEI-6126.
Puis elle procède à une véritable redéfinition de la MEERQ et décide que,
contrairement à ce qui a été jugé jusqu’ici, ne sont pas « aptes à entraver directement
de cet arrêt, il convient de bien distinguer deux situations. Si une mesure nationale
est discriminatoire, elle constitue quelle que soit sa nature ou son objet une MEERQ.
incompatibles avec les échanges entre les États membres. Aussi bénéficient-elles
54
CJCE 30 avr. 2009, Fachverband der Buch– undMedienwirtschaft c. LIBRO
HandelsgesellschaftGmbH, aff. C-531/07, Rec. CJCE I-3717
mais qu’elle n’est « contraire à aucune disposition du Traité instituant la CEE dès
lors que cette réglementation s’applique sans distinction tant aux produits nationaux
qu’à ceux importés des autres États membres et que les restrictions aux importations
qui pourraient en résulter sont justifiées par des raisons de protections de la santé
s’appliquent sans discrimination tant aux produits nationaux qu’à ceux importés des
36 [désormais, art. 30] ». Concernant les modalités de vente la Cour n’en estime pas
moins que dans certaines hypothèses, elles puissent être de nature à empêcher l’accès
au marché des produits en provenance d’un autre État membre ou à les gêner
territoire européen. Ce principe, rappelé avec force à de très nombreuses reprises par
la Cour, ne signifie pas pour autant que les États membres n’ont aucune possibilité de
s’opposer à l’entrée sur leur territoire national de telle ou telle marchandise importée
depuis un autre État membre. La meilleure preuve en est que, dès l’origine, les
55
Crim. 9 juill. 1996, Bull. crim. No288.
rédacteurs du Traité ont prévu que les États membres pouvaient interdire ou
interdictions sont « justifiées par des raisons de moralité publique, d’ordre public, de
[…] doivent être acceptés dans la mesure où ces prescriptions peuvent être
D’une part, elle a précisé le régime de l’article 30 CE, désormais article 36 TFUE, en
en délivrant une interprétation. D’autre part, elle a élaboré une théorie des exigences
Il s’agit dans les deux cas d’encadrer strictement la compétence reconnue aux 49
États membres de s’opposer à l’entrée sur leur territoire de produits importés depuis
l’Union européenne. Ce dernier dispose très exactement que « les dispositions des
déguisée dans le commerce entre les États membres ». Ainsi le Traité permet aux
États membres de justifier certaines entraves (voire, d’en créer) pour des raisons que
l’article 36 énumère.
œuvre par l’Union pour assurer la réalisation des objectifs du Traité, l’harmonisation
marchandises.
conditionnement, d’étiquetage, les entraves sont donc censées disparaître. Ainsi les
États membres sont tenus d’accepter l’entrée sur leur territoire de marchandises dès
lors que ces dernières sont conformes aux normes techniques visées par les
directives.
Chapitre 4.
relations commerciales les plus connues et pratiquées par la vie économique. Dans le cadre
de la distribution des biens et des services, elle occupe incontestablement une place de
premier ordre. A son sujet, pour certains augures, « l’homme rêve par le marché. Un individu
égoïste, hédoniste et dont la seule préoccupation serait sa liberté de tout faire, de prendre
tous les risques, de construire son destin sans être entravé. L’homme du marché serait ainsi
un être libre, libre notamment de conclure des contrats »56. Justement, dans le domaine 52
économique, cette liberté contractuelle est indissociable de la notion de marché. A suivre les
économistes, le marché n’est rien d’autre « qu’un lieu de rencontre réel ou fictif entre des
offreurs et des demandeurs »57. Plus précisément, ce marché se définit « comme le lieu de
rencontre d’une offre et d’une demande à partir duquel se forme le prix du bien échangé »58.
Or, juridiquement, cet échange, cette rencontre d’une offre et d’une demande se réalise par le
biais du contrat, qui est alors appréhendé comme un instrument de circulation des biens et
des services. Dans cette perspective, l’épanouissement du marché est directement fonction de
56
B. Edelman, « La Cour européenne des droits de l’homme et l’homme du marché », D. 2011, p.
897.
57
Ph. Maddalon, La notion de marché dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés
européennes, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit public, t. 253, 2007, p. 2.
58
J.-S. Berge et S. Robin-Olivier, Droit européen – Union européenne, Conseil de l’Europe, PUF,
Thémis, n° 126, 2011, 2ème ed., p. 90.
59
O. Azziman, Le contrat, vol.1, Editions Le Fennec, 1995 ; Ph. le Tourneau (dir.), Droit de la
responsabilité et des contrats, 11e éd., « Dalloz action », 2018/2019, nos 010.15 et 3223.11 s. ; D.
Mainguy, Contrats spéciaux, Droit privé, 11e éd., 2018 ; P. Puig, Contrats spéciaux, Droit privé,
8e éd., 2020; P. Malinvaud/P. Jestaz/P. Jourdain/O. Tournafond, Droit de la promotion immobilière,
Droit privé, 9e éd., 201 ; Répertoire civil, « Bail », par C. Aubert De Vincelles, C. Noblot, oct. 2018 ;
« Contrat » d'entreprise, par B. Boubli, nov. 2016 ; « Contrat : généralités », par M. Latina, mai
2017 ; « Vente : structure », par O. Barret, actualisation par P. Brun, juil. 2019.
longtemps considéré qu’il ne pouvait mal faire, « qui dit contractuel dit juste »60, le contrat
ne faisant que cristalliser un accord de volontés. Au-delà de sa nature juridique comme acte
d’ailleurs très justement écrire que « le droit des contrats serait défini de façon plausible
comme le droit de l'échange »61. En matière commerciale, l'action c'est l'échange et toute
l'économie repose sur des échanges 62, et les échanges sont organisés par des contrats63.
53
Le contrat, et particulièrement le contrat de vente commerciale 64, se présente comme
l'accord de deux agents économiques sur la manière de régler certains flux entre eux. On
ce soit un bien ou un service par le destinataire final. La vie économique semble donc être
impensable sans le contrat et c’est là d’ailleurs qu'il manifeste le plus évidemment son
existence. De manière générale, tout contrat possède une double nature. Il est d’abord un lien
entre des personnes créant des normes juridiques entre elles. Mais le contrat constitue
également une opération économique, un échange de valeurs entre des patrimoines qu’il
organise. Par cette double nature, le contrat présente un aspect dynamique. Cet aspect se
60
A. Fouillee, La science sociale contemporaine, Paris 1880, p. 410 ; sur cette citation v. J.-F. Spitz, «
Qui dit contractuel dit juste: quelques remarques sur une formule d'Alfred Fouillée », RTD civ. 2007,
p. 281.
61
P. Atiyah, Atiyah's Introduction to the Law of contract, 6ème éd., par S.A. Smith, 2005, p. 28.
62
On ne peut lire le droit des contrats sans garder présente à l'esprit cette considération qui, non
seulement explique les évolutions du droit des contrats, mais permet au praticien de mieux percevoir
les limites du permis et de l'interdit pour les clauses qui se situent dans des zones d'incertitude :
respecter la logique de l'échange.
63
La fonction d'échange qui inspire tout véritable contrat ne signifie pas que chaque contrat opère un
échange ; mais tout contrat de la vie économique a au moins pour fonction d'organiser un échange.
64
M. Drissi Alami Machichi, Droit commercial instrumental au Maroc, Rabat 2011, p.16.
65
V. en ce sens, F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, F. Chénedé, Droit civil Les obligations, Précis
Dalloz, Droit privé, 12e éd., 2018 ; A. Bénabent, Droit des obligations, 15ème éd., LGDJ, 2016 ; G.
Chantepie, M. Latina, La réforme du droit des obligations, Dalloz, 2016; J.-B. Seube et Alii,
Pratiques contractuelles, ce que change la réforme du droit des obligations, Ed. Législatives, 2016.
Les contrats commerciaux répondent donc à des besoins économiques. La vente
commerciale devient donc un instrument par excellence de toute activité économique 66. Dans
particulière que les parties organisent en principe avec autonomie, parce que l'échange, est
l'univers propre des parties. Celles-ci connaissent leurs besoins, elles choisissent le moment
d'échanger, et elles règlent les modalités exactes de l'échange en fonction de leurs ressources.
Le Dahir des Obligations et Contrats, comme d’ailleurs le code civil français, reconnaît aux 54
parties cette liberté contractuelle très concrète, qu'on a intellectualisée sous l'appellation
« d'autonomie de la volonté », et qui dans la pratique permet aux parties de jouir d'une
grande liberté dans l'organisation de leurs échanges commerciaux67. Cet échange devient
communauté d'intérêts dans laquelle la structure fondamentale de l'échange doit s'épanouir 68.
contrat de vente commerciale, comme dans tout contrat, on trouve « la rencontre de deux
besoins qui se sont jugés adéquats, chacun des acteurs doit pouvoir compter sur l'autre,
c'est-à-dire sur celui dont l'action permet de répondre à son besoin. Les parties
n'accepteront volontiers d'échanger que si, d'un côté, elles peuvent avoir suffisamment foi en
la parole donnée, ce que l'ordre juridique vient garantir par sa présence, et si, d'un autre
côté, ce même ordre juridique ne vient pas bouleverser ce dont elles sont convenues. Cela
66
Justement, cette fonction d’échange commande alors que le contrat de vente commerciale témoigne
d'une réalité de l'échange, ce qui se traduit, dans la théorie générale des contrats, par certaines
exigences en matière par exemple de cause, de respect de l'obligation fondamentale, voire de révision
du contrat. La fonction d'échange explique également l'importance de la loi privée en matière
contractuelle.
67
Cette liberté est beaucoup plus enracinée dans notre tradition juridique que la tendance inverse du
contrôle par l'État des échanges au niveau singulier illustrée aujourd'hui par le droit de la
consommation où la loi a dû intervenir pour assurer un minimum de garanties dans l'échange, là où les
forces en présence étaient radicalement différentes.
68
Tout praticien est à même de constater que les contrats du moins les contrats opérationnels dont la
durée s'étale dans le temps qui vivent le mieux sont ceux dont l'élaboration ne s'est pas faite de
manière conflictuelle, mais par la recherche bien comprise d'un intérêt commun.
encore aide le rédacteur à mieux situer les limites du possible : certaines contraintes
contractuelles méritent d'être mises en place, et trouvent leur légitimité lorsqu'elles assurent
une sécurité juridique d'intérêt commun »69. D’un point de vue pratique, le contrat offre aux
entreprises une sécurité, une visibilité et une possibilité de prévoir, sans lesquelles il serait
extrêmement laborieux de mener un projet à bien. Il résulte alors que la vente commerciale
s’insère dans un processus de circulation des biens dans le cadre d’une véritable organisation
de l’entreprise. 55
d’efficacité. La sécurité offerte par le contrat provient du fait qu’il n’est pas simplement une
promesse ou un engagement moral : la loi oblige les contractants à le respecter. C’est ainsi
que l’on peut affirmer que le contrat est, avec la loi, la technique juridique la plus
importante. Par rapport aux autres contrats de droit commun, le contrat commercial conserve
néanmoins une certaine spécificité qui se manifeste par l’objet et la qualité des contractants.
constitue le but de l’achat et en même temps la condition sine qua none du caractère
commercial de l’opération qui repose sur des principes gouvernant à la fois le contrat de
vente commerciale (I) mais également une phase importante, celle de la négociation (II).
Il n'existe pas, du moins dans les textes, de principes directeurs du droit des contrats
à l'image des principes directeurs du procès civil. Mais parmi les principes gouvernant le
droit des contrats, traditionnellement on trouve toujours des valeurs fondamentales que sont
une manière particulière de penser le droit. Ces trois éléments fondamentaux « structurent le
69
F. X. Testu, Contrats d'affaires, Dalloz référence, 2010, n°10.
70
M. Fabre-Magnan, « Réforme du droit des contrats : un très bon projet », JCP G, 2008, Doctr.199.
droit des contrats et en constituent même sa charpente »71. Alors, le moins que l’on puisse
dire à propos du contrat de vente commerciale est qu’il est certainement un acte que l'on peut
placer au cœur même de l'activité économique. Pour autant, il doit rassembler les éléments
essentiels que la loi met à la validité de tout contrat. En droit civil marocain, le contrat de
vente est particulièrement réglementé par les articles 478 à 618 du Dahir des Obligations et
Contrats. Pourtant, à son sujet, on constate que le code de commerce est particulièrement
discret, pour ne pas dire muet. Les raisons de cette discrétion semblent être justifiées par la 56
En droit marocain, la vente est définie à l’article 478 du Dahir des Obligations et
Contrats comme « un contrat par lequel l’une des parties transmet la propriété d’une chose
ou d’un droit à l’autre contractant, contre un prix que ce dernier s’oblige à payer », et pour
qu’un contrat soit qualifié de contrat de vente, il faut donc qu’il ait pour objet le transfert de
propriété d’une chose contre le versement d’un prix. La vente est donc un contrat translatif
de la propriété d’un bien moyennant une contrepartie monétaire. C’est un contrat par lequel
l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer. Par là, la vente commerciale est
charge des deux parties. Elle est aussi un contrat consensuel bien souvent conclu à l'issue
d'une négociation elle-même gouvernée par quelques principes. Cette négociation doit être
menée librement entre les parties (A) et de bonne foi (B). Ce sont là les principes gouvernant
Dans sa présentation classique le droit marocain des contrats est fondé sur le primat
doivent être libres de conclure ou de ne pas conclure un contrat, mais aussi la liberté de
71
M. Latina, Répertoire de droit civil, « Contrat : généralités. Principe directeurs du droit des
contrats », Mai 2017 (actualisation février 2020).
choisir son cocontractant. La liberté de déterminer le contenu du contrat désigne, quant a
elle, la liberté accordée aux contractants « de définir ce a quoi ils s’obligent »72. Le principe
Contrats, dispose que « les obligations contractuelles valablement formées tiennent lieu de
loi à ceux qui les ont faites, et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou
dans les cas prévus par la loi », s’impose aux parties elles-mêmes. Mais également sur ce
point, il fat révéler que l'une des traditions juridiques marocaine est l'abstention du juge 73, 57
qui évite absolument d'interférer dans le contenu du contrat tant que l'existence même d'un
possibilité, en fin de compte, de conclure ou non le contrat. C'est le principe. Mais, cette
liberté s'exprime à travers une triple faculté. D’abord, comme nous l’avons déjà souligné, les
parties sont libres de contracter ou de ne pas contracter. Il n'y a pas d'obligation juridique de
partie doit librement choisir le cocontractant et nul n'est forcé d'entrer en relations avec ses
semblables. Enfin, il appartient aux cocontractants, à l'issue d'un libre débat, de définir ce à
Constituant l’un des principes généraux du droit des contrats, la liberté contractuelle
le contenu du contrat »74. C’est pourquoi, dans certaines ventes commerciales complexes, il
y a une nécessité pour les parties de discuter de certaines modalités de leur futur contrat.
72
Fr. Terre, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil – Les obligations, 2009, 10ème ed., no 24, p. 31.
73
V. sur la question, L. Aynès, « Le juge et le contrat : nouveaux rôles ? », RDC 2016, n° Hors-série
d’avril 2016, p. 14 ; N. Blanc, « Le juge et les standards juridiques », RDC 2016/2, p. 394. ; Ph. Brun,
« Rapport de synthèse » (colloque « Le juge, auteur et acteur de la réforme du droit des contrats »),
RDC 2016/2, p. 416. ; D. Mazeaud, « La place du juge en droit des contrats », RDC 2016/2, p. 353. ;
B. Sturlèse, « Le juge et les standards juridiques », RDC 2016/2, p. 398.
74
L. Leveneur, « La liberté contractuelle en droit privé », AJDA, 1998, p. 677.
négociation. C’est cette phase, qui permet au contrat, suivant son importance, de se former
par étapes successives, demeure une période particulièrement très importante, car c'est
finalement là que les attentes de chacune des parties sont arrêtées. Dans le domaine
commercial, elle est très importante, voire primordiale, dans la mesure où elle permet, entre
Pendant cette phase précontractuelle75, les contacts sont pris en fonction de leur
58
importance, des intérêts et des envies des protagonistes. Mais, bien qu’il existe une véritable
liberté dans la conduite des différentes étapes de cette phase76, les parties gardent
naturellement toute liberté de rompre. Mais, pour la majorité des ventes commerciales, cette
période est inexistante ou tout au moins réduite, soit parce que l'un des contractants n'est pas
en position de négocier, soit parce que les relations d'affaires antérieures et la confiance qui
en résulte limitent l'utilité de telles négociations. Mais, lorsque la vente envisagée constitue
un enjeu important, les négociations deviennent alors une phase particulièrement décisive
pour l'économie du contrat. Ici, il y a alors « une montée par étapes progressives vers
l'accord contractuel »77. A cet égard, une partie de la doctrine qualifie ces négociations
Dans la phase de négociation du contrat, il n’y a pas faute en soi à rompre. Mais
cette faute sera toutefois constituée en cas de déloyauté commise lors de l’initiative, du
déroulement ou lors de la rupture des négociations. Ainsi, l’une des parties sera de mauvaise
foi lorsqu’elle entame ou poursuit des négociations alors qu’elle n’a pas l’intention de
parvenir à un accord ou n’est pas sincère79 et continue des négociations dans le seul dessein
de dissuader son partenaire de négocier avec un tiers80 ou dans le but d’obtenir des
75
P. Puig, « La phase précontractuelle », Dr. et Patrim., mai 2016, n° 258 p. 52.
76
H. Muir-Watt, Les pourparlers : de la confiance trompée à la relation de confiance, ss. la dir. de
D. Fenouillet et P. Rémy-Corlay, Les concepts contractuels français à l'heure des Principes du
droit européen des contrats, Dalloz, 2003, p. 53.
77
J. Cedras, « L'obligation de négocier », RTD com. 1985, p. 273, n° 9.
78
R. Saleilles, « De la responsabilité précontractuelle », RTD civ. 1907, p. 7120.
79
J. Mestre, « La période précontractuelle et la formation du contrat », LPA 5 mai 2000, p.7.
80
Paris 19 janvier 2001, D. 2001, IR 677.
informations confidentielles 81. Cette faute peut aussi tenir à la brutalité de la rupture ou à sa
trop grande tardiveté. Ainsi, la règle selon laquelle « tout engagement doit être exécuté de
bonne foi » issue de l’article 231 du Dahir des Obligations et Contrats permet au juge de
sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, mais elle ne l’autorise pas à
porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les
59
Ainsi, si la liberté des négociateurs demeure le principe, en matière
S’il y a un thème actuel en droit marocain des contrats, c’est bien celui de la
bonne foi. Elle est dans le processus contractuel « l’âme du droit des contrats »82,
pérennité »83. « La bonne foi est l’un des moyens utilisés par le législateur et les
tribunaux pour faire pénétrer la règle morale dans le droit positif »84, nous pouvons
contractuelle, la bonne foi n’est pas réservée au stade de l’exécution des contrats
Plus que tout, elle devient une directive d’interprétation des contrats au sens
des articles 461 et suivants du Dahir des Obligations et Contrats. Si en principe les
parties sont libres de contracter ou de ne pas contracter, c'est à la seule condition que
81
Com. 3, oct. 1978, Bull. civ, IV, n° 208.
82
M. Mekki, « Principes généraux du droit des contrats au sein du projet d’ordonnance portant sur la
réforme du droit des obligations », D. 2015, 816, n° 22.
83
Ph. Le Tourneau, M. Poumarede, Répert. Civ. Dalloz, Bonne Foi, n° 21.
84
G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, 3ème éd., Paris, L.G.D.J., n° 157
leur choix soit empreint justement de bonne foi. C’est d’ailleurs de ce qui ressort de
l’article 231 du Dahir des Obligations et Contrats selon lequel « tout engagement doit
être exécuté de bonne foi et oblige, non seulement à ce qui y est exprimé, mais
encore à toutes les suites que la loi, l'usage ou l'équité donnent à l'obligation d'après
sa nature ». Ce texte « rayonne comme un principe général »85du droit des contrats,
mais cette exigence de la bonne foi n’est prévue qu’au stade de l’exécution du
60
contrat. Comme la liberté contractuelle, la bonne foi, en tant que principe général du
droit de contrats, ne peut en l’état actuel du droit positif marocain être limitée à la
seule phase de l’exécution. Cet article 231 du Dahir des Obligations et Contrats
contractant, le débat est ici très délicat, donnant alors matière à réflexion.
la loyauté contractuelle. C’est la raison pour laquelle la bonne foi insuffle toujours un
même esprit celui d’un « comportement honnête que doit avoir un contractant »86.
Alors cette consécration en droit civil marocain de la bonne foi comme principe
général ne sera pas neutre ni inutile. Il fera certainement peser sur « les contractants
une responsabilité, une direction éthique et morale »87. Cette consécration aura aussi
85
N. Dissaux, C. Jamin, « Réforme du droit des contrats, commentaire des art 1100 à 1386-1 du code
civil », D. 2016, p. 10.
86
M. Mekki, « Les principes généraux du droit des contrats au sein du projet d’ordonnance portant la
réforme du droit des obligations », D. 2015, 816, n°41.
87
P. Dupichot, « Les principes directeurs du droit français des contrats », RDC, 2013/1, p. 387, n°12.
un aspect positif impliquant une obligation d’information ou de coopération. Principe
directeur, la bonne foi ne jouera pas seulement un rôle de sanction mais aussi un rôle
présentera alors comme une directive à part entière du droit des contrats88. Véritable
fil conducteur, elle s’appliquera alors à toutes les phases du contrat y compris dans la
61
phase précontractuelle, alors même que les négociateurs ne sont pas encore
comme un devoir général que comme une obligation. Il est important de relever que
la bonne foi n’est pas une obligation au sens d’une prestation que l’une des parties
devrait à l’autre. Il s’agit plutôt d’une exigence générale entre les parties qui
mauvaise foi est de l’essence même du dol qui suppose une intention de tromper.
de cassation française où les juges se sont fondés sur la bonne foi pour mettre à la
détour par la bonne foi n’est plus nécessaire puisque en droit français des contrats
88
F. Terrè, P. Simler, Y. Lequette, F. Chénedé, Les obligations, Dalloz, 2018, n°128.
89
Com., 3 nov. 1992, RTD Civ. 1993.124 ; J. Mestre ; 15 mars 2017, D. 2018, 371, M. Mekki.
possibilité pour le juge de réviser le contrat en cas d’imprévision. Ce n’est
du contrat, une réforme du Dahir des Obligations et Contrats est donc souhaitable.
Toujours est-il que cette réforme doit naturellement se faire à la lumière du droit
français des contrats et notamment à partir du nouvel article 1104 du Code civil qui a 62
ajouté l’obligation de négocier de bonne foi90. En termes de lisibilité des règles et de
protection de la partie faible, cet article 1104 codifie des solutions jurisprudentielles.
Cette réforme est plausible dans la mesure où le droit marocain présente un certain
En droit marocain, le moins que l’on puisse dire est que le Dahir des
Cette discrétion semble être justifiée par le fait que le contrat, dés qu’il présente une
90
Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ; P. Grossier, « La négociation dans l’ordonnance du 10
février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations »,
AJCA, 2016, 270.
91
D. Voinot, « La négociation des contrats de la grande distribution », AJCA, 2016, 316.
liberté contractuelle qui, entre partenaires d’égale puissance économique et
Constituant l’une des facettes de notre droit des contrats, la multiplication des
ces contrats, le modèle du Dahir des Obligations et Contrats est, nous semble t-il,
devenu inadapté car leur conclusion ne peut se faire en un trait de temps. Elle
nécessite une longue période de négociation qui doit être contractuellement organisé.
négociations.
Tout ce droit des contrats négociés (A) et non négociés (B) s’est cependant
occupe dans le domaine des affaires une place importante. Elle peut être définie
pas conclure. Ici la liberté contractuelle, c’est d’abord la liberté de négocier. Chacun
92
M. Fabre-Magnan, Droit des obligations, t.1, Contrat et engagement unilatéral, 3ème éd., PUF,
2012, p.231.
peut alors entamer des discussions avec qui il veut et les mener comme il l’entend.
C’est ainsi que la négociation a ainsi pu être qualifiée par la doctrine dominante de
connu en revanche une consécration en droit français des contrats. L’article 1104,
nouveau, du Code civil français énonce comme principe que « les contrats doivent
principe de bonne foi. Nous pouvons considérer que le terme « formation » était
interdit aux partenaires d’utiliser sans autorisation une information confidentielle que
ignorée par le Dahir des Obligations et Contrats. Face à cette réalité juridique, les
juristes marocains s’accordent pour dire que les négociations sont sous la coupe et la
93
J. Ghestin, G. Loiseau et Y.M. Serinet, La formation du contrat, t. 1, Le contrat-le consentement,
4ème éd., LGDJ, 2013, n°685.
94
V. Y.-M. Laithier, « L’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi est-elle susceptible de clause
contraire ? Réflexions comparatives », D. 2014.33.
surveillance du droit. Alors, nous semble t-il qu’« une déontologie de la négociation
doit donc être assurée, afin que la période précontractuelle n’obéisse pas à la seule
contrats préparatoires 96 ou d’avant-contrats qui ont pour objet de les organiser et de les
réguler. L'objet des contrats régulant la relation précontractuelle et, plus généralement, des
65
documents échangés pendant cette période est extrêmement divers. Il peut s'agir, pour les
parties à la négociation, de mettre sur le papier les points sur lesquels elles sont d'ores et déjà
parvenues à un accord lors de leurs différentes rencontres. Plus fréquemment, il s'agit pour
les parties à la négociation de préciser les règles qui devront régir les négociations, voire de
définir le comportement que chacun devra adopter lors de ces négociations. Plus ambitieux,
car tournés vers l'avenir, ces contrats sont sources d'obligations à intensité variable. Il ne sera
pas ici question des engagements d'honneur au sens strict qui, selon la jurisprudence
française, « ne font naître que des obligations morales et non civiles »97. Ces engagements
d'honneur sont à distinguer des lettres d'intention qui, selon les termes utilisées, et eu égard à
la volonté des parties, peuvent faire naître des obligations civiles 98.
Seront envisagés les contrats qui restreignent la liberté d'interrompre les négociations
en faisant naître, pour le moins, une obligation de négocier, à savoir l'accord de principe (a),
95
J. Schmidt « La négociation du contrat international », Droit et pratique du commerce
international, 1983, 239, p. 251.
96
M. Geninet, Théorie générale des avant-contrats en droit privé, thèse Paris II, 1985 ; J. Schmidt-
Szalewski, Les accords précontractuels en droit français, in Les principales clauses des contrats entre
professionnels : PUAM, 1990, p. 9.
97
CA Bordeaux, 16 oct. 1985, D. 1989, p. 438 ; CA Paris, 4 mai 1993, Bull. Joly Sociétés 1993,
n° 312, note Ph. Delebecque ; B. Oppetit, « L'engagement d'honneur », D. 1979, chron. 107 ;
D. Ammar, Essai sur le rôle de l'engagement d’honneur, thèse, Paris I, 1990 ; F. Labarthe, La notion
de document contractuel, LGDJ, 1994, n° 267, p. 168 ; A. Laude, La reconnaissance par le juge de
l'existence d'un contrat, PUAM, 1992, n° 662, p. 400.
98
J. Mestre, « Les lettres d'intention, une zone d'aménagement contractuel », Dr. et patrimoine janv.
1999, p. 62.
a. L’accord de principe
pratique utilise le terme d'accord de principe pour désigner des situations diverses 99et la
doctrine en propose parfois une définition très générale. Elle le définit « comme
l'engagement contractuel de faire une offre ou de poursuivre une négociation en cours afin
d'aboutir à la conclusion d'un contrat, dont l'objet n'est encore déterminé que de façon
66
partielle et en tout cas insuffisante pour que le contrat soit formé »100. À s'en tenir toujours,
lequel les parties s'engagent à négocier de bonne foi un contrat dont l'économie reste à
préciser »101. L'effet principal de l'accord de principe est donc de faire naître une obligation
négocier implique nécessairement une obligation de loyauté dès la phase précontractuelle qui
ne va pas jusqu'à une obligation d'exclusivité par laquelle les négociateurs s'interdiraient de
mener des négociations avec des tiers. Il est donc conseillé d'envisager expressément, dans
l'accord de principe, cette question des négociations parallèles pour les interdire ou les
b. Le pacte de préférence
s'engage envers une autre personne, le bénéficiaire, à ne pas conclure une vente avec un
tiers sans lui avoir préalablement proposé la conclusion »103. Cet avant-contrat est
notamment utilisé pour préparer des ventes d'immeubles, des cessions de fonds de
99
L. Rozès, « Projets et accords de principe », RTD com. 1998, p. 501, spéc. p. 506 ; I. Najjar,
« L'accord de principe », D. 1991, chron. p. 57.
100
J. Ghestin, Traité de droit civil. Les obligations. Le contrat : formation, op. cit., n° 241
101
Cass. soc., 24 mars 1958, JCP G 1958, II, 10868, obs. J. Carbonnier; Cass. 1ère civ., 8 oct.
1963, Bull. civ. 1963, I, n° 419.
102
Cass. com., 2 juill. 2002, RTD civ. 2003, p. 76, obs. J. Mestre et B. Fages.
103
M. Dagot, Le pacte de préférence, Litec, 1988 ; P. Voirin, « Le pacte de préférence », JCP G 1954,
I, 1192, Ch. Paulin, « Promesse et préférence », RTD com. 1998, p. 511 ; L. Rozès, « Pacte de
préférence et notions voisines », Dr. et patrimoine janv. 2006, p. 38.
commerce, d'œuvres de l'esprit ou de titres de sociétés. Le pacte de préférence peut être un
contrat autonome ou l'accessoire d'un autre contrat, Dans ce cas, on parle alors de « clause
détermination d'un délai ne sont des conditions de validité du pacte de préférence 104. En
revanche, dès lors que le promettant décide de vendre, il doit adresser au bénéficiaire une 67
offre de vente, ce qui implique que le prix soit déterminé. Le promettant s'engage
déciderait de vendre. Ici, seule sa liberté de choisir son cocontractant est donc affectée par le
promesse unilatérale, il ne dispose pas d'un droit d'option lui permettant de décider seul de la
formation du contrat puisque le bénéficiaire n'est titulaire que d'un droit de priorité de
refuser l'offre qui lui est faite en exécution du pacte. S'il accepte, la vente est formée105. S'il
ensuite au promettant de ne pas lui avoir présenté l'offre de vente faite ultérieurement à un
tiers. Cette dernière solution ressort notamment d'un arrêt de la troisième chambre civile de
que ces modalités soient scrupuleusement respectées. À défaut, sa réponse peut être
104
Cass. 1ère civ., 6 juin 2001; Bull. civ. 2001, I, n° 166 ; JCP G 2002, I, 134, obs. F. Labarthe ; RTD
civ. 2002, p. 88, obs. J. Mestre et B. Fages, et p. 115, obs. P.-Y. Gautier ; Cass. 3e civ., 15 janv. 2003 ;
JCP G 2003, II, 10129, note E. Fischer-Achoura ; LPA 1er sept. 2003, n° 174, p. 3, obs. F. Breluque ;
Contrats, conc. consom. 2003, comm. 71, note L. Leveneur ; D. 2003, jurispr. p. 1190, note
H. Kenfack, Sur les conditions de validité du pacte, H. Kenfack, « Les conditions de validité du pacte
de préférence », Dr. et patrimoine janv. 2006, p. 43.
105
Cass. 3ème civ., 22 sept. 2004, Bull. civ. 2004, III, n° 142 ; Contrats, conc. consom. 2005, note
L. Leveneur ; JCP E 2005, 446, obs. J. Raynard.
106
Cass. 3ème civ., 29 janv. 2003, n° 01-03707 ; JCP E, 2004, 384, n° 1, obs. P. Mousseron.
ignorée par le promettant et n'emporte donc pas formation de la vente. Par exemple,
introductif d’instance du promettant, pour demander qu'il soit jugé que la vente est
c. La promesse unilatérale
68
La promesse unilatérale de vente désigne « le contrat par lequel une personne, le
promettant, s'engage à vendre un bien déterminé à un prix déterminé à son cocontractant, le
bénéficiaire, si ce dernier décide d'acheter »107. À l'égard du promettant, la promesse fait
naître une obligation de faire, c'est-à-dire vendre au bénéficiaire, qui a pour corollaire une
obligation de ne pas faire, c'est-à-dire ne pas vendre à un tiers. Par la promesse, le promettant
exprime son consentement à la vente dont la conclusion dépend de la seule volonté du
bénéficiaire. En conséquence, la capacité à vendre ou acheter du promettant s'apprécie à la
date de la promesse108. En outre, la chose doit y être désignée et le prix déterminé. À l'égard
du bénéficiaire, la promesse ne fait en principe naître aucune obligation. Elle lui confère un
droit, le droit d'option d’acheter ou de ne pas acheter, qui lui donne la maîtrise de la
formation de la vente, tout en lui garantissant l'immobilisation du bien pendant la durée de la
promesse.
107
F. Bénac-Schmidt, Le contrat de promesse unilatérale de vente, LGDJ, 1983.
108
Cass. 2ème civ., 30 nov. 1971, JCP G 1972, II, 17018.
109
Cass. 1ère civ., 5 déc. 1995, Bull. civ. 1995, I, n° 4.
110
Cass. 3ème civ., 5 déc. 1984, Bull. civ. 1984, III, n° 207; RTD civ. 1985, p. 472, note J. Mestre;
Cass. 3e civ., 24 sept. 2008, D. 2008, p. 2497, obs. G. Forest.
pas à disqualifier la promesse unilatérale en promesse synallagmatique 111. La
promesse reste unilatérale malgré l'existence d'obligations réciproques. En effet, la
qualification de promesse synallagmatique ne saurait être retenue, faute d'un
engagement corrélatif de vendre et d'acheter puisque le bénéficiaire ne s'engageant
pas à acheter, mais à verser une somme d'argent. Pour traduire l'existence
d'engagements réciproques, une partie de la doctrine parle de contrat synallagmatique
de promesse unilatérale de vente112.
69
Qu’en est-il du contentieux de la négociation, et notamment celui de sa
rupture ?
alors décider de mettre un terme aux négociations. Toutefois, cette liberté trouve ses limites,
comme nous l’avons vu, dans cette « exigence de la bonne foi » qui impose à chaque partie
négociation doit avoir pour objet réel d’aboutir à un accord, même si le principe de liberté
contractuelle rend impossible de créer une obligation d’aboutir. En pratique, la mauvaise foi
encadrant, les négociations peuvent par principe être interrompues tant que la vente
commerciale n'est pas formée. Ce silence semble parfois être partiellement comblé par la
111
Cass. com., 9 nov. 1971, JCP G 1972, II, 16962, note P.L. ; RTD civ. 1972, p. 391, obs.
Y. Loussouarn.
112
V. C. Bacrot et P. Berger, « Peut-on distinguer promesses synallagmatiques et promesses
croisées d'achat et de vente d'action ? », Bull. Joly Sociétés 1998, p. 822 ; Cass. com., 18 juill.
1989, RTD civ. 1990, p. 66, obs. J. Mestre ; Cass. com. 16 janv. 1990 ; RTD civ. 1990, p. 462, obs.
J. Mestre ; Cass. 3e civ., 26 juin 2002 : RTD civ. 2003, p. 77, obs. J. Mestre et B. Fages ; Cass.
com., 22 nov. 2005 ; D. 2006, act. jurispr. p. 149, A. Lienhard ; D. 2007, p. 267, obs.
E. Lamazerolles ; RTD civ. 2006, p. 302, obs. J. Mestre et B. Fages ; JCP E 2006, n° 1463, note
A. Constantin ; J. Moury, « Menaces sur les promesses unilatérales de vente et d'achat croisées » ;
D. 2006, p. 2793.
113
F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 9ème éd. 2005, n° 185 ;
J. Schmidt, « La période précontractuelle en droit français », RID comp. 1990, p. 545; J. Ghestin,
Traité de droit civil, Les obligations. Le contrat : formation, LGDJ, 3e éd. 1993, n° 329; Ph. Malaurie,
L. Aynès, Ph. Stoffel-Munck, Les obligations, Defrénois, 3ème éd. 2007, n° 464, p. 217.
jurisprudence marocaine. Cela a été d’ailleurs le cas en droit français jusqu’à la réforme du
10 février 2016. Vis-à-vis du vide juridique en droit marocain, nous pouvons donc apporter
se trouvent donc dans le système juridique français qui considère désormais que la liberté de
rompre les négociations est devenue une liberté surveillée. Plus la négociation avance, « plus
l’exigence de loyauté s’affermit cependant que la liberté est contrôlée »114. L’avancement de
dernier peut légitimement croire que la négociation ira jusqu’à la conclusion d’un contrat. La
liberté de rompre ne peut alors être que totale. Elle doit être contrôlée pour protéger cette
Désormais, en droit français l’article 1112, alinéa 2, nouveau, du code civil dispose
qu’ « en cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en
résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat
non conclu ». Ce texte évoque une « faute commise dans les négociations ». La faute dans la
rupture des négociations fait l’objet, en France, d’une abondante jurisprudence 115. S’il existe
un droit de rompre, ce droit est susceptible d’abus. Dans ce cas, les juges semblent faire une
application classique de la théorie de l’abus de droit. A cet égard, la Cour de cassation parle
précontractuelles »116. Autrement dit, le droit de rompre la négociation subsiste, mais le juge
vérifiera que ce droit n’a pas été exercé de façon abusive. Un tel abus de droit sera
caractérisé soit par la mauvaise foi du responsable de la rupture, soit, à défaut de déloyauté
caractérisé par son absence motif légitime. Il a ainsi été jugé que « si la liberté est le principe
moment les pourparlers, il n'en reste pas moins que lorsque ces derniers ont atteint en durée
et en intensité un degré suffisant pour faire croire légitimement à une partie que l'autre est
114
J. Ghestin, G. Loiseau et Y.-M. Serinet, La formation du contrat, t.1, Le contrat-Le consentement,
4ème éd., LGDJ, 2013, n°712, p.513.
115
Com. 16 févr. 2016, n°13-28.448.
116
Com. 16 févr. 2016, n°13-28.448.
sur le point de conclure (...), la rupture est fautive ».117 Cependant, la loyauté dans les
négociations connaît certaines limites118. Tout d'abord, en l'état actuel du droit positif, cette
parallèles.
comme nous l’avons souligné, libre de rompre, sans avoir à fournir de motif légitime 120. En
revanche, si la négociation est déjà bien avancée, la rupture est fautive dès lors qu’elle n’est
pas justifiée par un motif légitime121. Plus la négociation avance et plus le partenaire peut
croire légitiment à la conclusion du contrat. Seul donc l’abus dans l’exercice du droit de
rompre les négociations peut donner lieu à indemnisation. Une certaine analyse de l’article
1112, nouveau, du code civil permet de constater qu’il a créé un cas de responsabilité né par
négociations122.
une faute dans la rupture des négociations, reste à préciser le préjudice réparable. On sait que
la responsabilité délictuelle, telle qu’elle est prévue par les articles 77 et 78 du Dahir des
Obligations ou encore l’article 1240 du Code civil français, permet une réparation intégrale
117
CA Riom, 10 juin 1992, RTD civ. 1993, p. 343, obs. J. Mestre.
118
Y. Neveu, « Le devoir de loyauté pendant la période pré-contractuelle », Gaz. Pal. 2000. 2.
Doctr. 2112 s.
119
Cass. com., 26 nov. 2003, Bull. civ. 2003, IV, n° 186 ; JCP G 2004, I, 163, n° 18, obs. G. Viney ;
D. 2004, p. 2922, obs. E. Lamazerolles ; RTD civ. 2004, p. 80 et 85, obs. J. Mestre et B. Fages ; RDC
2004, p. 257, obs. D. Mazeaud, CA Bordeaux, 11 juin 1996, JCP E 1997, I, 617.
120
V. Par ex. Civ. 1ère, 20 déc.2012, 11-27. 340.
121
V. par ex. Com. 11 juill. 2000, n°97-18. 275.
122
M. Jaouen, « Négociations et obligation de confidentialité », AJCA, 2016, 275.
123
J. Ghestin, « La responsabilité délictuelle pour rupture abusive des pourparlers », JCP 2007. I. 155.
du préjudice, qu'il résulte de pertes subies ou de gains manqués 124. La réparation des pertes
subies par la victime de la rupture, à savoir les frais de négociation n'est guère discutée en
jurisprudence125. Elle l'est davantage par une partie de la doctrine qui estime que ce type de
pertes est inhérent à toute activité économique et n'a donc pas vocation à intégrer le préjudice
réparable.
124
O. Deshayes, « Le dommage pré contractuel », RTD com. 2004, p. 187.
125
Cass. soc., 22 mars 1972, D. 1972, p. 468, Cass. 3e civ., 9 oct. 1972 , Bull. civ. 1972, III, n° 491 ;
CA Paris, 10 mars 2000, JCP E 2000, p. 422, note Violet.
73
SECONDE PARTIE
concurrence l’ensemble des règles juridiques gouvernant les rivalités entre agents
économiques dans la recherche et la conservation d’une clientèle. La seconde, plus
du droit des affaires de l’Union européenne alors que la première recouvre bien
ce sens que la règle de droit de la concurrence a bien une double dimension, une
désormais articles 101 et 102 TFUE, qui insistent, l’un et l’autre, sur l’idée de fausser
tardivement, ne dément pas cette approche pas plus, d’ailleurs, que le volet consacré
membres de l’Union européenne ont peu ou prou emboîté le pas, parfois assez
concurrence qu’en 1986. Au Maroc, ce n’est qu’à partir des années 2000, par la loi
06-99 du 6 juin 2000 relative à la liberté des prix et de la concurrence qui a été
réformé en 2014 à travers deux lois, la loi 104-12 du 30 juin 2014 et la loi 20-03 du
75
30 juin 2014. Toutes ces lois ont créés un droit matériel de la concurrence destinées à
dominante. Ce droit est applicable dès lors que la pratique en cause est d’affecter le
Les règles de ce droit qui s'adressent aux entreprises concernent les ententes,
L'ensemble des règles concernant ces pratiques est l'expression de l'objectif général
qui est celui de l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas
dans le marché intérieur de l’Union européenne, veut que les conditions des échanges
mesures étatiques de soutien aux entreprises. Mais, les aides d'État sont un des
l’Union européenne est de s'appliquer à toute entreprise quel que soit le lieu où elle
est établie et que les effets des pratiques anticoncurrentielles qui lui sont imputables.
Ce n'est pas la localisation des entreprises qui est déterminante, mais la localisation 76
des effets des pratiques en cause. Des entreprises dont le siège ne se situe pas dans
l’Union européenne.
Différents principes sont alors mis en œuvre, qui permettent d’assurer tout à la fois la
coopération. Dans tous les cas, cette coopération vise à l’échange d’informations sur
intérêt commun pour les autorités respectives, mais aussi, à coordonner l’application
pratique collective.
permet de relever qu’il n’a aucune définition des ententes. Selon ce texte sont
commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de
en offrir une définition unique. Un même constat peut être formulé à propos de
126
D’un point de l’analyse juridique, l'article 101 du TFUE a une structure tripartite. Son paragraphe 1
pose le principe de l'interdiction de certaines ententes en ce qu'elles portent atteinte à la concurrence.
Son paragraphe 2 énonce une sanction qui s'attache à cette prohibition, à savoir la nullité de plein droit
des accords en cause. Son paragraphe 3 établit une dérogation au principe d'interdiction posé par le
paragraphe 1er, en énonçant que cet alinéa peut être déclaré inapplicable aux accords qui remplissent
quatre conditions (deux négatives et deux positives) cumulatives.
Du point de vue juridique, le droit des affaires de l’Union européenne
distingue trois catégories d'ententes que sont les accords (A), les pratiques concertées
A. Les accords
commune, par écrit ou simplement par le comportement adopté, est indifférente 128.
concessionnaires […] ;
Il s'agit d'« une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été
une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence »129 . Par cette
127
Par exemple CJUE, 11 sept. 2014, Mastercard, aff. C-382/12 : Contrats, conc. consom. 2014,
comm. 251.
128
Par exemple TUE, 16 juin 2015, aff. T-655/11, FSL Holdings e.a./Commission européenne, point
412.
129
Par exemple TUE, 16 juin 2015, aff. T-655/11, FSL Holdings e.a./Commission européenne, point
414.- CJUE, 5 déc. 2013, Solvay SA, aff. C-455/11, point 36.
potentiel et/ou en lui dévoilant le comportement que l'on est décidé à tenir soi-même.
un comportement sur le marché y faisant suite et un lien de cause à effet entre ces
deux éléments (qui peut néanmoins être présumé dans certaines circonstances 130.
81
Comme cela ressort de cette dénomination, constitue une entente au sens de
droit ; il peut s'agir, par exemple, d'une simple recommandation suivie par ses
adhérents. Il suffit qu'elle ait été adoptée avec l'objet ou l'effet d'influencer le
marocain des affaires l’expression d’entreprises est utilisée sans pour autant être
définie. Les organes en charge du droit de la concurrence n’ont pas non plus adopté
de réelle définition commune. Ils ont davantage cherché à dégager certains critères,
l’Union européenne a ainsi proposé de voir dans les entreprises « des entités
130
Par exemple TUE, 16 juin 2015, aff. T-655/11, FSL Holdings e.a./Commission européenne, point
417.- CJUE, 5 déc. 2013, Solvay Solexis SpA, aff. C-449/11.
131
par exemple CJUE, 11 sept. 2014, aff. C-382/12, Mastercard , préc. .- CJUE, 4 sept. 2014, aff. C-
184/13 , API: Contrats, conc. consom. 2014, comm. 249 point 41.
132
Par exempleTPICE, 26 janv. 2005, aff. T-193/02, Piau , Contrats, conc. consom. 2005, comm. 119
; Europe 2005, comm. 93.
économiques consistant chacune en une organisation unitaire d’éléments personnels,
». De son côté, celle de la Cour de justice a, elle, adopté une définition un peu plus
La collusion s'entend d'un accord de volontés entre (au moins) deux entités
Si un accord est passé entre deux entités d'un même groupe et que l'une ne
relèvera pas du droit des ententes. Il n'y aura pas une rencontre de volontés
relations entre une société mère et sa filiale, si elle exerce un contrôle sur celle-ci et
Il est également admis que dans certaines conditions, les relations entre une
société commettant et son agent échappent au droit des ententes. Tel est le cas
133
CJCE 23 avr. 1991, Höfner, aff. C-41/90, Rec. CJCE I-1979.
134
Par exempleTPICE, 15 sept. 2005, aff. T-325/01, DaimlerChrysler c/ Commission : Europe 2005,
comm. 391 ; JCP E 2007, 179.
est alors considéré comme une continuation de l'entreprise commettant et non
une entente135.
135
Par exemple CJCE, 11 sept. 2008, aff. C-279/06, CEPSA , Estaciones de Servicio SA/LV Tobar e
Hijos SL : Europe 2008, comm. 382 ; Contrats, conc. consom. 2009, comm. 17 ; TUE, 15 juill.
2015, aff. T-418/10, voestalpine AG/Commission européenne, points 134 s.
136
Par exempleCJUE, 16 juill. 2015, aff. C-172/14, ING Pensii – Societate de Administrare a unui
Fond de Pensii Administrat Privat SA/Consiliul Concurentei, points 31 s. .- CJUE, 11 sept. 2014, aff.
C-67/13, Groupement CB,: Contrats, conc. consom. 2014, comm. 250, point 48.
accord est superflue, lorsqu’il apparaît que celui-ci a eu pour objet d’empêcher, de
restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun137.
137
Par exemple CJUE, 16 juill. 2015, aff. C-172/14, ING Pensii – Societate de Administrare a unui
Fond de Pensii Administrat Privat SA/Consiliul Concurentei, aff. C-172/14, points 31 s. .- CJUE, 11
juill. 2013, aff. C-440/11, Commission européenne, point 97.
138
Par exemple, TUE, 16 juin 2015, aff. T-655/11, FSL Holdings e.a./Commission européenne.
139
Par exemple, TUE, 9 sept. 2015, aff. T-82/13, Panasonic et Matmut Picture Display/Commission.-
CJUE, 19 mars 2015, aff. C-286/13, Dole Food Company Inc.)
• les pratiques de boycott.
au bénéfice de la victime d'une telle pratique, selon les modalités de leur droit
national.
des accords conclus. Il s'agit d'une nullité de plein droit et absolue, c'est-à-dire
droit national.
140
par exemple, CJUE, 16 juill. 2015, aff. C-172/14, ING Pensii – Societate de Administrare a unui
Fond de Pensii Administrat Privat SA/Consiliul Concurentei.
141
Sur la méthodologie de détermination du montant de l'amende, cf. par exemple TUE, 15 juill. 2015,
aff. T-389/10 et T-419/10, Siderurgica Latina Martin SpA (SLM), Ori Martin SA/Commission
européenne.- CJUE, 5 déc. 2013, aff. C-449/11, Solvay Solexis SpA, point 75.
Le droit des affaires de l’Union européenne prévoit que certaines restrictions
86
Les règlements d'exemption sont des textes en application desquels, si les
parties à un accord ne détiennent pas une puissance de marché trop importante et que
leur accord ne comprend pas certaines restrictions caractérisées, il est alors présumé
que les quatre conditions posées par l'article 101 § 3 du Traité fondateur de l’Union
européenne n'est donc pas applicable. Cet accord doit en principe avoir pour effet
part équitable du profit qui en résulte, sans pour autant imposer aux parties des
produits en cause.
Il n'est dès lors pas nécessaire de faire la démonstration que ces conditions,
règlement d'exemption n'est qu'un « moyen » offert aux entreprises pour assurer la
conformité de leurs accords aux dispositions du droit des ententes. Il ne leur est pas
étant obligatoires. Le fait qu'un accord tombe dans le champ d'un règlement existant
retrait d'un règlement à un accord donné (de même que les autorités de la
concurrence nationales) ou de décider qu'il ne sera pas applicable à une catégorie
d'accords donnée.
d'exemption, soit parce qu'il n'entre pas dans l'une des catégories d'accords couvertes
87
par ces règlements, soit parce qu'il n'en satisfait pas les conditions, il peut en tout état
de cause bénéficier d'une exemption individuelle, s'il remplit les quatre conditions
qui en résulte ;