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Prendre position

Fiche bilan
Liam BENOIT T-2

La réalisation de ce projet était une étape très intéressante : tout d'abord, j'ai questionné mon rapport à
l'art. C'est quelque chose qui n'est pas difficile à faire pour moi : j'ai des opinions assez tranchées et je
regarde souvent des vidéos sur des artistes qui me plaisent : j'ai clairement un positionnement par
rapport à l'art depuis longtemps.
Pour moi, l'art, c'est quelque chose qui peut prendre n'importe quelle forme, qui n'a même pas besoin
d'avoir une apparence constante, qui pourrait simplement être un processus, une action : une
perfomance (similaire à ce qui est revendiqué par le mouvement Fluxus, Yoko Ono, etc). Dans ma
vision plus personelle de cet art, la couleur est extrêmement importante. Dans mes projets, j'étudie
souvent le rapport à cette couleur qui se suffit, presque comme une entité avec laquelle je travaille.
C'est la création, la mise en place de cette couleur avec des pigments de toute sortes que je trouve la
plus intéressante : c'est elle qui transmet des sentiments : j'exploite souvent la notion de monochromes,
qui me parait très marquante.
L'art, pour moi, est aussi un acte radical : quelque chose qui ne doit pas essayer de se conformer, qui
peut prendre n'importe quelle forme, qui peut vouloir dire quelque chose : comme un message politique
ou alors absolument rien. Et en partant de cette radicalité que j'aime exploiter, ma pratique artistique se
rapporte souvent à la monstration au public : l'art, c'est quelque chose qui doit être vu par le spectateur,
volontairement ou non. Tout particulièrement j'aime l'art qui s'infiltre dans les espaces publics, qui fait
partie de la routine ou alors qui est un acte exceptionnel et choquant. Pour moi, l'art sert à faire passer
des messages à une audience plus large : et un de mes moyens préférés pour y arriver, c'est la couleur.
J'aime aussi l'idée que l'artiste capte quelque chose à travers son oeuvre, qu'il revendique cette chose,
devant le public, sans que celui ci puisse influencer l'oeuvre ou l'artiste. C'est la pensée de l'artiste qui
prime, même sans être comprise. L'art varie, change : mon avis dessus n'est certainement pas universel.

Dans ce sujet, le corps devait être impliqué : et comme je travaille souvent avec des grandes surfaces, le
rapport au corps est présent dans le processus, rarement dans l'oeuvre finale.
Et pour combiner la radicalité, la couleur, le message politique ou non, le geste, le processus, la
monstration de quelque chose hors de portée du public : c'est bien sûr l'objet du drapeau qui me vient à
l'esprit en premier. Pour ce projet je ne me suis pas posé de questions, j'ai immédiatement pris cette
idée car elle me paraissait la plus exacte.
Mon projet se présente sous la forme d'une perfomance artistique réali
sée par des amis et moi : au total, 3 personnes. Nous nous sommes baladés en ville avec des grands
drapeaux unicolores de ma confection, et pour garder une trace de cette perfomance (c'est elle qui
compose l'oeuvre) j'ai monté une vidéo de 2 minutes qui retranscrit cette perfomance de 45 minutes au
total.

Les drapeaux, dans ce projet, sont comme des symboles d'une oeuvre. Dans ma pratique, les oeuvres
sont des monochromes : donc les drapeaux sont unicolores.
Le processus de création de la couleur est important dans ma pratique : j'ai donc décidé d'utiliser une
toute nouvelle technique, la teinture de tissus. Il y a toujours ce rapport au processus, d'attendre, de
mesurer, de tester la couleur : que ce soit dans la teinture ou dans la peinture. Utiliser les teintures était
très intéressant : le contrôle de la température, l'attente, le corps qui est impliqué dans le fait de verser,
laver, touiller : car je ne me suis pas servi d'une machine à laver. C'était une expérience intéressante de
créer la couleur, enfermé dans un lieu pendant que les teintures posaient. Comme avec la peinture, il y a
cette idée d'infiltration du pigment, sur les mains, sur les surfaces : c'est une couleur forte qui s'immisce
partout. Ce processus de création de la couleur se rapporte aux travaux de Rothko, à la création de ses
propres peintures et de sa technique si particulière pour peindre ses Multiforms.
Les deux couleurs ont étés choisies selon mes préferences, selon ce que je trouve le plus agréable à voir
à la manière de certains artistes abstraits. Je ne voulait pas choisir du rouge, même si c'est une couleur
que j'apprécie car elle est associée à un parti politique. Je trouve le fait de brandir des drapeaux qui ne
semblent avoir aucun sens, aucun message évident, (à part celui d'atteindre le spectateur et d'attirer son
attention) très intéressant. Dans un esprit un peu comique, un peu dada, j'aurais nommé ce projet “La
propagande de la couleur.” Le drapeau, symbole d'un engagement politique ou d'une lutte, sert à
revendiquer une pratique artistique (la mienne) où l'art est monochrome. La couleur unie, comme dans
mes autres projets, sert aussi à absorber le spectateur dans une surface unie. Or celle ci est en
mouvement : donc c'est plus le balancier du drapeau et la couleur vive qui attire l'oeil, non la taille de la
surface.
Pendant la réalisation de la perfomance, on se rend compte que le tissu est difficile à manier selon le
vent, et qui semble s'agiter, prendre vie de lui même. Cela correspond à mon avis que l'artiste peut
capter quelque chose qui existe et l'exprimer, y coller une interprétation : mais que l'oeuvre aura
toujours sa conscience propre.
Mon travail sur le drapeau fait immédiatement écho à Alighiero Boetti, qui réalisa “Mappa”, une séries
de broderies, de grandes cartes mondiales où la surface des pays est recouverte de leurs drapeaux. Il dit
lui même, sur cette oeuvre pour laquelle il passa commande auprès d'artisans brodeurs, qu'il n'a rien
créé : que le monde est comme il est, que les designs des drapeaux existaient avant : que quand le
concept émerge, le reste n'a pas besoin d'être choisi. C'est une série d'oeuvres créés dans un contexte
politique : ici, le drapeau sert un but. Il montre les conflits de territoires arbitraires créés par l'homme
face à l'organisation naturelle du monde. Je retrouve dans cette oeuvre le rapport au drapeau pour
montrer quelque chose, pour mettre en emphase quelque chose : soit la disposition du monde, soit la
couleur.

L'oeuvre interpelle le public et lui fait passer un message, quelconque (ici, il n'y a pas de véritable
message à part celui de transmettre la couleur.) Le geste de l'artiste contribue à rendre l'oeuvre
inaccessible : elle est seulement visible par le public. Elle existe indépendamment de l'artiste, mais c'est
l'artiste qui l'exprime et qui la montre. De plus, les drapeaux sont sur des grands manches tenus par
l'artiste, ils sont alors totalements hors de portée physique du public. Ca ne veut pas dire que l'oeuvre
est incompréhensible ou interdite au public : mais cette distance physique correspond à la distance
entre le public qui regarde et l'artiste qui crée, qui donne forme à l'oeuvre. Le public peut être choqué,
pertubé par cette action soudaine. Le public a un rapport différent à l'oeuvre que l'artiste : et il est
difficile de savoir quel avis est le plus valide : ceux qui regardent l'oeuvre ? qui l'interprètent ? Celui
qui l'a créée n'est il pas biaisé ? Dans mon projet, je questionne cet écart qui fait souvent polémique : le
rapport entre le spectateur, l'artiste et l'oeuvre.

Le rôle de l'artiste est d'autant plus questionné dans mon projet lorsqu'on observe le fait que ceux qui
tiennent les drapeaux changent. Pour cette perfomance, j'ai voulu inclure des amis à moi qui sont tous
deux artistes, qui ont chacuns leur rapport à leur pratique plastique, musicale, ect.. Ce choix était
d'abord pour montrer que l'art n'est pas seulement un message radical. Il rassemble les gens autour
d'une même idée, autour d'une volonté de transmettre.
Et d'un autre côté, j'ai voulu inclure d'autres gens à cause de ce rapport au geste, à la position du corps.
Dans ce projet, c'est le geste de l'artiste, son corp, sa position, qui anime l'oeuvre et la montre...Mais
chaque artiste a une pratique différente, une “patte” singulière. C'est ce que j'ai voulu montrer à travers
mes amis : chacun d'entre nous agite les drapeaux différemment. J'ai un geste plus hésitant, parfois un
peu saccadé : Zélia, avec un passé dans la danse, a des gestes assez dansés et assurés. La différence
entre nos geste reflète alors nos rapports différents à l'art, malgré le fait que celui ci nous rassemble
pendant cette performance.
Et finalement, j'ai décidé d'aborder le sujet avec une performance car je voulais que cette action soit
inédite, jamais reproduite ou constante, pour symboliser le fait que l'art est rentré et sorti de ma vie de
plein de manières différentes, et qu'il est souvent très marquant quand il est fugace et particulier, quand
il existe seulement sur une période courte. (ce que j'ai vu avec mon projet Exagérez) J'aurais préféré
qu'il n'en reste aucune trace mais pour les besoins du cours, ce n'était pas possible.

Au final, cette performance fut un symbole de ma vision idéale de l'art, de ce que j'aime exploiter, de ce
que je vois comme la base de ma pratique.

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