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Presses

universitaires
de Rennes
Le savant fou | Hélène Machinal

La figure de
l’alchimiste dans
la littérature du
XIXe et du XXe
siècle
Savant fou ou folies scientifiques : de l’alchimie à
la chimie
Bernard Joly
p. 75-88

Texte intégral
1 Les alchimistes n’étaient pas des fous  : leurs doctrines
s’inscrivaient dans les savoirs de leurs temps et même
Descartes considérait la question de la pierre philosophale
comme faisant partie, avec la quadrature du cercle, de ces
questions qui relèvent du raisonnement humain1. Les études
historiques qui se sont développées ces dernières années
aboutissent à des conclusions sans ambiguïté  : jusqu’au
début du XVIIIe siècle, l’alchimie était l’autre nom de la
chimie et l’alchimiste inscrivait ses travaux dans le cadre de
la philosophie naturelle et non pas de la magie2. Si les
débuts de l’alchimie, dans les premiers siècles de notre ère
en Égypte hellénisée, sont encore mal connus, si de
nombreux manuscrits arabes et persans attendent encore
d’être étudiés, on connaît mieux l’alchimie médiévale latine
et ses nombreux traités qui, à partir du XIIIe siècle,
montrent comment les pratiques de laboratoire s’articulent
avec une théorie de la matière qui rend concevable la
transmutation des métaux3. La diffusion des idées de
Paracelse, dans la seconde moitié du XVIe siècle,
accompagne un regain d’intérêt pour l’alchimie, dont les
productions éditoriales culminent au XVIIe siècle. La
« chymie », comme on l’écrit souvent à cette époque, fait en
effet partie de ces savoirs au nom desquels sont contestées
la philosophie naturelle de la scolastique et la médecine
galénique.
2 Si les métaux sont des corps mixtes, se développant dans les
mines à partir de semences métalliques dont la croissance
est souvent gênée par la présence d’impuretés, il doit être
possible, en extrayant cette semence, de réitérer par
l’artifice le processus naturel dans des conditions idéales
que la nature n’offre pas. La pierre philosophale est le
produit qui permet une telle opération. Et si l’on admet que
les corps des êtres vivants sont composés des mêmes
éléments principiels que les corps minéraux, c’est-à-dire de
Mercure, de Soufre et de Sel, il doit être possible de purifier
aussi les êtres vivants, de les guérir de leurs maladies et de
leur assurer une longévité comparable à celle de l’argent et
de l’or par l’emploi d’un élixir qui n’est qu’une variante de la
pierre philosophale. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, de telles
doctrines, qui se mettent au service d’une nouvelle
conception de la médecine, peuvent certes faire l’objet de
débats, mais elles ne tombent pas dans le champ de
l’irrationnel ou de la démesure4.
3 Pourtant, dès la fin du Moyen Âge, les alchimistes passent
parfois pour des fous et cette mauvaise réputation ne les a
pas quittés. Sébastien Brant fait de l’alchimiste un passager
de la Nef des fous, Érasme le présente dans son Éloge de la
folie comme un homme que l’imagination égare, Bruegel le
jeune, dans un célèbre tableau de 1558, confie certes le rôle
du fou à l’assistant de l’alchimiste, mais la folie de ce dernier
le conduit à la ruine et l’oblige, comme le montre le fond du
tableau, à se réfugier à l’hospice avec femme et enfants. Les
alchimistes ne sont pas épargnés dans les critiques et
parodies du XVIIe siècle, comme le montre The Alchemist
de Ben Jonson en 1610 ou certains tableaux de la peinture
hollandaise et flamande où les alchimistes sont représentés
comme des singes ou de pauvres égarés vivant dans un
indescriptible chaos5. Mais il faut remarquer qu’à côté de
ces textes et de ces représentations picturales, d’autres nous
offrent une image beaucoup plus positive de l’alchimiste.
Ainsi, David Teniers les représente souvent au travail,
attentifs aussi bien à l’entretien de leurs fourneaux qu’à la
lecture des livres dont ils suivent avec application les
recettes. Au-delà du pittoresque, ce sont des hommes
sérieux et appliqués qui sont ainsi mis en scène. Et l’on sait
aujourd’hui qu’au XVIIe siècle, l’alchimie était considérée
comme une activité suffisamment respectable et importante
pour que des hommes comme Robert Boyle6 ou Isaac
Newton7 y aient consacré une bonne partie de leur temps.
:
4 Il est, dans ces conditions, d’autant plus frappant que
l’alchimiste soit devenu, dans la littérature du XIXe et du
XXe siècle, un personnage dont les activités consistent
principalement à dépasser les bornes de la raison dans une
quête qui passera, selon les interprétations, ou bien comme
l’expression d’une mysticisme transcendant les contraintes
matérielles de la condition humaine ou au contraire comme
la manifestation d’une folie conduisant au mépris des
valeurs humaines les plus fondamentales. Les alchimistes
que la littérature du XIXe et du XXe siècle met en scène ne
se ressemblent pas toujours, mais chez Goethe8 ou
Nathaniel Hawthorne9, chez Gustav Meyrink10 ou
Marguerite Yourcenar11, ce sont toujours des personnages
inquiétants, à la recherche d’une domination de la matière
qui leur donnerait tout pouvoir sur les âmes, au risque de
sortir des limites de la raison.
5 Ces portraits, souvent magnifiquement dressés, ne
ressemblent guère à ce qu’étaient les alchimistes, tels que
les études historiques nous permettent de les connaître. On
pourrait donc affirmer que la plupart de ces représentations
littéraires de l’alchimie reposent sur un grave contresens.
Certes, l’écrivain n’a pas pour tâche de se substituer à
l’historien, mais on peut tout de même se demander quelles
sont les raisons de telles distorsions et surtout pourquoi
elles sont aussi bien acceptées des lecteurs, y compris des
plus savants et des plus critiques, qui semblent souvent
admettre que le portrait tracé dans le roman correspond à la
réalité historique de ce que fut l’alchimie. Ainsi, parmi les
nombreuses études contemporaines consacrées à la
présence de l’alchimie dans l’œuvre de Nathaniel
Hawthorne, il ne s’en trouve aucune qui mette en doute la
vraisemblance des personnages d’alchimiste du romancier
américain12. Ce sont les raisons de cette situation qu’il s’agit
ici d’éclairer, en limitant l’enquête à quelques écrits de
Hawthorne qui seront comparés sur certains points au
Faust de Goethe, à L’Ange à la fenêtre d’Occident de Gustav
Meyrink et à L’Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar.
:
6 Deux figures d’alchimistes ressortent plus particulièrement
dans l’œuvre de Hawthorne  : Aylmer dans La Marque de
naissance et Chillingworth dans La lettre écarlate, l’un et
l’autre étant présentés explicitement comme des alchimistes
par le romancier américain. Ainsi, Aylmer, après avoir
présenté à sa femme Georgina « un historique de la longue
dynastie des alchimistes qui consacrèrent tant de siècles à la
quête du principe universel grâce auquel on pourrait
extraire la substance de l’or des choses viles et basses13  »,
affirme qu’il est en son pouvoir de réaliser une telle
opération, car il est convaincu que « la logique scientifique
la plus simple saurait révéler ce moyen caché depuis si
longtemps14  ». Mais il s’agit désormais de franchir un
degré  : après avoir «  fouillé les secrets des régions
nuageuses les plus éthérées, comme les mines les plus
profondes15 », il se dit désormais capable de fabriquer « une
potion capable de prolonger la vie de nombreuses années,
éternellement peut-être16  ». Cette connaissance s’appuie
aussi bien sur les travaux de « combinaison et d’analyse17 »
auxquels il se livre dans son laboratoire, dont Hawthorne
décrit le fourneau, l’alambic et les autres instruments par
lesquels la nature est soumise à «  mille tortures
scientifiques18  », mais aussi sur la lecture des nombreux
volumes de sa bibliothèque que sa femme feuillette,
«  œuvres de philosophes du Moyen Âge, tels qu’Albert le
Grand, Cornelius Agrippa, Paracelse, et le moine fameux qui
créa la tête de bronze prophétique  », mais aussi «  les
premiers volumes des Comptes rendus de la Royal Society
[…] à peine moins fertiles en imaginations curieuses19  ».
Aylmer est donc à la recherche des secrets de la Nature,
soucieux de dévoiler le «  pouvoir des éléments  » et de
parfaire «  ce que la Nature laissa inachevé20  ». Tout cela
correspond en effet aux objectifs que se donnaient les
alchimistes et, d’une manière plus générale tous ceux qui
voulaient, selon la célèbre expression de Descartes dans le
Discours de la méthode, se rendre «  comme maître et
possesseur de la nature  ». Tel est, pourrait-on dire, ce qui
:
guide tous les programmes de recherche scientifique au
XVIIe siècle.
7 Dans La Lettre écarlate, Chillingworth est lui aussi un
«  natural philosopher  », pour reprendre une expression
sans équivalent français qu’affectionnaient les premiers
membres de la Royal Society. Il a étudié longuement de gros
livres, il a la réputation d’être un homme fort savant. Ainsi
dit-il à sa femme Hester, « mes vieilles études d’alchimie et
mon séjour de plus d’un an parmi des gens qui connaissent
bien les bonnes propriétés des simples, ont fait de moi un
meilleur médecin que plus d’un qui se réclame du titre21 »,
ajoutant un peu plus loin : « J’ai appris maints secrets dans
la forêt et en voici un qu’un Indien m’enseigna en échange
de quelques miennes leçons aussi vieilles que Paracelse22. »
Qu’on ne s’y trompe pas : l’opposition n’est pas ici entre la
médecine des plantes et celle de l’alchimie, mais au
contraire entre l’ensemble des médicaments issus de la
sagesse populaire et du travail de laboratoire,
conformément à ce que prônait le médecin Suisse, et ceux
qui résultent d’une pharmacopée inspirée de la tradition
galénique. L’alchimie, au XVIIe siècle, s’était ainsi mise au
service d’une nouvelle pratique médicale, qui s’opposait aux
enseignements de l’université, fondés sur la lecture de
Galien23. De la même manière, la science de Chillingworth
s’oppose à celle du jeune pasteur Arthur Dimmestale, qui
s’est instruit à l’université  : l’appartement de ce dernier ne
contient que des livres, alors que celui de son adversaire
s’organise autour d’un laboratoire. L’alchimiste ne méprise
certes pas les livres, par lesquels s’effectue l’essentiel de la
transmission de la tradition, comme en témoignent les
nombreux recueils de textes publiés au XVIIe siècle. Mais
ses lectures ne produiraient qu’un savoir stérile s’il ne les
mettait pas en œuvre dans les travaux du laboratoire.
8 Cependant, les substances que manipulent Aylmer et
Chillingworth peuvent être dangereuses, puisque l’élixir de
vie pourrait produire une «  discorde dans la nature24  ».
Ainsi, montrant à sa femme une fiole qui contient l’élixir de
:
l’immortalité, Aylmer explique que «  c’est le plus précieux
des poisons jamais distillé en ce monde. Je puis grâce à lui
modifier la durée de vie du mortel de ton choix. L’efficacité
de la dose déterminerait s’il verrait son existence prolongée,
ou bien s’il tomberait raide mort, le souffle coupé25 ». C’est
un thème classique que reprend ici encore Hawthorne,
puisque, comme on le sait, le pharmakon, en grec, désignait
aussi bien le médicament que le poison  : tout est question
de dosage et d’usage. Ce qu’affirmait déjà Galien prend une
valeur nouvelle lorsqu’il s’agit d’administrer des
médicaments fabriqués à partir de substances toxiques,
comme l’antimoine. Dans La Fille de Rappaccini26, la
dispute qui oppose ce dernier à son collègue Baglioni
renvoie directement aux querelles qui, au début du XVIIe
siècle, opposèrent les médecins paracelsiens aux médecins
galénistes, ces derniers accusant les premiers d’être des
empoisonneurs au motif qu’ils utilisaient des médicaments
fabriqués par les moyens de la chimie27. Pour rendre sa fille
aussi terrible qu’elle est belle et lui permettre d’échapper à
la condition d’une faible femme, Rappaccini n’a pas hésiter
à rendre son souffle aussi venimeux que les plantes
empoisonnées qu’il fait pousser dans son jardin  : il a
« instillé dans son être un poison féroce et subtil » par une
«  affinité avec ces fleurs splendides et mortelles28  ». Cet
homme «  terriblement instruit des secrets de la nature29  »
sacrifie son enfant à un zèle insensé pour la science : « Il se
soucie infiniment plus de la science que de l’humanité30 ».
9 C’est une ambition analogue qui agite Aylmer, soucieux lui
aussi de la perfection de la femme qu’il aime, son épouse
cette fois, et non plus sa fille. On pourrait croire qu’il échoue
dramatiquement dans son entreprise, puisque la potion
destinée à faire disparaître la marque de naissance sur la
figure de Georgina la fera mourir. Mais il n’en est rien  : la
tâche était ce qui unissait «  l’esprit angélique à son
enveloppe sensible31  », c’était le signe d’une imperfection
qui, supprimée, rend la femme parfaite, détachée de son
corps, purement spirituelle et réduite à son âme. Aylmer
:
aurait ainsi parfaitement réussi la plus belle des opérations
alchimiques  : une distillation qui transforme toute la
matière en esprit. Mais en même temps, il a perdu la femme
qu’il aimait, qu’il aurait pu conserver grâce à une autre
forme de sagesse qui l’aurait conduit à l’accepter telle qu’elle
était. La logique de la science et de son efficacité l’a conduit
à la déraison.
10 Dans La Lettre écarlate, la redoutable efficacité de sa
science rend l’alchimiste pire que déraisonnable, puisque
Hawthorne nous le présente comme diabolique. La science
que Chillingworth a acquise dans les livres et les
laboratoires est mise au service de sa vengeance ; retrouver
et mener à sa perte celui qui fut l’amant de son épouse et lui
donna un enfant. « Je chercherai cet homme, dit-il, comme
j’ai cherché la vérité dans les livres, comme j’ai cherché l’or
dans l’alchimie32  ». Il s’agit bien davantage que d’une
comparaison, puisque la science alchimique de
Chillingworth semble désormais s’appliquer aux âmes
humaines. Ainsi, à propos de Pearl, la fille adultérine de sa
femme, il affirme qu’un philosophe (on appelait ainsi les
alchimistes à l’époque) pourrait analyser sa nature pour
savoir qui fut le père. Et, de la même manière que la fille de
Rappaccini empoisonnait ceux dont elle s’approchait,
Chillingworth, après avoir percé son secret, fera mourir le
jeune pasteur, par sa simple présence à ses côtés, en
distillant peu à peu le poison du remords dans son âme
torturée. Ce faisant, l’alchimiste s’est transformé, changeant
de nom et de physionomie, mais surtout, à force de jouer un
rôle de diable, il s’est transformé en diable. Une
transmutation négative s’est produite, faisant de celui qui ne
cherchait par ses travaux que le bonheur de l’humanité un
démon attaché à la perte de celui sur lequel s’est fixée sa
haine. Au lieu de travailler au perfectionnement de la
nature, l’alchimiste engendre désormais la mort. Ainsi, se
demande Hester, « la terre, malignement influencée par lui,
n’allait-elle point lui faire jaillir sous les doigts des plantes
vénéneuses jusqu’alors inconnues  ? Ou peut-être lui
:
suffisait-il que toute plante salubre devînt délétère à son
toucher33 ».
11 Les portraits d’alchimistes ainsi tracés par Hawthorne sont
certes très frappants, mais ils semblent à l’historien des
sciences assez éloignés de la réalité historique, les pouvoirs
que le romancier leur accorde sur le comportement des
êtres humains faisant de l’alchimie une pratique qui relève
de l’esprit et non plus de la seule manipulation de la
matière, fut-elle vivante. Que le véritable but de l’alchimie
soit la transformation de l’homme, pour le meilleur ou pour
le pire, est une idée étrangère aux textes alchimiques, aussi
bien au Moyen Âge qu’au XVIIe siècle. Une telle conception
fait en effet sortir du domaine de la chimie et d’une
recherche des secrets de la nature auxquels les alchimistes
entendaient limiter leurs travaux. Ainsi, loin de revendiquer
ces «  pouvoirs surnaturels  » que Hawthorne leur attribue
dans La Marque de naissance34, les alchimistes insistaient
sur le caractère naturel de leurs opérations, se gardant bien
de prétendre posséder des pouvoirs sur le monde spirituel
qui auraient attiré sur eux le soupçon de magie35.
12 Le romancier est bien sûr libre de composer ses portraits
selon son imagination, mais nous savons que Hawthorne
avait le souci de restituer l’esprit puritain qui marquait le
Massachusetts au XVIIe siècle et qu’il voulait donner à ses
personnages une vraisemblance historique. Ainsi, il aurait
construit ses portraits d’alchimistes en lisant des ouvrages
historiques comme The Worthies of England de Thomas
Fuller, mais surtout des articles plus récents qui insistaient
sur le caractère spirituel et ésotérique de l’alchimie36. Il n’est
donc pas étonnant que des personnages historiques
surgissent au cœur du roman, mais se pose alors la question
de savoir d’où viennent les distorsions que Hawthorne,
comme bien d’autres romanciers, fait subir aux alchimistes,
au point de les transformer en savants fous, alors que leur
quête de vérité n’était sans doute pas plus déraisonnable
que celle qui anime les savants du XXIe siècle.
13 La mort de John Winthrop Jr, au milieu de La lettre
:
écarlate, nous rappelle que ce gouverneur du
Massachusetts, membre de la Royal Society, avait rassemblé
autour de lui un cercle d’alchimistes dont le plus célèbre,
George Starkey, était proche de Boyle et de Newton37.
Chillingworth est également présenté comme un
correspondant de Sir Kenelm Digby, ce natural
philosopher, diplomate et voyageur, adepte de l’alchimie qui
se rendit célèbre par ses travaux sur la poudre de
sympathie38. Certains commentateurs ont même considéré
que Digby constituait le modèle des portraits d’alchimistes
de Hawthorne, en remarquant notamment que par bien des
aspects le personnage d’Aylmer dans La Marque de
naissance correspondait à ce que nous savons de la vie de
Digby, qui fut notamment inquiété à la mort de sa jeune
épouse après l’utilisation d’une lotion rajeunissante de sa
fabrication39.
14 Quatre-vingts ans plus tard, Gustav Meyrink utilisera le
même procédé  : L’Ange à la fenêtre d’Occident, paru en
1927, peut en effet être considéré comme une vie romancée
de John Dee, ce mathématicien amateur d’alchimie et de
conversation avec les anges qui vivait dans la seconde
moitié du XVIe siècle40. Chez Meyrink, cependant, John Dee
est nommément l’un des personnages principaux du roman,
dont certains épisodes sont inspirés du journal qu’il avait
tenu. Pourtant, le John Dee de Meyrinck n’est pas
davantage celui de l’histoire que Aylmer ou Chillingworth ne
sont des figures réalistes d’alchimistes. Il oppose l’alchimie
artisanale des faiseurs d’or à la véritable alchimie qui
viserait la spiritualisation de l’homme et lui apporterait
l’immortalité, ce qui ne correspond guère aux théories que
Dee développait dans ses ouvrages. Pour le Dee historique
en effet, tout se tenait, rien n’était magique, tout était
naturel, qu’il s’agisse de la structure géométrique de
l’univers, de la présence des anges dans leur corps éthéré ou
de la transmutation des métaux. Au contraire, pour le
personnage de Meyrinck, la véritable alchimie n’a rien à voir
avec l’alchimie médiévale, qui n’était que l’ancêtre de la
:
chimie moderne. Selon lui, la «  véritable alchimie  » ne se
soucie ni de perfectionner les métaux ni de fabriquer des
médicaments permettant de prolonger la vie en luttant
contre les maladies. Ce dont il s’agit, c’est de devenir
immortel, comme le pressent le narrateur dès le début de
son récit, lorsqu’il soupçonne qu’il lui arrive «  la même
chose qu’autrefois au docteur Faust41 ».
15 Gustav Meyrink, qui vivait à Vienne au tournant du XIXe et
du XXe siècle, avait été membre de plusieurs sociétés
secrètes  ; c’est la fréquentation des milieux occultistes et
ésotériques qui inspira les thèmes de la plupart de ses
romans. Il semble bien que ce soit également à travers la
déformation des interprétations spirituelles et ésotériques
qui commençaient à fleurir au XIXe siècle que Hawthorne
découvrit les thèmes alchimiques. De telles interprétations
sont encore dominantes aujourd’hui, ce qui explique que nul
ne semble mettre en doute la véracité des portraits
d’alchimistes que trace la littérature depuis un siècle et
demi. Dans une note à la fin de L’Œuvre au noir,
Marguerite Yourcenar expose sa conception de ce qu’elle
nomme le « roman historique42 ». Certes Zénon n’est qu’un
«  personnage “historique” fictif  » dont l’invention se fait
pourtant en utilisant « les faits et les dates de la vie passée,
c’est-à-dire l’Histoire  ». Sans s’identifier à aucun d’entre
eux, Zénon sera donc tout à la fois Léonard de Vinci et
Paracelse, Erasme et Giordano Bruno, Ambroise Paré et
Campanella. Le portrait que trace Marguerite Yourcenar tire
donc sa profondeur et sa complexité de ce travail de fiction
grâce auquel l’auteur a su, de manière ingénieuse,
rassembler les traits de plusieurs personnages d’exception
que son héros aurait pu rencontrer au cours de sa vie.
Pourtant, l’historien des sciences ne peut qu’exprimer sa
perplexité  : la conception de l’alchimie que défend le
personnage censé vivre au XVIe siècle ne s’est développée
que plusieurs siècles plus tard. Que l’œuvre alchimique
concerne essentiellement la conduite de la vie, que tout
doive passer par une mort véritable dont le « pourrissement
:
des idées  » et la «  mort des instincts  » ne soient que les
prémices43, c’est là une conception étrangère aux pensées
d’un alchimiste de la Renaissance ou du XVIIe siècle.
16 Pour construire le portrait de son héros, Marguerite
Yourcenar semble avoir été trompée, dans sa quête
d’authenticité historique, par les auteurs auprès desquels
elle s’est informée et qu’elle désigne elle-même dans la note
finale de son livre, lorsqu’elle écrit :
«  Les citations en latin de formules alchimiques sortent
presque toutes de trois grands ouvrages modernes sur
l’alchimie  : Marcelin Berthelot, La chimie au Moyen Âge,
1893  ; C.G. Jung, Psychologie und Alchemie, 1944 (éd.
révisée, 1952) et J. Evola, La Tradizione ermetica, 1948,
placés chacun à un point de vue différent, et formant à eux
trois une utile voie d’accès au domaine encore énigmatique
de la pensée alchimique44. »

17 On devine à quels jeux subtils de balancier la romancière


avait voulu se livrer en confrontant la lecture du scientiste
Berthelot45 à celle de l’ésotériste Evola. Mais il faut
remarquer que, chez ce dernier, tout comme chez Jung, les
textes et les images de la littérature alchimique sont mis au
service de doctrines étrangères à l’alchimie telle qu’elle s’est
développée dans son histoire46. S’il y a ici déraison, ce n’est
pas du côté des alchimistes.
18 Mais il y a, dira-t-on, quelque chose de faustien dans les
portraits que tracent Hawthorne, Meyrink, Yourcenar et
bien d’autres ; Faust n’était-il pas un alchimiste ? Au risque
de surprendre, il faut affirmer qu’il n’en est rien. Certes, on
retrouve dans le personnage mythique le basculement vers
la perversion d’une ambition démesurée de domination des
êtres et de leur destin, la folie meurtrière qui s’empare du
savant enivré par de diaboliques promesses. Pour autant,
Faust n’est pas alchimiste. Il n’y a dans le Faustbuch de
1587, où le personnage apparaît pour la première fois,
aucune allusion directe à l’alchimie, aucune expérience de
transmutation, aucune opération sur les métaux, aucune
fabrication d’élixir de longue vie, puisque le pacte passé avec
:
le diable suffit en lui-même à rendre possibles toutes les
diableries, facéties et voyages burlesques auxquels se livre le
personnage. Pour bénéficier des pouvoirs que Faust
recherche, le pacte suffira : l’habileté diabolique rend inutile
les pratiques alchimiques, qui sont des pratiques naturelles.
Marlowe, dans son Doctor Faustus de 1593, fait sortir le
personnage du burlesque en lui donnant sa dimension
tragique. Faust n’est plus un charlatan avide de puissance,
c’est un savant qui a pris des risques et qui a su défendre
l’honneur de la science. C’est grâce au pacte avec
Méphistophélès qu’il dominera les cœurs, les éléments
déchaînés et les armées. Là encore, rien n’évoque les
opérations de l’alchimie. La science dont Faust tire sa
puissance ne lui vient pas de ses études et de ses travaux de
laboratoire, mais du pacte qu’il a signé avec le diable.
19 Quant au Faust de Goethe, s’il fut alchimiste comme son
père, c’est un alchimiste désabusé, qui a renoncé aux
travaux dans un laboratoire où la poussière recouvre livres
et instruments. C’est précisément parce que les recettes
alchimiques, bien trop respectueuses de la nature et de ses
limites, ne peuvent satisfaire sa soif infinie de connaissance
qu’il bascule dans le camp du diable. Goethe, qui en 1808
préparait son Traité des couleurs, connaissait bien
l’alchimie et son histoire. En ce début du XIXe siècle, il est le
témoin d’un tournant de l’histoire de la chimie qui a rompu
ses dernières attaches avec une tradition alchimique qui
nourrissait encore largement les travaux chimiques du
siècle précédent. La chimie, désormais marquée par les
travaux de Lavoisier, devient à la fois plus ambitieuse et
plus modeste. Plus ambitieuse, puisqu’elle se donne de
nouveaux concepts et un nouveau langage qui permet de
mieux rendre compte des processus naturels ; plus modeste
cependant en ce qu’elle ne trouve sa rigueur que dans la
structure du langage qu’elle construit. Elle ne prétend plus
sonder les secrets de la matière et dévoiler les puissances
enfouies dans les éléments et les principes, il lui suffit
d’énoncer des lois, de mesurer des proportions. L’alchimie
:
est donc pour Goethe, comme pour ses contemporains, une
science périmée, la chimie du passé, mais une science
respectable, puisqu’elle a conduit à la chimie moderne. De
ce fait, le terme d’alchimie n’a pas encore revêtu, en ce tout
début du XIXe siècle, le sens nouveau que lui donneront les
amateurs d’occultisme, en en faisant l’ingrédient d’une
doctrine qui n’est que le résultat d’un syncrétisme douteux.
20 Il nous manque aujourd’hui une histoire et une analyse du
processus qui a conduit au recouvrement de la réalité
historique de l’alchimie par des relectures ésotériques et
occultistes qui s’imposent encore aujourd’hui et qui
prétendent délivrer le véritable sens de l’alchimie. On ne
pouvait donc ici que mettre en évidence l’existence de ce
processus et s’interroger sur sa signification. Pour que
l’alchimiste puisse devenir l’une des figures contemporaines
du savant fou, il fallait précisément que s’effectue cette
étrange opération d’occultation de l’histoire de la chimie
ancienne, au profit d’une représentation illusoire et
menaçante que la littérature vient sublimer. Il fallait que
nous ayons peur de la chimie pour que puisse ainsi se
construire le mythe d’une alchimie qui serait
inexorablement conduite à la déraison. Produit de la
rencontre entre la réalité historique et la fiction littéraire, la
folie de l’alchimiste fait écho à nos craintes d’une puissance
cachée dans la matière qui ferait sortir la science de ses
gonds lorsque le chimiste s’en rend le maître. Tout se passe
alors comme si les alchimistes de la littérature portaient le
destin d’une folie que la chimie contiendrait en germe
lorsqu’elle veut maîtriser la nature dans les appareils de ses
laboratoires.

Bibliographie
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Rappaccini [Rappaccini’s daughter, 1844], trad. par Zagha
M., p.  347-389, in Contes et récits, Paris, Babel, 1996  ; La
lettre écarlate [The scarlet letter, 1850], trad. par
Canavaggia M., Paris, Gallimard, 1954, coll. «  Folio-
Classique », 1977.

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YOURCENAR M., L’Œuvre au noir, Paris, Gallimard, 1968.

Notes
1. DESCARTES R., Notae in programma, in ADAM C. et TANNERY P. (dir.),
Œuvres de Descartes, Paris, Vrin, 1996 [1965], vol. VIII-2, p. 353.
2. Voir à ce sujet, PRINCIPE L. et NEWMAN W. R., « Some problems with
the historiography of alchemy », in NEWMAN W. R. et GRAFTON A. (dir.),
Secrets of Nature : Astrology and Alchemy in Early Modern Europe,
Cambridge, MIT Press, 2001, p. 385-431 ; NEWMAN W. R. et PRINCIPE L.
M., «  Alchemy vs. chemistry, the etymological origins of a
historiographical mistake  », Early Science and Medicine, vol.  3, no 1,
1998, p. 32-65 ; JOLY B., « À propos d’une prétendue distinction entre la
chimie et l’alchimie au XVIIe siècle  : questions d’histoire et de
méthode  », Revue d’histoire des sciences, vol.  60, no 1, 2007, dossier
« Sciences, textes et contextes, en hommage à Gérard Simon », p. 167-
183.
3. Sur l’alchimie médiévale, voir HALLEUX R., Les Textes alchimiques,
Turnhout, Brepols, 1979  ; OBRIST B., «  Vers une histoire de l’alchimie
médiévale  », Micrologus, vol.  3, 1995, p.  3-43  ; OBRIST B., «  Art et
nature dans l’alchimie médiévale  », Revue d’histoire des sciences,
vol. 49, 1996, no 2-3, p. 215-286.
:
4. Voir JOLY B., La Rationalité de l’alchimie au XVIIe siècle, Paris, Vrin,
1992.
5. Sur l’iconographie de l’alchimie aux XVIe et XVIIe siècles, voir HILL C.
R., «  The iconography of the laboratory  », Ambix, vol.  22, no 2, 1975,
p.  102-111  ; VAN LENNEP J., Alchimie. Contribution à l’histoire de l’art
alchimique, réédition augmentée, Paris, Dervy, 1990 [Bruxelles, Crédit
Communal, 1984]  ; PRINCIPE L. et DE WITT L., Transmutations :
Alchemy in Art. Selected works from the Eddleman and Fischer
collections at the Chemical Heritage Foundation, Philadelphie, CHF,
2002.
6. Voir PRINCIPE L., The aspiring adept. Robert Boyle and his
alchemical quest, Princeton, Princeton University Press, 1998.
7. Voir DOBBS B. J. T., The foundation of Newton alchemy, or “The
hunting of the greene Lyon”, Cambridge, Cambridge University Press,
1975; Les fondements de l’alchimie de Newton ou « La chasse au lion
vert », trad. par Girard S., Paris, Trédaniel-Editions de la Maisnie,
1981.
8. GOETHE, Faust, trad. par Malaplate J., Paris, Garnier-Flammarion,
1984 [1808].
9. HAWTHORNE N., La Marque de naissance [The birth-mark, 1843],
trad. par Zagha M., p. 243-266 ; La Fille de Rappaccini [Rappaccini’s
daughter, 1844], trad. par Zagha M., p.  347-389, in Contes et récits,
Paris, Babel, 1996  ; La Lettre écarlate [The scarlet letter, 1850], trad.
par CANAVAGGIA M., Paris, Gallimard, 1954, coll. «  Folio-Classique  »,
1977.
10. MEYRINK G., L’Ange à la fenêtre d’Occident [Der Engel vom
westlichen Fenster], trad. par Pollet J. J., Paris, Garnier-Flammarion,
2005 [1927].
11. YOURCENAR M., L’Œuvre au noir, Paris, Gallimard, 1968.
12. Par exemple, CLACK R. A., The marriage of heaven and earth:
alchemical regeneration in the works of Taylor, Poe, Hawthorne and
Fuller, Westport, Greenwood Press, 2000; GATTA J., «  Aylmer’s
Alchemy in “The Birthmark”  », Philological Quarterly Iowa City,
vol.  57, no 3, 1978, p.  399-413; REID A. S., «  Hawthorne’s Humanism:
“The Birthmark” and Sir Kenelm Digby », American Literature, vol. 38,
1966, p.  337-351; SWANN C., «  Alchemy and Hawthorne’s Elixir of Life
Manuscripts », Journal of American studies, vol. 22, no 3, 1988, p. 371-
387.
13. La Marque de naissance, op. cit., p. 254.
14. Id.
:
15. Ibid., p. 250.
16. Ibid., p. 254.
17. Ibid., p. 257.
18. Ibid., p.  260. Comment ne pas songer à la préface de la seconde
édition de la Critique de la raison pure (1787) dans laquelle Kant
présente la méthode expérimentale en affirmant que la raison doit
« forcer la nature à répondre à ses questions » et s’instruire « comme
un juge […] qui force les témoins à répondre aux questions qu’il leur
soumet » (trad. par Alain Renaut).
19. Id. La plupart des ouvrages alchimiques attribués au philosophe et
théologien Albert le Grand (c. 1200-1260) sont apocryphes, mais il
parle de l’alchimie dans son De mineralibus ; Cornelius Agrippa (dont
le célèbre De occulta philosophia n’est pas un traité d’alchimie) et
Paracelse sont des auteurs du XVIe siècle ; le « moine fameux » est le
philosophe franciscain Roger Bacon (1214-1294), dont la plupart des
traités alchimiques sont apocryphes, mais qui traite de l’alchimie dans
son Opus Tertium.
20. Ibid., p.  249. Aylmer évoque alors l’imperfection que constitue la
marque sur la joue de son épouse, mais pouvoir perfectionner les êtres
vivants est pour Aylmer une entreprise qui se situe dans le
prolongement de son exploration du « pouvoir des éléments » (p. 250).
21. La Lettre écarlate, op. cit., p. 111.
22. Ibid., p. 112.
23. Voir à ce sujet, DEBUS A., Chemistry and medical debate, Canton,
Science history publications, 2001.
24. La Marque de naissance, op. cit., p. 255.
25. Ibid., p. 256.
26. « Selon [la] théorie [de Rappaccini], dit Baglioni, toutes les vertus
médicales sont contenues dans les substances que nous appelons
poisons végétaux.  » Le narrateur invite alors le lecteur à «  consulter
certains pamphlets des deux parties, imprimés en gothique et conservés
par le département de médecine à l’université de Padoue. » (La Fille de
Rappaccini, op. cit., p. 357-358.).
27. Sur ces conflits que l’on a parfois appelés «  querelle de
l’antimoine » voir, outre l’ouvrage de Debus signalé en note 23, JOLY B.,
« L’ambiguïté des paracelsiens face à la médecine galénique », in DEBRU
A. (dir.), Galen on pharmacology. Philosophy, history and medicine,
Leyde, Brill, 1997, p. 301-322.
28. La Fille de Rappaccini, op. cit., p. 363.
:
29. Ibid., p. 384.
30. Ibid., p. 357.
31. La Marque de naissance, op. cit., p. 266.
32. La Lettre écarlate, op. cit., p. 116.
33. Ibid., p. 249.
34. La Marque de naissance, op. cit., p. 257.
35. De ce fait, comme l’a remarqué Jean-Pierre Baud, les alchimistes
furent rarement condamnés par l’Inquisition : BAUD J.-P., Le Procès de
l’alchimie. Introduction à la légalité scientifique, Strasbourg, CERDIC
publications, 1983.
36. Voir à ce sujet, GATTA J., « Aylmer’s Alchemy in “The Birthmark” »,
op. cit.  ; SWANN C., «  Alchemy and Hawthorne’s Elixir of Life
Manuscripts », op. cit.
37. Sur George Starkey, voir NEWMAN W. R., Gehennical fire. The lives
of George Starkey, an american alchemist in the scientific revolution,
Cambridge, Harvard university press, 1994. Newman évoque la carrière
d’alchimiste de Winthrop, p. 39-52.
38. Il s’agit d’une substance, aussi appelée « onguent des armes », dont
la recette se trouve chez Paracelse et Van Helmont et que l’on disait
capable de guérir à distance les blessures des armes à feu. Voir
FRANCKOWIAK R., « Médecine vitriolique et sympathique, chimie saline et
atomique expérimentées par Digby », in JOLY B. (dir.), La Chimie chez
les philosophes à l’âge classique, Oxford, College Publications, à
paraître.
39. Voir REID A. S., « Hawthorne’s Humanism: “The Birthmark” and Sir
Kenelm Digby », op. cit.
40. Sur John Dee, voir CLULEE N. H., John Dee’s natural philosophy
between science and religion, Londres, Routledge, 1988; CLUCAS S.
(dir.), John Dee’s Monas Hieroglyphica, Ambix, vol.  52, no 3, 2005,
p. 195-284.
41. MEYRINK G., L’Ange à la fenêtre d’Occident, op. cit., p. 84.
42. YOURCENAR M., L’Œuvre au noir, op. cit., p. 327.
43. Ibid., p. 175.
44. Ibid., p. 332.
45. C’est parce qu’il voyait dans les textes alchimiques les prémices de
la chimie moderne que Marcelin Berthelot entreprit l’édition, la
traduction et le commentaire du corpus alchimique gréco-alexandrin
(Collection des anciens alchimistes grecs, Paris, Georges Steinheil,
:
1888), puis de certains manuscrits arabes et latins (La Chimie au
moyen âge, Paris, Imprimerie nationale, 1893). Il n’hésitait pas à
appeler «  mystiques  » les passages qui lui semblaient obscurs, mais il
demeure que pour lui «  l’alchimie était une philosophie, c’est-à-dire
une explication rationaliste des métamorphoses de la matière  » (Les
Origines de l’alchimie, Paris, Georges Steinheil, 1885, rééd. Bruxelles,
Culture et civilisation, 1983).
46. Sur les usages abusifs du langage et de l’imagerie alchimiques par
Jung, voir OBRIST B., Les Débuts de l’imagerie alchimique (XIVe-XVe
siècles), Paris, Le Sycomore, 1982, en particulier p. 15-36 ; NEWMAN W.
R., « Decknamen or pseudochemical language  ? Eirenaeus Philalethes
and Carl Jung  », Revue d’histoire des sciences, vol.  49, no 2-3, 1996,
p. 159-188.

Auteur

Bernard Joly
Professeur émérite de
philosophie des sciences,
université Lille 3
Du même auteur

Présence des concepts de la


physique stoïcienne dans les
textes alchimiques du
XVIIe siècle in Alchimie et
philosophie à la Renaissance,
Vrin, 1993
© Presses universitaires de Rennes, 2013

Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540

Référence électronique du chapitre


:
JOLY, Bernard. La figure de l’alchimiste dans la littérature du XIXe et
du XXe siècle : Savant fou ou folies scientifiques : de l’alchimie à la
chimie In : Le savant fou [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de
Rennes, 2013 (généré le 28 octobre 2022). Disponible sur Internet  :
<http://books.openedition.org/pur/52896>. ISBN  : 9782753557840.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.52896.

Référence électronique du livre


MACHINAL, Hélène (dir.). Le savant fou. Nouvelle édition [en ligne].
Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2013 (généré le 28 octobre
2022). Disponible sur Internet  :
<http://books.openedition.org/pur/52884>. ISBN  : 9782753557840.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.52884.
Compatible avec Zotero

Le savant fou

Ce livre est cité par


Machinal, Hélène. (2016) Sherlock Holmes, un nouveau limier
pour le XXIe siècle. DOI: 10.4000/books.pur.53048
Hardy, Zoé. (2021) Le dépassement des limites. Au-delà de
l'humain. DOI: 10.4000/books.pur.162155
:

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