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CNRS

Éditions
Stratégies de la comparaison internationale  | Michel
Lallement ,  Jan Spurk

Comparer les
systèmes
éducatifs : débats
et problèmes
1
méthodologiques
Anne West
p. 199-214

Texte intégral
1 Dans cette contribution, nous nous intéressons aux
débats et questions méthodologiques liés aux
comparaisons des systèmes éducatifs, notamment ceux
qui mettent en jeu des données quantitatives2.
L’utilisation des statistiques, et plus particulièrement le
choix des indicateurs dans le domaine de l’éducation,
exerce un attrait considérable, tant pour les
responsables politiques que pour les universitaires.
C’est dans la zone Europe et dans la recherche
comparative internationale sur l’éducation que ce
phénomène est le plus flagrant. Il y a deux raisons à
cela  : premièrement, les indicateurs ont cette
particularité de faire paraître simples des données qui
sont en réalité complexes. Deuxièmement, ils permettent
de mener des comparaisons entre pays à un moment
donné.
2 Tout d’abord, il est important de définir la manière dont
on utilise les termes de « statistique » et d’« indicateur »,
ceux-ci étant souvent pris l’un pour l’autre. La
distinction est pourtant claire dans la mesure où la
statistique, à la différence des indicateurs, est purement
descriptive. Ainsi, le nombre total d’étudiants inscrits
dans une université fournit un exemple de statistique.
Les indicateurs sont, quant à eux, élaborés à partir d’un
critère de référence. Par exemple, le pourcentage d’une
cohorte particulière qui intègre l’enseignement
supérieur est un indicateur. Les indicateurs,
contrairement aux statistiques, permettent de
construire toutes sortes de comparaisons résultant d’un
critère commun (Nutall, 1992).
3 Les statistiques et/ou les indicateurs sont produits à
différents niveaux. Dans un volet de son étude parue
dans Regards sur l’éducation, l’OCDE (1998) a ainsi
élaboré des indicateurs relatifs aux systèmes éducatifs à
travers le monde (INES, indicateurs des systèmes
d’enseignement). Au plan européen, Eurostat produit
une série de statistiques et d’indicateurs qui mesurent
l’importance des inscriptions dans l’enseignement
supérieur, la participation, le champ des études, etc.
(Eurostat, 1998, 1999). Au niveau national, on assiste
également à un grand déploiement de données
statistiques relatives à l’éducation, et, dans une moindre
mesure, à la formation. Dans certains pays, comme la
France, l’on fabrique aussi des indicateurs sophistiqués
relatifs au fait éducatif. Étant donné la grande variété
des données produites, il est très important d’avoir à
l’esprit les énormes problèmes qui se font jour dès lors
que l’on tente de confronter entre eux les systèmes
éducatifs de différents pays.
4 La première partie de ce texte aborde précisément
certaines des difficultés liées à un travail de
comparaison. Elle inclut un examen des différentes
structures qui composent les systèmes éducatifs, ainsi
que l’analyse des problèmes liés aux définitions,
concepts et méthodes utilisés lors du recueil des
données. Partant toujours des problèmes
méthodologiques liés à la collecte de données
harmonisées, la deuxième partie explore les questions
associées à la prise en compte des différents types de
programmes éducatifs aux divers niveaux du système
scolaire. Dans la troisième partie, nous discuterons les
questions clés qui se dégagent de ce texte.

Les difficultés des comparaisons


5 Nous allons nous intéresser ici à un certain nombre de
problèmes qui se posent lorsque l’on tente de comparer
entre eux des systèmes éducatifs : structures différentes,
absence de définitions communes, concepts de base
variés et discordance des moyens de collecte de données.
Il faut souligner que, dans certains cas, ces problèmes
s’entremêlent.

Des systèmes éducatifs structurellement différents


6 Les différences de structure entre systèmes éducatifs
posent des problèmes particuliers à la comparaison
internationale. Les systèmes scolaires et de formation
varient d’un pays à l’autre. Ainsi, dans les pays
nordiques, la scolarité est obligatoire jusqu’à la fin de
l’enseignement secondaire. En Autriche, en Belgique, en
Allemagne, au Luxembourg et aux Pays-Bas, le système
est ouvertement sélectif : les élèves intègrent des formes
d’enseignement secondaire différentes en fonction de
leurs capacités, et s’orientent soit vers l’enseignement
général, soit vers l’enseignement professionnel. Dans
d’autres pays encore, des exemples de sélection plus
masquée et informelle restent à mettre au jour (West,
Pennell, Noden, 1998 ; Ball, Van Zanten, 1998).
7 Une fois les étapes obligatoires franchies, les élèves qui
souhaitent entrer à l’université ont un parcours presque
toujours strictement académique. Quant à ceux qui ont
l’intention d’intégrer le marché du travail, ils peuvent
bénéficier d’un enseignement à l’école, sur le lieu de
travail ou encore les deux à la fois (système
d’alternance). Pour ce qui concerne l’enseignement
supérieur, on retrouve encore ces différences de
structures entre pays. Au Royaume-Uni par exemple, on
distingue les premiers cycles (y compris des diplômes
correspondant au Bachelor degree, soit l’équivalent de la
licence en France), des niveaux maîtrise, des
qualifications postuniversitaires (pouvant conduire par
exemple à l’enseignement) et des niveaux post-maîtrise
conduisant à des qualifications de type doctorat. En
France, les différences s’opèrent entre le DEUG (diplôme
d’études universitaires générales) qui sanctionne la fin
du premier cycle, la licence et la maîtrise pour le second
cycle, le DEA (diplôme d’études approfondies), le DESS
(diplôme d’études supérieures spécialisées) et le
doctorat pour le troisième cycle.
8 Les systèmes éducatifs nationaux sont le produit
d’histoires, de philosophies ainsi que de contextes
légaux et politiques différents, autant de variables
pertinentes qu’il convient de prendre en compte pour la
comparaison. En raison de ces paramètres multiples, les
différents systèmes sont donc plus ou moins centralisés.
De même, les uns sont fortement régulés tandis que les
autres sont davantage soumis aux forces du marché, etc.
En dépit de ces différences structurelles, de nombreuses
comparaisons internationales sont initiées par les
experts gouvernementaux pour tenter de mettre en
parallèle les résultats de leurs systèmes scolaires
respectifs. Or, en raison du nombre de facteurs
susceptibles d’influencer les conclusions, les résultats
des tests comparatifs soulèvent souvent bien plus de
questions qu’ils n’en résolvent. Outre les écarts
potentiels liés au mode de constitution des échantillons
dans chaque pays, l’une des raisons possibles
permettant d’expliquer les différences de résultats tient
à l’étendue des programmes scolaires. On peut certes
prendre en compte le contenu des manuels scolaires.
Mais même en procédant de la sorte, la méthode reste
incertaine car les manuels scolaires font l’objet d’usages
différents  : par exemple au Royaume-Uni, les manuels
de mathématiques ne sont pas prescrits par l’État. On
pourrait également comparer les textes des
programmes. Mais la difficulté est la même car les
usages sont tout aussi variés. En France et au
Luxembourg, les programmes officiels doivent être
strictement suivis alors qu’ailleurs, en Allemagne par
exemple, ce sont des cadres qui laissent une grande
place à l’interprétation. Dans d’autres cas comme en
Angleterre, ces même documents constituent un
matériau qui peut se décliner de manière plus
différenciée encore entre écoles voire entre programmes
d’examen. En la matière, il y a donc parfois loin des
textes à leur mise en œuvre.
9 Pour prolonger et mieux illustrer le propos, intéressons-
nous aux comparaisons consacrées à la réussite en
sciences. Bien que cela soit rarement mentionné, il est
important de souligner ici que le contenu du terme
« science » varie d’un espace national à l’autre. Dans de
nombreux pays, la biologie est enseignée dès le début de
l’enseignement secondaire, la chimie et la physique
étant introduites un peu plus tard. Ailleurs, ces trois
matières – mais d’autres également (la géologie,
l’astronomie…) – sont imposées dans le cursus de
l’enseignement obligatoire (West, Edge, Stokes, 1999).
En raison de ces différences de conceptions, les
comparaisons européennes sont dès lors très difficiles à
effectuer puisque l’on ne compare pas vraiment « toutes
choses égales par ailleurs  ». On imagine aisément
combien de telles différences peuvent peser sur les
résultats obtenus au terme des enquêtes comparatives.
10 Chose intéressante  : alors que nous savons bien qu’il
existe de sérieux problèmes méthodologiques pour
comparer tous les étages et toutes les formes
d’enseignement, les responsables politiques tant
nationaux qu’internationaux restent persuadés que les
résultats sont grosso modo comparables à la fin du
secondaire général (ce qui serait moins vrai pour
l’enseignement professionnel). Autrement dit, le type de
confiance placé dans les travaux de comparaison n’est
pas toujours le même et, à ce jour, il semblerait justifier
l’intérêt porté par ces responsables pour la mobilité
étudiante. Or, ici aussi la comparabilité pose problème :
les cursus ne sont pas les mêmes et les modalités de
contrôle n’ont que peu à voir les unes avec les autres.
Dans certains pays, l’évaluation porte sur de
nombreuses disciplines alors que, dans d’autres, très
peu de matières font l’objet d’un examen. Les types de
sujets et d’évaluations peuvent également varier
considérablement lorsque l’on compare une même
matière d’un pays à l’autre. On note aussi des variations
fortes pour ce qui concerne le nombre de disciplines
étudiées, les possibilités de spécialisation au sein d’une
matière ou d’un groupe de matières ou encore pour ce
qui concerne le rapport entre nombre de matières
étudiées et nombre de matières donnant lieu à examen
(West, Edge, Stokes, 1999). En dépit de cela, les
responsables politiques et les experts internationaux
continuent de penser que les niveaux de qualifications
sont globalement comparables.

Une absence de définitions communes


11 Dans le cadre des travaux menés au sein de l’Union
européenne, on note actuellement une volonté claire de
marquer la différence entre enseignement général et
enseignement professionnel (formation). Dans les
publications d’Eurostat, l’Office statistique des
Communautés européennes, les indicateurs reflètent
cette distinction. Les conventions établies permettent
d’inscrire tel programme sur le registre de
l’enseignement général et tel autre sur celui du
professionnel3 (voir tableau 7). Mais, ici encore, la
réalité désignée par les termes «  enseignement
professionnel  » et «  formation  » représente un éventail
d’offres de formation aussi large qu’hétérogène. Dans
certains pays, tel l’Allemagne, le système
d’apprentissage est relativement homogène et repose
sur la dualité de la formation. Ailleurs, au Royaume-Uni
par exemple, la multiplicité des qualifications
professionnelles est beaucoup plus importante. Autre
type d’opposition  : dans certains pays, l’enseignement
professionnel et la formation procurent une
qualification dans un domaine bien spécifique, alors que
dans d’autres, il débouche sur une
préprofessionnalisation. On le constate à nouveau  : la
comparaison «  toutes choses égales par ailleurs  » des
systèmes éducatifs ne va décidément pas de soi.4
Tableau 7 –Description de l’échelle CITE 97
Niveau Sous-
Description
1997 niveau
0 Enseignement préprimaire.
1 Enseignement primaire.
Enseignement secondaire «  inférieur  » (la fin de ce niveau coïncide
2
avec la fin de la scolarité obligatoire quand elle existe).
Programmes conçus pour un accès direct au niveau 3, qui devrait
mener à l’enseignement supérieur (c’est-à-dire à l’entrée aux niveaux
2A
CITE 3A ou 3B). Ils peuvent être soit généraux, soit préprofessionnels
ou prétechniques, soit professionnels ou techniques.
Programmes conçus pour un accès direct au niveau 3C. Ils peuvent
2B être soit généraux, soit préprofessionnels ou prétechniques, soit
professionnels ou techniques.
Programmes essentiellement conçus pour accéder directement au
2C
marché du travail. Ils sont soit professionnels, soit techniques.
Enseignement secondaire « supérieur » (débute habituellement à la fin
3
de la scolarité obligatoire. L’âge d’entrée est de 15 ou 16 ans).
Programmes conçus pour un accès direct au niveau CITE 5A. Ils
3A peuvent être soit généraux, soit préprofessionnels ou prétechniques,
soit professionnels ou techniques.
Programmes conçus pour un accès direct au niveau CITE 5B. Ils
3B peuvent être soit généraux, soit préprofessionnels ou prétechniques,
soit professionnels ou techniques.
Programmes non prévus pour conduire directement aux niveaux 5A ou
3C 5B. Ils peuvent être préprofessionnels ou prétechniques ou
professionnels ou techniques.
Enseignement post-secondaire et non universitaire. Ces programmes
4 font le lien entre le secondaire supérieur et l’enseignement post-
secondaire, du point de vue international.
Programmes préparant à l’entrée au niveau CITE 5. Ils peuvent être soit
4A généraux, soit préprofessionnels ou prétechniques, soit
professionnels ou techniques.
4B Programmes ne donnant pas accès au niveau 5 (ils sont essentiellement
conçus pour entrer sur le marché du travail). Ils peuvent être soit généraux, soit
préprofessionnels ou prétechniques, soit professionnels ou techniques.
Enseignement supérieur. L’accès à ces programmes suppose normalement la
5 réussite complète aux niveaux 3A ou 3B, ou à une qualification équivalente au
niveau CITE 4A.
5A Programmes largement basés sur la théorie.
Programmes plus courts qu’en 5A et qui mettent l’accent sur des
5B
compétences professionnelles spécifiques adaptées au marché du travail.
Seconde étape de l’enseignement supérieur, menant à une qualification
6
poussée en matière de recherche.

Source    : UNESCO (1997). CITE  : Classification


internationale des types d’éducation.
12 La distinction formation professionnelle initiale -
formation professionnelle continue est une autre
partition habituellement utilisée au niveau européen.
Mais, là encore, la classification n’est pas sans poser
problème puisque, dans bon nombre de pays, il n’y a
pas d’opposition tranchée entre formation pour les
publics jeunes et formation – ou enseignement – pour
les adultes, que ces derniers soient ou non sur le marché
du travail. Il est important d’avoir tous ces éléments à
l’esprit pour juger de la portée des comparaisons. Car si
les distinctions précédentes sont clairement établies
dans les documents de politique générale de l’Union
européenne, elles ne correspondent pas nécessairement
– nous venons de le voir – à la politique et à la réalité
structurelle de tout un ensemble de pays. Avec
l’avènement de la formation «  tout au long de la vie  »,
les complications risquent de s’accroître encore dans la
mesure où cette notion est interprétée de manière
différente d’un pays à l’autre.
13 Un autre problème important touche à la définition de
l’enseignement privé. Dans la majorité des pays
européens, les établissements religieux font partie
intégrante du secteur de l’enseignement privé, et cela
même s’ils reçoivent des subsides de l’État. Il existe
cependant des exceptions. Au Royaume-Uni, par
exemple, ces établissements relèvent pour la plupart du
secteur public. Cela est déterminant à prendre en
considération dès lors que l’on s’engage dans une
comparaison des offres éducatives. Cela l’est d’autant
plus que l’enseignement privé présente bien des traits
particuliers pour tout ce qui concerne les frais de
scolarité à la charge des parents, les programmes
proposés, les critères d’admission ou encore la
proportion et les caractéristiques socioéconomiques des
élèves pris en charge par ce segment précis du système
éducatif.

Des concepts de base différents


14 Deux concepts de base seront plus particulièrement
abordés ici, en lien avec deux domaines : l’apprentissage
des langues étrangères et la mobilité des étudiants. Au
sein de l’Union européenne, ces questions font l’objet
d’une attention particulière. Il n’empêche  : ici aussi, les
questions concrètes de définition et de méthode sont
aussi redoutables que celles que nous avons évoquées
précédemment.

La construction de l’objet « apprentissage des langues


étrangères »
15 Bien que le sujet soit considéré comme de réelle
importance au sein de l’Union européenne, on dispose
d’assez peu de données quantitatives sur
l’enseignement ou la formation dans le domaine des
langues étrangères. Cela vaut aussi bien aux niveaux
nationaux qu’à l’échelle supranationale. Plus encore, si
des données sont bien disponibles à propos de
l’enseignement dispensé dans le cadre du cursus
obligatoire, elles se raréfient au-delà. Bref, les
informations quantifiées sont limitées et, lorsque l’on en
dispose, un problème récurrent surgit  : d’un pays à
l’autre, on ne définit pas de la même manière ce qu’est
une «  langue étrangère  ». La difficulté provient du fait
que ce que certains considèrent être une langue
étrangère se trouve être une langue maternelle pour les
autres. Dans les communautés flamande et germanique
de Belgique, le français n’est pas considéré comme une
langue étrangère dans la mesure où, comme les
francophones, elles font partie intégrante de l’État belge.
La langue officielle est néanmoins le français dans la
communauté française et le néerlandais dans la
communauté flamande ! En Finlande, le suédois est une
langue officielle du pays. Le suédois n’est donc pas
considéré comme une langue étrangère. En Espagne ou
en France, le catalan peut être la première langue pour
certains autochtones : il n’a donc pas statut pour eux de
langue étrangère. Pourtant, le statut de ladite langue
n’est pas le même dans les deux pays : en Espagne, c’est
une langue officielle, ce qui n’est pas le cas en France.
Pour ceux qui l’apprennent en Espagne, le catalan est en
fait considéré non comme une langue étrangère mais
comme une langue régionale. Des problèmes de
classification similaires existent à propos du gallois au
pays de Galles ou encore de l’irlandais en Irlande. Bref,
nouvelle illustration des obstacles concrets auxquels se
heurte la démarche comparative, la notion de langue
étrangère est manifestement problématique.
16 Le problème se complique dès lors que l’on prend en
compte la situation des migrants et des minorités
ethniques5. Ces populations peuvent parler des langues
(l’arabe, le gujarati, le turc…) autres que celles en usage
au sein de l’Union européenne. De toute évidence, ce ne
sont pas des langues étrangères pour la plupart de ceux
qui les pratiquent. Plus encore, pour ces mêmes
personnes, la langue de l’État européen qui les accueille
a, de fait, statut de langue étrangère pour nombre
d’entre eux… Toutes ces difficultés expliquent pourquoi,
dans une étude menée sur les statistiques relatives à
l’apprentissage des langues étrangères (West, Edge,
Stokes, 2000), il a été recommandé de ne plus utiliser le
terme de langue « étrangère » pour lui préférer celui de
langue «  complémentaire  ». Cette dénomination devrait
permettre d’identifier toutes les langues parlées par les
citoyens de l’Union européenne et de rendre les données
sur l’apprentissage des langues «  complémentaires  »
beaucoup plus significatives qu’auparavant.

La mobilité étudiante dans l’enseignement supérieur


17 La mobilité étudiante est un autre objet qui intéresse
beaucoup l’Union européenne. Le paradoxe est que les
concepts qui servent à construire les indicateurs publiés
par Eurostat (1999) n’abordent pas la mobilité en tant
que telle. Dans la plupart des pays de l’Union
européenne, l’indicateur supposé mesurer la mobilité
est fondé sur la nationalité des étudiants. Cela signifie
que les étudiants d’une autre nationalité que celle du
pays concerné sont qualifiés d’«  étrangers  ». En
Allemagne, par exemple, les étudiants de nationalité
turque ayant vécu toute leur vie en Allemagne sont ainsi
classés dans la catégorie «  étrangers  ». Dans les
statistiques de l’éducation nationale allemande, on
distingue par ailleurs ces étudiants de ceux qui n’ont
pas de résidence fixe sur le sol national. Cette dernière
différenciation ne se reflète pas cependant dans les
chiffres d’Eurostat puisque l’outil de recueil de données
– le questionnaire UNESCO-OCDE-Eurostat – porte
exclusivement sur les étudiants réputés « étrangers ».
18 La situation est différente au Royaume-Uni. Dans ce
pays, le critère sous-jacent est celui du domicile.
Autrement dit, le facteur important est celui du pays de
résidence permanent de l’étudiant, non sa nationalité
(alors même que cette dernière est prise en compte lors
du paiement des droits d’inscription). Comme le signale
Eurostat (1999)  : «  En Irlande et au Royaume-Uni, les
étudiants sont considérés comme non nationaux s’ils ont
une résidence permanente dans un autre pays, alors que
pour les autres États membres […] les étudiants non
nationaux sont ceux qui ont un passeport d’un autre
pays. » On ne s’étonnera guère, par conséquent, que les
données présentées ne puissent fournir une mesure
précise de la mobilité étudiante. D’une part, en effet, le
nombre d’étudiants inscrits dans un État membre de
l’Union européenne (autre que le pays de l’étudiant) est
sous-estimé, en partie parce que dans certaines filières
de l’enseignement supérieur de plusieurs espaces
nationaux il est tout bonnement impossible de définir la
citoyenneté des étudiants… D’autre part, «  les données
peuvent exagérer le degré de mobilité des étudiants
dans la mesure où on inclut les enfants de migrants  »
(Eurostat, 1999, p. 162). Les données relatives aux
étudiants «  non nationaux  » ne sont donc pas
directement comparables. En ce domaine,
l’interprétation des indicateurs reste aussi fort
problématique.

L’hétérogénéité des moyens de collecte de données


19 Au sein des pays de l’Union européenne, différentes
méthodes sont utilisées afin de recueillir les données
relatives à l’éducation. Au Royaume-Uni, les universités
sont dans l’obligation de fournir des informations à
l’HESA, l’Agence de la statistique pour l’enseignement
supérieur (Higher Education Statistics Agency) qui est un
organisme gouvernemental. Les données doivent être
fournies sur un mode standardisé sur la base de critères
clairement définis. L’HESA utilise ensuite ces
informations pour l’attribution des financements ainsi
que pour alimenter en données nationales les
organismes internationaux tels que l’OCDE et Eurostat.
20 Dans d’autres pays, le système est différent et il peut y
avoir conflit entre les universités et le ministère de
l’Éducation à propos des définitions utilisées. Une étude
sur l’évaluation de l’enseignement supérieur financée
par l’Union européenne a montré que, en France, un
étudiant inscrit peut ne pas être décompté par le
ministère alors même qu’il figure bien sur les listes de
l’université. Le manque de fiabilité et de cohérence de
certaines bases de données est un fait également avéré.
Au cours de nos recherches, nous avons pu le constater
à multiples reprises. Dans telle université, la structure
de la base de données (nombre d’étudiants inscrits)
n’est compréhensible qu’à la condition de mettre en
évidence au préalable la diversité des systèmes
d’inscription utilisés d’un département à l’autre.
L’hétérogénéité des pratiques n’est pas alors sans poser
problème  : dans l’université précédemment évoquée,
quand un étudiant s’inscrit en droit, il l’est pour l’année
même s’il abandonne ses études un mois après la
rentrée. En science et technologie, en revanche, les
données officielles sont celles des étudiants qui
s’inscrivent aux examens…
21 On pourrait multiplier les illustrations – mauvaises
coordinations dans l’usage de l’outil informatique,
terminologies différentes d’un département à l’autre… –
pour persuader, s’il le fallait encore, que l’examen des
conditions concrètes de production des données oblige à
la plus grande prudence méthodologique (Trinczek,
West, 1998). Car ce sont bien ces statistiques qui,
recueillies au niveau local, sont collationnées au niveau
national et utilisées ensuite par les organismes
internationaux (l’UNESCO, l’OCDE et Eurostat, ces trois
organismes utilisant le même outil – le questionnaire
UOE).

La production des données et leur


harmonisation
22 Intéressons-nous maintenant aux problèmes liés aux
pratiques de recueil de données harmonisées. En
théorie, cela devrait fournir l’occasion de comparer
quantitativement les systèmes éducatifs. L’une des
expériences les plus importantes en la matière est
l’enquête sur la force de travail, enquête menée par les
États membres de l’Union européenne. Pour chaque État
membre, il est indiqué de quelle manière les données
doivent être produites et retournées. Ainsi, les niveaux
d’éducation et de formation sont-ils classés selon la
classification internationale des types d’éducation
(CITE). Dans la publication Éducation dans l’union
européenne (Eurostat, 1999), on trouve les définitions
suivantes (tableau 8).
Tableau 8 –Description des niveaux CITE
Niveaux Description
0 Enseignement préprimaire (non obligatoire dans la grande majorité des cas).
Enseignement primaire, débute entre 4 et 7 ans selon l’État-membre, est
1
obligatoire dans tous les cas et dure habituellement 5 ou 6 ans.
Fait partie de la scolarité obligatoire dans tous les pays de l’Union
2 européenne. La fin de ce niveau coïncide souvent avec la fin de la scolarité
obligatoire à plein temps.
3 Commence autour de 14 ou 15 ans et renvoie à l’enseignement soit général,
soit professionnel, soit technique. Il peut mener au niveau requis pour
l’admission dans le supérieur.
Couvre des programmes qui ne mènent généralement pas à une
reconnaissance de niveau universitaire ou équivalent, mais l’admission à ce
5
niveau requiert en principe une réussite complète à un programme
d’enseignement secondaire supérieur.
Couvre des programmes qui mènent à un niveau de premier cycle
6
universitaire ou équivalent.
Couvre des programmes qui mènent à un niveau second cycle ou à un niveau
7
postuniversitaire.

Source    : Eurostat (1999). La classification CITE a été


récemment révisée par l’UNESCO (CITE 97) afin de
permettre une plus grande clarté dans les termes et
dans les données fournis par les différents pays.
23 Si l’on examine les manières dont chaque pays affecte
les différents niveaux d’éducation dans la nomenclature
CITE, alors des anomalies se font jour. Dans les
paragraphes suivants, nous abordons plus en détail
certaines de ces difficultés et incohérences. Nous allons
voir également que la multiplication des enjeux et des
définitions (approches nationales, approche de l’OCDE,
approche Eurostat) complexifie singulièrement la
production et donc la comparabilité des données.

Le « plus haut niveau de réussite » : une comparaison


OCDE-Eurostat
24 Dans une population, le niveau de réussite éducatif est
«  une expression communément utilisée pour désigner
le stock de “capital humain”, ce qui recouvre les
compétences disponibles dans la population  » (OCDE,
1998, p. 37). Des données concernant le plus haut niveau
d’éducation atteint par la population figurent dans les
publications de l’OCDE (Regards sur l’éducation, 1998) et
d’Eurostat (Éducation dans l’Union européenne, 1998,
1999). Le tableau suivant rapporte le pourcentage de la
population ayant atteint différents niveaux sur l’échelle
CITE, résultats publiés par Eurostat et l’OCDE à la fin
des années 1990.
Tableau 9 –Pourcentage de la population ayant
atteint le niveau 3 Données 1999 rapportées par
Eurostat et l’OCDE
Pays Eurostat (de 25 à 59 ans) OCDE (de 25 à 64 ans)
Niveaux 0-1-2 3 5-6-7 0-1-2 3 5-6-7
Autriche 27 64 9 29 63 8
Belgique 40 34 26 47 30 24
Danemark 21 50 29 34 44 22
Finlande 29 50 22 33 46 21
France 38 43 19 40 41 19
Allemagne 20 58 23 19 60 22
Grèce 52 32 16 56 25 19
Irlande 48 29 23 50 28 23
Italie 60 31 9 62 30 8
Luxembourg 53 29 18 71 18 11
Pays-Bas 35 42 23 37 40 23
Portugal 76 12 12 80 9 10
Espagne 66 15 19 70 13 18
Suède 24 49 28 26 47 27
Royaume-Uni 47 30 23 24 55 22

Source  : Eurostat (1998) et OCDE (1998).


25 Deux points méritent d’être discutés. Demandons-nous
d’abord pourquoi l’on constate de tels écarts entre pays
en ce qui concerne le niveau atteint par la population.
Les méthodes utilisées pour analyser le niveau atteint
peuvent-elles justifier ces écarts d’une manière ou d’une
autre  ? Demandons-nous ensuite pourquoi les
indicateurs de l’OCDE et ceux d’Eurostat sont si
divergents. Le pourcentage de la population ayant
atteint le niveau 3 varie sensiblement d’un pays à
l’autre. H. Steedman a proposé quelques éléments
d’explication  : «  Certains pays, note-t-il, mesurent le
rendement éducatif en termes de niveaux scolaires
atteints et/ou parachevés. D’autres le mesurent en
termes de qualifications obtenues. D’autres encore font
les deux  » (1999, p. 205). L’auteur fournit une analyse
détaillée de l’utilisation de la qualification ou du niveau
d’éducation et conclut que «  Regards sur l’éducation et
Éducation dans l’Union européenne ne peuvent faire
ressortir l’étendue des différences de définitions entre
pays  » (p. 206). Pour tenter de dépasser cette difficulté,
on peut se reporter à une autre publication, à savoir
Enquête communautaire sur les forces de travail  :
méthodes et définitions (Eurostat, 1996). On y trouve des
exemples de niveau 2 et 3 sur l’échelle CITE
(respectivement les fins de collège et de lycée) (voir
tableau 10). Cette classification illustre la diversité des
méthodes employées pour l’affectation au niveau 3.
Tableau 10 –Descriptions des niveaux 2 et 3 CITE
Pays Description du niveau 2 CITE Description du niveau 3 CITE
Dernière année d’enseignement
e e re secondaire général ou
3 , 2 et 1 années d’enseignement
France technologique, comprenant la
secondaire*
préparation du brevet de
technicien
Premier cycle  ; certificat de niveau
Cycle supérieur  ; certificat de
Irlande intermédiaire de groupe de premier
sortie
niveau
Enseignement à temps plein jusqu’à Enseignement à temps plein
au moins l’âge de 15 ans, en ayant jusqu’à au moins l’âge de 17 ans, en
Royaume- obtenu ou pas les qualifications ayant obtenu ou pas les
Uni nécessaires pour progresser au qualifications nécessaires pour
niveau suivant (par exemple le «  O  » progresser au niveau suivant ( « A »
level ou équivalent)** levels ou équivalent)

Source  : Eurostat (1996).


*Âges théoriques : 14-15 ans, 15-16 ans et 16-17 ans.
**Les «  O  » levels renvoient au certificat général
d’enseignement de niveau ordinaire (General Certificate
of Education Ordinary Level) (remplacé en 1988 par le
certificat général d’enseignement secondaire (General
Certificate of Secondary Education – GCSE) généralement
obtenu à l’âge de 16 ans. Les « A » levels font référence
aux examens du certificat général d’enseignement
avancé (General Certificate of Education Advanced Level)
généralement passés à l’âge de 18 ans en Angleterre, au
pays de Galles et Irlande du Nord.
26 Comme on peut le voir dans ce tableau, les pays
divergent quant aux limites fixées entre les niveaux 2 et
36. Ce constat nous permet de revenir à la seconde
question posée précédemment, celle relative aux
différences entre les indicateurs OCDE et Eurostat. De ce
point de vue, on note que, dans la plupart des pays, les
écarts entre les données de l’OCDE et celles d’Eurostat
ne sont pas flagrants. Le Royaume-Uni mérite cependant
un traitement particulier. Selon l’indicateur OCDE, les
qualifications acquises à l’âge de 16 ans sont incluses
dans la catégorie «  fin du secondaire  », catégorie qui
rassemble aussi les qualifications obtenues à l’âge de 18
ans. Or cela n’est pas établi de la sorte dans Regards sur
l’éducation (OCDE, 1998). Si l’on se tourne à présent vers
l’indicateur d’Eurostat, le tableau est encore différent.
Dans ce cas, le pourcentage de la population anglaise de
niveau 3 de l’échelle CITE est de 25  % inférieur aux
chiffres de l’OCDE. Là encore, on ne dispose d’aucune
information ou élément d’explication pertinent pour
rendre raison de cet écart.
27 Comment expliquer malgré tout de telles différences de
traitement  ? Pour esquisser une réponse à cette
question, commençons par noter que les données
utilisées pour fabriquer les indicateurs publiés par
l’OCDE dans Regards sur l’éducation sont fournies par
les gouvernements. À l’aide des données de l’Enquête
communautaire sur les forces de travail, chaque
gouvernement détermine également le nombre
d’individus ayant atteint certains niveaux de l’échelle
CITE avant d’approvisionner Eurostat en informations
chiffrées. Cela n’empêche pas cet institut de se forger sa
propre philosophie  : le point de vue d’Eurostat est que
les qualifications de fin de niveau 3 sur l’échelle CITE
doivent être une porte ouverte vers l’enseignement
supérieur. Ainsi, les titres scolaires généralement acquis
à l’âge de 16 ans au Royaume-Uni sont-ils classés par
Eurostat au niveau 2 car ceux-ci ne permettent pas
d’accéder à l’enseignement supérieur. On ne dispose
d’aucun document pour attester de la procédure ainsi
adoptée mais les commentaires fournis par Eurostat
dans l’Enquête communautaire sur les forces de travail
(1996, p. 71) le laissent clairement entendre.
28 Cette remarque nous ramène à la question des critères
utilisés pour l’affectation aux niveaux 2 et 3 de l’échelle
CITE (Steedman, 1999). Ici la place des «  examens
externes » (external examination system) est pertinente à
observer. Il faut souligner que, au sein de l’Union
européenne, les examens externes sont peu fréquents en
fin de scolarité obligatoire. Seule une minorité de pays
les utilise ainsi  : le Danemark, la France, l’Irlande, la
Suède et le Royaume-Uni7. Allons plus loin dans la
démonstration à ce sujet. De tous les systèmes éducatifs
de l’Union européenne, le système irlandais est le plus
proche de celui du Royaume-Uni. Dans les deux cas, et à
la différence des autres pays, les élèves passent des
examens (à 15 ans en Irlande, à 16 ans au Royaume-Uni)
dans un certain nombre de matières et, à ces examens,
on affecte des niveaux qui correspondent aux
différences de capacités des élèves. Le champ balayé, le
contenu des examens et la durée des épreuves
présentent également de nombreux points communs.
Nous l’avons montré par exemple en examinant de près
le cas de l’enseignement des mathématiques (West,
Edge, Stokes, 1999). Bien qu’il n’y ait que deux niveaux
en Angleterre, au pays de Galles et en Irlande du Nord
contre trois en Irlande et en Écosse, la conclusion est la
même pour ce qui touche aux examens de langue
anglaise.
29 En dépit de ces convergences de fait, Regards sur
l’éducation (1998) ne traite pas les Irlandais et les
Anglais de la même manière. Les Irlandais qui ont
obtenu leur certificat d’études primaires sont affectés au
niveau 2 de la classification CITE. Quant aux Anglais, il
leur suffit d’un diplôme public comme le certificat
général d’enseignement secondaire (General Certificate
of Secondary Education) ou le General Certificate of
Education Ordinary (prédécesseur du GCSE), diplômes
obtenus à l’âge de 16 ans, pour qu’ils soient classés au
niveau 3 de l’échelle CITE. Ce traitement différencié n’est
pas de mise, en revanche, avec les indicateurs Eurostat.
Et, effectivement, dans ce dernier cas, le pourcentage de
la population qui a atteint le niveau de fin de secondaire
est à peu près le même dans les deux pays. Ajoutons
enfin que, en raison de grilles de codages bien plus
spécifiques que celles utilisées au Royaume-Uni, cette
disparité Eurostat-OCDE n’est pas repérable ailleurs.
30 On le constate : les interprétations des données fournies
par l’OCDE et par Eurostat ne vont pas de soi. Une
classification comme CITE 97 est certainement un
instrument à même de rendre les indicateurs nationaux
un peu plus comparables entre eux. Mais ce constat ne
doit pas occulter l’existence de débats entre États
membres et organismes internationaux sur le contenu
même de chacun des niveaux constitutifs de cette
classification (voir tableau 7). En tant que chercheur, il
nous faut espérer une plus grande transparence sur les
procédures adoptées, sur les compromis réalisés…
autant d’informations qui, d’une part, devraient
permettre d’améliorer l’intelligence des objets comparés
et, d’autre part, d’éclairer les décisions politiques sur la
base d’indicateurs dont nous saurons mieux évaluer la
portée et la validité.

Quelques remarques à propos des statistiques


relatives à l’enseignement supérieur
31 Des problèmes de même nature, et tout aussi
conséquents d’un point de vue méthodologique, se
posent à propos des statistiques relatives à
l’enseignement supérieur et à propos des découpages
par niveaux. En Europe, on peut opposer les systèmes
d’enseignement supérieur à partir d’une série de
critères qui renvoient aux questions suivantes : qui peut
être admis dans le supérieur  ? en vertu de quelle
procédure ? quels sont les diplômes décernés ? etc. Voici
comment Eurostat (1996) traite du problème : « Les pays
sont très différents en ce qui concerne la rôle assigné au
niveau initial. Certains pays ont un premier cycle court,
qui peut être suivi par un niveau intermédiaire, le plus
souvent appelé maîtrise, lui-même suivi par un diplôme
de troisième cycle, le doctorat. Dans d’autres pays, le
premier cycle est un diplôme plus long à préparer et est
considéré comme un niveau maîtrise. […] Pendant de
nombreuses années, ces différences ont été une source
de difficulté dans le compte-rendu des statistiques
utilisant l’échelle CITE et elles restent un problème à
résoudre au sein de la communauté internationale. Dans
l’Enquête communautaire sur les forces de travail, la
convention est de distinguer le code “6” du “7”,
seulement dans ces pays où la distinction procure une
information pertinente  » (p. 71). En raison de ces
problèmes de comparabilité, le système de classification
internationale a récemment été révisé. Il convient de
noter que le nouveau système (c’est-à-dire CITE 97) ne
fait pas de distinction entre les premiers cycles et le
niveau maîtrise. Les doctorats, en revanche, sont classés
de façon plus claire et explicite (voir tableau 7). Malgré
ces changements, les difficultés demeurent. La
classification CITE 97 n’autorise en effet que des
comparaisons à portée limitée : en toute rigueur, dans le
cas de l’enseignement supérieur, il n’est possible de
confronter que des catégories rassemblant d’une part
tous les individus situés en dessous du doctorat avec
ceux qui sont au niveau doctorat  ! On conçoit aisément
ce qu’un tel obstacle méthodologique peut toujours
impliquer, aussi bien pour les chercheurs que pour les
responsables politiques.
***
32 Lorsque l’on compare des systèmes éducatifs, il est
nécessaire de s’affronter aux multiples difficultés liées à
la méthode. Ce chapitre n’en a abordé que quelques-
unes. Parmi les problèmes que pose l’interprétation des
données, nous pouvons néanmoins lister les questions
de comparabilité des structures éducatives, des cadres
conceptuels ou encore des modes de production des
données, autant de paramètres souvent fort variables
d’un pays à l’autre. On peut ajouter à cela que les façons
dont chaque pays interprète les directives
internationales pour ranger ses diplômes sur une même
échelle ne sont pas toujours similaires. Et cela sans
compter l’absence parfois de définition commune
minimale des objets comparés.
33 Sur un plan pratique, nous l’avons suggéré, une des
manières de faciliter le travail de comparaison des
systèmes d’éducation et de formation consisterait à
publier statistiques et indicateurs en fournissant
conjointement des informations sur les conditions de
production de ces données. La transparence est une
condition déterminante de la pertinence des indicateurs
employés tant en matière d’action scientifique que
politique. Il reste donc encore beaucoup à faire,
notamment pour éclaircir la manière dont les
organismes internationaux fabriquent, utilisent et
interprètent les statistiques. Car les données sur
l’éducation sont souvent, mais pas toujours il est vrai,
produites par et pour les hommes et les institutions
politiques. Il est donc de la responsabilité des
chercheurs de se montrer critiques, d’être en capacité de
situer l’usage de leur données dans un contexte
institutionnel, etc. Il est vrai que rien n’est figé et que les
choses évoluent  : en témoignent les changements
permanents dans la fabrication des statistiques et des
indicateurs (par exemple à l’OCDE ou à Eurostat) ou
encore les révisions apportées aux systèmes de
classification internationale (comme la classification
CITE). Ces aménagements indiquent que les objectifs des
producteurs et utilisateurs des différents pays
convergent bien. La même conclusion s’impose au
constat de l’intérêt croissant pour les données relatives
aux entrées et sorties des systèmes d’enseignement
supérieur, pour les résultats comparés de réussite aux
examens… (Trinczek, West, 1998).
34 Quelques questions plus fondamentales encore méritent
d’être posées en guise de conclusion  : pourquoi
comparer les systèmes éducatifs  ? quelles méthodes
utiliser  ? quels sont les objectifs des comparaisons
internationales  ? est-il plus approprié d’utiliser la
méthode déductive ou la méthode inductive  ?… Les
réflexions qui suivent fournissent quelques éléments de
réponse. Indiquons d’emblée que les chercheurs en
sciences sociales et les responsables politiques sont
intéressés par les comparaisons entre systèmes
éducatifs pour des raisons différentes. Les premiers se
soucient davantage d’équité et d’efficacité alors que les
seconds sont plus préoccupés par les résultats et
performances comparés (qu’ils appréhendent parfois en
termes de capital humain). Il existe néanmoins des
champs d’intérêts largement communs, champs dont la
dimension socio-économique est plus qu’évidente. Les
uns et les autres se demandent ainsi si les niveaux
d’instruction et de compétence sont plus élevés dans
certains pays que dans d’autres, si certains systèmes
encouragent plus l’innovation que d’autres, si certains
systèmes favorisent l’émergence de plus ou moins de
cohésion sociale ou, inversement, de plus ou moins
d’exclusion sociale…
35 Les chercheurs en sciences sociales pourraient ne
s’intéresser qu’au système éducatif en place dans leur
propre pays. Certains le font d’ailleurs. Mais avec le
marché unique européen, la globalisation de l’économie
et des liens entre universitaires à travers le monde
toujours plus nourris, l’intérêt des chercheurs pour les
comparaisons va croissant. Si l’on admet qu’il n’est pas
déraisonnable de comparer les systèmes éducatifs, la
question de la méthode est plus actuelle que jamais.
Faut-il adopter des méthodes qualitatives ou
quantitatives  ? Faut-il emprunter une approche
inductive puis «  recatégoriser  » sur la base de ce que
l’on observe, en tenant peu compte des catégorisations
existantes ? Ou alors doit-on adapter des catégories qui
existent déjà  ? Sur un plan purement pragmatique,
notre préférence va à la deuxième solution  : nous
inclinons volontiers en faveur des approches
quantitatives qui mettent en scène plusieurs pays (et
non pas simplement deux ou trois). Mais qu’importe. Le
plus important est peut-être que nous puissions
imaginer que, à long terme, les intérêts et les pratiques
des responsables politiques et des chercheurs puissent
converger encore davantage de manière à rendre les
comparaisons internationales moins problématiques. Il
faut bien le reconnaître cependant  : cela est encore
difficilement envisageable dans le futur proche.

Notes
1. L’auteur aimerait remercier tous ceux qui lui ont fourni des
informations pour ce texte, en particulier Eurostat et le
département d’Éducation et Science en Irlande. Elle voudrait aussi
remercier A. Gueissaz, M. Lallement et les autres participants du
séminaire «  Comparaisons internationales  » qui s’est tenu à Paris
en mars 2000, ainsi qu’A. Edge pour ses précieux commentaires
d’une version antérieure et J. Wilkes pour son aide dans la
préparation de ce texte. La traduction de ce chapitre a été réalisée
par Y. Bensâadoune (GRIS, Rouen).
2. Il est important de préciser que la frontière est parfois poreuse
entre «  éducation  » et «  formation  ». Cette distinction s’avère
encore plus floue à l’heure de l’avènement d’une formation « tout
au long de la vie ». Dans ce texte, nous mettrons surtout l’accent sur
la dimension « éducation ».
3. Selon la classification internationale des types d’éducation (CITE)
de 1997, on trouve les définitions suivantes de l’enseignement
général, préprofessionnel ou prétechnique, et professionnel ou
technique :
Enseignement général – Enseignement spécifiquement conçu pour
fournir une compréhension approfondie d’un sujet, en particulier
dans la perspective de préparer les participants à un
enseignement plus poussé au même niveau ou à un niveau plus
élevé.
Enseignement préprofessionnel ou prétechnique – L’enseignement
est principalement conçu pour préparer les participants à intégrer
les programmes d’enseignement professionnel ou technique. Pour
qu’un programme entre dans cette catégorie, au moins 25 % de son
contenu doit être professionnel ou technique.
Enseignement professionnel ou technique – Enseignement
principalement conçu pour conduire les participants à acquérir
des compétences pratiques, des savoir-faire et une compréhension
nécessaires pour un emploi dans un secteur d’activités particulier,
ou dans un corps de métiers. La réussite complète conduit à une
qualification professionnelle adaptée et reconnue par les autorités
compétentes du pays dans lequel elle est obtenue.
4. Sur ce point, on pourra se reporter à l’article de cet ouvrage
signé par C. DUBAR , C. GADEA et C. ROLLE. Ces derniers présentent et
discutent des comparaisons raisonnées des systèmes de formation
professionnelle en Europe.
5. Notons que les problèmes se posent avec autant d’acuité quant à
l’usage du terme « groupes minoritaires » tel qu’il est employé au
sein de l’Union européenne.
6. L’Enquête communautaire sur les forces de travail recueille
également des informations sur la formation professionnelle. Pour
fabriquer son indicateur (voir tableau 9), Eurostat utilise la
variable pertinente, en rapport avec le plus haut niveau
d’éducation.
7. Ajoutons que la fin du niveau 2 de l’échelle CITE coïncide avec
celle de l’enseignement obligatoire au Danemark, en Irlande et en
Suède. Par ailleurs, aux Pays-Bas et en Allemagne, le système
scolaire « non académique » délivre des titres qui s’apparentent à
ceux proposés en Irlande et au Royaume-Uni dans des cursus
traditionnels. Ces deux types de formation peuvent se monnayer de
manière similaire sur le marché du travail.

Auteur
Anne West
© CNRS Éditions, 2003

Conditions d’utilisation : http://www.openedition.org/6540

Référence électronique du chapitre


WEST, Anne. Comparer les systèmes éducatifs  : débats et problèmes
méthodologiques In : Stratégies de la comparaison internationale [en
ligne]. Paris  : CNRS Éditions, 2003 (généré le 09 juin 2022).
Disponible sur Internet  :
<http://books.openedition.org/editionscnrs/8667>. ISBN  :
9782271091468. DOI  :
https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.8667.

Référence électronique du livre


LALLEMENT, Michel (dir.) ; SPURK, Jan (dir.). Stratégies de la
comparaison internationale. Nouvelle édition [en ligne]. Paris  :
CNRS Éditions, 2003 (généré le 09 juin 2022). Disponible sur
Internet  : <http://books.openedition.org/editionscnrs/8629>. ISBN  :
9782271091468. DOI  :
https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.8629.
Compatible avec Zotero

Stratégies de la comparaison internationale


Ce livre est recensé par
Cécile Vigour, Sociologie du travail, mis en ligne le 13 janvier
2020. URL  : http://journals.openedition.org/sdt/26016  ; DOI  :
https://doi.org/10.4000/sdt.26016

Stratégies de la comparaison internationale


Ce livre est cité par
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