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Maktabat al-Maghreb
Riad, médina,
La culture marocaine
Marrakech, Maroc : ajus
contemporaine à
tements d’une
l’épreuve des mutations
expérience touri...
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CITÉ PAR
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Les langues au
Maroc : réalités,
changements et évolutions
linguistiques
Karima Ziamari et Jan Jaap De Ruiter
p. 441-462
TEXTE INTÉGRAL
Quand le plurilinguisme
l’emporte
Plusieurs langues et variétés linguistiques coexistent
actuellement au Maroc, ce qui lui confère le statut d’État
plurilingue (Benítez-Fernandéz, Miller, de Ruiter et Tamer
2013 ; Messaoudi 2013, de Ruiter et Ziamari, à paraître). Ces
langues sont l’arabe standard, l’arabe marocain ou darija,
l’amazigh, le français, l’anglais et l’espagnol ; elles ne sont pas
en usage ou reconnues par les institutions de manière
équivalente.
L’amazigh : le combat
remporté ?
2 L’amazigh connaît une dynamique sans précédent après avoir
été, pendant des siècles, ignoré, écarté, stigmatisé, utilisé à
des fins politiques et idéologiques et soumis à des
surenchères politiciennes en vue de le minimiser, voire de
l’éradiquer (Benítez-Fernandéz, de Ruiter et Tamer, 2010).
Le français : la langue de
l’autre
7 Langue introduite au Maroc avant et surtout pendant le
Protectorat (1912-1956) et qui, depuis plus de cinquante ans,
reste présente dans les pratiques langagières des Marocains,
est une langue « élitaire » et « utilitaire » (Messaoudi, 2010,
p. 58). Bien qu’elle ne soit pas constitutionnalisée, elle reste
institutionnalisée dans plusieurs secteurs. De toutes les
langues présentes dans le pays, le français bénéficie d’un
statut ambigu et « opaque » (Benzakour, 2010, p. 34 ;
Messaoudi, 2010, 2013 ; Amargui, 2006). Il est « à peine un
peu moins qu’une langue nationale, ou disons locale, dans les
différents niveaux de compétence des usagers – mais il est
bien plus qu’une langue étrangère » (Youssi, 2013, p. 32).
Selon Youssi toujours, le « paradoxe » reste que « c’est la
seule langue qui, dans ce paysage linguistique fragmenté, est
parlée, lue et écrite ».
Politique d’arabisation : le
« drame linguistique 8 »
5 La politique linguistique adoptée par le Maroc depuis son
indépendance en 1956 est l’arabisation, qui vise la
généralisation de l’arabe standard : « On a donc tenté de
l’utiliser pour des usages différents de ses usages
traditionnels, en lui faisant pratiquement prendre une place
analogue à celle de la langue française, voire à la substituer à
celle-ci (Grandguillaume, 2004). » En effet, l’arabisation ne
vise pas seulement à éliminer le français, langue du
colonisateur, elle écrase aussi les langues maternelles :
l’amazigh et la darija, « vouées dès le départ à la minoration et
à l’exclusion » (Quitout, 2007, p. 65). Le processus
d’arabisation est également un essai de réaménagement de
l’arabe classique, langue nationale, en visant son
développement et sa modernisation « afin d’en faire une
langue pratiquée dans tous les aspects de la vie publique »
(Benítez-Fernandéz, Miller, de Ruiter et Tamer, 2013, p. 19).