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Verlyck Gabrielle

Initiation à l’archivistique médiévale _ devoir de fin de semestre



1ere partie. définition d’un corpus 


1. Travaillant sur un sujet d’histoire du haut Moyen-Âge, il m’est difficile d’avoir accès à un fond
archivistique. Je m’intéresse de plus à une région dont les documents ont été particulièrement
mal préservés pour la période qui m’occupe : la Northumbrie ayant vu disparaitre entre le IXe et
la fin du XIe siècle, une grande partie des documents écrits qui la concernent. Cela s’explique,
comme David Rollason l’exprime, par le contexte de grande instabilité politique qui caractérise
ces siècles.1 La concurrence de trois entités politiques distinctes, le royaume d’Écosse naissant,
le royaume viking d’York et le royaume de la dynastie de Wessex expliquerait en grande partie,
avec les destructions qu’elle a engrangé, la disparition de nombreux documents. Je me focalise
néanmoins sur la vie religieuse et l’état de l’Église de cette région, et grâce aux travaux de
William Aird sur la communauté de saint Cuthbert, l’une des institutions religieuses les plus
importantes sur l’ensemble de la période 2, j’ai découvert la glose en vieil anglais qui a été
ajouté au manuscrit des Évangiles de Lindisfarne au cours du Xe siècle. Ces évangiles ont par
ailleurs été largement étudiés et le manuscrit est régulièrement exposé, donnant lieu à une
bibliographie très large qu’il est impossible de développer de manière exhaustive. Michelle P.
Brown, dans un ouvrage publié en 2003 propose néanmoins une introduction très riche sur la
première phase du manuscrit, celle datée de la fin du VIIe siècle, même si la datation qu’elle
propose pour le manuscrit, 715, est encore discutée dans la communauté scientifique qui lui
préfère 698. 3 Pour l’étude de ce manuscrit, l’édition proposée par T. D. Kendrick, T. J. Brown,
R. L. S. Bruce-Mitford, H. Roosen-Runge, A. S. C. Ross, E. G. Stanley, et A. E. A. Werner en
1960 reste cependant la référence car elle permet de s’intéresser à ce manuscrit sous plusieurs
angles en proposant par exemple des éléments sur les aspects techniques de la production mais
aussi une étude linguistique de la glose du Xe siècle qui intéresse particulièrement mon sujet.4


1 D. ROLLASON, Northumbria : 500-110, creation and destruction of a kingdom, Cambridge, 2003


2 W. AIRD, Saint Cuthbert and the Normans : The Church of Durham, 1071-1153, Woodbridge, 1998
3 M. P. Brown, The Lindisfarne Gospels. Society, spirituality and the scribe, Londres, 2003
4T. D. KENDRICK, T. J. BROWN, R. L. S. BRUCE-MITFORD, H. ROOSEN-RUNGE, A. S. C. ROSS, E. G.
STANLEY, and A. E. A. WERNER (éd.), Evangeliorum Quattuor Codex Lindisfarnensi, Lausane, 1960
Verlyck Gabrielle

2. Ayant un sujet très large, L’Église de Northumbrie aux Xe et XIe siècles, j’ai de multiples façons
d’envisager le rapport des acteurs avec l’écrit. Les membres des institutions (de l’archevêché
d’York aux paroisses qui apparaissent à la fin de la période 5), et des établissements
ecclésiastiques de Northumbrie passent par l’écrit tant pour la gestion des affaires temporelles
que spirituelles. 6 Les manuscrits liturgiques produits par l’Église de Northumbrie se doublent
effectivement de documents produits sans lien direct avec la pratique religieuse par ses
membres, comme l’archevêque d’York Wulfstan (1002 - 1023) dont on garde une partie de la
correspondance avec le roi d’Angleterre Cnut le Grand dans un lettrier composé par le prélat
lui-même. Il existe d’autre part quelques chartes de donations à l’intention de certains
établissements très importants qui ont cependant été rédigées par des acteurs extérieurs, comme
les rois west-saxons par exemple. 


(3.4.5.) Les Évangiles de Lindisfarne apparaissent comme un exemple privilégié pour étudier la
vie intellectuelle et le travail des membres des établissements religieux de Northumbrie.
Effectivement, si le manuscrit a d’abord été produit au VIIe siècle, la glose qu’on attribue au
moine Aldred de Chester-le-Street, a été rédigée au Xe siècle. Cette glose est aujourd’hui
considérée comme la plus ancienne traduction en vieil Anglais des Évangiles. Elle se compose
non seulement d’une traduction intra-linéaire du texte mais aussi d’un glossaire ajouté à la fin
du corps principal du document. J’espère pouvoir, en croisant les textes latin et anglais pouvoir
m’intéresser au niveau de latin et à la connaissance des Écritures dans un établissement
particulièrement important de la région qui m’intéresse. L’étude lexicologique pourrait
également se révéler utile pour réfléchir à la construction du vocabulaire religieux chrétien en
anglais. Évaluer quelle a été la diffusion de cette première traduction pourrait finalement
permettre de réfléchir au rayonnement des établissements northumbriens du Xe siècle et aux
relations qu’ils entretiennent avec des sites plus méridionaux.


5 P. Brown
6Il existe de rares traces de gestion administratives de terres de certains prieurés comme celui de Beverley
dont il est sûr qu’il dispose d’un avoué à la toute fin de la période.
Verlyck Gabrielle

2e partie. Connaissance et exploitation des fonds.


1. Le site de la Britsh Library informe que la première partie du manuscrit aurait été rédigé à
Lindisfarne comme l’indique le rédacteur de la glose du Xe siècle au folio 259r. ou en
collaboration avec le monastère de Monkwearmouth-Jarrow qui, au VIIe siècle est
particulièrement connu pour la richesse de sa bibliothèque et l’érudition de ses moines 7. Il aurait
ensuite voyagé, après 793, avec l’ensemble de la communauté de Cuthbert entre Lindisfarne et
Chester-le-Street où un moine a composé la glose au Xe siècle. Au moment de la fondation de
Durham comme siège de la communauté de saint Cuthbert et de diocèse, le manuscrit aurait
rejoint le fond de l’église. Le document est effectivement décrit par Syméon de Durham dans le
Libellus de Exordio au début du XIIe siècle. Plusieurs signatures laissent ensuite supposer que le
manuscrit est devenu une propriété privée : on retrouve le nom de Thomas Turner pour le XVIe
siècle et celui de Robert Bowyer pour le début du XVIIe siècle qui est connu comme un
parlementaire pour cette même période. Le codex aurait ensuite rejoint la collection de sir
Robert Bruce Cotton et de ses descendants qui donnent leur nom au fond dans lequel est
actuellement conservé le document à la British Library. Cette collection a été transmise au
British Museum en 1753 et a donc échappé à l’incendie ayant eu lieu en 1731, ce qui explique
son bon état de conservation. Le manuscrit est aujourd’hui conservé à la British Library sous la
côte Cotton Ms. Nero D IV f. 259r.


2. J’ai découvert la côte de ce document dans un catalogue d’exposition, Anglo-Saxon Kingdoms:


Art, Word, War édité en 2018. 8 Cette exposition a eu lieu à la British Library et s’intéressait à
tous les aspects de la vie des royaumes anglo-saxons jusqu’à la conquête normande, on y trouve
notamment une partie dédiée exclusivement à la vie religieuse de ces royaumes où le document
qui m’intéresse est présenté ainsi : BL, Cotton Ms. Nero IV f. 259r. Ce folio est présenté pour
proposer l’hypothèse de rédaction des Évangiles à Lindisfarne sous l’épiscopat d’Eadfrith (698
- 722). Il présente effectivement un passage rédigé par le moine ayant composé la glose du Xe
siècle, Aldred, qui y mentionne la première rédaction par Eadfrith, dont il faut comprendre qu’il
est le commanditaire de l’ouvrage qui aurait été produit pour célébrer son accès à l’épiscopat.
Le codex aurait ensuite été relié par Aethilwald, évêque de Lindisfarne entre (av. 731 - c. 740)
avant d’être orné par un « anachorète » nommé Billfrith.


7 On sait que L’Histoire Ecclésiastique du Peuple Anglais de Bède y aurait été rédigé, par exemple.
8 C. BREAY, J. STORY (éd.), Anglo-Saxon Kingdoms: Art, Word, War, Londres, 2018
Verlyck Gabrielle

3. 


BL. MS. Cotton Nero D IV, f. 259r. 



Verlyck Gabrielle

BL. MS. Cotton Nero D IV, f. 259v.

Les photos ne sont malheureusement pas de bonne qualité car issues de captures sur le site de la
British Library, l’ensemble du manuscrit est cependant accessible sur ce lien : 

http://www.bl.uk/manuscripts/Viewer.aspx?ref=cotton_ms_nero_d_iv_fs001r#
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4. Les différentes collections de la British Library sont actuellement classées selon leur
provenance, celle-ci étant issue d’une donation de la part des descendants de Robert Bruce
Cotton au XVIIIe siècle, la collection s’est vue attribuer le dénomination « Cotton », « Nero »
permet ensuite de déterminer la datation du document, les plus anciens correspondant au
premier empereur romain, la lettre indique l’étagère et le numéro romain, la place sur l’étagère.
N’ayant pas accès à l’original du document, il m’est difficile de définir l’état de conservation du
manuscrit, cependant, le site de la British Library précise que l’ensemble du manuscrit est
« intact ». La réputation du document fait qu’il est régulièrement exposé tant à la British
Library qu’au British Museum comme en 2018. 


5. Côte : BL. MS. Cotton Nero D IV, f. 259r. 



Dimensions : 365 x 275 mm

Format : Codex

Volume : un 

Type de support : parchemin 

Ajouts postérieurs : Ensemble de la glose et des notes d’Aldred datant du Xe siècle 

Marques d’archivages : différentes signatures des propriétaires précédents


6. Ce document me permet de réfléchir sur la connaissance d’un moine du Xe siècle à propos de


l’histoire et des traditions de sa communauté. Il laisse également supposer que le moine, par la
mention « d’anachorète », est encore témoin ou, du moins, a une certaine connaissance des
traditions d’érémitisme propres aux pratiques irlandaises et northumbriennes du VIIe siècle. Il
permet plus généralement de réfléchir au contexte d’écriture de cette glose et du liens des
moines du Xe siècle avec les traditions de la communauté de saint Cuthbert bien qu’elle ait
quitté sa localisation première à Lindisfarne.

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