Voici l'histoire d'un hiver dont nous nous souviendrons longtemps .
La tempête de verglas de 1998 commence par
l'arrivée simultanée d'un front chaud dépression- naire venu du Texas et d'un front froid arctique de haute pression. Quand les masses d'air se rencontrent, l'air chaud monte et maintient l'air froid en dessous. La neige fond à mi-hauteur dans sa chute; n'ayant pas assez de temps pour geler en tombant, elle gèle au sol. Il n'y a pas assez de vent pour enrayer ce processus et pas de soleil pour faire fondre la glace entre les averses. Les précipitations débutent tard dans la nuit du 4 janvier 1998 et dure SIX JOURS! Trois tempêtes successives frappent certaines parties de l'est de l'Ontario et de l'ouest du Québec. On a qualifié cet événement de pire désastre naturel de l'histoire du Canada. La région la plus affectée s'étend de Kingston en Ontario jusqu'à Drummondville, en passant par Montréal et sa Rive Sud. Cette région reçoit environ 80 mm de pluie verglaçante, du jamais vu (le précédent record était de 39 mm en 1942). La glace s'accumule sans cesse sur les fils électriques, les pylônes se tordent et s'effondrent sous le poids de la glace, les transformateurs explosent, les poteaux s'écrasent dans les rues. 1 393 000 Québécois se retrouvent sans électricité, sans lumière et sans chauffage en plein hiver. Certains d'entre eux ne seront rebranchés que quatre semaines plus tard! 100 000 personnes cherchent refuge dans des hôtels, chez des parents ou amis ou dans des abris mis en place à la hâte Les nombreux arbres ne sont pas épargnés par la tempête du siècle. Des charges de glace de 30 fois leur poids s'accumulent sur eux et ils s'affaissent les uns après les autres dans une cacophonie de craquements de bois et d'explosion de glace. Les branches se fendent et cèdent, causant encore plus de dommages. Des forêts entières sont décimées au grand désespoir des propriétaires d'érablières et de vergers. Marcher sous un arbre devient dangereux alors que les branches glacées viennent s'écraser sur les voitures, les maisons et les passants. Les trottoirs et les rues sont si glacés que marcher devient presque impossible. Les voitures (si vous arrivez à en ouvrir la porte) sont incontrôlables sur l'épaisse couche de glace et les rues sont bloquées par les branches, les fils électriques et les poteaux effondrés. Les véhicules d'urgence sont incapables de rejoindre les personnes en difficulté. L'eau gelée fait exploser les tuyaux et les canalisations. Montréal ressemble à un champ de bataille et est déclarée zone sinistrée. La tempête est responsable directement ou indirectement des décès de 21 personnes au Québec. Citons en guise d'exemple Roland Parent de Sainte-Angélique qui mourut d'asphyxie au monoxyde de carbone, Ernest Jubien et Ethel Cockell de Mont-Royal qui trouvèrent la mort dans un incendie causé par une chandelle, Margaret Heath de Pierrefonds qui mourut d'hypothermie et Noëlla Cliche de Saint-Martin qui trouva la mort lorsque de lourds morceaux de glace s'écrasèrent sur elle. L'aide s'organise rapidement pour venir au secours des millions de personnes dans le besoin. Des convois des services d'urgence envahissent les rues comme des libérateurs, ce sont les travailleurs de l'Hydro-Québec, les réparateurs de lignes téléphoniques, les pompiers, les policiers, les ambulanciers et même les soldats de l'armée canadienne. Les reporters et les journalistes travaillent jour et nuit pour informer une population apeurée et inquiète. Les pompiers entreprennent de déglacer les toits et les corniches des gratte-ciels et des immeubles. On met sur pied 362 abris populaires (dans des écoles, des églises, des hôpitaux, des centres communautaires) où les sinistrés peuvent trouver chauffage, médicaments, réconfort et nourriture chaude. Des centaines et des centaines de bénévoles, dont plusieurs sont eux-mêmes des sinistrés, offrent généreusement leurs services dans ces abris. Plusieurs artistes québécois mettent même sur pied une tournée de spectacles gratuits pour remonter le moral des victimes. La Croix Rouge assiste 130 000 personnes en une semaine et reçoit 300 appels à l'heure le 14 janvier de gens qui désirent faire des dons. Les travailleurs d'Hydro-Québec, malgré des périodes de travail de 16 heures, sont débordés et demandent l'aide de leurs homologues canadiens et américains. Du personnel provenant de 14 compagnies d’électricité de 6 provinces et de 8 états américains travaille à rétablir le service. L'état d'urgence est proclamé. Les forces armées mobilisent près de 16 000 hommes pour mener à bien l'opération Récupération, le plus grand déploiement jamais vu en temps de paix. Les citadins sont chanceux car ils sont rebranchés les premiers. Mais à la fin du mois de janvier, 45 000 Québécois sont toujours sans électricité. Les fermiers sont durement touchés. Plusieurs granges s'écroulent sous le poids de la glace, tuant le bétail. Environ 5500 producteurs laitiers du Québec et de l'Ontario durent jeter 13,5 millions de litres de lait, une perte d'environ 7,8 millions de dollars. Les milieux naturels sont également durement touchés. Des forêts entières sont dévastées et mettront plusieurs années à se remettre du cataclysme. De nombreux oiseaux trouvent la mort lorsque leurs sources de nourriture (bourgeons et insectes) se retrouvent recouvertes d'une impénétrable couche de glace. Même les mangeoires urbaines deviennent inaccessibles. Plusieurs petits mammifères se retrouvent coincés sous la glace ou encore, incapables de se creuser une cachette, sont une proie facile pour les loups, les renards, les coyotes et les harfangs des neiges. Les écureuils se retrouvent coupés des réserves de nourriture qu'ils avaient dissimulés à l'automne. Par contre, d'autres animaux comme les chevreuils et les lièvres trouvent dans les branches cassées de succulents bourgeons qui sont d'habitude hors de leur portée. Chez Cousture: Histoire et BD, http://www.republiquelibre.org/cousture/VERGLAS.HTM, consulté le 13 janvier 2015.
Une tempête de 2 milliards$
Le Journal de Québec, Mise à jour: 29/12/2007 10:03
La tempête de verglas a coûté 2 milliards de dollars à Hydro-Québec, mais a été riche en
enseignements. Aujourd'hui, si une tempête semblable se produisait, il faudrait au plus quelques jours et non six semaines pour rétablir le courant à tous les Québécois. Le président-directeur général d'Hydro, Thierry Vandal, explique qu'aucun réseau d'infrastructures du monde n'est bâti en prévision d'un événement de nature aussi rare, dont «la récurrence est de 300 à 500 ans». «Notre réseau était bâti pour des événements météorologistes d'une récurrence aux 50 ans. Nous l'avons rebâti pour une récurrence du double, aux 100 ans. Ce que nous avons vécu au plan météo, c'est plus fort que l'ouragan Katrina en Nouvelle-Orléans. Si ça se reproduisait aujourd'hui, il y aurait des dommages, il y aurait des pannes, mais ce serait considérablement réduit par rapport à ce que nous avons vécu il y a dix ans», affirme le PDG d'Hydro. Hydro a ainsi entrepris la modernisation et la consolidation de son réseau, qui ont été coûteuses, pour que si jamais une telle tempête se reproduisait, Hydro-Québec ne verrait pas son réseau s'effondrer en cascade comme un château de cartes et ses clients privés de courant pendant des semaines.