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Le supplice de l’oignon

Certains légumes ont des caractéristiques très particulières. Par exemple, les oignons sont
naïfs.
Ce jour-là, quand quelqu'un s’approche de lui, l’oignon se réjouit qu’on l'ait choisi, lui. On
l'emmène à la maison et il est jeté sur le plan de travail. Cela le fait souffrir, un morceau de
sa tenue tombe même. Mais il ne s'en inquiète pas. Il ne s’alarme même pas quand une
main empoigne un couteau et coupe sa coiffure emportant un bout de sa tête. Il croit
toujours que ce n'est pas fait exprès, comme une coiffeuse qui accroche malencontreuse-
ment une oreille. La main la soulève et se met à le dépouiller de ses pelures. Le pelage de
chaque couche lui fait de plus en plus mal. L'humain s'empare ensuite de nouveau du
couteau, pose l'oignon pelé sur le plan de travail et le lui plante en plein cœur. Le couteau
aiguisé transperce son corps de part en part et l'oignon affaibli se disloque en deux parties,
puis en petites lamelles.
L'oignon se meurt. Dans un extrême accès de naïveté, il cherche à implorer la pitié de
l'humain et fait tout pour le faire pleurer. Les larmes commencent à couler de ses yeux
insensibles, mais cela ne change rien dans son cœur de pierre. L’homme continue à
l’émincer comme un fou. Il pleure et coupe. Ces larmes aident l'oignon à se dire que, malgré
tout, l'humain regrette. Il meurt aussi naïf qu'il a vécu.

Le supplice de la tomate
Cela se produit tous les ans. Exactement le même jour. Ce mercredi-là, les tomates meurent
devant la foule amusée. Ce n’est qu’un jeu pour les humains, rien de plus. Ils arrachent,
l’une après l’autre, les tomates charnues de l’arbuste qui leur a donné la vie. Une main se
tend vers une tomate, l’attrape fermement, la soupèse et la presse légèrement. Puis, la
main se tend vers l’arrière, s’arrête une fraction de seconde et, telle une fronde, lance la
tomate le plus loin possible. Plus le vol est long, plus l’impact est fort. Cela peut durer une
seconde comme plusieurs.
La mort survient sur le coup. Avant, la tomate ne sent que la poussée de l’air et une peur
atroce de ce qui va arriver. C’est une mort sanglante, bien que la douleur ne dure qu’un
court instant. Si la tomate atterrit sur une façade, c’est pire. Ses entrailles s’écoulent alors
tout le long du mur. Après coup, on ne distingue même plus le jus sanglant de la peau
ferme. Par contre, si elle tombe par terre, ce n’est pas mieux. Elle vit quelques minutes
encore, jusqu’à ce qu’une lourde chaussure aplatisse son corps endolori. Après une heure
de ce violent massacre, les criminels sont rouges de la tête aux pieds. Ils rient et lèchent la
chair en décomposition des tomates sur leurs mains. La terre boit leur sang rouge et juteux.

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