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Monsieur le ministre

Je vous fais une lettre que vous ne lirez probablement pas mais qui me permet d'exprimer ce que je
pense et ressens.

J'ai deux filles dans l'éducation nationale, l'une professeur des école et directrice mais aussi
diplômée de psychologie, l'autre professeur d'anglais certifiée dès sa première tentative au CAPES.
J'étais très heureux et fier de leur choix de devenir enseignantes dans le public.
Malheureusement je constate chaque jour leur détresse devant les conditions de travail qui leur sont
faites.
-Classes surchargées, élèves de plus en plus insolents, irrespectueux, agités, soutenus par leurs
parents qui eux même méprisent les professeurs et soutiennent inconditionnellement leur
progéniture, contestant toute note estimée trop basse auprès du directeur d'établissement qui au lieu
de se montrer solidaire de ses enseignants s'empresse, sans doute pour se débarrasser des plaignants,
de questionner ou même de critiquer le professeur incriminé de lèse note .
-Ministère et administration à coté de la plaque qui semblent ignorer les problèmes de terrain et
alourdissent sans cesse les taches administratives aussi délirantes que contraignantes et inutiles
mais qui empiètent sur le temps bien plus précieux d'enseignement réel.
-Proviseurs, directeurs d'établissement et inspecteurs, souvent ex enseignants ratés, peu à l'écoute de
leurs troupes qu'ils devraient considérer comme des collègues et non comme des inférieurs que l'on
peut admonester et humilier à souhait. Leur comportement souvent veule et lâche semble n'avoir
pour but que d'affirmer leur autorité de petits chefs et de faire en sorte qu'il n'y ait pas de vague. Il
paraîtrait même qu'ils auraient des bénéfices à ce qu'il n'y ait « aucun problème » dans leur
établissement. « Tout va bien ici, il n'y a rien à voir. »
-Salaires de misère indignes du niveau d'étude de l'importance et de la pénibilité de ce métier,
(salaires parmi les plus bas de l'UE).
-Déconsidération dans l'opinion publique orchestrée par le président lui même qui se permet de dire
à des enseignants déjà surchargés stressés très mal rémunérés, à la limite constante du burn-out que
s'ils veulent gagner plus, il faut qu'ils travaillent plus ce qui conforte l'idée déjà couramment admise
que ce sont tous des fainéants.
J'assiste impuissant au massacre quotidien de mes filles pourtant intelligentes très consciencieuses
et courageuses qui passent leurs soi disant vacances à régler des problèmes administratifs, préparer
des cours et corriger des copies etc.. .
- Le niveau des élèves français serait devenu un des plus bas d'Europe et les responsables désignés
pour l'opinion sont bien sur les enseignants, donc haro sur eux !

Quel est le but de tout cela, si cela a un but ? Comment vos prédécesseurs et vous même avez vous
pu et pouvez laisser se dégrader les choses à ce point ? Peut être une privatisation totale de
l'enseignement pour débarrasser et déresponsabiliser l'état de ce fardeau estimé trop coûteux et
encombrant comme d’ailleurs les autres services publics ?
Sinon quand ferez vous en sorte que l'école redevienne un sanctuaire dédié à la transmission du
savoir en donnant à ses acteurs principaux les moyens de faire leur métier dans les meilleures
conditions possible ?
Quand redonnerez vous aux enseignants le pouvoir de décision dans leurs classes qui devrait être le
leur car ce sont eux qui enseignent, dont c'est le métier, qui sont les plus proches des élèves et des
problèmes de terrain.
Quand ferez vous en sorte qu'ils aient la considération et le statut qui leur sont dus.
De grâce, arrêtez les réformes, les contraintes administratives, les changement de programme qui
n'ont pas de sens dans ce contexte de délabrement si ce n'est de vous donner l'illusion de faire
quelque chose et ainsi d'éviter d'aborder les problèmes de fond que vous n'ignorez pas mais que
vous ne voulez pas voir. Ils ne font que compliquer la tâche des professeurs sans rien apporter à la
qualité de l'enseignement alors que tout continue de se déglinguer et le niveau général baisser.
Quand vous déciderez vous à encadrer et limiter la toute puissance de ceux qui n'enseignent pas
dont ce n'est pas le métier (parents, élèves, administratifs, psycho...) qui n'ont de cesse que de
critiquer, de dénigrer ceux qui enseignent au quotidien avec tant de difficulté. Il est nécessaire que
les élèves respectent à nouveau leurs professeurs mais pour cela il faut que les parents les respectent
que les directeurs et les inspecteurs les respectent, que la société les respecte. Mais pour y arriver il
faut une volonté politique, et c'est votre rôle.
A quoi sert de donner le bac à tout le monde, d'exiger de remonter les notes de façon absurde si les
élèves n'ont pas le niveau. A quoi sert de faire passer un élève dans la classe supérieure s'il n' a pas
les bases pour suivre. A bout du compte tout le monde en sort perdant aigri et vindicatif, vous le
savez bien.
Quand vous déciderez vous à rendre ce métier d'enseignant attractif en le valorisant  et en mettant
en place une formation digne de ce nom.

Le naufrage parait inéluctable tant les ministres successifs se sont avérés incapables d'évaluer la
situation et de prendre les choses en main. A moins que ce ne soit voulu ce que je ne peux pas
croire? Vous avez été un espoir mais rien ne bouge, je veux dire dans le bon sens .

Monsieur le ministre, je ne rencontre plus d'enseignant heureux, mes filles envisagent de quitter
l'éducation nationale. Sans doute ne sont elles pas les seules. J'en suis très triste mais vous
comprendrez que je ne peux que les encourager à le faire si elles le peuvent pour préserver leur vie
vie privée et leur équilibre psychologique. L'autre solution pour elles serait de « s'en foutre » et de
se contenter de toucher leur maigre chèque de fin de mois, mais elles n'y arrivent pas.
Je vous souhaite de trouver beaucoup de personnes de même valeur pour les remplacer ce qui
d'après ce que j'entends ne sera pas aisé car pour vouloir enseigner de nos jours il faut ne pas avoir
d'autres solutions.

NB : J'apprends aujourd'hui que vous auriez mis vos enfants dans le privé. J'espère que ce n'est pas
vrai car ce serait vraiment un comble .

Veuillez accepter monsieur le ministre, l'expression de mes respectueuse salutations

J. Carrière citoyen ordinaire

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