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UNE COUPE D'INCANTATION

Cette coupe fait partie de la collection du comte Michel Tyszkiewicz qui a bien voulu
m'autoriser à la publier. Je dois communication de la photographie qui m'a servi pour
la lecture cà l'obligeante entremise de M. Frôhner.
L'inscription commence au centre et se termine au bord extérieur. La coupe a 17 cen-
timètres de diamètre. Elle appartenait autrefois au comte de Prokesch-Osten qui forma
une collection à Constantinople au commencement du siècle. On ne sait malheureuse-
ment rien de plus sur sa provenance.
L'écriture est très nette et, sauf sur quelques points, d'une lecture assez facile. Le hé
et le lieth, l'iod, le vav et le noun final sont sans cesse confondus, mais la forme très
régulière des autres caractères et l'emploi des lettres finales ne permettent pas de faire
remonter bien haut la date de cette coupe. Au point de vue ëpigraphique elle est tout à
fait analogue â celle publiée par M. Hyvernat et doit appartenir à la même époque. Je
crois qu'il faut la placer au plus tôt au VIII e siècle. Mais les classements opérés jus-
qu'ici par MM. Halévy, Chwolson et Schwab et fondés sur des considérations purement
épigrapliiques diffèrent sensiblement. Peut-etre le texte même d'une coupe nouvelle
viendra-t-il plus tard nous permettre de fixer une date et nous donner un point de com-
paraison précis. Jusque-là nous en serons réduits à des suppositions plus ou moins
plausibles.
Quoi qu'il en soit, j'ai cru utile de publier le texte de ce nouveau monument. On com-
mence à s'intéresser à cette partie trop négligée de l'épigraphie sémitique. M. Schwab
a pris soin de publier au complet ce qu'il a pu réunir en ce genre. Nous sommes encore
loin de comprendre entièrement ces textes qui ne pourront s'éclairer que par la compa-
Recue d'Assyriologce, III e vol. 7. 7
50 1'. LAC A U

raison d ' u n g r a n d n o m b r e d'antres semblables. C'est ce q u i m ' a e n g a g é à d o n n e r ici


cette inscription en la faisant suivre d ' u n essai de t r a d u c t i o n m o t à m o t q u e d'autres
p o u r r o n t sans doute rectifier sur plusieurs points. O n verra que la f o r m u l e est en partie
nouvelle. Je la fais suivre de quelques remarques indispensables, e n m ' a b s t e n a n t aujour-
d ' h u i des comparaisons et des rapprochements auxquels elle p o u r r a i t d o n n e r lieu.

TEXTE

nrm NÛ"Ki bi ro -p-t T&TH bv ·ΚΤΊ i a «rat p i ηππ» na "«τη ja K w a n-r - ^ a b xbaip p i n

Knsipn x w a h t · π ή η·η xnama -a-nia r - ^ n c K i nmx *na r r i a T x * p n a na " κ τ ι ja h t » ριετη

ja îbvKi ιιπει ιριε nn· κπυττ -τ xnsipn x w a τη·' -mbu ηηΐτ'&π nrv xnbsaai xnbanan xribanai

bxTrarm b^a-nat" Dira .Tnaipcx bw , τ η τ τ bv) irrra bri n a ^ i x a r bai i n ramn bv i S t x i ·κτη

p m ; s ja K i w a τηι ρρει pbtsa'n puir paa-rrai pensa11 p r n p pDxba tnvv p"rx bxTim *?χ·:· : zr:

B"Kpn bxim r r a r a i bxEni bacrai Dira rrna-ip pain *nam pya-ixi jnxa jai *kth m xrat ή

"rti^n xnbxi x r p i O-IID nnp p r a r a η b i r a » ! f ^ p i a i ^ p - i a i b ^ p ' î x r a r b bibi m n x

^ x m jû pnra xntra xnbaaai xrv'rbi xrura τ·ν pmai ppei pbtsa^ prim ρ^κ nmp^a p n r w n πιηκΒ

pnxaxrr Dirai Ï»KI px rrnx ntrx ,τπχ Dirai ":a -p-ina p i -XDia jai ^ r i s ^ai •'«ara jai «rat jai

pas» rrastbi xbwb a n n o i n n rribbn nbc jax jax pa Ά '.Τ bx-riBpi

TRADUCTION

Ceci est un remède pour mettre en fuite le dragon (Γι mauvais hors de Didai fille de M a h a d i k
et hors de Zebina fils de Didai. vers Hormiz (2) le prince delà troupe de tout nom de terreur. Et il
sortira et il partira hors de lui, hors de Didai fille de Mahadik. J'admire les secrets de la terre, je
regarde dans les chemins de la Markaba(3). Une seconde fois j'ai vu. Le dragon mauvais, puis-
sant, le dévastateur qui dévaste et qui fait pleurer, le dragon qui se dresse sur lui, le dragon mau-
vais puissant et audacieux, le dragon qu'il sorte, qu'il vole, qu'il aille hors de Didai et qu'il aille
vers Hormiz (4) le chef et vers tout nom terrible et vers sa maison et vers ce qu'il aime (?) et vers
son seuil. Au nom de Schemourimiel et de Hanamithiel et de H...niel, et de Hahaziel, et de
ces dix anges saints, sacrés, brûlants ; qu'ils fassent fuir, qu'ils retiennent, détournent le
dragon mauvais du corps de Zebina fils de Didai et des deux cent quarante-huit membres pri-
mitifs (5) de lui. Au nom de Gabriel, de Michel, de Raphaël et au nom de Anael qui se tient der-
rière le cercle du soleil et au nom de Ziquiel et de Paraquiel et de Baraquiel et de A ... kiel qui
sont serviteurs devant le trône et la demeure de Dieu, qui sont maîtres sur la terre et puissants
sur... ; que ceux-ci fassent fuir, retiennent, détournent, fassent voler le dragon mauvais et Lilith
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celle qui fait pleurer et mauvaise, hors d'eux, hors cle Didai et hors de Zebina, de Maschekai, de
Phouscheki, de Boussai, de Mahadik, les enfants de Didai. Et au nom de « je suis celui qui
est » (6) qu'il en soit ainsi et amen. Et au nom de pnitûxn, et Qapliathiel soit comme pte, amen,
amen, Selah, Halleluiah deux fois. Et qu'il hâte maintenant et toujours les retardements (?).

1. nrp veut d i r e à la fois, serpent, dragon et désigné u n e espèce d'aigle ou de v a u t o u r .


2. Γ&ΎΗ désigné dans les textes c o m m e le fils de L i l i t l i . O n ne sait s'il représente
H e r m è s ou O r m u z d . ( V o i r la coupe publiée p a r M . I i y v e r n a t . ) — L e m ê m e m o t désigne
aussi u n e localité ( D i c t . de L é v y ) ce q u i s'accorderait peut-être avec le m o t s u i v a n t "pn
O n r e n c o n t r e d é j à ce dernier mot dans une des coupes de L a y a r d à la suite de deux
n o m s propres q u e l'on croit être des noms de lieu. M . H a l é v y t r a d u i t ce mot par
α localité ».
3. «nasna L ' i n t é r ê t de ce texte consiste surtout clans la présence de ce m o t . L a M a r -
k a b a , on le sait, servait à désigner la partie la plus élevée et la p l u s secrète des doctrines
de la K a b b a l e . — O n devra, je crois, chercher l ' i n t e r p r é t a t i o n des passages obscurs de
ces f o r m u l e s d ' i n c a n t a t i o n , beaucoup plus dans les idées et les livres de la K a b b a l e , que
dans les n o t i o n s t a l m u d i q u e S j c o m m e on l'a fait j u s q u ' i c i . L e m o t -pn signifiant à la fois
« c h e m i n , r o u t e et science, connaissance », s'accorde aussi avec les deux sens d u m o t
M a r k a b a , « le c h a r céleste » et la.« doctrine kabbaliste. » — Les c h e m i n s d u char c'est-
à - d i r e « la science de la M a r k a b a ».
4. L e texte porte ici -p-irmi au lieu de . . .iirt, m a i s la restitution est certaine d'après
le passage p r é c é d e n t .
5. L ' i d é e de la d i v i s i o n d u corps h u m a i n en 248 m e m b r e s est très fréquente chez les
K a b b a l i s t e s . ( V o i r clans le traité édité par Rosenrotli, De Revolutionibus animarum,
t. I, p. 475 et 437.) — L e m o t suivant est c l a i r e m e n t écrit rrn&tp — M . H a l é v y et
M . S c h w a b ont lu ce m o t ,τηύΐρ dans cette m ê m e f o r m u l e q u i est fréquente sur les
coupes et ils l ' o n t t r a d u i t par « ensorcelés ». J e crois que notre lecture est préférable
c o m m e sens et d o i t représenter la formule vraie. L e m o t Dtp est sans cesse e m p l o y é par
les K a b b a l i s t e s p o u r qualifier l'état originel de l ' h o m m e . Les mots patp DtK désignent
t o u j o u r s l ' h o m m e p r i m o r d i a l (c'est-à-dire l ' h o m m e i n t e l l i g i b l e , parfait, idéal) à la des-
c r i p t i o n d u q u e l on consacre des chapitres entiers. O r , cet h o m m e p r i m i t i f fut f o r m é de
248 m e m b r e s . L a m ê m e idée se retrouve dans notre texte et il faut t r a d u i r e « les 248
m e m b r e s de son état p r i m i t i f ».
6. , Ύ Ϊ Ι Κ Î T A X E n c o r e u n terme fréquent chez les K a b b a l i s t e s , c'est u n des n o m s
sacrés de D i e u .
7. pnit&2£n F o r m u l e k a b b a l i s t i q u e d o n t j'ignore le sens.

P. LACAU.
DEUX ARMES SACRÉES
CHALDÉENNES

DÉCOUVERTES P A R M. DE SARZEC

(Planche III.)

P a r m i les objets que les fouilles récentes de M . de Sarzec o n t tires des couches très
antiques, où se trouvaient réunis les m o n u m e n t s d u roi O u r - N i n a et de t o u t e cette
dynastie p r i m i t i v e de rois et de chefs sumériens, j ' a i ' d é j à signalé à p l u s i e u r s reprises
deux armes votives de proportions colossales. E n reproduisant ici ce q u e j'ai déjà p u b l i é
à ce sujet, je voudrais y ajouter quelques détails nouveaux et s u r t o u t les i m a g e s , encore
inédites, des objets eux-mêmes.

I. — LA LANCE D'ISDOUBAR1

L a première de ces armes est u n e pointe de lance, en cuivre ou en b r o n z e , de 0 m 14 de


largeur sur 0 m 80 de l o n g u e u r , y compris la tige d ' e m m a n c h e m e n t , percée de q u a t r e trous
à rivets. E n effet, l ' e m m a n c h e m e n t , ainsi que nous l'avons d é j à r e m a r q u é p o u r la lance
du roi È a n n a d o u , sur la Stèle des V a u t o u r s , ne se faisait pas encore à l'aide d ' u n e
douille, mais par insertion à l'intérieur de la h a m p e . L a lame, en f o r m e de g r a n d e
feuille lancéolée, p o r t e gravé u n lion dressé, de style p r i m i t i f , à la crinière n a ï v e m e n t
i n d i q u é e c o m m e par u n e série d'écaillés. V o i r ci-contre la r e p r é s e n t a t i o n , telle q u ' i l
nous est possible de la donner a u j o u r d ' h u i . S u r la base de la m ê m e l a m e se trouve u n e
i n s c r i p t i o n royale, d o n t l'écriture et les formules sont très a n t i q u e s ; n o u s y r e v i e n d r o n s
plus loin.

1. Description déjà publiée en partie dans les Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres, mais sans la figure.

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