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Corrigé du bac blanc de philosophie – explication de texte

Dans ce texte extrait de la Critique de la raison pratique, Kant questionne notre rapport aux choses et aux personnes
humaines. Nous avons en effet l’habitude de manipuler les choses et les êtres comme de simples ressources à notre
disposition. Ce rapport instrumental au monde nous invite à le percevoir comme une somme de moyens prêts à être
employés, mobilisés pour atteindre nos fins, alors qu’à l’inverse nous ressentons des scrupules à agir de la sorte avec les
hommes. Pourtant il arrive également que cette attitude soit limitée voire totalement neutralisée : saisi de crainte face à
un animal, témoin d’un phénomène naturel spectaculaire, nous prenons conscience de notre petitesse face au monde, nous
invitant à rompre avec notre volonté d’appropriation des choses et à faire preuve de plus d’humilité. Peut-on pour autant
affirmer que cette attitude relève du respect ? Il s’agit alors pour Kant de distinguer la considération que nous sommes
susceptibles d’accorder occasionnellement aux choses, du respect qui s’adresse exclusivement aux personnes humaines.
Nous pouvons certes pendre conscience que les choses de la nature ont une valeur sans pour autant les respecter. Il convient
alors de se demander avec Kant sur quoi se fonde le respect que nous accordons à certaines personnes. Qu’est-ce qui en
l’homme se trouve digne d’être respecté ? Pourquoi l’homme est-il doté d’une dignité supérieure aux choses ? Nous verrons
que pour Kant le respect est un sentiment lié à la reconnaissance qu’autrui est porteur d’une perfection morale qui lui
confère une dignité d’un rang supérieur.
Afin de comprendre la manière dont l’auteur justifie cette thèse, il est possible de distinguer deux mouvements
dans ce texte. Un premier allant du début du texte à « ceci n’est point du respect » (l.8) dans lequel Kant va distinguer un
ensemble d’affects que nous pouvons ressentir à l’égard des choses, mais qui ne relèvent pas du respect. Dans un deuxième
mouvement allant de la ligne 8 à la fin du texte Kant s’attache alors à déterminer ce qui fonde le respect d’une personne
humaine.

(Exemple de corrigé de la première partie)


Dans un premier mouvement du texte, Kant va distinguer le respect d’une série d’inclinations que nous sommes
susceptibles d’éprouver à l’égard des choses.
Kant affirme dans un premier temps que le respect, c’est-à-dire un sentiment d’estime accompagné d’une attitude
d’humilité, ne s’éprouve jamais à l’égard des choses mais uniquement à l’égard des personnes humaines. Face aux choses
(au nombre desquels l’auteur compte à la fois les êtres inanimés mais aussi le vivant non-humain), nous ne faisons le plus
souvent preuve d’aucune considération, nous nous autorisons à les instrumentaliser sans scrupule. Ne pas respecter une
chose renvoie ici au fait de fa s’en servir dans l’indifférence la plus totale, sans souci de l’usure ou des dégradations
occasionnées par notre usage. Ce rapport pratique serait justifié du fait que les choses soient dépourvus de conscience et
de libre-arbitre, et qu’il n’est donc nullement immoral de les instrumentaliser, de les réduire à de simples moyens. A l’inverse
nous respectons les personnes car elles disposent d’un libre arbitre, qu’elles sont en mesure de poursuivre d’elles-mêmes
leurs propres fins, et qu’il serait donc à ce titre immoral de nous en servir et de leur imposer des buts qui ne sont pas les
leurs. C’est ce qui explique que nous puissions ressentir un certain malaise lorsque nous manipulons des gens pour parvenir
à nos fins.
Sommes-nous pour autant totalement insensibles, indifférents aux choses ? Percevons-nous uniquement les choses
comme une somme de moyens disponibles à notre usage ? Kant affirme au contraire qu’elles peuvent susciter en nous
diverses inclinations qui neutralisent ponctuellement notre attitude spontanée face à la nature. Ainsi les animaux
domestiques peuvent susciter en nous une forme d’amour : lorsque nous aimons une bête, nous ne sommes plus
indifférents à son état, mais nous sommes enclins à en prendre soin d’elle, à la choyer, la mettre dans les meilleures
dispositions possibles. Face à une bête féroce ou un phénomène naturel spectaculaire, comme une éruption volcanique ou
une tempête en pleine mer, nous éprouvons naturellement de la crainte. Or la crainte se définit comme la peur engendrée
par la reconnaissance qu’une chose excède ma puissance personnelle, qu’elle est en capacité de me détruire. La crainte
m’invite ainsi à prendre de la distance face à ce qui est perçu comme une source de danger pour mon existence. Enfin la
nature peut également susciter en nous une forme d’admiration : l’admiration est un sentiment de joie que l’on éprouve
face à quelque chose qui nous est incommensurablement supérieur, qui est porteur de qualités hors du commun. La
grandeur des montagnes, la distance qui nous sépare des étoiles produisent un sentiment de vertige qui nous ramène à
notre petitesse. Nous éprouvons ainsi une forme d’étonnement, c’est-à-dire une attitude désintéressée où nous nous
contentons de jouir du spectacle du monde, impliquant de notre part une posture de retrait où l’on ne cherche plus à
instrumentaliser les choses, à agir pour satisfaire nos intérêts. L’étonnement nous place ainsi dans un état contemplatif en
rupture avec le rapport de prédation que nous entretenons la plupart du temps avec la nature. Ces divers sentiments que
nous éprouvons ponctuellement face aux choses sont ainsi étroitement liés au fait que les choses ne sont pas dénuées de
toute valeur intrinsèque et qu’elles méritent en ce sens une attention particulière.

(Idées principales de la seconde partie)


- Nous ressentons également des inclinations à l’égard des personnes humaines (amour, admiration qui peuvent
être suscités par les qualités de la personne)
- Ces inclinations, et ces émotions ne relèvent cependant pas du respect. Par ailleurs le respect ne doit pas être
compris comme quelque chose qui découlerait des conventions et des hiérarchies sociales établies par la société : on peut
manifester de façon extérieure les marques du respect envers une personne socialement supérieure à nous, cela n’implique
pas pour autant que nous la respectons. Nous pouvons éprouver intérieurement du mépris pour nos supérieurs lorsque ces
derniers se comportent de façon immorale. En revanche une personne modeste mais vertueuse ne manquerait pas de
susciter en nous le respect : malgré les difficultés auxquelles cette personne peut être confrontée, elle n’en parvient pas
moins à agir conformément à son devoir, ce qui témoigne de sa liberté et de son autonomie. L’autonomie est cette capacité
proprement humaine à agir en respectant des règles que l’on se donne à soi-même et qui s’exprime selon Kant dans l’action
morale : lorsque nous suivons la morale nous le faisons librement sans qu’une contrainte extérieure nous y force, ce qui
témoigne donc de notre liberté. La morale est donc ce qui fonde la respectabilité de l’homme, c’est elle qui lui confère une
dignité, c’est-à-dire une valeur qui est proprement incommensurable à celle des autres choses. C’est parce que l’homme
est un être moral que nous ne saurions le traiter comme une simple chose qu’on peut manipuler et exploiter, mais que nous
le considérons comme personne ayant une dignité.

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