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Introduction 3
Conclusion 12
Bibliographie 13
Selon la banque mondiale (estimation modélisée OIT), le taux de chômage au Mali s’élevait à
7,3% de la population totale en 20201.
Dans un pays où 47% de la population avait moins de 14 ans en 2019 et où une femme a en
moyenne 6,06 enfants2, la question de l’emploi revêt une importance cruciale. Ainsi selon les pro-
jections du BIT3, la population active au Mali devrait continuer à croître à un rythme soutenu au
cours des années à venir, entre 2,9 % et 3 % par an, soit environ 150 000 actifs. Cependant ce
grand nombre de jeunes arrivants chaque année sur le marché du travail peine à trouver un emploi
stable et décent.
Par ailleurs, la période d’instabilité et de conflit que traverse le pays depuis quelques années n’a
cessé d’affaiblir les chances d’insertion des jeunes maliens, qui deviennent sujets au travail pré-
caire, à la pauvreté, à l’exode et l’émigration mais également à la tentation Djihadiste, rendant les
enjeux du chômage au Mali très lourds.
Cette revue a pour objectif d’identifier, sur la base d’études conduites par les principaux organes,
nationaux et internationaux en charge de l’emploi, les principales causes du chômage au Mali, les
différentes réponses qui y ont été apportées au fil des années et les freins qui empêchent toujours
la mise en place d’une politique de l’emploi efficace et durable dans le pays.
Tout comme la majorité de pays en développement, le Mali fait face à un chômage de masse
qui freine son développement et détériore au fil des années la qualité et le niveau de vie d’une
grande partie de sa population. Le chômage, qui est défini par l’INSEE comme « l'ensemble des
personnes de 15 ans et plus, privé d'emploi et en recherchant un » est un phénomène qui touche
majoritairement les jeunes au Mali. Ainsi, 99% des chômeurs maliens ont moins de 36 ans 4. Le
chômage est un enjeu complexe qui peut être expliqué par nombre de phénomènes.
Au Mali, depuis la mise en place de différents programmes d’ajustement structurel par les insti-
tutions de Bretton Woods au début des années 1980, le pays a connu un chômage structurel
récurrent. En effet, jusque-là l’État procédait au placement des jeunes Maliens à la fin de leur cur-
sus, et cela en fonction de leurs compétences et de leurs diplômes. Ces programmes ont marqué
la fin de ces placements, l’assainissement de la fonction publique et la restriction à son accès. De-
puis lors, des milliers de jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail et ne réussissent
pas, comme leurs parents ou grands-parents avant eux, à obtenir un emploi stable. Ceci s’explique
par de nombreux phénomènes.
Premièrement, le secteur formel détient est une place prédominante dans le pays. Ainsi, selon
l’ONEF il y avait 96,5% d’emplois informels contre seulement 3,5% d’emploi formel au Mali en
2014. Un emploi informel est synonyme pour la personne qui l’exerce de précarité, d’une couver-
ture en matière de sécurité sociale inexistante et d’un revenu souvent très faible. Concernant le
manque à gagner pour l’État en termes de recettes fiscales, certains économistes avancent le fait
que l’économie informelle « propose un potentiel limité des augmentations à court terme des re-
cettes »5.
L’emploi formel étant ainsi très limité, la concurrence est très accrue et nombre de jeunes Maliens
visent prioritairement la fonction publique, qui leur permettrait de s’assurer un emploi stable ainsi
qu’une retraite décente. Ils seraient même « formatés »6 à servir dans la fonction publique par le
système éducatif et universitaire. De plus, « Aujourd’hui, le diplôme malien devient de moins en
moins compétitif sur le marché du travail hormis la fonction publique » (Niang, 2019).
Ainsi, on observe que la majorité des chômeurs de niveau secondaire et supérieur recherche
principalement un emploi à travers les concours de la fonction publique (Tableau 1). Malheureuse-
ment, les capacités de recrutement de cette dernière sont très limitées, ce qui fait perdurer beau-
coup de jeunes dans le chômage et la précarité. De plus, les étudiants maliens reçoivent une mau-
vaise préparation vers les métiers d’emplois indépendants, qui restent prédominants dans l’envi-
ronnement économique du pays et qui pourraient apparaitre comme une solution viable au chô-
mage structurel que connaît le pays.
Tableau 2 : Répartition des entreprises par taille, secteur d’activité suivant les causes des
difficultés rencontrées lors des recrutements en 2014
On observe ainsi que la principale cause des difficultés rencontrées lors de recrutements en 2014
au Mali était due à une inadéquation entre le profil du candidat et le poste pourvu, et cela quel que
soit le secteur d’activité de l’entreprise (Tableau 2). C’est pourquoi nombre d’entreprises se
tournent aujourd’hui vers les diplômes étrangers (Maghreb, Europe etc.), rejetant les profils ma-
liens et laissant tout un pan de la population sans emploi. Selon Doudou Ben Bechir Niang7:
« l’école malienne est devenue une machine à former des chômeurs, de réforme en réforme le
système éducatif a du mal à s’adapter aux réalités socio-économiques du pays rendant du coup
difficile la consommation des produits finis. Il n’existe pas cette collaboration étroite entre les uni-
versités, grandes écoles et les entreprises».
La dévalorisation des diplômes maliens sur le marché du travail est premièrement due aux dé-
faillances du système éducatif: « près de 68.2% de la population en âge de travailler n’a pas été
scolarisée et seule 11.2% est allée au-delà de l’école primaire » (Keita 2018). Ces défaillances se
sont de surcroit accentuées depuis le début de la crise politique et sécuritaire dans le pays, avec la
déscolarisation de milliers d’enfants.
À cela s’ajoute une crise profonde de l’enseignement supérieur au Mali qui souffre de nombreux
problèmes:
- Le déficit en personnel enseignant et les difficiles conditions de vie et de travail des enseignants
- L’inadaptation de l’offre de formation à la demande
- L’augmentation des effectifs étudiants
- La faible intégration de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique
- Le déséquilibre structurel entre les ressources affectées au secteur et les besoins
- La faiblesse des capacités de gouvernance et d’adaptation
- L’absence d’un plan stratégique de la recherche au plan national
- L’insuffisance et la faible valorisation de la production scientifique8
Tous ces maux qui gangrènent le système éducatif et universitaire maliens participent à la fabrica-
tion d’une jeunesse avec une formation insuffisante, ou inadéquate, arrivant sur un marché du tra-
vail très concurrentielle, où les opportunités d’emplois formels sont rares, et où ils n’ont que très
peu de chances face à des profils formés à l’étranger.
7 Analyse sociologique des trajectoires d’insertion socio-économique des jeunes au Mali : l’exemple de l’APEJ, 2019
8 Ousmane Mariko. L’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignement supérieur au Mali : cas de la politique d’aide à l’entre-
preneuriat. Economies et finances. Université de Grenoble, 2012. Français.
Research West Africa 5 Janvier 2020
II. Les réponses apportées au chômage malien
En mars 2015, une politique nationale de l’emploi (PNE) a été adopté au Mali en vue de devenir le
cadre stratégique dans lequel s’inscrivent toutes les initiatives nationales et/ou multilatérales en fa-
veur de la création d’emplois. Cette politique vise à répondre à trois principaux défis:
Ainsi, chacun de ces organes met en place, à son niveau, des programmes et des actions en vue
de promouvoir l’emploi et la formation professionnelle et de lutter contre le chômage.
Au fil des années, nombre de programmes nationaux, et internationaux ont été mis en place au
Mali afin de lutter contre le chômage. Le PROCEJ, le FIER ou encore l’EJOM sont, pour ne citer
qu’eux, des projets d’appui à la formation professionnelle et à l’insertion des jeunes.
De nombreux programmes de formation et d’apprentissage sont développés, tels que les pro-
grammes d’apprentissage des métiers du FAFPA de l’APEJ, les programmes de l’ONG Swisscon-
tact, les programmes d’apprentissage dans le cadre du PISE II, le programme de stage de qualifi-
cation professionnelle dans les entreprises du secteur privé, le volontariat dans les secteurs pu-
blics de l’APEJ. Ces programmes permettent également aux demandeurs d’emploi, d’acquérir une
expérience professionnelle supplémentaire.9
9 Ousmane Mariko. L’insertion professionnelle des diplômés de l’enseignement supérieur au Mali : cas de la politique d’aide à l’entre-
preneuriat. Economies et finances. Université de Grenoble, 2012
Research West Africa 6 Janvier 2020
Les programmes et projets de formation destinés à la création et à la gestion des micros et petites
entreprises sont mis en place à travers le réseau du programme GERME. L’ANPE, l’APEJ et le
FAFPA mettent tous en œuvre des programmes de formation GERME à l’adresse des jeunes de-
mandeurs d’emploi. Les principaux programmes et projets qui ciblent la formation à l’entrepreneu-
riat, sont le Programme Emploi - jeunes du Mali, le Projet d’Appui à l’Insertion des jeunes, le projet
Baara ni Soro et le projet d’Appui à la Jeunesse Malienne
Cependant, malgré leur nombre important, l’impact de ces programmes et actions visant à com-
battre le chômage chez les jeunes reste très limité. Il apparaît ainsi primordial d’identifier les princi-
paux freins qui empêchent à ces différentes politiques d’avoir un réel impact sur le quotidien des
demandeurs d’emploi.
Le nombre de programmes visant à combattre le chômage au Mali ainsi que les fonds qui leur sont
alloués sont considérables. Cependant, les retombées positives semblent faibles et le chômage
reste un problème récurrent dans le pays.
De nombreux facteurs inhibent la bonne conduite de ces politiques ainsi que leurs effets positifs.
Tout d’abord, le faible impact des agences mises en place reflète un manque de dynamisme des
activités de placement au Mali. En effet, le principal canal de recrutement des entreprises reste le
bouche-à-oreille (Tableau 3). Ainsi, les services publics mis à la disposition des entreprises ne
sont pas utilisés au maximum de leur capacité.
Tableau 3: Répartition des entreprises par taille, secteur d’activité suivant les sources de
recrutements
Ces agences sont également très peu utilisés par les jeunes chômeurs. Ainsi, 92,1% des chô-
meurs en zone urbaine n’étaient pas inscrits à l’ANPE (Agence Nationale Pour l’Emploi) en 2014
(Tableau 4).
Le choix des formations fournies aux jeunes pose également problème. Ainsi, elles ne sont pas
adaptées aux réalités du marché et aux besoins des entreprises.
Par exemple, une trop grande place est donnée aux formations préparant à des métiers dans le
secteur tertiaire, et au contraire une faible importance est accordée aux formations de la filière
agricole malgré la place dominante de l’agriculture dans l’économie malienne.
10 Niang, D. Analyse sociologique des trajectoires d’insertion socio-économique des jeunes au Mali : l’exemple de l’APEJ 9 juillet 2019
Research West Africa 9 Janvier 2020
Conclusion
Au Mali, un chômage structurel de masse perdure depuis maintenant plusieurs décennies. Ce dés-
équilibre profond entre l’offre et la demande de travail touche principalement les jeunes. Ainsi, 99%
des chômeurs maliens avaient moins de 36 ans en 2015.11
Malgré le nombre élevé d’organes et de programmes visant à combattre le chômage au Mali, les
résultats restent mitigés. Ainsi de nombreux freins, comme la persistance du recours au bouche-à-
oreille dans les recrutements, la méconnaissance des organes de placement par les demandeurs
d’emploi et les entreprises ou encore l’inadaptation des formations fournies ralentissent l’efficacité
des nombreux organes mis en place.
Bibliographie
1. Konaté, M., 2017. Enquête Sur L’Insertion Professionnelle Des Diplômés De L’Enseignement
Supérieur Au Mali. [online] Dg-enseignementsup.ml
3. 2012. Croissance, Emploi Et Politiques Pour L’Emploi Au Mali. [ebook] Available at: <https://
www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_emp/documents/publication/wcms_244833.pdf>
8. Fousseynou Bah. Analyse du chomage et bilan des politiques de l’emploi au Mali.. Economies
et finances. Université de Grenoble, 2012