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Instrumentation hors cœur

des réacteurs

par Jean-Pierre BUREL


Ingénieur Génie atomique
Docteur Instrumentation nucléaire
Ingénieur au département Systèmes et électronique de sûreté, Schneider Electric SA

1. Critères de conception............................................................................ BN 3 451 - 2


2. Mesure du niveau neutronique ............................................................. — 2
3. Chaînes d’instrumentation hors cœur ................................................ — 3
4. Choix des détecteurs ............................................................................... — 3
4.1 Bas niveau neutronique ............................................................................... — 3
4.2 Haut niveau neutronique ............................................................................. — 4
5. Circuits de conditionnement................................................................. — 4
5.1 Conditionnement pour les impulsions ....................................................... — 4
5.2 Conditionnement de courant (gamme fixe) ............................................... — 5
5.3 Conditionnement de courant (gamme étendue) ....................................... — 5
5.4 Conditionnement pour fluctuations............................................................ — 5
6. Exploitation des mesures. Les fonctions ........................................... — 5
6.1 Fonctions pour l’arrêt et la montée en puissance ..................................... — 6
6.2 Fonctions pour la marche en puissance..................................................... — 6
6.3 Mesures postaccidentelles .......................................................................... — 7
6.4 Mesure de la réactivité................................................................................. — 7
7. Exploitation des mesures. Solutions technologiques .................... — 8
7.1 Technologie analogique............................................................................... — 8
7.2 Technologie numérique ............................................................................... — 8
8. Réalisations en France ............................................................................ — 9
8.1 Réacteurs de 900 MW .................................................................................. — 9
8.2 Réacteurs de 1 300 MW ............................................................................... — 9
8.3 Réacteurs de 1 450 MW ............................................................................... — 10
8.4 Réacteurs rapides (Super Phénix)............................................................... — 10
8.5 Réacteurs de recherche................................................................................ — 12
9. Autre réalisation. Réacteurs VVER ...................................................... — 12

L a conduite et la sûreté des réacteurs nécessitent de maîtriser la puissance


nucléaire à partir des mesures des rayonnements émis par le cœur. Dans
tous les cas, la puissance est caractérisée par sa valeur globale et par sa période
sur toute la dynamique de fonctionnement du réacteur. Dans le cas des réacteurs
de grandes dimensions, il faut en plus surveiller sa répartition dans le volume du
cœur.
Le niveau neutronique varie de manière considérable entre l’arrêt et la marche
en puissance. Lorsque le réacteur est en puissance, le niveau neutronique repré-
sente 5 ´ 1010 fois le niveau correspondant à l’arrêt. Cette dynamique très impor-
tante impose d’utiliser plusieurs détecteurs pour suivre le niveau de puissance.

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De manière imagée, si l’on prend le centimètre comme unité correspondant au


niveau neutronique à l’arrêt, le niveau de la puissance nominale correspond
alors à 5 ´ 1010 cm soit 500 000 km, soit approximativement à la distance de la
terre à la lune.
Si pendant le fonctionnement, les limites sur la puissance, sur la vitesse d’évo-
lution et même sur la répartition dans le cœur sont atteintes, il faut arrêter rapi-
dement le réacteur en faisant chuter les absorbants de commande.
Selon la taille du réacteur et selon les choix du concepteur du réacteur, la sur-
veillance des paramètres nucléaires se fait par l’intermédiaire de deux systèmes
d’instrumentation distincts :
— le système d’instrumentation hors cœur qui couvre l’ensemble de la dyna-
mique, et qui s’appuie sur des détecteurs placés à l’extérieur du cœur, et plus
précisément de la cuve du réacteur pour les réacteurs de puissance ;
— le système d’instrumentation en cœur qui peut être soit fixe et permanent,
soit mobile et périodique.
Cet article présente les systèmes d’instrumentation hors cœur basés sur les
mesures neutroniques qui permettent de maîtriser la puissance des réacteurs
nucléaires. Il complète l’article sur l’électronique associée aux détecteurs de
rayonnements et celui consacré aux détecteurs.
On s’intéresse particulièrement aux réalisations en France mais d’autres réali-
sations sont présentées comme l’instrumentation des réacteurs VVER.

1. Critères de conception qui sortent du cœur. Le paramètre utilisé est en fait le débit de
fluence neutronique ou flux neutronique. Pour faire cette mesure,
on place des détecteurs de neutrons à l’extérieur du cœur et même
La conception des systèmes d’instrumentation s’appuie sur une à l’extérieur de la cuve du réacteur.
démarche rigoureuse qui comprend des choix de solution et des Les seuls détecteurs utilisables dans de telles conditions sont les
règles de conceptions dont les plus fondamentales sont issues de détecteurs basés sur les phénomènes d’ionisation dans les gaz :
l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ou de la compteurs proportionnels et chambres d’ionisation. Ces détecteurs
Commission électrotechnique internationale (CEI). sont sensibles aux neutrons et aux gamma et les rayonnements qui
En France, l’ensemble des documents normatifs qui gouverne le sortent du cœur sont une combinaison de neutrons et de gamma
domaine de l’instrumentation nucléaire des réacteurs de puissance qui ne sont pas tous représentatifs de la puissance instantanée du
est le RCC-E (Règles de conception et de construction des matériels réacteur.
électriques des îlots nucléaires) édité par l’AFCEN (Association fran-
Pour préciser ce point, on rappelle que les rayonnements qui sor-
çaise pour les règles de conception et de construction des chaudiè-
tent du cœur comprennent des neutrons et des gamma qui peuvent
res électronucléaires).
être classés en cinq catégories :
Un système d’instrumentation nucléaire doit être conçu en fonc-
— les neutrons instantanés de fission : ce sont les plus impor-
tion de son rôle vis-à-vis de la sûreté.
tants car ils contiennent l’essentiel de l’information représentative
Conformément à la classification de l’AIEA, on distingue les systè- de la puissance du réacteur et ce sont bien les neutrons qui produi-
mes classés (importants pour la sûreté) et les systèmes non classés sent la fission. Leur intensité est proportionnelle à la puissance du
(non importants pour la sûreté). réacteur ;
Dans les systèmes classés, on distingue : — les gamma instantanés de fission : ils sont émis en même
— les systèmes de sûreté dont la défaillance peut empêcher temps que les neutrons instantanés. Le signal qu’ils délivrent est fai-
l’exécution d’un ordre automatique de sûreté ; ble par rapport à celui des neutrons et leur intensité est également
— les systèmes ayant un rapport avec la sûreté dont la proportionnelle à la puissance. Leur signal n’est donc pas une per-
défaillance peut compromettre la sûreté, par exemple en conduisant turbation de la mesure de puissance ;
l’opérateur à émettre une commande injustifiée ou dangereuse. — les gamma retardés émis par les produits de fission accumulés
dans le cœur : leur importance augmente avec l’usure du
Les différentes parties d’un système d’instrumentation nucléaires
combustible. Ils délivrent un signal qui n’est pas proportionnel à la
peuvent être classées ou non classées.
puissance. C’est une perturbation importante à faible puissance.
Après un rechargement du combustible, la décroissance radioactive
a réduit leur intensité. Par contre après un fonctionnement pro-
longé, ils constituent la perturbation la plus importante pour les
2. Mesure du niveau niveaux faibles et intermédiaires. Les techniques de détection doi-
neutronique vent donc en tenir compte et réduire la contribution des gamma au
signal ;
— les neutrons retardés émis par les précurseurs : ces neutrons
Pour accéder rapidement à la mesure de la puissance du réacteur sont très peu nombreux et leur signal ne perturbe pas la mesure de
sans être soumis aux contraintes qui règnent dans le cœur, le puissance. Par contre, ils jouent un rôle essentiel sur la dynamique
moyen le plus simple consiste à mesurer l’intensité des neutrons du réacteur et ce sont eux qui permettent le fonctionnement en

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régime surcritique. Le principe du réactimètre consiste à décrire pré- niveau), en particulier dans le cas d’une technologie programmée si
cisément les neutrons retardés selon un modèle qui permet de l’on ne mesure pas la distribution de puissance.
retrouver les caractéristiques de multiplication du réacteur ; Un système d’instrumentation nucléaire est composé de plu-
— les photoneutrons qui sont émis principalement durant quel- sieurs chaînes qui sont organisées pour couvrir la dynamique et
ques heures après un fonctionnement en puissance. Ces photoneu- définir une redondance suffisante pour respecter le critère de
trons sont peu nombreux et ne perturbent pas la mesure de défaillance unique.
puissance. Ils sont négligés dans les systèmes de mesure.
Dans un système d’instrumentation nucléaire, on prend soin de
Nous constatons donc que la mesure de la puissance nucléaire séparer les fonctions importantes pour la sûreté, qui doivent être
d’un réacteur repose essentiellement sur la détection des neutrons redondantes, et les fonctions de contrôle (ou de conduite) non
avec élimination des signaux induits par les gamma, au moins importantes pour la sûreté.
jusqu’à un certain niveau de puissance.

3. Chaînes d’instrumentation 4. Choix des détecteurs


hors cœur Pour avoir plus de détail, on pourra se référer aux articles spécia-
lisés [B 3 420] et [B 3 430].
L’instrumentation nucléaire hors cœur regroupe l’ensemble des Pour concevoir un système d’instrumentation hors cœur, il
moyens qui permet de mesurer instantanément la puissance du convient de choisir les détecteurs en fonction de la dynamique du
réacteur, à partir de la détection des neutrons qui sortent du cœur, et flux neutronique à couvrir et du débit de dose gamma, ces paramè-
d’extraire de cette mesure, par des traitements appropriés, les para- tres devant être précisés à l’emplacement du détecteur.
mètres importants comme le temps de doublement, la réactivité et
dans certains cas la distribution axiale de puissance. La répartition
des traitements dans les parties classées ou non classées du sys-
tème fait l’objet d’une étude fondamentale au moment de la concep- 4.1 Bas niveau neutronique
tion du réacteur.
Les moyens sont constitués par les détecteurs de neutrons, les À bas niveau, le nombre de neutrons disponibles et le flux neu-
câbles et les modules électroniques qui peuvent réaliser un traite- tronique sont faibles, mais le débit de dose gamma peut être élevé.
ment analogique ou numérique des signaux. Les seuls détecteurs utilisables pour avoir une information pure-
ment neutronique sont les détecteurs impulsionnels : compteurs
De manière générale, on appelle chaîne de mesure l’ensemble
proportionnels ou chambres à fission.
des éléments associés à un détecteur de neutron.
La partie électronique d’une chaîne de mesure hors cœur
comprend deux ensembles principaux comme cela est représenté Pour simplifier l’écriture, il est convenu que l’unité de débit de
sur la figure 1. fluence neutronique a les dimensions du produit d’une densité
de neutron et d’une vitesse et qu’elle est notée nv. L’unité de
■ Un ensemble de conditionnement élabore les signaux électri- taux de comptage est le coup par seconde notée cps.
ques représentatifs du débit de fluence neutronique qui règne au
niveau du détecteur. Le conditionnement rassemble l’alimentation
haute tension nécessaire pour la polarisation du détecteur, les ali- Les principaux détecteurs impulsionnels sont les suivants.
mentations basse tension, l’amplification du signal et les circuits de
surveillance. La technologie du conditionnement est essentielle- ■ Compteurs proportionnels à He 3
ment une technologie analogique. La mise en forme du signal de Ils sont très sensibles aux neutrons (entre 50 cps/nv et 200 cps/nv)
sortie dépend de la technologie utilisée pour traiter le signal en mais ils sont aussi très influençables par les gamma (< 0,5 Gy/h).
aval : technologie analogique ou numérique. Ces détecteurs ne peuvent être utilisés que derrière des protections
efficaces contre les gamma.
■ Un ensemble de traitement qui rassemble l’ensemble des traite-
ments fonctionnels comme le calcul du temps de doublement, de la ■ Compteurs proportionnels à dépôt de bore
puissance, la comparaison à des valeurs de seuil, etc. Les traite- Ils ont une sensibilité plus faible que les compteurs à hélium (sen-
ments fonctionnels sont propres à chaque réacteur même si de sibilité comprise entre 4 et 20 cps/nv) mais ils supportent des débits
nombreuses similitudes peuvent exister. L’ensemble de traitement de dose gamma plus importants, compatibles avec l’utilisation hors
peut être réalisé soit avec une technologie analogique, soit avec une cœur (< 10 Gy/h).
technologie numérique programmée à microprocesseur. Dans le
cas d’un traitement programmé, il est possible de rassembler dans ■ Compteurs proportionnels à BF3
une même unité les traitements de plusieurs chaînes. Ils ont des caractéristiques proches de celles des compteurs à
Une chaîne de mesure ne permet pas de couvrir toute la dyna- dépôt de bore mais présentent une durée de vie limitée due à la dis-
mique opérationnelle d’un réacteur. On utilise généralement trois sociation de la molécule de BF3 lorsque le détecteur est soumis à un
chaînes de mesures : source (ou démarrage), intermédiaire et puis- fort débit de dose gamma. Ces détecteurs ne sont plus fabriqués en
sance. Ce nombre peut être réduit à deux (bas niveau et haut France.

Câble coaxial
Conditionnement Traitement

,,
Détecteur Sorties :
- haute tension - calculs - affichage
- amplification - comparaisons - alarmes
- mise en forme - ordres partiels Figure 1 – Schéma d’une chaîne
d’instrumentation hors cœur

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■ Chambres à fission, en régime d’impulsions l’interaction des neutrons ou des gamma. La chambre d’ionisation
Elles ont une sensibilité faible (comprise entre 0,1 et 4 cps/nv) et délivre un courant dont la valeur reproduit fidèlement le taux de
délivrent des impulsions de très faible amplitude. Leur intérêt réside réaction dans le détecteur. Si le niveau neutronique produit par le
dans la très faible influençabilité vis-à-vis des gamma. Elles peuvent réacteur est suffisamment élevé, on peut considérer que le courant
supporter jusqu’à 104 Gy/h. mesuré est l’image de la puissance du réacteur.
Deux points particuliers justifient l’intérêt des chambres d’ionisa-
tion à dépôt de bore :
4.2 Haut niveau neutronique — le bore est un matériau dont les produits de réaction ne sont
pas radioactifs. La mesure est très stable dans le temps ;
Lorsque le niveau neutronique augmente, les impulsions délivrées — la structure très simple permet de concevoir des chambres
par un détecteur deviennent trop fréquentes et ne peuvent plus être multisections avec plusieurs modules sensibles pour avoir une
séparées. Pour continuer à disposer d’une mesure neutronique signi- information sur la distribution axiale de puissance.
ficative, il faut utiliser d’autres détecteurs. On distingue alors les
■ Chambre à fission, en régime de courant
détecteurs à dynamique étendue et les détecteurs à dynamique plus
réduite qui sont réservés au fonctionnement en puissance. Il s’agit simplement d’une chambre d’ionisation dont le dépôt sen-
sible est formé d’uranium enrichi. Les principales différences avec
une chambre à dépôt de bore résident dans le courant généré par la
4.2.1 Détecteurs à dynamique étendue radioactivité alpha du dépôt et par la radioactivité induite dans le
dépôt après un fonctionnement prolongé.
Ils sont capables de fournir une information neutronique même
en présence d’un débit de dose gamma perturbateur important. Ces
détecteurs sont bien adaptés pour couvrir ce que l’on appelle le
régime intermédiaire défini entre le régime impulsionnel à bas
niveau et le régime en courant correspondant au fonctionnement en
puissance. Deux types de détecteurs sont utilisables.
5. Circuits
de conditionnement
■ Chambre d’ionisation compensée à dépôt de bore
Ce détecteur est une chambre différentielle constituée de deux Chaque détecteur est associé à des circuits de conditionnement
chambres élémentaires polarisées en opposition. L’une est sensible qui dépendent du signal délivré. On distingue quatre grands types
aux neutrons et aux gamma et l’autre aux seuls gamma. Les deux de « circuits de conditionnement » :
courants obtenus se soustraient et le courant résultant ne comporte
— les circuits pour les impulsions ;
qu’une faible composante due aux gamma, il est donc proportionnel
— les circuits de mesure de courant (gamme étendue) ;
à la puissance du réacteur. La dynamique de mesure d’une chambre
— les circuits linéaires de mesure de courant (gamme fixe) ;
d’ionisation compensée est très importante. Son domaine de fonc-
— les circuits pour les fluctuations.
tionnement se recouvre avec celui d’un détecteur impulsionnel tra-
vaillant aux faibles niveaux. En plus des fonctions propres à la mise en forme du signal, le
conditionnement regroupe les fonctions de support comme l’ali-
La structure d’une chambre compensée est complexe, elle n’est
mentation haute tension pour polariser le détecteur et les alimenta-
pas adaptée pour faire des chambres multisections pour les réac-
tions basse tension qui sont nécessaires au bon fonctionnement des
teurs de grande puissance.
circuits eux-mêmes. Comme toute instrumentation utilisée pour la
■ Chambre à fission, en régime de fluctuations sûreté du réacteur, le conditionnement est complété par des fonc-
tions de surveillance pour garantir de la validité de la mesure. Ainsi,
Dans le cas particulier des chambres à fission utilisées en impul- les circuits de conditionnement sont équipés de moyens pour signa-
sions, il est possible d’étendre la dynamique de fonctionnement en ler les variations importantes de la haute tension, les défauts de con-
exploitant la fluctuation du signal provoquée par l’empilement des nexion et la mise en position de test qui rend le circuit inactif pour la
impulsions. La variance de ce signal fluctuant est proportionnelle au mesure.
flux neutronique incident. Grâce au traitement des fluctuations on
peut utiliser la chambre à fission sur une dynamique très étendue, La définition de chacune de ces chaînes dépend de la technologie
ce qui doit permettre de simplifier l’architecture des chaînes de (analogique ou numérique) mise en œuvre pour le traitement. On se
mesure en réduisant le nombre de détecteurs. De plus la capacité limite volontairement aux fonctions propres à l’élaboration du
des chambres à fission pour fonctionner dans un débit de dose signal utile, on ne décrit pas les fonctions de surveillance.
gamma très intense fait que ce détecteur est particulièrement bien
adapté pour fonctionner en situation postaccidentelle. Par contre la
faible sensibilité des chambres à fission limite les possibilités d’uti- 5.1 Conditionnement pour les impulsions
lisation à faible niveau. De plus il faut noter que le traitement des
fluctuations donne une information plus lente et moins précise Un circuit de conditionnement pour les impulsions délivre un
qu’une mesure de courant. signal dont l’exploitation donne accès à la valeur du taux de
comptage. Quelle que soit la technologie du traitement situé en aval
4.2.2 Détecteurs à dynamique réduite (analogique ou numérique), le conditionnement pour les impulsions
comprend toujours un préamplificateur et un amplificateur discrimi-
Ils fonctionnent en courant et ne permettent pas de réduire la nateur d’amplitude pour éliminer les impulsions parasites induites
contribution des gamma au signal. Ces détecteurs ne sont donc uti- par les gamma.
lisables que dans un domaine où le signal délivré par les neutrons Les impulsions arrivent de manière aléatoire et la répartition dans
est très supérieur au signal délivré par les gamma, en pratique lors- le temps est bien décrite par une loi de Poisson. Ce caractère aléa-
que le niveau neutronique est proche de la puissance nominale. toire est mis en évidence par l’augmentation importante de la fluc-
Deux détecteurs sont préconisés. tuation relative du taux de comptage lorsque le niveau devient faible
(de l’ordre de 1 cps). Ce point explique la difficulté de mesurer le
■ Chambre d’ionisation non compensée à dépôt de bore taux de comptage car il y a antagonisme entre la nécessité d’une
Elle est basée sur le principe de la collection totale des charges mesure peu fluctuante pour la précision de la mesure et celle d’une
développées dans un gaz par les particules ionisantes issues de mesure rapide pour réagir rapidement. Pour réduire la fluctuation

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de la mesure, il est nécessaire de filtrer le signal au détriment de la 5.4 Conditionnement pour fluctuations
rapidité ce qui implique de trouver un compromis. Une attention
particulière doit être portée sur le choix des paramètres de filtrage.
Or, la dynamique utilisable en comptage d’impulsions est très Dans le cas particulier des chambres à fission utilisées en impul-
étendue : typiquement six décades entre 1 et 106 cps, et le filtrage sions, il est possible d’exploiter le signal provenant du détecteur
doit pouvoir évoluer. même lorsque le taux de comptage trop élevé ne permet plus de dis-
tinguer les impulsions individuelles. Le signal obtenu est une fluc-
Si le traitement en aval est réalisé en technologie analogique, le tuation dont la variance est proportionnelle au niveau neutronique
principe de mesure consiste à transformer les impulsions en un cou- que l’on cherche à mesurer. Le traitement des fluctuations est en fait
rant. Un amplificateur logarithmique transforme le courant ainsi une mesure relative du niveau neutronique qu’il faut calibrer par
obtenu en une tension proportionnelle au logarithme du taux de comparaison avec une autre mesure directe et non interprétable
comptage. On mesure ainsi le taux de comptage sur les six décades comme le taux de comptage ou la puissance exprimée en pourcen-
de la dynamique. tage de la valeur nominale.
Si le traitement en aval est réalisé en technologie numérique, les Le principe du traitement des fluctuations repose sur le fait que,
impulsions sont mises en forme et sont directement transmises à un comme pour le comptage des impulsions en régime stationnaire, le
dispositif de comptage placé dans les circuits de traitement, généra- nombre des événements pendant un intervalle de temps donné,
lement à microprocesseur.
« fluctue » entre deux valeurs N0 – N 0 et N0 + N 0 , N0 étant la
valeur moyenne du comptage des événements pendant l’intervalle
de temps. Les événements de détection répondent à un processus
5.2 Conditionnement de courant poissonnien qui implique que la variance de la distribution tempo-
(gamme fixe) relle des événements est elle-même proportionnelle à la valeur
moyenne N0 que l’on cherche à mesurer. À partir de ces considéra-
Lorsque le réacteur est en puissance, la mesure doit être précise
tions, deux techniques sont utilisables pour obtenir une estimation
et rapide et la technique la plus courante consiste à utiliser un ampli-
du taux de comptage moyen et donc du débit de fluence neutroni-
ficateur linéaire de courant. Le détecteur est une chambre d’ionisa-
que :
tion du type à dépôt de bore ou chambre à fission utilisée en
courant. La dynamique utilisable avec les chambres d’ionisation — la méthode du carré de la tension moyenne : après extraction
non compensées ou les chambres à fission est limitée principale- de la composante continue, redressement et filtrage, on obtient un
ment par le signal induit par les gamma retardés des produits de fis- signal dont l’amplitude est proportionnelle à N 0 . Grâce à un circuit
sion. On ne peut exploiter ces détecteurs que sur les trois décades quadrateur qui délivre une tension proportionnelle au carré de la
au-dessous de la puissance nominale. tension d’entrée, le signal obtenu est alors proportionnel au niveau
de puissance. C’est le principe du traitement analogique des
L’électronique d’amplification est la même quelle que soit la tech- fluctuations ;
nologie utilisée pour le traitement en aval analogique ou numéri-
que. C’est un convertisseur courant/tension sans commutation de — la méthode du calcul de la variance : la deuxième technique
gamme qui délivre une tension normalisée, typiquement (0, 10 V), consiste à calculer en ligne la variance du signal sur la base d’un
représentative du flux neutronique régnant au niveau du détecteur. échantillonnage rapide. Les amplitudes sont numérisées et un pro-
Le facteur de gain est ajusté pour que le courant maximal corres- cesseur calcule directement la moyenne et la variance des échan-
ponde à la tension maximale. tillons ainsi obtenus. C’est le principe du traitement numérique des
fluctuations.

5.3 Conditionnement de courant


(gamme étendue)
Les chambres d’ionisation à dépôt de bore, compensées au
6. Exploitation des mesures.
rayonnement gamma, présentent un avantage appréciable dans la Les fonctions
mesure ou leur dynamique exploitable est plus importante. Du fait
qu’elles éliminent pratiquement la contribution des gamma, leur
signal est purement neutronique sur près de huit décades. Les Les circuits de conditionnement délivrent un signal électrique
niveaux de courant que l’on observe généralement couvrent une représentatif du débit de fluence neutronique. Pour obtenir une
dynamique comprise entre 10–11 A et 10–3 A. L’électronique doit per- chaîne d’instrumentation complète, il faut placer en aval des circuits
mettre de couvrir cette dynamique, l’amplificateur linéaire à gamme de traitement qui réalisent les fonctions prévues par le concepteur
fixe n’est pas utilisable. du réacteur. Il s’agit d’élaborer les grandeurs physiques comme par
exemple la puissance, le temps de doublement ou la réactivité, et de
Deux techniques sont couramment employées et sont respective-
les exploiter. Il s’agit alors d’émettre des ordres d’action automati-
ment mieux adaptées selon la technologie utilisée : analogique ou
que et de présenter les résultats à l’opérateur pour lui permettre de
numérique.
connaître précisément la situation.
La première technique consiste à utiliser un amplificateur loga-
Les ordres d’action de sûreté consistent généralement à compa-
rithmique qui délivre une tension normalisée proportionnelle au
rer une grandeur mesurée à un seuil qui se traduira en cas de fran-
logarithme du courant délivré par le détecteur. Cette solution est
chissement par l’ouverture d’un contact pris en compte dans un
simple et permet de respecter les performances requises en terme
traitement logique de déclenchement.
de précision de mesure et temps de réponse.
La deuxième technique est basée sur un amplificateur linéaire qui La présentation à l’opérateur peut prendre des formes variées en
fournit une tension proportionnelle au courant délivré. Pour couvrir fonction de la technologie retenue pour la salle de commande : ce
la dynamique requise, l’amplificateur est à commutation automati- peut être des galvanomètres, des enregistreurs ou des écrans infor-
que de gain qui nécessite de traiter les commutations pour en sup- matiques.
primer les effets sur la mesure et disposer ainsi d’une mesure Chaque concepteur de réacteur définit les fonctions à remplir
continue. Ceci est réalisé grâce à l’utilisation d’un système à micro- pour la sûreté et pour la conduite. Le système d’instrumentation
processeur qui bloque le signal de sortie lors des transitions. On constitue une solution matérielle qui va précisément distinguer les
obtient ainsi une chaîne de grande dynamique avec une excellente fonctions de sûreté (ou de protection) et les fonctions de conduite
précision. (ou de contrôle).

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La dynamique à couvrir s’étend sur près de onze décades et une sur des chaînes de mesure impulsionnelles pour connaître les ten-
seule chaîne de mesure ne peut pas fonctionner sur une telle éten- dances de l’évolution de la puissance. Le taux de comptage observé
due. Il faut mettre en œuvre plusieurs chaînes de mesure. à bas niveau est faible et la fluctuation statistique du niveau neutro-
Pour simplifier, un système d’instrumentation nucléaire, doit cou- nique mesuré peut être importante. La mesure de la vitesse d’évolu-
vrir deux grands domaines d’opération : tion est alors peu significative. Or pendant ces périodes d’arrêt, il
faut porter une attention particulière au suivi du niveau neutronique
— le domaine de l’arrêt et de la montée en puissance ; pour s’assurer que les chaînes sont toujours actives et pour vérifier
— le domaine de la marche en puissance. la tendance de l’évolution afin de détecter le plus tôt possible un ris-
que de surcriticité. Il convient de compléter l’information des opéra-
teurs par une signalisation sonore du niveau neutronique. Ce sont
6.1 Fonctions pour l’arrêt et la montée les chaînes audiovisuelles qui reçoivent directement les impulsions
en puissance amplifiées et grâce à un diviseur de fréquence permettent de sensi-
biliser les opérateurs par une impression auditive de la tendance en
À l’arrêt, et pendant la plus grande partie de la dynamique de mon- plus de l’information des indicateurs.
tée en puissance le réacteur ne produit pas assez d’énergie pour pro-
voquer une élévation sensible de la température. On s’intéresse plus
à la vitesse d’évolution du réacteur qu’à la mesure précise de la puis- 6.2 Fonctions pour la marche
sance. Pour cela on a besoin d’une instrumentation qui couvre une
grande dynamique en délivrant une information fidèle de la puis-
en puissance
sance (même si elle n’est pas précise) et une information de la
vitesse logarithmique de l’évolution. Celle-ci joue un rôle essentiel 6.2.1 Mesure du niveau de puissance
pour confirmer le passage du réacteur à l’état surcritique qui carac-
térise la divergence. Les fonctions que l’on va demander aux systè- Lorsque la puissance thermique devient sensible, on ne peut plus
mes d’instrumentation dans ce domaine sont les suivantes. se contenter d’une estimation du niveau neutronique et de la ten-
dance de l’évolution. Il faut avoir une mesure précise de la puis-
sance globale du réacteur.
6.1.1 Mesure du niveau
■ Calibration de la mesure de la puissance thermique
Pour la conduite et la sûreté il faut avoir un signal approximatif
mais fidèle du niveau global de puissance du réacteur. Pour cela on Le signal issu du conditionnement est proportionnel au débit de
se limite à exploiter le signal brut issu des détecteurs : taux de fluence neutronique qui règne près du détecteur lequel varie, à puis-
comptage ou courant mesuré. Ces grandeurs sont parfaitement sance donnée, en fonction de l’usure et de la répartition du combus-
significatives pour connaître l’évolution de la puissance. tible. Le principal traitement propre à la mesure de puissance
consiste à ajuster le niveau mesuré au niveau de puissance grâce à
un coefficient ajustable pendant le cycle de fonctionnement. Ce
6.1.2 Mesure de la vitesse logarithmique coefficient est ajusté à l’occasion des campagnes de calibration où
d’évolution l’on mesure précisément la puissance thermique du réacteur avec
des capteurs thermodynamiques placés sur les circuits primaire et
Lorsque le réacteur devient surcritique et que les moyens d’action secondaire. Le domaine pendant lequel la puissance thermique est
sur la réactivité sont fixes, l’évolution du niveau neutronique suit significative couvre environ deux décades par rapport à la puis-
une loi purement exponentielle en fonction du temps. Cette sance nominale (typiquement entre 1 % et 120 % de la puissance
propriété est mise à profit dans l’instrumentation pour mettre en nominale).
évidence l’état de surcriticité grâce à la mesure de la dérivée loga-
rithmique du signal de niveau neutronique. Les grandeurs utilisées ■ Correction en fonction de la température
pour cette mesure sont très variées et l’on trouve par exemple : Dans certains cas, il est possible d’améliorer la mesure de puis-
— le temps de doublement (temps nécessaire pour que le niveau sance en faisant une correction de température. Il s’agit de prendre
soit doublé) ; en compte l’effet d’écran entre le cœur du réacteur et le détecteur
— la période proprement dite (temps nécessaire pour que le lui-même. Cet écran peut se présenter sous la forme d’une épais-
niveau soit multiplié par « e ») ; seur d’eau dont la transparence aux neutrons peut varier en fonc-
— la vitesse logarithmique exprimée en décades par minute, en tion de la température. Ainsi pour une puissance constante, si la
octaves par minute, ou en pour-cent par seconde. température de l’écran varie, la mesure de puissance peut être
modifiée et conduire ainsi à une mesure erronée. Grâce à un circuit
En France on emploie plus généralement le temps de double- de correction, il est possible de réduire l’importance de cet effet et
ment. l’on obtient ainsi une plus grande stabilité dans la mesure de la puis-
sance.
6.1.3 Traitements de sûreté
Les traitements réalisés sur les deux informations niveau neutro- 6.2.2 Mesure de la vitesse de variation
nique et vitesse d’évolution sont définis par les études de concep- Dans ce domaine de fonctionnement, les vitesses de variation et
tion du réacteur qui fixent des limites à ne pas dépasser pour ne pas l’amplitude des variations doivent rester dans des limites détermi-
compromettre la sûreté de l’installation. On trouve généralement : nées par le concepteur du réacteur et sont généralement faibles. On
— des comparaisons à seuil pour déclencher des alarmes ou ne cherche plus à conduire la divergence mais à se protéger contre
émettre des ordres de sûreté ; une variation trop rapide de la puissance. Le système doit donc
— une transmission des informations vers les opérateurs (affi- inclure une mesure de la dérivée du signal puissance en fonction du
chage) et les calculateurs. temps.

6.1.4 Surveillance audiovisuelle 6.2.3 Maîtrise de la distribution de puissance


du taux de comptage
Dans le cas des grands réacteurs, lorsque la puissance thermique
Lorsque le réacteur est à l’arrêt, en cours de rechargement ou est significative, on craint l’apparition de surpuissances locales qui
bien en début de divergence, l’opérateur s’appuie essentiellement peuvent dégrader le combustible. Ces phénomènes peuvent appa-

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raître suite à des perturbations sur la distribution spatiale de la puis- trumentation capable de suivre le niveau neutronique après un acci-
sance lors de certains transitoires qui induisent des redistributions dent de référence.
du flux neutronique, comme par exemple les oscillations xénon. Ils Pour les réacteurs REP, l’accident de référence correspond à une
dépendent aussi des coefficients de température, notamment du rupture de la tuyauterie primaire, ce qui provoque une augmenta-
modérateur. Ceux-ci prennent d’autant plus d’importance que le tion de la pression et de la température dans le bâtiment réacteur. Le
réacteur est de grandes dimensions. Ainsi les systèmes d’instru- débit de dose induit par les gamma des produits de fission répandus
mentation des réacteurs de puissance doivent inclure des moyens dans le bâtiment est très élevé.
d’estimer la distribution de puissance pour protéger le cœur. Pour
résoudre ce point il existe deux techniques principales : L’étude détaillée du scénario de l’accident permet de préciser les
— les mesures permanentes en cœur ; conditions radiatives et thermodynamiques que doit subir le détec-
— les mesures liées à la distribution axiale de puissance. teur. Sur la base de ces résultats, les exigences fonctionnelles de la
dynamique à mesurer sont formalisées pour définir la solution à
Ces systèmes sont décrits précisément dans l’article traitant les mettre en œuvre.
mesures en cœur.
Sur les réacteurs français, la solution consiste à durcir les cham-
bres compensées pour leur permettre de mettre en évidence une
6.2.4 Mesure du bruit neutronique éventuelle redivergence du réacteur.
Sur d’autres réacteurs, la solution est basée sur l’utilisation de
Sur les réacteurs de puissance, la surveillance de la structure chambres à fission grâce à leur capacité à détecter des neutrons
mécanique du cœur ne peut se faire de manière directe du fait de la même en présence d’un très fort débit de dose gamma.
fermeture de la cuve. Il est néanmoins possible de vérifier le
comportement vibratoire du cœur à l’aide des mesures neutroni-
ques. Le principe de la mesure consiste à analyser le signal délivré
par les détecteurs de puissance. Pour cela on fait une analyse en 6.4 Mesure de la réactivité
fréquence pour caractériser les vibrations et une analyse en phase et
cohérence entre les signaux de deux détecteurs opposés pour con-
clure sur les mouvements vibratoires du cœur. Dans une approche théorique, le comportement du cœur est
décrit par un modèle qui prévoit l’évolution de la population neutro-
Pour remplir ces fonctions, l’instrumentation doit être équipée de nique à partir de la réactivité. La réactivité apparaît donc comme le
deux sorties : paramètre principal qui conditionne l’évolution de la puissance.
— un signal donnant le courant mesuré par le détecteur ; C’est un outil essentiel pour prévoir et mesurer les effets provoqués
— un signal de bruit qui représente la composante variable du par les modifications des paramètres physiques.
signal.
Le modèle généralement utilisé comporte six groupes de neu-
Les bandes passantes des amplificateurs de sortie doivent être trons retardés et donne une relation entre le niveau neutronique en
adaptées à l’application de mesure en fréquence. fonction du temps et la réactivité. L’ensemble des équations du
modèle constitue les équations de la cinétique qui sont résolues
dans un réactimètre.
6.2.5 Traitements de sûreté
À partir d’une mesure du niveau neutronique, l’appareil donne
Les traitements de sûreté répondent aux mêmes principes que directement et instantanément la valeur de la réactivité, conformé-
pour le régime d’arrêt et de montée en puissance. Il faut élaborer les ment au modèle. Deux points essentiels gouvernent le fonctionne-
paramètres significatifs, les corriger éventuellement et comparer les ment du réactimètre :
résultats à des seuils pour émettre des ordres automatiques et des — le signal d’entrée doit être une mesure purement neutronique,
alarmes. Les opérateurs doivent être informés sur les mesures, sur c’est-à-dire qu’il faut éliminer la contribution des gamma au signal ;
la situation des déclenchements et des éventuels défauts détectés — il faut évaluer la source permanente de neutrons, appelé aussi
qui peuvent nécessiter une intervention. terme source, qui donne le niveau neutronique lorsque le réacteur
est à l’arrêt. La source permanente de neutrons comprend en parti-
culier les fissions spontanées du plutonium et les photoneutrons
6.2.6 Chaîne de pilotage dont le niveau dépend beaucoup des conditions radiatives existant
au moment de la mesure. Ce terme source prend d’autant plus
Dans le cas particulier des réacteurs de recherche, on peut être d’importance que le niveau neutronique est faible, il devient négli-
amené à stabiliser précisément la puissance du réacteur pour garan- geable lorsque les neutrons proviennent essentiellement de la fis-
tir les conditions expérimentales. Les seules actions de l’opérateur sion provoquée.
ne suffisent pas pour avoir une bonne stabilité, il faut un système
automatique. Ainsi, à faible niveau l’utilisation du réactimètre nécessite des pré-
cautions sur la validité de la mesure.
La solution consiste à utiliser une chaîne de régulation, appelée
aussi chaîne de pilotage, qui manœuvre automatiquement les mou- Sur les réacteurs de puissance, on distingue deux applications
vements des barres pour maintenir la puissance. Le signal d’entrée principales du réactimètre :
est le courant mesuré par un détecteur et les signaux de sortie sont — REP (réacteur à eau sous pression) : le réactimètre est utilisé
des ordres de montée ou de descente des barres à la vitesse de pour la mesure des paramètres physiques après le rechargement. Il
manœuvre. Les ordres de mouvement sont émis en comparant le n’est pas utilisé en puissance. Le niveau neutronique pour ces
courant à une valeur de consigne. mesures est tel que le terme source est négligeable et le niveau
La chaîne de pilotage est utilisée uniquement pour la conduite, gamma est très faible à cause du temps de décroissance écoulé
elle n’est pas classée sûreté. depuis l’arrêt ;
— RNR (réacteur à neutrons rapides) : le réactimètre est utilisé
en protection lorsque le réacteur est en puissance (terme source
négligeable, signal gamma négligeable par rapport au signal
6.3 Mesures postaccidentelles neutron) pour déclencher un ordre de protection sur modification
de la réactivité. La réponse rapide du réactimètre permet de
Après l’accident de la centrale de Three Miles Island (TMI), il a été commander l’arrêt du réacteur sur toute variation anormale de la
progressivement demandé que les réacteurs soient dotés d’une ins- réactivité.

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7. Exploitation des mesures. 7.2 Technologie numérique


Solutions technologiques La technologie numérique ou programmée se distingue par le fait
que l’essentiel des fonctions de traitement est contenu dans un pro-
Deux solutions technologiques sont mises en œuvre pour l’instru- gramme informatique mémorisé dans le système.
mentation nucléaire hors cœur : une technologie analogique plus Un exemple typique d’un système élémentaire d’instrumentation
ancienne et une technologie numérique programmée qui tend à se en technologie numérique est représenté sur la figure 3.
généraliser.
Pour réaliser les mêmes fonctions que celles de la solution analo-
gique, on n’a besoin que de deux chaînes d’instrumentation :
— une chaîne de conditionnement impulsionnelle pour le bas
7.1 Technologie analogique niveau ;
La technologie analogique se caractérise par un assemblage de — une chaîne de conditionnement en courant pour le haut
modules électroniques dans lesquels les fonctions sont réalisées niveau.
par des composants reliés entre eux « par câblage ». On dit aussi Pour simplifier le système, l’ensemble des traitements des
qu’il s’agit d’une technologie câblée. Les composants sont discrets deux chaînes peut être réalisé dans une même unité program-
et peuvent être des amplificateurs opérationnels, des transistors, mée. Toutes les sorties analogiques disponibles peuvent être iden-
des résistances, des condensateurs, etc. tiques à celles d’une solution analogique mais elles sont le
Un exemple typique d’un système élémentaire d’instrumentation résultat d’un calcul avec pilotage programmé d’une sortie analogi-
en technologie analogique est représenté sur la figure 2. Le schéma que. Très souvent l’information est également transmise par une
représente une voie complète pour couvrir toute la dynamique de liaison numérique vers un calculateur extérieur, avec l’avantage
mesure. Il faut trois chaînes de mesure : de mettre en permanence à la disposition des opérateurs l’ensem-
ble des paramètres internes sans qu’ils aient besoin d’intervenir
— une chaîne impulsionnelle pour couvrir le bas niveau (arrêt et sur le système.
début de la montée en puissance) ;
— une chaîne de mesure en courant pour couvrir la montée en
puissance ;
— une chaîne de mesure linéaire pour assurer le fonctionnement
en puissance.

Niveau de puissance
Niveau de puissance

100 %
Haut niveau log I
100 % Chambre
d’ionisation P
non compensée
I
Linéaire
I
Linéaire Chambre
compensée Linéaire
d
dt
dP Td
dt
µP
Chambre
d’ionisation I
compensée log P
I
Logarithmique
d Détecteur
dt impulsionnel
Td
Comptage

Bas niveau
log C
Détecteur C
impulsionnel
I Logarithmique
Vers calculateur
d
dt log = résultat calculé
Td C taux de comptage
I courant
I courant Td temps de doublement
Td temps de doublement P puissance
C taux de comptage

Figure 2 – Schéma d’un système d’instrumentation nucléaire Figure 3 – Schéma d’un système d’instrumentation nucléaire
analogique numérique

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8. Réalisations en France

Flux neutronique sur les détecteurs (nv)


L’essentiel des réacteurs de puissance installés en France sont des 1011
REP. Ces réacteurs sont caractérisés par un diagramme de détection
)
pratiquement identique reproduit sur la figure 4. 109 sée
m pen
En abscisse est représenté le débit de dose gamma et en ordon- on co
107 re n
née le flux neutronique. Cette figure donne les limites du domaine ha mb
couvert par le point de fonctionnement du réacteur dans les diffé- CNP (c ée)
105 ens
rentes situations et les domaines couverts par les trois chaînes de comp
mesures. mbre
103 (cha
CNI

10
CNS (compteur à
8.1 Réacteurs de 900 MW dépôt de bore)
10–1
0,001 0,01 0,1 1 10 102 103 104
Les réacteurs de type REP de 900 MW ont été construits avec une Débit de dose gamma (Gy/h)
instrumentation nucléaire dont la technologie correspond à l’état de
l’art des années 1975. Elle est entièrement analogique. CNI chaîne niveau intermédiaire
CNP chaîne niveau puissance
CNS chaîne niveau source
8.1.1 Description des chaînes de mesure
Figure 4 – Diagramme de détection (typique REP)
Pour mesurer la puissance sur toute la dynamique trois types de
chaînes sont utilisées :
— une chaîne de comptage équipée d’un compteur proportionnel
à dépôt de bore, pour couvrir le niveau source ;
— une chaîne de mesure de courant logarithmique équipée d’une
chambre d’ionisation compensée, pour le niveau intermédiaire ;
— une chaîne de mesure de courant linéaire à deux voies, équi-
pée d’une chambre d’ionisation non compensée à deux sections,
pour le niveau puissance. Les deux sections du détecteur permet- R R
tent de mesurer le déséquilibre axial pour protéger le cœur contre
l’apparition des surpuissances locales.
Chaque chaîne est équipée de déclencheurs à seuil pour émettre
des ordres partiels vers la logique de protection.

CNS CNS
8.1.2 Architecture du système S IN
CNI CNI
SIN
protection contrôle
Le système d’instrumentation nucléaire (SIN), représenté sur la CNP CNP CNP CNP
figure 5, est constitué de deux parties distinctes :
— la partie protection (classée sûreté) qui assure la détection, les
mesures, l’affichage et les déclenchements à seuil. Elle comprend R réserve
quatre voies indépendantes : deux voies sont équipées d’une CNS CNI chaîne niveau intermédiaire
CNP chaîne niveau puissance
(chaîne niveau source), d’une CNI (chaîne niveau intermédiaire) et CNS chaîne niveau source
d’une CNP (chaîne niveau puissance). Les deux autres voies ne sont
équipées que d’une CNP ;
— la partie contrôle (non classée) qui assure des fonctions
complémentaires comprenant une chaîne audiovisuelle, une chaîne Figure 5 – Schéma du SIN d’un REP 900 MW
de contrôle des distributions de puissance et une chaîne de compa-
raison des quatre CNP entre elles.

8.2.1 Description des chaînes de mesure


8.2 Réacteurs de 1 300 MW
Comme pour le SIN 900, trois types de chaînes sont utilisés pour
Les réacteurs de type REP de 1 300 MW sont des réacteurs dont le mesurer la puissance sur toute la dynamique, mais la troisième
cœur est de plus grandes dimensions que celui des réacteurs de chaîne comporte six sections. Le détecteur, représenté sur la
900 MW. Ce sont les premiers réacteurs à être équipés d’un système figure 6, est une chambre d’ionisation non compensée avec six
de protection programmé à microprocesseur. Le SIN, bien qu’utili- points de mesure (les sections). Les six sections de mesure sur la
sant la même technologie analogique que celle du SIN des réacteurs hauteur du cœur améliorent la mesure de la distribution axiale de
de 900 MW, a été adapté pour que l’essentiel des traitements de pro- puissance et permettent avec la mesure d’autres paramètres un
tection, y compris la comparaison aux seuils, soit fait en numérique calcul direct des critères relatifs à la distribution de puissance [calcul
dans le système de protection. direct du DNBR (Departure from nucleate boiling ratio) appelé éga-
Le SIN 1 300 se limite donc pratiquement à des chaînes de condi- lement rapport d’échauffement critique (REC), et de la puissance
tionnement. linéique].

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Barre de commande

Vers la salle
d’électronique
CNS CNS CNS CNS
SIN SIN
1 CNI CNI CNI CNI CONT.
protection
2 ANA.
Courbe de CNP CNP CNP CNP
3
distribution
4
axiale
5
6
S IN
Chambre SPIN CONT.
d’ionisation NUM.
six sections

SIN CONT. ANA. système d’instrumentation nucléaire-


Figure 6 – Instrumentation externe d’un REP 1 300 MW : contrôle analogique
chambre d’ionisation six sections SIN CONT. NUM. système d’instrumentation nucléaire-
contrôle numérique

Figure 7 – Schéma du SIN d’un REP 1 300 MW


8.2.2 Architecture du système
Le SIN représenté sur la figure 7, est constitué de trois parties
distinctes :
— la partie protection (classée sûreté) qui assure la détection, les — une chaîne de mesure de courant linéaire à six voies, équipée
mesures, l’affichage local. Elle comprend quatre voies indépendan- d’une chambre d’ionisation non compensée à six sections, pour le
tes identiques : chacune comprenant une CNS, une CNI et une CNP ; niveau puissance.
— la partie contrôle (non classée) analogique qui assure des fonc-
tions complémentaires comprenant une chaîne audiovisuelle, une Tous les traitements fonctionnels sont faits en programmé dans le
chaîne de calibration, une chaîne périodemètre, des seuils de système de protection (SPIN).
contrôle ;
— la partie contrôle (non classée) numérique qui surveille les dis-
8.3.2 Architecture du système
tributions de puissance à partir des mesures de puissance numéri-
sées dans le SPIN.
Le système d’instrumentation nucléaire (SIN), représenté sur la
figure 8, est constitué de deux parties distinctes :
— la partie protection (classée sûreté) qui assure la détection. Elle
8.3 Réacteurs de 1 450 MW comprend comme sur le 1 300 MW quatre voies redondantes identi-
ques et indépendantes. Les signaux sont transmis directement vers
Les réacteurs de 1 450 MW sont équipés d’un système de contrôle le SPIN pour être numérisés. La principale différence avec le
commande dont la conception a commencé en 1985. Le système se 1 300 MW porte sur la technologie qui met en œuvre un comptage
caractérise par une nouvelle génération de système d’instrumenta- direct des impulsions et une mesure de courant par un amplificateur
tion nucléaire dont la technologie est basée sur l’utilisation optimale à commutation automatique de gammes ;
des concepts numériques. En liaison avec un nouveau système de
protection intégré numérique (SPIN) lui-même conçu avec la nou- — la partie contrôle (non classée) est, contrairement aux réac-
velle technologie numérique, les fonctions réalisées sont les mêmes teurs de 1 300 MW, totalement réalisée en technologie numérique et
que celles des réacteurs de 1 300 MW, les détecteurs sont identi- de plus elle est redondante avec deux voies identiques, comprenant
ques. chacune deux unités programmées pour calculer en ligne les para-
mètres de surveillance et en particulier la période, les déséquilibres
axial et radial, la marge d’antiréactivité, etc. ; et générer des signaux
8.3.1 Description des chaînes de mesure pour l’information des opérateurs comme la fréquence audible à
bas niveau (chaîne audiovisuelle) ou pour animer des enregistreurs.
Le système comprend trois types de chaînes :
— une chaîne impulsionnelle, pour le niveau source équipée d’un
compteur proportionnel à dépôt de bore. Les signaux délivrés sont
des impulsions calibrées qui sont transmises au SPIN pour être 8.4 Réacteurs rapides (Super Phénix)
directement comptées ;
— une chaîne de mesure de courant linéaire gamme étendue Les systèmes neutroniques de sécurité sont organisés en deux
équipée d’une chambre d’ionisation compensée, pour le niveau trains redondants chacun étant équipés de trois voies équipées. Les
intermédiaire ; chaînes, représentées sur la figure 9 sont les suivantes.

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Train A Train B

SIN contrôle SIN contrôle


CNS CNS CNS CNS
S IN
A protection CNI CNI CNI CNI B
CNP CNP CNP CNP
Réseau A

Réseau B
UTD UTD
SPIN
A B

UTD unité de transfert et de diagnostic

Figure 8 – Schéma du SIN d’un REP 1 450 MW

Ensemble de
prédémarrage
BN BN BN BN BN BN
HN HN HN HN HN HN
R - P /Q R - P /Q R - P /Q R - P /Q R - P /Q R - P /Q

2/3 Bruit 2/3

BN bas niveau
HN haut niveau Figure 9 – Schéma d’un système
R - P /Q réactimètre - puissance/débit
d’instrumentation nucléaire
(réacteur rapide SPX)

8.4.1 Chaîne bas niveau Les signaux analogiques sous la forme de tensions sont envoyés
vers les afficheurs et les circuits de comparaison aux seuils. Un
La chaîne bas niveau est une chaîne analogique équipée de deux ictomètre numérique reçoit les impulsions calibrées de l’une des
compteurs proportionnels à hélium montés en parallèle pour dispo- chaînes bas niveau pour aider l’opérateur lors des opérations
ser d’une grande sensibilité (théoriquement 130 cps/nv). Les détec- d’approche sous-critique.
teurs sont placés sous la cuve derrière des protections contre les
gamma. Le niveau neutronique étant très faible, il est important de
disposer de détecteurs avec la plus grande sensibilité possible. 8.4.2 Chaîne haut niveau
La chaîne élabore des signaux analogiques représentatifs :
— du logarithme du taux de comptage ; La chaîne haut niveau est une chaîne analogique qui est équipée
— de la période. d’une chambre à fission pour mesurer :

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— le niveau neutronique par une mesure impulsionnelle en — transmission par liaison fil à fil vers des indicateurs analogi-
échelle logarithmique ; ques des principales mesures concernant la sûreté. Cette disposi-
— la période ; tion permet de garantir un minimum d’information à l’opérateur
— la puissance en échelle linéaire et logarithmique grâce à une même en cas de panne de l’équipement de conduite.
mesure du courant débité sur la haute tension. Le système est doté des interfaces nécessaires pour brancher un
Les signaux analogiques sont transmis à d’autres chaînes de trai- testeur automatique.
tement analogique comme la comparaison aux seuils, le calcul de
réactivité et les seuils de sécurité puissance/débit. 8.5.2 Équipement de conduite
C’est généralement un ensemble de matériels industriels à base
8.4.3 Chaîne réactimètre et rapport P /Q d’automates programmables et de calculateurs. Cet équipement
Pour compléter la sûreté du réacteur, deux points sont particuliè- n’est généralement pas redondant. Selon la taille et les applications
rement surveillés : du réacteur, l’équipement de conduite peut être plus ou moins
important.
— la réactivité qui est un paramètre de sûreté permet de détecter
précocement un éventuel bouchage des canaux combustibles ; Les fonctions propres à l’instrumentation nucléaire, qui sont trai-
— le rapport puissance/débit (P /Q ) pour s’assurer de la bonne tées dans l’équipement de conduite, sont par exemple : la régulation
réfrigération du cœur. de puissance, la visualisation sur écran de l’ensemble des paramè-
tres et des résultats de calculs, la comparaison des chaînes entre
Ces deux chaînes de mesure de sûreté sont rassemblées dans une elles.
chaîne spécifique avec la même redondance que les autres chaînes
de sûreté.

8.4.4 Ensemble de prédémarrage en cuve


9. Autre réalisation.
Lors du premier démarrage, le niveau neutronique étant très fai-
ble, un assemblage équipé de trois chambres à fission est mis en
Réacteurs VVER
place directement dans le cœur pour suivre l’activité neutronique.
Cet assemblage peut être retiré par la suite lorsque les chaînes bas Les réacteurs VVER (sigle russe signifiant : réacteur de puissance
niveau sont devenues actives. Les fonctions réalisées avec ces modéré à l’eau légère et refroidi à l’eau légère) sont classés en deux
détecteurs consistent à surveiller le taux de comptage sur une catégories principales :
échelle logarithmique et linéaire, la période de chacun des détec-
teurs. Une mesure linéaire de courant et un réactimètre complètent — les réacteurs de 440 MW ;
le système de mesure. — les réacteurs de 1 000 MW.
Les systèmes d’instrumentation nucléaire de ces deux types de
réacteurs sont peu différents sur le plan des principes. Les réacteurs
VVER sont caractérisés dans leur conception d’origine par un grand
8.5 Réacteurs de recherche nombre de chaînes de mesure. La figure 10 donne l’organisation du
système d’instrumentation nucléaire.
Le système d’instrumentation nucléaire des réacteurs de recher-
On distingue les chaînes suivantes.
che en France a bénéficié d’une modernisation qui a consisté à rem-
placer la technologie analogique par une technologie numérique ■ Les chaînes de sûreté utilisées pendant l’exploitation normale.
pour traiter l’ensemble des fonctions. On distingue l’équipement de Elles sont conçues en redondance 6 réparties en deux trains
sûreté et l’équipement de conduite. comprenant chacun trois chaînes de sûreté. Chaque chaîne est équi-
pée d’un détecteur placé dans un tube vertical contre la cuve du
réacteur. De manière générale chaque puits ne reçoit qu’un seul
8.5.1 Équipement de sûreté détecteur, sauf dans le cas des chaînes de puissance des réacteurs
VVER 1000 où deux détecteurs permettent de suivre le déséquilibre
Un équipement standardisé, dénommé Sirex, comprend l’ensem-
axial. Les chaînes de sûreté comprennent trois types de chaînes.
ble des mesures et des traitements de sûreté. Cet équipement peut
être installé en redondance deux ou trois selon le réacteur concerné. ● Les chaînes niveau source : elles sont équipées de chambres à
fission compensées au rayonnement gamma et surveillent le taux
Sirex comprend trois fonctions principales : de comptage et la période.
— un conditionnement bas niveau pour impulsions qui peut
● Les chaînes niveau intermédiaire : elles sont équipées de cham-
traiter les signaux d’un compteur proportionnel ou d’une chambre à
bres d’ionisation à hélium, elles surveillent le courant mesuré et la
fission ;
période.
— un conditionnement haut niveau pour mesure de courant en
dynamique étendue qui exploite une chambre d’ionisation compen- Les détecteurs source et intermédiaire sont placés dans des
sée ; assemblages mobiles qui permettent de les retirer lorsque le réac-
teur est en puissance.
— un traitement numérique à microprocesseur pour réaliser
l’ensemble des traitements bas niveau et haut niveau. ● Les chaînes niveau puissance : elles sont équipées de cham-
bres à dépôt de bore et surveillent le niveau de puissance.
Les fonctions réalisées par le traitement sont les suivantes :
— calcul du taux de comptage, du courant mesuré, du temps de ■ Les chaînes de rechargement, au nombre de six, sont équi-
doublement haut niveau et bas niveau ; pées de chambres à fission et sont mises en place dans la cuve, dans
— traitement du recouvrement entre les deux chaînes ; des tubes secs disposés en périphérie du cœur. Ces tubes sont ins-
— comparaison des résultats à des seuils et émission d’ordres de tallés pour le rechargement lorsque le couvercle de la cuve a été
sûreté en fonction du résultat obtenu ; retiré. Ils sont enlevés lorsque le chargement est terminé.
— surveillance du bon fonctionnement ; ■ Les chaînes postaccident, au nombre de trois, sont équipées
— transmission des résultats des mesures vers l’équipement de de chambres à fission et permettent de surveiller le taux de comp-
conduite par l’intermédiaire de liaisons numériques normalisées ; tage depuis la salle de commande de secours.

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CNS CNS

CNI CNI
CNP CNP

CNS CNS CNS CNA CNS CNS CNS


CNI CNI CNI Sélecteur CNA Sélecteur CNI CNI CNI
CNP CNP CNP CNA CNP CNP CNP

2/3 Salle de commande 2/3


de secours

Salle de
commande
principale

CNA chaîne neutronique accidentelle


CNI chaîne niveau intermédiaire
CNP chaîne niveau puissance
CNS chaîne niveau source
Figure 10 – Schéma de principe du SIN
d’un réacteur VVER

■ Les chaînes de démarrage physique, au nombre de trois, sont de comptage/décomptage pour en extraire l’information relative à la
placées des tubes contre la cuve. Elles sont équipées de compteurs puissance ou à la période. Cette disposition permet d’utiliser des
Geiger sensibles aux neutrons. Ces chaînes ne peuvent être utilisées câbles industriels mais elle nécessite de placer des circuits électroni-
que lors du premier chargement lorsque le débit de dose gamma est ques à proximité des détecteurs. Les nouveaux réacteurs et la réno-
très faible. Elles indiquent le niveau neutronique et la période. vation des anciens tendent à réduire le nombre de détecteurs. La
La technologie des chaînes de mesures s’appuie sur une générali- surveillance de la dynamique neutronique se fait avec une
sation des traitements fréquentiels. Les signaux issus des détec- combinaison de compteurs proportionnels et de chambres compen-
teurs sont convertis en fréquences pour être traités par des circuits sées, selon les principes des REP occidentaux.

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