Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
(Florilège de l’hermétisme)
Avant-propos
Ces observations sont celles d’un débutant; comme elles sont toutes fraîches et qu’elles
concernent les premières difficultés que rencontre un débutant, elles seront peut-être plus utiles
à celui-ci, pendant ses premières courses, que les traités écrits par les maîtres, qui sont sans
aucun doute plus méthodiques et plus complets, mais qui ne sont intelligibles qu’après si peu
que ce soit d’expérience préparatoire: toute l’ambition de ces quelques notes est d’aider le
débutant à acquérir un peu plus vite cette expérience préparatoire.
Définitions.—L’alpinisme est l’art de parcourir les montagnes en affrontant les plus grands
dangers avec la plus grande prudence.
A quoi bon, alors? Voici: le haut connaît le bas, le bas ne connaît pas le haut. En montant,
note bien toutes les difficultés de ton chemin; tant que tu montes, tu peux les voir. A la
descente, tu ne les verras plus, mais tu sauras qu’elles sont là, si tu les as bien observées.
Il y a un art de se diriger dans les basses régions, par le souvenir de ce qu’on a vu lorsqu’on
était plus haut. Quand on ne peut plus voir, on peut du moins encore savoir.
Tiens l’oeil fixé sur le sommet, mais n’oublie pas de regarder à tes pieds. Le dernier pas
dépend du premier. Ne te crois pas arrivé parce que tu vois la cime. Veille à tes pieds, assure
ton pas prochain, mais que cela ne te distraie pas du but le plus haut. Le premier pas dépend
du dernier.
Lorsque tu vas à l’aventure, laisse quelque trace de ton passage, qui te guidera au retour: une
pierre posée sur une autre, des herbes couchées d’un coup de bâton. Mais si tu arrives à un
endroit infranchissable ou dangereux, pense que la trace que tu as laissée pourrait égarer ceux
qui viendraient à la suivre. Retourne donc sur tes pas et efface la trace de ton passage. Cela
s’adresse à quiconque veut laisser dans ce monde des traces de son passage. Et même sans le
vouloir, on laisse toujours des traces. Réponds de tes traces devant tes semblables.
René Daumal
•••
Hölderlin
Initiation au Symbolique
VOUS ÉTIEZ EN CE LIEU AVANT QUE D’Y ENTRER VOUS Y SEREZ ENCORE
QUAND VOUS EN SEREZ SORTIS.
La religion positive est l’aspect exotérique de l’Idée, et l’Idée est l’aspect ésotérique de la
religion positive... La religion positive est le symbole; l’Idée est le symbolisé. L’exotérique est
en perpétuelle fluctuation avec les cycles et périodes du monde; l’ésotérique est une Energie
divine qui n’est pas soumise au devenir. (‘Nâsir-e Khosraw) C24
Celui qui ignore qui il est, étant non initié et profane, n’est pas en disposition de participer à la
providence d’Apollon. (IN ALC. 5-6 p4)
De même donc qu’il y a d’abord dans les initiations, des purifications, des rites d’ablution et
d’expiation, qui constituent des exercices préparatoires aux cérémonies accomplies en secret
et à la participation au divin, de même, me semble-t-il, l’initiation philosophique, elle aussi,
constitue, pour ceux qui s’y livrent, une purification préliminaire et une préparation à la
connaissance de nous-mêmes et à la contemplation immédiate de notre essence. (IN ALC.
8-9 p7)
De la même manière donc dans les plus saintes d’entre les Initiations, avant l’apparition du
dieu, se produit l’irruption de certains démons chthoniens et des visions qui terrorisent ceux
que l’on initie, les éloignent des biens immaculés et les entraînent vers la matière. (IN ALC.
39-40)
(Proclus)
•••
Platon rapporte, dans son Timée, la visite du premier sage Solon avec des prêtres d’Egypte. “Il
se mit à leur raconter ce que l’on sait chez nous de plus ancien... Alors un des prêtres, qui était
très vieux, lui dit: Ah! Solon, Solon, vous autres Grecs, vous êtes toujours des enfants, et il n’y
apoint de vieillard en Grèce. A ces mots: Que veux-tu dire par là? demanda Solon.—Vous êtes
tous jeunes d’esprit, répondit le prêtre; car vous n’avez dans l’esprit aucune opinion ancienne
fondée sur une vieille tradition et aucune science blanchie par le temps... Chez vous et chez les
autres peuples, à peine êtes-vous pourvus de l’écriture et de tout ce qui est nécessaire aux cités
que de nouveau, après l’intervalle de temps ordinaire, des torrents d’eau du ciel fondent sur
vous comme une maladie et ne laissent survivre de vous que les illettrés et les ignorants, en
sorte que vous vous retrouvez au point de départ comme des jeunes, ne sachant rien de ce qui
s’est passé dans les temps anciens, soit ici, soit chez vous. Car ces généalogies de tes
compatriotes que tu récitais tout à l’heure, Solon, ne diffèrent pas beaucoup de contes de
nourrices.”
Mais Platon lui-même n’y voit que des histoires de famille bien obscures sans avoir plus accès à
la logique narrative du mythe où l’on peut s’imaginer, en effet, qu’on nous raconte des histoires.
Les pères du christianisme qui voulaient croire à la réalité platement historique de l’incarnation
ou de la virginité se rassuraient de la bien plus grande vraisemblance, tout de même, des récits
extraordinaires de la Bible comparés aux horreurs délirantes des païens. Ainsi:
D’autre part, ils ont rapporté avec exactitude, à ce qu’ils s’imaginent, ce que ces
dieux ont accompli: que Kronos a coupé les génitoires de son père, qu’il l’a jeté
à bas de son char et qu’il tuait ses enfants mâles en les “avalant”; que Zeus, après
avoir enchaîné son père, l’a précipité dans le Tartare, tout comme le Ciel l’a fait
avec ses fils, qu’il a poursuivi sa mère Rhéa, qui lui refusait l’union: comme elle
s’était transformée en un serpent, il prit lui aussi la même forme et, après l’avoir
attachée avec le noeud d’Hercule, il s’unit à elle—la verge d’Hermès est un
symbole de cette union—; ensuite, qu’il s’est uni à Perséphone, sa fille, en la
violant, elle aussi, sous la figure d’un serpent, d’où naquit Dionysos.
Il fallait bien que je dise au moins cela; qu’y-a-t-il de respectable ou de bien dans
cette histoire, qui nous fasse croire que Kronos, Zeus, Koré et les autres sont des
dieux?
On s’en tire à bon compte assurément en parant l’inconnu de tous les vices imaginaires,
comme un épouvantail, puis en se rassurant à tenir ses propres vertus, de clairvoyance et de
charité, pour acquises de simplement s’énoncer. Le règne de l’horreur ne s’est pas arrêté,
hélas, au seuil de la civilisation chrétienne ni au siècle de la science bien que les Dieux y
semblent plus présentables. Le discours policé détourne le regard et ne fait qu’habiller ses
exactions. Ce n’est pas un progrès. Il n’y a pas tant de raisons de croire que nos ancêtres en
savaient moins que nous, eux qui savaient qu’une chimère est un assemblage mythique, un
animal de fable.
Même si elle témoigne de la folie qui reste au coeur de la pensée (Le mythe c’est lorsqu’on
est partie prenante), il n’est pas raisonnable de réduire la mythologie à la description d’une
réalité matérielle alors qu’elle se présente clairement comme une construction conceptuelle.
N’en déplaise aux bacheliers et quelque bêtise qu’on prête aux écrits “primitifs”, il n’est pas
possible d’interpréter la division des quatre éléments (eau, terre, air, feu) autrement qu’en
termes conceptuels, comme Hegel l’a noté dans son Encyclopédie; il faut donc les prendre
dans leurs oppositions, combinaison des couples continu/discontinu et actif/passif. Le mythe
mettant en scène, comme dans une fugue musicale, une opposition constitutive et sa
résolution finale. Une enquête ethnographique ne peut donner bien sûr le même résultat selon
qu’elle peut interroger la foi du charbonnier ou celle d’un Thomas d’Aquin; elle n’a pas
encore été entreprise sur notre territoire religieux et c’est dommage car l’étude des variations
géographiques met en valeur les oppositions significatives, les enjeux de ces représentations
qui fondent l’unité d’une communauté et sont, depuis toujours, et d’abord, un instrument
politique d’unification ou de différenciation mais fondé en discours, légitime. On croit, de
structure, que notre représentation est la seule vraie, les temps modernes n’y échappent pas
malgré leurs insolentes prétentions de transparence et de sciences objectives. L’effondrement
des idéologies du temps devrait pourtant nous éclairer sur la fragilité de notre conception du
monde et des mythes sur lesquels nous fondons notre foi sans le savoir. Les dieux sont
inconscients, en cela ils sont réels. Ce n’est pas une découverte pour tout le monde (Le
monde entier est rempli de dieux—Thalès).
L’étude des anciennes religions, d’autres traditions que celle dont on croit répondre n’est pas
une démarche de croyant mais de théologien, de théurges comme disaient les Chaldéens: des
faiseurs de dieux, des poètes. Le commun des mortels, scientifiques, fanatiques, commerçants
se contentent du sentiment de la supériorité de leurs propres (in)croyances, de la gloire
d’appartenir au peuple des élus, des clairs voyants. C’est toute la compréhension et la patience
qu’on peut attendre devant d’autres mythologies, n’hésitant pas à faire de celui qui s’y attarde
un peu un illuminé qui s’exclut de lui-même de la communauté intelligible; et peut-être a-t-on
raison car les pièges sont nombreux.
Il faut donc se servir des mythes, non point comme de raisons absolument
probantes, mais pour prendre en chacun les traits de ressemblance qui se
concilient avec notre pensée. (Plutarque De Isis 58)
De sorte que le mythe serait là pour nous montrer la mise en équation sous une forme
signifiante d’une problématique qui doit par elle-même laisser nécessairement quelque chose
d’ouvert, qui répond à l’insoluble en signifiant l’insolubilité et qui fournit (ce serait là la
fonction du mythe) le signifiant de l’impossible. Lacan
Il n’est pas question d’outrepasser notre pouvoir et décrire ce qu’on ne peut voir mais bien au
contraire en affirmant qu’Il y a cela de vrai qu’on ne sait rien de vrai H253 formuler ce qui
peut et doit pourtant être dit plutôt que se complaire dans un scepticisme stérile ou le
verbalisme inutile de sophistes comme Prodicos. Ce devoir de bien-dire ne peut, dès lors,
s’appuyer sur autre chose que sa trace, sa tradition, son histoire dont il s’origine quitte à les
contredire. Il n’y a qu’inconvénient pour l’homme à vouloir vivre dans l’instant sans la leçon
des siècles passés, à la merci de nouvelles tyrannies (Le scepticisme mène au dogmatisme. cf.
Kojève). L’animal se suffit de l’immédiateté des corps, l’esprit prévoit en marquant la
mémoire. Depuis qu’il y a des hommes, emportés par les tourmentes, la mémoire est un
devoir. La voilà enfouie sous l’abondance éphémère des marchandises et un déluge
d’informations mesurées à leur rapidité de transmission. Le monde serait à réinventer chaque
matin s’il nous en laissait la liberté, si la liberté était un bien inaliénable dont il suffirait de
jouir dans l’immédiat. Mais la liberté est un bien toujours à conquérir, dont nous sommes
responsables et que le monde contraint, contredit, conforme.
Je te dirai d’abord pour quelle raison, dans les écrits des anciens scribes sacrés,
on trouve rapportées bien des opinions diverses, de même que, chez les sages
encore vivants, sur les grands sujets la doctrine n’est pas transmise d’une manière
uniforme. Voici mon avis: comme il existait beaucoup d’essences fort
différentes, la tradition leur a assigné une multiplicité de principes qui
comportaient une grande variété de degrés et changeaient selon les divers récits
des anciens prêtres; l’ensemble en a été complètement exposé par Hermès dans
ses livres, vingt mille selon la description de Séleucus, ou trente-six mille cinq
cent vingt cinq d’après l’histoire de Manéthon. J187
Ce qui frappe dans l’étude de l’antiquité, c’est qu’une grande différence de figurations, de
préceptes, de civilisation, ne s’opposait pas à une grande unité de pensée des prêtres ou des
sages, contacts réciproques et traductions des mythes pour aboutir, à l’époque hellénistique,
au syncrétisme des religions d’Orient et d’Occident (on pourrait dire la même chose pour
l’époque actuelle dominée par des monothéismes à la fois très ressemblants et attachés à leurs
divergences. Pour Lévi-Strauss le mythe est toujours “dérivé par rapport à d’autres
mythes...Il est une perspective sur une langue autre” p576). La découverte de l’écriture faisait
déjà le règne de l’archive, systématisant les mythes agraires du Néolithique. Des mythes
sumériens, nous n’avons que des notations mais la tradition en sera continuée par les
Égyptiens, les Perses, les Phéniciens, les Hébreux, les civilisations minoennes et par celles-ci
les Grecs. Bien plus tard, après les conquêtes d’Alexandre, les Hébreux vont défendre le
prêtre et la lettre sacrée unifiante contre son assimilation à l’universalité de la marchandise
(Le zèle contre la loi a créé le zèle pour la loi), tandis que les Grecs en généralisant et
banalisant l’écriture l’ouvrent à l’universel de la science et de la philosophie avec, pourtant, la
nostalgie déjà du sacré perdu, devant l’énigme d’une nuit qui gagne au plus profond de nos
ténèbres. Au temps de l’empire romain, la tradition hermétique constitue l’aboutissement des
traditions antiques, de la confrontation, dans la ville d’Alexandrie, de la philosophie grecque
(la langue et l’éclectisme post-sceptique mélant Platon, Aristote et les stoïciens sous le nom
de néo-platoniciens ou néo-pythagoriciens), de la religion égyptienne-chaldéènne (le lieu) et
des sectes mystiques iraniennes (culte de Mithra) ou juives (Esséniens) qui préparaient
l’invention du Christ et se disaient déjà Thérapeutes, médecins de l’âme. La mystique de
l’Islam revendique encore son ésotérisme mais la science de l’expérience s’est construite sur
le refoulement de ce savoir absolu sans pouvoir l’effacer. On ne peut se passer de ce passage
commun à tant de traditions. Sa matrice généreuse éclaire tout autant la philosophie de
Pythagore, de Parménide, d’Héraclite, de Platon ou de Hegel que les livres de la sagesse
indienne, le manichéisme, l’alchimie, les cultes de l’ancienne Egypte.
Pour nous guider vers cette révélation de la tradition, nous devions convoquer enfin le
Théologien, le souvenir du divin Orphée.
Orphée qui, le premier a trouvé les noms des dieux, qui a rapporté leurs
généalogies, qui a raconté ce que chacun d’eux avait accompli, et qui passe chez
les Grecs pour le théologien le plus véridique. O63
Il l’a fait aussi pour nous apprendre à rapporter les inventions mythiques, comme
il convient, à la vérité sur les dieux et à faire remonter une histoire, apparemment
monstrueuse, à une conception scientifique. O101
Aristote enseigne que le poète Orphée n’a jamais existé, et le poème orphique
certains disent qu’il est dû à Cercops le pythagoricien; cependant Orphée,
c’est-à-dire son image, comme vous le voulez, me vient souvent à l’esprit. O10
La Crète représentait pour les Grecs la civilisation qu’ils avaient brutalement anéantie à leur
arrivée et dont ils eurent longtemps la nostalgie avant de redécouvrir l’écriture grâce aux
Phéniciens.
L’Orphisme est constitué par ses textes, ses écrits théologiques qui permettent l’initiation
aux mystères de la génération sexuelle, de la (re)naissance, un par un (Purification/Epreuve,
Illumination/Extase, Savoir/Immortalité), contrepartie de l’écriture, prenant le relais des
initiations guerrières (sociétés d’hommes) et des initiations de métier, initiation à l’esprit, à
l’universel, à l’éternité de la lettre.
De son chant qui s’élève de loin et porte plus loin encore, Orphée guidera nos pensées comme il
voulut guider son Eurydice hors du royaume des ténèbres et résonnera pour nous le sens
intelligible de ces mythes immémorables (sumérien, égyptien, hittite, phénicien).
SUMÉRIEN
(ENÛMA ELIS)
EGYPTIEN
Avant la naissance d’un cosmos structuré, un océan sans fin d’eaux inertes emplissait les
ténèbres. Il est représenté comme l’être originel, Nou ou Noun. Aucun temple n’a été édifié
pour l’honorer, mais il est présent dans de nombreux lieux de culte sous la forme du lac sacré
qui symbolise la “non-existence” d’avant la création.
Atoum, “dieu d’Héliopolis” et “dieu jusqu’aux limites du ciel”, est le démiurge, le créateur du
monde qui émergea de Nou au début des temps pour créer les éléments de l’univers (G.Hart
Mythes égyptiens p19).
Rê, Shou, Geb et Osiris figurent déjà les quatres élements. La cosmogonie de Memphis
introduit Ptah comme principe créateur par la parole (y compris les dieux, Atoum le premier).
L’Ogdoade d’Hermopolis distingue 8 dieux ou 4 couples à l’origine de la création (PÈRES ET
MÈRES QUI ONT EXISTÉ DÈS LE COMMENCEMENT, QUI DONNÈRENT
NAISSANCE AU SOLEIL ET QUI CRÉÈRENT ATOUM) ce sont Nou/Naunet
(L’originel-La terre), Heh/Hehet (L’infini-le feu), Kek/Keket (Les ténèbres-l’eau),
Amon/Amaunet (Le caché-le souffle). Après la création l’Ogdoade primitive est remplacée à
Hermopolis par Thot (Hermès) et Rê pendant que Thèbes fera d’Amon le principe premier
inatteignable (NÉ DE LUI MÊME ET IMMORTEL. Serpent Kneph, cercle) dont le véritable
nom, inconnu des autres dieux même, renferme son secret et son pouvoir.
Seth (le Typhon grec, le diable à queue fourchue) en tuant Osiris à Abydos en fait le
souverain des morts (le dieu de l’occident). Sa soeur Isis le retrouve et lui fait concevoir un
fils (Horus/Apollon) capable de le venger (Osiris, dont Isis a pu arrêter la décomposition, lève
une main jusqu’à sa tête soutenue par Isis; de l’autre il se masturbe—Hart p58). Horus
triomphe de Seth le destructeur en l’émasculant.
HITTITE/PHÉNICIEN
Selon Philon, Le premier dieu souverain était Elium (Alalu Le plus haut). De son union avec
Bruth vinrent au monde Ouranos (Anu) et Ge (Gaia). A leur tour, ces derniers engendrent
quatre fils dont le premier, El (ou Kronos), correspond à Kumarbi. A la suite d’une querelle
avec son épouse, Ouranos essaye de détruire sa progéniture, mais El se forge une scie, chasse
son père et devient souverain. Finalement, Baal (représentant la quatrième génération et
correspondant à Teshub et à Zeus) obtient la souveraineté; trait exceptionnel, il l’obtient sans
combat. E162
Comme nous le verrons, ces généalogies représentent la création de l’éternité (Ouranos) à partir
de la Nuit indicible (l’Un) qui se divise en Ciel et Terre immobiles, puis création du temps
(Kronos-Chronos), du monde en mouvement mais qui ne vieillit pas, création enfin de la
génération qui meurt et renaît (Zeus, Déméter, Dionysos; Horus, Isis, Osiris).
Les trois puissances divines, désignées par ces noms ne sont qu’une unique
puissance et force d’un seul dieu. O70
Il croit que le nom de Phanès lui convient en tant qu’il apparaît [phainonti]
partout éternellement et invisiblement et en tant qu’il a donné à toutes choses de
paraître [to phanênai] hors du non être.
GARDE CELA DANS TON ESPRIT, CHER FILS, DANS TON COEUR
Kronos détient en lui-même les causes suprêmes des réunions et des divisions:
par le moyen des découpages célestes, il fait procéder la totalité intellective en
parties et il devient cause de processions génératives et de multiplications; en
bref, il prend la tête de la race Titanique, d’où découle la division des étants; mais
par le moyen des “absorptions”, en retour, il réunit ses propres produits, il les
unifie avec lui et les ramène à sa cause uniforme et sans partie. O110
La race toute première est issue de Phanès, qui lie tout ce qui pense aux
Intelligibles, la deuxième est issue de Kronos l’Ancien, qui, comme dit le mythe,
est “à l’esprit retors” et qui fait que toutes choses se retournent vers elles-mêmes,
la troisième est issue de Zeus qui enseigne à prendre soin des êtres de second
rang et à organiser l’inférieur: car c’est là le propre de l’activité démiurgique.
O103
Veteriora
ALLONS, HOMMES, QUI PAR NATURE VIVEZ OBSCURS, SEMBLABLES
À LA FEUILLE, IMPUISSANTES CRÉATURES PÉTRIES DE LIMON,
FANTÔMES INCONSISTANTS PAREILS À DES OMBRES, ÊTRES
DÉPOURVUS D’AILES, ÉPHÉMÈRES, INFORTUNÉS MORTELS,
HOMMES SEMBLABLES À DES SONGES, PRÊTEZ VOTRE ATTENTION
À NOUS LES IMMORTELS, TOUJOURS EXISTANTS, EXEMPTS DE
VIEILLESSE, OCCUPÉS DE PENSERS ÉTERNELS, AFIN QU’APRÈS
AVOIR ENTENDU DE NOUS TOUTE LA VÉRITÉ SUR LES CHOSES
CÉLESTES, CONNAISSANT À FOND LA NATURE DES OISEAUX, LA
GENÈSE DES DIEUX ET DES FLEUVES ET DE L’ENFER ET DU VIDE,
VOUS PUISSIEZ, DE MA PART, ENVOYER PROMENER PRODICOS
DÉSORMAIS. O31
JE SUIS ISIS LA GRANDE; CELLE QUI FUT, QUI EST ET QUI SERA
ETERNELLEMENT. NUL MORTEL N’A JAMAIS SOULEVÉ MON VOILE.
(TEMPLE DE SAÏS—PLUTARQUE)
La vérité n’est pas ailleurs que dans la parole qui l’énonce. Il n’y a pas de certitude qui
viendrait de l’Autre, il n’y a que la répétition de ce qui s’énonce et se transmet sur les
conditions de la parole, le nous du Grec qui n’est pas en harmonie avec le corps dont il se
charge. La connaissance n’est pas donnée d’abord. L’Autre monde est celui des mots, on
ne parle pas des étoiles mais des idées, du discours, du livre. Hermès trois fois grand, trois
fois mage laisse le secret intact de ses aveuglantes évidences, formulées depuis longtemps
mais qui ne se supportent d’aucune énonciation: qu’il n’y a pas de métalangage, on est
toujours inséré dans la parole, mais encore qu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre, rien n’est
jamais sûr, enfin qu’il ne faut surtout pas s’imaginer qu’on n’a donc rien à apprendre alors
qu’il faut plutôt commencer par se connaître soi-même comme il était inscrit au fronton du
temple de Delphes.
Pas de méta-langage
Le dieu qui préside à l’éloquence, Hermès [inventeur de l’écriture], passe à bon
droit depuis longtemps pour être commun à tous les prêtres; et cet unique
protecteur de la vraie science des dieux est le même toujours et partout, celui-là
précisément auquel nos ancêtres, eux aussi, dédiaient les inventions de leur
sagesse, en mettant sous le nom d’Hermès tous leurs écrits à eux. J1
Tu dis donc tout d’abord que tu “concèdes l’existence des dieux”, mais il n’est
pas correct de s’exprimer ainsi. Car notre nature a de son fonds la connaissance
innée des dieux, supérieure à toute critique et à toute opinion, et antérieure au
raisonnement et à la démonstration; cette connaissance est unie dès le début à sa
cause propre et va de pair avec la propension essentielle qui porte notre âme vers
le bien;
A dire vrai, ce n’est pas même une connaissance que le contact avec la divinité.
Car la connaissance est séparée par une sorte d’altérité. Or, antérieurement à
celle qui connaît un autre comme étant elle-même autre, spontanée est l’étreinte
uniforme qui nous a suspendus aux dieux. Il ne faut donc pas accorder que l’on
puisse reconnaître ou ne pas reconnaître ce contact, ni se le représenter comme
ambigu (il demeure toujours en acte à la manière de l’Un), et il est inutile de
l’examiner comme s’il était en notre pouvoir de l’admettre ou de le rejeter; car
nous sommes plutôt enveloppés de la présence divine; c’est elle qui fait notre
plénitude et nous tenons notre être même de la science des dieux. J4
C’est pourquoi ce n’est pas notre pensée qui opère les actes théurgiques; car alors
leur efficacité serait intellectuelle et dépendrait de nous; or ni l’un ni l’autre n’est
vrai. Sans que nous y pensions, en effet, les signes eux-mêmes, par eux-mêmes,
opèrent leur oeuvre propre. J67
L’impossible à dire
La philosophie ne se fonde que sur la discussion, la dialectique, alors que tout dogmatisme se
fonde d’une expérience silencieuse (Mystique, Scientifique ou Morale), non discutable.
L’obligation du secret prend quatre formes: la nécessité d’une mise à l’épreuve du désir
(d’une quête initiatique: la connaissance n’est pas donnée, le chemin est le but), le danger de
livrer la vérité aux canailles, l’impossibilité pour la foule de comprendre et enfin l’indicible en
tant que tel.
(Possible)
IL A VOULU, Ô MON FILS, ÉTABLIR L’INTELLIGENCE AU MILIEU DES
ÂMES COMME UN PRIX À CONQUÉRIR. H31
(Nécessité)
—EVITE D’EN ENTRETENIR LA FOULE; NON QUE JE VEUILLE LUI
INTERDIRE DE LES CONNAÎTRE, MAIS JE NE VEUX PAS T’EXPOSER À
SES RAILLERIES. CES LEÇONS DOIVENT AVOIR UN PETIT NOMBRE
D’AUDITEURS, OU BIENTÔT ELLES N’EN AURONT PLUS DU TOUT.
ELLES ONT CELA DE PARTICULIER QUE PAR ELLES LES MÉCHANTS
SONT POUSSÉS ENCORE DAVANTAGE VERS LE MAL. IL FAUT DONC
TE GARDER DE LA FOULE QUI NE COMPREND PAS LA VERTU DE CES
DISCOURS.
(Impuissance)
IL EST DIFFICILE DE QUITTER LES CHOSES PRÉSENTES ET
ACCOUTUMÉES POUR REVENIR AUX VOIES ANCIENNES. LES
APPARENCES NOUS CHARMENT, ON REFUSE DE CROIRE À
L’INVISIBLE; OR LES CHOSES MAUVAISES SONT APPARENTES, LE
BIEN EST INVISIBLE AUX YEUX, CAR IL N’A NI FORME NI FIGURE; IL
EST SEMBLABLE À LUI-MÊME ET DIFFÈRENT DE TOUT LE RESTE.
L’INCORPOREL NE PEUT SE MANIFESTER AU CORPS. H34
(L’impossible)
TU VERRAS LA GNOSE QUAND TU N’AURAS RIEN À DIRE D’ELLE;
CAR LA GNOSE, LA CONTEMPLATION, C’EST LE SILENCE ET LE
REPOS DE TOUTE SENSATION. H59
QUI EST PLUS APPARENT QUE LUI? S’IL A TOUT CRÉÉ, C’EST POUR
QUE TU PUISSES LE VOIR À TRAVERS TOUTES CHOSES. H80
Connais-toi toi-même
Celui qui se connaît, connaît son maître
Car l’âme humaine est retenue par une seule forme et enténébrée de tous côtés
par le corps; en appelant cela fleuve de l’oubli, ou eau de Léthé, ou ignorance et
folie, ou lien des passions, ou privation de la vie, ou quelque autre mal, on
n’arriverait pas à dénommer comme elle le mérite son étrangeté. J105
TOUT CORPS N’EST PAS SUJET AUX MALADIES, TOUT CORPS SUJET
AUX MALADIES EST DESTRUCTIBLE. RIEN DE VRAI DANS LE CORPS,
RIEN DE FAUX DANS L’INCORPOREL. LE BIEN EST VOULU, LE MAL
N’EST PAS VOULU. LE TEMPS EST DIVIN, LA LOI HUMAINE. LE MAL
EST L’ALIMENT DU MONDE, LE TEMPS EST LA DESTRUCTION DE
L’HOMME. H228
IL EST FATAL QUE CELUI QUI A MAL FAIT SOIT PUNI, ET IL AGIT
AFIN DE SUBIR LA PUNITION DE SON ACTE. H83
2. La divine trinité
TOUS LES DIEUX SONT TROIS: AMON, RÊ, PTAH; ILS N’ONT PAS
D’ÉGAUX. SON NOM EST CACHÉ EN AMON, IL EST PERÇU EN RÊ [IL
EST RÊ DEVANT], ET SON CORPS EST PTAH. LEURS CITÉS SUR
TERRE DEMEURENT À JAMAIS: THÈBES, HÉLIOPOLIS ET MEMPHIS,
POUR L’ÉTERNITÉ. (HYMNE À AMON DE LEYDE—1300 AVANT J.-C.)
E200
ET EMBRASSENT LE YANG
La nature la plus parfaite et la plus divine se compose donc de trois principes qui
sont: l’intelligence, la matière et le produit de leur union (cosmos) (Plutarque De
Isis 56).
L’Un
Le polythéisme (Egyptien, Grec, Hindou), calomnié par les monothéistes comme idolâtrie,
n’ignore pas l’unité fondamentale de Dieu mais absolument transcendantale, inaccessible à la
représentation (Deus otiosus, Atoum, le premier dieu créateur, signifie à la fois “ne pas être”
et “être complet”), il ne se révèle que partiellement dans ses avatars, ses manifestations
(dieux, anges ou saints).
La doctrine des symboles veut montrer le dieu un par la multitude de ses dons, et
par les puissances diverses représenter sa force unique. J182
Ceci fait toujours loi
Que le monde, jour après jour, demeure un tout. (L’Unique/Hölderlin)
CELUI QUI SEUL EST INCRÉÉ EST DONC PAR CELA MÊME IRRÉVÉLÉ
ET INVISIBLE, MAIS, EN MANIFESTANT TOUTES CHOSES, IL SE
RÉVÈLE EN ELLES ET PAR ELLES. H37
TON VERBE CHANTE PAR MOI, REÇOIS PAR MOI L’UNIVERSEL DANS
LE VERBE, LE SACRIFICE VERBAL. SAUVE L’UNIVERSEL QUI EST EN
NOUS, Ô VIE. H103
Le narcissisme
Les liens d’amitié avec autrui découlent des liens d’amitié que l’on entretient
avec soi-même. (Aristote)
L’immortalité
L’HOMME SE COMPOSE D’UN CORPS ET D’UNE ÂME. H52
La génération
Il existe des enfants, ainsi demeure une certitude du bien. (Hölderlin)
SACHE DONC, MON FILS, QUE TOUT CE QUI EST DANS LE MONDE,
SANS EXCEPTION, EST LE SIÈGE D’UN MOUVEMENT, SOIT
D’AUGMENTATION, SOIT DE DIMINUTION. H89
En Dieu l’essence n’est pas distincte de l’existence. Son essence est dans son
existence.
Un être est connaissable dans la mesure où il est en acte. Dieu qui est l’acte pur,
sans aucun mélange de puissance, est en soi suprêmement connaissable.
Le mal, en tant que non-être qui existe, est de l’être frustré, et en lui-même le mal
est frustration. (Thomas d’Aquin)
L’immuable n’est pas sans la singularité de l’incarnation. La vérité n’est pas l’identique ni le
mouvement mais leur totalité, le cycle des générations où nous avons une destinée unique et
située. Le savoir éternel change de forme pour répondre aux exigences du temps. Les
similitudes entre l’universalité de l’empire romain et la mondialisation du capitalisme qui
s’accélère donnent la mesure de la tâche qui nous incombe mais ne doit pas masquer les
impasses nouvelles dont nous devons répondre et qui ne correspondent plus aux conditions de
l’antiquité. Occasion plutôt de revenir à la tradition, occultée depuis ce temps par la religion
chrétienne et la science, il y a redonne. Les dieux meurent aussi (Osiris-Dyonisos-Christ),
laissant place à une nouvelle prophétie célébrant le Dieu des temps nouveaux que les poètes
annoncent de leurs chants.
Mallarmé
Le pouvoir et la science
NOUS AVONS PROPOSÉ LE DÉPÔT DE NOS SECRETS AUX CIEUX, À
LA TERRE ET AUX MONTAGNES; TOUS ONT REFUSÉ DE L’ASSUMER,
TOUS ONT TREMBLÉ DE LE RECEVOIR. MAIS L’HOMME ACCEPTA
DE S’EN CHARGER, C’EST UN VIOLENT ET UN INCONSCIENT.
(CORAN 33/72)
Une religion est une religion dominante, dans un groupe, une région, une nation, un peuple,
un empire. Les peuples adoptent ou adaptent la religion de leurs vainqueurs et les frontières
des deux royaumes se confondent souvent. Préparées dans la transgression révolutionnaire
des exclus qui ne peuvent se satisfaire de l’ordre établi et formulent à nouveau l’enthousiasme
de l’universel, les théologies religieuses doivent faire leurs preuves avant d’être adoptées d’un
souverain qui, sans en avoir toute la maîtrise, sait s’en servir à ses fins. La religion n’est pas
un épiphénomène politique, c’est la condition du politique, la fondation d’un langage
commun, de rites de régulation. La société en dépend. L’unité de la société est fondée par le
sens et cette unité favorise tellement le commerce que la royauté, et son pouvoir de
normalisation, était célébrée au temps de Sumer comme un cadeau des dieux. Mais il n’y a
pas de garantie que le réel soit conforme à sa représentation, que l’action de l’Etat soit
conforme à ses fins. Le culte de l’ordre et de l’unité se réduit au culte du pouvoir et de la
hiérarchie, de l’élite, de la soumission (Islam). Pourtant, l’histoire des peuples est l’histoire
de leurs libérations, le mot de liberté est inscrit sur leurs étendards. Le pouvoir dément
l’échec, la vérité seule peut nous rendre complices.
La religion de l’Un est, tout à fait explicitement pour la part orientale, une religion du pouvoir
suprême (Horus, Basileus) représentant de l’ordre universel, Pharaon ou César, dieu sur la
terre. La soumission au souverain remplace le banquet de la démocratie. Platon aussi dans sa
république nous assène un ordre répugnant comme celui de toute utopie. Le catholicisme de
Constantin n’est pas la conversion d’un enfant de choeur mais une prise en main habile,
complice des utopistes chrétiens. L’empire a pourvu à son organisation et son enracinement
parfois brutal. La religion de l’Unité donne raison au pouvoir, jusqu’à Hegel qui affirme que
le pouvoir de l’Etat doit être personnifié dans un souverain responsable. Mais la religion de
l’Un donne raison plus encore aux exclus, aux opprimés, de réclamer leur part et mépriser
ceux qui les méprisent. Marx a eu raison de s’appuyer sur le prolétaire pour atteindre à
l’universel, comme les chrétiens s’appuyaient sur les juifs et les esclaves pour fonder l’unité
de l’empire universel. L’unité de l’Etat ne peut être admirée quand cet Etat ne traite pas
comme il convient les sujets dont il procède (le mandat du ciel). L’Etat doit rejoindre sa
vérité universelle au service sacré de chaque citoyen singulier qui a droit à sa reconnaissance.
La démocratie représente l’unité réalisée mieux que la tyrannie, ce n’est d’aucune garantie
contre le pire mais nous en rend responsables. Notre action y passe pour décisive et ne se
réduit jamais à rien, même à échouer d’abord comme tout précurseur. Le désir de révolution
ne peut être qu’un devoir humilié où la dignité bafouée rejoint la vérité de tous.
Les administrés ne sont pas étrangers aux administrateurs ni les êtres ordonnés
aux ordonnateurs, et ce qui sert n’est pas, en tant qu’instrument, sans accord avec
l’usager. J155
La Science sans conscience qui nous sert d’âme ne peut plus ignorer les conséquences de son
pouvoir (de la folie nucléaire aux catastrophes écologiques), la nécessité d’une approche
globale. Le capitalisme ne suffit pas à gérer sa déroute et il n’y a plus rien d’autre. La vérité
du capitalisme est le marché, c’est à dire la séparation du producteur et du consommateur.
Aucune voie autre que tyrannique et impuissante ne pourra rétablir l’unité perdue en
réconciliant l’offre et la demande. Il faut prendre acte au contraire de leur séparation et en
réguler l’échange (gagner du temps), seule voie où l’unité n’est pas contredite par le réel et
c’est la voie de la démocratie qui fait de chaque un le gardien de tous. L’Unité peut se
réclamer du Dieu jaloux et de sa colère ou respecter sa diversité.
Ne pas restreindre la divinité à un seul être, la faire voir aussi multipliée que Dieu
nous la manifeste effectivement, voilà qui est connaître la puissance de Dieu,
capable, en restant ce qu’elle est, de produire les dieux multiples qui se rattachent
à lui, existent par lui, et viennent de lui! (Plotin Ennéades II9-9)
Le savoir et la foi
Le Savoir absolu et circulaire ne suffit pas. La querelle de la Gnose et de la foi a consacré le
triomphe de la foi (foi d’Abraham déjà, du Dieu du père) au nom de la religion universelle
avant que les lumières n’en réveillent l’opposition. Le savoir de l’unité introduit, en effet, une
séparation entre le sage et la foule, séparation que la foi doit abolir au nom d’une unité plus
essentielle de tous les sujets dans leur universelle singularité, leur part de vérité, leur acte de
foi.
Les valentiniens nous attribuent la foi à nous simples; quant à eux, ils prétendent
posséder la gnose, car ils sont sauvés par nature, avantage qu’ils doivent à la
semence supérieure; ils disent que cette gnose est extrêmement éloignée de la foi,
selon que le pneumatique est séparé du psychique, l’esprit de l’âme. (Clément)
V156
Il est meilleur, il est plus utile d’être ignorant et peu savant, mais de se rapprocher
de Dieu par charité, que de paraître savoir et connaître beaucoup en blasphémant
contre celui qu’ils appellent Démiurge. (Irénée) V183
C’est la foi et l’amour qui sauvent; le reste est indifférent et seule l’opinion
humaine y met une distinction de bien et de mal. (Irénée) V172
Le Bouddhisme aussi n’a pu triompher qu’en acceptant “le chemin facile” de la foi (la Bhakti)
ouvert à tous en opposition à la voie du salut par les oeuvres ou la Connaissance.
Se limiter à la foi c’est exclure le sens symbolique pour ne garder que le fait historique, la
profession de foi (le Martyr), la répétition du dogme sans complétude de la théorie, sans
compréhension mais par libre adhésion. Le savoir rejeté dans le réel, libéré des contraintes
théologiques (contrairement à l’Orient et l’Islam), fait retour dans la science, détaché du sens.
La foi inconditionnelle d’Abraham est aussi un refus du savoir (serpent) au profit de la loi,
écrite (et non d’un roi).
Il est amusant de voir que Freud ne demande pas plus au psychanalyste que la foi dans
l’existence de l’inconscient (soit le savoir qu’implique son discours) et non la purification de
son pouvoir. La foi y dépend d’une initiation, la psychanalyse, qui met en acte l’inconscient,
l’objective en le déliant du corps. Cette séparation du Symbolique et du Corps éprouvée dans
le Réel est ouverte à tout sujet du langage puisque rien que la parole y compte. Cette
ouverture de l’être aux plus démunis, aux névrosés sinon aux fous, cette croyance à
l’existence de l’inconscient est encore une initiation mais cet accès au discours de la science
par quiconque (pas tous) opère une synthèse nouvelle du savoir et de l’universel.
N’est-ce pas, chez Freud, charité que d’avoir permis à la misère des êtres parlants
de se dire qu’il y a—puisqu’il y a l’inconscient—quelque chose qui transcende,
qui transcende vraiment, et qui n’est rien d’autre que ce qu’elle habite, cette
espèce, à savoir le langage? N’est-ce pas, oui, charité que de lui annoncer cette
nouvelle que dans ce qui est sa vie quotidienne, elle a avec le langage un support
de plus de raison qu’il n’en pouvait paraître, et que, de la sagesse, objet
inatteignable d’une poursuite vaine, il y en a déjà là? (Lacan Encore 88)
La foi ne peut suffire à effacer le savoir dont elle voudrait se passer. D’ailleurs l’acte de foi
ne suffit pas, réduisant la religion à un légalisme, la vérité est dans les oeuvres (JE PEUX
AVOIR UNE FOI À SOULEVER LES MONTAGNES, SI JE N’AI PAS LA CHARITÉ JE
NE SUIS RIEN) c’est l’Amour qui doit triompher par la vraie foi. Il y aurait de quoi rire
quand on voit le résultat, bouleversements par quoi s’accomplit la génération future mais
surtout épuisement d’un idéal trompé qui engendre dans les rigueurs de l’hiver la fièvre d’un
nouveau printemps. La roue de l’histoire nous broie de crise en crise, ballottés au gré de la
ruse de la raison dans ce qui nous confronte à l’Histoire et ses dialectiques subtiles ou
guerrières.
L’amour et la liberté
JE NE FAIS PAS LE BIEN QUE JE VEUX, ET JE FAIS LE MAL QUE JE NE VEUX PAS.
(PAUL)
Le message de l’évangile, inspiré du narcissisme primaire de Dieu pour sa créature (Aime ton
prochain comme toi-même), reste supérieur au simple arbitraire de la foi. Mais l’amour ne
suffit pas, ne suffit plus. L’époque court après la liberté de guerres de libérations en libertés
sexuelles. L’amour est libérateur, il nous sauve mais l’amour est tyrannique aussi, il nous
soumet à une autre volonté. Pourtant l’amour comme la foi a besoin du libre arbitre, sans
liberté de critiquer pas d’éloge flatteur (mortelle jalousie). L’amour qui unit ne doit pas
retrancher la diversité qu’il contient mais unir en préservant la liberté de chacun.
L’amour nous abandonne sous ses rêves infinis, prend toutes les formes de la folie trahie.
Pourtant il nous séduit à chaque rencontre assurément. C’est le lien qui nous lie, les bornes
qui nous rompent.
L’amour sans la liberté n’est plus l’amour que nous aimons. La liberté d’abord à notre
image donne foi et raison, matière, consistance, que l’amour vient combler d’une égale
rencontre.
Mais sans amour comment serons-nous libres ? Prophètes de malheur qui prêchent le coeur
sec, nous n’avons plus besoin de vous, passez comme poussière dans notre nuit d’étoiles,
l’espace nous remplit de son immense souffle.
Lois, Richesses
C’est l’amour qu’il faut changer
Je n’aime pas les femmes. L’amour est à réinventer, on le sait. Elles ne peuvent
plus que vouloir une position assurée. La position gagnée, coeur et beauté sont
mis de côté: il ne reste plus que froid dédain, l’aliment du mariage
d’aujourd’hui. Ou bien je vois des femmes, avec les signes du bonheur, dont,
moi, j’aurais pu faire de bonnes camarades, dévorées tout d’abord par des brutes
sensibles comme des bûchers...
Que parlais-je de main amie! Un bel avantage, c’est que je puis rire des vieilles
amours mensongères, et frapper de honte ces couples menteurs,—j’ai vu l’enfer
des femmes là-bas;—et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et
un corps. (Rimbaud)
Dire que l’Absolu est non seulement Substance, mais encore Sujet, c’est dire
que la Totalité implique la Négativité, en plus de l’Identité. C’est dire aussi que
l’être se réalise non pas seulement en tant que Nature, mais encore en tant
qu’Homme. Et c’est dire enfin que l’Homme, qui ne diffère essentiellement de
la Nature que dans la mesure où il est Raison (Logos) ou Discours cohérent
doué d’un sens qui révèle l’être, est lui-même non pas être-donné, mais Action
créatrice (= négatrice du donné). L’Homme n’est mouvement dialectique ou
historique (= libre) révélant l’être par le Discours que parce qu’il vit en fonction
de l’avenir, qui se présente à lui sous la forme d’un projet ou d’un “but”
(Zweck) à réaliser par l’action négatrice du donné, et parce qu’il n’est lui-même
réel en tant qu’Homme que dans la mesure où il se crée par cette action comme
une oeuvre (Werk). (Kojève. Introduction... p 533)
C’est pourquoi l’essence de l’esprit est formellement la liberté, la négativité
absolue du concept comme identité avec soi. Selon cette détermination
formelle, il peut faire abstraction de tout ce qui est extérieur et de sa propre
extériorité, de sa présence même; il peut supporter la négation de son
immédiateté individuelle, la souffrance infinie, c’est-à-dire se conserver
affirmatif dans cette négation et être identique pour lui-même. Cette
possibilité est en elle-même l’universalité abstraite de l’esprit, universalité
qui-est-pour-elle-même. (§382)
Le révéler qui, en tant qu’il est l’idée abstraite, est passage immédiat, devenir de
la nature, est, comme révéler de l’esprit, lequel est libre, un acte qui pose la
nature comme son monde; un poser qui, en tant que réflexion, est en même temps
présupposer du monde comme nature autonome. Dans le concept l’acte de
révéler est en même temps acte de créer ce monde, comme son être en lequel il se
donne l’affirmation et la vérité de sa liberté. (§ 384 Hegel Ency.)
La liberté, qui a été l’objet de luttes religieuses (Luther) avant d’inspirer les révolutions
modernes, est la substance de la responsabilité et donc de la culpabilité (Platon: La faute est à
qui choisit; le dieu n’y est pour rien—Timée. C’est vous qui choisirez un démon, et non pas
un démon qui vous prendra.—République). C’est aussi le nom de l’énigme du réel et de
l’exigeant devoir d’y répondre, dans l’impossibilité de pouvoir s’y mesurer à notre finitude
même: pas de liberté sans ignorance, mise en question, mais pas de liberté qui vaille sans être
la mise en commun de cette ignorance avec un autre qui l’objective par son désir.
La liberté est nécessaire à l’homme, à l’esprit, au progrès (les lumières). On peut bien
l’enfermer, la voler, la détruire elle ne recule pas longtemps, toute occupée à briser les chaînes
qui l’entravent. On n’a pas le choix, on est libre c’est à dire obligé de choisir (chaque
représentation opère un jugement) et responsable pour l’Autre de notre identité (la personne),
au-delà de tout déterminisme. L’homme est libre pour l’homme, l’esprit pour l’esprit. La
liberté est d’abord le dialogue ou la lutte de pur prestige. La liberté du désir, désir de l’Autre,
de reconnaissance, est une contrainte formelle, libération du donné, négatrice, pure
affirmation de l’esprit, de l’identité autonome, réflexive (Je=Je) donc incarnée. L’unité de
l’esprit est sa liberté, sa liberté est son unité. Tout commence par la révolte, déclaration
d’indépendance (La liberté ou la mort).
Il faut distinguer la liberté absolue et tyrannique de l’arbitraire avec une liberté multiple et
divisée mais concrète. L’histoire manifeste la liberté de reproduction qui se reproduit en se
transformant, en transformant ses conditions de reproduction. L’homme est son propre
produit incalculable en ses effets. C’est la signification imprévisible de sa liberté, la
naissance de sa possibilité, sa mise au monde infinie. Notre dignité est d’en concevoir les
possibles et d’en cultiver les avantages, corriger les dérives, imposer notre direction, inscrire
notre marque pour l’à venir, bien faire et bien dire, tenir sa place. Non pas seulement libre de
quelque chose mais libre pour.
Notre charte est celle de nos pères qui n’ont pas achevé la besogne mais tracé le sillon.
Chacun est libre de vivre comme il veut (comme le veut sa raison unique et déchirée dans
notre commune solitude), chacun se vaut parole contre parole (sans distinctions de fortune ou
de sang) et chacun vit en nous (solidaire, miroir et juge): Liberté, égalité, fraternité. Cela ne
va pas de soi. L’avenir dépend de ce que nous en ferons, il dépend de nos actes. (Manifeste)
La fin de la Science
Un coup de dé jamais n’abolira le hasard (Mallarmé).
Là pas d’espérance
Nul orietur
Science avec patience
Le supplice est sûr
C’est la vision des nombres. Nous allons à l’Esprit. C’est très certain, c’est
oracle ce que je dis. Je comprends, et ne sachant m’expliquer sans paroles
païennes, je voudrais me taire.
Depuis la physique quantique et le nazisme, la science n’en finit pas de tracer ses limites du
Chaos aux constantes de l’Univers, de la médecine à l’écologie. Le mur infranchissable est
physique. Notre position dans l’univers ne nous empêche pas d’en rien savoir mais d’en
savoir tout. Lorsque le physicien se trouve face à ses propres limites et non face à l’énigme
du réel il perd l’énergie de la vérité qui en a permis la formalisation. La physique se réduit à
son efficacité et donc à la technique dont la science a toujours voulu se distinguer pourtant
dans la confrontation de son formalisme au réel de l’expérience (Le réel c’est l’impossible,
seul le réel est rationnel). C’est le point où les illusions qu’elle véhiculait s’effondrent, sa
conception du monde, son idéologie, ses présuppositions, nous laissant désemparés face à
notre destin. La prétention d’occuper la place des anciens dieux y devient risible. Un Dieu
n’est pas une figure géométrique, c’est un combat pour une cause, c’est le concept qui
mesure notre peine (Lennon).
Les contraintes sont devenues moins occultes, plus grossières, moins puissantes,
plus nombreuses.
Il faut que le communisme s’écroule réellement pour que notre condamnation de sa tyrannie
devienne réfutation de sa mythologie. Il faut que la Science baisse les armes devant le réel
pour que se révèle la naïveté des attentes qu’elle a pu susciter malgré toutes ses dénégations.
La psychanalyse est le lieu d’émergence de ce sujet de la science, le point de ses contradictions
(énoncé limité par son énonciation) encore méconnu par ses tenants, ce qui ne l’empêche pas
de travailler les discours et subvertir l’assurance que l’homme moderne trouvait dans sa
rationalité formelle. La question refoulée de l’origine et du sens retrouve son antique actualité.
La Sagesse n’y est d’aucun secours qu’à nourrir de silence le cycle des générations, laissant la
plainte sans réponses. Mieux vaut se réclamer de son Daimon, de son symptôme, de sa folie
singulière que d’une perfection usurpée et inactuelle. L’universalité de l’esprit s’étend au-delà
des pauvres d’esprit, des prolétaires, de toute normalité jusqu’à la folie, aux rêves, aux actes
manqués. L’inadéquation de l’individu à l’universel est sa maladie originaire. (§ 375 Ency.
Hegel)
L’être de l’homme, non seulement ne peut être compris sans la folie, mais il ne
serait pas l’être de l’homme s’il ne portait en lui la folie comme limite de sa
liberté.
Que chacun fasse référence à sa vie. Est-ce qu’il a ou non le sentiment qu’il y a
quelque chose qui se répète dans sa vie, toujours la même, et que c’est ça qui est
le plus lui. Un certain mode du jouir, un stéréotype qui est bien le stéréotype de
chacun, témoignant d’un manque vraiment essentiel.
L’être parlant ne sait pas les pensées même qui le guident. Ces pensées comme
toutes les autres, se caractérisent par ceci qu’il n’y a pas de pensée qui ne
fonctionne comme la parole, qui n’appartienne au champ du langage. La façon
dont Freud opère, part de la forme articulée que son sujet donne à des éléments
comme le rêve, le lapsus, le mot d’esprit. La nouvelle forme qu’il lui substitue
par l’interprétation est de l’ordre de la traduction, et la traduction c’est toujours
une réduction. Il y a toujours une perte. Cette perte, c’est le réel de
l’inconscient, le réel même tout court. Le réel pour l’être parlant, c’est ce qu’il
perd, et surtout qu’il se perd quelque part, et où? C’est là que Freud a mis
l’accent, il se perd dans le rapport sexuel. Il y a des normes sociales faute de
toute norme sexuelle.
Même si les souvenirs de la répression familiale n’étaient pas vrais, il faudrait les
inventer, et on n’y manque pas. Le mythe, c’est ça, la tentative de donner forme
épique à ce qui s’opère de la structure.
Où en tout ça, ce qui fait bon heur? Exactement partout. Le sujet est heureux. C’est
même sa définition puisqu’il ne peut rien devoir qu’à l’heur, à la fortune autrement
dit, et que tout heur lui est bon pour ce qui le maintient, soit pour qu’il se répète.
L’étonnant n’est pas qu’il soit heureux, c’est qu’il prenne idée de la béatitude, une
idée qui va assez loin pour qu’il s’en sente exilé.
La tristesse c’est simplement une faute morale, un péché, ce qui veut dire une lâcheté
morale, qui ne se situe en dernier ressort que de la pensée, soit du devoir de bien dire
ou de s’y retrouver dans la structure.
(Lacan)
La folie n’est pas, pourtant, une simple dimension intellectuelle, un jeu d’esprit mais bien le
risque de la pensée, son arbitraire sans garantie livré à l’échange avec l’autre ou à
l’effondrement du rapport à l’autre.
(Arthaud)
•••
Oh! mes amis!—mon coeur, c’est sûr, ils sont frères Noirs inconnus, si nous
allions! allons! allons!
Ô saisons, ô châteaux!
Quelle âme est sans défauts?
J’ai fait la magique étude
Du bonheur, qu’aucun n’élude
Je vis que tous les êtres ont une fatalité de bonheur: l’action n’est pas la vie,
mais une façon de gâcher quelque force, un énervement. La morale est la
faiblesse de la cervelle.
Aucun des sophismes de la folie,—la folie qu’on enferme,—n’a été oublié par
moi: je pourrais les redire tous, je tiens le système.
Je est un autre. Tant pis pour le bois qui se trouve violon et nargue aux
inconscients qui ergotent sur ce qu’ils ignorent tout à fait.
Si les vieux imbéciles n’avaient pas trouvé du moi que la signification fausse,
nous n’aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps
infini ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s’en clamant
les auteurs!
La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance,
entière; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend. Dès qu’il la sait, il
doit la cultiver; cela semble simple: en tout cerveau s’accomplit un développement
naturel; tant d’égoïstes se proclament auteurs qui s’attribuent leur progrès
intellectuel!—Mais il s’agit de faire l’âme monstrueuse: à l’instar des
comprachicos, quoi! Imaginez un homme s’implantant et se cultivant des verrues
sur le visage.
Il est chargé de l’humanité, des animaux même; il devra faire sentir, palper,
écouter ses inventions; si ce qu’il rapporte de là-bas a forme, il donne forme; si
c’est informe, il donne de l’informe. Trouver une langue;
—Du reste, toute parole étant idée, le temps d’un langage universel viendra!
Cette langue sera de l’âme pour l’âme, résumant tout, parfums, couleurs, de la
pensée accrochant la pensée et tirant. Le poète définirait la quantité d’inconnu
s’éveillant en son temps dans l’âme universelle: il donnerait plus que la formule de
sa pensée, que la notation de sa marche au Progrès! énormité devenant norme,
absorbée par tous, il sera vraiment un multiplicateur de progrès! La poésie ne
rythmera plus l’action; elle sera en avant.
Ces poètes seront! Quand sera brisé l’infini servage de la femme, quand elle
vivra pour elle et par elle, l’homme,—jusqu’ici abominable,—lui ayant donné
son renvoi, elle sera poète, elle aussi! la femme trouvera de l’inconnu! Ses
mondes d’idées différeront-ils des nôtres?—Elle trouvera des choses étranges,
insondables, repoussantes, délicieuses; nous les prendrons, nous les
comprendrons.
Rimbaud
source: http://perso.wanadoo.fr/marxiens/philo/pretapen/hermes.htm