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RÉVÉLATION PERDUE

(Florilège de l’hermétisme)

Initiation Secret Trinité Actuel (confusion)

Avant-propos

(Traité d’alpinisme analogique)

Ces observations sont celles d’un débutant; comme elles sont toutes fraîches et qu’elles
concernent les premières difficultés que rencontre un débutant, elles seront peut-être plus utiles
à celui-ci, pendant ses premières courses, que les traités écrits par les maîtres, qui sont sans
aucun doute plus méthodiques et plus complets, mais qui ne sont intelligibles qu’après si peu
que ce soit d’expérience préparatoire: toute l’ambition de ces quelques notes est d’aider le
débutant à acquérir un peu plus vite cette expérience préparatoire.

Définitions.—L’alpinisme est l’art de parcourir les montagnes en affrontant les plus grands
dangers avec la plus grande prudence.

On appelle ici art l’accomplissement d’un savoir dans une action.

On ne peut pas rester toujours sur les sommets. Il faut redescendre...

A quoi bon, alors? Voici: le haut connaît le bas, le bas ne connaît pas le haut. En montant,
note bien toutes les difficultés de ton chemin; tant que tu montes, tu peux les voir. A la
descente, tu ne les verras plus, mais tu sauras qu’elles sont là, si tu les as bien observées.

Il y a un art de se diriger dans les basses régions, par le souvenir de ce qu’on a vu lorsqu’on
était plus haut. Quand on ne peut plus voir, on peut du moins encore savoir.

Tiens l’oeil fixé sur le sommet, mais n’oublie pas de regarder à tes pieds. Le dernier pas
dépend du premier. Ne te crois pas arrivé parce que tu vois la cime. Veille à tes pieds, assure
ton pas prochain, mais que cela ne te distraie pas du but le plus haut. Le premier pas dépend
du dernier.

Lorsque tu vas à l’aventure, laisse quelque trace de ton passage, qui te guidera au retour: une
pierre posée sur une autre, des herbes couchées d’un coup de bâton. Mais si tu arrives à un
endroit infranchissable ou dangereux, pense que la trace que tu as laissée pourrait égarer ceux
qui viendraient à la suivre. Retourne donc sur tes pas et efface la trace de ton passage. Cela
s’adresse à quiconque veut laisser dans ce monde des traces de son passage. Et même sans le
vouloir, on laisse toujours des traces. Réponds de tes traces devant tes semblables.

René Daumal

•••

Terrible, une destinée.


Rapide ainsi passe toute chose du ciel.
En vain ? non. Soucieux de la mesure, toujours, avec précaution, touche
Aux demeures des hommes
Un Dieu, l’espace d’un moment,
Et eux ne le savent point, mais longuement
Préservent la mémoire, et demandent, quel il fut. (Conciliateur)

Oui, le monde, sans cesse, avec un cri


De joie s’arrache à cette terre, la laissant
Dépouillée où l’humain ne le sait retenir. Mais d’une parole
Demeure la trace; qu’un homme peut saisir. (L’Unique)

Hölderlin

Initiation au Symbolique

VOUS ÉTIEZ EN CE LIEU AVANT QUE D’Y ENTRER VOUS Y SEREZ ENCORE
QUAND VOUS EN SEREZ SORTIS.

LITTERA (SENSUS HISTORICUS) GESTA DOCET; QUID CREDAS, ALLEGORIA;


MORALIS, QUID AGAS; QUID SPERAS, ANAGOGIA. C23

La religion positive est l’aspect exotérique de l’Idée, et l’Idée est l’aspect ésotérique de la
religion positive... La religion positive est le symbole; l’Idée est le symbolisé. L’exotérique est
en perpétuelle fluctuation avec les cycles et périodes du monde; l’ésotérique est une Energie
divine qui n’est pas soumise au devenir. (‘Nâsir-e Khosraw) C24

Celui qui ignore qui il est, étant non initié et profane, n’est pas en disposition de participer à la
providence d’Apollon. (IN ALC. 5-6 p4)
De même donc qu’il y a d’abord dans les initiations, des purifications, des rites d’ablution et
d’expiation, qui constituent des exercices préparatoires aux cérémonies accomplies en secret
et à la participation au divin, de même, me semble-t-il, l’initiation philosophique, elle aussi,
constitue, pour ceux qui s’y livrent, une purification préliminaire et une préparation à la
connaissance de nous-mêmes et à la contemplation immédiate de notre essence. (IN ALC.
8-9 p7)

De la même manière donc dans les plus saintes d’entre les Initiations, avant l’apparition du
dieu, se produit l’irruption de certains démons chthoniens et des visions qui terrorisent ceux
que l’on initie, les éloignent des biens immaculés et les entraînent vers la matière. (IN ALC.
39-40)

(Proclus)

•••

Platon rapporte, dans son Timée, la visite du premier sage Solon avec des prêtres d’Egypte. “Il
se mit à leur raconter ce que l’on sait chez nous de plus ancien... Alors un des prêtres, qui était
très vieux, lui dit: Ah! Solon, Solon, vous autres Grecs, vous êtes toujours des enfants, et il n’y
apoint de vieillard en Grèce. A ces mots: Que veux-tu dire par là? demanda Solon.—Vous êtes
tous jeunes d’esprit, répondit le prêtre; car vous n’avez dans l’esprit aucune opinion ancienne
fondée sur une vieille tradition et aucune science blanchie par le temps... Chez vous et chez les
autres peuples, à peine êtes-vous pourvus de l’écriture et de tout ce qui est nécessaire aux cités
que de nouveau, après l’intervalle de temps ordinaire, des torrents d’eau du ciel fondent sur
vous comme une maladie et ne laissent survivre de vous que les illettrés et les ignorants, en
sorte que vous vous retrouvez au point de départ comme des jeunes, ne sachant rien de ce qui
s’est passé dans les temps anciens, soit ici, soit chez vous. Car ces généalogies de tes
compatriotes que tu récitais tout à l’heure, Solon, ne diffèrent pas beaucoup de contes de
nourrices.”

Mais Platon lui-même n’y voit que des histoires de famille bien obscures sans avoir plus accès à
la logique narrative du mythe où l’on peut s’imaginer, en effet, qu’on nous raconte des histoires.
Les pères du christianisme qui voulaient croire à la réalité platement historique de l’incarnation
ou de la virginité se rassuraient de la bien plus grande vraisemblance, tout de même, des récits
extraordinaires de la Bible comparés aux horreurs délirantes des païens. Ainsi:

D’autre part, ils ont rapporté avec exactitude, à ce qu’ils s’imaginent, ce que ces
dieux ont accompli: que Kronos a coupé les génitoires de son père, qu’il l’a jeté
à bas de son char et qu’il tuait ses enfants mâles en les “avalant”; que Zeus, après
avoir enchaîné son père, l’a précipité dans le Tartare, tout comme le Ciel l’a fait
avec ses fils, qu’il a poursuivi sa mère Rhéa, qui lui refusait l’union: comme elle
s’était transformée en un serpent, il prit lui aussi la même forme et, après l’avoir
attachée avec le noeud d’Hercule, il s’unit à elle—la verge d’Hermès est un
symbole de cette union—; ensuite, qu’il s’est uni à Perséphone, sa fille, en la
violant, elle aussi, sous la figure d’un serpent, d’où naquit Dionysos.

Il fallait bien que je dise au moins cela; qu’y-a-t-il de respectable ou de bien dans
cette histoire, qui nous fasse croire que Kronos, Zeus, Koré et les autres sont des
dieux?

PHANÈS ENGENDRA UN AUTRE REJETON EFFRAYANT DE SON


VENTRE SACRÉ: ECHIDNA LA VIPÈRE, EFFROYABLE À VOIR SUR LA
TÊTE ELLE AVAIT DE LONGS CHEVEUX, ET UN VISAGE AGRÉABLE À
VOIR; LE RESTE, DEPUIS LE COMMENCEMENT DU COU ETAIT CELUI
D’UN SERPENT ÉPOUVANTABLE. O65

On s’en tire à bon compte assurément en parant l’inconnu de tous les vices imaginaires,
comme un épouvantail, puis en se rassurant à tenir ses propres vertus, de clairvoyance et de
charité, pour acquises de simplement s’énoncer. Le règne de l’horreur ne s’est pas arrêté,
hélas, au seuil de la civilisation chrétienne ni au siècle de la science bien que les Dieux y
semblent plus présentables. Le discours policé détourne le regard et ne fait qu’habiller ses
exactions. Ce n’est pas un progrès. Il n’y a pas tant de raisons de croire que nos ancêtres en
savaient moins que nous, eux qui savaient qu’une chimère est un assemblage mythique, un
animal de fable.

Même si elle témoigne de la folie qui reste au coeur de la pensée (Le mythe c’est lorsqu’on
est partie prenante), il n’est pas raisonnable de réduire la mythologie à la description d’une
réalité matérielle alors qu’elle se présente clairement comme une construction conceptuelle.
N’en déplaise aux bacheliers et quelque bêtise qu’on prête aux écrits “primitifs”, il n’est pas
possible d’interpréter la division des quatre éléments (eau, terre, air, feu) autrement qu’en
termes conceptuels, comme Hegel l’a noté dans son Encyclopédie; il faut donc les prendre
dans leurs oppositions, combinaison des couples continu/discontinu et actif/passif. Le mythe
mettant en scène, comme dans une fugue musicale, une opposition constitutive et sa
résolution finale. Une enquête ethnographique ne peut donner bien sûr le même résultat selon
qu’elle peut interroger la foi du charbonnier ou celle d’un Thomas d’Aquin; elle n’a pas
encore été entreprise sur notre territoire religieux et c’est dommage car l’étude des variations
géographiques met en valeur les oppositions significatives, les enjeux de ces représentations
qui fondent l’unité d’une communauté et sont, depuis toujours, et d’abord, un instrument
politique d’unification ou de différenciation mais fondé en discours, légitime. On croit, de
structure, que notre représentation est la seule vraie, les temps modernes n’y échappent pas
malgré leurs insolentes prétentions de transparence et de sciences objectives. L’effondrement
des idéologies du temps devrait pourtant nous éclairer sur la fragilité de notre conception du
monde et des mythes sur lesquels nous fondons notre foi sans le savoir. Les dieux sont
inconscients, en cela ils sont réels. Ce n’est pas une découverte pour tout le monde (Le
monde entier est rempli de dieux—Thalès).

L’étude des anciennes religions, d’autres traditions que celle dont on croit répondre n’est pas
une démarche de croyant mais de théologien, de théurges comme disaient les Chaldéens: des
faiseurs de dieux, des poètes. Le commun des mortels, scientifiques, fanatiques, commerçants
se contentent du sentiment de la supériorité de leurs propres (in)croyances, de la gloire
d’appartenir au peuple des élus, des clairs voyants. C’est toute la compréhension et la patience
qu’on peut attendre devant d’autres mythologies, n’hésitant pas à faire de celui qui s’y attarde
un peu un illuminé qui s’exclut de lui-même de la communauté intelligible; et peut-être a-t-on
raison car les pièges sont nombreux.

Il faut donc se servir des mythes, non point comme de raisons absolument
probantes, mais pour prendre en chacun les traits de ressemblance qui se
concilient avec notre pensée. (Plutarque De Isis 58)

De sorte que le mythe serait là pour nous montrer la mise en équation sous une forme
signifiante d’une problématique qui doit par elle-même laisser nécessairement quelque chose
d’ouvert, qui répond à l’insoluble en signifiant l’insolubilité et qui fournit (ce serait là la
fonction du mythe) le signifiant de l’impossible. Lacan

Il n’est pas question d’outrepasser notre pouvoir et décrire ce qu’on ne peut voir mais bien au
contraire en affirmant qu’Il y a cela de vrai qu’on ne sait rien de vrai H253 formuler ce qui
peut et doit pourtant être dit plutôt que se complaire dans un scepticisme stérile ou le
verbalisme inutile de sophistes comme Prodicos. Ce devoir de bien-dire ne peut, dès lors,
s’appuyer sur autre chose que sa trace, sa tradition, son histoire dont il s’origine quitte à les
contredire. Il n’y a qu’inconvénient pour l’homme à vouloir vivre dans l’instant sans la leçon
des siècles passés, à la merci de nouvelles tyrannies (Le scepticisme mène au dogmatisme. cf.
Kojève). L’animal se suffit de l’immédiateté des corps, l’esprit prévoit en marquant la
mémoire. Depuis qu’il y a des hommes, emportés par les tourmentes, la mémoire est un
devoir. La voilà enfouie sous l’abondance éphémère des marchandises et un déluge
d’informations mesurées à leur rapidité de transmission. Le monde serait à réinventer chaque
matin s’il nous en laissait la liberté, si la liberté était un bien inaliénable dont il suffirait de
jouir dans l’immédiat. Mais la liberté est un bien toujours à conquérir, dont nous sommes
responsables et que le monde contraint, contredit, conforme.

Pour l’Occident, nous en sommes encore à la religion de l’empire romain, au Catholicisme de


Constantin avec ses Orthodoxes ou Protestants. Et la science n’a pas entamé la croyance dans
une incarnation historique et platement réaliste du fils de dieu mort sur la croix (Le concept de
la religion véritable, c’est-à-dire de celle qui a pour contenu l’esprit absolu, implique
essentiellement qu’elle soit révélée, et révélée par Dieu. Hegel Encyc. §564) refoulant la
gnose au nom d’une vérité historique. Les juifs qui ont hérité leur rôle d’exclusion de
l’origine, assigné par l’empire universel, croient encore, de par leur malheur extrême, qu’ils
sont vraiment le peuple élu (les Chinois sont au milieu mais que viennent-ils faire dans cette
histoire?). Il faut donc, sur ce sujet comme sur les autres, rétablir l’antique vérité qui est de
représentation.

Je te dirai d’abord pour quelle raison, dans les écrits des anciens scribes sacrés,
on trouve rapportées bien des opinions diverses, de même que, chez les sages
encore vivants, sur les grands sujets la doctrine n’est pas transmise d’une manière
uniforme. Voici mon avis: comme il existait beaucoup d’essences fort
différentes, la tradition leur a assigné une multiplicité de principes qui
comportaient une grande variété de degrés et changeaient selon les divers récits
des anciens prêtres; l’ensemble en a été complètement exposé par Hermès dans
ses livres, vingt mille selon la description de Séleucus, ou trente-six mille cinq
cent vingt cinq d’après l’histoire de Manéthon. J187

Ce qui frappe dans l’étude de l’antiquité, c’est qu’une grande différence de figurations, de
préceptes, de civilisation, ne s’opposait pas à une grande unité de pensée des prêtres ou des
sages, contacts réciproques et traductions des mythes pour aboutir, à l’époque hellénistique,
au syncrétisme des religions d’Orient et d’Occident (on pourrait dire la même chose pour
l’époque actuelle dominée par des monothéismes à la fois très ressemblants et attachés à leurs
divergences. Pour Lévi-Strauss le mythe est toujours “dérivé par rapport à d’autres
mythes...Il est une perspective sur une langue autre” p576). La découverte de l’écriture faisait
déjà le règne de l’archive, systématisant les mythes agraires du Néolithique. Des mythes
sumériens, nous n’avons que des notations mais la tradition en sera continuée par les
Égyptiens, les Perses, les Phéniciens, les Hébreux, les civilisations minoennes et par celles-ci
les Grecs. Bien plus tard, après les conquêtes d’Alexandre, les Hébreux vont défendre le
prêtre et la lettre sacrée unifiante contre son assimilation à l’universalité de la marchandise
(Le zèle contre la loi a créé le zèle pour la loi), tandis que les Grecs en généralisant et
banalisant l’écriture l’ouvrent à l’universel de la science et de la philosophie avec, pourtant, la
nostalgie déjà du sacré perdu, devant l’énigme d’une nuit qui gagne au plus profond de nos
ténèbres. Au temps de l’empire romain, la tradition hermétique constitue l’aboutissement des
traditions antiques, de la confrontation, dans la ville d’Alexandrie, de la philosophie grecque
(la langue et l’éclectisme post-sceptique mélant Platon, Aristote et les stoïciens sous le nom
de néo-platoniciens ou néo-pythagoriciens), de la religion égyptienne-chaldéènne (le lieu) et
des sectes mystiques iraniennes (culte de Mithra) ou juives (Esséniens) qui préparaient
l’invention du Christ et se disaient déjà Thérapeutes, médecins de l’âme. La mystique de
l’Islam revendique encore son ésotérisme mais la science de l’expérience s’est construite sur
le refoulement de ce savoir absolu sans pouvoir l’effacer. On ne peut se passer de ce passage
commun à tant de traditions. Sa matrice généreuse éclaire tout autant la philosophie de
Pythagore, de Parménide, d’Héraclite, de Platon ou de Hegel que les livres de la sagesse
indienne, le manichéisme, l’alchimie, les cultes de l’ancienne Egypte.

Pour nous guider vers cette révélation de la tradition, nous devions convoquer enfin le
Théologien, le souvenir du divin Orphée.

Orphée qui, le premier a trouvé les noms des dieux, qui a rapporté leurs
généalogies, qui a raconté ce que chacun d’eux avait accompli, et qui passe chez
les Grecs pour le théologien le plus véridique. O63

Il l’a fait aussi pour nous apprendre à rapporter les inventions mythiques, comme
il convient, à la vérité sur les dieux et à faire remonter une histoire, apparemment
monstrueuse, à une conception scientifique. O101

Aristote enseigne que le poète Orphée n’a jamais existé, et le poème orphique
certains disent qu’il est dû à Cercops le pythagoricien; cependant Orphée,
c’est-à-dire son image, comme vous le voulez, me vient souvent à l’esprit. O10

On le dit de naissance Thrace (étranger pour un Grec comme Dyonisos ou Zalmoxis),


rapportant d’Egypte les mystères d’Isis et d’Osiris (Eleusis et Dyonisos correspondant à Isthar
et Tammuz ou Innana et Dumuzi en sumérien), c’est en Crète pourtant qu’il situe
l’intelligence:
Les théologiens ont accoutumé de poser la Crète comme substitut de
l’Intelligible. O110

La Crète représentait pour les Grecs la civilisation qu’ils avaient brutalement anéantie à leur
arrivée et dont ils eurent longtemps la nostalgie avant de redécouvrir l’écriture grâce aux
Phéniciens.

L’Orphisme est constitué par ses textes, ses écrits théologiques qui permettent l’initiation
aux mystères de la génération sexuelle, de la (re)naissance, un par un (Purification/Epreuve,
Illumination/Extase, Savoir/Immortalité), contrepartie de l’écriture, prenant le relais des
initiations guerrières (sociétés d’hommes) et des initiations de métier, initiation à l’esprit, à
l’universel, à l’éternité de la lettre.

De son chant qui s’élève de loin et porte plus loin encore, Orphée guidera nos pensées comme il
voulut guider son Eurydice hors du royaume des ténèbres et résonnera pour nous le sens
intelligible de ces mythes immémorables (sumérien, égyptien, hittite, phénicien).

SUMÉRIEN

SUR LA MONTAGNE DU CIEL ET DE LA TERRE


AN ENGENDRA LES GRANDS DIEUX

LE SEIGNEUR, DÉCIDÉ À PRODUIRE CE QUI ÉTAIT UTILE,


LE SEIGNEUR DONT LES DÉCISIONS SONT IMMUABLES,
ENLIL, QUI FAIT GERMER DE LA TERRE LA SEMENCE DU “PAYS”,
IMAGINA DE SÉPARER LE CIEL DE LA TERRE,
IMAGINA DE SÉPARER LA TERRE DU CIEL. K97

QUAND LE CIEL EUT ÉTÉ ÉLOIGNÉ DE LA TERRE,


QUAND LA TERRE EUT ÉTÉ SÉPARÉE DU CIEL,
QUAND LE NOM DE L’HOMME EUT ÉTÉ FIXÉ,
QUAND AN EUT “EMPORTÉ” LE CIEL,
QUAND ENLIL EUT “EMPORTÉ” LA TERRE. K96
OR, TERRE SE TOURNA VERS AMAKANDU, SON FILS,
ET LUI DIT: “VIENS! QUE JE TE FASSE L’AMOUR!”
AMANKADU PRIT DONC SA MÈRE POUR ÉPOUSE,
ET IL TUA HARAB, SON PÈRE,
L’ENSEVELIT À DUNNU, SA VILLE PRÉFÉRÉE,
ET S’EMPARA DE SON POUVOIR SEIGNEURIAL.
PUIS IL PRIT MER, SA SOEUR AÎNÉE, POUR ÉPOUSE.
SURVINT ALORS LAHAR, FILS D’AMAKANDU,
LEQUEL TUA AMAKANDU ET, À DUNNU,
L’ENSEVELIT DANS LE TOMBEAU DE SON PÈRE
IL PRIT ALORS MER, SA MÈRE, POUR ÉPOUSE,
LAQUELLE MER AVAIT ÉGORGÉ TERRE, SA MÈRE. B473

(ENÛMA ELIS)

LORSQUE LÀ-HAUT LE CIEL N’ÉTAIT PAS ENCORE NOMMÉ


ET QU’ICI-BAS LA TERRE-FERME N’ÉTAIT PAS APPELÉE D’UN NOM,
SEULS APSÛ-LE-PREMIER, LEUR PROGÉNITEUR,
ET MÈRE TIAMAT, LEUR GÉNITRICE À TOUS,
MÉLANGEAIENT ENSEMBLE LEURS EAUX.
ET ALORS QUE DES DIEUX, NUL N’ÉTAIT ENCORE APPARU,
QU’ILS N’ÉTAIENT NI APPELÉS DE NOMS NI LOTIS DE DESTINS,
EN APSÛ-TIAMAT DES DIEUX FURENT PRODUITS
BOULEVERSANT L’INTÉRIEUR DE TIAMAT,
ILS TRACASSÈRENT, PAR LEURS ÉBATS, LE DEDANS DE
L’HABITACLE DIVIN
APSÛ AYANT OUVERT SA BOUCHE
HAUSSA LA VOIX ET DIT À TIAMAT:
JE VEUX RÉDUIRE À RIEN ET ABOLIR LEUR ACTIVITÉ
POUR QUE SOIT RÉTABLI LE SILENCE ET QUE NOUS AUTRES, NOUS
DORMIONS!

TIAMAT ENTENDANT CELA,


COURROUCÉE VOCIFÉRA CONTRE SON ÉPOUX:
POURQUOI, NOUS-MÊMES DÉTRUIRIONS-NOUS CE QUE NOUS AVONS
PRODUIT?
OR TOUT CE QU’ILS AVAIENT MACHINÉ EN LEUR RÉUNION,
ON LE RÉPÉTA AUX DIEUX LEURS REJETONS.
L’AYANT APPRIS, CES DIEUX S’AGITÈRENT (B604/606)

QUAND IL EUT ENDORMI APSÛ, ENVAHI DE SOMMEIL,


EA DÉTACHA LE BANDEAU-FRONTAL D’APSÛ ET ÔTA SA COURONNE;
PUIS L’AYANT TERRASSÉ, IL LE MIT-À-MORT
UNE FOIS QU’EA EUT IMMOBILISÉ ET TERRASSÉ CES MALVEILLANTS,
ET REMPORTÉ SON TRIOMPHE SUR CES ADVERSAIRES
IL PRIS SES APPARTEMENTS ET SE REPOSA DANS LE PLUS GRAND
CALME:
IL APPELA CE PALAIS APSÛ, ET L’ON Y MARQUA LES
SALLES-DE-CÉRÉMONIE.
LÀ MÊME, IL ÉTABLIT SA CHAMBRE-NUPTIALE
OÙ EA, AVEC DAMKINA, SON ÉPOUSE, SIÉGÈRENT EN MAJESTÉ.
DANS CE SANCTUAIRE-AUX-DESTINS, CETTE CHAPELLE-AUX-SORTS,
FUT PROCRÉÉ LE PLUS INTELLIGENT, LE SAGE DES DIEUX,
LE SEIGNEUR:
AU MILIEU DE L’APSÛ, MARDUK FUT MIS AU MONDE (B607/608)

EGYPTIEN

Avant la naissance d’un cosmos structuré, un océan sans fin d’eaux inertes emplissait les
ténèbres. Il est représenté comme l’être originel, Nou ou Noun. Aucun temple n’a été édifié
pour l’honorer, mais il est présent dans de nombreux lieux de culte sous la forme du lac sacré
qui symbolise la “non-existence” d’avant la création.

Atoum, “dieu d’Héliopolis” et “dieu jusqu’aux limites du ciel”, est le démiurge, le créateur du
monde qui émergea de Nou au début des temps pour créer les éléments de l’univers (G.Hart
Mythes égyptiens p19).

IL PRIT SON PHALLUS DANS SA MAIN ET ÉJACULA PAR LUI POUR


DONNER NAISSANCE AUX JUMEAUX SHOU ET TEFNOUT.
(PYRAMIDES 527)

TOUTE MANIFESTATION SURVINT APRÈS QUE JE ME FUS


DÉVELOPPÉ...LE CIEL N’EXISTAIT PAS, LA TERRE N’EXISTAIT
PAS...J’AI CRÉÉ CHAQUE ÊTRE À PARTIR DE MOI... LE PREMIER EST
DEVENU MON ÉPOUSE... J’AI COPULÉ AVEC MA MAIN... J’AI
ÉTERNUÉ SHOU... J’AI CRACHÉ TEFNOUT... PUIS SHOU ET TEFNOUT
ONT ENGENDRÉ GEB ET NOUT... GEB ET NOUT ONT DONNÉ
NAISSANCE À OSIRIS...SETH, ISIS ET NEPHTHYS... ET ILS
PRODUISIRENT LES MULTITUDES DE CE MONDE. (ENNÉADES
BREMNER-RHIND)

Rê, Shou, Geb et Osiris figurent déjà les quatres élements. La cosmogonie de Memphis
introduit Ptah comme principe créateur par la parole (y compris les dieux, Atoum le premier).
L’Ogdoade d’Hermopolis distingue 8 dieux ou 4 couples à l’origine de la création (PÈRES ET
MÈRES QUI ONT EXISTÉ DÈS LE COMMENCEMENT, QUI DONNÈRENT
NAISSANCE AU SOLEIL ET QUI CRÉÈRENT ATOUM) ce sont Nou/Naunet
(L’originel-La terre), Heh/Hehet (L’infini-le feu), Kek/Keket (Les ténèbres-l’eau),
Amon/Amaunet (Le caché-le souffle). Après la création l’Ogdoade primitive est remplacée à
Hermopolis par Thot (Hermès) et Rê pendant que Thèbes fera d’Amon le principe premier
inatteignable (NÉ DE LUI MÊME ET IMMORTEL. Serpent Kneph, cercle) dont le véritable
nom, inconnu des autres dieux même, renferme son secret et son pouvoir.

Seth (le Typhon grec, le diable à queue fourchue) en tuant Osiris à Abydos en fait le
souverain des morts (le dieu de l’occident). Sa soeur Isis le retrouve et lui fait concevoir un
fils (Horus/Apollon) capable de le venger (Osiris, dont Isis a pu arrêter la décomposition, lève
une main jusqu’à sa tête soutenue par Isis; de l’autre il se masturbe—Hart p58). Horus
triomphe de Seth le destructeur en l’émasculant.

HITTITE/PHÉNICIEN

Selon Philon, Le premier dieu souverain était Elium (Alalu Le plus haut). De son union avec
Bruth vinrent au monde Ouranos (Anu) et Ge (Gaia). A leur tour, ces derniers engendrent
quatre fils dont le premier, El (ou Kronos), correspond à Kumarbi. A la suite d’une querelle
avec son épouse, Ouranos essaye de détruire sa progéniture, mais El se forge une scie, chasse
son père et devient souverain. Finalement, Baal (représentant la quatrième génération et
correspondant à Teshub et à Zeus) obtient la souveraineté; trait exceptionnel, il l’obtient sans
combat. E162

Comme nous le verrons, ces généalogies représentent la création de l’éternité (Ouranos) à partir
de la Nuit indicible (l’Un) qui se divise en Ciel et Terre immobiles, puis création du temps
(Kronos-Chronos), du monde en mouvement mais qui ne vieillit pas, création enfin de la
génération qui meurt et renaît (Zeus, Déméter, Dionysos; Horus, Isis, Osiris).

L’Oeuf, L’Ether et le Chaos, Chronos

Métis, Phanès, Erikepaios.

Ce qui se traduit, dans la langue ordinaire par: Conseil, Lumière, Donneur de


vie.

Les trois puissances divines, désignées par ces noms ne sont qu’une unique
puissance et force d’un seul dieu. O70

Métis comme intellect, Erikepaios comme puissance, Phanès lui-même comme


père.

Il croit que le nom de Phanès lui convient en tant qu’il apparaît [phainonti]
partout éternellement et invisiblement et en tant qu’il a donné à toutes choses de
paraître [to phanênai] hors du non être.

GARDE CELA DANS TON ESPRIT, CHER FILS, DANS TON COEUR

TOUT EN SACHANT QUE TOUT A ÉTÉ DE LONGTEMPS RÉVÉLÉ AUSSI


PAR PHANÈS. O68

Ce dieu fait passer à la lumière ce qu’il y a d’ineffable et d’insaisissable dans les


causes premières. O77

Comme le dit Orphée de sa bouche divinement inspirée, Zeus “absorbe” son


ancêtre Phanès et il place toutes ses puissances dans son giron et il devient sous
le mode intellectif tout ce que celui-là était sous le mode intelligible; et Kronos
donne à Zeus les principes de la démiurgie tout entière et de la providence sur le
sensible, et en s’intelligeant lui-même, il s’unifie avec les tous premiers
intelligibles et s’emplit des biens qui viennent de là-haut; c’est pour cela
justement que selon le Théologien, “il est nourri” par la Nuit: ENTRE TOUS,
NUIT NOURRIT ET RÉCONFORTE KRONOS. O99

Kronos détient en lui-même les causes suprêmes des réunions et des divisions:
par le moyen des découpages célestes, il fait procéder la totalité intellective en
parties et il devient cause de processions génératives et de multiplications; en
bref, il prend la tête de la race Titanique, d’où découle la division des étants; mais
par le moyen des “absorptions”, en retour, il réunit ses propres produits, il les
unifie avec lui et les ramène à sa cause uniforme et sans partie. O110

Mais seul Kronos et dépouille complètement le Ciel de la royauté et cède le


pouvoir à Zeus, étant, comme dit le mythe, À LA FOIS COUPANT ET COUPÉ.
O101

La race toute première est issue de Phanès, qui lie tout ce qui pense aux
Intelligibles, la deuxième est issue de Kronos l’Ancien, qui, comme dit le mythe,
est “à l’esprit retors” et qui fait que toutes choses se retournent vers elles-mêmes,
la troisième est issue de Zeus qui enseigne à prendre soin des êtres de second
rang et à organiser l’inférieur: car c’est là le propre de l’activité démiurgique.
O103

Tandis que Kronos, étant stablement installé en lui-même et s’étant soustrait


lui-même à tous les êtres inférieurs. O107

AINSI ALORS, COMME IL AVAIT AVALÉ LA SUBSTANCE


D’ERIKÉPAIOS LE PREMIER NÉ,

IL CONTENAIT DANS SON VENTRE CREUX LES CORPS DE TOUS LES


ÊTRES,

ET IL MÊLA À SES PROPRES MEMBRES LA FORCE ET LA VIGUEUR DU


DIEU.

C’EST POURQUOI, AVEC LE DIEU, TOUTES CHOSES SE TROUVÈRENT DE


NOUVEAU RASSEMBLÉES AU-DEDANS DE ZEUS. O114

ENSUITE, QUAND IL EUT CONÇU TOUT CELA, ZEUS À LA MÉTIS

EPROUVA LE DÉSIR DE S’UNIR DANS L’AMOUR À SA MÈRE. O59

Veteriora
ALLONS, HOMMES, QUI PAR NATURE VIVEZ OBSCURS, SEMBLABLES
À LA FEUILLE, IMPUISSANTES CRÉATURES PÉTRIES DE LIMON,
FANTÔMES INCONSISTANTS PAREILS À DES OMBRES, ÊTRES
DÉPOURVUS D’AILES, ÉPHÉMÈRES, INFORTUNÉS MORTELS,
HOMMES SEMBLABLES À DES SONGES, PRÊTEZ VOTRE ATTENTION
À NOUS LES IMMORTELS, TOUJOURS EXISTANTS, EXEMPTS DE
VIEILLESSE, OCCUPÉS DE PENSERS ÉTERNELS, AFIN QU’APRÈS
AVOIR ENTENDU DE NOUS TOUTE LA VÉRITÉ SUR LES CHOSES
CÉLESTES, CONNAISSANT À FOND LA NATURE DES OISEAUX, LA
GENÈSE DES DIEUX ET DES FLEUVES ET DE L’ENFER ET DU VIDE,
VOUS PUISSIEZ, DE MA PART, ENVOYER PROMENER PRODICOS
DÉSORMAIS. O31

L’ÂME PREND RACINE DANS LES HOMMES DEPUIS L’ÉTHER. O147

L’UNIVERS EST ISSU DE L’INTELLECT ET DE LA NÉCESSITÉ,


L’INTELLECT PERSUADANT LA NÉCESSITÉ, LA NÉCESSITÉ S’ÉTANT
RETOURNÉE VERS L’INTELLECT, AFIN QU’IL MÈNE TOUTES CHOSES
VERS LE MEILLEUR. O131

NOMBREUX SONT LES PORTEURS DE THYRSE, RARES SONT LES


BACCHANTS. O33

ZEUS LE PÈRE RÉALISAIT TOUTES CHOSES, BACCHUS ACHEVAIT LA


RÉALISATION. O142

DE TOUTES LES PLANTES DONT LES MORTELS S’OCCUPENT,


AUCUNE N’A DE DESTIN UNIQUE, MAIS TOUTES SUIVENT LEUR
CYCLE ENTIÈREMENT; S’ARRÊTER EN UN POINT EST IMPOSSIBLE
MAIS CHACUN, COMME IL A COMMENCÉ, POSSÈDE UNE PART
ÉGALE DU CYCLE.

1. Tradition du secret (Enseignement de l’intransmissible)

JE SUIS ISIS LA GRANDE; CELLE QUI FUT, QUI EST ET QUI SERA
ETERNELLEMENT. NUL MORTEL N’A JAMAIS SOULEVÉ MON VOILE.
(TEMPLE DE SAÏS—PLUTARQUE)

L’ORACLE NE DÉVOILE NI NE CACHE, IL SIGNIFIE. (HÉRACLITE)

NOTRE CAUSE EST UN SECRET DANS UN SECRET, LE SECRET DE


QUELQUE CHOSE QUI RESTE VOILÉ, UN SECRET QUE SEUL UN
AUTRE SECRET PEUT ENSEIGNER; C’EST UN SECRET SUR UN SECRET
QUI EST VOILÉ PAR UN SECRET. (JA’FAR SÂDIQ)

La vérité n’est pas ailleurs que dans la parole qui l’énonce. Il n’y a pas de certitude qui
viendrait de l’Autre, il n’y a que la répétition de ce qui s’énonce et se transmet sur les
conditions de la parole, le nous du Grec qui n’est pas en harmonie avec le corps dont il se
charge. La connaissance n’est pas donnée d’abord. L’Autre monde est celui des mots, on
ne parle pas des étoiles mais des idées, du discours, du livre. Hermès trois fois grand, trois
fois mage laisse le secret intact de ses aveuglantes évidences, formulées depuis longtemps
mais qui ne se supportent d’aucune énonciation: qu’il n’y a pas de métalangage, on est
toujours inséré dans la parole, mais encore qu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre, rien n’est
jamais sûr, enfin qu’il ne faut surtout pas s’imaginer qu’on n’a donc rien à apprendre alors
qu’il faut plutôt commencer par se connaître soi-même comme il était inscrit au fronton du
temple de Delphes.

Pas de méta-langage
Le dieu qui préside à l’éloquence, Hermès [inventeur de l’écriture], passe à bon
droit depuis longtemps pour être commun à tous les prêtres; et cet unique
protecteur de la vraie science des dieux est le même toujours et partout, celui-là
précisément auquel nos ancêtres, eux aussi, dédiaient les inventions de leur
sagesse, en mettant sous le nom d’Hermès tous leurs écrits à eux. J1

Tu dis donc tout d’abord que tu “concèdes l’existence des dieux”, mais il n’est
pas correct de s’exprimer ainsi. Car notre nature a de son fonds la connaissance
innée des dieux, supérieure à toute critique et à toute opinion, et antérieure au
raisonnement et à la démonstration; cette connaissance est unie dès le début à sa
cause propre et va de pair avec la propension essentielle qui porte notre âme vers
le bien;

A dire vrai, ce n’est pas même une connaissance que le contact avec la divinité.
Car la connaissance est séparée par une sorte d’altérité. Or, antérieurement à
celle qui connaît un autre comme étant elle-même autre, spontanée est l’étreinte
uniforme qui nous a suspendus aux dieux. Il ne faut donc pas accorder que l’on
puisse reconnaître ou ne pas reconnaître ce contact, ni se le représenter comme
ambigu (il demeure toujours en acte à la manière de l’Un), et il est inutile de
l’examiner comme s’il était en notre pouvoir de l’admettre ou de le rejeter; car
nous sommes plutôt enveloppés de la présence divine; c’est elle qui fait notre
plénitude et nous tenons notre être même de la science des dieux. J4

Si en effet nous sommes nous-mêmes dans le monde et enveloppés comme des


parties dans l’ensemble du tout, créés par lui en premier lieu, perfectionnés par
toutes les puissances qu’il recèle, constitués par ses éléments, et si nous tenons de
lui une part de vie et de nature, ces raisons nous interdisent de dépasser le monde
et les rangs cosmiques. J161

C’est pourquoi ce n’est pas notre pensée qui opère les actes théurgiques; car alors
leur efficacité serait intellectuelle et dépendrait de nous; or ni l’un ni l’autre n’est
vrai. Sans que nous y pensions, en effet, les signes eux-mêmes, par eux-mêmes,
opèrent leur oeuvre propre. J67

L’impossible à dire
La philosophie ne se fonde que sur la discussion, la dialectique, alors que tout dogmatisme se
fonde d’une expérience silencieuse (Mystique, Scientifique ou Morale), non discutable.
L’obligation du secret prend quatre formes: la nécessité d’une mise à l’épreuve du désir
(d’une quête initiatique: la connaissance n’est pas donnée, le chemin est le but), le danger de
livrer la vérité aux canailles, l’impossibilité pour la foule de comprendre et enfin l’indicible en
tant que tel.

(Possible)
IL A VOULU, Ô MON FILS, ÉTABLIR L’INTELLIGENCE AU MILIEU DES
ÂMES COMME UN PRIX À CONQUÉRIR. H31

CE QU’IL ÉCRIVIT, IL LE CACHA EN GRANDE PARTIE, SE TAISANT


AVEC SAGESSE ET PARLANT À LA FOIS, AFIN QUE TOUTE LA DURÉE
DU MONDE À VENIR CHERCHÂT CES CHOSES. H179

LA SCIENCE ET L’ART APPARTIENNENT SEULEMENT À CEUX QUI


LES ONT ACQUIS. H232

(Nécessité)
—EVITE D’EN ENTRETENIR LA FOULE; NON QUE JE VEUILLE LUI
INTERDIRE DE LES CONNAÎTRE, MAIS JE NE VEUX PAS T’EXPOSER À
SES RAILLERIES. CES LEÇONS DOIVENT AVOIR UN PETIT NOMBRE
D’AUDITEURS, OU BIENTÔT ELLES N’EN AURONT PLUS DU TOUT.
ELLES ONT CELA DE PARTICULIER QUE PAR ELLES LES MÉCHANTS
SONT POUSSÉS ENCORE DAVANTAGE VERS LE MAL. IL FAUT DONC
TE GARDER DE LA FOULE QUI NE COMPREND PAS LA VERTU DE CES
DISCOURS.

—QUE VEUX-TU DIRE MON PÈRE.

—VOIS, MON FILS. L’ESPÈCE HUMAINE EST PORTÉE AU MAL; LE


MAL EST SA NATURE ET LUI PLAÎT. SI L’HOMME APPREND QUE LE
MONDE EST CRÉÉ, QUE TOUT SE FAIT SELON LA PROVIDENCE ET LA
NÉCESSITÉ, QUE LA DESTINÉE GOUVERNE TOUT, IL ARRIVERA SANS
PEINE À MÉPRISER L’ENSEMBLE DES CHOSES PARCE QU’ELLES
SONT CRÉÉES, À ATTRIBUER LE VICE À LA DESTINÉE, ET IL NE
S’ABSTIENDRA D’AUCUNE OEUVRE MAUVAISE. IL FAUT DONC SE
GARDER DE LA FOULE, AFIN QUE L’IGNORANCE LA RENDE MOINS
MAUVAISE EN LUI FAISANT REDOUTER L’INCONNU. H230

CELUI QUI POSSÈDE LA GNOSE EST REMPLI DE TOUS LES BIENS; IL


CONÇOIT DES PENSÉES DIVINES ET DIFFÉRENTES DE CELLES DE LA
FOULE. C’EST POURQUOI CEUX QUI SONT DANS LA GNOSE NE
PLAISENT PAS À LA FOULE ET LA FOULE NE LEUR PLAÎT PAS. ON
LES CROIT INSENSÉS, ON SE MOQUE D’EUX, ILS SONT HAÏS ET
MÉPRISÉS; ILS PEUVENT MÊME ÊTRE MIS À MORT; CAR, NOUS
L’AVONS DIT, IL FAUT QUE LA MÉCHANCETÉ HABITE ICI-BAS, C’EST
SA PLACE.H55

(Impuissance)
IL EST DIFFICILE DE QUITTER LES CHOSES PRÉSENTES ET
ACCOUTUMÉES POUR REVENIR AUX VOIES ANCIENNES. LES
APPARENCES NOUS CHARMENT, ON REFUSE DE CROIRE À
L’INVISIBLE; OR LES CHOSES MAUVAISES SONT APPARENTES, LE
BIEN EST INVISIBLE AUX YEUX, CAR IL N’A NI FORME NI FIGURE; IL
EST SEMBLABLE À LUI-MÊME ET DIFFÈRENT DE TOUT LE RESTE.
L’INCORPOREL NE PEUT SE MANIFESTER AU CORPS. H34

CES CHOSES, Ô ASCLÉPIOS, SONT VRAIES POUR QUI LES COMPREND;


L’IGNORANT N’Y CROIT PAS, CAR L’INTELLIGENCE EST LA FOI; NE PAS
CROIRE C’EST NE PAS COMPRENDRE. MA PAROLE ATTEINT LA VÉRITÉ,
L’INTELLIGENCE EST GRANDE, ET PEUT, LORSQU’ON LUI MONTRE LA
ROUTE, ARRIVER À LA VÉRITÉ. LORSQU’ELLE MÉDITE SUR TOUTES
CHOSES, LES TROUVANT D’ACCORD AVEC LES INTERPRÉTATIONS DE
LA PAROLE, ELLE CROIT ET SE REPOSE DANS CETTE FOI
BIENHEUREUSE. CEUX QUI COMPRENNENT LES PAROLES DIVINES ONT
LA FOI, CEUX QUI NE COMPRENNENT PAS SONT INCRÉDULES. H55

(L’impossible)
TU VERRAS LA GNOSE QUAND TU N’AURAS RIEN À DIRE D’ELLE;
CAR LA GNOSE, LA CONTEMPLATION, C’EST LE SILENCE ET LE
REPOS DE TOUTE SENSATION. H59

L’INOUÏ, L’INEFFABLE, INVISIBLE AUX YEUX, VISIBLE À


L’INTELLIGENCE ET AU COEUR. H47

CE QUI N’A NI LIMITES, NI COULEUR, NI FORME: L’IMMUABLE, LE


NU, LE LUMINEUX; CE QUI SE COMPREND SOI-MÊME;
L’INALTÉRABLE, LE BIEN, L’INCORPOREL. H96

CELUI QUI NE PRONONCE NI N’ÉCOUTE BEAUCOUP DE PAROLE, CAR


DIEU, LE PÈRE, LE BIEN, N’EST NI PARLÉ, NI ENTENDU.H61

AINSI NOUS DEVONS COMPRENDRE, PAR LA SEULE INTELLIGENCE, LE


SUPRÊME INTELLIGIBLE QU’ON NOMME DIEU. H135

QUI EST PLUS APPARENT QUE LUI? S’IL A TOUT CRÉÉ, C’EST POUR
QUE TU PUISSES LE VOIR À TRAVERS TOUTES CHOSES. H80

CE GENRE DE VÉRITÉ NE S’APPREND PAS, MON FILS, ON S’EN


SOUVIENT QUAND DIEU LE VEUT. H94

COMPRENDRE DIEU EST DIFFICILE, EN PARLER IMPOSSIBLE.

JE COMPRENDS CE QUI NE PEUT S’EXPRIMER, VOILÀ DIEU. H256


Qu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre

BIEN QUE L’INTELLIGENCE APPARTIENNE À TOUS, LE VULGAIRE


N’EN VIT PAS MOINS COMME SI CHACUN AVAIT UNE INTELLIGENCE
PARTICULIÈRE. (HÉRACLITE)

LE PREMIER DIEU EST INTELLIGIBLE POUR NOUS, NON POUR


LUI-MÊME, CAR L’INTELLIGIBLE TOMBE SOUS LA SENSATION DE
L’INTELLIGENT. DIEU N’EST DONC PAS INTELLIGIBLE POUR
LUI-MÊME, CAR EN LUI LE SUJET PENSANT N’EST PAS AUTRE QUE
L’OBJET PENSÉ. POUR NOUS IL EST DIFFÉRENT, C’EST POURQUOI
NOUS LE CONCEVONS. H19

O MON PÈRE, JE T’AI PLACÉ DANS MON MONDE

DIS: DANS L’INTELLIGIBLE, MON FILS. H103

TOI, MON FILS, ENVOIE AU DIEU PÈRE DE TOUTES CHOSES LE


SACRIFICE QUI LUI CONVIENT; MAIS AJOUTE, MON FILS: PAR LE
VERBE. H104

LA FORME DU MONDE EST CELLE D’UNE SPHÈRE CREUSE, AYANT


EN ELLE-MÊME LA CAUSE DE SA QUALITÉ OU DE SA FORME
ENTIÈREMENT INVISIBLE. ELLE SE MONTRE EN EFFIGIE, MAIS EN
RÉALITÉ ELLE EST TOUJOURS INVISIBLE POUR ELLE-MÊME. H136

NE VOIS-TU PAS CE QUE SOUFFRE L’ÂME IMPIE, CRIANT ET


HURLANT: “JE BRÛLE, JE CUIS! QUE DIRE, QUE FAIRE,
MALHEUREUSE, AU MILIEU DES MAUX QUI ME DÉVORENT?
INFORTUNÉE, JE NE VOIS RIEN, JE N’ENTENDS RIEN!”. H66

NOUS SOMMES SI FAIBLES QUE NOUS NE POUVONS SUPPORTER UN


SEUL JOUR DE MOUVEMENT. SI LA FONCTION DE L’ÂME EST LE
MOUVEMENT, LES CORPS NE PEUVENT VIVRE SANS LE SOMMEIL.
H239

IL Y A CELA DE VRAI QU’ON NE SAIT RIEN DE VRAI. H253

Connais-toi toi-même
Celui qui se connaît, connaît son maître
Car l’âme humaine est retenue par une seule forme et enténébrée de tous côtés
par le corps; en appelant cela fleuve de l’oubli, ou eau de Léthé, ou ignorance et
folie, ou lien des passions, ou privation de la vie, ou quelque autre mal, on
n’arriverait pas à dénommer comme elle le mérite son étrangeté. J105

C’EST LA PENSÉE SEULE QUI VOIT L’INVISIBLE, PARCE


QU’INVISIBLE ELLE-MÊME.

MAIS COMMENT POURRAIT-IL SE MANIFESTER À TES YEUX, SI CE


QUI EST EN TOI EST INVISIBLE POUR TOI-MÊME?H37

LE PREMIER MAL EST L’IGNORANCE, LE SECOND EST LA TRISTESSE.


H97

LE MAL DE L’ÂME C’EST L’IGNORANCE. L’ÂME AVEUGLÉE, NE


CONNAISSANT RIEN DES ÊTRES, NI LEUR NATURE, NI LE BIEN, EST
ENVELOPPÉE DANS LES PASSIONS CORPORELLES. LA
MALHEUREUSE, SE MÉCONNAISSANT ELLE-MÊME, EST ASSERVIE À
DES CORPS ÉTRANGERS ET ABJECTS; ELLE PORTE LE FARDEAU DU
CORPS; AU LIEU DE COMMANDER, ELLE OBÉIT. VOILÀ LE MAL DE
L’ÂME. H61

TOUT CORPS N’EST PAS SUJET AUX MALADIES, TOUT CORPS SUJET
AUX MALADIES EST DESTRUCTIBLE. RIEN DE VRAI DANS LE CORPS,
RIEN DE FAUX DANS L’INCORPOREL. LE BIEN EST VOULU, LE MAL
N’EST PAS VOULU. LE TEMPS EST DIVIN, LA LOI HUMAINE. LE MAL
EST L’ALIMENT DU MONDE, LE TEMPS EST LA DESTRUCTION DE
L’HOMME. H228

DANS L’HOMME, LORSQU’IL S’AGIT DU BIEN, C’EST PAR COMPARAISON


AVEC LE MAL; ICI-BAS TOUT CE QUI N’EST PAS TROP MAUVAIS EST BON,
ET LE BIEN N’EST QUE LE MOINDRE MAL. H43

LES SENSATIONS ACCOMPAGNENT LES ÉNERGIES, OU PLUTÔT EN


SONT LES CONSÉQUENCES. IL NE PEUT Y AVOIR D’AUTRE
SENSATION QUE CELLE DU BIEN OU DU MAL QUI ARRIVE À UN
CORPS OU QUI S’EN ÉLOIGNE. H235

SANS LA JOIE ET LA TRISTESSE, L’ÊTRE RAISONNABLE NE


SENTIRAIT RIEN.
LA JOIE ET LA TRISTESSE SONT TOUTES DEUX TRÈS MAUVAISES. H236

CES CHOSES QUE LES HOMMES TROUVENT BONNES ET BELLES, Ô


ASCLÉPIOS, NOUS NE POUVONS NI LES ÉVITER, NI LES HAÏR, CAR CE
QU’IL Y A DE PLUS DUR, C’EST QUE NOUS EN AVONS BESOIN ET
QUE NOUS NE POUVONS VIVRE SANS ELLES. H45

LA TRISTESSE EST UNE FORME DU MAL. H43

LE MAL EST DANS LE MONDE COMME UN MEMBRE QUI EN FAIT


PARTIE. LE SOUVERAIN DIEU Y A POURVU AUTANT QU’IL ÉTAIT
RAISONNABLE ET POSSIBLE, QUAND IL A DAIGNÉ ACCORDER À
L’HUMANITÉ LE SENTIMENT, LA SCIENCE ET L’INTELLIGENCE. PAR
CES FACULTÉS QUI NOUS PLACENT AU-DESSUS DES AUTRES
ANIMAUX, NOUS POUVONS SEULS ÉCHAPPER AUX PIÈGES DU MAL
ET AUX VICES. H135

LE MAL NE VIENT PAS DE DIEU, IL VIENT DE NOUS-MÊMES QUI LE


PRÉFÉRONS AU BIEN. H33

UN MAUVAIS CHOIX EST LA PERTE DE L’HOMME, MAIS SANS FAIRE


DE TORT À DIEU; SEULEMENT COMME CES PROMENEURS OISIFS QUI
EMBARRASSENT LES CHEMINS, ON PASSE À TRAVERS LE MONDE,
ENTRAÎNÉ PAR LES PLAISIRS DU CORPS. H33

IL EST FATAL QUE CELUI QUI A MAL FAIT SOIT PUNI, ET IL AGIT
AFIN DE SUBIR LA PUNITION DE SON ACTE. H83

L’INSTINCT IRRÉFLÉCHI DES ANIMAUX, LEURS COLÈRES ET LEURS


APPÉTITS, ÉGALEMENT AVEUGLES, LES POUSSENT VERS LE MAL
SANS QU’ELLES EN SOIENT JAMAIS RASSASIÉS. H82

L’INTELLIGENCE EST LE GUIDE BIENFAISANT DES ÂMES HUMAINES,


ELLE LES CONDUIT VERS LEUR BIEN. CHEZ LES ANIMAUX ELLE
AGIT DANS LE SENS DE LEUR NATURE, CHEZ L’HOMME EN SENS
CONTRAIRE. H82

ILS SONT TROMPÉS LORSQU’ILS SE LAISSENT ENTRAÎNER À LA


SUITE DE L’IMAGE SANS CHERCHER LA VÉRITABLE RAISON DES
CHOSES. H122
NOUS AVONS LE CHOIX, IL DÉPEND DE NOUS DE CHOISIR LE
MEILLEUR OU LE PIRE PAR NOTRE VOLONTÉ. LE CHOIX DU MAL
NOUS RAPPROCHE DE LA NATURE CORPORELLE ET NOUS SOUMET
À LA DESTINÉE. L’ESSENCE INTELLECTUELLE EST LIBRE AUSSI,
TOUJOURS IDENTIQUE À ELLE-MÊME ET INDÉPENDANTE DE LA
DESTINÉE. H271

L’INCORPOREL DÉPASSE TOUT EN CAPACITÉ, EN VITESSE, EN


PUISSANCE. RÉFLÉCHIS D’APRÈS TOI-MÊME; ORDONNE À TON ÂME
D’ALLER EN INDE, ET ELLE Y EST PLUS VITE QUE TON ORDRE;
ORDONNE-LUI D’ALLER VERS L’OCÉAN, ET ELLE Y SERA AUSSITÔT,
NON EN PASSANT D’UN LIEU À UN AUTRE, MAIS INSTANTANÉMENT.
H78

DEVIENS L’ÉTERNITÉ ET TU COMPRENDRAS DIEU. RIEN NE


T’EMPÊCHE DE TE SUPPOSER IMMORTEL ET CONNAISSANT TOUT, LES
ARTS, LES SCIENCES, LES MOEURS DE TOUS LES ANIMAUX. H78

MAIS SI TU ENFERMES TON ÂME DANS LE CORPS, SI TU L’ABAISSES ET


SI TU DIS: JE NE COMPRENDS RIEN, JE NE PUIS RIEN, JE NE SAIS NI CE
QUE JE SUIS, NI CE QUE JE SERAI, QU’AS-TU DE COMMUN AVEC DIEU?
H79

L’HOMME EST LE SEUL ANIMAL QUI SOIT EN COMMUNICATION AVEC


DIEU, LA NUIT PAR LES SONGES, LE JOUR PAR LES SYMBOLES. H90

EN S’UNISSANT AU DIVIN, L’HOMME DÉDAIGNE CE QU’IL Y A EN


LUI DE TERRESTRE, IL SE RATTACHE PAR UN LIEN DE CHARITÉ À
TOUS LES AUTRES ÊTRES, ET PAR LÀ IL SE SENT NÉCESSAIRE À
L’ORDRE UNIVERSEL. H 120

DANS L’HOMME LE SENTIMENT EST ÉLEVÉ JUSQU’À LA


CONNAISSANCE DE L’ORDRE DIVIN. H121

L’INTELLIGENCE DU SENS HUMAIN, QUELLES QU’EN SOIENT


L’INTENSITÉ ET LA FORCE, EST TOUT ENTIÈRE DANS LA MÉMOIRE
DU PASSÉ. H160
L’INTELLIGENCE DIFFÈRE DU SENTIMENT EN CE QUE NOTRE
INTELLIGENCE PARVIENT PAR L’APPLICATION À COMPRENDRE ET
À CONNAÎTRE LA NATURE DU MONDE. H161

O ASCLÉPIOS, ILS Y MÊLENT À LA PHILOSOPHIE, À FORCE DE


SUBTILITÉS, DIVERSES SCIENCES QUI N’Y SONT PAS COMPRISES,
L’ARITHMÉTIQUE, LA MUSIQUE, LA GÉOMÉTRIE. MAIS LA PURE
PHILOSOPHIE, DONT L’OBJET PROPRE EST LA DIVINE RELIGION, NE
DOIT S’OCCUPER DES AUTRES SCIENCES QUE POUR ADMIRER LES
PHASES RÉGULIÈRES DES ASTRES, LEURS POSITIONS ET LEURS
COURSES RÉGLÉS PAR LES NOMBRES. H132

2. La divine trinité
TOUS LES DIEUX SONT TROIS: AMON, RÊ, PTAH; ILS N’ONT PAS
D’ÉGAUX. SON NOM EST CACHÉ EN AMON, IL EST PERÇU EN RÊ [IL
EST RÊ DEVANT], ET SON CORPS EST PTAH. LEURS CITÉS SUR
TERRE DEMEURENT À JAMAIS: THÈBES, HÉLIOPOLIS ET MEMPHIS,
POUR L’ÉTERNITÉ. (HYMNE À AMON DE LEYDE—1300 AVANT J.-C.)
E200

KHÉPRI LE MATIN, RÊ LE MIDI, ATOUM LE SOIR

LE TAO D’ORIGINE ENGENDRE L’UN

L’UN ENGENDRE LE DEUX

LE DEUX ENGENDRE LE TROIS

LE TROIS PRODUIT LES DIX-MILLE ÊTRES

LES DIX-MILLE ÊTRES S’ADOSSENT AU YIN

ET EMBRASSENT LE YANG

L’HARMONIE NAÎT AU SOUFFLE DU VIDE-MÉDIAN (LAO TSEU)

La trinité a de nombreux noms. Anu, Enlil, Ea—Akh, Ba, Ka—Esprit, Ame,


Corps (Spirituel, Psychique, Corporel)—L’Un, la Division (le Multiple), le Tout
—Le Vrai, le Bien, le Beau—Je, Tu, Il—L’Eternité, Le Temps, La Génération—
Le Père, Le Fils, Le Saint esprit—AUM (ôm)—Le Ça, le Moi, le Surmoi
(l’universel)—Le Symbolique, l’Imaginaire, le Réel. Il y a triple inscription,
polysémie du sens, solidarité mais surtout équivalence des trois dimensions sans
hiérarchie pensable. Penser, Dire et Faire.

La nature la plus parfaite et la plus divine se compose donc de trois principes qui
sont: l’intelligence, la matière et le produit de leur union (cosmos) (Plutarque De
Isis 56).

L’existence singulière est donc jointe à l’immuable. Le premier immuable est


pour elle seulement l’essence étrangère condamnant l’existence singulière [Père,
Juge]; puisque l’immuable, au second stade, est une figure de l’existence
singulière [Le Fils, Amour], comme elle l’est elle-même, alors elle devient en
troisième lieu l’esprit [liberté], a elle-même la joie de se retrouver en lui et
devient consciente pour soi de la réconciliation de son existence singulière avec
l’universel. (Hegel Ph.I-179)

LE VERBE QUI ÉMANE DE L’INTELLIGENCE, C’EST LE FILS DE DIEU.


—QUE VEUX-TU DIRE, RÉPLIQUAI-JE?—APPRENDS-LE: CE QUI EN
TOI VOIT ET ENTEND EST LE VERBE, LA PAROLE DU SEIGNEUR;
L’INTELLIGENCE EST DIEU PÈRE. H 5

LE VERBE EST DONC L’IMAGE DE L’INTELLIGENCE. H87

IL Y A EN NOUS TROIS ESPÈCES D’INCORPORELS. L’UN EST


INTELLIGIBLE, SANS COULEUR, SANS FORME, SANS CORPS, ET
DÉRIVE DE L’ESSENCE PREMIÈRE ET INTELLIGIBLE. IL Y A EN NOUS
DES FORMES QUI Y RÉPONDENT ET QU’IL REÇOIT. CE QUI EST MIS
EN MOUVEMENT PAR L’ESSENCE INTELLIGIBLE ET REÇU PAR ELLE
SE CHANGE EN UNE AUTRE FORME DE MOUVEMENT, QUI EST
L’IMAGE DE LA PENSÉE DU CRÉATEUR. LA TROISIÈME ESPÈCE
D’INCORPORELS ACCOMPAGNE LES CORPS: TELS SONT LE LIEU, LE
TEMPS, LE MOUVEMENT, LA FIGURE, L’ÉCLAT, LA GRANDEUR, LA
FORME. H248

LA PENSÉE NAÎT DE L’INTELLIGENCE; ELLE EST SOEUR DE LA


PAROLE ET L’UNE SERT D’INSTRUMENT À L’AUTRE. TOUTE PAROLE
EXPRIME UNE PENSÉE ET TOUTE PENSÉE SE MANIFESTE PAR LA
PAROLE. LA SENSATION ET LA PENSÉE ONT DONC DANS L’HOMME
UNE INFLUENCE RÉCIPROQUE ET SONT INDISSOLUBLEMENT UNIES.
IL N’Y A PAS DE PENSÉE POSSIBLE SANS LA SENSATION, NI DE
SENSATION SANS LA PENSÉE. H52

DANS TOUS LES ANIMAUX, LA SENSATION, LA PENSÉE VIENT DU


DEHORS, DU MILIEU AMBIANT. H55

TOUT PASSIF SENT, TOUT CE QUI SENT EST PASSIF. H227

L’INTELLIGENCE EST DANS LA RAISON, LA RAISON DANS L’ÂME,


L’ÂME DANS L’ESPRIT, L’ESPRIT DANS LE CORPS. L’ESPRIT FAIT
MOUVOIR L’ANIMAL ET LE PORTE POUR AINSI DIRE. H63

DIEU EST DANS L’INTELLIGENCE, L’INTELLIGENCE DANS L’ÂME,


L’ÂME DANS LA MATIÈRE. H72

NOS ANCÊTRES TROUVÈRENT L’ART DE FAIRE DES DIEUX. H167

AINSI L’HUMANITÉ A FAIT SES DIEUX À SA PROPRE


RESSEMBLANCE. H146

LES DIEUX TERRESTRES ET MONDAINS SONT ACCESSIBLES À LA


COLÈRE, PARCE QU’ILS SONT FORMÉS ET COMPOSÉS PAR LES
HOMMES EN DEHORS DE LA NATURE. CHAQUE VILLE HONORE
L’ÂME DE CELUI QUI LUI A DONNÉ DES LOIS ET DONT ELLE GARDE
LE NOM. H168

LES LANGAGES SONT DIFFÉRENTS, MAIS L’HOMME EST LE MÊME.


H87

L’Un
Le polythéisme (Egyptien, Grec, Hindou), calomnié par les monothéistes comme idolâtrie,
n’ignore pas l’unité fondamentale de Dieu mais absolument transcendantale, inaccessible à la
représentation (Deus otiosus, Atoum, le premier dieu créateur, signifie à la fois “ne pas être”
et “être complet”), il ne se révèle que partiellement dans ses avatars, ses manifestations
(dieux, anges ou saints).

La doctrine des symboles veut montrer le dieu un par la multitude de ses dons, et
par les puissances diverses représenter sa force unique. J182
Ceci fait toujours loi
Que le monde, jour après jour, demeure un tout. (L’Unique/Hölderlin)

Le penser est la mise en acte de l’universel.


On ne peut rien dire en parlant qui ne soit universel. (Hegel Enc.§20)

L’UNITÉ EST LE PRINCIPE DE TOUT, LE BIEN LA SOURCE DE TOUT.


H42

L’UNITÉ PRINCIPE ET RACINE DE TOUTES CHOSES, EXISTE DANS TOUT


COMME PRINCIPE ET RACINE. IL N’Y A RIEN SANS PRINCIPE.

TOUT CE QUI EST ENGENDRÉ EST IMPARFAIT, DIVISIBLE,


SUSCEPTIBLE D’AUGMENTATION OU DE DIMINUTION. H34

TOUTES CHOSES DÉPENDENT DE L’UNITÉ OU EN DÉCOULENT. CES


DEUX PRINCIPES D’OÙ TOUT PROCÈDE ET PAR QUI TOUT EXISTE,
SONT LA MATIÈRE DONT LES CHOSES SONT FORMÉES ET LA
VOLONTÉ DE CELUI QUI LES DIVERSIFIE. H140

LA PLACE, LE NOMBRE, LA MESURE NE POURRAIENT SE CONSERVER


SANS UN CRÉATEUR. L’ORDRE NE PEUT SE FAIRE SANS UNE PLACE ET
UNE MESURE, IL FAUT DONC UN MAÎTRE, Ô MON FILS. LE DÉSORDRE
EN A BESOIN POUR ARRIVER À L’ORDRE; IL OBÉIT À CELUI QUI NE L’A
PAS ENCORE ORDONNÉ. H38

DONNE PLUTÔT À DIEU LE NOM QUI LUI CONVIENT LE MIEUX,


APPELLE-LE LE PÈRE DE TOUTES CHOSES, CAR IL EST L’UNIQUE, ET
SA FONCTION PROPRE EST D’ÊTRE PÈRE, SON ESSENCE EST
D’ENGENDRER ET DE CRÉER. H39

C’EST POURQUOI IL A TOUS LES NOMS, CAR IL EST LE PÈRE UNIQUE,


ET C’EST POURQUOI IL N’A PAS DE NOM, CAR IL EST LE PÈRE DE
TOUT. H40

CELUI QUI SEUL EST INCRÉÉ EST DONC PAR CELA MÊME IRRÉVÉLÉ
ET INVISIBLE, MAIS, EN MANIFESTANT TOUTES CHOSES, IL SE
RÉVÈLE EN ELLES ET PAR ELLES. H37

J’APPELLE LIEU CE QUI CONTIENT TOUTES CHOSES, CAR ELLES


N’AURAIENT PU ÊTRE SANS AVOIR UN LIEU POUR LES CONTENIR.
TOUT CE QUI EXISTE A BESOIN D’UNE PLACE; NI QUALITÉS, NI
QUANTITÉS, NI POSITIONS, NI EFFETS NE POURRAIENT SE
DISTINGUER DANS DES CHOSES QUI NE SERAIENT NULLE PART.
H134

S’IL ÉTAIT APPARENT, IL NE SERAIT PAS; TOUTE APPARENCE EST


CRÉÉE, PUISQU’ELLE A ÉTÉ MANIFESTÉE; MAIS L’INVISIBLE EST
TOUJOURS, SANS AVOIR BESOIN DE MANIFESTATION. IL EST
TOUJOURS ET REND TOUTES CHOSES VISIBLES. INVISIBLE, PARCE
QU’ÉTERNEL, IL FAIT TOUT APPARAÎTRE, SANS SE MONTRER. H36

CAR RIEN N’EST PLUS DIVIN ET PUISSANT QUE L’INTELLIGENCE.


ELLE UNIT LES DIEUX AUX HOMMES ET LES HOMMES AUX DIEUX.
H68

AINSI, OSONS DIRE QUE L’HOMME EST UN DIEU MORTEL.

AINSI, TOUTES CHOSES SONT GOUVERNÉES PAR LE MONDE ET PAR


L’HOMME, ET AU-DESSUS DE TOUT EST L’UN. H69

CAR TU VOIS, TU PARLES, TU ENTENDS, TU PERÇOIS LES ODEURS,


LES SAVEURS, TU TOUCHES LES OBJETS, TU MARCHES, TU PENSES,
TU RESPIRES. ET IL N’Y A PAS UN ÊTRE QUI VOIT, UN AUTRE QUI
PARLE, UN AUTRE QUI TOUCHE, UN AUTRE QUI FLAIRE, UN AUTRE
QUI MARCHE, UN AUTRE QUI PENSE ET UN AUTRE QUI RESPIRE;
C’EST LE MÊME QUI FAIT TOUT CELA. H75

TOUT EST UN, ET SURTOUT LES CORPS INTELLIGIBLES; NOUS


VIVONS EN PUISSANCE, EN ACTE ET EN ÉTERNITÉ. H84

LE PASSÉ S’ADAPTANT AU PRÉSENT ET LE PRÉSENT AU FUTUR, ILS


DEVIENNENT UN. AINSI LE TEMPS EST CONTINU ET DISTINGUÉ,
TOUT EN ÉTANT UN ET IDENTIQUE. H241

MAIS TOUT CE QUI EST MU SE MEUT NON DANS LE MOBILE, MAIS


DANS LE STABLE. H20

UNE RÉVOLUTION AUTOUR D’UN POINT EST UN MOUVEMENT


CONTENU PAR LA FIXITÉ. L’OPPOSITION DE CES DEUX
MOUVEMENTS PRODUIT UN ÉTAT STABLE TOUJOURS MAINTENU
PAR LES RÉSISTANCES MUTUELLES. H21

LES CORPS COMPOSÉS AYANT EN EUX L’IDENTITÉ ET SE


TRANSFORMANT LES UNS DANS LES AUTRES CONSERVENT
L’IDENTITÉ INTACTE. H88

C’EST LA PERMANENCE DE TOUTES CHOSES QU’ON NOMME LE


BIEN. H91

L’ÉNERGIE DE DIEU RÉSIDE DANS L’UNIVERSALITÉ DE SA


CRÉATION. H106

TON VERBE CHANTE PAR MOI, REÇOIS PAR MOI L’UNIVERSEL DANS
LE VERBE, LE SACRIFICE VERBAL. SAUVE L’UNIVERSEL QUI EST EN
NOUS, Ô VIE. H103

Le narcissisme
Les liens d’amitié avec autrui découlent des liens d’amitié que l’on entretient
avec soi-même. (Aristote)

LA NATURE DE DIEU EST VOLONTÉ RÉFLÉCHIE. LA VOLONTÉ NAÎT


DE LA RÉFLEXION ET VOULOIR MÊME EST UN ACTE DE VOLONTÉ.
H150

MAIS L’ESPRIT, PÈRE DE TOUTES CHOSES, QUI EST LA VIE ET LA


LUMIÈRE, ENGENDRA L’HOMME SEMBLABLE À LUI-MÊME ET
L’AIMA COMME SON PROPRE ENFANT. PAR SA BEAUTÉ IL
REPRODUISAIT L’IMAGE DU PÈRE; DIEU AIMAIT DONC EN RÉALITÉ
SA PROPRE FORME. H7

ET CE SOUVERAIN DU MONDE ET DES ÊTRES MORTELS ET PRIVÉS


DE RAISON, À TRAVERS L’HARMONIE ET LA PUISSANTE BARRIÈRE
DES CERCLES, FIT VOIR À LA NATURE INFÉRIEURE LA BELLE IMAGE
DE DIEU. DEVANT CETTE MERVEILLEUSE BEAUTÉ, OÙ TOUTES LES
ÉNERGIES DES SEPT GOUVERNEURS ÉTAIENT UNIES À LA FORME DE
DIEU, LA NATURE SOURIT D’AMOUR, CAR ELLE AVAIT VU LA
BEAUTÉ DE L’HOMME DANS L’EAU ET SON OMBRE SUR LA TERRE.
ET LUI, APERCEVANT DANS L’EAU LE REFLET DE SA PROPRE
FORME, S’ÉPRIT D’AMOUR POUR ELLE ET VOULUT LA POSSÉDER.
L’ÉNERGIE ACCOMPAGNA LE DÉSIR, ET LA FORME PRIVÉE DE
RAISON FUT CONÇUE. LA NATURE SAISIT SON AMANT ET
L’ENVELOPPA TOUT ENTIER, ET ILS S’UNIRENT D’UN MUTUEL
AMOUR. ET VOILÀ POURQUOI, SEUL DE TOUS LES ÊTRES QUI
VIVENT SUR LA TERRE, L’HOMME EST DOUBLE, MORTEL PAR LE
CORPS, IMMORTEL PAR SA PROPRE ESSENCE. IMMORTEL ET
SOUVERAIN DE TOUTES CHOSES, IL EST SOUMIS À LA DESTINÉE QUI
RÉGIT CE QUI EST MORTEL.H8

IL Y A ENCORE DES INCORPORELS; PAR EXEMPLE, LES FORMES,


QU’EN PENSES-TU? ELLES SONT INCORPORELLES ET SE
MANIFESTENT DANS LES CORPS ANIMÉS ET INANIMÉS. IL Y A
DONC UNE RÉFLEXION DES INCORPORELS SUR LES CORPS, ET DES
CORPS SUR LES INCORPORELS, C’EST À DIRE DU MONDE SENSIBLE
SUR LE MONDE IDÉAL, ET DU MONDE IDÉAL SUR LE MONDE
SENSIBLE. H291

IL FAUT DES CORPS POUR SERVIR DE SÉJOUR ET D’INSTRUMENTS


AUX ÉNERGIES; OR LES ÉNERGIES SONT IMMORTELLES ET CE QUI
EST IMMORTEL EST TOUJOURS ACTIF: LA CRÉATION DES CORPS EST
DONC UNE FONCTION, ET ELLE EST ÉTERNELLE. H233

L’ÂME EST DONC UNE ESSENCE ÉTERNELLE ET INTELLIGENTE,


AYANT POUR PENSÉE SA PROPRE RAISON. ELLE S’ASSOCIE À LA
PENSÉE DE L’HARMONIE. SÉPARÉE DU CORPS PHYSIQUE, ELLE
PERSISTE PAR ELLE-MÊME, ELLE EST INDÉPENDANTE DANS LE
MONDE IDÉAL. ELLE GOUVERNE SA RAISON, ET APPORTE À L’ÊTRE
QUI ENTRE DANS LA VIE UN MOUVEMENT ANALOGUE À SA PROPRE
PENSÉE, ET QU’ON NOMME LA VIE; CAR LE PROPRE DE L’ÂME C’EST
D’ASSIMILER LES AUTRES CHOSES À SON CARACTÈRE. IL Y A DEUX
SORTES DE MOUVEMENT VITAL, L’UN SELON L’ESSENCE DE L’ÂME,
L’AUTRE SELON LA NATURE DU CORPS. LE PREMIER EST GÉNÉRAL,
LE SECOND PARTICULIER; L’UN EST INDÉPENDANT, L’AUTRE
SOUMIS À LA NÉCESSITÉ. H269

L’ÂME EST DONC UNE ESSENCE INCORPORELLE, ET LORSQU’ELLE


EST DANS LE CORPS ELLE NE PERD PAS ENTIÈREMENT SA MANIÈRE
D’ÊTRE. SON ESSENCE EST UN PERPÉTUEL MOUVEMENT, LE
MOUVEMENT SPONTANÉ DE LA PENSÉE; ELLE N’EST MUE NI EN
QUELQUE CHOSE, NI VERS QUELQUE CHOSE, NI POUR QUELQUE
CHOSE. CAR ELLE EST UNE FORCE PREMIÈRE, ET CE QUI PRÉCÈDE
N’A PAS BESOIN DE CE QUI SUIT. L’EXPRESSION EN QUELQUE
CHOSE S’APPLIQUE AU LIEU, AU TEMPS, À LA NATURE; VERS
QUELQUE CHOSE S’APPLIQUE À UNE HARMONIE, À UNE FORME, À
UNE FIGURE; POUR QUELQUE CHOSE S’APPLIQUE AU CORPS, CAR LE
TEMPS, LE LIEU, LA NATURE, SE RAPPORTENT AU CORPS. TOUS CES
TERMES SONT UNIS ENTRE EUX PAR DES LIENS RÉCIPROQUES. LE
CORPS A BESOIN DU LIEU, CAR ON NE PEUT CONCEVOIR UN CORPS
SANS LA PLACE QU’IL OCCUPE. H259

LE PROPRE DU CORPS, C’EST LE CHANGEMENT; LE PROPRE DE


L’ÂME, C’EST LA PENSÉE. H260

LA PENSÉE EST ASSOCIÉE À LA PERCEPTION. UNIES L’UNE À


L’AUTRE, ELLES DEVIENNENT UNE SEULE FORME, QUI EST CELLE
DE L’ÂME. H271

POUR PRODUIRE L’EXISTENCE, IL FAUT D’ABORD EXISTER;


J’APPELLE EXISTER, DEVENIR EN RAISON ET PARTICIPER À LA VIE
INTELLIGENTE. H263

L’immortalité
L’HOMME SE COMPOSE D’UN CORPS ET D’UNE ÂME. H52

L’HOMME EST DOUBLE , MORTEL PAR LE CORPS, IMMORTEL PAR SA


PROPRE ESSENCE. IMMORTEL ET SOUVERAIN DE TOUTES CHOSES,
IL EST SOUMIS À LA DESTINÉE QUI RÉGIT CE QUI EST MORTEL. H8

ET QUE CELUI QUI EST L’INTELLIGENCE SACHE QU’IL EST


IMMORTEL ET QUE LA CAUSE DE LA MORT EST L’AMOUR DU
CORPS. H10

ET CELUI QUI SE CONNUT LUI-MÊME ARRIVA AU BIEN PARFAIT;


MAIS CELUI QUI, PAR UNE ERREUR DE L’AMOUR, A AIMÉ LE CORPS,
CELUI-LÀ DEMEURE ÉGARÉ DANS LES TÉNÈBRES, SOUMIS PAR LES
SENS AUX CONDITIONS DE LA MORT. H11

LE MOUVEMENT DU MONDE ET DE TOUT ANIMAL MATÉRIEL NE


VIENT PAS DU DEHORS, MAIS IL EST PRODUIT DU DEDANS AU
DEHORS PAR L’ÂME, PAR L’ESPRIT OU QUELQUE AUTRE PRINCIPE
INCORPOREL. CAR UN CORPS NE PEUT MOUVOIR CE QUI EST
ANIMÉ. H21

QU’EST-CE DONC QUE L’INCORPOREL?

POURQUOI, Ô HOMMES NÉS DE LA TERRE, VOUS


ABANDONNEZ-VOUS À LA MORT, QUAND IL VOUS EST PERMIS
D’OBTENIR L’IMMORTALITÉ? H14

LEURS SENSATIONS RESSEMBLENT À CELLES DES ANIMAUX SANS


RAISON. COMPOSÉS UNIQUEMENT DE PASSIONS ET DE DÉSIRS, ILS
N’ADMIRENT PAS CE QUI EST DIGNE D’ÊTRE CONTEMPLÉ, ILS SE
LIVRENT AUX PLAISIRS ET AUX APPÉTITS DU CORPS ET CROIENT
QUE C’EST LÀ LE BUT DE L’HOMME. MAIS CEUX QUI ONT REÇU LE
DON DE DIEU, CEUX-LÀ, Ô TAT, À CONSIDÉRER LEURS OEUVRES,
SONT IMMORTELS ET NON PLUS MORTELS. ILS EMBRASSENT PAR
L’INTELLIGENCE CE QUI EST SUR LA TERRE ET DANS LE CIEL, ET CE
QU’IL PEUT Y AVOIR AU-DESSUS DU CIEL. A LA HAUTEUR OÙ ILS
SONT PARVENUS, ILS CONTEMPLENT LE BIEN, ET CE SPECTACLE
LEUR FAIT CONSIDÉRER COMME UN MALHEUR LEUR SÉJOUR
ICI-BAS. DÉDAIGNANT TOUTES LES CHOSES CORPORELLES ET
INCORPORELLES, ILS ASPIRENT VERS L’UN ET LE SEUL.

SI TU NE COMMENCES PAR HAÏR TON CORPS, Ô MON FILS, TU NE


PEUX T’AIMER TOI-MÊME. H32

IL EST IMPOSSIBLE, Ô MON FILS, DE S’ATTACHER À LA FOIS AUX


CHOSES MORTELLES ET AUX CHOSES DIVINES. LES ÊTRES SONT
CORPORELS OU INCORPORELS, ET C’EST PAR LÀ QUE LE MORTEL SE
DISTINGUE DU DIVIN; IL FAUT CHOISIR L’UN OU L’AUTRE, CAR ON NE
PEUT S’ATTACHER AUX DEUX À LA FOIS. H33
AVANT TOUT, IL FAUT DÉCHIRER CETTE ROBE QUE TU PORTES, CE
VÊTEMENT D’IGNORANCE, PRINCIPE DE MÉCHANCETÉ, CHAÎNE DE
CORRUPTION, ENVELOPPE TÉNÉBREUSE, MORT VIVANTE, CADAVRE
SENSIBLE, TOMBEAU QUE TU PORTES AVEC TOI, VOLEUR
DOMESTIQUE, ENNEMI DANS L’AMOUR, JALOUX DANS LA HAINE. TEL
EST LE VÊTEMENT ENNEMI DONT TU ES REVÊTU. H47

LA MORT SERAIT LA DESTRUCTION ET RIEN NE SE DÉTRUIT DANS


LE MONDE. H48

LE SENTIMENT, LA PENSÉE DE DIEU, C’EST LE MOUVEMENT


ÉTERNEL DE L’UNIVERS; JAMAIS EN AUCUN TEMPS IL NE PÉRIRA
UN ÊTRE QUELCONQUE. H55

LA MORT N’EST PAS LA DESTRUCTION DE CE QUI ÉTAIT UNI, MAIS


LA RUPTURE DE L’UNITÉ. H76

LA RÈGLE DE CET ÊTRE DOUBLE, QUI EST L’HOMME, EST LA


RELIGION, QUI A POUR CONSÉQUENCE LA BONTÉ. CAR LES CHOSES
TERRESTRES, DONT LE CORPS DÉSIRE LA POSSESSION, SONT
ÉTRANGÈRES À TOUTES LES PARTIES DE LA DIVINE PENSÉE ET LE
CORPS LUI-MÊME NOUS EST ÉTRANGER. H129

CETTE ROUTE EST BELLE ET UNIE; CEPENDANT IL EST DIFFICILE À


L’ÂME D’Y MARCHER TANT QU’ELLE EST ENFERMÉE DANS LA
PRISON DU CORPS; IL LUI FAUT D’ABORD LUTTER CONTRE
ELLE-MÊME, FAIRE UNE GRANDE DIVISION ET SE SOUMETTRE À LA
PARTIE UNE D’ELLE-MÊME. CAR L’UN EST EN LUTTE CONTRE LES
DEUX; CELUI-LÀ FUIT, CEUX-CI L’ENTRAÎNENT EN BAS. DE PART
OU D’AUTRE LA VICTOIRE N’EST PAS LA MÊME: L’UN TEND VERS
LE BIEN, LES DEUX VERS LE MAL; L’UN VEUT S’AFFRANCHIR, LES
DEUX AIMENT LA SERVITUDE. IL FAUT TE FROTTER D’HUILE POUR
LA LUTTE, SOUTENIR LE COMBAT DE LA VIE ET EN SORTIR
VAINQUEUR. H226

RIEN N’EST IMPOSSIBLE À L’INTELLIGENCE, NI DE PLACER L’ÂME


AU-DESSUS DE LA DESTINÉE. H85
LA RAISON EST RÉGLÉE SELON LA PROVIDENCE, L’IRRATIONNEL
SELON LA NÉCESSITÉ. H249

LA PROVIDENCE EST LA RAISON LIBRE DU DIEU CÉLESTE. H258

L’INTELLIGENCE ET LA RAISON TOUT ENSEMBLE, LIBRES DE TOUT


CORPS, EXEMPTES D’ERREUR, IMPASSIBLES ET INTANGIBLES, RESTANT
FIXES EN ELLES-MÊMES, CONTENANT TOUT, CONSERVANT TOUS LES
ÊTRES. SES RAYONS SONT LE BIEN, LA VÉRITÉ. H24

PUISSIONS-NOUS DÉLIVRÉS DE LA PRISON DU CORPS ET DE NOS


CHAÎNES MORTELLES, ÊTRE RENDUS, PURS ET SANCTIFIÉS, À LA
PARTIE DIVINE DE NOTRE NATURE. H130

UN FOIS QUE L’ÂME ENFERMÉE DANS LE CORPS S’EST ÉLEVÉE À LA


PERCEPTION DU VRAI BIEN ET DE LA VÉRITÉ, ELLE NE PEUT PLUS
REDESCENDRE. H226

PAR LA MISÉRICORDE DE DIEU, JE SUIS SORTI DE MOI-MÊME, J’AI


REVÊTU UN CORPS IMMORTEL, JE NE SUIS PLUS LE MÊME, JE SUIS
NÉ EN INTELLIGENCE. H95

VOILÀ LA RENAISSANCE, MON FILS, DÉTOURNER SA PENSÉE DU


CORPS AUX TROIS DIMENSIONS. H100

IGNORES-TU QUE TU ES DEVENU DIEU ET FILS DE L’UN AINSI QUE


MOI? H101

La génération
Il existe des enfants, ainsi demeure une certitude du bien. (Hölderlin)

TU DORS POUR POUVOIR TE RÉVEILLER; TU MEURS POUR POUVOIR


VIVRE. (PYR. 1975B) E145

ZEUS LE PÈRE RÉALISAIT TOUTES CHOSES, BACCHUS ACHEVAIT LA


RÉALISATION. O142

DIEU FAIT L’ÉTERNITÉ, L’ÉTERNITÉ FAIT LE MONDE, LE MONDE FAIT


LE TEMPS, LE TEMPS FAIT LA GÉNÉRATION. DIEU A POUR ESSENCE LE
BIEN. L’ESSENCE DE L’ÉTERNITÉ EST L’IDENTITÉ, CELLE DU MONDE
EST L’ORDRE, CELLE DU TEMPS EST LE CHANGEMENT, CELLE DE LA
GÉNÉRATION EST LA VIE ET LA MORT. L’ÉTERNITÉ EST EN DIEU, LE
MONDE DANS L’ÉTERNITÉ, LE TEMPS DANS LE MONDE, LA
GÉNÉRATION DANS LE TEMPS. H71

LE MONDE EST LE RÉCEPTACLE DU TEMPS, DONT LA COURSE ET LE


MOUVEMENT ENTRETIENNENT LA VIE. L’ORDRE ET LE TEMPS
PRODUISENT LE RENOUVELLEMENT DE TOUT CE QUI EST DANS LE
MONDE, PAR DES PÉRIODES ALTERNÉES. H157

LA RÉVOLUTION EST UN RETOUR, LA DISPARITION UN


RENOUVELLEMENT. H77

L’ÉTERNITÉ EST LE TEMPS INDÉFINI, ET LE TEMPS, QUI PEUT SE


DÉFINIR PAR LE NOMBRE, L’ALTERNATIVE, LE RETOUR
PÉRIODIQUE, EST ÉTERNEL. H159

CAR LE MONDE A L’ORDRE POUR BASE, C’EST DANS L’ORDRE QU’IL


CONSISTE TOUT ENTIER. H171

LA PROVIDENCE DIVINE EST L’ORDRE, LA NÉCESSITÉ EST


L’INSTRUMENT DE LA PROVIDENCE. LA FORTUNE EST LE
VÉHICULE DU DÉSORDRE. H229

IL Y A DESTINÉE PARCE QU’IL Y A NÉCESSITÉ. H257

TOUT ESSENCE EST IMMORTELLE, TOUTE ESSENCE EST SUJETTE AU


CHANGEMENT. TOUT ÊTRE EST DOUBLE, AUCUN ÊTRE N’EST
STABLE. H227

QUEL EST EN EFFET L’ÉNERGIE DE LA VIE? N’EST-CE PAS LE


MOUVEMENT?

SACHE DONC, MON FILS, QUE TOUT CE QUI EST DANS LE MONDE,
SANS EXCEPTION, EST LE SIÈGE D’UN MOUVEMENT, SOIT
D’AUGMENTATION, SOIT DE DIMINUTION. H89

ON APPELLE ÉNERGIE TOUT CE QUI PRODUIT LE CHANGEMENT, LE


DEVENIR. OR LE DEVENIR EST MULTIPLE, OU PLUTÔT UNIVERSEL.
JAMAIS RIEN DE CE QUI NAÎT NE MANQUERA AU MONDE, SANS
CESSE IL ENGENDRE EN LUI TOUS LES ÊTRES POUR LES DÉTRUIRE
SANS CESSE. H234

L’UNIQUE GLOIRE DE DIEU EST DE PRODUIRE. H107

L’ÉNERGIE DE DIEU EST LA VOLONTÉ; SON ESSENCE EST DE


VOULOIR QUE L’UNIVERS SOIT; CAR DIEU, LE PÈRE OU LE BIEN
N’EST QUE L’EXISTENCE DE CE QUI N’EST PAS ENCORE. CETTE
EXISTENCE DES ÊTRES, VOILÀ DIEU, VOILÀ LE PÈRE, VOILÀ LE
BIEN, CE N’EST PAS AUTRE CHOSE. DIEU EST LE PÈRE ET LE BIEN
PARCE QU’IL EST L’EXISTENCE UNIVERSELLE. LE PROPRE DU BIEN
EST D’ÊTRE CONNU. H58

LE MONDE N’A QU’UN SENTIMENT, QU’UNE PENSÉE: CRÉER


TOUTES CHOSES ET LES FAIRE RENTRER EN LUI-MÊME. IL EST
L’INSTRUMENT DE LA VOLONTÉ DE DIEU, ET SON RÔLE EST DE
RECEVOIR LES SEMENCES DIVINES, DE LES CONSERVER, DE
PRODUIRE TOUTES CHOSES, DE LES DISSOUDRE ET DE LES
RENOUVELER. COMME UN BON LABOUREUR DE LA VIE, IL
RENOUVELLE SES PRODUCTIONS EN LES TRANSFORMANT, IL
ENGENDRE TOUTE VIE, IL PORTE TOUS LES ÊTRES VIVANTS, IL EST
À LA FOIS LE LIEU ET L’OUVRIER DE LA VIE.

LA RAPIDITÉ DU MOUVEMENT DU MONDE PRODUIT LA VARIÉTÉ


DES GENRES. H54

SI L’ESPRIT CONÇOIT QUELQUE CHOSE DE PLUS VRAI ET DE PLUS


CLAIR QUE TOUTE VÉRITÉ, C’EST CE DEVOIR DE PROCRÉER QUE LE
DIEU DE L’UNIVERSELLE NATURE A IMPOSÉ À JAMAIS À TOUS LES
ÊTRES, ET AUQUEL IL A ATTACHÉ LA SUPRÊME CHARITÉ, LA JOIE,
LA GAIETÉ, LE DÉSIR ET LE DIVIN AMOUR. H142

CE MYSTÈRE SI DOUX ET SI NÉCESSAIRE S’ACCOMPLIT EN SECRET,


DE PEUR QUE LA DIVINITÉ DES DEUX NATURES NE FÛT
CONTRAINTE DE ROUGIR DEVANT LES RAILLERIES DES
IGNORANTS, SI L’UNION DES SEXES ÉTAIT EXPOSÉE AUX REGARDS
IRRÉLIGIEUX. H142
CE QUI EST SEMÉ NE NAÎT PAS TOUJOURS, CE QUI EST NÉ A
TOUJOURS ÉTÉ SEMÉ. H228

CE QUI NAÎT TOUJOURS SE CORROMPT TOUJOURS, MAIS CE QUI NE


NAÎT QU’UNE FOIS NE SE CORROMPT PAS ET NE DEVIENT PAS
AUTRE CHOSE. H227

LES ÊTRES NÉS DE LA CORRUPTION NE SONT QUE MENSONGE, ILS


DEVIENNENT TANTÔT CECI, TANTÔT CELA; CAR ILS NE PEUVENT
DEVENIR LES MÊMES, ET COMMENT CE QUI N’EST PAS IDENTIQUE
POURRAIT-IL ÊTRE VRAI? IL FAUT DONC LES APPELER DES
APPARENCES, Ô MON FILS, ET VOIR DANS L’HOMME UNE APPARENCE
DE JEUNE HOMME, L’ADULTE UNE APPARENCE D’ADULTE, LE
VIEILLARD UNE APPARENCE DE VIEILLARD; CAR ON NE PEUT DIRE
QUE L’HOMME SOIT UN HOMME, L’ENFANT UN ENFANT, LE JEUNE
HOMME UN JEUNE HOMME, L’HOMME FAIT UN HOMME FAIT, LE
VIEILLARD UN VIEILLARD; EN SE TRANSFORMANT ILS NOUS
TROMPENT ET SUR CE QU’ILS ÉTAIENT ET SUR CE QU’ILS SONT. NE
VOIS DONC DANS TOUT CELA, MON FILS, QUE DES MANIFESTATIONS
MENTEUSES D’UNE VÉRITÉ SUPÉRIEURE; ET PUISQU’IL EN EST AINSI,
J’APPELLE LE MENSONGE UNE EXPRESSION DE LA VÉRITÉ. H255

LE MONDE N’EST PAS BON, PUISQU’IL EST MOBILE; MAIS ÉTANT


IMMORTEL, IL N’EST PAS MAUVAIS. L’HOMME, À LA FOIS MOBILE
ET MORTEL, EST MAUVAIS. H63

L’INTELLIGENCE TOUTE NUE NE POURRAIT S’ÉTABLIR DANS UN CORPS


DE TERRE, ET CE CORPS PASSIBLE NE POURRAIT CONTENIR UNE TELLE
IMMORTALITÉ NI PORTER UNE TELLE VERTU. H65

LA PARTIE MONDAINE EST MORTELLE ET RESTE SUR LA TERRE, AFIN


QUE CE QUI EST EMPRUNTÉ AU MONDE LUI SOIT RESTITUÉ. H129

CE N’EST PAS LA NAISSANCE QUI EST LA VIE, C’EST LA SENSATION;

CE N’EST PAS LE CHANGEMENT QUI EST LA MORT, C’EST L’OUBLI.


H90

LA NAISSANCE DE L’HOMME EST UNE DESTRUCTION, LA


DESTRUCTION DE L’HOMME EST LE PRINCIPE DE LA NAISSANCE.
CE QUI FINIT COMMENCE, CE QUI COMMENCE FINIT. H229

3. L’actuel (Les saisons de l’histoire)


Car l’esprit n’est pas chez lui au commencement,
Il n’est pas à la source. (Hölderlin)

En Dieu l’essence n’est pas distincte de l’existence. Son essence est dans son
existence.

Dieu est l’acte pur d’exister.

Un être est connaissable dans la mesure où il est en acte. Dieu qui est l’acte pur,
sans aucun mélange de puissance, est en soi suprêmement connaissable.

Le mal, en tant que non-être qui existe, est de l’être frustré, et en lui-même le mal
est frustration. (Thomas d’Aquin)

L’immuable n’est pas sans la singularité de l’incarnation. La vérité n’est pas l’identique ni le
mouvement mais leur totalité, le cycle des générations où nous avons une destinée unique et
située. Le savoir éternel change de forme pour répondre aux exigences du temps. Les
similitudes entre l’universalité de l’empire romain et la mondialisation du capitalisme qui
s’accélère donnent la mesure de la tâche qui nous incombe mais ne doit pas masquer les
impasses nouvelles dont nous devons répondre et qui ne correspondent plus aux conditions de
l’antiquité. Occasion plutôt de revenir à la tradition, occultée depuis ce temps par la religion
chrétienne et la science, il y a redonne. Les dieux meurent aussi (Osiris-Dyonisos-Christ),
laissant place à une nouvelle prophétie célébrant le Dieu des temps nouveaux que les poètes
annoncent de leurs chants.

Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui


Va-t-il nous déchirer avec un coup d’aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n’ont pas fui!

Mallarmé

Le pouvoir et la science
NOUS AVONS PROPOSÉ LE DÉPÔT DE NOS SECRETS AUX CIEUX, À
LA TERRE ET AUX MONTAGNES; TOUS ONT REFUSÉ DE L’ASSUMER,
TOUS ONT TREMBLÉ DE LE RECEVOIR. MAIS L’HOMME ACCEPTA
DE S’EN CHARGER, C’EST UN VIOLENT ET UN INCONSCIENT.
(CORAN 33/72)

Une religion est une religion dominante, dans un groupe, une région, une nation, un peuple,
un empire. Les peuples adoptent ou adaptent la religion de leurs vainqueurs et les frontières
des deux royaumes se confondent souvent. Préparées dans la transgression révolutionnaire
des exclus qui ne peuvent se satisfaire de l’ordre établi et formulent à nouveau l’enthousiasme
de l’universel, les théologies religieuses doivent faire leurs preuves avant d’être adoptées d’un
souverain qui, sans en avoir toute la maîtrise, sait s’en servir à ses fins. La religion n’est pas
un épiphénomène politique, c’est la condition du politique, la fondation d’un langage
commun, de rites de régulation. La société en dépend. L’unité de la société est fondée par le
sens et cette unité favorise tellement le commerce que la royauté, et son pouvoir de
normalisation, était célébrée au temps de Sumer comme un cadeau des dieux. Mais il n’y a
pas de garantie que le réel soit conforme à sa représentation, que l’action de l’Etat soit
conforme à ses fins. Le culte de l’ordre et de l’unité se réduit au culte du pouvoir et de la
hiérarchie, de l’élite, de la soumission (Islam). Pourtant, l’histoire des peuples est l’histoire
de leurs libérations, le mot de liberté est inscrit sur leurs étendards. Le pouvoir dément
l’échec, la vérité seule peut nous rendre complices.

La religion de l’Un est, tout à fait explicitement pour la part orientale, une religion du pouvoir
suprême (Horus, Basileus) représentant de l’ordre universel, Pharaon ou César, dieu sur la
terre. La soumission au souverain remplace le banquet de la démocratie. Platon aussi dans sa
république nous assène un ordre répugnant comme celui de toute utopie. Le catholicisme de
Constantin n’est pas la conversion d’un enfant de choeur mais une prise en main habile,
complice des utopistes chrétiens. L’empire a pourvu à son organisation et son enracinement
parfois brutal. La religion de l’Unité donne raison au pouvoir, jusqu’à Hegel qui affirme que
le pouvoir de l’Etat doit être personnifié dans un souverain responsable. Mais la religion de
l’Un donne raison plus encore aux exclus, aux opprimés, de réclamer leur part et mépriser
ceux qui les méprisent. Marx a eu raison de s’appuyer sur le prolétaire pour atteindre à
l’universel, comme les chrétiens s’appuyaient sur les juifs et les esclaves pour fonder l’unité
de l’empire universel. L’unité de l’Etat ne peut être admirée quand cet Etat ne traite pas
comme il convient les sujets dont il procède (le mandat du ciel). L’Etat doit rejoindre sa
vérité universelle au service sacré de chaque citoyen singulier qui a droit à sa reconnaissance.
La démocratie représente l’unité réalisée mieux que la tyrannie, ce n’est d’aucune garantie
contre le pire mais nous en rend responsables. Notre action y passe pour décisive et ne se
réduit jamais à rien, même à échouer d’abord comme tout précurseur. Le désir de révolution
ne peut être qu’un devoir humilié où la dignité bafouée rejoint la vérité de tous.

Les administrés ne sont pas étrangers aux administrateurs ni les êtres ordonnés
aux ordonnateurs, et ce qui sert n’est pas, en tant qu’instrument, sans accord avec
l’usager. J155

La Science sans conscience qui nous sert d’âme ne peut plus ignorer les conséquences de son
pouvoir (de la folie nucléaire aux catastrophes écologiques), la nécessité d’une approche
globale. Le capitalisme ne suffit pas à gérer sa déroute et il n’y a plus rien d’autre. La vérité
du capitalisme est le marché, c’est à dire la séparation du producteur et du consommateur.
Aucune voie autre que tyrannique et impuissante ne pourra rétablir l’unité perdue en
réconciliant l’offre et la demande. Il faut prendre acte au contraire de leur séparation et en
réguler l’échange (gagner du temps), seule voie où l’unité n’est pas contredite par le réel et
c’est la voie de la démocratie qui fait de chaque un le gardien de tous. L’Unité peut se
réclamer du Dieu jaloux et de sa colère ou respecter sa diversité.

Ne pas restreindre la divinité à un seul être, la faire voir aussi multipliée que Dieu
nous la manifeste effectivement, voilà qui est connaître la puissance de Dieu,
capable, en restant ce qu’elle est, de produire les dieux multiples qui se rattachent
à lui, existent par lui, et viennent de lui! (Plotin Ennéades II9-9)

Le savoir et la foi
Le Savoir absolu et circulaire ne suffit pas. La querelle de la Gnose et de la foi a consacré le
triomphe de la foi (foi d’Abraham déjà, du Dieu du père) au nom de la religion universelle
avant que les lumières n’en réveillent l’opposition. Le savoir de l’unité introduit, en effet, une
séparation entre le sage et la foule, séparation que la foi doit abolir au nom d’une unité plus
essentielle de tous les sujets dans leur universelle singularité, leur part de vérité, leur acte de
foi.

HEUREUX LES PAUVRES D’ESPRIT.

Les valentiniens nous attribuent la foi à nous simples; quant à eux, ils prétendent
posséder la gnose, car ils sont sauvés par nature, avantage qu’ils doivent à la
semence supérieure; ils disent que cette gnose est extrêmement éloignée de la foi,
selon que le pneumatique est séparé du psychique, l’esprit de l’âme. (Clément)
V156
Il est meilleur, il est plus utile d’être ignorant et peu savant, mais de se rapprocher
de Dieu par charité, que de paraître savoir et connaître beaucoup en blasphémant
contre celui qu’ils appellent Démiurge. (Irénée) V183

C’est la foi et l’amour qui sauvent; le reste est indifférent et seule l’opinion
humaine y met une distinction de bien et de mal. (Irénée) V172

Le Bouddhisme aussi n’a pu triompher qu’en acceptant “le chemin facile” de la foi (la Bhakti)
ouvert à tous en opposition à la voie du salut par les oeuvres ou la Connaissance.

Se limiter à la foi c’est exclure le sens symbolique pour ne garder que le fait historique, la
profession de foi (le Martyr), la répétition du dogme sans complétude de la théorie, sans
compréhension mais par libre adhésion. Le savoir rejeté dans le réel, libéré des contraintes
théologiques (contrairement à l’Orient et l’Islam), fait retour dans la science, détaché du sens.
La foi inconditionnelle d’Abraham est aussi un refus du savoir (serpent) au profit de la loi,
écrite (et non d’un roi).

D’après la Théorie théologique, le monde dont on parle n’implique qu’un seul


Discours (pratique) vraiment efficace en tant que Discours, qui est la Prière.
L’univers où parlent les hommes implique donc un être, appelé Dieu, qui est
Compréhensif vu qu’il comprend tout ce qu’on lui dit (en le priant d’écouter), qui
est tout-puissant en ce sens qu’il peut exaucer n’importe quelle prière qu’on lui
adresse et qui est souverain parce qu’il exauce ou non ces prières selon son seul
bon plaisir et sans nulle raison ou cause qui l’y contraindrait, ce qui veut dire
aussi qu’il est un être aimant, censé aimer en retour ceux qui l’aiment et donner
suite par amour à leurs voeux. (Kojève Histoire raisonnée III p33)

Il est amusant de voir que Freud ne demande pas plus au psychanalyste que la foi dans
l’existence de l’inconscient (soit le savoir qu’implique son discours) et non la purification de
son pouvoir. La foi y dépend d’une initiation, la psychanalyse, qui met en acte l’inconscient,
l’objective en le déliant du corps. Cette séparation du Symbolique et du Corps éprouvée dans
le Réel est ouverte à tout sujet du langage puisque rien que la parole y compte. Cette
ouverture de l’être aux plus démunis, aux névrosés sinon aux fous, cette croyance à
l’existence de l’inconscient est encore une initiation mais cet accès au discours de la science
par quiconque (pas tous) opère une synthèse nouvelle du savoir et de l’universel.

N’est-ce pas, chez Freud, charité que d’avoir permis à la misère des êtres parlants
de se dire qu’il y a—puisqu’il y a l’inconscient—quelque chose qui transcende,
qui transcende vraiment, et qui n’est rien d’autre que ce qu’elle habite, cette
espèce, à savoir le langage? N’est-ce pas, oui, charité que de lui annoncer cette
nouvelle que dans ce qui est sa vie quotidienne, elle a avec le langage un support
de plus de raison qu’il n’en pouvait paraître, et que, de la sagesse, objet
inatteignable d’une poursuite vaine, il y en a déjà là? (Lacan Encore 88)

La foi ne peut suffire à effacer le savoir dont elle voudrait se passer. D’ailleurs l’acte de foi
ne suffit pas, réduisant la religion à un légalisme, la vérité est dans les oeuvres (JE PEUX
AVOIR UNE FOI À SOULEVER LES MONTAGNES, SI JE N’AI PAS LA CHARITÉ JE
NE SUIS RIEN) c’est l’Amour qui doit triompher par la vraie foi. Il y aurait de quoi rire
quand on voit le résultat, bouleversements par quoi s’accomplit la génération future mais
surtout épuisement d’un idéal trompé qui engendre dans les rigueurs de l’hiver la fièvre d’un
nouveau printemps. La roue de l’histoire nous broie de crise en crise, ballottés au gré de la
ruse de la raison dans ce qui nous confronte à l’Histoire et ses dialectiques subtiles ou
guerrières.

MAIS CHACUN, COMME IL A COMMENCÉ, POSSÈDE UNE PART ÉGALE DU


CYCLE.

L’amour et la liberté
JE NE FAIS PAS LE BIEN QUE JE VEUX, ET JE FAIS LE MAL QUE JE NE VEUX PAS.
(PAUL)

Le message de l’évangile, inspiré du narcissisme primaire de Dieu pour sa créature (Aime ton
prochain comme toi-même), reste supérieur au simple arbitraire de la foi. Mais l’amour ne
suffit pas, ne suffit plus. L’époque court après la liberté de guerres de libérations en libertés
sexuelles. L’amour est libérateur, il nous sauve mais l’amour est tyrannique aussi, il nous
soumet à une autre volonté. Pourtant l’amour comme la foi a besoin du libre arbitre, sans
liberté de critiquer pas d’éloge flatteur (mortelle jalousie). L’amour qui unit ne doit pas
retrancher la diversité qu’il contient mais unir en préservant la liberté de chacun.

L’amour nous abandonne sous ses rêves infinis, prend toutes les formes de la folie trahie.
Pourtant il nous séduit à chaque rencontre assurément. C’est le lien qui nous lie, les bornes
qui nous rompent.
L’amour sans la liberté n’est plus l’amour que nous aimons. La liberté d’abord à notre
image donne foi et raison, matière, consistance, que l’amour vient combler d’une égale
rencontre.

Mais sans amour comment serons-nous libres ? Prophètes de malheur qui prêchent le coeur
sec, nous n’avons plus besoin de vous, passez comme poussière dans notre nuit d’étoiles,
l’espace nous remplit de son immense souffle.

Lois, Richesses
C’est l’amour qu’il faut changer

Echangez les promesses


Contre l’amour donné (Revocu)

Je n’aime pas les femmes. L’amour est à réinventer, on le sait. Elles ne peuvent
plus que vouloir une position assurée. La position gagnée, coeur et beauté sont
mis de côté: il ne reste plus que froid dédain, l’aliment du mariage
d’aujourd’hui. Ou bien je vois des femmes, avec les signes du bonheur, dont,
moi, j’aurais pu faire de bonnes camarades, dévorées tout d’abord par des brutes
sensibles comme des bûchers...

Que parlais-je de main amie! Un bel avantage, c’est que je puis rire des vieilles
amours mensongères, et frapper de honte ces couples menteurs,—j’ai vu l’enfer
des femmes là-bas;—et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et
un corps. (Rimbaud)

Dire que l’Absolu est non seulement Substance, mais encore Sujet, c’est dire
que la Totalité implique la Négativité, en plus de l’Identité. C’est dire aussi que
l’être se réalise non pas seulement en tant que Nature, mais encore en tant
qu’Homme. Et c’est dire enfin que l’Homme, qui ne diffère essentiellement de
la Nature que dans la mesure où il est Raison (Logos) ou Discours cohérent
doué d’un sens qui révèle l’être, est lui-même non pas être-donné, mais Action
créatrice (= négatrice du donné). L’Homme n’est mouvement dialectique ou
historique (= libre) révélant l’être par le Discours que parce qu’il vit en fonction
de l’avenir, qui se présente à lui sous la forme d’un projet ou d’un “but”
(Zweck) à réaliser par l’action négatrice du donné, et parce qu’il n’est lui-même
réel en tant qu’Homme que dans la mesure où il se crée par cette action comme
une oeuvre (Werk). (Kojève. Introduction... p 533)
C’est pourquoi l’essence de l’esprit est formellement la liberté, la négativité
absolue du concept comme identité avec soi. Selon cette détermination
formelle, il peut faire abstraction de tout ce qui est extérieur et de sa propre
extériorité, de sa présence même; il peut supporter la négation de son
immédiateté individuelle, la souffrance infinie, c’est-à-dire se conserver
affirmatif dans cette négation et être identique pour lui-même. Cette
possibilité est en elle-même l’universalité abstraite de l’esprit, universalité
qui-est-pour-elle-même. (§382)

Le révéler qui, en tant qu’il est l’idée abstraite, est passage immédiat, devenir de
la nature, est, comme révéler de l’esprit, lequel est libre, un acte qui pose la
nature comme son monde; un poser qui, en tant que réflexion, est en même temps
présupposer du monde comme nature autonome. Dans le concept l’acte de
révéler est en même temps acte de créer ce monde, comme son être en lequel il se
donne l’affirmation et la vérité de sa liberté. (§ 384 Hegel Ency.)

La liberté, qui a été l’objet de luttes religieuses (Luther) avant d’inspirer les révolutions
modernes, est la substance de la responsabilité et donc de la culpabilité (Platon: La faute est à
qui choisit; le dieu n’y est pour rien—Timée. C’est vous qui choisirez un démon, et non pas
un démon qui vous prendra.—République). C’est aussi le nom de l’énigme du réel et de
l’exigeant devoir d’y répondre, dans l’impossibilité de pouvoir s’y mesurer à notre finitude
même: pas de liberté sans ignorance, mise en question, mais pas de liberté qui vaille sans être
la mise en commun de cette ignorance avec un autre qui l’objective par son désir.

La liberté est nécessaire à l’homme, à l’esprit, au progrès (les lumières). On peut bien
l’enfermer, la voler, la détruire elle ne recule pas longtemps, toute occupée à briser les chaînes
qui l’entravent. On n’a pas le choix, on est libre c’est à dire obligé de choisir (chaque
représentation opère un jugement) et responsable pour l’Autre de notre identité (la personne),
au-delà de tout déterminisme. L’homme est libre pour l’homme, l’esprit pour l’esprit. La
liberté est d’abord le dialogue ou la lutte de pur prestige. La liberté du désir, désir de l’Autre,
de reconnaissance, est une contrainte formelle, libération du donné, négatrice, pure
affirmation de l’esprit, de l’identité autonome, réflexive (Je=Je) donc incarnée. L’unité de
l’esprit est sa liberté, sa liberté est son unité. Tout commence par la révolte, déclaration
d’indépendance (La liberté ou la mort).

Hermès semble se limiter à la libération du corps et la soumission orientale à l’ordre établi


dans l’acceptation, la contemplation du cosmos dont l’éternité cyclique est inaccessible à
toute action, fût-elle divine. La liberté pourtant dépend de ce qu’on en fait (on ne peut servir
deux maîtres). Elle nous rend responsables devant l’histoire à mesure même où notre
ignorance doit malgré tout décider du sort et dessiner notre image. C’est la troisième liberté,
celle du réel dont le savoir n’est pas donné d’avance. Nous devons agir dans l’ignorance,
d’autant plus attentifs aux signes perceptibles, aux expériences accumulées, pour qu’advienne
au monde notre présence créatrice, qui s’y mesure en y échouant. Nous sommes déterminés
par la structure mais l’avenir reste incertain, non calculable (le déterminisme est une
idéalisation folle, effet d’après coup).

Il faut distinguer la liberté absolue et tyrannique de l’arbitraire avec une liberté multiple et
divisée mais concrète. L’histoire manifeste la liberté de reproduction qui se reproduit en se
transformant, en transformant ses conditions de reproduction. L’homme est son propre
produit incalculable en ses effets. C’est la signification imprévisible de sa liberté, la
naissance de sa possibilité, sa mise au monde infinie. Notre dignité est d’en concevoir les
possibles et d’en cultiver les avantages, corriger les dérives, imposer notre direction, inscrire
notre marque pour l’à venir, bien faire et bien dire, tenir sa place. Non pas seulement libre de
quelque chose mais libre pour.

Notre charte est celle de nos pères qui n’ont pas achevé la besogne mais tracé le sillon.
Chacun est libre de vivre comme il veut (comme le veut sa raison unique et déchirée dans
notre commune solitude), chacun se vaut parole contre parole (sans distinctions de fortune ou
de sang) et chacun vit en nous (solidaire, miroir et juge): Liberté, égalité, fraternité. Cela ne
va pas de soi. L’avenir dépend de ce que nous en ferons, il dépend de nos actes. (Manifeste)

La fin de la Science
Un coup de dé jamais n’abolira le hasard (Mallarmé).

Aussi faut-il suivre le Logos commun (Héraclite).

Là pas d’espérance
Nul orietur
Science avec patience
Le supplice est sûr

Se peut-il qu’Elle me fasse pardonner les ambitions continuellement écrasées,—


qu’une fin aisée répare les âges d’indigence,—qu’un jour de succès nous
endorme sur la honte de notre inhabileté fatale?
Que des accidents de féerie scientifique et des mouvements de fraternité sociale
soient chéris comme restitution progressive de la franchise première?...

Oh! la science! on a tout repris. Pour le corps et pour l’âme,—le viatique,—on a la


médecine et la philosophie,—les remèdes de bonnes femmes et les chansons
populaires arrangées.

La science, la nouvelle noblesse! le progrès. Le monde marche! Pourquoi ne


tournerait-il pas?

C’est la vision des nombres. Nous allons à l’Esprit. C’est très certain, c’est
oracle ce que je dis. Je comprends, et ne sachant m’expliquer sans paroles
païennes, je voudrais me taire.

Il faut être absolument moderne. Point de cantiques: tenir le pas gagné.


(Rimbaud)

Depuis la physique quantique et le nazisme, la science n’en finit pas de tracer ses limites du
Chaos aux constantes de l’Univers, de la médecine à l’écologie. Le mur infranchissable est
physique. Notre position dans l’univers ne nous empêche pas d’en rien savoir mais d’en
savoir tout. Lorsque le physicien se trouve face à ses propres limites et non face à l’énigme
du réel il perd l’énergie de la vérité qui en a permis la formalisation. La physique se réduit à
son efficacité et donc à la technique dont la science a toujours voulu se distinguer pourtant
dans la confrontation de son formalisme au réel de l’expérience (Le réel c’est l’impossible,
seul le réel est rationnel). C’est le point où les illusions qu’elle véhiculait s’effondrent, sa
conception du monde, son idéologie, ses présuppositions, nous laissant désemparés face à
notre destin. La prétention d’occuper la place des anciens dieux y devient risible. Un Dieu
n’est pas une figure géométrique, c’est un combat pour une cause, c’est le concept qui
mesure notre peine (Lennon).

Les contraintes sont devenues moins occultes, plus grossières, moins puissantes,
plus nombreuses.

Dans la lutte contre l’aliénation naturelle (la mort, la maladie, la souffrance),


l’aliénation est devenue sociale. Et à leur tour, la mort, la maladie, la souffrance
devinrent sociales.

Nous ne voulons pas d’un monde où la garantie de ne pas mourir de faim


s’échange contre le risque de mourir d’ennui.
(Vaneigem)

Il faut que le communisme s’écroule réellement pour que notre condamnation de sa tyrannie
devienne réfutation de sa mythologie. Il faut que la Science baisse les armes devant le réel
pour que se révèle la naïveté des attentes qu’elle a pu susciter malgré toutes ses dénégations.
La psychanalyse est le lieu d’émergence de ce sujet de la science, le point de ses contradictions
(énoncé limité par son énonciation) encore méconnu par ses tenants, ce qui ne l’empêche pas
de travailler les discours et subvertir l’assurance que l’homme moderne trouvait dans sa
rationalité formelle. La question refoulée de l’origine et du sens retrouve son antique actualité.
La Sagesse n’y est d’aucun secours qu’à nourrir de silence le cycle des générations, laissant la
plainte sans réponses. Mieux vaut se réclamer de son Daimon, de son symptôme, de sa folie
singulière que d’une perfection usurpée et inactuelle. L’universalité de l’esprit s’étend au-delà
des pauvres d’esprit, des prolétaires, de toute normalité jusqu’à la folie, aux rêves, aux actes
manqués. L’inadéquation de l’individu à l’universel est sa maladie originaire. (§ 375 Ency.
Hegel)

L’être de l’homme, non seulement ne peut être compris sans la folie, mais il ne
serait pas l’être de l’homme s’il ne portait en lui la folie comme limite de sa
liberté.

Que chacun fasse référence à sa vie. Est-ce qu’il a ou non le sentiment qu’il y a
quelque chose qui se répète dans sa vie, toujours la même, et que c’est ça qui est
le plus lui. Un certain mode du jouir, un stéréotype qui est bien le stéréotype de
chacun, témoignant d’un manque vraiment essentiel.

L’être parlant ne sait pas les pensées même qui le guident. Ces pensées comme
toutes les autres, se caractérisent par ceci qu’il n’y a pas de pensée qui ne
fonctionne comme la parole, qui n’appartienne au champ du langage. La façon
dont Freud opère, part de la forme articulée que son sujet donne à des éléments
comme le rêve, le lapsus, le mot d’esprit. La nouvelle forme qu’il lui substitue
par l’interprétation est de l’ordre de la traduction, et la traduction c’est toujours
une réduction. Il y a toujours une perte. Cette perte, c’est le réel de
l’inconscient, le réel même tout court. Le réel pour l’être parlant, c’est ce qu’il
perd, et surtout qu’il se perd quelque part, et où? C’est là que Freud a mis
l’accent, il se perd dans le rapport sexuel. Il y a des normes sociales faute de
toute norme sexuelle.
Même si les souvenirs de la répression familiale n’étaient pas vrais, il faudrait les
inventer, et on n’y manque pas. Le mythe, c’est ça, la tentative de donner forme
épique à ce qui s’opère de la structure.

Où en tout ça, ce qui fait bon heur? Exactement partout. Le sujet est heureux. C’est
même sa définition puisqu’il ne peut rien devoir qu’à l’heur, à la fortune autrement
dit, et que tout heur lui est bon pour ce qui le maintient, soit pour qu’il se répète.
L’étonnant n’est pas qu’il soit heureux, c’est qu’il prenne idée de la béatitude, une
idée qui va assez loin pour qu’il s’en sente exilé.

La tristesse c’est simplement une faute morale, un péché, ce qui veut dire une lâcheté
morale, qui ne se situe en dernier ressort que de la pensée, soit du devoir de bien dire
ou de s’y retrouver dans la structure.

(Lacan)

La folie n’est pas, pourtant, une simple dimension intellectuelle, un jeu d’esprit mais bien le
risque de la pensée, son arbitraire sans garantie livré à l’échange avec l’autre ou à
l’effondrement du rapport à l’autre.

Je parle moi de l’absence de trou, d’une sorte de souffrance froide et sans


images, sans sentiment, et qui est comme un heurt indescriptible
d’avortements.

Je me perds dans ma pensée en vérité comme on rêve, comme on rentre subitement


dans sa pensée. Je suis celui qui connaît les recoins de la perte.

(Arthaud)

•••

Oh! mes amis!—mon coeur, c’est sûr, ils sont frères Noirs inconnus, si nous
allions! allons! allons!

Or il y a des gens hargneux et joyeux, de faux élus, puisqu’il nous faut de


l’audace et de l’humilité pour les aborder. Ce sont les seuls élus. Ce ne sont pas
des bénisseurs!

Ô saisons, ô châteaux!
Quelle âme est sans défauts?
J’ai fait la magique étude
Du bonheur, qu’aucun n’élude

Je vis que tous les êtres ont une fatalité de bonheur: l’action n’est pas la vie,
mais une façon de gâcher quelque force, un énervement. La morale est la
faiblesse de la cervelle.

A chaque être, plusieurs autres vies me semblaient dues. Ce monsieur ne sait ce


qu’il fait: il est un ange. Cette famille est une nichée de chiens. Devant
plusieurs hommes, je causai tout haut avec un moment d’une de leurs autres vies.
—Ainsi j’ai aimé un porc.

Aucun des sophismes de la folie,—la folie qu’on enferme,—n’a été oublié par
moi: je pourrais les redire tous, je tiens le système.

C’est faux de dire: je pense: on devrait dire on me pense.

Je est un autre. Tant pis pour le bois qui se trouve violon et nargue aux
inconscients qui ergotent sur ce qu’ils ignorent tout à fait.

Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident:


j’assiste à l’éclosion de ma pensée: je la regarde, je l’écoute: je lance un coup
d’archet: la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d’un
bond sur la scène.

Si les vieux imbéciles n’avaient pas trouvé du moi que la signification fausse,
nous n’aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps
infini ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s’en clamant
les auteurs!

La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance,
entière; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend. Dès qu’il la sait, il
doit la cultiver; cela semble simple: en tout cerveau s’accomplit un développement
naturel; tant d’égoïstes se proclament auteurs qui s’attribuent leur progrès
intellectuel!—Mais il s’agit de faire l’âme monstrueuse: à l’instar des
comprachicos, quoi! Imaginez un homme s’implantant et se cultivant des verrues
sur le visage.

Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.


Le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les
sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie; il cherche lui-même, il
épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences. Ineffable
torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient
entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit—et le suprême
savant!—Car il arrive à l’inconnu, et quand affolé, il finirait par perdre
l’intelligence de ses visions, il les a vues! Qu’il crève dans son bondissement par
les choses inouïes et innommables: viendront d’autres horribles travailleurs; ils
commenceront par les horizons où l’autre s’est affaissé!

Donc le poète est vraiment voleur de feu.

Il est chargé de l’humanité, des animaux même; il devra faire sentir, palper,
écouter ses inventions; si ce qu’il rapporte de là-bas a forme, il donne forme; si
c’est informe, il donne de l’informe. Trouver une langue;

—Du reste, toute parole étant idée, le temps d’un langage universel viendra!

Cette langue sera de l’âme pour l’âme, résumant tout, parfums, couleurs, de la
pensée accrochant la pensée et tirant. Le poète définirait la quantité d’inconnu
s’éveillant en son temps dans l’âme universelle: il donnerait plus que la formule de
sa pensée, que la notation de sa marche au Progrès! énormité devenant norme,
absorbée par tous, il sera vraiment un multiplicateur de progrès! La poésie ne
rythmera plus l’action; elle sera en avant.

Ces poètes seront! Quand sera brisé l’infini servage de la femme, quand elle
vivra pour elle et par elle, l’homme,—jusqu’ici abominable,—lui ayant donné
son renvoi, elle sera poète, elle aussi! la femme trouvera de l’inconnu! Ses
mondes d’idées différeront-ils des nôtres?—Elle trouvera des choses étranges,
insondables, repoussantes, délicieuses; nous les prendrons, nous les
comprendrons.

Pleurant, je voyait de l’or et ne pu boire.

Ce n’est rien! j’y suis! j’y suis toujours

Rimbaud

source: http://perso.wanadoo.fr/marxiens/philo/pretapen/hermes.htm

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