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Des personnes évacuées, dans un centre d’aide, à Pazarcik (Turquie), le 12 février 2023. HIROTO
SEKIGUCHI/AP
Elle fume sa cigarette, du geste lent et délicat de ceux qui ont appris à savourer chaque seconde de
l’existence. Longue natte noire, tatouée de fleurs sur les avants bras, la jeune femme sourit en
regardant la petite cage ouverte devant elle, sur laquelle trois canaris piaffent à tour de rôle : « On
dit que ces oiseaux perçoivent à l’avance les tremblements de terre, les miens n’ont rien senti. » A
19 ans, Roserin Keloglu est une survivante, sortie des décombres de son village situé à quelques
kilomètres de la ville de Pazarcik, l’épicentre du séisme du 6 février. Une tragédie, dont le bilan a
franchi, mardi 28 février, la barre des 50 000 morts.
Assise dans une grande salle vide, la jeune femme tue le temps avec ses oiseaux et ses proches
restés à ses côtés. Dès le deuxième jour de la catastrophe, Roserin s’est installée ici, dans ce foyer
appelé « Hasankoca ». Situé à une dizaine de kilomètres du centre-ville, le lieu est rapidement
devenu l’un des principaux centres d’aide de Pazarcik et des alentours. Très vite, des ONG et une
poignée de militants du Parti démocratique des peuples, le HDP, une formation de l’opposition, de
gauche et prokurde, très active dans le sud-est du pays, y ont déployé tout un savoir-faire pour
assister les plus nécessiteux et pallier l’absence des pouvoirs publics.
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Autour du poêle et des chaises pliantes, le spectacle n’est que désolation. Les tentes de l’AFAD,
l’organisme gouvernemental de gestion des catastrophes naturelles, s’étendent à perte de vue, entre
les champs et les trouées des immeubles ravagés. Quelques ONG ont réussi à planter les leurs. Une
kitchenette venue de la petite ville frontalière de Silopi, située à l’extrême sud-est du pays, sert des
repas à une file de rescapés toujours plus longue. « [Les membres des ONG] sont là depuis le
début, mais, bientôt, la municipalité de cette ville les rappellera, et ils devront partir, qui les
remplacera ? », s’interroge Fahri.
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A Pazarcik, 96 % des immeubles se sont effondrés ou doivent être démolis et rasés, selon un
responsable de la police locale qui taira son nom. Le centre de crise des autorités, sur l’avenue
principale de la ville, ne désemplit pas. L’endroit, autrefois réservé à la préfecture, est devenu une
cour des miracles avec ses locaux délabrés et fissurés, où chacun cherche d’urgence quelque chose,
sous l’œil de la maréchaussée locale. Parmi les noms des ONG nouvellement accolés sur les portes
des bureaux, on remarque la présence d’une petite association de Kayseri, Yesevi Hareketi, proche
de mouvements islamistes prosélytes et ultranationalistes.
« Débats vicieux »
M. Erdogan a de nouveau reconnu mercredi, devant les parlementaires de son parti, l’AKP (Parti de
la justice et du développement), que les opérations de secours avaient été retardées les premiers
jours « en raison du chaos et des conditions météorologiques ».
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« Cependant, quelques heures seulement après le tremblement de terre, nos ministres ont contacté
les villes touchées et ont commencé à coordonner le travail », a-t-il relevé. « Nous avons essayé de
faire tout ce qui pouvait l’être », a-t-il insisté en dénonçant les « débats vicieux » concernant les
institutions et l’armée. Selon M. Erdogan, quatorze millions de personnes ont été affectées par le
séisme.
Le Monde avec AFP