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Architecture
contemporaine
au Canada
français

par Claude Beaulieu

Ministère des Affaires culturelles


Q u é b e c , 1969
U architecture contemporaine
au Canada français
Collection Art, Vie et Sciences
au Canada français

1. P a n o r a m a des L e t t r e s canadiennes-françaises
par G U Y S Y L V E S T R E

2. Le T h é â t r e au C a n a d a français
par J E A N H A M E L I N

3. La Peinture moderne au C a n a d a français


par GUY VIAU

4. La Vie musicale au C a n a d a français


par A N N E T T E LASALLE-LEDUC

5. La Vie des sciences au C a n a d a français


par C Y R I A S O U E L L E T

6. L'Essor des sciences sociales au C a n a d a français


par J E A N - C H A R L E S F A L A R D E A U

7. La Renaissance des métiers d ' a r t au C a n a d a français


par L A U R E N T et S U Z A N N E L A M Y

8. Vingt ans de C i n é m a au C a n a d a français


par R O B E R T D A U D E L I N

9. Anciens Ornemanistes et Imagiers du C a n a d a français


par G É R A R D L A V A L L É E

10. A r c h i t e c t u r e c o n t e m p o r a i n e au C a n a d a français
par C L A U D E B E A U L I E U
L'architecture
contemporaine
au C a n a d a français
par
6)
Claude B E A U L I E U

[h

Ministère des Affaires culturelles


QUÉBEC
1969

D6930043
La collection de brochures Art, Vie et Sciences au Canada
français a été conçue c o m m e un i n s t r u m e n t de d o c u m e n t a t i o n
et de travail destiné à être diffusé auprès d un large public
cultivé, t a n t au C a n a d a q u ' à l'étranger.

C h a q u e auteur, choisi pour sa c o m p é t e n c e reconnue, a


l'entière responsabilité de son t e x t e .

A u c u n des ouvrages de c e t t e série n ' e n t e n d être, toutefois,


un catalogue, un p a l m a r è s ou une publication technique h a u t e -
m e n t spécialisée.

M a i s leur ensemble c o n s t i t u e un témoignage de qualité


de la vitalité culturelle du C a n a d a français.

\
INTRODUCTION

L'architecture, p e n d a n t les quelque dix dernières années, a


littéralement transformé le paysage familier du C a n a d a français.
Pour satisfaire au m o d e d'existence dont notre voisin du sud
nous éblouit, nous a d o p t o n s d'emblée, sans la moindre restric-
tion, non seulement ses normes industrielles et t o u t le confort
matériel mis à notre disposition par les moyens les plus per-
suasifs, mais aussi, d'une façon plus insidieuse, sa manière de
vivre d a n s la conception m ê m e de son h a b i t a t . P a r l'acceptation
implicite de ce fait, nous a d m e t t o n s notre s u b o r d i n a t i o n à la vie
américaine à laquelle nous a p p a r t e n o n s géographiquement. Alors
q u e le Mexique, p a y s nord-américain, se trouve en grande partie
détaché de ce contexte, nous sommes, dans ce domaine, à peu
près assimilés. D ' a u t r e p a r t la technique, en libérant l ' h o m m e
de ses obstacles géographiques, s'est rendue maîtresse de la
planète e n t i è r e : c'est le p r o t o t y p e industrialisé qui fait loi,
l'économie et l'efficacité dans l'exécution qui prévalent. L'archi-
tecture s'exporte, comme de la machinerie, en pièces détachées.
L ' u r b a n i s m e de son côté a p p o r t e des formules universelles basées
sur la sociologie, la géographie, la climatologie, les statistiques;
cette science (ou cet a r t ) se t r a d u i t par u n canevas à l'usage
des architectes et des ingénieurs. R o m p a n t avec des m o y e n s
locaux, l'urbanisme formule des exigences sérielles à l'usage de
notre monde.
P o u r t a n t , de plus en plus, u n g r o u p e m e n t h u m a i n ne peut,
en dernière ressource, se singulariser que par l'affirmation de sa
personnalité e m p r e i n t e d ' u n atavisme qui décèle des qualités et
des défauts souvent en réaction contre les pressions exercées
par une n a t i o n très organisée matériellement ou animée d'une
vie spirituelle d y n a m i q u e .

Il faut donc, en t a n t que nation vivant d a n s le contexte


actuel, faire prévaloir son caractère p r o p r e à t r a v e r s des volumes,
des r y t h m e s , des jeux de m a t é r i a u x banalisés à l'échelle mondiale.
Seules, peut-être, quelques nations dépositrices d'une civilisation
très ancienne c o m m e le Japon ou toujours en é t a t d'ébulhtion
créatrice c o m m e l'Italie; ou encore certains peuples primitifs

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non contaminés, o n t le ressort suffisant pour faire passer le
souffle ancestral de leur spiritualité dans l'architecture ainsi
m a r q u é e de leur sceau indélébile.
A la lumière de ces considérations, la position du C a n a d a
français paraît bien difficile à cerner. Le biculturalisme officiel,
le cosmopolitisme de fait, la gigantesque influence du sud par-
tagent la population entre de nombreuses sollicitations puisées
dans des sources souvent divergentes et d a n s des influences
appauvries par le rejet global d ' u n passé qui reste toujours
e m p r e i n t de poésie a u t h e n t i q u e .
Il n'est a u c u n e m e n t question de se soustraire aux influences,
mais il faut les passer au crible d'une analyse rigoureuse pour en
extraire une n o u r r i t u r e assimilable. Il faut puiser d a n s des
œuvres instinctives en fonction d ' h a b i t u d e s valables h a u t e m e n t
caractérisées, dans u n climat à soi, et repenser Le problème en
se s e r v a n t des données techniques et des i n s t r u m e n t s les plus
avancés, pour façonner une plastique actuelle, utile, génératrice
d ' u n a r t de vivre.
S'il fallait courir à la recherche de ses inspirations nationales
pour faire le point sur l'architecture actuelle au C a n a d a français,
le bilan serait p l u t ô t mince. E n allant seulement à la découverte,
dans l'aire géographique si bien dessinée du Québec, des réali-
sations les plus m a r q u a n t e s de l'architecture actuelle, on t r o u v e
d a n s le capharnaiim de nos cités des œ u v r e s t r a n s c e n d a n t e s par
l'apport intelligent et sensible, souvent personnel, des solutions
techniques et des expressions plastiques.
Les c h a n g e m e n t s opérés d a n s l'acheminement de nos des-
tinées se sont plus ou moins cristallisés à la suite de m o u v e m e n t s
politiques i n a t t e n d u s , vers les années soixante. Il est évident que
cet a b o u t i s s e m e n t a v a i t pris racine et germé d a n s le sillon d'évé-
nements m o n d i a u x : il s'était alors produit un brassage inoui
d'êtres h u m a i n s qui devait multiplier les échanges de toutes
sortes par u n éclatement des moyens de diffusion qui dépasse
l'imagination.
C e t t e profusion d'idées et de faits, étalés sans les retenues
des préjugés ou de la fausse pudeur, a transformé radicalement
les jeunes générations, perméables et réceptives, avec une force

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et une rapidité à l'image des i n s t r u m e n t s mis à leur disposition.

N o u s vivions, depuis trois ou q u a t r e générations, dans une


résignation un peu timorée, coiffés de formules surannées nous
v e n a n t pour la p l u p a r t de l'étranger. Après ses a v e n t u r e s terri-
toriales, l'Amérique a v a i t c o n n u une expansion qu'elle n ' é t a i t
pas p r ê t e à t r a d u i r e en architecture. Aussi, les m a r q u e s de la
prospérité se manifestèrent par les profusions hétéroclites de
t o u t e provenance qui s'étalaient sur les façaces de voies recti-
lignes interminables. C e t étalage de pastiches a profondément
m a r q u é le caractère de notre pays. C'est dans ce climat affligeant
q u ' o n t m û r i plusieurs générations d'architectes.

L'application industrielle du fer, puis de l'acier d a n s la


construction, la découverte du béton a r m é , allaient ramener
l'architecture, jusque là confinée dans les exercices de style
e t de virtuosité, à des conceptions de p u r e c o n s t r u c t i o n ; mais
discrètement, par la porte de service, pour finalement s'affirmer
en satisfaisant d'abord aux nécessités de l'économie. Ainsi des
n o v a t e u r s comme Joseph P a x t o n , John Fowler ou B e n j a m i n
Baker en Angleterre; Viollet-le-Duc, B a l t a r d , Eiffel, D u t e r t et
C o n t a m i n en F r a n c e ; l'Ecole de Chicago, John Roebling aux
E t a t s - U n i s o n t a p p o r t é les solutions qui allaient transformer
l'échelle des espaces architecturaux et façonner une nouvelle
m e n t a l i t é urbaine.

Chez nous, l'enseignement formait des architectes selon le


processus en faveur depuis la fondation des grandes écoles du
1
X I X siècle. La faible densité de n o t r e population, aux activités
e

cantonnées d a n s certaines sphères bien délimitées, en dehors


des grands c o u r a n t s i n t e r n a t i o n a u x , le climat rude de notre
territoire n ' é t a i e n t a u c u n e m e n t favorables à l'épanouissement
d ' u n enseignement qui visait au m o n u m e n t a l . D a n s la p r a t i q u e ,
cette assimilation q u i restait en grande partie a b s t r a i t e sur le
plan local, e n t r a î n a i t les architectes à suivre malgré t o u t le
chemin tracé par nos voisins américains, influencés eux-mêmes
par l'école des Beaux-Arts de Paris, d o n t l'enseignement do-
m i n a i t alors aux E t a t s - U n i s . A cause m ê m e de ces conditions
il était impensable d'imaginer une école a u t r e que celle qui nous
m a i n t e n a i t t o u t de m ê m e à un certain niveau de pensée.

1. Ce processus, qualifié d ' a c a d é m i q u e , désigne un e n s e i g n e m e n t basé


sur la c o m p o s i t i o n architecturale élaborée à l'aide d'éléments e m p r u n t é s aux
c a n o n s d e s ordres classiques lixés par les théoriciens de la R e n a i s s a n c e et des
grands siècles.
ÉVOLUTION VERS L'ÉTAT ACTUEL

La reprise de contact avec la vie normale, dès la fin des


hostilités, en 1945, fit éclater chez les jeunes une véritable
passion pour la liberté d'expression. Ils se t o u r n è r e n t vers les
n o v a t e u r s qui a v a i e n t remis en question les fondements mêmes
de l ' h a b i t a t et de son conditionnement. Les architectes européens
installés aux É t a t s - U n i s à la suite de l'avènement du n a z i s m e :
Gropius, Mies v a n der Rohe, Breuer, N e u t r a ; l'architecture
nouvelle au Brésil avec Lucio Costa et son élève Oscar Niemeyer,
sous l'égide de Le Corbusier; la reconnaissance mondiale de
F r a n k Lloyd W r i g h t aux E t a t s - U n i s soulèvent la curiosité et
l'enthousiasme des générations qui doivent affronter les impé-
ratifs de la vie de demain.
C e t t e inévitable, fatale a d a p t a t i o n aux valeurs actuelles
aurait déterminé des options dans le sillon d e notre personnalité
nationale si celle-ci, forte d'une culture h a r m o n i e u s e m e n t en-
richie, s'était affirmée. M a i s nous avons préféré e m p r u n t e r tous
les chemins pour buter, faute de guide, sur des obstacles ou des
impasses. Le Mexique, le Brésil et plusieurs a u t r e s p a y s d ' A m é -
rique du Sud o n t t r o u v é leur voie. Le Québec s'est accommodé
de propositions qui lui étaient offertes avec une force de per-
suasion à laquelle il était impossible de se soustraire.

D a n s les agglomérations et d a n s les ensembles domiciliaires


où des formules stéréotypées d ' u r b a n i s m e o n t été appliquées, la
vie quotidienne tend fatalement à se conformer au mode de vie
américain. On p e u t alors déplorer ces transitions qui, à partir
de la tranquille unité des t e m p s héroïques, nous o n t entraînés
de l'hétéroclite à l'uniformité, sans nous faire r e t r o u v e r c e t t e
unité d a n s la variété, véritable reflet de l'existence nationale.
Celle-ci, c o n s t a m m e n t menacée, insensiblement, insidieusement
amenuisée se t r o u v e peut-être, à cause d ' u n p h é n o m è n e d'équi-
libre, tempérée par la forte immigration d'après-guerre qui nous
v a u t une collaboration de groupes ethniques cultivés. F o r t s de
leur c u l t u r e et d'une sensibilité que n o t r e c o n t a c t n'étouffe pas,
ils puisent d a n s les ressources de leur p a y s d'origine ou em-
p r u n t e n t aux pays avec lesquels ils o n t le plus d'affinité. C e t t e
situation favorise des échanges d o n t les résultats, à t r a v e r s
l'éclectisme qu'elle engendre, peuvent être salutaires. D u bras-
sage actuel p e u t jaillir une résultante, expression d ' u n esprit
n o u v e a u p r o p r e m e n t national d a n s l'échelle, le caractère et la
t e x t u r e de l'architecture. Des règlements d ' u r b a n i s m e parfaite-
m e n t adaptés à notre vie, un contrôle et des directives dans la
r e p a r t i t i o n e t le r a p p o r t e n t r e eux des espaces c o n s t r u i t s feraient
de nos agglomérations des villes canadiennes à caractère latin.

UN PROJET D'ORDONNANCE URBAINE


Il y a environ douze ans, avant même que les buildings du boulevard Dorchester
fussent conçus, le service d'urbanisme de ta l'ilte de .Montréal entreprit des re-
clierches pour trouver un art urbain inspiré par une discipline d'ensemble. Ainsi,
ce secteur du boulevard Dorchester, entre le square Dominion et la rue Guy, fit
l'objet d'une étude d'implantation de bâtiments en hauteur répartis selon un
espacement conjorme à l'instinct de l'harmonie, aux lois de ta densité et aux
théories du rationalisme architectural. Les bâtiments, espacés à distances égales,
d'une hauteur raisonnable, se combinaient avec des constructions horizonales et
des espaces de circulation pour piétons, le tout devant permettre une activité
urbaine menée dans le calme et la sécurité.
André Blouin, architecte et urbaniste.
ARCHITECTURE, URBANISME, GÉNIE: ÉTAT ACTUEL

L'automobiliste qui p a r c o u r t la province sur les a u t o r o u t e s ,


roule à la vitesse m a x i m u m vers le b u t de sa course. Il apercevra
peut-être, p e n d a n t quelques secondes, une érablière tronçonnée
et sa p a u v r e cabane abandonnée, il s'attendrira en d e v i n a n t le
village lointain ou le groupe de fermes qui lui étaient autrefois
familières mais avec lesquelles il n ' a u r a plus de contact. C'est
ainsi que le système routier m e t l'automobiliste au r y t h m e du
digeste, de la télévision ou du p a n n e a u - r é c l a m e : t o u t se déroule
vite afin qu'il atteigne le plus t ô t possible le lieu de ses occupa-
tions personnelles par u n réseau ramifié. Ainsi les petites agglo-
mérations, les petites unités d ' h a b i t a t i o n et m ê m e les maisons
isolées, comme les feuilles d ' u n arbre, reçoivent leur sève par le
seul c o n t a c t d ' u n e fine b r a n c h e : plus a u c u n frottement. Laissées
à l'écart, ou à l'abri des p e r t u r b a t i o n s du trafic perpétuel entre
les zones d ' a t t r a c t i o n s , des agglomérations p e u v e n t en contre-
partie mesurer leurs besoins et s'organiser pour équilibrer les
facteurs de revenus et le bien-être de leur population.

Depuis l'établissement de la première a u t o r o u t e , celle qui


conduit dans les L a u r e n t i d e s , au nord de M o n t r é a l , les villes de
banlieue o n t débordé leurs limites, d ' a u t r e s se sont créées.
L'occasion était inespérée de procéder à l ' a m é n a g e m e n t de plans
pilotes r a t t a c h é s à l ' a u t o r o u t e c o m m e u n r a m e a u l'est à la
branche maîtresse d'un arbre. Un véritable réseau de villes
satellites, organisé en fonction de la région montréalaise, a u r a i t
d û s'inscrire d a n s la n a t u r e comme a u t a n t d'unités d ' h a b i t a t i o n s
complètes animées d'une vie véritablement a d a p t é e au rôle de
petites agglomérations rattachées au noyau central. La réalité
a p p a r a î t passablement différente. Si l'impression première n e
m a n q u e pas d ' a t t r a i t , cet a t t r a i t se manifeste a v a n t t o u t par le
neuf, la ;ohesse superficielle qui frisent la duperie et d o n t les
residents sont les victimes, les spéculateurs les bénéficiaires.
Il est difficile de croire à l'architecture et à l'urbanisme d e v a n t
ces espaces morcelés en menues parcelles, sur lesquelles se pressent
des maisons de catalogue entre rue e t arrière-cour, où la banalité
ne le cède q u ' à la monotonie. Quand donc viendra le t e m p s
où chaque citoyen, conscient des valeurs a u t h e n t i q u e s de son

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h a b i t a t , se passionnera pour la qualité des espaces où il sera
appelé à vivre toute son existence ?

LES COUTUMES, LES TECHNIQUES,


L'ÉCONOMIE, LE GOÛT:
SUPPORTS DE L'ARCHITECTURE

P e n d a n t des millénaires, l'architecture s'est modelée douce-


m e n t , sans grands heurts, sur les h a b i t u d e s instinctives de
l'homme, s'affinant au fur et à mesure de son évolution culturelle,
de ses connaissances techniques et de ses visions poétiques. U n
t y p e d'habitation, de temple, d ' e n t r e p ô t , de marché ou a u t r e
édifice public se développa à partir de données qui se cristalli-
sèrent d a n s leurs fondements selon le degré d ' a l t i t u d e et la
n a t u r e des m a t é r i a u x . Depuis l'ère industrielle, toute récente,
l'art de bâtir est passé de la phase artisanale à la phase technique.
La technique, produit de l'industrie, s'est liée à l'économie qui
aujourd'hui maintient dans sa t r a m e une interdépendance quasi
universelle des peuples.
D a n s l'édification d'une œ u v r e architecturale, on a la certi-
tude, a v a n t tout, de s'aventurer dans une entreprise financière:
l'économie conditionne la construction. La fonction pour sa p a r t
doit se livrer à des tours de force pour a t t e i n d r e ses fins à t r a v e r s
les obstacles financiers. Q u a n t à l'architecture, cette exaltation
poétique de la construction, si elle n'est pas directement liée à
l'économie, elle doit s u r m o n t e r de telles contingences qu'elle
réunit r a r e m e n t la somme des conditions requises pour se hausser
au rang le plus élevé des a r t s . Ce qui, en définitive, m a r q u e
l'architecture du sceau de la qualité, c'est le g o û t : c e t t e a p t i t u d e
que possèdent certains êtres à rejeter par élimination t o u t ce
qui n'est pas essentiel aux exigences les plus pures de la sensibilité
et de l'intelligence. Cet équilibre instable et fragile q u e certains
peuples o n t maîtrisé p e n d a n t certaines périodes de leur histoire
est aujourd'hui rompu de façon générale. Mais, instinctivement,
les peuples se cherchent comme un ver sectionné cherche à
rétablir son entité. Cet instinct peut m a r q u e r chez une nation

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inquiète le d é p a r t d'un acheminement vers une architecture
nationale qui s'épanouit sur un terrain difficile en y puisant la
vie par des racines fortement accrochées au sol.

Depuis une décennie, des constructions de tous ordres se


sont édifiées: g r a n d s t r a v a u x publics, ensembles industriels, so-
ciaux et domicilaires, constructions monumentales, édifices spec-
taculaires, h a b i t a t i o n s luxueuses ou modestes. Ces constructions
se s o n t élevées d a n s u n voisinage organisé en cellules étanches,
sans considération appréciable des répercussions qu'elles pour-
r a i e n t avoir les unes sur les autres. S u r t o u t sans considération
de l'utilisation rationnelle du terrain. Celui-ci é t a n t en grande
p a r t i e aux mains de particuliers, la répartition des espaces
c o n s t r u i t s et des espaces boisés, arables ou classés est t r o p
s o u v e n t déséquilibrée. C e t t e situation t r a h i t le système démo-
c r a t i q u e basé sur le respect de la liberté individuelle. Si d a n s ces
conditions le bien général doit primer, c o m m e n t faudrait-il procé-
der dans l'aménagement rationnel du territoire ? T o u t e restriction
à la liberté individuelle dans un b u t culturel p a r a î t irréalisable.

LES GRANDS IMMEUBLES


DE LA RÉGION MONTRÉALAISE

La force d ' a t t r a c t i o n qu'exerce la région de M o n t r é a l a


draîné plus du tiers de la population du Québec. Irrésistiblement,
elle finira par devenir une entité organisée; une vaste composition
c o m p r e n a n t ses espaces réservés, ses réseaux et ses centres
névralgiques. La métropole elle-même a déjà pris l'aspect d'une
grande agglomération américaine, phénomène fatal d a n s le
contexte de la vie actuelle. U n œil averti p e u t toutefois déceler
certains aspects particuliers qui d a n s le cadre grandiose du
fleuve et du M o n t - R o y a l lui confèrent une personnalité pleine
de promesses. Le fleuve, jusqu'ici interdit aux citadins, s'est
ouvert, les espaces publics des q u a r t i e r s de commerce voués à
l'asphalte se sont ornés de plantations, ils se sont multipliés,
ils sont devenus des lieux de rencontre et de délassement.

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L ' i m p l a n t a t i o n heureuse, quoique due au hasard, de quelque
six ou sept gratte-ciel rendent u n m o u v e m e n t cadencé et passa-
blement bien o r d o n n a n c é . On sait, malheureusement, que c e t t e
h a r m o n i e relative est provisoire et que de futures constructions
viendront combler les vides pour former un a m a l g a m e anar-
chique.

Une répartition cartésienne des immeubles d ' u n e m ê m e


catégorie, c o m m e le préconisait Le Corbusier et q u ' o n t r o u v e
amorcée d a n s plusieurs villes, p a r a î t irréalisable.

N o u s admirons ces grandes réalisations et nous les faisons


volontiers nôtres, mais sur le plan social leur conception et leur
financement, sinon leur construction, nous concernent peu. N o u s
sommes les bénéficiaires à p a r t minimes d'oeuvres c o m m e 1 édifice
C.I.L., la Place Ville-Marie, la T o u r Victoria.

L a place Ville-Marie se compose d ' u n p l a t e a u légèrement


surélevé, sur lequel sont implantés divers b â t i m e n t s dominés
par une tour cruciforme de q u a r a n t e - s e p t étages. Ces immeubles
destinés à l'occupation de b u r e a u x sont reliés au sous-sol par u n
système de galeries m a r c h a n d e s p e r m e t t a n t à t o u t e une popula-
tion de se livrer aux activités du commerce et de la distraction.
C e t t e conception de rues intérieures, parfaitement a d a p t é e s à
n o t r e climat, répond à des besoins péremptoires. La tour a
m a r q u é la ville d'une nouvelle identité. U n peu massive, elle a
eu son effet de surprise car elle fut le premier édifice de cette
i m p o r t a n c e élevé d a n s la métropole. Le projet initial la pré-
voyait plus élancée, s o r t a n t de terre sur des piliers h a u t s de cinq
étages, e n t i è r e m e n t dégagés; elle s'est vue par la suite flanquée
de q u a t r e b â t i m e n t s aveugles. La place, quoique rétrécie, exerce
un certain a t t r a i t , qui s'accroîtra au fur et à mesure q u e la foule
l'adoptera. La conception générale d u plan est t o u t à fait classi-
que. La tour, comme la p l u p a r t des édifices de ce genre, groupe
tous les services en un noyau central, où se fait la circulation
verticale.

L'architecture intérieure du rez-de-chaussée est m o n u -


m e n t a l e ; le mur rideau, par contre, m a n q u e d'envolée par la
repetition m o n o t o n e de ses éléments qui n ' o n t pas réussi à dégager
l'expression de verticalité désirée.

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A proximité, l'édifice C.I.L., moins vaste, moins h a u t , moins
expressif, possède une b e a u t é classique plus rigoureuse. L'équi-
libre de ses proportions, le jeu sensible et dépouillé des lignes
et du volume, la finesse des détails et de la t e x t u r e en font une
œ u v r e de première valeur. C o m m e d a n s l'immeuble précédent,
le plan symétrique, ici rectangulaire, ramasse tous ses services
au centre afin de dégager entièrement les espaces sur façade.
Le m u r rideau est souligné de m e n e a u x d'aluminium appliqués
sur u n étagement de verre et d'aluminium émaillé noir. C e t t e
t r a m e accentue la verticalité de l'immeuble tout en lui d o n n a n t
une échelle h u m a i n e .
T o u t a u t r e est la conception plastique de la tour Victoria.
Ici, l'élément de construction s'efface d e v a n t la recherche des
formes. L'esprit est b a r o q u e ; il ignore l'échelle de l'homme, il
n ' a de r a p p o r t q u ' a v e c lui-même. On ne compte pas les étages
mais on évalue la r a p p o r t des trois. coupures horizontales, des
arêtes galbées qui a c c e n t u e n t le m o u v e m e n t fuyant de la verti-
calité comme celui d'une colonne. C e t immeuble est le fruit d'une
longue tradition latine; il est aussi l'expression la plus audacieuse
d'une s t r u c t u r e de béton.

Le dernier né des gratte-ciel est un produit local. L ' i m m e u b l e


de la B a n q u e C a n a d i e n n e N a t i o n a l e domine la Place d'Armes
de ses trente-deux étages. Il se compare a v a n t a g e u s e m e n t aux
b â t i m e n t s déjà édifiés. S'il bénéficie de la Place d ' A r m e s , qui
p e r m e t un dégagement appréciable, la façade qu'il présente n ' a
aucun contact avec elle et le choix de son e m p l a c e m e n t n en
est pas moins une erreur m o n u m e n t a l e . Le voisinage de 1 église

L'ÉDIFICE C. I.L. À JMONTRÉAL

L'immeuble C. I. L., construit itya environi sept ans, est un édifice d'une archi-
tecture rigoureuse el sensible, d'esprit classique. Haut de trente-trois étages, il est
couronné d'une paroi à claire-voie qui dissimule tes sorties mécaniques. La cons-
truction est composée d'une structure d'acier enveloppée d'un mur-rideau d'alu-
minium el de verre sur ses quatre Jaçades, dégagées de tout service. Les services
sont groupés au centre el libèrent tous les espaces vers textérieur. L'aluminium
joue un rôle de premier plan dans thabillage du bâtiment : aluminium noir des
étages en larges bandes émaitlées, fins meneaux au naturel accusant la verlicalilé
du volume. A l'intérieur, on retrouve le même matériau utilisé avec discretion pour
souligner le verre et les divers revêtements : bois, Jormica, tissus.
Architectes: Skidmore, O w i n g s & Merrill. Architectes d'opération: Green-
spoon, Freedlander & D u n n e . [Photo Marcel Corbeau)

16
I
!
I
I
N o t r e - D a m e et s u r t o u t du vieux Séminaire, l'un de nos monu-
m e n t s historiques les plus vénérables et les plus intéressants,
a u r a i t d û commander le respect. Après l'édifice Aldred, la t r a n s -
formation du dallage et l'agrandissement de la B a n q u e de
M o n t r é a l , c e t t e nouvelle construction achève la détérioration
de ce lieu historique qui avait u n e réelle valeur urbaine et
architecturale. C'est u n exemple d e la confusion q u i règne lors-
qu'il s'agit d'établir la hiérarchie des valeurs, d'aller j u s q u ' a u
b o u t de ses intentions et de les structurer. L a recherche d ' u n
a r t u r b a i n n'est pas une mode ou une fantaisie d ' e s t h è t e : elle
constitue le m o t e u r de la civilisation. On sait p e r t i n e m m e n t que
cette situation est due a v a n t t o u t aux exigences t y r a n n i q u e s de
l'économie.
D a n s ces conditions, nos agglomérations n ' o n t q u ' à pro-
longer leur c a p h a r n a ù m d'une génération à l'autre j u s q u ' à une
éventuelle c a t a s t r o p h e générale qui p e r m e t t r a i t u n d é p a r t à
zéro! Le mépris de l'interdépendance architecturale c o m p r o m e t
sérieusement les qualités intrinsèques d'ensembles tels q u e le
W e s t m o u n t Plaza, œ u v r e admirable de Mies v a n der R o h e :
sa proximité avec la maison-mère des D a m e s de la Congrégation
engendre u n total déséquilibre des valeurs. C e t t e p r a t i q u e p e u t
être valable d a n s le cas d ' u n voisinage appelé à disparaître,
comme nous l ' a d m e t t o n s d a n s certains secteurs vétustés ou en
voie de transformation. D a n s les cas cités plus h a u t , ce voisinage
risque de durer encore quelques générations.

L'ARCHITECTURE RELIGIEUSE

Le Québec a la r é p u t a t i o n d'être le lieu où les églises m o -


dernes offrent des solutions audacieuses et neuves; le sujet est
passionnant, délicat et dangereux.
A l'origine simples constructions à peine signalées par le
clocher, les églises ne différaient guère de la grande maison de
pierres. Puis vinrent les inspirations et les pastiches de France,
d'Italie, puis des pays anglo-saxons avec le néo-gothique.

18
C e t t e p r a t i q u e s'est prolongée j u s q u ' à la génération qui nous
précède. Sans oublier l'influence é p h é m è r e qui, a v a n t la guerre,
a suivi les conférences et le séjour au C a n a d a du bénédictin
D o m Bellot. La génération actuelle, après s'être libérée de tous
les poncifs, profite largement des recherches sur le b é t o n . E t
aussi des transformations récentes des normes liturgiques. N o u s
sommes donc, depuis plus d ' u n e décennie, t é m o i n s d ' u n éclate-
m e n t des s t r u c t u r e s qui a v a i e n t figé les formes et le décor de
nos églises, de nos temples, de nos synagogues. Les signes
routiniers d ' u n e architecture qui a v a i t glissé v e r s la facilité
sentimentale o n t cédé la place aux conceptions fonctionnelles
de l'abri sacré dressé pour accueillir les fidèles d a n s les meilleures
conditions de c o m m u n i o n . Les architectes o n t donc imaginé,
avec l'accord t a c i t e du clergé, des plans en gradins, en éventail,
en circonférence; des autels tournés vers les fidèles. L a vue bien
dégagée qu'exige ce nouveau contact de presque tous les sens
a généralisé le p a r t i du large vaisseau sans colonnes.

Les h a n g a r s à dirigeables de Freyssinet, les tours de venti-


lation à profil parabolique des usines et' combien d ' a u t r e s formes
utilitaires aux lignes pures et dépouillées o n t servi de modèle
aux édifices religieux à la recherche d'une nouvelle identité.
Que l'élément de construction utilitaire soit devenu motif d'ar-
chitecture, rien n'est plus vrai, rien ne relève plus de la meilleure
tradition. M a i s qu'il devienne motif p u r e m e n t décoratif, on
t o m b e d a n s l'ornière d ' u n pastiche privé cette fois du souffle
religieux. Les exemples les plus valables sont dus, a v a n t t o u t ,
au goût développé de certains architectes qui o n t su combiner
avec talent e t habilité les formes les plus audacieuses du béton
b r u t et du bois.

M a i s l'architecture religieuse n'a plus de vérité, plus de


spiritualité: elle demeure u n acte de virtuosité. La grande sim-
plicité de m o y e n s et d'expression, la grande modestie seraient
peut-être des portes e n t r o u v e r t e s sur la vérité de l'art sacré.
M a i s ne serait-ce pas là créer une a u t r e formule ?

Les nouvelles paroisses des diocèses de Québec et de M o n t -


réal, les régions de développement récent c o m m e celles de
Chicoutimi, de Sept-Iles ou du lac S a i n t - J e a n o n t vu surgir

19
des édifices religieux dont quelques-uns méritent une mention
spéciale. La région du lac Saint-Jean, en particulier, a bénéficié de
l'installation à Jonquière des architectes Saint-Gelais et F e r n a n d
T r e m b l a y . O n leur doit, e n t r e a u t r e s ouvrages, d e u x églises
d o n t les formes générales, par l'utilisation des voiles minces
en béton, sans b a v u r e , t r a d u i s e n t avec u n sourire e m p r e i n t d ' u n e
certaine finesse, la destination de leur espace et incite a u re-
cueillement par l'absence de recherche p r o v o c a n t e . L'intérieur
répond à 1 extérieur, m ê m e si les motifs s c u l p t u r a u x sont sans
intérêt et si les murales c o n s t i t u e n t u n hiatus par leur facture
profane t r o p recherchée.
C e t t e décentralisation des valeurs à t r a v e r s le territoire
constitue l'indice d ' u n e «prise de position s t i m u l a n t e ; celle-ci p e u t
faire échec à la médiocrité qui sévit d a n s notre province depuis
plus d ' u n siècle.
L a région de Chicoutimi s'est également vue enrichie d ' u n e
église d o n t les qualités techniques et plastiques m a r q u e n t u n e
é t a p e décisive dans l'évolution de notre architecture religieuse.
La g r a n d e v o û t e conique imaginée par P a u l - M a r i e C ô t é et
Desgagné, t r a d u i t e sans trahison par les calculs des ingénieurs,
a t t e i n d r a i t à la p u r e t é sans certains détails d ' a r c h i t e c t u r e qui
a m e n u i s e n t la plénitude de son volume d o m i n a n t .

D ' u n t o u t a u t r e ordre sont les églises édifiées d a n s le


diocèse de M o n t r é a l . La p l u p a r t , en béton ou en bois, béné-
ficient des recherches techniques sur ces deux m a t é r i a u x pour se

L'ÉGLISE S A I N T - D E N I S À SAINTE-FOY
Celle église, parmi les nombreuses autres dont les Jormes sont rcclierchées el même
maniérées, offre un Intérêt particulier à cause du mouvement de sa toiture, qui se
retrousse en fin clocher au-dessus de l'entrée et dont la frange forme une courbe
gracieuse le long des façades latérales ; à cause aussi de sa voûte, qui se structure
en une surface légèrement gauche suggérant discrètement ta carène d'une barque,
en raison, enfin, de la franchise de son plan.
Le rectangle de ta nef, légèrement gonflé sur les grands côtés, s'abrite sous
la voûte charpentée dont les appuis, rejetés à l'extérieur, reposent directement
sur te sot : les murs ne jouent ici que le râle de voile rigide.
Derrière le chœur, une salle de réunion sépare le presbytère de l'église ; un
système de cloisons coulissantes dégage l'arrière du chœur et permet d'offrir un
supplément d'espace.
Le béton, le verre et le bois lamelle dominent dans celle construction nette
el subtile.
Architecte: Jean-Marie R o y . Ingénieur en structure: André Risi.

20
manifester d a n s l'expressionnisme et m ê m e le b a r o q u e . Le ;eu
e x u b é r a n t des volumes, les génératrices de formes, les supports,
les vides et les pleins sont traités avec une générosité d e texture
et de couleur qui font des œ u v r e s intéressantes mais souvent
maniérées et affectées. Il faut être un D ' A s t o u s pour se per-
m e t t r e de jongler sans faillir avec les formes les plus diverses
et arriver à les faire servir à ses fins, tendues vers l'effet cherché,
sans souci a p p a r e n t de logique. Ce jeune architecte, issu de l'Ecole
de F r a n k Lloyd Wright, a doté la région montréalaise d ' u n en-
semble d'édifices religieux d o n t plus d ' u n sont remarquables. Si
les églises de Cartierville, de D u v e r n a y , de T r a c y , de Longueuil
ou de R e p e n t i g n y s'adressent aux sens plus qu'elles n'élèvent
l'âme, elles valent par l'affirmation puissante de leur personnalité.

D a n s la banlieue de la ville de Saint-Jean, u n e église p a r t i -


culièrement bien venue d a n s les proportions, l'emploi des m a t é -
riaux, la finesse des détails et des éléments de c u l t e : bénitiers,
fonts b a p t i s m a u x , autels, s'inscrit a d m i r a b l e m e n t d a n s l'ensem-
ble urbain du q u a r t i e r : Saint-Gérard-Majella. C'est plus q u ' u n e
église, c'est u n véritable centre paroissial, d o n t les activités
peuvent s'étendre à divers domaines de la vie sociale m o d e r n e .

L'évolution sociale se fait sentir p a r t o u t d a n s la province.


Elle a p p o r t e des c h a n g e m e n t s considérables d a n s la conception
m ê m e des édifices du culte, qui deviennent des éléments incor-
porés à l'ensemble des services destinés n o n seulement à réunir
les fidèles p e n d a n t de courts m o m e n t s hebdomadaires, mais
aussi à recevoir les paroissiens pour toutes sortes de manifesta-
tions d ' o r d r e éducatif et culturel. Véritables reflets de la société,
ces centres pourraient devenir le n o y a u de la paroisse si les
valeurs traditionnelles ne m e u r e n t pas faute de compréhension
ou d ' a d a p t a t i o n d ' u n e p a r t , d'indifférence d ' a u t r e p a r t . D e tels
centres surgissent au b o u t d ' u n a c h e m i n e m e n t long et parfois
laborieux. Ils s'organisent d'abord socialement a v a n t de se con-
crétiser architecturalement.

22
LES CENTRES UNIVERSITAIRES

Les universités sont les témoins du d y n a m i s m e actuel de la


jeunesse. D e nouvelles facultés o n t surgi à l'Université Laval,
à l'Université McGill, à l'Université de M o n t r é a l , à l'Université
de Sherbrooke.

L a v a l s'est installée sur un nouvel emplacement, laissant de


côté les b â t i m e n t s vénérables de la vieille ville. Le plan d'en-
semble créé p a r E d o u a r d Fiset est u n e véritable ville r o m a i n e
avec son cardo et son decumanus. C e t t e solution rigoriste tient
c o m p t e du terrain sensiblement plat, sorte de plateau d o m i n a n t
la vallée de Saint-Charles e t les contreforts des L a u r e n t i d e s .
N o s souches nationales, notre particularisme, la ville elle-même
nous imposaient cette vue cartésienne de l'esprit : l'Université de la
vieille capitale se devait d e n e pas imiter docilement les universités
de nos voisins anglo-saxons. Ce p a r t i présente é v i d e m m e n t des
obligations d'ordre u r b a i n auxquelles les premières constructions
pouvaient difficilement se s o u m e t t r e : le terrain vierge d é r o u t a i t
les architectes appelés à édifier des b â t i m e n t s sans possibilité
d'alignement ou d'équilibre. Certaines universités avaient sur
L a v a l 1 a v a n t a g e d'avoir été conçues a r c h i t e c t u r a l e m e n t d ' u n e
seule venue e t exécutées d ' u n seul j e t où le jeu des espaces
construits n ' a v a i e n t pas eu à souffrir de c e t t e mise au point
chronique que nécessite l'addition régulière de facultés nou-
velles. Une commission architecturale consultative, très écoutée
par l'Université, a p p o r t e une aide précieuse par la coordination
qu'elle établit e n t r e les divers p r o j e t s : les Sciences h u m a i n e s ,
la résidence des é t u d i a n t e s , celle des é t u d i a n t s , la F a c u l t é
d'agriculture et la Bibliothèque o n t bénéficié de n o m b r e u x
contacts dont s'est dégagée une ligne générale, malgré certains
compromis inévitables. Les b â t i m e n t s s'accordent c o m m e les
m e m b r e s d ' u n e famille où chacun conserve sa personnalité.

L'Université McGill, à M o n t r é a l , est une institution véné-


rable d o n t l'ensemble architectural a conservé u n c h a r m e fasci-
n a n t . Elle s'est augmentée depuis trois ans de plusieurs édifices
d'une très h a u t e tenue, dont q u a t r e ou cinq sont de toute pre-
mière valeur. L'utilisation du béton prémoulé, l'échelle, le r y t h m e

23
des modules, le r a p p o r t e n t r e les constructions anciennes et les
nouvelles o n t sauvegardé j u s q u ' à un certain point l'unité archi-
tecturale. Les architectes, sensibles à ces impératifs, o n t fait
m o n t r e d ' u n esprit finement civilisé. L'immeuble Stephen Lea-
cock, par l'emploi général du béton texture et des p a n n e a u x
prémoulés, donne à la construction homogénéité et vérité, en
lui conférant une pérennité qui le r a t t a c h e aux œ u v r e s qui
d e m e u r e n t . Les divers immeubles qui se mêlent a u x maisons
du quartier e n v i r o n n a n t se fondent en un tout cohérent. Ainsi
le caractère de ce quartier est respecté. Une seule et grave erreur
se manifeste p o u r t a n t : la tour circulaire, médiocre d a n s ses pro-
portions et ses détails, qui abrite la F a c u l t é de médecine.
Sauf exception, l'Université de M o n t r é a l ne s'est guère
enrichie d'architecture valable. Les essais d ' u r b a n i s m e ne sont
pas plus convaincants : le désir à t o u t prix de faire paysagiste
a engendré des solutions de faux pittoresque plus à leur place
aux abords des a u t o r o u t e s .
Le centre sportif a p p o r t e une solution astucieuse par l'am-
bivalance de sa destination. Le p a r t i s'affirme avec b e a u c o u p
de vigueur, la plastique s'impose par sa forme en portefeuille:
c'est une œ u v r e intelligente. Ici le béton a remplacé la brique
j a u n e qui d o n n a i t le ton général aux premiers b â t i m e n t s élevés
sur ce terrain accidente.
La tour-résidence des étudiantes a valu aux a u t e u r s une
médaille Massey. Conçue pour l'orientation m a x i m u m , la tour
se déploie en plis de verre et de béton comme une enveloppe
épousant le contour d ' u n plan organise en cellules juxtaposées.
Le jeu multiplié des facettes agrémente u n volume qui procède

ÉDIFICE S T E P H E N LEACOCK, UNIVERSITÉ McGILL, MONTRÉAL


Le problème primordial était de lier cet édifice à l'architecture existante. Le corps
de bâtiment horizontal, en verre, lient à l'écart la masse des dix étages de l'im-
meuble principal qui, par son volume et ses génératrices de jormcs, ne nuit aucu-
nement au Redpath Hall. Le simpte rappel des bon'-ivindoa's suffit à créer l'am-
biance traditionnelle qu on trouve dans le quartier. La toiture en cuivre et les murs
de béton prémoulé, dont les agrégats sont boucliardés ou passés au jet de sable, ont la
couleur et la texture des maisons avoisinanles. Les salles de cours se distribuent
horizontalement, alors que les salles d'éludes elles bureaux sont logés dans la tour.
Architectes: Affleck, Desbarats, D i m a k o p o u l o s , Lebensold, Sise, assistés de
T h o m a s E . Blood, Allan T h o m a s , A. Bagi. Ingénieurs en structure: Eskanazi
& Baracs. (Photos H a n - S a )

24
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"Hrrrrmrrrrrrrpr
de l'organisation intérieure. Le pavillon des salles de cours qui
flanque l'aile ouest du grand édifice de l'Université est une œ u v r e
m a r q u a n t e par son caractère massif, ses proportions, ses détails
et ses matériaux, d a n s cet ensemble qui risque de tourner à
l'hétéroclite si on ne veille pas de plus près à l'unité architecturale
sur ce terrain particulièrement difficile.
Les universités se classent p a r m i les établissements en per-
pétuelle évolution. Elles doivent s'adapter sans cesse à de nou-
velles conditions, qui plus est, faire des prévisions. La con-
ception d'ensemble d ' u n tel p r o g r a m m e doit p e r m e t t r e la poussée
de nouvelles cellules d a n s toutes les directions sans nuire aux
fonctions des b â t i m e n t s déjà établis ni à l'harmonie, et s u r t o u t
sans altérer l'esprit de l'établissement.

LES CONSTRUCTIONS SCOLAIRES

L éducation a priorité dans le Québec. T o u t est remis en


q u e s t i o n : des r a p p o r t s d ' e n q u ê t e formulent de nouvelles con-
ceptions d a n s tous les domaines, allant de la r e s t r u c t u r a t i o n , de
l'orientation, de la spécialisation, de la r é a d a p t a t i o n j u s q u ' a u
développement et au g r o u p e m e n t des disciplines existantes et à
la création de nouvelles matières. C'est l'éclatement des routines
sociales, t o u t le monde en convient, qui a stimulé l'instinct de
conservation et relancé cette conscience nationale que l'on dé-
couvre sous des formes diverses bien ancrée chez les jeunes.
On eut alors la soif de s'aligner sur les forces vives de tous les
p a y s . C e t t e poussée e n t r a î n a fatalement l'établissement d e
constructions-cadres, capables de répondre aux exigences de
c e t t e nouvelle formation propre à modifier la manière de vivre
du C a n a d a français.

LE COLLÈGE D E JONQUIÈRE
Cet édifice oppose deux tendances, deux volumes. L'un vertical, essentiel', finement
souligné de surfaces et d'ouvertures, sans camouflage ; l'autre, horizontal, recher-
ché, quelque peu baroque dan* le détail, dont les appositions de matériaux revêtent
des formes si accentuées qu'elles dépassent parfois le point de saturation. T,' audi-
torium, ouvert en éventait, échappe à cet excès ; le gymnase aussi, réduit h l'essen-
tiel, mais un essentiel toujours exprimé avec une personnalité généreuse.
Architectes: Saint-Gelais, Fernand T r e m b l a y , C. T r e m b l a y , André L a b b é .
(l'holos Krieber)

26
O n ne p e u t toutefois s'empêcher d'éprouver une certaine
appréhension d e v a n t la contradiction qui s'établit e n t r e le désir
irrésistible de se donner u n enseignement conforme à ses aspira-
tions nationales e t l'acceptation passive d e vivre d a n s u n e a m -
biance, certes conforme à toutes les normes matérielles du con-
fort, mais la p l u p a r t d u t e m p s e m p r u n t é e de t o u t e pièce. T o u t
se passe c o m m e s'il s'agissait de d é m o n t r e r l'absurdité, dans
la p r a t i q u e , des théories enseignées. Il ne s'agit pas de rejeter
a priori des solutions valables, non plus que d'accepter béate-
m e n t des conceptions étrangères à n o t r e désir d'être, mais d ' a p -
ç o r t e r des solutions r é s u l t a n t d'une spiritualité nationale.
A ce titre, les b â t i m e n t s scolaires devraient nous singulariser.

D e v a n t la profusion des solutions qui se sont concrétisées


ces dernières années, il est difficile de faire le point. Les
conceptions les plus diverses se sont opposées t a n t en E u r o p e
q u ' a u x E t a t s - U n i s , nous e n t r a î n a n t d a n s des essais variés.
Si o n fait a b s t r a c t i o n de t o u t e considération nationale,
plusieurs réalisations sont des œuvres t r a n s c e n d a n t e s par l'ex-
pression du plan et les qualités architecturales. D e u x tendances
s'affrontent: le plan massif qui convient d a v a n t a g e aux g r a n d s
établissements, et le plan délié qui p e r m e t une orientation adé-
q u a t e et une recherche plastique lyrique plus en accord avec le
sens poétique de l'enfance.

L'école élémentaire Bois-Joli, à S a i n t - H y a c i n t h e , est l'une des


plus vivantes constructions scolaires édifiées au Québec, aussi
bien pour l'architecture intérieure, le détail et la souplesse du p l a n
que pour les volumes extérieurs, coiffés de toitures en pavillon
surmontées de l a n t e r n e a u x qui leur d o n n e n t un aspect légèrement
j a p o n i s a n t . Quelques architectes se sont p a r t a g é l'étude et la
réalisation d'écoles d o n t plusieurs sont a r c h i t e c t u r a l e m e n t des
œ u v r e s r e m a r q u a b l e s . L'école Bois-Joli de Jean M i c h a u d et la
maternelle de J e a n - M a r i e R o u et Gilles C ô t é sont deux c o n s t r u c -
tions minuscules en comparaison des complexes scolaires édifiés
par les architectes Saint-Gelais, F e r n a n d et Charles T r e m b l a y ,
à Jonquière et à Dolbeau, ou de l'école S a m u e l - d e - C h a m p l a i n ,
de René R i c h a r d ; sans oublier l'école élémentaire M a r g u e r i t e -
Bourgeois, des architectes Jodoin, L a m a r r e , P r a t t e , Carrière, au
plan si sensible, qualité q u ' o n retrouve en élévation et d a n s les

28
intérieurs, rigoureux, dépouillés, mais jamais pauvres. On peut
également retenir le High School de Lachine, qui se développe
en une façade hyperbolique dont le r e v ê t e m e n t de céramique
souligne l'ordonnance classique de la fenestration. T o u t e s ces
écoles possèdent des qualités plastiques indéniables, q u ' o n aime-
rait voir sourire et se mêler à la n a t u r e , indispensable complé-
m e n t de l'architecture.

LES GRANDES RÉALISATIONS

Les grandes réalisations sont les points d ' a t t a c h e de la


s t r u c t u r e démographique d'une agglomération. La salle Wilfrid
Pelletier de la Place des Arts fut inaugurée en 1964. Les M o n t r é a -
lais m e s u r è r e n t alors une nouvelle dimension de la C i t é . U n
nouveau jalon m a r q u a i t le carrefour de rencontres qui p o u v a i e n t
souder cette mosaïque de toutes couleurs q u ' e s t M o n t r é a l . E t
ce, sous le signe désintéressé de tous les a r t s .

Première étape d ' u n p r o g r a m m e c o m p o r t a n t trois édifices


de même destination, la salle Wilfrid Pelletier, t a n t a t t e n d u e ,
fut le point de mire de toute une population qui la p r i t d ' a s s a u t
dès les premiers spectacles. Des abords bien dégagés, une ordon-
nance qui se développe avec souplesse, trois mille places con-
fortables, une o u v e r t u r e de scène aux dimensions respectables,
une installation technique r é p o n d a n t aux dernières exigences de
la mise en scène, et enfin, tous les services a d é q u a t s : vestiaires,
bars, salles de repos, etc., font de ce vaste vaisseau à colon-
nade, aux formes courbes et obliques, le lieu d'échanges collectifs
spontanés. La rigueur u n peu sèche de sa façade est heureuse-
m e n t a t t é n u é e par la courbe enveloppante de son foyer et p a r les
éléments de métal des o u v e r t u r e s . On ne chicanera pas t a n t
l'architecture que les insuffisances ou le m a n q u e d'affirmation
des accès du garage au vestibule, qui se font par des moyens
étriqués, ou les dimensions et l ' a r r a n g e m e n t boiteux de la cage
de scène: les spectacles élaborés que nous a valus l ' E x p o en
firent la d é m o n s t r a t i o n . Il est certain que les architectes n ' o n t
pas eu la possiblité d e pousser leurs recherches comme ils l'au-
raient voulu.

29
Depuis le mois d'avril 1967, un nouvel édifice est venu
s'ajouter à la Place des Arts. Il comprend deux salles superposées
d o n t une enquête a fixé les dimensions et les destinations. Alors
que la grande salle, dans son aspect extérieur, est t o u t e en
courbes et en obliques, d ' u n volume relativement plein, le nou-
veau b â t i m e n t est une cascade de cubes sur une base en r e t r a i t .
Aucun lien, aucun passage ne s'établit e n t r e les deux composi-
tions, si ce n'est celui du c o n s t r a t e . Le caractère quelque peu
agressif de l'extérieur prend, à l'intérieur, u n aspect impres-
sionnant par le jeu des escaliers, des balcons et des alvéoles
imbriqués. Le grand foyer de la salle supérieure M a i s o n n e u v e
permet aux spectateurs de se mêler en un c o m m u n espace d'où
l'on découvre le p a n o r a m a de la ville. La salle, de conception
européenne comme sa grande aînée, s ' a p p a r e n t e à celle-ci par
l'ambiance; le spectateur, d a n s l ' a t t e n t e du spectacle, ne p e u t
se lasser d u rideau de laine de M a r i e t t e V e r m e t t e . M a i s la
petite salle P o r t - R o y a l nous réserve la réussite la plus specta-
culaire. De la distribution des espaces, de leurs proportions,
matériaux, couleurs, éléments décoratifs, se dégage un air d e
somptuosité, annonciateur du spectacle. Dès l'entrée, par l'ar-
rière, on découvre une cascade de sièges qui dévalent de gradin
en gradin, j u s q u ' à la scène: c'est l'unique décor et un décor
unique de tissus aux tons alternés d'oranges, de mauves, et de
rouges variés; le plafond, t e n d u de bandes de métal, donne l'im-
pression d'une t e n t e ; les murs, revêtus de p a n n e a u x perforés gris
noir, restent subordonnés au p a r t e r r e et à la scène.

D ' a u t r e s ensembles d ' i m p o r t a n c e se sont élevés s u r le terri-


toire, ou sont à l'état de projet, sinon en construction. Le G r a n d
T h é â t r e d e Québec d e Victor P r u s , qui fit l'objet d ' u n concours,
a la symétrie puissante d ' u n tronc de p y r a m i d e . On a t t e n d son
édification avec impatience. On a construit, depuis peu d ' a n n é e s ,
des centres sportifs aux formes audacieuses, d o n t le G y m n a s e
et la Piscine de la Police et le centre Paul-Sauvé. Le Palais de
Justice de S a i n t - H y a c i n t h e ne m a n q u e pas d'intérêt. La bibli-
thèque de Ville M o n t - R o y a l se r a t t a c h e aux expressions n e t t e s
et massives du béton et de la brique pour s'harmoniser avec le
b u r e a u de poste de la m ê m e localité, c o n s t r u i t à une é p o q u e
où on revêtait encore le béton. Le dernier né des immeubles

30
qui offrent un intérêt soutenu est le centre Saidye Bronfman,
noire cage de verre et de métal, tout horizontale et classique,
de M a d a m e Phyllis L a m b e r t , architecte.

L'HABITAT: LES ENSEMBLES DOMICILIAIRES

Une densité de population qui se presse de plus en plus d a n s


les régions urbaines, u n e utilisation plus rationnelle et plus
rentable d u terrain devenu plus précieux, u n e acceptation de
nouvelles conditions de vie mieux organisées matériellement,
voilà quelques facteurs d évolution mondiale q u i o n t chez nous
des répercussions telles que le caractère fondamental de notre
architecture se transforme à vue d'œil. L a coutume, nécessitée
par des impératifs géographiques, de former des agglomérations
filiformes e n t r e la route et la rivière o u le long de rues inter-
minables, a presque disparu. Elle tend à céder la place à des
systèmes d'unités ou de cellules d o n t les éléments v o n t d u
g r o u p e m e n t de maisons isolées, jumelées ou mitoyennes disposées
a u t o u r de centres d'intérêt général, aux cellules agglomérées en
u n volume unique, comme nous le propose H a b i t a t 67, ou à
l ' a m é n a g e m e n t de quartiers entiers, tels le centre Teanne-Mance
ou la P e t i t e Bourgogne, à M o n t r é a l . L à comme d a n s les a u t r e s
manifestations architecturales, le projet est formule imposée du
dehors ou source de renouvellement, selon son degré d'affinité
avec notre personnalité réelle.

N o u s avons donc conscience d u n phénomène de transforma-


tion a d a p t é au r y t h m e de la vie actuelle, qui d e v r a i t bousculer
les h a b i t u d e s de la spéculation pour les amener à des conceptions
contrôlées, plus évoluées socialement. Les espaces « villes-
dortoirs » monotones et faussement pittoresques doivent faire
place aux grands ensembles domiciliaires complets, composés de
logis de toutes catégories harmonieusement r é p a r t i s a u t o u r d ' u n
centre d'activités religieuses, sociales, commerciales.

On t r o u v e déjà d a n s les grandes agglomérations des ensem-


bles concentrés d ' h a b i t a t i o n s en h a u t e u r , plus encore, des im-
meubles isolés, mais pour la plupart concentrés dans les quartiers

51
où la rentabilité est à peu près assurée. Les règlements munici-
p a u x d ' u n e ville c o m m e M o n t r é a l , p a r exemple, en exigeant une
proportion de surface libre sur un terrain à bâtir, encourage
l'édification d'immeubles de r a p p o r t aérés et qui possèdent une
entité architecturale. Ces immeubles acquièrent u n caractère
propre. Si les édifices commerciaux s'expriment en une s t r u c t u r e
et u n r e v ê t e m e n t dépouillés, les immeubles d ' a p p a r t e m e n t s
s'accommodent mieux d ' u n e architecture modelée en épaisseur
où les balcons, les loggias, les bow-windows et les baies combinées
a p p o r t e n t une fantaisie quelque peu baroque ou le rappel, a v e c
un certain h u m o u r , de l'architecture urbaine de nos grands-
p a r e n t s . C e r t a i n s architectes néo-canadiens ou d ' a u t r e s d e passa-
ge o n t très bien saisi le p a r t i qu'ils pouvaient tirer des éléments
caractéristiques de n o t r e architecture. Ils o n t ainsi établi u n
lien de continuité. Ce genre d'immeuble est en général occupé
par des familles ou des individus entraînés, pour des raisons
diverses, à vivre a u r y t h m e urbain. D a n s des enquêtes établies
sur les préférences des citadins t o u c h a n t l'habitation, la majorité
a é v i d e m m e n t opté pour la maison individuelle avec espace d e
verdure et, au besoin, j a r d i n e t fleuri. M a i s cette majorité ne
voudrait en a u c u n e façon être privée des a v a n t a g e s de la g r a n d e
ville. Ce double fait vient en partie de ce que les villes se sont
gonflées d'une population rurale qui a transmis aux enfants
ses choix et ses h a b i t u d e s .

Au fur et à mesure q u e la mentalité se transforme, les q u a r -


tiers changent de visage pour se m e t t r e à la disposition d ' u n e
masse attirée, sinon conquise par les a v a n t a g e s d ' u n e certaine
libération domestique. Jusqu'ici le grand e m p ê c h e m e n t à l'éta-
blissement généralisé des maisons de r a p p o r t d e m e u r e le coût
relativement élevé de la construction, qui limite les indispensables
précautions prises pour enrayer le bruit et installer u n équipe-
m e n t de qualité. N o u s ne souffrons pas encore ici de la promiscuité
due à l'entassement d'immeubles à loyer modique, sans services
sociaux, qui a entraîné ailleurs l'organisation de « gangs » aigris
par l'injustice sociale d o n t ils se s e n t e n t les victimes. Ceux qui
doivent veiller au bien-être des citoyens o n t l'obligation de leur
assurer le m i n i m u m de confort matériel et moral par d e s règle-
ments obligeant les p r o m o t e u r s à utiliser tous les moyens

32
UN PROJET D'IMMEUBLE DE RAPPORT À MONTRÉAL

Des architectes étrangers, appelés chez nous pour collaborer avec les nôtres, ont
découvert, avec un œil neuf, des particularités qui nous échappaient. Ainsi, dans
ce projet de Veminent architecte italien Gio Ponli pour un ensemble domiciliaire
destiné à s'élever dans un quartier centre-ouest de Jlonlréat, tes caractéristiques
des éléments architecturaux un peu désuets, en faveur il y a environ quatre-vingts
ans, ont servi à composer des volumes à boiv-ivindows qui s'allient à l'esprit
du quartier.
Architecte du projet: Gio Ponti. Collaboration de N a t h a n S h a p i r o (New-
York) et de Jacques F o l c h - R i b a s ( M o n t r é a l ) .
(Photo S t u d i o Ponti Fornaroli Rosselli)

éprouvés pour préserver la liberté individuelle et faciliter aux


residents le travail, les loisirs et le repos. D a n s certains p a y s
d ' E u r o p e , les municipalités sont propriétaires d'ensembles domi-
ciliaires très bien conçus et administrés, à l'usage des économi-
q u e m e n t faibles. D a n s le Québec, il est interdit aux municipalités
d e n t r e r en concurrence avec l'entreprise privée. Toutefois, la
ville de M o n t r é a l a lancé l'opération J e a n n e - M a n c e , réalisée
depuis quelques années, et se p r é p a r e à lancer celle de la P e t i t e
Bourgogne; des sociétés privées régissent ou régiront ces deux
ensembles.

35
2
L'île des S œ u r s présente le projet d ' u n e u n i t é complète
d ' h a b i t a t i o n s , avec ses divers types de logements en liaison a v e c
les services publics, les loisirs et le commerce. Ce projet n'offre
pas de conception originale ni de caractère particulier, mais il
est aéré et p r o m e t de s ' a d a p t e r à la n a t u r e e n v i r o n n a n t e . Son
e m p l a c e m e n t sur une petite île, en face de M o n t r é a l , le cir-
conscrit à son p é r i m è t r e original et protège la densité p r é v u e
de sa population. C e t t e expérience a ainsi des chances de susciter,
par sa particularité, une ville satellite intéressante et, de t o u t e
façon, sans précédent; en effet certaines villes de la région
métropolitaine, à l'origine villages séparés par une zone maraî-
chère, se sont soudées à la métropole qui poussait ses t e n t a c u l e s
dans tous les espaces récupérables, et d'autres, créées de t o u t e
pièces, sont m a i n t e n a n t littéralement absorbées en dépit de leur
indépendance a d m i n i s t r a t i v e . On trouve, de l ' a u t r e côté du
fleuve, sur la rive sud, mais de façon sporadique, u n p h é n o m è n e
différent, d û à l'obstacle de l'eau. Ici, les villes g a r d e n t leur
indépendance de contours. Préville est u n modèle d ' a r t u r b a i n
domiciliaire. A l'origine, des règlements très détaillés, allant de
l'architecture à l'harmonie des couleurs en p a s s a n t par le choix
des m a t é r i a u x et l'environnement, m e t t a i e n t les résidents d a n s
l'obligation de se s o u m e t t r e à une u n i t é d'expression disciplinée.
Le caractère quelque peu candide de certaines restrictions d ' o r d r e
décoratif, l'individualisme jaloux de plusieurs résidents o n t
rendu la législation inopérante.

Les projets d'ensembles domiciliaires, comme celui des pentes


du C a p - D i a m a n t , à Québec, ou les dernières réalisations de t o u t e s
catégories dues à l'entreprise privée, d'une densité poussée à la
limite, sont l'objet d ' u n e étude plus rationnelle des éléments
d ' h a b i t a t i o n , plus serrée d a n s la composition et, de ce fait,
possédant une unité q u ' o n ne confond plus avec l'uniformité.
Mais les provinces voisines, s u r t o u t celles de l'ouest, nous dé-
passent largement pour ce qui est de la qualité a r c h i t e c t u r a l e ,
de même que d a n s le r a p p o r t des volumes et des espaces libres.

Un contrôle sévère et, en contrepartie, un e n c o u r a g e m e n t


sérieux enrayeraient la détérioration irrémédiable des zones-
ceintures de nos agglomérations ainsi que de la n a t u r e de n o t r e
province.

34
Découvrir une mer de toitures en tuiles roses ou brunes, en
ardoises, ou des toitures en terrasse coiffant des formes et des
couleurs de m ê m e famille sans être uniformes ni j a m a i s mono-
tones, c'est c o m p r e n d r e le véritable sens de la vie c o m m u n a u -
taire, qui s'organise d ' u n seul t e n a n t a u t o u r des édifices publics
en leur d e m a n d a n t de jouer pleinement leur rôle architectural.
Certaines villes o n t a t t e i n t u n degré d ' h a r m o n i e tel qu'il est
impossible d ' y rien changer sans les déséquilibrer : leur vitalité
est alors assurée par la juxtaposition d ' u n e ville annexe.

LA MAISON

Si les maisons de ville doivent contribuer à l'harmonie de


l'agglomération entière par une sorte d'imbrication des éléments,
la maison d a n s la n a t u r e doit, de mille et une manières, se marier
au sol, à la topographie, à la végétation de l'espace environ-
nant.

N o u s sommes conscients de l'attraction q u ' u n e maison au-


t h e n t i q u e m e n t belle exerce sur n o t r e sensibilité, qu'elle sorte
l i t t é r a l e m e n t du sol, que par l'utilisation d'une texture moderne
elle s'allie à l'environnement ou que, d o m i n a n t cette n a t u r e ,
elle la discipline à l'image de la pensée qu'elle incarne. D a n s
la c a m p a g n e de n o t r e province, c h a c u n en convient, la maison
ancienne, en pierre ou en bois, s'accroche a d m i r a b l e m e n t bien
au sol et d e m e u r e é t o n n a m m e n t vivante, plus v i v a n t e et plus
vraie q u e les maisons stéréotypées qui se sont substituées à
elle p a r économie d'espace et de m a t é r i a u x , par obéissance
passive à u n e mode ou par m a n q u e de spiritualité. La véritable
a r c h i t e c t u r e vivante se t r o u v e souvent d a v a n t a g e d a n s les
constructions utilitaires : ainsi les b â t i m e n t s de ferme et les
granges conservent, acquièrent même, par constraste, une valeur
plastique q u ' a p e r d u e l'habitation. Depuis quelques années, le
mal n ' a fait que s'aggraver. On p e u t s'en rendre c o m p t e simple-
m e n t en se b a l a d a n t sur les routes bordées de maisons malencon-
t r e u s e m e n t imitées de maisons urbaines médiocres et d o n t la
conception et la facture sont complètement étrangères à l'envi-

35
11 /
I — ENTREE

—FOYER

LA M A I S O N — SALLE A MANGER

D'UN ARCHITECTE
-SALLE o
Celte résidence qu'un architecte a
construite pour lui-même dans les DE IR AVAIL

Lauren tides est classique dans 10— CHAMBRE OA

toute l'acception du mot. Elle l'est


par la symétrie du plan, par l'or- Il — ESCALIER

donnance du volume composé,


e
comme une « jolie » du XVIII
siècle, sur deux axes, avec entrée
sur l'axe principal jlanquée de
deux corps de retour; elle l'esl
aussi par ses prolongements en
jardin architecture et enjin par
l'implantation qui lient compte, à
t'instar de ses célèbres devanciers,
des déploiements de la nature en
rapport avec tes échappées, l'orien-
tation et la destination des pièces.
Les dégagements en jorme
de croix qui participent du hall et
de la galerie de tableaux délimi-
tent les jonctions en zones repos et
séjour situées aux extrémités. Ces
deux secteurs communiquent par
une large véranda, d'où la vue
plonge sur un jardin de pta'in-
pied avec l'étage en contrebas,
destiné aux occupations artisa-
nales du tissage. Des services sont
logés dans les espaces intermédiai-
res: escalier cuisine et aussi deux
chambres d'amis. La jaçade sur
l'entrée n'est percée que de rares
ouvertures, étroites comme des
meurtrières, alors que les pièces de
séjour et de repos sont largement
ouvertes sur la nature.
La construction tant à l'in-
térieur qu'à l'extérieur, est de bois
peint ou ciré et repose sur une
jondation de béton. Les ouvrages
de terrassement et les murs du jar-
din sont en blocs de béton et en
pierres des champs. Le domaine
est complété par une piscine en
gradin de forme ovale, attenant au
sauna et à divers services pour le
bain et te jardinage.
A r c h i t e c t e : Charles EIIiott-Tru-
rleau. (Photos Vie des Arts)

36
r o n n e m e n t . L ' e n v i r o n n e m e n t est le facteur par excellence qui
devrait déterminer l'expression architecturale d ' u n e maison à la
campagne, par l'interpénétration des deux éléments: a r c h i t e c t u r e
et n a t u r e .

D a n s le capharnaiim actuel, on p e u t c e p e n d a n t déceler des


maisons de saine architecture, rationnelles et sensibles, qui ne
sont pas nécessairement luxueuses ni spacieuses, qui sont m ê m e
souvent modestes. Ces maisons semblent avoir conclu u n p a c t e
avec la n a t u r e .

Quelques résidences, à M o n t r é a l , des maisons en province


firent, il y a u n e t r e n t a i n e d'années, l'étonnement de ceux q u i
s intéressaient à l'architecture, non que ces constructions fussent
é t o n n a n t e s , mais elles laissaient perplexe: plusieurs n ' o n t rien
t r o u v é en elles qui puisse susciter l'admiration des jeunes pour
leur architecte, Marcel Parizeau, disparu p r é m a t u r é m e n t en
1945. Il ne fut ni u n précurseur ni u n révolutionnaire, mais u n
n o v a t e u r qui remit en question les valeurs essentielles de l'archi-
t e c t u r e en enseignant la vérité des formes, l'économie des m o y e n s
et la sensibilité des proportions. Son goût sûr a valu au Québec
quelques demeures qui o n t dérouté plusieurs de ses d é t r a c t e u r s ,
mais elles o n t aiguillonné t o u t e une génération. Son influence
ne p u t s'exercer longtemps, mais elle se fraya peu à peu u n e voie,
même si ce fut par des d é t o u r s qui en firent oublier les sources.

La réalisation d'une maison est pour l'architecte une pierre


d a c h o p p e m e n t . Le projet est exaltant, mais la tâche est ingrate
et t r o p souvent déconcertante, car l ' œ u v r e peut se détériorer
avec u n e t r o p grande facilité p a r l'apport, après coup, d'objets
étrangers à la conception de l'architecte. Parfois aussi, celui-ci
pèche p a r une recherche exagérée ou t r o p personnelle, c h e r c h a n t
à imposer u n e esthétique, oubliant qu'il est au service de la
société qu'il doit guider. Mais il est d'exceptionnelles réussites.

A S a i n t - S a u v e u r - d e s - M o n t s , une résidence q u ' u n architecte


a réalisée pour lui-même est plus q u ' u n e réussite: c'est une
œ u v r e unique qui rejoint les grandes ordonnances classiques.
E t p o u r t a n t , c e t t e maison cubique, de dimensions moyennes,
est parfaitement de n o t r e époque.

38
La symétrie rigoureuse de son plan et de son volume est la
manifestation d ' u n esprit à la fois cartésien et sensible. C h a c u n e
des q u a t r e façades d o n n a n t sur une n a t u r e diversifiée correspond
à des fonctions différentes. Autour de la maison, les accidents
de terrains se disciplinent et deviennent terrasse, talus ou jardin.
E n plan, u n dégagement cruciforme assure la distribution des
pièces. Il relie, d ' u n e p a r t , l'entrée à la g r a n d e v é r a n d a , d ' a u t r e
part, les pièces de séjour à l'aire de travail et de repos. La
construction, extérieur et intérieur, faite de bois peint en blanc
sur les m u r s , de pin ciré aux m u r s et plafonds, abrite une collec-
tion de tableaux et de sculptures, de meubles anciens et modernes
de provenance Scandinave ou française, et d'objets divers qui
font de cet ensemble le foyer d ' u n véritable a r t de vivre.

COMMERCE ET INDUSTRIE

Le commerce, l'industrie, et en général le monde des affaires


se traduisent en architecture par des formules presque exclusive-
m e n t U.S.A. Les zones industrielles, de grande ou de m o y e n n e
industrie, font partie de cette catégorie d'établissements qui, à
l'instar de tous les pays, o n t transformé l'aspect général du
Québec, mais en lui d o n n a n t ici u n caractère n e t t e m e n t américain.
Les réalisations n ' a p p o r t e n t rien du point de vue architectural,
si ce n'est la tenue u n peu sèche des b â t i m e n t s administratifs
d'usines et de leur prolongement qui devient tapis de gazon.
Aucune industrie lourde n'est venue, ces dernières années, m a r -
quer le paysage de son architecture apocalyptique, c o m m e le
signe concret d'une économie maîtresse de ses destinées. Les
b â t i m e n t s qui a b r i t e n t la General M o t o r s , à Sainte-Thérèse,
sont plaisants, mais n'offrent rien de particulier. Le spectacle
le plus ahurissant q u ' o n puisse voir nous est déjà familier. Il
se situe de p a r t et d ' a u t r e de la rue Sherbrooke, à la sortie est
de l'île de M o n t r é a l : les raffineries de pétrole q u ' o n y t r o u v e ,
implantées au fur et à mesure des besoins, sans p l a n concerté,
s'échafaudent en s t r u c t u r e s et s'étalent en cités de réservoirs
cylindriques plus t r o u b l a n t e s que les sculptures cinétiques d un
Schoffer, qui rassurent par la gratuité de la recherche et la
spiritualité du résultat.

39
En marge des t r a v a u x industriels p r o p r e m e n t dits, mais
assimilables à cette catégorie, se situe le complexe de barrages
que 1 Hydro-Québec édifie à la Manicouagan, sur la c ô t e nord
du fleuve S a i n t - L a u r e n t : c'est une magistrale entreprise qui,
au point de vue de l'harmonisation générale, possède u n e archi-
tecture indéniable. M a n i c o u a g a n 5 est gigantesque et grandiose.
Ses voûtes de béton, p a r m i les plus grandes du monde, arc-
boutées à la masse d'eau, ont u n caractère quasi m y t h o -
logique.

Ces constructions utiles, génératrices de formes épurées aux


proportions exactes avaient, d a n s sa jeunesse, impressionné le
grand Le Corbusier: les silos à grains du p o r t de M o n t r é a l
a v a i e n t longtemps laissé les foules indifférentes, j u s q u ' à leur
récente redécouverte, lors des a m é n a g e m e n t s de Terre des
Hommes.

Un p h é n o m è n e a modifié considérablement la physionomie


urbaine du Québec lorsque les centres commerciaux se sont
installés dans les quartiers excentriques des villes et d a n s les
banlieues. C e t t e centralisation du commerce de boutiques était
une nécessité aux E t a t s - U n i s , d a n s les quartiers é t e n d u s des
villes-dortoirs conçues pour l'automobile. Ce système u r b a i n
s é t a n t imposé à nous, le reste fatalement devait suivre. Le
Québec, comme l'ensemble de l'Amérique, se mit au r y t h m e de
cette manifestation sociale importée de toutes pièces, à telle
enseigne q u e le système entier, le p r o g r a m m e et souvent les
plans nous arrivent t o u t faits. U n certain centre de la banlieue
a ainsi ete conçu en Californie et t r a n s p l a n t é d a n s les neiges du
C a n a d a avec ses palmiers artificiels, afin de créer la note exotique
susceptible de plaire à l'acheteur.

Si les premiers centres, relégués derrière u n e vaste aire


d'asphalte, a v a i e n t u n air rébarbatif, ils se sont bien améliorés
depuis, d a n s la conception m ê m e de l ' i m p l a n t a t i o n aussi bien
que dans l'architecture. Le centre Rockland constitue d a n s ce
genre un point d'aboutissement. Certains m a t é r i a u x et certaines
formes, s u r t o u t dans les constructions accessoires, conviennent
plus ou moins à notre climat, mais le plan très v i v a n t de l'ensem-
ble, avec ses cours agrémentées de sculptures, de jeux et de

40
p l a n t a t i o n s diverses, la texture et la composition des murs, la
discipline de l'affichage en font l'un des endroits commerciaux
les plus a t t r a y a n t s de la région montréalaise.

Les abords de la vieille Capitale sont aussi c a r r é m e n t conçus


à l'américaine, mais ils le sont avec équilibre et d a n s des espaces
largement mesurés. La r é p u t a t i o n du Québec historique est
universelle; on p e u t donc s'étonner de trouver aux villes limi-
trophes u n caractère architectural qui ne répond d ' a u c u n e façon
à la r é p u t a t i o n de la ville intra muros. D ' u n esprit qui a résolu-
m e n t r o m p u avec les traditions, ces agglomérations possèdent
t o u t de m ê m e u n e qualité c o m m u n e d ' u n i t é , par u n accord
tacite des formes générales et des m a t é r i a u x . C'est u n problème
de s t a t i o n n e m e n t qui incita le commerce à trouver des formules
capables d ' a t t i r e r une clientèle en dehors du centre-ville con-
gestionné. Les centres commerciaux furent donc des établisse-
m e n t s qui p r i r e n t naissance p a r le g r o u p e m e n t de m a r c h a n d s
désireux d'ouvrir des succursales pour une clientèle motorisée,
incapable de se déplacer et de se garer d a n s les q u a r t i e r s con-
gestionnés de la ville. Bientôt des centres s'établirent p a r t o u t
et a t t i r è r e n t a u t o u r d'eux des résidents en q u a n t i t é suffisante
pour former de n o u v e a u x quartiers.

Le centre des grandes villes apprit alors à s'organiser pour


offrir les mêmes a v a n t a g e s d a n s des espaces plus restreints.
Il en résulta de nouvelles conceptions d'architecture commerciale
qui replacèrent le piéton d a n s u n climat favorable et revalorisè-
rent ainsi les lieux menacés d'étouffement. A M o n t r é a l , ce
p h é n o m è n e se traduisit sous forme de voies de commerce pour
piétons, à l'abri de grands immeubles de construction récente,
où la facilité d ' a c h a t et de distraction a t t i r e de plus en plus u n e
foule qui t r o u v e à sa disposition u n réseau d ' a u t a n t plus é t e n d u
q u e c h a q u e immeuble tend à c o m m u n i q u e r avec son voisin.
C e t t e solution, réduite au sous-sol des immeubles, au-dessus
des garages, ne répondait pas toutefois, d a n s les villes, à la
c o n c e n t r a t i o n totale des ensembles situés à la périphérie. Aussi,
d e v a n t les possibilités de toutes sortes qu'offraient ces usines à
consommation, certaines grandes entreprises financières d o t è r e n t
M o n t r é a l de centres commerciaux i m p o r t a n t s . D e p u i s peu, le

41
centre Alexis-Nihon et s u r t o u t la Place B o n a v e n t u r e sont de-
venus des pôles d ' a t t r a c t i o n irrésistibles.

L a Place B o n a v e n t u r e est u n v a s t e immeuble en b é t o n


texture, b r u t de décoffrage, qui groupe divers services commer-
ciaux coiffés d ' u n hôtel de voyageurs d o n t les c h a m b r e s sont
reparties a u t o u r de cours intérieures. C e t t e disposition crée une
intimité i n a t t e n d u e d a n s ce secteur de la ville. D e l'extérieur,
on serait en effet à cent lieues de soupçonner l'existence d ' u n e
telle ambiance, t a n t l'aspect de ce b â t i m e n t , le plus v a s t e
du genre au C a n a d a , est lourd malgré les chapelets de décrochés,
les bow-windovvs en encorbellements et le c o u r o n n e m e n t m o u v e -
m e n t é de sa toiture.

Ce sont les détails extérieurs, particulièrement bien étudiés


et proportionnés, ainsi que la t e x t u r e du béton, qui font vivre
cette imposante masse architecturale.

Il est des h a b i t u d e s d'improvisation que l'homme n'est pas


près d a b a n d o n n e r . T o u t e s les villes du m o n d e possèdent leurs
rues m a r c h a n d e s , leurs souks ou leur « rue S a i n t e - C a t h e r i n e ».
Certaines villes, au m o y e n de règlements d'esthétique urbaine,
ont permis à l'architecture de conserver ses droits. On ne p e u t
en dire a u t a n t de la rue S a i n t e - C a t h e r i n e à M o n t r é a l ou de la
rue S a i n t - J e a n à Québec. Aucune ville dans le Québec ne possède
une rue d a n s l'acception du terme u r b a i n : conception qui im-
plique l'unité et l'ordonnance architecturale. Il serait donc vain
d'exiger une discipline le long d ' u n parcours qui a un air de
fête à p e r p é t u i t é . M a i s si des concepteurs, sensibles à l'expression
actuelle des manifestations « d a n s le v e n t )) d'une rue Sainte-
C a t h e r i n e ou d ' u n e rue Saint-Jean, pouvaient se concerter pour
leur imposer un décor vivant, celles-ci deviendraient u n lieu
de « h a p p e n i n g )) au lieu de crouler de laideur sous les écha-
faudages d'enseignes lourdes et sans esprit. La voie de commerce
doit être meublée de tous les éléments propices à la flânerie
du p a s s a n t : plantations, cafés-terrasses, vitrines; il doit y avoir
osmose e n t r e l'intérieur et l'extérieur. On doit pouvoir passer de
la voie publique au rez-de-chaussée des immeubles comme on
peut être amené à évoluer d a n s les foyers d ' u n t h é â t r e .

42
LES TRAVAUX PUBLICS

Traditionnellement, l'espace public est conditionné par


l'architecture qui le limite ou la n a t u r e qui l'environne. Certaines
exceptions font de la voie et de la place des surfaces dont le
c a r a c t è r e est bien défini par u n pavage recherché et souvent
architecture. P e u à peu la voie, s u r t o u t la rue de ville, devient
fonctionnelle; elle reçoit alors u n décor, de l'équipement, et se
transforme en espace organisé. Finalement, avec le trafic géné-
ralisé et l'organisation des divers secteurs d ' u n territoire, la
voie devient u n véritable ouvrage d ' a r t : une construction qui
s ' i m p l a n t e sur le sol et impose des obligations aux ouvrages
adjacents. L ' a u t o r o u t e des Laurentides, le boulevard M é t r o -
politain, entre autres, sont deux voies qui conditionnent les
a b o r d s de façon péremptoire. Les éléments de leur établissement
sont les viaducs, les ponts, les postes de péage, les b â t i m e n t s
de service et l ' é q u i p e m e n t : a u t a n t de constructions d o n t l'ex-
pression architecturale peut et doit concourir à l'harmonie
générale, par la vérité de la construction, l'unité de conception,
le caractère ou l'élégance dans la recherche du détail. Les voies
rapides s'implantent d a n s la ville pour drainer le c o u r a n t des
véhicules hors du réseau urbain et le distribuer à la périphérie.
Ces réseaux sont en contact avec la vie de la ville et ses éléments
a r c h i t e c t u r a u x . On aimerait alors voir le système de circulation
automobile s'incorporer à une expression architecturale et se
composer avec elle, au lieu de s'établir en cloisons étanches qui
morcellent la ville en parcelles isolées. L'exemple le plus fâcheux
est l'échangeur de la croisée de l'avenue du P a r c et de l'avenue
des Pins, qui aurait dû se composer architecturalement en liaison
avec l'Hôtel-Dieu, l'université McGill, le M o n t - R o y a l et le
parc adjacent.

C e « no m a n ' s land » a u x formes confuses, qui ne répond


d'ailleurs pas entièrement au fonctionnement q u ' o n peut exiger
d ' u n tel ouvrage, est u n h i a t u s dans la ville. Le boulevard
Décarie, au contraire, présente les qualités essentielles d'un
ouvrage des t r a v a u x publics qui s intègre à la vie u r b a i n e ; une
réglementation a d é q u a t e ferait, des voies de desserte qui le
ongent, des accès à un ensemble architectural qui posséderait

43
toutes les qualités d'unités, d'harmonie, de fonction et de b e a u t é
souhaitables.

Le réseau des a u t o r o u t e s du Québec s'étend, depuis une


décennie, à une vitesse accrue: il existe déjà q u a t r e réseaux de
ce genre, sans compter les voies traditionnelles qui se sont
adaptées au système nouveau. D a n s l'agglomération de M o n t r é a l ,
plusieurs échangeurs ont été aménagés. Le plus commode, celui
de l'exposition universelle de 1967, s'intègre à l ' e n v i r o n n e m e n t
u r b a i n de façon satisfaisante et se raccorde à la rive sud et au
boulevard D é c a r i e ; la construction de la voie est-ouest, d a n s le
centre-ville, la complétera d'ici peu. Cet ensemble d'échangeurs,
l'un des ouvrages les plus considérables existants, a été l'objet
d ' a t t e n t i o n s suivies d a n s l'architecture et le paysagisme. La
p l u p a r t des t r a v a u x u r b a i n s ou provinciaux des dernières années
se sont édifiés à partir d ' u n tel souci d'esthétique architecturale.
Le mérite en revient, au moins partiellement, à l'ingénieur
G é r a r d Beaulieu, qui fut l'un des premiers à se préoccuper
d'architecture dans les t r a v a u x qui lui étaient confiés. P e n d a n t
les années qu'il a consacrées à l'enseignement, ses élèves o n t
reçu avec enthousiasme ses précieux conseils.

Aujourd'hui, la p l u p a r t des jeunes ingénieurs voient d a n s


les t r a v a u x publics plus que des ouvrages utilitaires; ils les
t r a i t e n t c o m m e des œuvres plastiques p o u v a n t souvent a t t e i n d r e
à u n e b e a u t é t r a n s c e n d a n t e . Ce sont les p o n t s qui o n t le plus
m a r q u é le progrès: p o n t s d ' a u t o r o u t e s et viaducs. Le p o n t -
viaduc Dickson, d a n s l'est de la ville de M o n t r é a l , à proximité
de l'incinérateur municipal, les p o n t s des a u t o r o u t e s du N o r d ,
des C a n t o n s de l'Est et de la route transcanadienne sont en bonne
partie remarquables. Mais le plus audacieux et le plus élégant

LE P O N T DICKSON À M O N T R É A L

Le pont-viaduc Dickson est un ouvrage d'art en béton et acier aménagé pour relier
deux secteurs qui étaient séparés par un important réseau de chemin de Jer. Dans
un quartier d'usines, ce pont prend le caractère d'un ouvrage urbain par la con-
ception architecturale de l'ensemble el par un souci esthétique dans le détail.
L'exécution en a été très soignée. Le galbe est sans bavure ; les pylônes sont sortis
comme de véritables pièces de sculpture. Les chevalets, éléments de transition entre
ta partie en béton et la poutraison en acier, prennent une expression plastique qui
dépasse leurs /ormes utilitaires.
Ingénieurs: Beaulieu, Trudeau & Associés. (Photos Marcel Corbeau)

44
dans sa simplicité est le pont de l'Expo 67, le plus i m p o r t a n t est
le complexe du tunnel Louis-Hippolyte Lafontaine.
P a r m i les t r a v a u x publics les plus r e m a r q u a b l e s dont les
Montréalais sont bénéficiaires, le M é t r o est celui qui touche
d a v a n t a g e leur c œ u r de citadin. Ce sont é v i d e m m e n t les stations
qui a t t i r e n t l ' a t t e n t i o n à cause du précédent créé par 1 adoption
d ' u n e architecture particulière pour chacune d ' e n t r e elles. C e t t e
ingénieuse initiative permet aux usagers de se reconnaître facile-
m e n t e t d'identifier les q u a r t i e r s de la ville d'après la s t a t i o n cor-
r e s p o n d a n t e : Bona venture. Peel, Place des Arts, Beaubien, Jarry,
Berri-Demontigny et combien d'autres, sont des œ u v r e s fonc-
tionnelles et harmonieuses a y a n t chacune son caractère propre.

E X P O 67

Le destin est tracé par les impondérables, les hasards. Il est


des situations privilégiées qu'il faut saisir au vol et bien tenir.
L'avenir p e u t d é p e n d r e de cet i n s t a n t . C'est ainsi q u ' e s t née
l'Expo 67. Une telle manifestation est toujours i m p o r t a n t e ,
même d a n s des p a y s comme la France, qui a vu, depuis une
centaine d'années, les expositions de toutes catégories se succéder
chez elle à une cadence régulière. M o n t r é a l , qui n ' a v a i t j a m a i s
rien connu de tel et n ' é t a i t a u c u n e m e n t prête à faire face à une
éventualité de cette n a t u r e , s'est trouvée en possession d ' u n
m a n d a t gigantesque à honorer. Le travail d'approche, en soi,
représentait déjà une tâche qui semblait u n défi. Le délai était
assez réduit. C o m m e pour braver la difficulté, o n choisit u n
emplacement à créer de toutes pièces a u t o u r de quelques îles.
C ' é t a i t le défi de D a v i d 1 Les résultats furent vertigineux. On sait
que M o n t r é a l fut, p e n d a n t de nombreux mois, littéralement le
carrefour du monde. Le C a n a d a entier a mené à bien c e t t e
manifestation universelle avec la collaboration de quelque q u a t r e -
vingt p a y s .

Lorsque E d o u a r d Fiset fut n o m m é architecte en chef de


l'exposition, selon la c o u t u m e établie d a n s les p a y s d ' E u r o p e ,
une équipe de jeunes architectes avait déjà élaboré certaines
idées a u t o u r du t h è m e Terre des hommes, mais aucune étude

46
n ' a v a i t été amorcée q u a n t à l'ensemble. Une équipe de cinq ou
six architectes montréalais se mit à l'œuvre et, le 19 décembre
1963, présenta u n plan d'ensemble, à peu près établi sur les
données d o n t nous connaissons la réalisation. Il c o n t e n a i t le
germe d'une réussite sans précédent: composition d ' u n e ville
pour piétons avec l'apport de tous les moyens de t r a n s p o r t
possibles, où l'eau j o u e u n rôle de voie, de décor et de m o d é r a t e u r .
Ce plan parfaitement aéré, circonscrit à deux petites îles en
m a r g e de l'agglomération, se mariait en contrepoint avec l'eau
du fleuve, des canaux, des lacs, des étangs et des fontaines,
génératrice d ' u n e s t r u c t u r e p e r m e t t a n t une r é p a r t i t i o n des
pavillons par i m p o r t a n c e de volumes, par styles, par catégories,
par affinités. U n accord tacite entre les diverses disciplines se
manifesta par le m o u v e m e n t des lignes obliques, d o n t la résul-
t a n t e fut é t o n n a n t e de vitalité. E n effet, une p a r e n t é visuelle
certaine existait par exemple entre les lignes fuyantes des
pavillons de la G r a n d e - B r e t a g n e , de la F r a n c e et du Québec;
entre celles de pylônes du p o n t des Iles, des stations de l'Expo-
express, des pavillons t h é m a t i q u e s .

Le Québec en particulier p e u t s'enorgueillir de plusieurs


réalisations p a r m i les plus i m p o r t a n t e s et les plus appréciées :
les p o n t s , les pavillons t h é m a t i q u e s , le musée, le théâtre, H a b i t a t
67, le pavillon du Québec, la Place des N a t i o n s , les stations de
t r a n s p o r t en c o m m u n , le stade, le pavillon œcuménique et
plusieurs a u t r e s .

Les p o n t s qui réunissent la ville aux Iles Verte et N o t r e -


D a m e furent les premiers t r a v a u x exécutés; ils étaient d'ailleurs
indispensables à la mise en m a r c h e du gigantesque chantier de
l'exposition. Après plusieurs esquisses, il fut convenu de choisir
le p a r t i le plus simple afin de concentrer t o u t intérêt sur l'enceinte
m ê m e ; q u a n t au p e t i t pont, il m a r q u a i t par ses pylônes en
aiguille le t r a i t d'union e n t r e les deux secteurs de ce vaste
ensemble et devenait une sorte de signal. Le p o n t de la Concorde
est une p o u t r e continue o r t h o t r o p i q u e , reposant sur q u a t r e
piliers, d o n t les portées les plus grandes sont de cinq cent
vingt-cinq pieds. Le profil parabolique du tablier va s'amin-
cissant vers les e x t r é m i t é s ; les q u a t r e piliers qui le s u p p o r t e n t
ont fait l'objet d'études de forme qui leur confèrent u n aspect

47
sculptural fonctionnel. Le p o n t des Iles, long de près de sept
cents pieds, repose sur u n pilier unique qui devient pylône
au-dessus du p a r a p e t et retient le tablier de c h a q u e côté, en deux
points médians symétriques, au moyen de câbles d'acier en fais-
ceau. C e t t e solution technique se t r a d u i t p o é t i q u e m e n t comme
u n lien e n t r e les deux îles.

Les deux stations de l'Ile-Verte et de l'Ile N o t r e - D a m e sont


deux p a r a p h e s v e n a n t souligner et m a r q u e r le r u b a n qui boucle
l'exposition et se termine en feu d'artifice à la station de l'Ile-
R o n d e , centre d ' a m u s e m e n t de l'Expo 67. Ces stations o n t
l'aspect de légères et souples architectures temporaires de métal
léger, de fil et de toile t e n d u e aux couleurs symboliques. Elles
dégagent une allure de fête et suscitent l'état d'euphorie préalable
à la plongée de la foule d a n s le cœur m ê m e de la manifestation.

On a eu le souci de grouper près de l'accès principal tous les


b â t i m e n t s qui pouvaient attirer une foule en m a r g e de l'exposition
p r o p r e m e n t dite : le stade, le théâtre, le musée. On a prévu en p a r t i -
culier que celui-ci serait p e r m a n e n t , ce qui nous v a u t le bonheur
d'être m a i n t e n a n t en possession d ' u n des plus beaux b â t i m e n t s
d'exposition. Il est aux mains du ministère des Affaires culturelles.
On envisage d'en faire u n véritable musée par l'apport de tous
les services inhérents à u n tel édifice: réserves, salle de cinéma,
bibliothèque, cafeteria, laboratoires de recherches et archives.
Les salles d'exposition, divisées en q u a t r e groupes, sont t o u t e s
logées à l'étage, a u t o u r du hall d o n t les services les séparent.
L'éclairage n a t u r e l p é n è t r e d a n s de grandes o u v e r t u r e s ménagées
e n t r e les salles pour venir éclairer le dégagement c e n t r a l ; les
œ u v r e s sont éclairées artificiellement. Les m u r s sont recouverts
d u n agglomérat de m a r b r e et de q u a r t z qui forme u n fond
richement t e x t u r e pour les pièces exposées d a n s le hall central.
Le plan se t r a d u i t en volume par u n cube échancré de q u a t r e
o u v e r t u r e s c o m m u n i q u a n t avec de larges balcons p r ê t s à recevoir
de la sculpture. L ' e n v i r o n n e m e n t i m m é d i a t orné de bassins et de
fontaines se déploie en u n parvis dallé q u i prolonge l'architecture
avec une plénitude à laquelle nous n'étions guère h a b i t u é s . C e t
édifice d a n s sa sobriété u n peu sévère a t o u t e la noblesse qui sied à
sa destination. Gilles Guité, Paul Gauthier, Gilles C ô t é , et John
Bland agissant c o m m e architecte-conseil, en furent les a u t e u r s .

48
Victor P r u s a conçu le stade comme une construction amo-
vible. Il a donc pris le p a r t i de le composer en u n certain nombre
de sections de béton bien démarquées, soutenues p a r une char-
p e n t e de m ê m e matière. La réussite est t o t a l e : les accès, les
dégagements, la vision sont parfaits. La forme générale e t les
détails sont élégants sans maniérisme, l'équipement bien intégré
à l'ensemble.
H a b i t a t 67 est toujours l'objet de polémique et il le sera
encore p e n d a n t u n e longue période. Il suscite des réactions qui
varient avec l'aspect sous lequel on envisage sa présence. Est-ce
l'illustration rationnelle de l'intimité sauvegardée d a n s la densité
urbaine, une élucubration d'urbanisme-fiction, le r é s u l t a t de
recherches scolaires sur 1 h a b i t a t de d e m a i n ou la t r a d u c t i o n
d ' u n e planification sociale, urbaine et a r c h i t e c t u r a l e ?
Le projet initial présentait une discipline plastique systé-
m a t i q u e qui était m o n u m e n t a l e . Le coût élevé de l'opération
obligea l'architecte à réduire le projet et à le modifier. L'idée de
donner à c h a q u e o c c u p a n t la sensation d'être à l'abri, isolé de
ses voisins, r e m o n t e à Le Corbusier lorsqu'à l'exposition des
Arts décoratifs, à Paris, en 1925, il présenta le pavillon d e
L'Esprit Nouveau sous la forme d'une cellule-habitation avec
jardin-terrasse a t t e n a n t . Ce pavillon était conçu pour se m u l t i -
plier en unités d ' h a b i t a t i o n possédant les a v a n t a g e s de la maison
isolée sans en subir les inconvénients. H a b i t a t 67 fut le p r o t o -
t y p e — fatalement fort coûteux — d ' u n système d ' h a b i t a t i o n s
industrialisées capables de répondre aux impératifs d e la vie de
demain. L'expression plastique créée par l'imbrication des élé-
m e n t s n'est q u ' u n e solution p a r m i bien d ' a u t r e s , susceptible de
p e r m e t t r e à c h a c u n de recevoir son espace vital dans les con-
ditions les plus favorables, c o m p t e t e n u d ' u n c o n t e x t e u r b a i n
de g r a n d e densité. Le r a p p r o c h e m e n t q u ' o n peut faire e n t r e
H a b i t a t 67 e t certaines agglomérations m é d i t e r r a n é e n n e s ou
certaines h a b i t a t i o n s indigènes du N o u v e a u - M e x i q u e , d é m o n t r e
q u e l ' h o m m e reste fidèle à certaines formes inventées d a n s la
nuit des t e m p s .

La station de l'Ile-Verte donnait accès d ' u n e p a r t aux


pavillons t h é m a t i q u e s adjacents, d ' a u t r e p a r t à la Place des
N a t i o n s . Celle-ci, figure de proue de l'île, servait de cadre aux

49
L E P A V I L L O N D U Q U É B E C À L ' E X P O '67
Le pavillon du Québec à l'Expo '67 Jormule une véritable esthétique du jer el du
verre. Beaucoup de subtilité dans les jorm.es, tes rapports de surjaces, tes propor-
tions, les détails, te tout planant au-dessus de fondations en béton dont il se
tient dégagé. Le pavillon, symétrique et tout d'une pièce comme un château classi-
que entouré de ses douves, est supporté par quatre groupes de quatre points d'appui
émergeant de la lagune, entre lesquels s*insinue une terrasse en croix grecque,
reliée au sol par un pont qui a tes dimensions d'un parvis. Le volume est un cube
dont tes façades de verre teinté, légèrement décollées de ta base, libèrent tes angles.
La toiture-terrasse est meublée d'un étage cruciforme en retrait qui loge l'admims-
tration^el le restaurant.
A l'intérieur, la structure métallique composant la voie d'acheminement des
visiteurs à divers niveaux est suspendue à l'ossature de (a toiture par des fils
d'acier. Quatre ascenseurs circulaires en verre élèvent tes visiteurs directement de
la terrasse d'accès au sommet des salles d'exposition. Un aménagement très étudié
et monté comme un rouage de montre se déploie en étalant toutes tes ressources de
la présentation-surprise, de la découverte et des effets de perspective.
Architectes: P a p i n e a u , Gérin-Lajoie, Le Blanc & Durand. Ingénieurs en
structure: B o u l v a , Wernienlinger & Associés. (Photos Michel Proulx)

\
50
manifestations officielles internationales ainsi q u ' a u x grandes
réjouissances populaires. D a n s cette composition m o n u m e n t a l e ,
cubique et p y r a m i d a l e , tous les éléments d e bois, de b é t o n e t d e
verre contribuèrent au spectacle concentré sur le p a r v i s : cadre
riche et grassement sculpté, m a l h e u r e u s e m e n t a b î m é p a r le
ridicule flambeau venu en i n t r u s remplacer la sculpture de
Vaillancourt.
L'Exposition de M o n t r é a l n a q u i t sous le signe des Thèmes.
Mais la tradition l ' e m p o r t a et, des thèmes, il ne resta que trois
ensembles d e b â t i m e n t s : ceux d e l'île Verte et de l'île N o t r e -
D a m e firent l'objet d'une longue recherche sur l'unité modulaire
tridimensionnelle, génératrice d e surfaces triangulaires ou hexa-
gonales et de tétraèdres tronqués qui se développaient en u n
impressionnant assemblage métallique boulonné, en partie revêtu
de matières plastiques o p a q u e s , translucides ou t r a n s p a r e n t e s .
Le pavillon du Québec fut l'une des œ u v r e s les mieux venues.
Ce cube t r a n s p a r e n t d o n t les q u a t r e faces, légèrement en talus,
se d é t a c h a i e n t des angles, fut m o n t é sur q u a t r e pilotis. Il re-
présenta la volonté d'action d u C a n a d a français. O n accédait
au pavillon par une large passerelle, à la dimension d ' u n parvis,
au-dessus de douves qui lui d o n n a i e n t la caractère d ' u n c h â t e a u
classique. Si l'impression est sévère en raison du dépouillement
du volume et de la couleur, elle n'est pas t r i s t e ; certaines trou-
vailles, c o m m e les ascenseurs, a p p o r t a i e n t j u s q u e d a n s les
moindres détails une plénitude de pensée q u ' o n r e t r o u v a i t à
l'intérieur, d a n s le rouage précis d u mécanisme d e visite. L ' E x p o
67 a rendu la p o p u l a t i o n consciente de la présence de l'archi-
t e c t u r e d a n s la vie q u o t i d i e n n e . P a r cette manifestation uni-
verselle, M o n t r é a l a r e t r o u v é son c œ u r là m ê m e où elle l'avait
d'abord a t t a c h é : aux bords du S a i n t - L a u r e n t .

LE PAVILLON RESTAURANT D U LAC-AUX-CASTORS


T.'édification de ce pavillon en bordure du Lac-aux-Castors jut le départ d'un
réaménagement du parc Mont-Royal, l'un des plus beaux du Québec.
Sa structure apparente de béton, coiffée d'une toiture à pignons en voile
mince, sa transparente enveloppe de verre lui confèrent une légèreté et un mouve-
ment qui s'allient à la nature environnante avec une grâce soulignée par le balcon,
les rampes et l'aménagement paysager qui t'accompagne. La grande galerie en
pourtour prolonge le restaurant, auquel on accède de l'extérieur par un escalier de
béton supporté par un seul point d'appui central. Au rez-de-chaussée, sous la
galerie, des salles de repos et divers services sont mis à la disposition des visiteurs.

Architecte: H a z a n Sise.

52
LES PROLONGEMENTS DE L'ARCHITECTURE

L ' E x p o 67 nous a donné une merveilleuse leçon d ' u r b a n i s m e


h u m a n i t a i r e p a r le souci manifeste de préserver l'homme des
trépidations de la vie quotidienne. L'isolement des moyens de
circulation, le dosage des espaces de repos et de délassement,
de construction et de p l a n t a t i o n , véritables prolongements de
l'architecture, furent les g a r a n t s d ' u n équilibre sain. L'élimination
des frictions violentes causées p a r le c o n t a c t de la m é c a n i q u e
avec l'homme p e r m i t à celui-ci d'évoluer d a n s u n e t r a m e ouverte,
alors q u e sa situation habituelle d a n s la vie m o d e r n e l'oblige
toujours à franchir des obstacles sans fin. Les éléments u r b a i n s
de l'exposition étaient reliés; ceux des villes actuelles sont séparés.
Ces considérations ne sont p a s nouvelles, mais l'application des
théories sur la séparation des r y t h m e s de circulation, à l'Expo,
créa u n précédent heureux. C h a q u e maison, c h a q u e immeuble
ou groupe d'immeuble doit avoir son j a r d i n ; chaque q u a r t i e r ,
c h a q u e ville, c h a q u e région doit avoir ses parcs, ses réserves,
ses espaces boisés, reliés les uns a u x a u t r e s en u n e tapisserie
aux motifs interpénétrés, distribues p a r des réseaux de circulation
i n d é p e n d a n t s r a t t a c h é s a u x seuls points essentiels. Les espaces
libres sont nécessaires à la vie de la p o p u l a t i o n . Le soin a p p o r t é
à leur a m é n a g e m e n t est signe de h a u t e civilisation.
RESTAURATION

Le passé est g a r a n t de l'avenir. On ne peut ignorer l'archi-


t e c t u r e ancienne d a n s ce qu'elle a d e v i v a n t et actuel : il faut
la conserver jalousement, la classer et l'entretenir. Après bien
des a b a n d o n s , b e a u c o u p d'indifférence et d'ignorance, pour ne
pas dire de reniement, u n soudain enthousiasme s'est manifesté
pour la préservation et la r e s t a u r a t i o n non seulement de maisons
mais d'ensembles a r c h i t e c t u r a u x : places, îlots, voire q u a r t i e r s
entiers sont l'objet de r e s t a u r a t i o n s . D e telles opérations sont
fort onéreuses. R a r e s sont les mécènes ou ceux qui sont touchés
par la grâce. Le rôle de r e s t a u r a t e u r principal revient à l ' E t a t .
C'est à lui qu'il incombe d e veiller sur le p a t r i m o i n e n a t i o n a l .
M a i s il n'est j a m a i s p o u r v u du budget nécessaire pour entre-
p r e n d r e une telle t â c h e . D e plus, le gros de la population, in-
suffisamment sensibilisé à cet aspect de la vie nationale, ne
comprend guère le bien-fondé de telles préoccupations.
Si la protection de notre p a t r i m o i n e était reliée à la s t r u c t u r e
générale des activités t o u c h a n t l ' a m é n a g e m e n t du territoire, le
tourisme, les loisirs, l'éducation, les affaires culturelles, il serait
possible de r a t t a c h e r tel site, tel ensemble, tel b â t i m e n t aux
besoins de ces divers organismes. Ils bénéficieraient ainsi de la
restauration par une occupation v i v a n t e et rentable. Des expé-
riences d e qualité exceptionnelle en ont fait la preuve. E n
Espagne, les Parador sont des hôtels régis par l ' E t a t , installés
pour la p l u p a r t d a n s des édifices historiques. E n F r a n c e , des
propriétaires de grands domaines se sont groupés pour former
un réseau de c h â t e a u x et de gentilhommières offerts aux touristes
désireux de ne pas e m p r u n t e r les chemins b a t t u s . U n e telle
solution sauverait d une disparition à brève échéance un n o m b r e
insoupçonné de maisons anciennes, de grandes demeures, de
moulins, actuellement en ruines, d é n a t u r é s de façon pitoyable, ou
dégradés par un entourage du plus m a u v a i s goût.
Une décision du Conseil municipal de la ville de M o n t r é a l ,
prise le 16 août 1962, fonda la Commission Jacques-Viger. C e t t e
commission consultative a pour b u t de veiller à la conservation
du secteur historique de M o n t r é a l , l'ancienne Ville-Marie. P o u r
donner force de loi à cette initiative, le Vieux-Montréal fut

54
classé arrondissement historique par un arrêté en Conseil, le
8 j a n v i e r 1964. Le quartier a conservé u n intérêt qui m o t i v e sa
protection, m ê m e s'il reste relativement peu de construction
r e m o n t a n t a u X V I I I siècle. Q u a n d la Commission est entrée en
e

fonction, plusieurs démolitions avaient déjà laissé des espaces


b é a n t s , vite transformés en terrains de s t a t i o n n e m e n t . O n a
sauvé de justesse u n îlot presque entier voué à la démolition.
Le véritable pionnier de ce m o u v e m e n t est Eric M c L e a n . P o u r
a t t e i n d r e le b u t qu'il se proposait, Eric M c L e a n s'installa d a n s
une pièce de l'hôtel v é t u s t é et délabré qui fut autrefois la résidence
de l'illustre h o m m e d ' E t a t Louis-Joseph P a p i n e a u . Depuis, la
maison restaurée par ses soins suscita u n enthousiasme grandis-
s a n t qui a m e n a la r e s t a u r a t i o n de maisons d a n s q u a t r e ou cinq
secteurs du V i e u x - M o n t r é a l : le M a r c h é Bonsecours, la maison
de Jacques Viger, la maison du P a t r i o t e et ses voisines, une p a r t i e
i m p o r t a n t e de la maison des D a m e s de la C o n g r é g a t i o n ; la
Place Youville, l'hôpital des frères C h a r r o n et plusieurs autres,
partielles ou moins i m p o r t a n t e s . Il reste encore u n travail énorme
à réaliser, q u ' o n mènera à bonne fin lorsqu'on a u r a terminé le
p l a n directeur d u Vieux-Montréal, a m é n a g é l ' a u t o r o u t e est-
ouest du sud, édifié le nouveau centre R a d i o - C a n a d a , et lorsqu'on
a u r a décidé de transformer la section du p o r t qui constitue u n
emplacement historique. La situation reste toujours confuse
faute d'une politique profonde et totale, propre à pousser, d u n e
façon p r a t i q u e et équitable, l'opération j u s q u ' à son t e r m e .

Québec, la vieille capitale, berceau du C a n a d a français,


possède u n ensemble plus impressionnant, b e a u c o u p plus im-
p o r t a n t qui le confond en fait avec la ville m ê m e . Seule une
politique du g o u v e r n e m e n t p e u t sauver ce j o y a u , déjà passable-
m e n t abîmé, p e n d a n t qu'il en est encore t e m p s . Quelques maisons
o n t r e t r o u v é leur aspect p r e m i e r : les maisons F a r g u e s , Fornel,
Chevalier, Bédard, la maison dite M o n t c a l m et celle des Ursu-
lines. La Place des Victoires fait l'objet d'une é t u d e qui a p p o r t e r a
des résultats d a n s u n avenir plus ou moins r a p p r o c h é .

D a n s la région de C h a m b l y , le village Jacques-de-Chambly


devait être u n musée v i v a n t en m ê m e t e m p s q u ' u n centre de
d o c u m e n t a t i o n sur l'architecture historique, les a r t s appliqués,
l'histoire; u n lieu de recueillement pour les artistes et les esthètes.

55
Pour parer à la destruction c a t a s t r o p h i q u e des maisons anciennes,
Antoine Prévost, propriétaire d ' u n e maison d e ferme du X V I I I e

siècle et très conscient de la valeur de n o t r e patrimoine, prit


l'initiative de récupérer, à t r a v e r s le territoire du Québec, des
maisons d e t y p e s divers, pour les reconstruire en les r e s t a u r a n t
sur u n e m p l a c e m e n t soigneusement établi selon u n plan directeur.
Quelques maisons furent a d m i r a b l e m e n t remises en é t a t e t en-
tourées de b â t i m e n t s de ferme et de tous les éléments: clôtures,
puits, fours à pain, q u i constituaient les outils de travail de nos
ancêtres. M a l h e u r e u s e m e n t , le projet, faute d'appui, ne p u t se
m a i n t e n i r ; tous ces efforts désintéressés furent perdus. Aujour-
d'hui, les b â t i m e n t s se délabrent.
Un a u t r e projet, à Boucherville, s'amorça sous l'impulsion
de Charles D e s m a r t e a u . Quelques maisons anciennes furent t r a n s -
portées d ' u n seul t e n a n t , sur u n terrain qui a v a i t a p p a r t e n u
aux Jésuites dès le X V I I siècle. Le projet n'alla pas plus loin.
e

56
Conclusion

Une poussée démographique qui va s'accélérant et le gros-


sissement des villes o n t nécessité la construction de b â t i m e n t s
de toutes catégories: urbanisation intense q u e nous n'étions
pas en mesure d'affronter, à l'époque, par m a n q u e de formation.
Aussi l'improvisation et les formules e m p r u n t é e s ont-elles altéré
les régions les plus dignes d'intérêt de notre territoire.

E n u n t e m p s très limité, les architectes, les ingénieurs, les


urbanistes e t les paysagistes se sont alignés sur les conceptions
les plus actuelles, o n t employé des m a t é r i a u x et des procédés
utilisés sous tous les climats et les ont mis en œ u v r e au moyen
de t e c h n i q u e s d ' a v a n t - g a r d e .

A cause de la vitesse et de la force avec lesquelles certains


p a y s imposent leur façon de vivre, l ' a r c h i t e c t u r e devient inter-
nationale, comme le fut autrefois celle du monde romain et
plus t a r d celle de l'époque g o t h i q u e : n o t r e assimilation sera
b i e n t ô t complète en ce d o m a i n e . N o u s nous précipitons volon-
tiers chez nos voisins pour leur d e m a n d e r des solutions, c o m m e
si nous avions admis une fois pour toutes n o t r e vassalité. Non
seulement le présent se m e t à l'heure américaine de façon mé-
thodique, mais l'avenir est fortement engagé d a n s c e t t e voie,
du fait que l'enseignement de l'architecture se dispense selon
des m é t h o d e s et d a n s u n esprit largement e m p r u n t é s à l'ensei-
g n e m e n t des universités d'outre-frontière. Matériellement, c'est
é v i d e m m e n t une solution p r a t i q u e , puisque les m é t h o d e s de
construction, les m a t é r i a u x et s o u v e n t m ê m e les p r o t o t y p e s
viennent j u s q u ' à nous; les revues, les catalogues sont des véhicu-
les efficaces qui sèment à tous vents des formes déjà digérées.

Les recherches constantes, les techniques nouvelles, les ma-


tériaux industriels et leurs possibilités presque illimitées essoufflent
les jeunes p a y s , non étayés par un passé qui p o u r r a i t les armer
d ' u n certain esprit critique. Toujours exaltés par leur merveilleuse
adolescence, ils se s e n t e n t e m p o r t é s par un tourbillon perpétuel

57
qui ne leur laisse le t e m p s de rien approfondir. L'expressionnisme,
le décoratif p r e n n e n t souvent le pas sur la raison et le goût.
Pour nous soustraire à l'ingérence qui vide n o t r e pays de son
a p t i t u d e à créer, il serait vain et d'ailleurs impossible de rejeter
les moyens gigantesques que nous maîtrisons avec une dextérité
p a r t o u t reconnue. M a i s si notre groupe parvient à s'affirmer et
à acquérir une identité, les a p p o r t s étrangers ne seront plus que
des i n s t r u m e n t s additionnels. Le problème, en définitive, est
d arriver à une traduction sensible de n o t r e spiritualité: état de
grâce qui donne aux pays forts leur m a r q u e indélébile.

M o n t r é a l , j u i n 1968.

58
ILLUSTRATIONS
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Page ci-contre: LA P L A C E V I L L E - M A R I E , M O N T R É A L
Vidée d'un centre, élevé sur l'emplacement de l'immense tranchée creusée par les
chemins de jer nationaux lors de la construction du tunnel sous le Jlont-Royat,
remonte à l'année 1915. C'est en 1962 que le projet, après plusieurs transforma-
tions, Jul terminé, sauj t'immeuble I.B.JÎ. en bordure de la rue Jlansfield qui
vint s'ajouter en 1966.
L'art urbain se manifeste ici pour la première fois de façon systématique
par la préoccupation de créer des espaces, des rapports de volumes reliés à l'envi-
ronnement. Sur un grand parvis, l'implantation judicieuse des bâtiments confère
à l'ensemble un intérêt tel que te public t'adopta d'emblée dès l'ouverture, surtout
au niveau des boutiques et des établissements de distraction.
La tour cruciforme s'élève à une hauteur d'environ 550 pieds ; un hall d'en-
trée flanqué de quatre bâtiments aveugles, fiaul de cinq étages, distribue le va-et-vient
des usagers, horizontalement, par quatre accès aux extrémités de la croix el, verti-
calement, par une batterie d'ascenseurs de trente-deux unités logées à la croisée
des axes. Les services mécaniques séparent le rez-de-chaussée des quarante étages
de bureaux el des divers autres services couronnés d'un restaurant.
C'est par redressement mental que l'on a conscience du volume cruciforme et
de ses dimensions dont une partie est continuellement escamotée. Ses qualités ne
peuvent donc se prévaloir de sa verticalité. C'est au sot que se manifeste la vie in-
tense de ce remarquable ensemble de volumes à fleur de surface, de portiques, de
dallages fortement architectures et de perspectives qui appellent la présence des
Montréalais en quête de flânerie ou de délassement. Placée dans le contexte
panoramique de ta ville, la tour 1 itle-J/arte joue alors magnifiquement son rôle.
Réalisateurs du projet: W e b b & N a p p Ltd. Architectes et urbanistes: L Al.
Pei et Associés, Chicago. Architectes d'opération: Affleck, Desbarats, D i m a -
kopoulos, Lebensold, M i c h a u d & Sise. Ingénieurs en structure : Brett, Ouellette
et Blauer. [Photo Associated Commercial P h o t o g r a p h e r s !

Ci-dessous: LA T O U R V I C T O R I A , M O N T R É A L
La tour Victoria est classique par le rapport des éléments entre eux et le respect
d'une hiérarchie dans la valeur des éléments. Lite trouve son mouvement de verti-
calité dans la recherche de formes propres à ta souligner, plutôt que dans te nombre
d'unités empilées. La structure en béton est la plus importante qui ait été élevée
jusqu'ici, mais elle n'a rien d'ostentatoire. Seules les arêtes de recouvrement néces-
sitées par les rigueurs de notre climat nous ta rappellent. Galbées, détachées des
parois de revêlement, elles possèdent une grâce subtile et une force qui consacrent
la grandeur architecturale de t'immeuble.
A r c h i t e c t e s : Luigi M o r e t t i . Ingénieur: Pierluigi N e r v i . A r c h i t e c t e s d'opéra-
t i o n : Greespoon, Freedlander & O u n n e . Ingénieurs associés: D ' A l l e m a g n e
& Barbacki. [Photos M a r c - A n d r é G a g n é )
L'EGLISE
NOTRE-DAME-DU-BEL-AMOUR
A CARTIFRVILLE

L'ÉGLISE S A I N T - M A U R I C E
À DUVERNAY

L'église Saint-Maurice présente la somme des recherches expressionnistes qui se


sont manijestées chez l'auteur, depuis qu il a conçu l'église Nolre-Dame-du Bel
Amour, sa première œuvre d'architecture religieuse. C'est le lempérammenl latin
se servant du tangage nordique. Dans Noire-Dame, on suit encore timidement
les règles du jeu inculquées, admises. La construction est simple, mais déjà le dé-
sir de libération pointe dans la volonté d'axer la composition sur une diagonale
et de combiner ainsi le plan en losange avec la croisée des arêtes de la voûte. De
t'intérieur, on garde mclgré tout l'impression d'un plan carré dont les transepts
se déploient en paravant. En somme, la recherche reste ici plus attachée au gra-
phisme qu'à la réalisation. Les matériaux, brique el bois, assurent l'unité du
volume. A Saint-Maurice, on se sent libéré de toutes tes entraves où le rationalisme
canalise les trouvailles techniques. C'est un jeu de matériaux, de jormes et de tex-
tures combinés comme les montages ou les collages en javeur chez les artistes
depuis une génération.
Les efforts en tension d'une poutre cruciforme extérieure, par exemple, n'ont
d'autre but que de catapulter la croix à travers te clocher, qui se réduit à une
entretolse sans cloche. Ce signal de béton accompagne une entrée entièrement revêtue
de métal, pour faire contraste avec te corps principal du bâtiment. La nef, en
effet, présente des murs en pierres rustiques de type américain, coiffés d'une
toiture en terrasse dont la construction structurale reste dégagée. Des bas-côtés,
tantôt en appentis, tant'l en terrasse, se raccordent à l'entrée. L'intérieur est un
riche assemblage de bols, de béton el de verre, libre, massif et bien équilibré.
Architecte: Roger D ' A s t o u s . (Photos Marcel Corbeau)
L'ÉGLISE
NOTRE-DAME-DE-FATIMA,
A IONQUIÈRE

La simplicité de conception de celte église


étonne les sens et l'imagination. Un cône
séparé verticalement en son axe et dont
les deux moitiés sont décalées. Celle solu-
tion astucieuse permet l'éclairage indirect
de la net el du chœur ; le plan jormé
d'une courbe el d'une contrecourbe brise
la sécheresse qu'aurait eue le simple cer-
cle. A l'extérieur, le sommet de la partie
nej est tronqué en oblique, tandis que la
partie chœur se prolonge en une flèche fine
comme une aiguille. Partant d'une jorme
géométrique aussi simple, il est toujours
téméraire de la contrarier ou de l'égayer,
surtout si on a pris le parti d'exprimer
les surfaces libres de tout ornement. ï^e
couronnement passe très bien, mais les
entrées et leurs raccords amenuisent cette
pure architecture qui ne souffre pas la
moindre verrue, .liais ces compromis
sont minimes. L'édifice est essentielle-
ment composé d'une coquille de béton de
quatre pouces d'épaisseur isolée, à l'inté-
rieur, par la projection au « Gunite »
d'une couche d'amiante et, à l'extérieur,
par un produit imperméable.

Architectes: P a u l - M a r i e C ô t é et Léonce
D e s g a g n é . Ingénieur: Louis Lemieux.
(Photo Ellefsen)
LA M A I S O N P R O V I N C I A L E D E S P È R E S B L A N C S
MISSIONNAIRES D'AFRIQUE, MONTRÉAL
Le plan de ce remarquable ensemble architectural s'organise autour d'un jardin
intérieur où se concentre ta vie communautaire, dans te recueillement et la quiétude.
Tja partie de l'édijice réservée aux sœurs qui pourvoient à l'entretien des chapelles
et aux divers services, est toulejois séparée de ce noyau. L,a construction s'élève sur
trois ou quatre étages selon l'orientation et la destination; te jardin est légèrement
surélevé par rapport à la rue.
Le rez-de-chaussée est partiellement accessible au public, tandis que le pre-
mier étage est uniquement réservé à la vie communautaire des religieux; le troisième
ne sert qu'au repos. La plupart des chambres, habitées par les religieux, donnent
sur te jardin ; les pères qui sont de passage occupent les chambres sur rue.
L,a construction est composée d'une structure de béton apparent Jermée à
/'extérieur par des murs de briques blanches et de grandes surfaces vitrées, alter-
nant avec divers types de jenê/res dont le jeu libre Jait chanter les jaçades de façon
fort sensible.
A r c h i t e c t e : André Blouin.

64
LA R É S I D E N C E D E S É T U D I A N T E S ,
U N I V E R S I T E LAVAL, Q U E B E C

La résidence des étudiantes de V Université Lavai jit l'objet a" un concours. Quatre
ailes jermées sur plan carré de 280 pieds de côté, jcrment te cadre d'une cour
intérieure rappelant sensiblement l'architecture monastique traditionnelle. Les
chambres, de part et d'autre d'un corridor, se tournent tantôt vers la cour, tantôt
vers f extérieur. La résidence, sise dans un espace boisé, a conservé, surtout dans
la cour, une partie de ses arbres, qui contribuent à accentuer f ambiance monas-
tique du lieu, presque entouré de portiques déambulatoires.
Afin d'éliminer toute obstruction dans les grands espaces, tes portées en lar-
geur du rez-de-chaussée sont d'un seul tenant de 58 pieds, utilisant un système de
dalles en béton précontraint soutenues par des panneaux de même matériau
prémouté, pleins ou ajourés. Ces éléments porteurs, contreventés aux escaliers, se
répètent en arcades et traduisent en jaçade tes voûtes surbaissées des chambres.
Architectes: L. M a i n g u y , Jarnuszkiewicz et B o u t i n . Ingénieur en structure:
Marcel D u p r a s .
d'un rez-de-chaussée surélevé, permet-
tant ainsi de monter, à l'intérieur, un
hall d'entrée sur un étage et demi
agrémen té de spacieuses rampes d'accès;
l'étage noble est marqué de jenêtre,
élancées, dégagées des meneaux qui
montent jusqu'à ta toiture, reliant tes
étages en une trame qui joue avec des
reliefs, des épaisseurs et des retraits
dans lesquels la lumière passe avec
beaucoup de subtilité. La dimension,
peut-être excessive, de ta longue façade
échappe quelque peu à l'œil. Elle est
ponctuée d'une massive marquise qui
fait contraste et fixe l'attention sur cette
seule dominante. Le gabarit range la
Faculté dans l'ordonnance générale
souhaitée, avec une force contenue par
ta sensibilité du détail.
L'immeuble rectangulaire est
construit autour d'une cour plantée, à
laquelle on accède par un portique ou-
LA F A C U L T E vert sur l'un des petit côtés flanqués de
DES SCIENCES HUMAINES murs aveugles et d'alvéoles à l'endroit
DE L'UNIVERSITE LAVAL des escaliers.
Le passant remarque l'éclat et
La Faculté des Sciences humaines de la teinte presque méditerranéenne des
l'Université Laval est l'un des édifices revêtements, faits de panneaux en béton
les plus importants construits ces der- blanc préfabriqué.
nières années sur le terrain de la Cité. A l'intérieur, les dégagements
D'une sobriété rigoureuse, te rap- nombreux et bien distribués sont de vé-
port des grandes divisions horizontales, ritables carrefours qui reçoivent ta foule
à l'extérieur, est exprimé dans un esprit des étudiants dans leur va-et-vient con-
classique qui ne perdjamjiis sa valeur. tinu. Des pièces, situées à la croisée des
On a eu te souci de bien asseoir l'édifice corridors, montent sur trois étages et
sur une base de hauteur intermédiaire créent des espaces inattendus, qui plai-
entre l'étage noble et le couronnement sent par la présence de galeries de dis-
des trois étages supérieurs. La base tribution et d'escaliers-écrans. Ces es-
marqué par te rythme des piliers, paces, éclairés par la toiture, peuvent
prend avantage d'un sous-sol dégagé et servir de salles de repos et d'exposition.
Architectes : Edouard Fiset. I n g é -
nieur: Gilles Vaudry. (Photo H a n - S a )
FACULTÉ D'AGRICULTURE,
U N I V E R S I T E LAVAL, QUÉBEC
La Faculté a"Agriculture de l'Univer-
sité Laval, construite autour d'un jar-
din, est composée de quatre corps de
bâtiment soudés entre eux par les cages
de circulation verticale. Une des ailes,
sur pilotis, dégage le rez-de-chaussée et
donne accès à la cour intérieure et à
l'entrée principale.
Si les cages de circulation mar-
quent, extérieurement, plus une sépa-
ration qu'une liaison et si l'ensemble
trahit quelque hésitation dans le rap-
port des volumes, l'œuvre est l'une des
mieux venues de l'Université par son
expression plastique rigoureuse, riche
et généreuse.
La structure des murs extérieurs,
porteuse, est jormée d'un assemblage de
panneaux prémoulés conlrevenlés pat-
tes tours de circulation et les murs
pignons construits sur place. La colon-
nade du rez-de-chaussée tire l'élégance
de son mouvement de la simple astuce
des pans coupés, qui jail pivoter la
base des piliers d'un quart de tour au
sommet, passant ainsi du losange au
carré. L,a texture du béton est vivante ;
tes reliejs projonds de la structure jont
jouer le soleil avec une jorce tempérée
grâce à des plans inclinés qui se ratta-
chent à ta colonnade.
Une compénétration des prolon-
gements de l'architecture permet à la
nature de tenir le rôle enchanteur qui
ne devrait jamais se dissocier de l'ha-
bitat humain.
Architectes: Paul G a u t h i e r et Gilles
G u i t é . Ingénieurs en structure: Piette,
A u d y , L e p i n a y , Bertrand & Lemieux.
Ingénieurs en m é c a n i q u e : P a q u e t et
D u t i l . A r c h i t e c t e p a y s a g i s t e : Atelier
d'urbanisme Georges R o b e r t .
(Photo Architecture)

4
LE S T A D E D'HIVER DE L'UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

Le terrain accidenté sur lequel les architectes avaient à situer le stade a donné
naissance à une solution intelligente et de bonne économie. Les éléments de ta
composition s'inscrivent sans heurt dans une structure en escalade où l'on passe
insensiblement d'un niveau à l'autre. La toiture devient tantôt marquise, tantôt
abri. Elle épouse à peu près ta pente des gradins, selon la déclivité même du terrain,
Les gradins, placés d'un seul côté de la patinoire, répondent à un impéralij du
programme dans lequel cette solution était imposée : on comprend mat alors le grand
dégagement, à l'opposé, qui donne sur le mince couloir de la patinoire.
La structure verticale et les petites portées sont en béton, les grandes portées
de 175 pieds, en métal ; les murs intérieurs sont en briques et en blocs de béton.
La toiture est jormée a"une dalle de béton enduite a"une pellicule de produit plas-
tique. À l'intérieur, les murs longitudinaux de la patinoire sont revêtus, en clatre-
voie, de lamelles de cèdre, tandis que dans ta cajétêria de pareilles lamelles décorent
le plajond en une surface sinueuse très élégante. Le ptajond de la patinoire est semé
de molijs de plâtre en quinconce nécessités en partie par les données de l'acoustique.
A r c h i t e c t e s : D a v i d et B o u l v a . Ingénieurs en structure: B e a u h e u , Trudeau
et Associés. {Photos Marcel Corbeau, H a y w a r d Studios)

69
Ci-dessus: LA R É S I D E N C E D E S É T U D I A N T E S
À L'UNIVERSITÉ D E MONTRÉAL
La construction en hauteur de la résidence des étudiantes contraste passablement
avec l'ensemble architectural de l'Université. Et cependant une certaine parenté
avec la maison des étudiants se manifeste dans le rythme des travées et, jusqu'à un
certain point, de la fenestration. Le choix du plan triangulaire était motivé, aux
yeux des auteurs, par le manque de parallélisme entre /'implantation générale des
bâtiments existants el les voies publiques. Il traduit, en tout cas, la disposition
compacte et rationnelle des chambres, bien isolées par tes unités de rangement qui
forment cloison.
A l'extérieur, les masses verticales fragmentées en segments déliés sont allé-
gées par le jeu des rainures el par le compartimentage en dent de scie des murs en
béton ou des fenêtres, étagêes en bandes verticales continues et toutes orientées
sud-ouest.
Architectes: P a p i n e a u , Gérin-Lajoie, Le Blanc. Ingénieurs en structure: Car-
tier, C ô t é , Piette, B o u l v a & Wermenlinguer. (Photos Han-sa)

Page ci-contre: L E D O M A I N E INTERCOMMUNAUTAIRE


DE CAP-ROUGE

Celte cité universitaire, originale et inusitée, réunit en deux secteurs, sur un vaste
terrain, les résidences de plusieurs communautés religieuses, un secteur groupant
les pères autour d'un séminaire, l'autre les frères autour d'une école normale. L,e
tout se complète de terrains de sport répartis entre les résidences.
Pour mener te projet à bonne fin, on a fait appel à huit firmes d'architectes,
sous la direction de l'une d'elles pour assurer la coordination de C ensemble.
Des conditions d'aménagement el de construction assurèrent l'unité de l'ar-
chitecture, impératifs qui n'entravaient cependant pas ta personnalité des archi-
tectes : préservation de ta topographie et des espaces boisés, types de construction,
matériaux, couleurs. En effet, on montra une préférence pour les immeubles
d'habitation en hauteur, pour les services el le séjour étalés en un rez-de-chaussée
adapté aux accidents du terrain, pour des murs pleins percés de fenêtres, pour-
un ton général blanc ou gris clair.
Il en est résulté un ensemble de btocs-réstdences largement espacés, isolés en
zones par des pinèdes. Chaque bâtiment, malgré les exigences de ta coordination,
trouve son identité dans les éléments chapelles, salles de séjour el entrées, dont le
style a manifesté la personnalité de chaque architecte.
Architecte coordonnateur: Jean-Marie R o y . Architectes: J.-M. R o y ; S a i n t -
Gelais, F e r n a n d T r e m b l a y , Charles T r e m b l a y ; Jacques de B l o i s ; Leclerc
& Villemure; G a s t o n A m y o t ; G e r m a i n C h a b o t ; Bélanger & Tardif; Gilles
Côté.

70
Ci-dessus: L E P A V I L L O N D E S S A L L E S D E COURS
A L'UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

Flanquer un bâtiment de limportance et du caractère un peu passé de l' Université


de Montréal d'une construction en appendice, présentait un écueil que les auteurs
du projet ont très bien contourné. Le pavillon des salles de cours a une grande
tenue, une forte expression plastique, et présente une certaine liberté, ne serait-ce
que par le côté abri qui invite les usagers à se protéger facilement, par rapport à
l'aspect guindé des accès à l'édifice principal.
Le rythme en relief un peu décoratif des ouvertures, s'il souligne trop forte-
ment ta poutraison de la toiture, s'apparente par léchelle à l'édifice principal ; il
en est de même de la brique faune utilisée ici, à défaut d'un matériau que les archi-
tectes n'ont pas eu loisir d'exploiter et qui aurait été plus en accord avec l'apport
dominant du béton. La brique a pour effet d'amenuiser le mur pignon qu'on décou-
vre de la voie . . .
Ce pavillon, conçu pour loger des salles de cours sans destination particu-
lière, permet par un système de cloisons mobiles, une distribution d'auditeurs toute
en souplesse. Les salles sont réparties sur deux étages, de part et d'autre d'un
dégagement-foyer ; le rez-de-chaussée loge le foyer principal et un auditorium
de 250fauteuils.
A r c h i t e c t e s : Robillard. Jette", B a u d o u i n . Ingénieurs en structure: Brouillet.
Ca si, BouK (Photo Wilkinson Studios)
L'ECOLE E L E M E N T A I R E
BOIS-JOLI
A SAINT-HYACINTHE

Le parti pris de réunir, et souvent en


quatre groupes, les corps de bâtiment
autour d'un espace central se retrouve
dans plus d'une composition scolaire
ou universitaire. Dans l'école élémen-
taire Bois-Joli, l'aire de réunion sert
de carrefour aux espaces-classes, iso-
lés par un couloir et par des ateliers.
Les espaces se commandent les uns
les autres, créant une succession de
volumes intérieurs qui se traduisent
d'une façon particulièrement vivante
à l'extérieur. Ils donnent l' aspectd'un
ensemble domiciliaire, aspect assez
éloigné de l'architecture scolaire ha-
bituelle. La construction générale est
en bois d'épinette et repose sur une
dalle de béton. Les murs extérieurs
sont revêtus d'un enduit de ciment, les
murs intérieurs d'un enduit rugueux
de plâtre. La toiture et la corniche
sont en cèdre ; les plafonds, qui épou-
sent sensiblement la pente de la toi-
ture, en épinette. De grandes baies
vitrées étanches apportent à profusion
lumière et soleil. La couleur joue un
râle de classement et apporte en même
temps une note de gaieté qui sied à la
jeunesse étudiante et enseignante.

A r c h i t e c t e : Jean M i c h a u d . Ingé-
nieurs en structure: Claude Lan-
thier & Associés.
L'ÉCOLE REGINA-CŒLI À PIERREFONDS

Celle école de dix-huit classes et la maternelle de deux classes sont construites


selon le principe d'espaces communs centralisés auxquels se rattachent tes cellules-
classes. De prime abord, il se dégage de cet ensemble une impression de mouvement
horizontal très marqué, née du jeu cubique des volumes de béton brut et de verre,
subtilement soulignés de rainures à la hauteur de l'étage et des toitures. Jeu de
pleins et de vides alternés dans les classes, dominante de verre dans le corps de
bâtiment, pivot qui toge ta salle de récréation, la cajétéria et l'administration.
Ce dernier volume, coiffé du large bandeau de la toiture supportée par de fins
piliers, est un tout qui accepte mal t'articulation des deux groupes de classes, mais
mieux celte, plus modeste, de la maternelle. Chaque groupe de neuf classes répar-
ties sur deux niveaux est orienté au nord et possède sa vie propre ; la maternelle
est encore plus dégagée ; ses deux classes sont orientées au sud pour apporter l'air
et te soleil aux tout petits.
Ces hésitations dans les attaches ne diminuent en rien le bon jonctionnemenl
et les qualités remarquables de sensibilité architecturale qu on découvre dans les
proportions, te détail de la trame et des matériaux. Les intérieurs sont particulière-
ment bien étudiés. Celte œuvre demeure une des plus intéressantes du genre.
Architectes: P a p î n e a u , Gérin-Lajoie, Le Blanc.

75
L'ÉCOLE É L É M E N T A I R E MARGUERITE-BOURGEOIS

Les {'lasses de celle école sont groupées en deux sections correspondant à deux cycles
d'études, de part et d'autre de ta salle de récréation et de gymnastique, et réunies
par l'administration, divers services et les circulations. La maternelle jorme un
appendice, un peu à l'écart du volume général de la construction. Le plan est
compact mais, par sa jrange et ses articulations, il donne une impression de
souplesse et de détiemenl.
On a parfaitement réussi, dans l'ensemble, à surmonter tous les obstacles
budgétaires pour atteindre te maximum de rendement fonctionnel el architectural
avec te minimum de moyens. En apportant des solutions dépouillées de toute affé-
terie, des solutions purement utilitaires même, on a exprimé une véritable architec-
ture en choisissant avec sensibilité les matériaux et les éléments d'équipement.
La construction, en grande partie composée d'un seul rez-de-chaussée, repose
directement sur une dalle de béton au sol ; ta structure de béton qui repose sur la
dalle est revêtue de briques à l'extérieur, à l'intérieur elle est laissée apparente
avec cloisons en blocs de ciment peint. Au plafond, construit à la hauteur minimum,
les poutres sont à nu dans les classes ; dans tes circulations, te plafond surbaissé
est recouvert de planches de cèdre ; l'éclairage encastré.
Architectes: (odoin, Lamarre. Pratte, Carrière. Ingénieurs en structure:
Lalonde, Girouard, Letendre.

75
LA S A L L E D E C O N C E R T W I L F R I D - P E L L E T I E R ,
A LA P L A C E D E S A R T S , M O N T R É A L
Cet important édifice revêtu d'éléments préfabriqués est d'inspiration classique. Les
mouvements courbes de la toiture et de la cotonnade créent une impression molle de
surfaces enveloppantes qui ont l'attrait de leur destination. Les espaces intérieurs,
vestibules, dégagements, grand escalier, foyers, sont disposés selon des données en
e
en faveur depuis le XVIII siècle. La salle elle-même est conçue pour satisfaire
avant tout aux grandes manifestations musicales ou chorégraphiques. Les 5,000
fauteuils sont répartis entre un parterre, trois balcons et autant d'étages de loges en
surplomb dans la nef. La cage de scène possède une machinerie tout à fait au point,
mais ta profondeur de scène et les coulisses n'ont pas les dimensions requises pour
loger à l'aise les troupes venant des grands théâtres, comme le Bolchoi, l'Opéra de
Paris ou la Scala de Milan. Les sorties nombreuses de la salle vers les foyers en
pourtour sont généreuses. Des déambulatoires, reliés aux escaliers monumentaux,
sont décorés de sculptures murales qui conviendraient plus à l'extérieur, de tapis-
series, de plafonniers de Venini aux joues creuses et de céramiques de Jordi Bonet.
L'ensemble n'atteint pas à l'homogénéité désirée: seul le bar principal possède celle
qualité à cause de ses formes générales qui se marient parfaitement aux verrières
de Pellan.
La dominante pour le décor de la salle est la forme angulaire. Les loges, le
plafond en nid d'abeilles sont géométriques à surfaces planes ; ils apportent une
note décorative discrète revêtue d'un revêtement mural qui heureusement s'oublie au
profit du spectacle : nous ne sommes plus à l'époque ou celui-ci était aussi dans ta
salle.
Architectes: Affleck, Desbarats, D i m a k o p o u l o s , Lebensold, Sise.
(Photos P a n d a Associates, S t u d i o Lausanne)

77
L E S T H É A T R E S , M A I S 0 N N E U V E E T P O R T - R O Y A L À LA P L A C E D E S
ARTS, MONTREAL

Les deux théâtres Maisonneuve et Port-Royal sont combinés en un seul bâtiment


mais n'ont aucune relation, aucun contact. Ils sont situés l'un au-dessus de l'au-
tre. Le théâtre Maison neuve, te plus grand, peut contenir 1,300 spectateurs répartis
dans l'orchestre et aux deux balcons. Il sert aux spectacles traditionnels, locaux
ou de tournée. Des mécanismes apportent au plateau et à l'ouverture de scène une
souplesse d'adaptation qui répond aux exigences de la mise en scène la plus
poussée. Le son et la lumière jouent sur un plan égal ; on a même prévu un système
de traduction simultanée en cinq langues.
L'ensemble des espaces destinés aux spectateurs est en communication avec les
dégagements et tes foyers à divers niveaux, reliés par des escaliers sous lesquels
s'organisent les bars et les espaces de repos. Ce volume intérieur est enveloppé
d'une grande cage de verre en porte-à-faux au dessus des entrées et sur les côtés.
De lextérieur, celte grande verrière à meneaux, dont la couleur se fond dans
la teinte du verre, forme une large trouée horizontale sous la cascade des toitures en
terrasse, apparammcnt conçues pour faire passer te volume de la cage de scène à
celui du foyer.
Mais le théâtre Port-Royal, placé dessous, est entièrement camouflé. Plus
petit, il ne loge que 800 spectateurs : il présente un intérêt particulier pour plu-
sieurs raisons. La scène, plus grande et plus dégagée en surface, apporte de nom-
breuses possibilités de mise en scène pour le théâtre d'essai ; ta disposition des
sièges permet une visibilité exceptionnelle ; une partie des fauteuils peut se dépla-
cer ; la manipulation manuelle des diverses trappes offre une grande variété de
solutions dans la recherche des décors. L'aménagement architectural intérieur de
ce dernier théâtre est particulièrement réussi : dans le foyer, le béton brut texture,
le lapis rouge sombre uni, les bars rehaussés de grandes toiles de McE-wtn et de
Beaulieu, les photos-murales de Michel Saint-Jean se marient parfaitement avec
ta couleur du béton ou avec le gris anthracite des revêtements de métal ajouré qui
tapissent ta salle ; mentionnons enfin l'effet somptueux obtenu par la gamme des
rouges, des orangés et des mauves qui parent les fauteuils comme un grand par-
terre en talus.
Architectes: D a v i d , Barott, B o u l v a ; Conseil: R. Dufresne; Conseil en esthé-
tique intérieure: Jacques Guillon & Associés.
Ingénieurs e n structure: Brouillet, Carmel, B o u l v a & Associés.
Artistes collaborateurs: Micheline B e a u c h e m i n , Hélène B a r y n i n a , Charles
Daudelin, Peter G n a s s . Paul B e a u l i e u . Jean M c E w e n , Michel S a i n t - J e a n ,
M a r i e t t e V e r m e t t e , et Jean Cartier assisté de Richard Poirier.
[Photos Jacques Varry, A v e n u e Advertising Art)

79
LE C E N T R E D'HABITATION JEANNE-MANCE À MONTRÉAL
L'ensemble domiciliaire Jeanne- .fiance Jut la première réalisation de rénovation
urbaine. Un plan d'ensemble prévoyant de grands espaces plantés, des aires de
jeux el de stationnement apportaient des conditions maximales d'ensoleillement el
d'air. On a réparti l'ensemble en constructions de douze et quatorze étages combi-
nées avec des maisons à trots niveaux.
Architecte de l'ensemble: McLennan. Architectes-conseils: Greenspoon,
Friedlander & D u n n e . (Photo Marcel Corbeau)

Ci-dessous, de g a u c h e à droite:
L'IMMEUBLE RÉSIDENTIEL CANTLIE HOUSE À MONTRÉAL
La construction, conçue pour s'insérer entre murs mitoyens, présente une jaçade
sur rue el une jaçade arrière en béton apparent. Le jeu des balcons, le retiej de la
fenestration et l'architecture de la charpente apparente lui confèrent une puis-
sance monumentale soumise à une élégance qui sied aux immeubles d'habitation.
Architecte: l a n M a r t i n . Ingénieurs en structure: S h e c t o r & Forte.
(Photo S t u d i o Alain)

L'IMMEUBLE D'HABITATION EMBASSY ROW À M O N T R É A L


C'est par ta structure de béton el te verre que cet immeuble manifeste son expression
architecturale. La disposition des balcons brise-soleil, lut donne un aspect de ruche.
Architecte: VV. H o u s d e n . Ingénieurs en structure: Brett, Blauer & O u e l l e t t e .
(Photo Marcel C o r b e a u )

LES A P P A R T E M E N T S H A L D E N À VILLE MONT-ROYAL


I,'immeuble Hatden lire son intérêt architectural du feu simple de la brique el des
combinaisons variées de la fenestration, des balcons el des retraits en façade.
Architectes: Fish & M e l a m e d . Ingénieur en structure: B e n n o Eskenazi.
H A V R E D E S ÎLES, À LAVAL
Dans la banlieue de Montréal, sur la pointe a"une île aménagée dans la rivière
des Prairies, s'élèvent trois immeubles d'habitation, reliés à une terrasse sous
laquelle s'abrite un garage. Le sol est ainsi libéré et ta nature conserve ses droits.
L'architecture de béton et remplissage de briques s'accommode avec bonheur du
rideau d'arbres qui l'entoure. La topographie a donné lieu à des aménagements
accidentés qui conservent l'Intimité de la campagne. A t'Intérieur, on a eu le même
souci par des arrangements de corridors en bâton rompus ou en dominos. De
grands balcons-loggias egayent tes façades.
Architectes: Warshaw, S w a r t z m a n , Bobrow.

LE C E N T R E D O M I C I L I A I R E D E L'ÎLE D E S S Œ U R S
SUR LE FLEUVE SAINT-LAURENT, M O N T R É A L

La partie nord-ouest de l'île des Sœurs, aménagée en un centre domiciliaire, pré-


voit une agglomération de 50,000 habitants, organisée en un véritable centre indé-
pendant. Les habitants logeront dans des immeubles de divers types et dans des
maisons à murs mitoyens. Les espaces environnants, aménagés en parcs et en
jardins, donnent en grande partie sur le fleuve.
Architectes: Phihp-Davicl Bobrow, Montréal, Mies van der Rohe. S t a n l e v
T i g e r m a n , Chicago. (Photo Architecture)
UNE RÉSIDENCE À OUTREMONT

Cette résidence construite en 1941-2 possède des qualités remarquables, parmi les
plus humaines qui soient, mais peut-être aussi les plus incomprises.
Elle n'est pas révolutionnaire et ne cherche en aucune façon à se singulariser
par une originalité marquée d'agressivité. L'auteur a considéré qu'elle devait
entrer dans le rang de l'ensemble domiciliaire qui lui était imposé. Il remit alors
en question tes données de base des éléments traditionnels de l'architecture en faveur,
pour leur insuffler un esprit et pour les rendre valables dans leur expression intrin-
sèque. Il exatta tes formes qui lui semblaient mièvres ou routinières ; il ramena
à de sensibles proportions architecturales ce qui n'était que construction stéréotypée
ou rhétorique.
Architecte: Marcel Parizeau. (Photo Office du Film du Québec)

FERME VILLENEUVE,
HAUT-DE-LA-CHUTE

De simples formes prennent dans la


nature une valeur authentique que
perdent la plupart du temps les habi-
tations des fermiers, transformées par
les produits industriels ou par les
modèles de catalogues, que l'ignoran-
ce, l'indifférence ou le préjugé empê-
chent souvent d'assimiler.
(Photo S t u d i o P. T r e m b l a y )
U N E MAISON UNIFAMILIALE À CHOME DEY

Cette grande maison est entièrement préfabriquée en béton. Son aspect très archi-
tecture ta classe parmi les types de maisons conçues essentiellement pour jormer
des ensembles d habitations urbains intégrés aux édifices publics qui en jorment
te noyau. L'organisation intérieure prévoit trois zones bien définies réservées aux
parents, aux enjants et à ta jamitle. La maison présentée ici, primée comme mai-
son de l'année en 1965, est située sur un emplacement boisé, qui enveloppe une
aire de jeux en communication avec la jaçade sud-est. Ce contraste de la nature
avec une architecture d'angles droits, de vides et de pleins alternés jorme un tout
indissoluble. La construction jaile de dalles préjabriquées et de blocs de béton est
un modèle de travail bien fait.

Architecte: Jean-Louis Lalonde. (Photo Marcel Corbeau)

LA M A I S O N L U S S I E R À S A I N T - B R U N O
Cette résidence couverte d'écailles, toute jrissonnante, est sculpturale par le jeu
des plans inclinés qui s'opposent ou se prolongent, se silhouettant avantageusement,
de quelque angle qu'on le regarde. Xi jaçade avant, ni jaçade arrière, ni côtés jami-
liers ne viennent calmer l'impression dramatique qu'elle dégage. Seul le détail
d'une porte ou d'une jenêlre rassure, rappelant sa destination utilitaire.
Architecte: Roger D'Astous.
LA P L A C E B O N A V E N T U R E , MONTRÉAL

Par sa destination, par ses dimensions; par sa situation, la Place Bonavenlure est
l'un des édifices les plus importants érigés depuis plusieurs années.
Il est le dernier né de tout un ensemble de constructions commerciales qui a
poussé sur un emplacement de petites maisons vétustés et de terrains inutilisés.
Ce bâtiment massij est organisé comme une véritable ville intérieure, avec de multi-
ples réseaux de transport et de galeries marchandes logées en sous-sol. Il renferme
deux niveaux de boutiques, un hall d'expositions temporaires d'une surface de
250,000 pieds carrés, 1,000,000 de pieds carrés de commerce réparti sur cinq
étages, des espaces*à bureaux, une aire pour les expositions internationales, te
tout couronné d'un hôtel de 400 chambres avec jardins et divers cen 1res de récréation ;
enfin, au sous-sot, un garage pour 1,000 voitures. Jlalgré le gigantisme de ce bloc,
l'entrée de t'hôtel au milieu d'un jardin urbain, le feu des décrochés, la texture,
rétablissent l'échelle sous certains angles qui possèdent de grandes qualités esthéti-
ques et humaines.
Le béton a su faire oublier les surfaces envahissantes de ses murs aveugles
ses ondulations et ses recouoemenfs. T r a i t é e ,.nmn,* '

"joue v ...mi/Lc « i ,iu.miu.iic intérieure au oatimenl.


Les étages courants de la construction étant supportés par une trame carrée de 25
pieds, on passe, au rez-de-chaussée, à des espacements de 75 pieds par 50 par te
truchement de piliers couronnés de majestueux encorbellements, afin de dégager
le grand hall d'exposition et de satisfaire aux exigences des voies ferrées au-dessus
desquelles s'élève la Place Bonavenlure.
Architectes: Affleck, D e s b a r a t s , D i m a k o p o u l o s , Lebensold, Sise. Architecte
m e
de c o m p o s i t i o n : M E v a Vecsei. Architectes d u projet: D . L a z o s k y , H . K.
S t e r m a n . Ingénieurs-conseils en structure: R. R. Nicolet et Associés; L a l o n d e .
Valois, Lamarre, Valois & Associés. (Photos Michel D r u m m o n d . Roger Jowett)
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L'IMMEUBLE DELTA À SAINTE-FOY, QUÉBEC


Le volume simple, rigoureux el bien proportionné de cet immeuble à bureaux le
classe parmi les meilleurs de sa catégorie. Le plan est carré ; tes services, comme
dans la plupart des immeubles à bureaux, sont logés au centre afin de dégager au
maximum les espaces de location. La construction est en béton coulé sur place,
el les jaçades extérieures sont peintes.
Architectes : Gauthier, G u i t é & R o v . Ingénieurs en structure: B e a u l i e u , Poulin
& Robitaille (Photo Ellefson)

86
LA S T A T I O N P E E L
DU MÉTRO DE MONTREAL

Dans le domaine des travaux publics,


les stations de métro apportent une
note exaltante d'architecture où l'utile
s'est mis au service de la joie de vivre ;
on ne connaît que quelques stations du
métro de Moscou dont l'aménagement
ait été jail avec un aussi grand souci
d'architecture.
Chaque station, à Montréal, s'i-
dentijie au carrejour sous lequel ses
espaces intérieurs s'étendent. La station
Peel apporte une note particulière de
jeunesse par ta structure et te revête-
ment des surjaces qui ont jait l'objet
d'études enthousiastes et vécues. Située
dans un secteur de grande jréquentalion
où sont concentrés les hôtels et le com-
merce central, elle répond à l'esprit qui
t'anime.
Parce qu'elle est construite en
tranchée, te recouvrement de la chaussée
nécessitait des points d'appui qui jurent
exprimés avec élégance et dynamisme :
colonnes jumelées sur rotule, en jorme
d'hexagone très allongé, entre toisée s aux cassé sont ponctués au mur et au sol, de
poutres de l'entresol, lequel se détache grands motijs, circulaires également,
du volume général. Cette grande passe- œuvre de J.-P. Mousseau. Le tout est
relle dégagée crée des échappées visuelles mis en reliej par un éclairage savam-
qui suppriment l'impression d'écrase- ment dirigé.
ment, impression que la hauteur mini- A r c h i t e c t e s : P a p i n e a u , Gérin-Lajoie,
mum des étages n'aurait pas manqué Le Blanc. Ingénieurs en structure :
de susciter. La teinte du béton, la cou- Cartier, C ô t é , P i e t t e , B o u l v a , Wer-
leur et la jorme des petits et moyens
menlinger & Associés.
éléments circulaires de céramique blanc
(Photos H a n - s a )
Ci-dessus: L E P O N T D E LA C O N C O R D E À L ' E X P O S I T I O N
INTERNATIONALE DE MONTRÉAL
Les deux îles el la jetée sur lesquelles est située l'exposition sont reliées par une
grande voie d'accès et deux ponts : le pont de la Concorde, qui franchit le grand
bras du fleuve sur une longueur de 2,260 pieds, et le pont des îles qui réunit l'île
Notre-Dame et l'île Verte, au-dessus du petit bras, sur une longueur de 688 pieds.
Le pont de ta Concorde, de profil plein et simple, repose sur quatre piliers de béton
aux formes sculpturales. Les portées centrales ont une longueur de 525 pieds, les
portées de bout une longueur de 540 pieds. Il est composé d'une poutre continue à
caisson de forme trapézoïdale, à laquelle s'intègre un tablier à plaque orthotrope,
système à nervures longitudinales et poutrelles transversales. Le profit du pont est
à léger dos d'âne effilé vers les extrémités. Le pont des îles est composé de deux
travées métalliques identiques, haubanées à mi-longueur aux pylônes de béton qui
prolongent l'unique pilier, érigé à la médiane du petit bras fluvial.
Ingénieur: Beaulieu, T r u d e a u & Associés. Architecte conseil: C l a u d e B e a u l i e u .
(Photo E x p o 67)

Page ci-contre: H A B I T A T '67


Habitai '67 est un prototype d'habitations résidentielles destinées à se multiplier
dans tes agglomérations à forte densité. Son but est donc de pouvoir s'ériger de
façon industrielle pour servir une quantité appréciable de gens, dans des conditions
maximaies de confort matériel et moral. Pour parer à la monotonie que pourrait
engendrer la systématisation d'une implantation banale, celle-ci prend toutes tes
libertés à l'égard de ta fabrication, qui doit être réglée comme t'industrie des objets
d'usage courant, qui peut varier en de nombreux thèmes selon les conditions impo-
sées. Habitat '67 est donc une démonstraion menée à terme, avec le souci d'apporter
à chaque résidence une organisation intérieure apte à satisfaire tous tes besoins de
travail, de repos et de distraction, dans la sauvegarde de Vintimité, autant chez les
individus qu'entre les familles. Aussi la composition a-l-elle été conçue pour que
iliaque unité soit isolée de sa voisine par des terrasses el des ouvertures orientées
de façon adéquate. Le résultat plastique, un peu confus, d'expression tropicale,
est une solution parmi d'autres qui s'accepte dans le contexte de l'exposition.
Habitai '67 a te très grand mérite d'avoir amorcé la réalisation d'un système
haussé au rythme de ta productivité actuelle, pour répondre aux impératifs de la
vie de demain.
Architecte: M o s h e Safdie. Architectes d'opération: D a v i d & B o u l v a .
(Photo E x p o 6 7 )

88
LE M U S É E DES BEAUX-ARTS

Le Musée des Beaux-Arts de l'Expo, devenu te


nouveau Musée d'Art contemporain, jut un écrin
merveilleusement apte à abriter, pendant tes six mois
de l'exposition internationale, une collection presti-
gieuse bien qu éphémère d'œuvres venues du monde
entier. L'édifice est construit en béton et coiffé d'une
calotte en terrasse revêtue de cuivre. Les grandes por-
tées sontfranchies par un caissonnage en béton dont les
arêtes ont des rainures qui recèlent des tringles pour
cloisons amovibles et prises de courant continue.
On a choisi le parti de l'éclairage artificiel qui
élimine les ouvertures en façade, sauf aux extrémités
des dégagements menant aux quatre groupes de salles
d'exposition. Cette solution unifie la présentation des
œuvres mais les fige quelque peu. On aimerait voir la
nature exercer ses caprices sur des œuvres sorties de
la sensibilité humaine. La qualité architecturale du
Musée n'en reste pas moins exceptionnelle.
Architectes: Gauthier, G u i t é et C ô t é . Conseillers
John B l a n d . Ingénieurs en structure: Beaulieu,
Poulin et Robitaille.
(Photos E x p o 67, Office du Film du Québec)
LE S T A D E D E L'EXPO À MONTRÉAL
Comme pour ta presque totalité des terrains construits à t'exposition de Montréal,
celui oà s'élevait te stade devait être libéré après ta fermeture. Mais au Heu de faire
l'objet d'une brutale démolition, le stade pouvait tout simplement se démonter
pour être déplacé et remonté ailleurs, réduit, agrandi ou transformé. Le programme
dont t'architecte s'est magnifiquement bien tiré exigeait que te stade soit amovible.
Faitde pièces de béton, il comprend dix-neuf sections de gradins; chaque gradin est
conçu comme une poutre qui s'emboîte sur sa voisine du dessous, le tout reposant
sur deux poutres rampantes entretoisées et maintenues en position à la partie
supérieure, au moyen de piliers largement galbés qui assurent te con trêve n terne ni'.
Les constructions secondaires: services, concessions, etc., sont en cèdre
teinté. L'ensemble est majestueux, délié et d'un caractère inédit.
Architectes: Victor Prus et M . D e s n o y e r s . Ingénieurs en structure: M a r t i n e a u ,
S a m s o n & Associés; J.-C. Valiquette. (Photos E x p o 67)
LA P L A C E D E S N A T I O N S À L ' E X P O S I T I O N INTERNATIONALE
D E M O N T R É A L 1967

La Place des Xalions, proue de l'île Xolre-Dame, a une ordonnance aztèque.


Des troncs de pyramide gazonnés; des tribunes de cérémonie, des gradins suspen-
dus, en porte-à-jau.v sur des cages de verre, réunis par de massives poutres ou
solives de bois lamelle se mêlent au béton pour jormer un véritable pourtour d'obser-
vation. Ces surfaces organisées pour servir de cadre aux manifestations officielles
autant qu'aux réjouissances populaires, forment un grand parvis mouvementé,
riche en textures et en couleurs, joie du flâneur ou du poète.
A r c h i t e c t e : André Blouin. Ingénieurs en structure: C v r & Houle.
(l'holos E x p o 67)
LE PARC D E MÉSY À M O N T R É A L

Le parc de Jlésy est situé à proximité de l'hôpital du Sacré-Cœur, sur l'emplace-


ment d'une carrière de pierre désaffectée. Ses dimensions restreintes pour un pro-
gramme chargé ont donné lieu à des recherches poussées pour imbriquer tes jeux
dans un mosaïque serrée aux jormes libres et sinueuses, en contraste avec l'archi-
tecture, réduite à l'expression essentielle, et avec l'aire des sports, conforme aux
normes générales. On découvre, parmi les jeux destinés aux enfants, un labyrinthe
tout en courbes, au profil accidenté, construit de mortier blanc laissant apparaître
des appareils en pierres des champs, des incrustations d'éléments en terre cuite ;
un mur à graffiti de forme concave ; une pouponnière, protégée par une balus-
trade, comprenant un énorme jeu de sculpture en jorme de pomme évidée peint
de blanc et de couleurs primaires ; une piste pour trottinettes, des pieux pour le
jeu du chat-perche, et trois exèdres en jorme de niche à treillis métallique combinés
avec la clôture.
Plusieurs autres jeux sont disposés tout autour pour les plus grands. Une
pataugeuse, épousant sensiblement ta jorme d'un rognon, profite de la déclivité
naturelle du terrain. Elle est alimentée en eau par une fontaine-arrosoir murale,
attenante au déshabittoir en béton revêtu a"éléments rectangulaires en galets de
marbre. De même matériau est également construit le kiosque, à l'autre extrémité
du parc. Il comptend un triple abri relié aux services sanitaires ; un dégagement en
communication avec les divers secteurs offre un mur courbe percé de verrières
multicolores que le soleil anime du matin au soir. On a réservé des espaces aux
adultes et aux personnes âgées, qui trouvent à leur disposition te tennis, le bad-
mington, le croquet, les boules et te hockey.
Architecte et urbaniste: Claude Beaulieu. Ingénieurs en structure: Beaulieu
et Trudeau Ass. Artistes collaborateurs: Denis Juneau pour les m a q u e t t e s ,
Marcel Loubot pour l'exécution (Photos Jean-Pierre B e a u d i n )

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UN EXEMPLE DE RESTAURATION DANS LE QUÉBEC:
LA M A I S O N D E L O U I S - J O S E P H P A P I N E A U A M O N T R É A L
Le Montréal historique — l'ancienne Ville-Marie — situé sur un monticule rec-
tangulaire allongé, a fait l'objet d'un classement partiel qui le sauve de la pioche
des démolisseurs el des constructions qui ne sont pas en harmonie avec les lignes
générales des ilôts et des voies. Une commission consultative velllesur ta préserva-
tion du site et conseille les éventuels restaurateurs. Plusieurs secteurs font déjà
l'objet de restaurations.
Le départ de celle opéra/ion d'envergure qui s'avère délicate et complexe
fut donné par la restauration de la maison de Louis-Joseph Papineau, sous
e
les soins d'Eric McLean. Celle grande résidence du XVIII siècle, entre rue el
jardin reliés par une porte cochère, Jul Iransjormée par Papineau qui couvrit la
jaçade sur rue de plaques de bois peint selon un dessin sléréolomique pour unifor-
miser les raccords disparates et la mettre au goût du jour. Quand elle Jul prise en
mam par Eric McLean, elle servait d'hôtel à prix plus que modique ; te rez-de-
chaussée était occupé par une gargote de troisième catégorie el ce qui était autrejois
les jardins servait de garage, abrité sous une toiture en terrasse. ILe domaine est
maintenant entièrement restauré et le jardin, déjà en partie planté, est en voie
d'aménagement.
Ainsi renaît à la vie un quartier historique. (Photo La Presse)

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LE VILLAGE-MUSÉE D E JACQUES-DE-CHAMBLY

Le village Jacques-de-Chambly, musée du Canada français, Jul une expérience


admirable, mais de courte durée : elle mérite de renaître avant de s'écrouler irrémé-
diablement. Composé d'éléments récupérés à travers le Québec, il devait former
e
l'essence d'une petite agglomération du début du XIX siècle vivant sur l'acquis
des époques précédentes. On y avait déjà reconstitué des exemptes d'architecture
e
domestique, rurale et bourgeoise du XVIII siècle : maisons et jermes en bois,
en pierre, entourées des constructions accessoires en usage pendant ces époques
coloniales. Le village devait, en présentant à l'intérieur des reconstitutions d'ameu-
blement et des expositions temporaires, être un centre de documentation des arts
traditionnels en même temps qu une leçon vivante d'unité et de goût.

(Photo Vie des Arts)


Table des matières
Introduction 7
E v o l u t i o n vers l ' é t a t actuel 10

Architecture, urbanisme, g é n i e : é t a t actuel 12


Les c o u t u m e s , les techniques, l'économie, le g o û t :
s u p p o r t s de l'architecture 13
Les grands immeubles de la région montréalaise 14
L ' a r c h i t e c t u r e religieuse 18
Les centres universitaires 23
Les constructions scolaires 26
Les grandes réalisations 29
L ' h a b i t a t : les ensembles domiciliaires 31
La m a i s o n 3D
C o m m e r c e et industrie 39
Les t r a v a u x publics 43
Expo 67 46
Les prolongements de l'architecture 53
Restauration 54
Conclusion 57
»,
RELItlRE
Clsure F.nrg.
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