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Le métissage culturel
dans la littérature malgache
de langue française
KARTHALA
La littérature malgache de langue française constitue
aujourd’hui un champ de recherche bien établi avec ses clas-
siques, ses grands écrivains, sa critique, ses précurseurs, ses
fondateurs, ses moments marquants et son actualité. Elle
occupe néanmoins un statut ambivalent au sein des institutions
qui la situent quelque peu en marge des « grandes régions » de
la Francophonie que sont la Caraïbe, le Maghreb et l’Afrique
subsaharienne. Cette littérature riche et vieille de plus d’un
siècle reste donc encore relativement méconnue.
L’essai de critique littéraire que nous présentons ici s’ins-
crit dans une double dynamique qui nous permet de relire des
auteurs reconnus sous un nouvel angle tout en faisant décou-
vrir des textes moins fréquentés, et ceci à partir de la question
du métissage culturel.
Le projet de Michèle Ratovonony était ambitieux, puisqu’il
est né du désir de savoir comment l’écrivain malgache assume
son identité plurielle. Elle avait opté pour une lecture trans-
versale d’un corpus de textes en prose dont certains s’ins-
crivent dans le canon conventionnel du roman « lettré », alors
que d’autres sont plus proches de l’autobiographie, du roman
populaire ou de l’essai, présentant ainsi un caractère hybride.
En même temps, afin d’assurer la cohérence conceptuelle de sa
recherche, l’auteur interroge ce corpus à partir de la théorie des
figures, approche qui lui permet de tenir compte à la fois de
l’explicite et du non-dit, voire de l’indicible – que la littérature
s’efforce inlassablement d’amener au seuil des mots.
Les auteurs étudiés sont Michèle Rakotoson, Michel-
Francis Robinary, Charlotte Rafenomanjato et Raymond
William Rabemananjara, l’un des pères de l’indépendance. Ce
parcours de lecture qui aurait dû se poursuivre a été brusque-
ment interrompu par la mort, mais, tel qu’il est, il nous propose
déjà une riche matière à réflexion.
Lettres du Sud
Collection dirigée par Henry TOURNEUX
Née à Madagascar, Michèle Ratovonony y enseignait au lycée
Jules Ferry avant de partir au Canada pour poursuivre ses études.
Après avoir obtenu une maîtrise en lettres de l’Université de
Montréal, elle y était également professeur et chercheur.
Ses travaux sur les écrivains malgaches et africains ont fait
l’objet de plusieurs conférences et articles avant de prendre la
forme du présent volume.
Le métissage culturel
dans la littérature malgache
de langue française
Éditions KARTHALA
22-24, bd Arago
75013 Paris
Cet ouvrage est publié avec le concours
du Département des littératures de langue
française de l’Université de Montréal.
Préface
Christiane NDIAYE
et Véronique CHELIN
Introduction
12. De la Vertu éthique, 440 D., cité par François Moreau, L’Image
littéraire, Paris, CDU et SEDES, 1982, p. 6.
13. Cité dans Tzvetan Todorov, « Synecdoques », Communications, n° 16,
1970, p. 26.
14. Ibid.
15. Gérard Genette, « La rhétorique restreinte », Communications, n° 16,
1970, p. 165.
INTRODUCTION 17
16. Lars Vig, Croyances et mœurs des Malgaches, traduit du norvégien par
E. Fargereng, édité par O. Dahl, 1905, nouv. édit. 1977, fascicule II, p. 7.
17. Ibid., p. 48-49.
IDENTITÉ MALGACHE ET HISTOIRE 33
28. Jacques Rabemananjara, cité par Jean-Louis Joubert, op. cit., p. 76.
29. Ibid.
30. Ibid.
31. Liliane Ramarosoa, Anthologie de la littérature malgache d’expression
française des années 80, Paris, L’Harmattan, 1994, p. 20.
32. Rabemananjara, cité par Joubert, op. cit., p. 76.
IDENTITÉ MALGACHE ET HISTOIRE 37
C’est là, semble-t-il, que résident leur utilité mais aussi leur
ambiguïté. D’ailleurs, le rêve ultime n’est-il pas de mourir
pour tout recommencer ?
3
La transgression
dans Au seuil de la terre promise
de Michel Robinary
Autre exemple :
8. « Les vrais guérisseurs soignent selon les conseils d’un esprit qui leur
révèle les remèdes adéquats. Ils n’ont pas le droit de demander de
l’argent, et doivent se contenter de ce qu’on leur offre » (note de bas de
page, PE, p. 90).
9. Michael Riffaterre, Essais de stylistique structurale, Paris, Flammarion,
1971, p. 279.
74 LE MÉTISSAGE CULTUREL DANS LA LITTÉRATURE MALGACHE
10. Le Pétale écarlate est le premier roman de cet écrivain prolifique dont
l’œuvre comprend des poèmes, des contes, des nouvelles et surtout des
pièces de théâtre qui l’ont rendu célèbre sur le plan international.
11. C’est nous qui soulignons, et nous ajouterons, apologétique. Marthe
Robert, « Le genre indéfini », Roman des origines et origines du roman,
Paris, Grasset, 1972, cité par Alain Pagès et Joëlle Pindon, op. cit.,
p. 88.
LE DIALOGUE CULTUREL DANS LE PÉTALE ÉCARLATE 75
[À] Ambohitra, [...] tout est feutré, [...] tout est lent. Ici,
c’est l’oasis. Les maisons blanches enfermées dans leurs
palissades de bois laissent échapper des rires d’enfants et
des voix de femmes. Un village loin de tout, où le
drapeau aux couleurs pâlies flotte sur la bâtisse blanche
de la mairie, où l’église en brique n’ouvre ses portes que
pour faire entrer quelques fidèles discrets19.
son idée : « Pour moi, Dieu avait son visage. » (D, p. 14).
Quoi de plus naturel en effet, pour un enfant, que de
considérer comme un Dieu celui à qui il doit la vie ?
Car c’est grâce à lui que je suis née. Parmi ses instru-
ments, je reconnaissais le forceps qui était devenu un
vieil ami. Dadabe l’avait utilisé pour m’amener à la
lumière, à la vie. Ma mère avait hurlé pendant trois jours,
mais Dadabe me sauva de la mort, du néant (D, p. 14).
docteur une fois rendu sur les lieux, une peur indicible,
tellement irraisonnée et incontrôlable que même sa petite-fille
de dix ans en prend conscience :
3. Ibid.
4. Henri Rasamoelina, « Les sources et les parties constitutives de la
mentalité malgache contemporaine », Présence Africaine, n° 146,
2e trimestre, 1988, p. 130.
5. Ibid.
L’AÏEULE DANS DADABE 113
6. Ibid., p. 127.
114 LE MÉTISSAGE CULTUREL DANS LA LITTÉRATURE MALGACHE
12. Nom générique des feuilles de certaines plantes potagères dont les
Malgaches sont friands.
L’AÏEULE DANS DADABE 127
« Plus jamais pour moi cela Tiana » (HFE, p. 10), lui dit-
elle un jour, et « [elle] était partie sans plus jamais donner
signe de vie » (HFE, p. 9).
L’IMAGINAIRE DU DÉPART ET DE L’EXIL 141
Voilà qui en dit long, une fois de plus, sur son caractère et
l’état d’esprit dans lequel il se trouve, même privé de liberté,
et qui nous conforte dans l’idée qu’il répond, à juste titre, à la
définition que l’on pourrait donner d’« un homme debout »,
tout comme il l’a fait pour de Gaulle. Homme de principes,
de conviction, mais aussi homme d’action et surtout un vrai
patriote, le Général incarne à ses yeux, « un homme debout »,
comme il le souligne lors d’un interrogatoire à la suite de la
rébellion malgache du 29 mars 1947, où « figurant parmi les
chefs historiques du mouvement national de libération » (CL,
p. 15), il fut convoqué comme suspect, au Palais de justice de
Paris. Répondant tout simplement « C’est un homme debout »
(CL, p. 16) quand on lui demande ce qu’il pense du général
de Gaulle, cette formule laconique lui vaut bien des égards de
la part du juge d’instruction, et ce, à son grand étonnement.
Bref, bien que les raisons de sa garde à vue demeurent
nébuleuses, obscures, et que les conditions de sa détention
soient révoltantes, eu égard à ce qu’il représente pour la
nation malgache, Rabemananjara, au lieu de s’apitoyer sur
son sort, continue d’avoir l’esprit en ébullition : « J’étais avec
moi-même. Et cela était une force » (CL, p. 46). Poussant
« plus loin la critique et l’autocritique » (CL, p. 44), il en vient
à la conclusion qu’il a toujours eu des/ses opinions par
rapport aux institutions sans que cela tire à conséquence et
qu’en somme « son seul tort est d’avoir eu rarement tort »
(CL, p. 44). Mais comme le disait si bien Camus : « il vient
toujours une heure dans l’histoire où celui qui ose dire que
2 et 2 font quatre est puni de mort3 ». Le glas a-t-il sonné
À quoi il ajoute :
Préface
Christiane Ndiaye et Véronique Chelin ............................. 5
Introduction .............................................................................. 11
Imprimé en France