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Baccalauréat Général

Session 2022

Épreuve : Arts plastiques

Durée de l’épreuve : 3 heures

Coefficient : 16

PROPOSITION DE CORRIGÉ

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*Partie 1

Introduction
“L’image et son espace de présentation”, cet axe de travail, qui doit nous guider dans l’analyse
du corpus proposé, se bâtit sur l’idée d’une diversité des moyens de présentation ou de
monstration de l’image. Il n’y a donc pas une présentation mais des présentations pour “donner
à voir l'œuvre" en art. Se pose ainsi toujours la question du sens ou comment la présentation
participe-t-elle au sens de l’œuvre ? De quelle manière l’artiste opère-t-il des choix dans la
présentation de ses œuvres, avec quels moyens et dans quelles intentions ?
Pour affirmer notre démonstration, nous allons choisir de regrouper les œuvres de Barbara
Kruger et de JR afin de mieux comprendre la manière dont ces deux artistes contemporains
proposent, dans leur présentation respective, un rapport entre l'œuvre et le lieu et sous quelle
dialectique.
Nous n’étudierons donc pas ici les œuvres de Robert Campin et de Christian Boltanski, leur
production proposant plutôt, une singularité de l’espace de présentation de l’œuvre (le premier
par un espace de présentation sous forme de triptyque, le second par un espace de présentation
quasi sculptural, religieux et mémoriel).

Développement
Sur les documents proposés, l’œuvre de Barbara Kruger “Untitled” et celle de JR “Le secret
de la grande pyramide”, nous sommes face à des œuvres in situ qui interrogent non pas
seulement l’œuvre elle-même mais également leur mise en scène dans les lieux où elles se
situent. La volonté de sortir de l’institution (le musée), de ses règles et de son public a engendré
de nouvelles relations entre l’œuvre et l’espace qui l’accueille. On notera également que le
choix d’espace de présentation chez les deux artistes pose aussi la question du point de vue et
de l’échelle, dans un renouvellement des rapports entre le spectateur et l'œuvre.

L’installation in situ éphémère de Barbara Kruger est une présentation qui propose au spectateur
une expérience immersive. Ces photomontages et lettres sérigraphiés, accompagnés d’une
installation sonore (sons de foules, d’applaudissements, de cris…), a pour tentative de dénoncer
les pouvoirs dictatoriaux sur les foules par le biais de slogans de types publicitaires ou comment
image et langage peuvent être utilisés à des fins stratégiques et manipulatrices. Par son travail
et cette mise en scène de l’espace de présentation, elle incite le spectateur à faire preuve d’esprit
critique vis-à-vis notamment des masses médias et de son flux d’informations qui nous inondent
inlassablement. La notion d'échelle renforce ici l’impression, pour le spectateur, de se sentir
oppressé (photomontages géants, police de caractère blanche énorme sur fond rouge agressif…)
car il peut littéralement déambuler dans l'œuvre ou choisir de rester dans un point de vue un
peu plus en recul, en observant l’œuvre en contre plongée, du haut d’une mezzanine. Ce
principe de slogan agressant le spectateur peut aussi se retrouver chez un artiste conceptuel
comme Bruce Nauman comme dans son œuvre “Human nature/Life death/Knows doesn’t
knows” de 1983 (proposer un croquis).

L’installation de JR est une œuvre elle aussi in situ et monumentale mais elle propose plutôt
ici, une expérience collaborative ou participative au spectateur. En effet, cette œuvre de 2019,
installée au Musée du Louvre, juxtaposée à la célèbre pyramide de l’architecte Peï (dans la cour
Napoléon) a été réalisée avec l’aide de 400 bénévoles qui ont aidés à découper et coller ces
morceaux d’images monumentales qui révèleront au final, comme une radiographie géante, la

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base réelle de la pyramide et ses soubassements, normalement invisibles. C’est également une
œuvre éphémère car le papier utilisé est très fin afin que le très grand nombre de spectateurs et
de visiteurs du Louvre finissent (avec leurs pas) par abîmer et décoller l'œuvre tout entière (on
peut trouver ce genre d’installation éphémère de sérigraphie chez un artiste comme Ernest-
Pignon-Ernest dans son œuvre “Les expulsés” de 1979 sur les murs détruits d’anciens
logements collectifs à Paris). L’implication du spectateur dans le processus de réflexion de JR
est qu’il considère le réel et sa pyramide différemment. Il y a un rapport à l’espace (pour que
l’illusion d’optique proposée fonctionne, il faut garder l’échelle une de la pyramide) mais aussi
comme on peut le voir sur le document, placé en vis à vis, proposer un rapport à la lumière
visible avec cet éclairage nocturne. Ce projet parle en définitif de la notion de trace, de mémoire,
de transition, d’absence/présence et de réel/irréel, permettant en définitive au spectateur,
d’appréhender l’espace de présentation d’une manière singulière et différente.

Conclusion
Les œuvres de ces deux artistes sont donc des œuvres de l’ordre de l’installation et de la
présentation in situ. L’installation artistique est une discipline dans laquelle l’artiste apporte un
environnement nouveau, complet ou partiel au lieu où il se situe. Chez Barbara Kruger comme
chez JR, leur espace de présentation entoure et implique entièrement le spectateur puisqu’ils
s’intéressent à la transformation de l’apparence du lieu et à la sensation des espaces choisis.
Sous quelles dialectiques ? Leurs œuvres éphémères entre parfaitement en résonance avec leur
espace dans des modalités pour l’un, d’intégration mais aussi pour l’autre, d’opposition. Les
éléments de papiers monumentaux déployés rendent également l’espace plus palpable en le
définissant de manière artistique.

*Partie 2 (choix du sujet A/commentaire critique)

La dimension spectaculaire de certaines manifestations artistiques permet aux artistes de créer


des œuvres et des situations inoubliables pour les spectateurs. En effet, à partir de la seconde
moitié du XXème siècle, il y a une remise en question de tous les paramètres de l'œuvre et de
ses modes de présentation. Cette remise en question proposant de nouveaux dispositifs
d’expression liés à l’environnement, à l’installation et à l’in situ comme nous le décrit ici, à
l’échelle d’une ville, Daphné Bétard, dans son article Gigantisme, une triennale hors norme.

La notion d’installation hors de l’institution muséale a ainsi permis à l’artiste d’explorer


d’autres champs de questionnements dans de nouveaux espaces ou “quand l’art devient
environnement” (pérenne ou éphémère) à travers diverses intentions et divers moyens : la
transformation du lieu, l’enveloppe de couleur, l’éclairage, l’ambiance sonore, les écrans vidéo,
les projections, l’interactivité, la monumentalité, etc.

On peut par exemple citer une manifestation annuelle et institutionnalisée de l’art contemporain
comme la célèbre FIAC (Foire internationale d’art contemporain) à Paris, au Grand Palais, qui
célèbre chaque année depuis 1974, le rayonnement de la production et de la diffusion artistique
en matière d’art contemporain. La Fiac propose ainsi des œuvres totalement hétéroclites mêlant,
sculptures, installations, peintures, mises-en-scène, performances, vidéos… avec parfois même
de nombreuses installations de formes populaires de distraction (installations interactives).

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On peut aussi voir émerger différentes options de transformations de l’apparence d’espaces
intérieurs ou extérieurs où l’installation peut flirter avec l’architecture, comme dans la nuit des
musées. Événement annuel qui propose dans divers endroits de la ville (par du son, de
l’éclairage et de la couleur) de revisiter de manière radicalement différente un espace ou un lieu
et pour faire découvrir de manière plus attractive, divers musées dédiés à l’art ou aux sciences.
Parfois on peut aussi découvrir un espace redéfini par la lumière, l’éclairage ou les enveloppes
de couleur comme au Palais Galliera où ils proposent de découvrir leur patrimoine architectural
par le biais d’un monumental mapping digital (au titre parfaitement évocateur : “mise en
lumière II”). Un projet qui propose une réelle visite immersive pour le spectateur noctambule,
les images projetées produisant la nuit, un éventail pratiquement illimité d’expériences et de
références nouvelles sur l’architecture du lieu.

Les artistes contemporains ont donc ajouté, de nos jours, une nouvelle dimension à la
présentation de leurs œuvres au regard du spectateur et de son parcours.

L’artiste Jeff Koons a ainsi proposé en 2008, une nouvelle visite de Versailles en mettant en
harmonie œuvres, thèmes et pièces du château. On a ainsi pu découvrir des œuvres plus ou
moins monumentales comme son “Lobster” (en aluminium polychrome) symbolisant à sa
manière les grands repas et festivités organisés pour le roi. On a aussi pu admirer sa
monumentale sculpture végétale (12m de haut) mi-poney, mi-dinosaure “Split Rocker” dans
les jardins du château et réalisée avec plusieurs milliers de fleurs. Un hommage parfaitement
assumé à la créativité maîtrisée des jardins à la française (André Le Nôtre) de la grande époque
de Louis XIV et qui n’a pas manqué de surprendre et d’alimenter une certaine polémique chez
les spectateurs pour son côté très (trop ?) enfantin. Si l’art est avant tout “toujours donné à
voir” (Henri Matisse) il est aussi, bien souvent, source de questionnements et d’interrogations
pour le spectateur !

La présentation uniquement muséale est donc de nos jours, remise en question (le simple
questionnement sur le cadre, le socle, le mur). L'accent est en effet bien plus porté sur les
nouvelles modalités d’accrochage et d’installation de l'œuvre et plus encore sur son
positionnement dans l’espace intérieur comme extérieur “(...)à l’assaut des espaces publics de
la cité…”.
La présentation de l'œuvre et sa diffusion auprès du spectateur est donc devenu un facteur
essentiel au sens porté à l'œuvre d’art ainsi qu’à sa lecture et à sa diffusion. Les nouvelles
installations artistiques continuent de proliférer au fil des progrès technologiques pour nous
émerveiller et nous surprendre de plus en plus comme l’affirme très justement ici Daphné
Bétard dans son article : “(...)les installations contemporaines spectaculaires rivalisent
d’audace, de poésie, de folie, pour célébrer les noces de l’art…”

*Partie 2 (choix du sujet B/Note d’intention d’un projet d’exposition)

Il s’agit donc de proposer un projet d’exposition qui met en évidence la notion de lumière dans
une œuvre choisie du corpus proposé. En matière d’introduction et avant d’aborder la question
du lieu en tant qu’édifice d’exposition, il semble utile de revenir tout d’abord sur l’œuvre

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choisie “Monument” (1987) ainsi que sur la personnalité singulière de son créateur et de sa
pratique artistique, l’artiste Christian Boltanski (1944-2021).

Boltanski est un artiste connu pour ses installations réalisées à l’aide de vieux vêtements, de
tissus, lampes et boîtes en fer rouillé, en plomb. Les thèmes de son travail sont la mémoire, le
temps, la vie, la mort et l’absence. Christian Boltanski fait de l’histoire, le matériau de son
œuvre !
Il associe ici dans “Monument”, des références biographiques, celles d’anonymes qui
s’accumulent et forment un ensemble composite de souvenirs chargés d’émotions. C’est une
pratique plastique qui se situe entre fiction et réalité. Dans les années 80, la Shoah devient un
thème prépondérant de son travail. Il ne retrace pas d'événements historiques précis à la manière
d’un historien mais il évoque toutes ces vies disparues lors des déportations par les nazis, à la
fin de la seconde guerre mondiale. Les matériaux utilisés compilent souvent des photographies
trouvées (souvent floues, suggérant ainsi l’éloignement, le passé, la disparition), des boîtes de
biscuits (censées contenir des objets des anonymes disparus) ainsi que de vieilles lampes qui
éclairent des installations formant une sorte d’Autel (lieu sacré) et qui portent en elles, une
dramatisation par le jeu d’ombres et de lumières (les ombres sont d’ailleurs, une autre série de
Boltanski consacrée à la mort et à la shoah).

1- le lieu d’exposition

Nous allons donc proposer d’exposer cette œuvre dans un espace assez sombre (sorte de boîte
obscure comme les “niches” imaginées au musée du Quai Branly par Jean Nouvel) afin de
mettre en avant, le rôle important de la lumière dans cette œuvre et renforcer la dramatisation
de sa scénographie propre. Un espace tamisé et intimiste sera donc choisi (idée de rentrer dans
une sorte de chapelle ou dans un lieu sacré de mémoire). Cet espace sombre permettra
également une réception de l'œuvre singulière pour le spectateur (pouvant provoquer chez lui
des questions existentielles ? méditatives ? idée de vanité… ?). Cette ambiance forcée permettra
également de mettre en avant l'œuvre elle-même car simplement éclairée par les lampes et la
lumière qui la compose.
On pourra ajouter dans cet espace de présentation (sur le mur d’en face) une vidéo projetée en
boucle, datant de la seconde guerre mondiale, montrant l’arrivée des déportés, dépouillés de
toutes leurs affaires personnelles, bijoux, chaussures, vêtements…pour devenir de simples
anonymes, de simples numéros tatoués.
Le vêtement est d’ailleurs un autre matériau prépondérant dans sa pratique artistique liée à la
Shoah. Il viendra progressivement se substituer aux portraits photographiques de ses séries
Monuments.
On proposera donc également dans cette salle d’exposition une de ses œuvres de vêtements
accumulés. Cette installation sera disposée au sol, dans un coin de l’espace de la pièce et
simplement éclairée par une lampe surplombant l'œuvre. Autre manière, par l'installation d’un
dispositif de lumière (assez faible), de présenter et de parler de l’individu, à la fois de manière
anonyme et singulière. Le vêtement, légèrement éclairé, apparaissant comme une empreinte
fantomatique de ces individus disparus.

2- la circulation, la place du spectateur

On facilitera une circulation fluide des spectateurs en proposant deux issues (entrée et sortie de

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chaque côté de la pièce d’exposition) ainsi que quelques sièges en face de la vidéo projetée pour
pouvoir prendre le temps de bien l’appréhender. L’espace de présentation devra être assez
modeste pour premièrement, limiter le nombre de spectateurs (évitant ainsi les bousculades
dans une pièce assez sombre) et deuxièmement, pour permettre un éclairage faible, favorisant
le fort pouvoir émotionnel, dramatique et temporel (le temps, l’oubli, la disparition, la trace…)
des œuvres proposées.

3- dispositif didactique

Une exposition dans un musée est toujours un objet de savoir qui réfère à différents champs
conceptuels : historique, artistique, esthétique, etc. Mais c’est toujours aussi un enjeu cognitif
(qui concerne les connaissances) grâce à des modèles opératoires de formes diversifiées.
L'intention de cette exposition, consacrée à la pratique artistique de Christian Boltanski, sera
donc aussi accompagnée sur le mur extérieur de la salle d’exposition (là où la lumière et
l’éclairage sont bien plus présents) de panneaux à lire sur le contexte et les thèmes de sa pratique
artistique. On pourra proposer aussi un livret interactif plus abordable pour les jeunes publics.

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