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Chapitre IV : Calcul des pertes de charge – Ressaut hydraulique

I/ Généralités
En régime laminaire comme en régime turbulent, une partie de l’énergie mécanique du fluide
est transformée en énergie calorifique lors du contact avec les parois et les obstacles. Dans les
canalisations ceci conduit à des pertes de pression, ou pertes de charge.
On distingue
- les pertes de charge linéaires (dites aussi régulière, systématique, de frottement,
primaire ou répartie), en conduite sont proportionnelles à la longueur de la conduite.
Elles représentent l’énergie perdue par frottement du fluide entre deux points de la
conduite.
- les pertes de charges singulières (dites aussi accidentelles, secondaires ou localisée)
interviennent lorsque l’écoulement uniforme est localement perturbé par exemple par la
présence des nombreux éléments intégrés au réseau (accident de pacours et obstacles).
II/ Les Pertes de Charge Linéaires ou Réparties
Une approche mathématique exacte des pertes de charge n’est pas possible du fait de la
complexité des écoulements turbulents. Les relations qui seront construites sont toutes d’origines
empiriques.
Deux types d’écoulements turbulents dans les conduites réelles non lisses (présentant des
aspérités) existent :
- conduite hydraulique lisse : l’écoulement est séparé de la paroi par un film laminaire,
- conduite hydraulique rugueuse : la sous-couche laminaire disparaît et la turbulence arrive
jusqu’à la paroi.
La turbulence est mesurée par le nombre de Reynolds : R e = UD / ν .

La variation du débit ou de la vitesse dans un tuyau de diamètre constant provoque une perte de
charge ∆H . Cette dernière varie en fonction de la vitesse à peu près linéairement quand
l’écoulement reste laminaire et quadratiquement quand l’écoulement est turbulent.
Entre les deux types d’écoulement il y a une zone de transition, c’est-à-dire une zone
d’incertitude où il faut faire preuve de beaucoup de réserve.
Expression de la perte de charge linéaire
Compte tenu des difficultés pour résoudre l’équation de Navier-Stokes, la perte de charge sera
traduite par une grande variété de formules plus ou moins empiriques.
Ces formules sont deplus en plus abondonnées au profit de la fameuse formule de Colebrook, qui
a l’avantage d’être rationnelle et, de plus, applicable à tous les fluides ; son seul inconvénient est
son expression mathématique complexe, et c’est pourquoi quelques formules empiriques
équivalentes sont encore en usage.
FORMULE DE DARCY
Appelée également formule de Darcy-Weisbach, c’est la formule fondamentale qui définit la
perte de charge d’une canalisation. Son expression est :
1
LU 2 ∆H U2
∆H = λ ; ∆H L = =λ
2gD L 2gD
λ est un coefficient dit de pertes de charge. Il est sans dimension et est fonction du nombre de
Reynolds (dépend du régime d’écoulement) et de la rugosité de la paroi.
L : est la longueur de la conduite ;
D : le diamètre ;
U : la vitesse moyenne ;
∆H L : la perte de charge part unité de longueur.
En régime laminaire Re < 2000
En régime laminaire, seules les forces de viscosité interviennent. La vitesse est très faible et l’état
de surface de la paroi n’intervient pas dans le calcul du coefficient λ .
64 32νU
On utilise λ = (loi de Poiseuille). Donc pour une conduite circulaire on a : ∆H L = .
Re gD 2
En régime turbulent Re > 4000
Une surface rugueuse peut être considérée comme étant constituée par une série de
protubérances élémentaires. Elles sont caractérisées par une certaine hauteur k (désignée
parfois par ε )

Cette rugosité peut être mesurée par rapport au diamètre, D , de la conduite. On parle alors de
k
rugosité relative : ε = ( D est le diamètre de la conduite et ε rugosité relative).
D
On définit habituellement deux types de rugosité : lisse et rugueuse. La différence entre les deux
rugosités dépend de la valeur du nombre de Reynolds.
FORMULE DE WILLIAMS ET HAZEN
C’est la plus utilisée des formules empiriques, toujours en usage dans certains pays, notamment
aux U.S.A. et au Japon. La perte de charge est exprimée en fonction de son coefficient C wh ,
variable selon le diamètre des conduites et, surtout, selon l’état de leur surface intérieure.
Son expression est :
1,852
 U 
∆H = 6,819  D1,167
 C wh 
Valeurs usuelles du coefficient C wh pour quelques matériaux :
PVC-PRV : 140 à 150
Fonte revêtue : 135 à 150
Fonte encrassée : 80 à 120
Béton -AmC, acier revêtu : 130 à 150
Elle s’applique à des fluides quelconques (liquides, gaz) lorsque le régime est turbulent
( R e > 2400 ). Toutefois, elle n’est pas valable pour les suspensions et son emploi est difficile
dans le cas du transport de gaz à grande distance.
FORMULE DE COLEBROOK
Cette formule résume les travaux de Von Karman et de Nikuradse ; elle s’applique tous les
régimes turbulents (lisse, rugueux ou zone de transition). Elle s’écrit :
1  2,51 ε 
Formule de Colebrook : = −2Log 10  + 8
pour 10 > R e > 4000
 
λ  R e λ 3,71 

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Cette relation implicite est difficile à exploiter analytiquement et est le plus souvent représentée
sur un graphique.
λU 2
Elle donne la valeur de λ à porter dans la formule fondamentale de Darcy ( ∆H = ).
2gD

écoulement turbulent : λ = constante


L ρ q 2v 
Pertes de charge : ∆H = (∑ K i + λ ) avec écoulement laminaire : λ = λ(R e )
D 2 S2 D : dimension caractéristique.

III/ Les pertes de charge singulière
La perte de charge singulière, localisée dans une section de la conduite, est provoquée par un
changement de direction et d’intensité de la vitesse. L’écoulement uniforme est perturbé et
devient localement un écoulement non uniforme.
Une telle non-uniformité de la vitesse peut être provoquée par :
- un branchement de section de la conduite,
- un changement de direction (coude),
- un branchement ou raccordement,
- un dispositif de mesure et contrôle de débit...
Comme pour les pertes de charge linéaire, les pertes de charges singulières se traduisent par la
U2 Q2
relation : ∆H S = K =K ,
2g 2gS 2
K est le coefficient de pertes de charge singulière, il est fonction des caractéristiques
géométriques et du nombre de Reynolds.
En général les valeurs de K sont données par les constructeurs d’accessoires hydrauliques.
Remarque
Lorsque les singularités ont une certaines longueur développée, L , les formules empiriques qui
sont données dans la littérature distinguent parfois la perte de charge singulière correspondante à
cette longueur de la perte de charge singulière proprement dite :
U2 L
∆H total = λ + ∆H sin g
2g D
C’est le cas, en particulier pour certains coudes, diffuseurs ou convergent de grande longueur.
Exemple et remarque
Soit un écoulement d’eau à 20 °C ( ν = 10 −6 m 2 / s ), dans une conduite circulaire (D = 100 mm).
L’écoulement sera laminaire si la vitesse U < 0,02 m/s. Cette vitesse est très faible. Cette
situation est rare dans les écoulements industriels, sauf si le fluide est très visqueux ( ν grand).
Exercice : Une conduite transportant de l’huile (densité 0,877) passe d’un diamètre de 15 cm en
E à un diamètre de 45 cm en R, situé à 3,66 m plus haut que E.
On a : PE = 91kPa , PR = 60,3kPa , q v = 146 l / s .
Quelle est la perte de charge entre E et R ? Quel est le sens de circulation du fluide ?
IV/ Les ressauts hydrauliques
Définition
Le ressaut hydraulique est une surélévation brusque de la surface libre d’un écoulement permanent
(forte discontinuité du tirant d’eau), qui se produit sur un court tronçon lors du passage du régime
torrentiel au régime fluvial et occupe une position fixe. Ce phénomène est accompagné d’une
agitation plus ou moins marquée et de grandes pertes d’énergie  de grands tourbillons, des remous
ainsi que de nombreuses bulles d’air entrainées.
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Le ressaut hydraulique est observé dans plusieurs ouvrages hydrotechniques, en particulier dans
les biefs avals des déversoirs, des vannes, etc.

Les profondeurs h1 et h2 dans les sections limitant le ressaut s’appellent profondeurs


conjuguées.
Les problèmes qui se présentent au sujet du ressaut sont essentiellement les suivants :
• Etant donné une profondeur h1, on détermine la profondeur h2 ou vice versa.
• Calculer la perte de charge due au ressaut, ∆H rh .
• Déterminer la longueur du ressaut, Lres.
• Fixer l’emplacement du ressaut.
Les dont les nombres de Froude sont inférieurs à 1,7, sont dit ressaut ondulé. Mais d’une
manière générale, lorsque le nombre de Froude croit, le ressaut devient moins ondulé et présente
un rouleau marqué. Il est donc plus facile à stabiliser.
Equation fondamental du ressaut parfait
Dans le cas du ressaut, on ne doit pas appliquer le théorème de Bernoulli à cause de la perte de
charge, pour cela on utilise le théorème d’Euler.

Théorème d’Euler : la projection de l’accroissement de la quantité de mouvement d’une masse


liquide par unité de temps sur une direction quelconque est égale à la somme des projections sur
la même direction des forces extérieures agissantes sur cette masse liquide.
Hypothèses :
- Le fond du canal est horizontal ou très faiblement incliné de sorte que la projection du
poids sur un axe parallèle au fond Gx est nulle ou négligeable.
- Les frottements sur les parois et le fond du canal le long de la faible distance séparant les
sections (1) et (2) sont négligeables par rapports à la perte de charge crée par le ressaut,
autrement dit Ff=0.
- Les vitesses des différents filets liquides dans chacune des sections sont parallèles.
La quantité de mouvement de la masse dm est Udm = UρdQdt = ρU 2 dSdt , donc la quantité de

∫S1 ρU dS = ρ ∫ U 2 dS = ρU 2S
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mouvement du système examiné par unité de temps est :
S1
L’accroissement de la quantité de mouvement du système examiné
ρU 22 S 2 − ρU12 S1 = ρQ( U 2 − U1 )
Où U1 , U 2 , S1 , S2 sont les vitesses et les aires respectivement dans les sections (1) et (2).
Conformément au théorème de la variation de la quantité de mouvement :
ρQ( U 2 − U1 ) = P1 − P2

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Puisque dans les sections (1) et (2) le mouvement est graduellement varié, donc on peut appliquer
la loi de l’hydrostatique de répartition des pressions : P1 = ρgh c1S1 et P2 = ρgh c 2S 2 , où h c1 et
h c 2 sont les profondeurs d’immersion à partir du centre de gravité des aires : S1, S2. D’où on
obtient :
ρQ( U 2 − U1 ) = ρgh c1S1 − ρgh c 2 S 2 et comme U1S1 = U 2S 2 = Q , on obtient :
Q2 Q2 h
+ h c1S1 = + h c 2S 2 , avec h ci = i .
gS1 gS 2 2
Cette dernière équation est appelée équation fondamentale du ressaut parfait. Elle permet de
déterminer une profondeur conjuguée du ressaut lorsqu’on connait l’autre profondeur.
Fonction du ressaut hydraulique
La fonction Frh (h ) = Q 2 /(gS) + hS / 2 conserve la même valeur de part et d’autre du ressaut.
Lorsque Q=cte, h → 0 , alors Frh (h ) → ∞ et Si h → ∞ , Frh (h ) → ∞ .
Ainsi la fonction du ressaut croit tant à la diminution qu’à l’augmentation des profondeurs. Donc
à une certaine profondeur h, Frh(h) doit avoir un minimum.

L’équation Q 2 B /(gS3c ) = 1 est l’équation des écoulements critiques (voir chapitre 7). La courbe
obtenue montre qu’il existe deux profondeurs correspondante à F(h) et qui sont h1 et h2.
- h1 < hc c’est la position amont du ressaut et l’écoulement est torrentielle,
- h2 > hc c’est la position d’aval du ressaut et l’écoulement est fluvial.
Détermination des profondeurs conjuguées du ressaut et de sa hauteur
A l’aide de la courbe de la fonction du ressaut, on peut déterminer une des profondeurs
conjuguées du ressaut si l’autre est connue dans le lit à toute forme donnée de la section
transversale.
 Pour les lits à section rectangulaire on a l’équation suivante :
Q2 h 12 Q2 h 22
+ = +
gb 2 h 1 2 gb 2 h 2 2
2Q 2 1 1 2q 2 h1 − h 2 2q 2
h12 − h 22 = ( − )= 2
donne h 2 + h 2 h 1 − =0
gb 2 h 2 h1 g h1h 2 gh 1

h1  q2 
Après résolution cette équation, on trouve : h 2 =  1+ 8 − 1 et en tenant compte que
2  3
 gh 1 

q2 Q2 Q2B U12
= = =
h
= Fr1 , on arrive à : h 1 = 2 [ 1 + 8Fr2 − 1] et h 2 = h21 [ 1 + 8Fr1 − 1]
gh 13 gB 2 h 13 gS13 gh 1 2
Ces relations sont connues sous le nom d’équation de Bélanger. On peut vérifier que la
profondeur critique, h1=h2=hc, satisfait ces équations.
Pertes de charges dues au ressaut, sa longueur et sa hauteur
 Perte de charge du ressaut
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Le ressaut provoque une importante dissipation d’énergie mécanique, ce phénomène est
irréversible.

La perte de charge due au ressaut hydraulique est beaucoup supérieure à celle de l’écoulement
graduellement varié et elle est exprimée par la différence entre les énergies spécifiques totales
entre le début et la fin du ressaut selon la formule suivante : ∆H rh = H s1 − H s 2 (figure ci haut).
Dans le cas d’un canal rectangulaire, la perte de charge à travers la courte distance du ressaut
U12 U 22 (h 2 − h1 ) 3
s’écrit : ∆H rh = (h 1 + ) − (h 2 + ) , ce qui donne ∆H rh = .
2g 2g 4h 1 h 2
On définit le rendement du ressaut comme le rapport de l’énergie potentielle reçue à l’énergie
cinétique perdue, donc :
h − h1 4 h 1h 2
η ressaut = 2 2 =
U1 / 2g − U 22 / 2g (h 1 + h 2 ) 2
Pour une forte différence de niveau, η ressaut est faible ; pour une faible différence, η ressaut
s’approche de l’unité.
 Longueur du ressaut
La longueur du ressaut, L res , est la distance entre les sections (1) et (2), caractérisées par les
profondeurs conjuguées h1 et h2. Elle est assez bien définie pour les ressauts d’une grande
hauteur, mais mal définie pour un ressaut ondulé.
Plusieurs formules permettent de calculer la longueur du ressaut et qui sont basés sur les
expérimentations.
La longueur du ressaut dans le cas d’un canal rectangulaire peut être déterminée à l’aide de l’une
des formules suivantes :
Si Fr > 10 : Formule de Pavlovski, L res = 2,5(1,9h 2 − h 1 )
Formule de Pikalov, L res = 4h1 1 + 2Fr
D’autres formule empirique peuvent être utilisées : L res = 6,1h 2 .
 B 2 − B1 
Pour un canal trapézoïdal : L res = 5h 2 1 + 4  où B1 et B2 sont les largeurs en surface
 B1 
 
respectivement en amont et aval du ressaut.
 Hauteur du ressaut
La hauteur du ressaut, a, est définie comme étant la différence de ses hauteurs conjuguées :
a = (h 2 − h1 ) ,
V/ Exercices d’application
 Exercice 1 :
Dans un canal rectangulaire d’une largeur b=10m, qui évacue un débit Q=50000litres/s, il surgit
un ressaut.

6
a/ Déterminer la hauteur et la longueur du ressaut.
b/ Déterminer la perte de charge dans le ressaut.
bQ 2 50 210
Solution : Détermination du nombre de Froude : Fr = = = 20,38 .
gS3 9,81(10 3 0,53 )
La deuxième profondeur conjuguée sera égale à :
h 0,5
h 2 = 1 ( 1 + 8Fr1 − 1) = ( 1 + 8.20,38 − 1) = 2,95m
2 2
La hauteur du ressaut : a = (h 2 − h1 ) = 2,95 − 0,5 = 2,45m , a>h1 en déduit que le ressaut est
parfait.
Longueur du ressaut : Par la formule de Pavlovski, L res = 2,5(1,9h 2 − h 1 ) = 10,387 m
Calcul de la perte de charge : pour un canal rectangulaire, la perte de charge du au ressaut est
(h 2 − h 1 ) 3
donnée par ∆H rh = = 2,492m .
4h 1 h 2
 Exercice 2 :
Dans un canal trapézoïdal se produit un ressaut pour Q=16000litres/s, b=7m, m=1,5.
a/ Déterminer graphiquement la deuxième profondeur conjuguée h2 si h1=0,5m.
b/ Calculer la longueur du ressaut et les pertes de charge dues au ressaut.
Solution
Q2 h b + 2mh
La fonction du ressaut Frh (h ) = + h c S . Pour un trapèze h c = et S = bh + mh 2 .
gS 6 b + mh
On donne une série de hi et on calcul Si, hci et Frh(hi) ensuite on trace la fonction du ressaut
A partir du graphique on déduit que h2=1,125m
La longueur du ressaut pour un canal trapézoïdal égale à :
 B 2 − B1   b + 2mh 2 − b − 2mh1 
L res = 5h 2 1 + 4  = 5h 2  1 + 4  = 16,2m
 B1  
 b + 2mh1 

U12 U 22
Calcul des pertes de charges dues au ressaut : ∆H rh = h 1 − h 2 + −
2g 2g
Q2 Q2
∆H rh = h 1 − h 2 + − = 0,1074m
2gS1 2gS 2

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