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https://doi.org/10.20870/IVES-TR.2020.

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Vinification et élevage : quels


apports d’oxygène et quand ?
>>> De son temps, Pasteur avait déjà mis en évidence
l’importance de l’oxygène sur le vin et sa célèbre citation
est souvent reprise “C’est l’oxygène qui fait le vin”. De très
nombreux travaux scientifiques existent sur l’incidence de
l’oxygène sur le vin. Cet article vise à réaliser un état des
lieux des quantités d’oxygène qui sont, ou doivent être
apportées au vin pendant la vinification et l’élevage. <<<

La gestion de l’oxygène n’a de sens que si son impact


sur la qualité du vin, dont le goût et l’arôme sont les deux
composantes principales, est maîtrisé au mieux. Il est
communément admis dans la littérature qu’un vin a un
besoin cumulatif compris entre 20 et 50 mg/L pour un
vin blanc et entre 40 et 80 mg/L pour un vin rouge pour
éviter les problèmes liés à la réduction et à l’oxydation1.
Ces données sont néanmoins discutables et à relativiser
en fonction des caractéristiques propres à chaque vin et
aujourd’hui encore, la dégustation reste la seule technique
qui amène un œnologue à décider de l’apport d’oxygène
dans les vins. sont entre 1 et 4 mg d’O2/L par mois entre la fermentation
alcoolique et malolactique. La saturation d’un vin en
n Pendant la fermentation, éviter les oxygène est de 8,4 mg/L à 20 °C et les cinétiques de
carences consommation à 15 °C sont approximativement de 10 et
30 jours respectivement pour un vin rouge et un vin blanc.
Au cours de la vinification, la fermentation alcoolique est
Ces valeurs dépendent notamment de la température
le seul moment où des quantités élevées d’oxygène doivent
(figure 1) mais aussi de la composition et de la teneur en
être amenées. En effet, les carences en oxygène sont
parmi les causes essentielles des arrêts de fermentation et lies. Ainsi, un vin contenant des lies va consommer entre
l’ajout d’au moins 10-15 mg/L d’oxygène est nécessaire. 0,5 et 1,5 mg/L par heure alors qu’un vin filtré (0,8 µm)
Le moment le plus favorable pour l’oxygénation, pour les va consommer entre 0,1 et 0,3 mg/L par heure2.
rouges et les blancs, est la fin de la phase de croissance
(après la perte de 10 kg/m3 de masse volumique du
moût) avec une efficacité encore très grande à mi
fermentation. Les ajouts avant cette période ne présentent
pas d’intérêt pour les levures et peuvent même entrainer
une oxydation du moût. Un remontage sur un volume de
cuve complet avec aération (facilitant l’extraction du CO2
et l’introduction d’O2) permet un apport compris entre 2
et 6,5 mg/L (saturation du moût en oxygène).

n Élevage, donner au vin juste ce dont


il a besoin
Figure 1. Cinétique de consommation d’oxygène2.
L’apport d’oxygène en élevage doit permettre de structurer Pour la micro-oxygénation, les périodes peuvent varier :
le vin, de contribuer à son expression aromatique et de de quelques jours à un mois, surtout dans le cas de
l’amener dans un état physico-chimique optimal pour la l’utilisation de douelles pour remplacer l’usage des
mise en bouteille et son évolution ultérieure. La technique
barriques. Lorsque l’élevage se fait en barrique, c’est le
de micro-oxygénation trouve son application au cours
bois qui va permettre d’apporter l’oxygène au vin. De
de l’élevage en cuves, pour donner au vin juste ce dont
il a besoin. L’oxygène apporté est consommé par les par ses propriétés, le bois de chêne assure un transfert
composés du vin de telle sorte qu’il n’y ait pas d’oxygène d’oxygène passant notamment par l’inter-douelle et par
dissous mesurable. Bien entendu, la détermination de la bonde et les valeurs varient de 16 à 40 mg/L par
cette adéquation dose/vin est totalement empirique, et an3. Il est également à noter que 10 mg/L sont apportés
demeure le fruit du savoir-faire et du discernement de au cours du premier mois d’élevage dus à la désorption
chaque œnologue avec tous les travers que cette approche de l’oxygène contenu dans le bois3 (phénomène couplé
peut comporter. De façon générale, les doses introduites d’imprégnation/relargage).
Le LabEx COTE soutient la création et le lancement de la revue IVES Technical Reviews dans le cadre de son appel à projets Transfert et valorisation.
pompage
soutirage avec aération
ouillage

0 1 2 3 4 5 6 7 8 O2 (mg/L)

filtration sur kielsegur


abaissement de la température
centrifugation

mise en bouteille

Figure 2. Possibilités d’apport d’oxygène au cours d’opérations œnologiques (Castellari et al., 2004)5.

Les conditions d’humidité et de température vont influer rouges, doit permettre d’éviter les problèmes liés à
sur les quantités d’oxygène qui sont apportées au vin. Les l’oxydation ou à la réduction des vins (figure 2).
valeurs de perméabilité du bois de chêne sont données En résumé, les apports au cours de la vinification peuvent
dans la littérature mais ces dernières sont très variables, être illustrés comme ceci (figure 3). n
difficiles à exploiter et dépendent de nombreux facteurs :
l’origine géographique du bois, la taille des grains, la
préparation et la conservation des bois, la préparation Lors de la FA
des douelles, le nombre de douelles par barrique, la Remontage
chauffe de la barrique, l’âge de la barrique, le temps de Injection de
résidence du vin dans la barrique, le type de vin dans la 10 à 20 mg/L
barrique, etc. Le taux de perméabilité naturel de l’oxygène
à travers la barrique serait compris entre 1,1 et 2 mg/L
par mois4 à partir du deuxième mois sur au moins un an6. Vin
Il faut ajouter à tout ceci les travaux pendant l’élevage Lors de l’élevage
qui apportent également des quantités d’oxygène non 16 à 40 mg/L/an
négligeables : transfert, filtration, soutirage, mise en
bouteille, etc. Le bilan matière effectué sur l’ensemble de
la chaîne de vinification, en restant dans la fourchette Micro-oxygénation
20/50 mg/L pour les blancs et 40/80 mg/L pour les 1 à 4 mg/L/mois
Lors du vieillissement en bouteilles
0 à 7 mg/L/an
Quid du bouchon ?

Le deuxième matériau poreux qui est associé à la Figure 3. Apports d’oxygène au cours de la vinification et de l’élevage2.
même problématique est le bouchon. Même si la
plupart des auteurs considèrent que la compression
du bouchon par le goulot est suffisante pour réduire Rémy Ghidossi1 et Fabrice Meunier2
la porosité et transformer le bouchon en barrière 1 Université de Bordeaux, ISVV, Unité de recherche Œnologie, France.
2 Fabrice Meunier, Amarante Process, ADERA, France.
partielle à l’oxygène, l’oxydation non contrôlée des
vins peut être présente même avec des obturateurs de
1 Boulet, J. C., & Moutounet, M. (1998). Micro-oxygénation des vins.
très bonne qualité. Ainsi, pour un vieillissement optimal Enologie (fondements scientifiques et technologiques), 1044-1048
du vin en bouteille, il est nécessaire de bien connaître 2 Igor Chiciuc (2010). Étude des paramètres affectant le transfert
les différents obturateurs. La technique de bouchage a d’oxygène dans les vins (Doctoral dissertation, Université de
évolué, tant au niveau des bouteilles, des boucheuses Bordeaux)
3 Qiu, Y., Lacampagne, S., Mirabel, M., Mietton-Peuchot, M., &
et de l’apparition de nouveaux types de bouchons sur
Ghidossi, R. (2018). Oxygen desorption and oxygen transfer through
le marché (liège aggloméré, matériau synthétique, oak staves and oak stave gaps: an innovative permeameter. OENO
capsule à vis). De nombreux bouchonniers caractérisent One, 52(1). https://doi.org/10.20870/oeno-one.2018.52.1.909
aujourd’hui les bouchons par la mesure de l’OTR 4 Qiu, Y. (2015). Phénomènes de transfert d’oxygène à travers la
(Oxygen Transfer Rate, dont l’unité est la mol.m-2.s-1). barrique (Doctoral dissertation, Université de Bordeaux)
En considérant que le bouchon est comprimé dans 5 Castellari M., Simonato B., Tornielli Gb, Spinelli P., Ferrarini
R. (2004.) Effects of different enological treatments on dissolved
un goulot, donc avec une surface d’échange de oxygen in wines. Italian Journal of Food Science 2004 16 (3), 387-
2.69x10 -4 m², Crouvisier-Urion et al. (2018)7 reportent 396.
des taux médians de perméation de 2,05 mgO2/an 6 del Alamo-Sanza, M., & Nevares, I. (2014). Recent advances in
pour des bouchons de liège naturel, de 5,15 mgO2/ an the evaluation of the oxygen transfer rate in oak barrels. Journal of
agricultural and food chemistry, 62(35), 8892-8899.
pour des bouchons synthétiques, de 0,2 mgO2/an
7 Crouvisier-Urion, K., Bellat, J. P., Gougeon, R., & Karbowiak, T.
pour des micro-agglomérés et de 0,93 mgO2/an pour (2018). Gas transfer through wine closures: A critical review. Trends
des capsules à vis (quantités d’oxygène apportées à in food science & technology. Volume 78, 2018, Pages 255-269,
lire en mgO2/an/bouteille). ISSN 0924-2244, https://doi.org/10.1016/j.tifs.2018.05.021

IVES Technical Reviews - published January 2020

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