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ÉTUDE QUALITATIVE

SUR LES JEUNES NEET


AU MAROC

2020

1
Liste des acronymes

ADS : Agence de développement social


AFD : Agence Française de Développement
ANAPEC : Agence Nationale pour la Promotion de l’Emploi et des Compétences
APEFE : Association pour la Promotion de l'Education et de la Formation à l'Etranger
AREF : Académie régionale d’éducation et formation
CESE : Conseil Économique Social et Environnemental
CFA : Centre de Formation par Apprentissage
CFA-IE : Centre de Formation par Apprentissage intra-entreprise
CNDH : Conseil National des Droits de l’Homme
CNSS : Caisse Nationale de Sécurité Sociale
CPE : Centre de Protection de l’Enfance
DGAPR : Délégation Générale à l’Administration Pénitentiaire et à la Réinsertion
E2C : École de la Deuxième Chance
E2C-NG : École de la Deuxième Chance – Nouvelle génération
IGD : Institution à Gestion Déléguée
INDH : Initiative Nationale pour le Développement Humain
GIZ : Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit
MCA : Millenium Challenge Account
NEET : jeunes (de 15 à 24 ans) qui ne sont ni en éducation, ni en emploi, ni en formation (NEET)
ONDH : Observatoire NAtioanal du Développement Humain
OFPPT : Office de la Formation Professionnelle et Promotion du Travail
ONG : organisation Non Gouvernementale
RAMED : Régime d’Assistance Médical
SNIJ : Stratégie Nationale Intégrée sur la Jeunesse
UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l’Enfance
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, les sciences et la culture

Niveaux Formation professionnelle


Q : qualification
S : Spécialisation
T : Technicien
TS : Technicien Spécialisé

1
SOMMAIRE

Résumé 9

Le Maroc un pays particulièrement affecté par le phénomène des NEET 9

Objectif de l’étude 9

Méthodologie 10

Principales conclusions 11

Des politiques de jeunesse dysfonctionnelles 11

Un cercle vicieux macro-économique 11

Un taux d’activité plus préoccupant que le taux de chômage 12

Des NEET majoritairement féminins et ruraux 12

Les jeunes femmes rurales marginalisées par les politiques publiques 13

Des profils statistiques de NEET à confronter aux réalités des parcours de vie pour des politiques
publiques adaptées 14

Un gradient plus complexe des NEET entre jeunes ruraux et jeunes urbains, entre jeunes impliqués
et jeunes découragés 16

Les NEET ruraux entre jeunes femmes au foyer et jeunes hommes en transition à la recherche
d’opportunités 17

Des jeunes urbains en situation complexes entre recherche active d’emploi, découragement, projet
de vie hédoniste et rupture avec l’ordre social 18

La question transversale de la santé des jeunes 19

Des horizons d’intégration différents selon les ressources familiales et les compétences
professionnelles certifiées 19

Recommandations 21

Éléments d’introduction 25

Un objectif du développement durable non atteint 25

Une enquête auprès des acteurs des politiques de jeunesse 27

Une enquête qualitative pour mieux comprendre les trajectoires 28

Une deuxième phase d’enquête durant le confinement 30

Un âge de tous les possibles ? des parcours divergents 31

La permanence des grands clivages 32

Des catégories de NEET nécessitant des politiques publiques différenciées 34

2
Des déterminants clés 37

Le confinement, une politique venant renforcer les inégalités préexistantes 38

Choix de présentation des entretiens : parole dite et récits de vie 38

Partie 1 : Cartographie des acteurs et des initiateurs des programmes visant les NEET de 15 à 24 ans au
niveau des territoires 40

1- Contextualisation de la question des NEET au Maroc 40

1-1- Les NEET comme catégorie bénéficiaire de politiques publiques au Maroc 41

1-2- La question de la convergence des politiques publiques 42

2- Dimensionnement et dispositifs de sélection des réponses sectorielles 44

2-1- L’aide sociale à l’enfance 45

2-2- Les Centres de Protection de l’Enfance (CPE) ou Centres de Sauvegarde de l’Enfance 46

2-3- L’éducation non formelle et la lutte contre l’abandon scolaire 47

2-4- L’éducation non formelle et accompagnement à destination des jeunes femmes 49

2-5- La formation par apprentissage 49

2-6- La formation professionnelle 50

3- Orientations futures 52

3-1- Les dispositifs soutenus par les bailleurs 54

3-2- Les points forts de certains dispositifs 55

3-3- Les points de vigilance 55

4- Conclusions de la cartographie des parties prenantes 56

Partie 2. Les différents profils des NEET 59

1- Des jeunes ruraux fortement exposés à la situation de NEET 60

1.1. Femmes rurales au foyer 60

3 facteurs combinés d’exclusion 61

Le mariage comme horizon ? 62

1.2. Jeunes ruraux en circulation à la recherche d’opportunités 64

Une forte injonction à la mobilité précoce 65

L’agriculture occupe une place de moins en moins importante. 66

Jeunes Femmes rurales en circulation en recherche d’opportunités 66

2. Jeunes urbains en quête d’emploi assurant un minimum de bien être 67

3
2.1. Les jeunes urbains en recherche active d’emploi 68

2.2. les jeunes volontairement en arrêt d’activité pour chercher de meilleures opportunités 70

2.3. les jeunes qui décident de se consacrer à leurs loisirs ou à des passions 72

2.4. Jeunes urbains découragés qui développent un mode de vie déphasé 73

2.5. Jeunes en rupture familiale et sociale en grande précarité 75

3. jeunes souffrant de maladie ou de handicap 76

3.1. le Handicap physique 76

3.2. La maladie de longue durée 76

3.3. les troubles de l’apprentissage 77

3.4. Les troubles psychiques 78

Parties 3. Déterminants et thématiques transversales 79

1- Caractéristiques socio-économiques : le rôle de la famille 79

1-1- La cellule familiale comme principale ressource 80

Un lieu d’apprentissage et d’activité 80

Un lieu de solidarité et d’accès à l’aide sociale 80

Un sentiment de dette et de culpabilité 81

1-2- La prise en charge de la dépendance par les jeunes 81

1-3- Le décès des parents 82

1-4- Tensions et violences familiales 82

1-5- La rupture avec la famille 84

1-6- Fonder une famille : relation amoureuses et mariage 85

Violences conjugales et divorce : une accélération de la vulnérabilité des femmes mariées de façon
précoce 86

2- Les transitions de vie 88

2-1- Le système éducatif, lieu de rupture précoce pour les jeunes marocains 88

L’école : Un lieu d’apprentissage, de construction de soi et de socialisation 89

Une école à améliorer pour devenir un lieu de vie et d’épanouissement 90

Le décrochage scolaire des causes multiples 91


La distance à l’école 91
Le travail précoce comme nécessité 92
Les difficultés scolaires 93

4
La turbulence et la violence 94
La difficile reprise d’études 95

L’orientation : une question surtout liée à l’université 96

L’université 96

3- Des emplois précaires, pénibles et peu rémunérateurs 98

Des salaires faibles avec peu de perspectives 99


Un fort turn-over du fait des faibles salaires 101

La débrouille ou “bricolage”, un statut d’actif en attente d’opportunités professionnelles 103

Pour accéder aux bons emplois : « le piston » ou « l’achat de poste » 104

Des inégalités de genre dans les possibilités d’accéder à l’emploi 105

Des mineurs particulièrement exposés aux emplois pénibles et précaires 106

Les Violences et les mauvais traitements comme cause de rupture d’emploi 107

3- Attitudes et comportements 108

3-1- Participer de la vie sociale et politique 108

L’engagement 108

L’importance des pratiques sportives 110

3-2- Le basculement dans un mode de vie NEET désynchronisé 111

3-3- Les relations à la famille comme source de souffrance 112

3-4- Le chômage comme source de mal être 114

3-5- Les comportements à risque : addiction et suicide 114

3-6- Du sentiment d’inutilité à la violence 115

Les changements de comportements religieux 115

4- Aspirations, perception et perspectives 117

4-1- Une société marocaine considérée comme hostile aux jeunes du fait du manque d’emploi 117

Le village, le quartier : lieu d’évaluation des politiques publiques 117

Les opportunités d’emploi comme premier critère de l’efficacité des politiques publiques 118

4-2- Salariat ou entrepreneuriat : deux horizons différents 119

4-3- Le désir d’émigration 121

Des désirs d’émigration différenciée 121

Des multiples possibilités d’émigration 123

5
4-4- Des trajectoires divergentes venant renforcer les inégalités préexistantes 123

Porosité entre les catégories 125

5- NEET et programmes de l’État 126

5-1-Peu de bénéficiaires des programmes d’insertion socio-économique 126

5-2- Le service militaire, une politique de jeunesse nationale ? 127

5-3- La formation professionnelle 128

5-4- Perspectives de politiques publiques correctrices 130

formation professionnelle et certification 130

bourse et prise en charge 130

Une intense campagne de communication doublée d’une obligation d’inscription 131

La question de l’accompagnement post formation 131

6- Les NEET et le confinement suite à la pandémie Covid-19 132

6-1- Les activités des jeunes fortement perturbées par le confinement : un retour massif vers la
condition de NEET 133

Quelques emplois maintenus, un chômage massif, un sous-emploi occupationnel 133


Des emplois formels très peu nombreux 133
Une cessation massive de l’activité et un retour au statut de NEET 133
Des activités économiques très restreintes ou le repli sur le « bricolage » 134
Un retour vers l’emploi lent et incertain 134

Des stages suspendus et des formations professionnelles dépendantes de leurs relations avec
l’informatique 134

Des reprises d’études contrariées 135

Un engagement associatif réorienté 136

6-2- La vie confinée 137

L’aide financière d’urgence indispensable pour conserver des revenus 137

Des revenus familiaux en forte baisse 138

Le choix du lieu de confinement, des stratégies différentes en fonction des stratégies d’emplois 139

Un quotidien confiné différemment ressenti selon les configurations familiales 140

Le soutien scolaire aux plus jeunes : une activité importante 140

Le difficile accompagnement médical des proches 141

La fracture numérique comme principale fracture sociale 142

6-3- Des projets suspendus mais un désir de les reprendre rapidement 142

6
6-4- Le confinement comme renforcement des inégalités socio-territoriales 143

Partie 3 : Recommandations 146

Politique 1 : Une garantie jeunesse articulée à un registre national des jeunes et une carte jeune portée
par le ministère de la jeunesse 146

Action 1 : Une carte jeune 146

Action 2 : Porte monnaie digital et un Pass transport collectif 146

Action 3 : Carte liée à un numéro de téléphone mobile pour une jeunesse connectée 147

Action 4 : Une garantie jeunesse basée sur l’orientation et la formation 147

Action 5 : Un centre d’appel dédié à la jeunesse 147

Action 6 : Un suivi et une évaluation régulière 147

Politique 2 : Intégration économiquement et politiquement les jeunes 148

Action 7 : Une implication forte des partenaires économiques via les organisations professionnelles et
patronales 148

Action 8 : Un dispositif de création de TPE pour les jeunes associant prêt d’honneur et formation
continue 148

Action 9 : Le développement des structures de jeunesse avec une gouvernance participative 149

Politique 3 : Réduire drastiquement le nombre de jeunes NEET ruraux 150

Action 10 : Deux curricula délocalisés pour les jeunes ruraux décrocheurs 150

Action 11 : Développer l’accès à l’enseignement professionnel pour les jeunes ruraux 150

Politique 4 : Une politique de prise en charge des troubles de l’apprentissage et des troubles
psychologiques conjointe entre le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la santé 151

Action 12 : Diagnostiquer les troubles de l’apprentissage 151

Action 13 : Prendre en charge les troubles psychologiques 151

Action 14 : Développer un tissu associatif spécialisé autour des questions des troubles de
l’apprentissage 151

Annexes 152

Annexe 1 : Entretiens effectués dans le cadre de la cartographie des parties prenantes des programmes
152

Annexe 2 : Les programmes adressés envers la jeunesse au Maroc par population cible et institutions
publiques concernées. 154

Annexe 3 : Récapitulatif des entretiens et groupes de parole menés 156

Annexe 4 : Guide d’entretien individuel et questions de relance 157

Annexe 5 : Guide pour les groupes de parole 162

7
Annexe 6 : Distribution des entretiens téléphoniques menés en juin 2020 par localités, sexe et catégorie
d’âge 164

Annexe 7 : Guide d’entretien téléphonique de juin 2020 165

Annexe 8 : Tableau de Synthèse des programmes a destination des NEET au plus fort impact à travers le
monde 166

Annexe 9 : Bonnes pratiques de politiques publiques à destination des NEET pour le Maroc 168

Annexe 10 : Effectifs de la formation professionnelle par type d’opérateurs et par province au Maroc en
2018 169

Bibliographie 174

8
RESUME

LE MAROC UN PAYS PARTICULIEREMENT AFFECTE PAR LE PHENOMENE DES NEET

Le Maroc présente un des taux de jeunes de 15 à 24 ans qui ne sont ni en éducation, ni en emploi,
ni en formation (NEET) parmi les plus élevés du monde. En effet, sur 6 millions de jeunes de 15 à
24 ans, selon l’enquête Panel des ménages de l’ONDH, la proportion des jeunes NEET s’élève en
2017 à 31,5% soit 1,9 million de jeunes, tandis que 47,7% des jeunes, soit 2,9 millions,
poursuivent leurs études, effectuent un stage ou suivent une formation professionnelle et que
20,8%, soit 1,2 million, exercent un métier.
Figure 1 Répartition des six millions de jeunes marocains entre en étude, en emploi ou formation et NEET en 2017

OBJECTIF DE L’ETUDE

Cette étude a pour objectif de mieux comprendre le phénomène des jeunes ni en étude, ni en
emploi, ni en stage (NEET) au Maroc en analysant les dispositifs d’intégration économique des
jeunes marocains et en documentant les profils de ces jeunes à travers une étude qualitative
territorialisée, et ce en complémentarité avec les travaux quantitatifs menés par l’Observatoire
national du développement humain (ONDH) et la Banque Mondiale. Elle propose de comprendre
l’origine et le contexte de l’exclusion de ces NEET, les obstacles auxquels ils sont confrontés et
les ayant menés à cette situation d’une part. Et d’autre part, d’identifier les mécanismes pour
une insertion économique et sociale efficiente de cette catégorie de population. À cet effet, la
présente étude vise à affiner davantage les profils des NEET, et à proposer un certain nombre de
recommandations et d’interventions adaptées, répondant aux besoins de chacun des profils
NEET.

9
METHODOLOGIE

Pour cela, il a été procédé à une cartographie des dispositifs de formation et d’insertion
professionnelle à destination des jeunes de 15 à 24 ans à partir de la documentation disponible
et d’une série d’entretiens avec l’ensemble des parties prenantes des politiques à destination de
la jeunesse (annexes 1 et 2).

Par ailleurs, la catégorie NEET n’étant pas homogène, afin de dresser le profil de ces jeunes, il été
décidé de mener 549 entretiens individuels et 83 groupes de paroles avec des jeunes de 15 à 24
ans dans 23 localités marocaines entre de juillet à octobre 2019 (annexe 3, 4 et 5). Cette enquête
qualitative a été développée au sein de 6 régions Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Oriental, Fès-
Meknès, Casablanca-Settat, Marrakech-Safi et Guelmim-Oued Noun. Les localités ont été choisies
de telle sorte à ce qu’il y ait une répartition selon le lieu d’habitat des jeunes, entre métropoles
régionales, chef-lieu de province, centres émergents et communes rurales afin de disposer de la
plus grande variété possible de configuration territoriale.

Ensuite, au sein de chaque localité, le choix opéré a été de s’entretenir dans la mesure du
possible avec près de 24 jeunes NEET comprenant autant de mineurs de plus de 15 ans que de
majeurs de moins de 25 ans. Ce choix permettait ainsi de questionner les profils de NEET
précoces pour mieux comprendre la situation des NEET mineurs qui apparaissent comme
particulièrement vulnérables. Il a aussi été choisi de questionner autant de NEET de sexe
masculin que de NEET de sexe féminin, même si cette deuxième catégorie est majoritaire, afin de
disposer d’une plus grande variété de profil. Ces entretiens individuels ont été dédoublés de
groupes de parole afin de permettre aux jeunes de qualifier collectivement leur situation.
L’équipe s’est entretenue individuellement avec 549 jeunes (123 femmes mineures, 138 femmes
majeures, 132 hommes mineurs et 156 hommes majeurs) et a mené 83 groupes de parole, 18
groupes de parole femmes mineures, 22 groupes de parole femmes majeures, 21 groupes de
parole hommes mineurs, 22 groupes de parole hommes majeurs (voir l’annexe 1).

Puis, dans le contexte du confinement généralisé, suite à l’épidémie de SARS-CoV-2 en juin 2020,
tous les enquêtés ayant communiqué leur numéro de téléphone en 2019 ont été recontactés
pour un entretien téléphonique portant sur l’évolution de leur situation entre l’été 2019 et le
printemps 2020 mais aussi leur vécu du confinement (annexes 6 et 7). Ce procédé a permis de
mener 153 entretiens complémentaires.

Un effort tout particulier a été mené autour de la parole dite et de la restitution des témoignages
en s’appuyant sur les propos de ces jeunes qui décrivent leurs situations particulières, leurs
vécus et leurs ressentis. Ainsi, par l’approche qualitative, les jeunes enquêtés ont été considérés
comme des sujets désireux de se construire comme des citoyens et non comme des objets de
politiques publiques. Leurs propos ne peuvent pas être généralisés mais permettent de
comprendre les situations particulières telles que vécues par ces jeunes dont nombre d’entre
eux sont en grande vulnérabilité.

Les éléments de statistiques sont tirés du panel ménage de l’ONDH sauf mention contraire.

10
PRINCIPALES CONCLUSIONS

DES POLITIQUES DE JEUNESSE DYSFONCTIONNELLES

Le Maroc souffre donc d’une faible rétention scolaire, 60% des jeunes quittent le système
scolaire sans avoir achevé le cycle collégial si bien que moins de la moitié des jeunes de 15 à 24
ans sont en formation. Cette déperdition scolaire n’est aucunement compensée ni par un
système d’apprentissage généralisé, ni par un marché de l’emploi dynamique, vu que seulement
un jeune sur cinq exerce un métier, le plus souvent informel dans des conditions
particulièrement pénibles pour une rémunération très faible.

Cette situation s’explique par les dysfonctionnements du système éducatif qui ne correspond pas
aux attentes d’une large partie de la jeunesse causant les décrochages précoces et aussi par la
faiblesse du marché de l’emploi qui propose très peu d’opportunités aux jeunes.

L’offre éducative est principalement tournée vers l’enseignement général avec peu de stratégies
de remédiation en cas de décrochage. La formation professionnelle est concentrée dans les
espaces urbains et principalement les chefs-lieux de province, tout comme les dispositifs
innovants de prise en charge de la jeunesse. Les politiques de jeunesse sont finalement peu
évaluées et peu concertées, laissant de fait de nombreux jeunes de 15 à 24 ans démunis dès
qu’ils rencontrent des obstacles qu’ils soient d’ordre personnel, familial ou scolaire. La
mobilisation récente des acteurs institutionnels (ministères, agences, fondations, organisations
non gouvernementales, organisations internationales et service de coopération bilatérale) se
traduit par des dispositifs éclatés et sous-dimensionnés au regard des besoins réels de la société
marocaine. Les dispositifs performants ont finalement des impacts très localisés (une ville, un
quartier, un village) ou très segmentés (la formation des jeunes souffrant de handicap, la
formation professionnelle spécifique, la création d’entreprise, la réinsertion des jeunes en
difficulté avec la loi). Aucune initiative efficace n’a permis de créer un effet écosystémique
pérenne et ayant joué un effet de levier. Cette situation s’explique souvent par la faible
intégration verticale et horizontale des programmes développés. De plus, les opérations de suivi
et d’évaluation sont rares et lacunaires et empêchent une réflexion sur les bonnes pratiques et la
montée en puissance des dispositifs innovants déployés actuellement par les fondations
nationales ou les ONG.

“D’ici à 2020, réduire considérablement la proportion de jeunes non scolarisés et sans emploi ni
formation” (ODD 8.2) parait donc comme l’un des ODD que le Maroc n’aura pas atteint.

Le phénomène des NEET révèle donc l’absence d’une politique nationale de jeunesse appropriée
et la faiblesse de la mobilisation collective dans le cadre d’une stratégie coordonnée et pilotée.
Les logiques de compétitions institutionnelles selon le principe des prérogatives pénalisent les
logiques de coordination et de circulation de l’information se traduisant finalement par
l’exclusion de 31.5% de la jeunesse marocaine.

UN CERCLE VICIEUX MACRO-ECONOMIQUE

De fait, le Maroc est pris dans un cercle vicieux macro-économique. L’afflux de jeunes n’ayant
pas achevé leur cycle de formation ou disposant de faibles compétences conduit à un très fort
sous-emploi offrant peu de rémunération aux jeunes mais aussi peu d’opportunités d’acquérir

11
des compétences professionnelles requises par les entreprises. Il apparaît donc une distorsion
du marché de l’emploi marocain. Les emplois créés par les entreprises formelles sont peu
nombreux tandis que les jeunes peu qualifiés sont très nombreux. Les exclus du marché de
l’emploi réglementaire sont donc de plus en plus nombreux et finalement nourrissent une très
faible dynamique productive nationale, amenant à une baisse continue du taux d’activité pour
tous les niveaux de diplôme mais aussi pour toutes les tranches d’âge. Cette distorsion se traduit
par de faibles opportunités pour les entreprises qui finalement créent encore moins d’emplois
privilégiant désormais l’investissement dans des processus de production de plus en plus
automatisés. Il s’agit donc ici de réactiver une dynamique positive par une formation de qualité
et des politiques d’intégration ciblant l’âge charnière de 15 ans qui amènera mécaniquement à
une réduction immédiate du nombre de NEET précoces non diplômés mais aussi de jeunes
chômeurs. Cette formation doit se faire au sein des entreprises en généralisant les modalités de
stage, d’alternance et d’apprentissage qui permettront aux jeunes d’intégrer le monde
professionnel en mobilisant les chambres professionnelles et les organisations patronales.

UN TAUX D’ACTIVITE PLUS PREOCCUPANT QUE LE TAUX DE CHOMAGE

Il faut aussi se méfier de l’abus du taux de chômage comme indicateur principal. Au regard de la
situation marocaine et de la baisse continue du taux d’activité sans amélioration de la poursuite
d’études, le taux de chômage est un indicateur positif qui indique un désir de participation à la
sphère productive et le maintien de relations avec les institutions dans le cadre d’une recherche
active d’emploi. En effet, l’ampleur du phénomène de NEET inactifs ou découragés soit qui
renoncent à solliciter les administrations et les entreprises dans la recherche d’emploi est
beaucoup plus inquiétante. Ainsi, sur 1,9 million de jeunes NEET, seulement 450 000 sont en
recherche continue et active d’emploi, soit à peine 25% des NEET. La focalisation sur le taux de
chômage des jeunes amène à des politiques publiques dysfonctionnelles et inopérantes pour
permettre une amélioration généralisée de la sphère productive marocaine car elle exclue de fait
75% des NEET. De plus, au sein de la catégorie des chômeurs en recherche active d’emploi sont
privilégiés les diplômés chômeurs, qui ne représentent qu’une toute petite part des NEET. Par
ailleurs, cette fraction est la plus à même de trouver un emploi réglementaire de qualité. Ces
choix favorisent actuellement les politiques dites de ciblage autour de l’excellence qui ne font
qu’aggraver les inégalités socio-territoriales et renforcer les dynamiques d’exclusion sans
assurer un cadre macro-économique favorable à un développement généralisé et équitable. Au
contraire, elle génère des sentiments d’injustice socio-territorialisés qui nourrissent des
mouvements de contestation localisés de plus en plus inquiétants.

DES NEET MAJORITAIREMENT FEMININS ET RURAUX

Il s’agit donc ici d’étudier finement la situation réelle des jeunes NEET pour mieux comprendre
leurs trajectoires et les moments de décrochage. L’analyse statistique issu du panel ménage de
l’ONDH révèle des inégalités socio-territoriales importantes.

En 2017, 47,5% des jeunes femmes de 15 à 24 ans (soit 1,4 million de femmes), sont considérées
comme des NEET contre seulement 16% des jeunes hommes (480 000 hommes). Les jeunes
femmes représentent ainsi 75% des NEET. De même en 2015, 39,7% des jeunes ruraux, soit
960 000 jeunes, sont considérés comme NEET contre seulement 21,7% des jeunes urbains, soit
765 000 jeunes. Les NEET ruraux sont donc légèrement plus nombreux que les NEET urbains

12
alors que plus de 60% des jeunes marocains vivent en ville. Enfin, la proportion des NEET est
estimée à 40% pour les jeunes issus des 20% des ménages les plus pauvres du Maroc contre
22,9% pour ceux issus des 20% des ménages les plus aisés. Ainsi, seulement 34,4% des jeunes
de 15 à 24 ans issus des 20% des ménages les plus pauvres poursuivent leurs études contre
62,9% pour les 20% plus riches.

Ces inégalités socio-territoriales perdurent dans le temps selon les différentes vagues du panel
des ménages de l’ONDH, 2012, 2013, 2015 et 2017.

Le premier élément explicatif de la situation différenciée des NEET, est l’arrêt plus précoce des
études en milieu rural, dans le sens où seuls 33% des jeunes ruraux âgés entre 15 à 24 ans qui
étaient à l’école ou en formation en 2012 le sont en 2017, 34,8% sont devenus actifs occupés
tandis que 32% sont devenus NEET. En revanche, Les jeunes citadins scolarisés en 2012
poursuivent leurs études en 2017 à 49,7%, 21,3% ont décroché un travail et 29% sont devenus
des NEET.

Ces inégalités scolaires sont doublées d’inégalités dans l’accès à l’emploi. Parmi les jeunes qui
ont arrêté leurs études en 2017, les femmes sont plus nombreuses à devenir NEET, 43%, contre
22% pour les hommes. Ces derniers sont 35,3% à devenir des actifs occupés dans les 5 années
après l’arrêt de leurs études contre seulement 13,3% des femmes.

Les études longitudinales de l’ONDH révèlent que parmi l’ensemble des jeunes femmes NEET en
2012, en 2017, 88% sont restées NEET et uniquement 10,5% ont décroché un emploi et 2% ont
poursuivis leurs études. Au contraire, seulement 25,5% des jeunes hommes NEET en 2012 sont
toujours NEET en 2017, 69,5% sont devenus des « actifs occupés » et 6% sont retournés en
étude ou formation professionnelle. Ces inégalités de genre sont doublées d’inégalités de milieu
de vie ainsi 74% des jeunes NEET ruraux de 2012 sont restés NEET en 2017 tandis que 24%
sont devenus actifs occupés et 2% sont retournés en études. En revanche, 60% des jeunes NEET
urbain en 2012 sont NEET en 2017, tandis que 33,7% sont devenus des « actifs occupés » et 6%
ont repris un parcours de formation.

Par ailleurs, les femmes déclarées comme employées en 2012 ont beaucoup plus de mal à rester
en activité que les hommes, et aucune d’entre-elles ne poursuit d’études ou suit une formation,
ainsi, 68,4% sont NEET en 2017. En revanche, 89% des jeunes hommes employés en 2012 sont
toujours en emploi en 2017, seulement 7,6% sont devenus NEET tandis que 3,3% continuent
leurs études ou effectuent une formation professionnelle pour le titre de l’année 2017.
Cependant, les jeunes ruraux actifs occupés en 2012 restent actifs à 87,6% contre seulement
71,7% des jeunes actifs urbains. Ainsi, pour les jeunes actifs en 2012, pour les jeunes ruraux,
10,6% sont devenus NEET, contre 20,7% pour les urbains. Cependant, les jeunes urbains actifs
reprennent plus facilement des études ou une formation à 7,5%, alors que cette situation est
beaucoup plus rare pour les jeunes actifs ruraux 1,8%.

LES JEUNES FEMMES RURALES MARGINALISEES PAR LES POLITIQUES PUBLIQUES

Ces données nationales doivent être comprises au prisme de l’intersectionnalité. En effet, il


apparaît dans ces données que l’essentiel des NEET de longue durée sont des femmes vivant en
milieu rural, dans des ménages à faible revenu (parmi les 20% les plus pauvres du Maroc) ayant
quitté le système scolaire de façon précoce et sans perspective ni d’emploi, ni de formation. Ces
femmes représentent plus de la moitié des NEET, soit 1 million de femmes, et restent inactives

13
sur la longue durée. Ce groupe cumule les discriminations structurelles car trop longtemps
considéré comme en transition d’une économie familiale à une autre, passant du statut d’aide
familiale dans la cellule familiale parentale à celui de mère au foyer après leur mariage. Or, les
transformations économiques et culturelles du monde rural des deux dernières décennies ont
réduit les opportunités de participation à l’activité économique de ces jeunes femmes alors
qu’elles souhaitent de plus en plus disposer d’une autonomie financière. Le mariage précoce
apparaît alors comme la seule alternative pour construire un projet de vie.

Il semble donc nécessaire de développer un plan d’action dédié à ce groupe au capital politique
particulièrement faible et bien souvent dans l’incapacité de pouvoir se mobiliser pour faire
entendre ses difficultés et surtout obtenir des politiques publiques correctrices des injustices qui
lui sont faites. En effet, les dispositifs déployés par les différentes institutions marginalisent ces
jeunes femmes. Du fait de leur résidence en milieu rural, elles bénéficient extrêmement peu des
politiques publiques déployées principalement en ville. Du fait de leur nombre, les dispositifs
actuels apparaissent totalement sous-dimensionnés ne pouvant aucunement offrir une place à
chacune.

En effet, pour des raisons historiques, les politiques d’emplois ont longtemps privilégié les
jeunes diplômés masculins urbains afin de répondre aux attentes sociales de ce groupe qui était
doté du plus fort capital politique et qui est donc le plus revendicatif.

DES PROFILS STATISTIQUES DE NEET A CONFRONTER AUX REALITES DES


PARCOURS DE VIE POUR DES POLITIQUES PUBLIQUES ADAPTEES

Ainsi, l’ONDH a identifié statistiquement 5 profils de NEET à partir du panel ménage qui sont
par ordre d’importance : « Femmes au foyer rurales à responsabilité familiale » (54,3% des
NEET), « Jeunes citadins découragés » (25%), « NEET en situation de transition1 » (7,8%), “NEET
volontaires par choix” (7,5%), “NEET souffrant de problèmes de santé” (5,1%).
Figure 2 Profils statistiques des NEET selon le panel ONDH 2017

NEET NEET souffrant


volontaires par de problèmes
choix de santé
NEET en 8% 5%
situation de
transition
8%

Femmes au
Jeunes citadins foyer rurales à
découragés responsabilité
25% familiale
54%

1 Les jeunes en transition sont ceux à la recherche d’opportunités

14
Cependant, ces profils regroupent souvent des situations très variées en leur sein permettant
difficilement d’établir des politiques publiques uniformes dédiées.

Cette méthode a permis d’identifier les situations concrètes de ces jeunes et d’identifier les
moments de rupture biographique. Le choix d’enquêter autant de mineurs que de majeurs a
permis aussi de documenter l’âge charnière L’objectif est donc d’identifier les récurrences des
parcours permettant d’éclairer les données statistiques nationales.

Il apparaît alors que le clivage rural, urbain reste particulièrement fort obligeant les ruraux à des
stratégies de mobilité pour bénéficier des mêmes opportunités que les urbains. Ces stratégies
sont particulièrement coûteuses et sont supportées principalement par les jeunes et leurs
familles creusant les inégalités sociales. Les inégalités de genre s’expliquent alors par la
pénibilité de cette mobilité et le refus de nombreuses familles de laisser leurs filles s’exposer à
des conditions aussi pénibles que les garçons.

Ensuite, les catégories apparaissent comme particulièrement poreuses et avant tout l’objet
d’arbitrages statistiques qui ne se vérifient pas systématiquement lors des entretiens menés
avec les jeunes. En effet, si la catégorie des femmes rurales au foyer semble la plus solide, il
apparaît en revanche une très grande porosité entre les NEET citadins découragés, les NEET en
transition et les NEET volontaires par choix qui sont parfois des étapes successives dans le
parcours d’un même jeune. Par ailleurs, la catégorie NEET souffrant de problème de santé qui
semble s’appuyer sur des critères objectifs masque de nombreux troubles non pris en compte et
se révélant particulièrement contraignant pour l’intégration de ces jeunes. Elle apparaît donc
clairement sous-estimée car ne tenant pas compte des troubles de l’apprentissage et des
troubles psychologiques qui sont particulièrement fréquents. Ainsi, de nombreux jeunes citadins
souffrent de troubles psychologiques et ne bénéficient d’aucun accompagnement, car n’étant pas
reconnus comme souffrant d’un handicap.

C’est pour cela que l’objectif premier n’était pas de séparer les NEET en 5 catégories distinctes
mais davantage mettre en avant des configurations nécessitant des politiques publiques
correctives adaptées.

15
UN GRADIENT PLUS COMPLEXE DES NEET ENTRE JEUNES RURAUX ET JEUNES
URBAINS, ENTRE JEUNES IMPLIQUES ET JEUNES DECOURAGES
Figure 3 Propositions de catégories de NEET observées durant l’enquête qualitative

Jeunes en rupture Jeunes souffrant de


Jeunes urbains familiale et sociale en maladie ou de
découragés qui grande précarité handicap
développent un mode
de vie déphasé

Jeunes qui décident


de se consacrer à
leurs loisirs ou à des
passions

Jeunes
volontairement en Femmes rurales au
arrêt d’activité pour foyer
Jeunes urbains en
chercher de en attente
recherche active
meilleures d’opportunités
d’emploi
opportunités ou de mariage

Jeunes ruraux en
circulation à la
recherche
d’opportunités

Tableau 1 : correspondance entre les catégories quantitatives de l’ONDH et les catégories observées sur lors de l’enquête
qualitative

« Femmes au foyer rurales à (54,3%) Femmes rurales au foyer en attente


responsabilité familiale » d’opportunités ou de mariage
« NEET en situation de transition » (7,8%) Jeunes ruraux en circulation à la recherche
d’opportunités
Jeunes urbains en recherche active d’emploi
Jeunes volontairement en arrêt d’activité pour
chercher de meilleures opportunités
“NEET volontaires par choix” (7,5%) Jeunes qui décident de se consacrer à leurs loisirs
ou à des passions
« Jeunes citadins découragés » (25%) Jeunes urbains découragés qui développent un
mode de vie déphasé
Jeunes en rupture familiale et sociale en grande
précarité
“NEET souffrant de problèmes de (5,1%) Jeunes souffrant de maladie ou de handicap
santé”

16
LES NEET RURAUX ENTRE JEUNES FEMMES AU FOYER ET JEUNES HOMMES EN
TRANSITION A LA RECHERCHE D’OPPORTUNITES

Malgré la présence écrasante de NEET de sexe féminin dans les campagnes marocaines, il est
indispensable d’analyser les jeunes femmes et jeunes hommes ruraux conjointement pour
développer des politiques publiques correctrices efficaces. Les politiques publiques ciblées sur
les jeunes filles rurales développées depuis plusieurs décennies n’ont aucunement permis
d’inverser une tendance très lourde de désengagement des jeunes femmes du système productif
et de réduction des opportunités. Elles apparaissent au contraire comme soutenant les inégalités
de genre.

Le clivage entre le monde rural et le monde urbain reste particulièrement fort. Les jeunes ruraux
arrêtent de façon plus précoce leur parcours de formation pour un ensemble de raisons où se
combinent manque d’infrastructures, de moyens de transport, mais aussi d’intérêt pour les
études et désir précoce de participer aux revenus du ménage. L’étude de terrain amène
cependant un nouvel élément qui est l’inadéquation de l’offre de formation en milieu rural qui
reste dominée par l’enseignement général et non par l’enseignement professionnel comme
demandé par les jeunes. Cette inadéquation se traduit par un décrochage précoce des jeunes par
lassitude devant les difficultés scolaires et par désir de participer aux activités productives afin
de ne plus dépendre de parents disposant souvent de revenus très modestes. L’absence de
structure de formation professionnelle de proximité en milieu rural amène à des inégalités de
genre très prononcée. Les jeunes garçons compensent ce déficit, quand ils ne sont plus
scolarisés, par une intense mobilité vers les différents bassins d’emploi combinant période
d’apprentissage au sein des réseaux familiaux ou amicaux et recherche constante d’opportunités
économiques. Ces jeunes hommes sont donc rarement des NEET de longue durée et s’inscrivent
davantage dans la catégorie des NEET en transition. Pour autant, leur situation est
particulièrement difficile acceptant des conditions d’emploi pénibles pour des rémunérations
faibles. Ils subissent souvent le sous-emploi et alternent donc phase d’engagement économique
et phase de repli au sein de la cellule familiale. Ils peuvent ainsi rester plusieurs mois dans
l’espace familial, notamment à proximité des fêtes religieuses, avant de repartir. Une minorité
peut aussi connaître des phases dépressives de désengagement du marché de l’emploi pour
venir se replier sur la sphère domestique s’exposant alors à l’addiction à de nombreuses
drogues.

En revanche, les filles peuvent difficilement entreprendre un parcours similaire et se retrouvent


alors cantonnées aux activités ménagères et à des activités agricoles ponctuelles, la participation
aux grandes récoltes saisonnières étant parfois la seule expérience professionnelle. Les jeunes
filles voient alors comme unique opportunité d’émancipation le mariage précoce pour acquérir
un statut social par la décohabitation d’avec leurs parents. Le mariage permet aussi la mobilité
et l’accès à la ville qui offre davantage d’opportunités de formation ou d’emploi compatibles avec
des enfants en bas âge, du fait de la densité des structures de préscolaire privées ou informelles.
Cependant, le mariage précoce apparaît comme un choix positif pour une minorité de jeunes
filles, pour la majorité des enquêtées cela reste un choix par défaut. Enfin, le mariage précoce
peut se traduire aussi par le divorce précoce avec enfants en bas âges amenant alors à une
vulnérabilité accrue de ces jeunes filles.

17
DES JEUNES URBAINS EN SITUATION COMPLEXES ENTRE RECHERCHE ACTIVE
D’EMPLOI, DECOURAGEMENT, PROJET DE VIE HEDONISTE ET RUPTURE AVEC L’ORDRE
SOCIAL

Les jeunes urbains apparaissent dans une situation plus favorable du fait de la concentration et
de la proximité des établissements scolaires et de formation professionnelle. La rupture scolaire
précoce est moins fréquente et les études sont davantage prolongées, même reprises après une
période de NEET ou même d’emploi. Cependant, ils sont fortement impactés par la faiblesse du
marché de l’emploi amenant à un très fort découragement. Ainsi, les jeunes urbains employés en
2012 sont plus nombreux que les jeunes ruraux à devenir NEET en 2017 20,5% ou à reprendre
leurs études à 7,5%. En effet, les opportunités économiques restent peu nombreuses et les
rémunérations faibles. Cette situation amène à un discrédit des institutions scolaires et donc à
des décrochages en cours de formation car nombre de formations sont jugées inutiles, en
témoigne une part toujours très importante de jeunes qui quittent la formation initiale sans
achever le secondaire collégial dans les villes marocaines. Par ailleurs, des phases de
découragement sont décrites par de très nombreux profils de jeunes urbains. Cela se traduit par
un changement de mode de vie et favorise les conduites à risque notamment chez les jeunes
hommes. Ces derniers peuvent dévier vers de nombreuses addictions à différentes substances
de façon très précoce favorisant pour certains des comportements de rupture avec toute forme
d’institution que cela soit la famille ou l’école. Ainsi, les grandes villes sont marquées par des
phénomènes de grande précarité adolescente surtout masculine.

L’analyse des parcours de vie de ces jeunes urbains laisse apparaître une très grande porosité
entre les différents profils de NEET présentés comme découragés, par choix ou en transition. Le
passage de la fin de la formation au marché de l’emploi est fortement soumis à l’aléa des
rencontres, des relations où les réseaux de connaissances interpersonnelles jouent un rôle
essentiel. Les jeunes urbains sont massivement aussi dans l’attente d’opportunités réelles
espérant intégrer des situations économiques stables très variées allant du salariat à
l’entrepreneuriat. Ils peuvent donc changer de statut très rapidement à la différence des jeunes
ruraux. Par ailleurs, une même catégorie regroupe des réalités très différentes. En premier lieu,
il apparaît une catégorie de jeunes en recherche active d’emploi qui correspond aux jeunes en
situation de chômage tel que définit statistiquement par le HCP. Ensuite, parmi les jeunes
découragés, se retrouvent des jeunes temporairement déprimés et des jeunes qui sont en grande
dépression voire animés de pulsions destructrices ou suicidaires. Il apparaît donc une gradation.
Certains peuvent rompre avec le marché légal de l’emploi marocain pour former des contre
sociétés délinquantes. D’autres peuvent décider de rompre avec le Maroc et mobiliser toute leur
énergie pour émigrer.

Enfin, certains jeunes renoncent à la recherche d’emploi temporairement du fait d’une assise
familiale solide. Certains décident de rester dans le cadre familial, tandis que d’autres peuvent se
concentrer sur des passions (sportives notamment). Cette situation est plus ou moins longue et
peut aussi être qualifiée comme une situation de rente.

La complexité de la situation des jeunes urbains nécessite alors une approche plus globale de la
question de jeunesse en offrant aux jeunes un cadre légal spécifique reconnaissant le statut
singulier de jeune doublé d’un soutien adéquat généralisé à l’échelle nationale alliant aide à la
mobilité et soutien à la formation professionnelle.

18
De très nombreux jeunes sont peu informés des opportunités les concernant alors qu’ils ont
massivement accès aux réseaux sociaux. Il apparaît alors une disjonction entre leur ouverture
sur le monde et leur méconnaissance des opportunités de formation voire même d’emploi. Ils
ont un sentiment d’abandon et d’échecs des politiques publiques, en témoignent également leur
faible confiance dans les institutions publiques.

LA QUESTION TRANSVERSALE DE LA SANTE DES JEUNES

5,1% des NEET, soit 92 000 jeunes, sont déclarés comme souffrant de problèmes de santé qui les
excluent de la poursuite d’étude, à la formation ou de l’accès à l’emploi. Ce chiffre renvoie
principalement aux jeunes souffrant de maladie de longue durée ou de handicap, pour autant
parmi eux de nombreux jeunes souhaitent pouvoir participer à la sphère productive et avoir un
rôle social positif acceptant très mal d’être dépendant de leur famille. Par ailleurs, ce chiffre ne
prend pas en compte de nombreux jeunes qui sont décrits comme découragés mais qui souffre
aussi souvent de difficultés d’apprentissage liés à des troubles mal diagnostiqués qui les
pénalisent lourdement dans l’acquisition de compétences. Enfin, à cela s’ajoutent les troubles
psychiques qui sont soit antérieurs à la phase de NEET soit aggravés par le vécu de NEET qui
affectent de nombreux jeunes. Ainsi selon l’évaluation de l’OMS et du ministère de la Santé, 49%
des jeunes ont été frappé par un trouble psychique et 20% des jeunes sont durablement affectés.
La difficile transition vers l’activité amène à une forte augmentation des comportements
dépressifs qui concernent 26% des adultes. Ces troubles psychiques sont associés à des
comportements de découragement qui viennent alors augmenter d’autant le nombre de jeunes
en rupture avec les institutions. Tous ces troubles peuvent faire l’objet d’une prise en charge s’ils
sont correctement diagnostiqués.

DES HORIZONS D’INTEGRATION DIFFERENTS SELON LES RESSOURCES FAMILIALES


ET LES COMPETENCES PROFESSIONNELLES CERTIFIEES

L’analyse des trajectoires des jeunes NEET permet d’identifier deux facteurs principaux
déterminants la situation de ces jeunes. Le premier facteur est la relation à la famille et
notamment la possibilité des jeunes de disposer d’un soutien économique de cette dernière. La
famille reste la première organisation de solidarité mais aussi de transmission de compétences
et d’un capital économique permettant une insertion à la sphère productive. Le second facteur
est la détention de compétences professionnelles reconnues par les opérateurs économiques
soit par un diplôme ou une certification. Ainsi, les diplômés du supérieur et/ou de la formation
professionnelle accèdent à des emplois réglementaires de meilleure qualité leur permettant
d’intégrer la sphère productive dans des conditions plus favorables.

En croisant ces deux facteurs, il apparaît donc quatre profils de NEET au Maroc que nous
pouvons alors classer selon leur degré de vulnérabilité.

19
Tableau 2 Stratégies des jeunes NEET selon leurs ressources familiales et leurs compétences

Soutien familial et capitaux Absence de soutien familial et de


familiaux capitaux familiaux

Diplôme du supérieur ou Profil peu vulnérable. Profil vulnérable.


formation professionnelle Préparation d’un projet à long Recherche active d’emploi en
certifiée terme avec recherche milieu urbain, acceptation
d’opportunités satisfaisantes : d’emplois non réglementaires et
jeunes à la recherche d’un emploi mal rémunérés de façon
de qualité, construction d’un temporaire dans l’attente de
projet personnel épanouissant meilleures opportunités.
Absence de diplôme du supérieur Profil relativement vulnérable. Profil le plus vulnérable.
ou de formation professionnelle Repli sur l’activité familiale (parfois Acceptation de travaux très
certifiée faiblement ou non rémunérée) : pénibles jusqu’à épuisement :
agriculteurs, commerçants, jeunes trajectoire dépressive, conduites à
femmes au foyer. risque, addictions. Désir très fort
d’émigration.

Les moins vulnérables sont les jeunes qui disposent de diplômes et d’un fort soutien familial qui
peuvent se permettre de construire un projet professionnel intéressant. Ils peuvent être
chômeur en recherche active d’un emploi de qualité comme les diplômés du supérieur, même si
cette recherche nécessite plusieurs mois, voire une année, et/ou prendre le temps pour favoriser
leurs loisirs et reporter leur intégration économique.

Ensuite viennent des jeunes relativement vulnérables disposant d’un soutien familial mais sans
diplôme ou formation qui se replient sur l’activité familiale au risque de rester dépendant de
leur famille. Ils tentent des incursions en dehors de la sphère familiale avec plus ou moins de
succès. Cette catégorie regroupe les nombreux jeunes ruraux sachant que les administrations
ont tendance à déclarer les hommes actifs et les femmes inactives en considérant que ces
dernières ne sont pas impliquées dans les tâches productives. Or, désormais, les jeunes femmes
rurales ont un désir tout aussi fort d’accéder à des ressources monétaires nouvelles de façon
autonome.

Après, viennent des jeunes vulnérables disposant de qualifications reconnues sur le marché de
l’emploi mais ne disposant pas d’un soutien familial voire étant eux-mêmes des soutiens de
famille. Ces jeunes sont alors ceux qui correspondent à la catégorie des chômeurs de courte
durée car sans cesse à la recherche d’opportunités d’emploi quitte à accepter des emplois mal
rémunérés et pénibles. Ces jeunes jouent un rôle important au sein de la société marocaine.
Ainsi, leur réussite économique est à même de sortir de la précarité une famille plus large
comprenant leurs parents mais aussi leurs frères et sœurs. Cependant, cette pression très forte
peut aussi les amener à des phases de découragement et de basculement vers la catégorie la plus
vulnérable des jeunes marocains.

Enfin, viennent les jeunes les plus vulnérables qui ne disposent ni de compétences, ni d’un
soutien familial et qui peuvent après une séquence d’emploi de mauvaise qualité plonger dans
une trajectoire dépressive et basculer dans un mode de vie désynchronisé marqué par de
nombreuses addictions. Ces jeunes vivent alors dans une grande précarité et sont ceux qui
expriment le plus grand désir de rompre définitivement avec la société marocaine par
l’émigration.

20
Au regard de ces trajectoires, il apparaît donc nécessaire de développer des politiques
d’accompagnement et surtout vu l’ampleur du décrochage scolaire précoce des formations
professionnelles dédiées dès l’âge de 15 ans. Le rôle central que joue la famille amenant les
jeunes soit à être accompagné par leur famille ou à devenir de façon eux-mêmes des soutiens de
famille pose la question de l’allocation devant accompagner les dispositifs de formation
professionnelle.

RECOMMANDATIONS

14 propositions de mesures selon 4 politiques publiques pour réduire le taux de NEET

Les propositions retenues ici sont celles qui sont à même de réduire drastiquement le nombre
de jeunes NEET et de faciliter leur capacité à pouvoir construire des choix positifs. Afin de
réduire le nombre de jeunes NEET, il apparaît nécessaire de proposer des dispositifs pour
l’ensemble des jeunes assurant une plus grande fluidité entre formation et intégration
économique. Elles adaptent les bonnes pratiques internationales aux spécificités des
problématiques soulevées par les jeunes NEET (annexes 2 et 3).

Politique 1 : Une garantie jeunesse articulée à un registre national des jeunes NEET et
une carte jeune délivrée par le ministère de la jeunesse pour tous les 15-24 ans

1- Une carte jeune

Il apparaît indispensable de rétablir le lien de confiance entre les institutions et les


jeunes au Maroc, notamment par leur suivi pour développer une garantie jeune, selon
le principe d’une carte jeune de 15 à 24 ans permettant à la fois de déployer des
politiques ciblées et un suivi des jeunes au Maroc. Cette carte jeune deviendrait le
composante jeunesse du RSU.

2- Porte-monnaie digital et titre de transport collectif

Cette carte jeune pourra aussi être associée à un porte-monnaie digital permettant aux
jeunes de disposer d’un moyen de paiement notamment pour les transports collectifs
et de garantir leur mobilité, mais aussi de modalité d’accès à des aides monétaires
ponctuelles pour les profils les plus vulnérables.

3- Carte liée à un numéro de téléphone mobile pour une jeunesse connectée

Cette carte sera liée à un numéro de téléphone portable permettant aux jeunes de
rester connectés et de recevoir des offres de formation, de stage ou d’emploi avec un
accès dédié via les opérateurs. La plateforme en ligne serait aussi accessible
gratuitement via un code personnalisé.

4- Une garantie jeunesse basée sur l’orientation et la formation

Les jeunes bénéficieront d’un véritable entretien d’écoute et d’orientation à l’âge de 15

21
ans permettant de disposer d’un plan de suivi et surtout de pouvoir proposer en cas de
décrochage ou d’inactivité de plus de 3 mois une formation, un stage pour éviter les
effets cicatrices.

5- Un centre d’appel dédié à la jeunesse

Enfin, il apparaît nécessaire de développer des centres d’écoute sous la tutelle du


ministère de la Jeunesse et tout particulièrement un centre d’appels directs et gratuits
pour permettre d’écouter les jeunes en difficulté. Ce centre d’écoute disposera de deux
spécialités : le conseil en orientation pour proposer au jeune des solutions de formation
adaptée à sa situation et accessible dans sa province ; une cellule d’accompagnement
psychologique avec des professionnels.

6- Un suivi et une évaluation régulière

Ce dispositif permettra d’évaluer l’impact des politiques de jeunesse et d’organiser des


modalités d’actions adaptées aux contextes localisés. Les données collectées seront
soumis au CNDP.

Politique 2 : Intégration économique et politique des jeunes

7- Une implication forte des partenaires économiques via les organisations


professionnelles et patronales

Les organisations professionnelles et patronales doivent développer un plan de


formation et d’intégration des jeunes pour favoriser l’apprentissage, les stages et
l’alternance. Chaque chambre professionnelle et chaque section régionale de la CGEM
doit, à l’échelle régionale, définir un programme intégration des jeunes dans
l’entreprise en partenariat avec les institutions spécialisées. Ce programme se décline
selon l’âge et le niveau de compétence des jeunes. Il commence à partir de l’âge de 15
ans par une sensibilisation-observation et se poursuit jusqu’à 24 ans par l’acquisition
de compétences spécifiques. Il cible en priorité les besoins spécifiques identifiés par les
professionnels chaque année pour accompagner les besoins et l’émergence des
nouveaux métiers. Les périodes longues sont validées et certifiées par l’OFPPT dans un
cadre bac professionnel, technicien, cadré par des cours de mise à niveau en
compétences génériques. Ce dispositif amène à une indemnité de 1000 MAD par mois
dès l’âge de 15 ans.

8- Un dispositif de création de très petites entreprises (TPE) pour les jeunes


associant prêt d’honneur et formation continue

Sur un modèle de développement de TPE à faible capital initial, les jeunes bénéficient
d’un prêt d’honneur dans le cadre du lancement d’une activité avec un programme
d’accompagnement et de suivi et des cessions de formation hebdomadaires
indemnisées. Le remboursement du prêt d’honneur permet d’ouvrir l’accès à d’autres
jeunes au dispositif. Le dispositif est piloté à l’échelle locale (provincial ou préfectoral).
Les jeunes sont accompagnés sur deux années.

9- Le développement des structures de jeunesse avec une gouvernance

22
participative

La création de comité de quartier des jeunes à parité (50% de femmes et 50%


d’hommes) permettant de débattre des besoins et des actions pour l’amélioration de
l’environnement de proximité selon la dynamique de la démocratie participative avec
un budget dédié pour les actions de proximité au sein de chaque commune.
Annuellement, les conseils communaux doivent établir un plan d’action jeunesse avec
les représentants de chaque comité. A la fin de chaque année, les élus communaux avec
les représentants de chaque comité en session plénière font le bilan du plan d’action
jeunesse.

Politique 3 : Favoriser la reprise d’études et l’accès à la formation aux jeunes NEET


ruraux

10- Deux curricula délocalisés pour les jeunes ruraux décrocheurs

Mobiliser dans le cadre de l’INDH, les nombreux locaux (centre sociaux-culturels de


proximité, maison des femmes, siège de coopératives) sous-exploités et sous-équipés
construits durant les dix dernières années pour développer des formations dédiées aux
jeunes décrocheurs en milieu rural selon un principe de formation délocalisée.

Un premier curricula sur deux années devrait permettre aux jeunes de valider un
diplôme de secondaire collégial centré sur la remise à niveau et la construction d’un
parcours professionnel associant acquisition de compétences spécifiques et génériques
(soft skills, life skills).

Un second curricula devrait développer des formations professionnelles certifiantes


établies sur une base communautaire. Ces formations seraient pilotées à l’échelle
provinciale et déclinées dans les différentes communes rurales selon un planning de
mutualisation des moyens humains et matériels nécessaires.

Pour assurer l’accessibilité de ces curricula aux femmes, il s’agira de les organiser selon
le principe de la demi-journée et de proposer un service préscolaire ouvert pour les
enfants en bas âge en parallèle.

11- Développer l’accès à l’enseignement professionnel pour les jeunes ruraux

En développant les filières d’enseignement professionnel dans les lycées ruraux dès
l’âge de 15 ans de façon massive pour qu’elle puisse répondre aux attentes des
nombreux jeunes peu attirés par l’enseignement général.

En appuyant les initiatives des collectivités locales, de la société civile et en proposant


plus de structures d’hébergement - internat - dans les collèges et lycées ruraux.

En développant le système de transport scolaire provincial en adéquation avec la


poursuite d’étude secondaire qu’elle soit générale ou professionnelle pour suivre
notamment l’enseignement professionnel de l’OFPPT. L’offre doit être articulée avec
une carte nationale de transport pour les jeunes afin de leur permettre de circuler à
très faible prix ou de recevoir des bons de transport.

En généralisant une bourse d’étude pour les étudiants de l’enseignement professionnel

23
dès l’âge de 15 ans à hauteur de 1000 MAD par mois pour éviter le décrochage précoce
pour raisons financières.

Politique 4 : Prise en charge conjointe des troubles de l’apprentissage et des troubles


psychologiques entre le ministère de l’éducation nationale et le ministère de la santé

12- Diagnostiquer les troubles de l’apprentissage

Diagnostiquer et dépister de façon précoce les troubles spécifiques des apprentissages


de type « dys2 », qui sont durables et qui nécessitent une prise en charge adaptée pour
limiter le décrochage des jeunes dès la première année primaire. Une cellule dédiée au
sein de la délégation provinciale du ministère de l’éducation nationale doit être crée.
Elle aura pour objectif de diagnostiquer l’ensemble des élèves de première année puis
de former le corps professoral aux pédagogies adaptées.

13- Prendre en charge les troubles psychiques

Accompagner les jeunes pour réduire les risques de troubles psychiques notamment
dépressifs qui accentuent les risques de rupture avec toute activité par la création de
cellules d’écoute, de caravanes et d’une ligne téléphonique gratuite, en lien avec le
centre d’appel dédié à la jeunesse, mis en place par le ministère de la santé.

14- Développer un tissu associatif spécialisé autour des questions des troubles de
l’apprentissage

Soutenir les associations et les organisations spécialisées dans la formation spécifique


des jeunes souffrant de troubles de l’apprentissage ou de handicap en favorisant un
déploiement régional selon des principes de cœur de réseaux avec des relais
provinciaux et des points focaux dans chaque établissement scolaire (primaire et
secondaire) afin de pouvoir disposer d’une couverture territoriale optimale.

2 Les troubles « Dys » sont les troubles cognitifs spécifiques et les troubles des apprentissages qu’ils
induisent. On regroupe ces troubles en 6 catégories :
• Les troubles spécifiques de l’acquisition du langage écrit, communément appelés dyslexie et
dysorthographie.
• Les troubles spécifiques du développement du langage oral, communément appelés dysphasie.
• Les troubles spécifiques du développement moteur et/ou des fonctions visuo-spatiales, communément
appelé dyspraxie.
• Les troubles spécifiques du développement des processus attentionnels et/ou des fonctions exécutives,
communément appelés troubles d’attention avec ou sans hyperactivité.
• Les troubles spécifiques du développement des processus mnésiques.
• Les troubles spécifiques des activités numériques, communément appelés dyscalculie.

24
ÉLEMENTS D’INTRODUCTION

Le Maroc présente un des taux de jeunes de 15 à 24 ans ni en étude, ni en emploi, ni en


formation (NEET) parmi les plus élevés du monde. Sur 6 millions de jeunes de 15 à 24 ans, selon
l’enquête Panel des ménages de l’ONDH, la proportion des jeunes NEET dans la population
s’élève en 2017 à 31,5%, soit 1,9 million de jeunes, tandis que 47,7% des jeunes, soit 2,87
millions, poursuivent leurs études, effectuent un stage ou suivent une formation professionnelle
et que 20,8%, soit 1,2 million, exercent un métier.

Cette étude vise à dresser le profil des jeunes ni en étude, ni en emploi, ni en stage (NEET) de 15
à 24 ans au Maroc à travers un diagnostic et une analyse qualitative territorialisée, et ce en
complémentarité avec les travaux quantitatifs menés par l’Observatoire national du
développement humain (ONDH) et la Banque Mondiale. Elle propose de comprendre l’origine et
le contexte de l’exclusion de ces NEET, les obstacles auxquels ils sont confrontés et les ayant
menés à cette situation d’une part. Et d’autre part, d’identifier les mécanismes pour une
insertion économique et sociale efficiente de cette catégorie de population.

Cette étude s’inscrit en complémentarité des études statistiques réalisées à partir du panel
ONDH. Elle vise donc à documenter qualitativement les parcours des jeunes, femmes et hommes,
de 15 à 24 ans pour mieux comprendre leurs trajectoires.

La catégorie de jeunes que sont les NEET ne sont pas un groupe homogène. À cet effet, la
présente étude vise à affiner davantage leur profil déjà établi par l’étude quantitative en cours de
finalisation (ONDH-Banque Mondiale), et à proposer un certain nombre de recommandations et
d’interventions adaptées, répondant aux besoins de chacun des profils NEET.

UN OBJECTIF DU DEVELOPPEMENT DURABLE NON ATTEINT

Cette situation s’explique par les dysfonctionnements du système éducatif qui ne correspond pas
aux attentes d’une large partie de la jeunesse favorisant les décrochages précoces et par la
faiblesse du marché de l’emploi qui propose très peu d’opportunités aux jeunes.

L’offre de formation est principalement tournée vers l’enseignement général avec peu de
stratégie de remédiation. La formation professionnelle est concentrée dans les espaces urbains
et principalement les chefs-lieux de province, tout comme les dispositifs innovants de prise en
charge de la jeunesse. Les politiques de jeunesse sont finalement peu évaluées et peu concertées,
laissant de fait de nombreux jeunes de 15 à 24 ans démunis dès qu’ils rencontrent des obstacles
qu’ils soient d’ordre personnel, familial ou scolaire. La mobilisation récente des acteurs
institutionnels se traduit par des dispositifs éclatés et sous-dimensionnés en termes de besoin.

“D’ici à 2020, réduire considérablement la proportion de jeunes non scolarisés et sans emploi ni
formation” (ODD 8.2) est donc l’un des deux ODD que le Maroc n’arrive pas à atteindre.

Or, il apparaît un problème macro-économique de cercle vicieux. L’afflux de jeunes n’ayant pas
achevé leur cycle de formation ou disposant de faibles compétences amène à un très fort sous-
emploi offrant peu de rémunération aux jeunes mais aussi peu d’opportunités d’acquérir des
compétences professionnelles valorisées sur le marché de l’emploi. Il apparaît donc une
distorsion du marché de l’emploi marocain. Les emplois créés par les entreprises formelles et les
administrations publiques sont peu nombreux tandis que les jeunes peu qualifiés sont très

25
nombreux. Les exclus du marché de l’emploi sont donc de plus en plus nombreux et finalement
nourrissent une très faible dynamique productive nationale amenant à une baisse continue du
taux d’activité pour tous les niveaux de diplôme mais aussi pour toutes les tranches d’âge. Cette
distorsion se traduit par de faibles opportunités pour les entreprises qui finalement créent
encore moins d’emplois salariés de qualité. Il s’agit donc ici de réactiver une dynamique positive
par une formation de qualité et des politiques d’intégration ciblant l’âge charnière de 15 ans qui
amènera mécaniquement à une réduction immédiate du nombre de NEET précoces non
diplômés mais aussi de jeunes chômeurs. Cette formation doit se faire aussi au sein des
entreprises en généralisant les modalités de stage, d’alternance et d’apprentissage qui
permettront aux jeunes d’intégrer le monde professionnel en mobilisant les chambres
professionnelles et les organisations patronales.

Au regard de la situation marocaine et de la baisse continue du taux d’activité sans amélioration


de la poursuite d’études, le taux de chômage est un indicateur positif qui indique un désir de
participation à la sphère productive et le maintien de relations avec les institutions dans le cadre
d’une recherche active d’emploi. En effet, l’ampleur du phénomène de NEET inactifs ou
découragés soit qui renoncent à solliciter les administrations et les entreprises dans la
recherche d’emploi est beaucoup plus inquiétante. Ainsi, sur 1,9 million de NEET, seulement
450 000 jeunes sont considérés comme des chômeurs en recherche active d’emploi soit à peine
25% des NEET. Cette focalisation sur cette catégorie amène à des politiques publiques
dysfonctionnelles et inopérantes pour permettre une amélioration généralisée de la sphère
productive marocaine. L’obsession politique de recherche de solutions pour le diplômé
chômeur, qui ne concerne qu’une toute petite part des NEET, favorise actuellement les politiques
dites de ciblage autour de l’excellence qui ne font qu’aggraver les inégalités socio-territoriales et
renforcer les dynamiques d’exclusion sans assurer un cadre macro-économique favorable à un
développement généralisé et partagé. Au contraire, elle génère des sentiments d’injustice socio-
territorialisés qui nourrissent des mouvements de contestation localisés de plus en plus
radicaux.

L’analyse statistique à partir du panel ONDH révèle des inégalités socio-territoriales


importantes.

Ainsi en 2017, 47,5% des jeunes femmes de 15 à 24 ans (soit 1,4 million de femmes), sont
considérées comme des NEET contre seulement 16% des jeunes hommes (480 000 hommes).
Les jeunes femmes représentent ainsi 75% des NEET. De même en 2015, 39,7% des jeunes
ruraux, soit 960 000 jeunes, sont considérés comme NEET contre seulement 21,7% des jeunes
urbains, soit 765 000 jeunes. Les NEET ruraux sont donc légèrement plus nombreux que les
NEET urbains alors que 60% des jeunes vivent en ville. Enfin, la proportion des NEET est
estimée à 40% pour les jeunes issus des 20% ménages les plus pauvres du Maroc contre 22,9%
pour ceux issus des 20% des ménages les plus aisés. Ainsi, seulement 34,4% des jeunes de 15 à
24 ans issus des 20% des ménages les plus pauvres poursuivent leurs études contre 62,9% pour
les 20% plus riches.

Ces inégalités socio-territoriales perdurent dans le temps selon les différentes vagues du panel
ménage ONDH, 2012, 2013, 2015 et 2017.

Le premier élément est l’arrêt plus précoce des études en milieu rural ainsi seuls 33% des jeunes
ruraux âgés entre 15 et 24 ans qui ont été en école ou formation en 2012 le sont en 2017, 34,8%

26
sont devenus actifs occupés tandis que 32% sont devenus NEET. En revanche, Les jeunes
citadins scolarisés en 2012 poursuivent leurs études en 2017 à 49,7%, 21,3% ont décroché un
travail et 29% sont devenus des NEET.

Ces inégalités scolaires sont doublées d’inégalités dans l’accès à l’emploi. Parmi les jeunes qui
ont arrêtés leurs études en 2017, les femmes sont plus nombreuses à devenir NEET, 43%, contre
22% pour les hommes. Ces derniers sont 35,3% à devenir des actifs occupés dans les 5 années
après l’arrêt de leurs études contre seulement 13,3% des femmes.

Au final, les études longitudinales révèlent que parmi l’ensemble des jeunes femmes NEET en
2012 et en 2017, 88% sont restées NEET et uniquement 10,5% ayant décroché un emploi et 2%
ont poursuivis leurs études. Au contraire, seulement 25,5% des jeunes hommes NEET en 2012
sont toujours NEET en 2017, 69,5% sont devenus des « actifs occupés » et 6% sont retournés en
étude ou formation professionnelle. Ces inégalités de genre sont doublées d’inégalités de milieu
de vie ainsi 74% des jeunes NEET ruraux de 2012 sont restés NEET en 2017 tandis que 24%
sont devenus actifs occupés et 2% sont retournés en études. En revanche, 60% des jeunes NEET
urbain en 2012 sont NEET en 2017, tandis que 33,7% sont devenus des « actifs occupés » et 6%
ont repris un parcours de formation.

Par ailleurs, les femmes déclarées comme employées en 2012 ont beaucoup plus de mal à rester
en activité que les hommes. Ainsi, 68,4% sont NEET en 2017 et aucune d’entre-elles ne poursuit
d’études ou suit une formation. En revanche, 89% des jeunes hommes employés en 2012 est
toujours en emploi en 2017, seulement 7,6% sont devenus NEET tandis que 3,3% ont continuent
leurs études ou effectuent une formation professionnelle pour le titre de l’année 2017.

Cependant, les jeunes ruraux actifs occupés en 2012 restent actifs à 87,6% pour seulement
71,7% des jeunes actifs urbains. Ainsi, pour les jeunes actifs en 2012, pour les jeunes ruraux,
10,6% sont devenus NEET, contre 20,7% pour les urbains. Cependant, les jeunes urbains actifs
reprennent plus facilement des études ou une formation à 7,5%, alors que cette situation est
beaucoup plus rare pour les jeunes actifs ruraux 1,8%.

UNE ENQUETE AUPRES DES ACTEURS DES POLITIQUES DE JEUNESSE

Les dispositifs de politiques publiques adressés aux jeunes et aux NEET ont été interrogés afin
de connaître l’état actuel de la prise en charge des jeunes fragilisés socialement et en manque
d’insertion sociale qui ont été interrogés lors des enquêtes terrain au Maroc dans six régions
dans lesquelles s’est déroulé l’enquête qualitative de terrain.

Le protocole d’enquête a touché des acteurs institutionnels, ONG, ministères concernés ainsi que
les dispositifs de coopération internationale qui tiennent une place importante tant dans la
prescription des modèles que des propositions apportées en termes de politiques publiques et
leurs financements. La plus grande partie des acteurs ont été disponibles pour une rencontre de
visu, certains par téléphone afin de répondre à une grille d’entretien élaborée sur une
méthodologie d’entretien semi-directif qui a pu être mené à bien avec différents objectifs.

1) Comprendre si le concept ou la catégorie « NEET » est considérée comme une catégorie


opératoire des politiques publiques au Maroc ;
2) Savoir quels sont les acteurs principaux s’adressant aux jeunes fragilisés socialement de
15 à 24 ans et quelles méthodologies ont été appliquées ou prescrites dans leurs
politiques publiques ;

27
3) Recenser les programmes existants et en préparation s’adressant à cette catégorie de
population ;
4) Connaître sommairement l’adéquation des moyens déployés avec les besoins ;
5) Décrire la coordination et la convergence des actions et programmes envers les jeunes
de 15 à 24 ans ;
6) Recueillir les évaluations des politiques et des programmes conduits ;
7) Recommander des orientations d’action ou souligner les bonnes pratiques.

Au total 40 entretiens auprès de 30 institutions différentes ont été conduits soit plus de 100
heures d’entretien au total complétés par des recherches documentaires.

Ces entretiens nous ont permis d’établir une cartographie des parties prenantes des
programmes ciblant les jeunes qui ne sont « ni en études, ni en formation, ni en emploi ». Elle
permet de disposer d’un état des lieux actualisé du cadre institutionnel dans lequel les jeunes se
retrouvent.

UNE ENQUETE QUALITATIVE POUR MIEUX COMPRENDRE LES TRAJECTOIRES

Si des corrélations statistiques peuvent être établies à partir du panel ménage de l’ONDH, il
apparaît difficile de comprendre les moments clés de rupture et du basculement dans la
catégorie de NEET. Il a donc été nécessaire de développer des entretiens afin d’identifier la plus
grande variété possible de profils de jeunes de 15 à 24 ans et collecter leur avis individuellement
et/ou collectivement.
Figure 4 Carte des localités de déploiement de l’enquête

28
L’enquête a donc été menée dans 23 sites, dispersés dans six régions : Tanger-Tétouan-Al
Hoceima, Oriental, Fès-Meknès, Casablanca-Settat, Marrakech-Safi et Guelmim-Oued Noun. Pour
chaque région, l’enquête a concerné la capitale régionale, un chef-lieu de province, un centre
émergent, une commune rurale (exception faite de Guelmim-Oued Noun où l’enquête n’a pas été
menée dans un centre émergent). Dans chacun des sites, l’enquête s’est déroulée auprès de
jeunes mineurs, de jeunes majeurs, des deux sexes. Une équipe d’enquêteur de 7 à 15 personnes
était déployée dans le site identifié sur une journée avec pour objectif de réaliser une vingtaine
d’entretiens dans des quartiers différents.

L’objectif était de recueillir la parole de jeunes en situation différentes. Il a donc été choisi de
cibler quatre catégories différentes non représentatives statistiquement au sein des NEET mais
nécessaires pour comprendre les trajectoires des différentes catégories de jeunes. Il a donc été
choisi d’enquêter des mineurs et des majeurs des deux sexes qui n’étaient ni en emploi ni en
stage au moment de l’entretien. Le choix d’enquêter autant de mineurs que de majeurs était
aussi opéré afin de mieux cerner les profils des décrocheurs précoces pour lesquels peu de
politiques publiques ont été déployées. Cette contrainte était parfois particulièrement difficile à
respecter du fait de la rareté de certains profils comme les jeunes femmes urbaines ayant
abandonné leurs études de façon précoce. En effet, du fait de la généralisation de l’enseignement
secondaire, ces dernières poursuivent massivement leurs études. De même, les jeunes hommes
majeurs en milieu rural sont très rarement NEET du fait d’un éthos collectif de recherche active
d’emploi. Cependant, l’effort d’enquêter ces catégories statistiquement minoritaires permet de
mieux comprendre les facteurs de rupture. Ponctuellement, il est apparu dans une minorité de
cas que certains jeunes n’avaient pas encore 15 ans mais 14 ans ou que d’autres venaient de
fêter leurs 25 ans. Ces entretiens ont tout de même été menés à terme. Enfin, il a été décidé de
doubler les entretiens à Casablanca du fait de l’importance de cette ville démographiquement
mais aussi dans les parcours de nombreux jeunes NEET.
Tableau 3 Distribution des entretiens et des groupes de parole par localités, sexe et catégorie d’âge

Entretiens individuels Groupes de parole


Femmes Hommes Femmes Hommes
Région Localité Type Maj. Min. Maj. Min. Maj. Min. Maj. Min.
Tanger- Tanger Chef-lieu de région 4 4 6 5 1 1 1 1
Tétouan-Al Tétouan Chef-lieu de province 6 6 6 6 1 1 1 1
Hoceima
Chefchaouen Centre émergent 6 6 8 5 1 1 1 1
Al Hamra Commune rurale 1 0 3 0 0 0 0 0
Oriental Oujda Chef-lieu de région 6 6 6 6 1 0 1 1
Berkane Chef-lieu de province 6 6 6 6 1 1 1 1
Ahfir Centre émergent 6 6 6 6 1 1 1 1
Ahl Angad Commune rurale 6 6 6 6 1 1 1 1
Casablanca- Casablanca Chef-lieu de région 12 12 12 12 1 1 1 1
Settat El Jadida Chef-lieu de province 6 3 7 4 1 1 1 1
Had Soualem Centre émergent 8 5 8 4 1 1 1 1
Dar Chafai Commune rurale 6 6 8 6 1 1 1 1
Fès-Meknès Fès Chef-lieu de région 6 5 8 6 1 1 1 1
Missour Chef-lieu de province 6 6 6 6 1 1 1 1
Azrou Centre émergent 6 4 7 5 1 1 1 1
Bitit/Iqqadar Commune rurale 6 6 6 6 1 0 1 1
Marrakech- Marrakech Chef-lieu de région 6 6 9 7 1 0 1 1
Safi Ben Guerir Chef-lieu de province 3 0 7 7 1 0 1 1

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Amizmiz Centre émergent 8 7 6 6 1 1 1 1
Imintala Commune rurale 6 5 7 6 1 1 1 0
Guelmim- Guelmin Chef-lieu de région 6 6 6 6 1 1 1 1
Oued Noun Sidi Ifni Chef-lieu de province 6 6 6 5 1 1 1 1
Taghjijt Commune rurale 6 6 6 6 1 1 1 1
Total 23 138 123 156 132 22 18 22 21

La majorité des jeunes NEET ne sortant pas de l’espace domestique (tout particulièrement les
femmes), il a été mis en place plusieurs dispositifs d’identification : la mobilisation
d’associations de quartier ou de village, le recours à des chercheurs ayant une fine connaissance
de la localité, la mobilisation des autorités locales (chioukh-s et moqqadmine-s), la
recommandation de proche en proche, le porte à porte, et enfin l’enquête dans les espaces
publics massivement fréquentés par des NEET (tout particulièrement pour les hommes). Ces
jeunes se sont ensuite entretenus avec un enquêteur selon le principe d’un entretien semi-
directif contenant de nombreuses questions de relance pour permettre aux jeunes de pouvoir
s’exprimer sur leur situation (annexe 4). Les entretiens semi-directifs ont été doublés de
groupes de parole par catégorie : femmes mineures, femmes majeures, hommes mineurs,
hommes majeurs. De nombreux jeunes ont parfois des difficultés d’expression soit par timidité,
soit par manque de vocabulaire pour décrire leur situation. Le protocole a préféré démultiplier
les questions de relance plutôt que de se focaliser sur des jeunes plus à même de s’exprimer du
fait de leur personnalité ou de leur niveau d’étude (annexe 5).

La parole de ces jeunes est souvent difficile à recueillir car si elle décrit avec acuité des situations
particulières en même temps, elle ne peut être considérée comme définitive. Les projets ne sont
pas encore figés et les situations apparaissent à même d’être modifiées du fait de multiples
opportunités, parfois au jour le jour. Ainsi, la situation du jeune peut basculer dès le lendemain
vers une situation plus favorable ou au contraire plus défavorable3. Le rappel de 153 jeunes au
mois de juin 2020 a permis de confirmer cette hypothèse.

UNE DEUXIEME PHASE D’ENQUETE DURANT LE CONFINEMENT

Du fait de la situation exceptionnelle du second trimestre 2020, une seconde enquête


téléphonique auprès des mêmes jeunes durant la première semaine de juin 2020 a été
développée. L’équipe a recontacté tous les jeunes qui avaient communiqué leurs coordonnées
téléphoniques en fin du premier entretien en 2019. Ainsi, 153 ont pu être recontacté et
participer à un deuxième entretien téléphonique cette fois-ci. Cet entretien semi-directif a pris la
forme d’un échange d’une quinzaine de minutes sur l’évolution de leur situation au cours des
dix derniers mois, leur vécu du confinement et leurs aspirations futures (annexe 6).

Cette enquête complémentaire par téléphone n’a concerné qu’une partie du panel premier (153
jeunes). En effet, se sont majoritairement les jeunes adultes les plus intégrés qui ont pu être
recontactés car disposant d’un téléphone et surtout ayant conservé le même numéro entre les
deux moments d’enquête.

3 Lors de l’enquête, de nombreux jeunes étaient dans une situation de transition, certains étaient en
recherche active d’emploi, d’autres venaient de quitter un emploi, d’autres étaient en rupture avec leur
famille, d’autres encore étaient dans l’attente d’une reprise d’étude ou d’un début d’emploi, enfin certaines
femmes espéraient se marier dans les semaines à venir.

30
Cette deuxième vague d’enquête a permis alors de compléter les parcours de vie notamment en
ce qui concerne les opportunités de reprise d’étude, d’accès à une formation ou d’accès à
l’emploi. Elle a permis aussi de comprendre les effets du confinement sur cette catégorie
particulière de jeunes.

Tableau 4 Distribution des entretiens téléphoniques menés en juin 2020 par localités, sexe et catégorie d’âge

Femme Homme
Région Localité Type Majeure Mineure Majeur Mineur
Tanger-Tétouan-Al Hoceima Tanger Chef-lieu de région 1 0 1 1
Tétouan Chef-lieu de province 1 2 0 1
Chefchaouen Centre émergent 1 0 1 2
Al Hamra Commune rurale 0 0 1 0
Oriental Oujda Chef-lieu de région 1 2 0 2
Berkane Chef-lieu de province 3 1 3 1
Ahfir Centre émergent 3 1 0 1
Ahl Angad Commune rurale 2 2 0 4
Casablanca-Settat Casablanca Chef-lieu de région 2 1 6 0
El Jadida Chef-lieu de province 2 1 1 0
Had Soualem Centre émergent 3 1 2 0
Dar Chafai Commune rurale 0 0 9 2
Fès-Meknès Fès Chef-lieu de région 2 1 3 0
Missour Chef-lieu de province 4 0 6 0
Azrou Centre émergent 1 1 4 0
Bitit/Iqqadar Commune rurale 2 0 5 1
Marrakech-Safi Marrakech Chef-lieu de région 9 0 5 0
Ben Guerir Chef-lieu de province 2 0 7 0
Amizmiz Centre émergent 4 1 6 0
Imintala Commune rurale 4 1 3 2
Guelmim-Oued Noun Guelmin Chef-lieu de région 2 0 2 0
Sidi Ifni Chef-lieu de province 0 1 3 1
Taghjijt Commune rurale 1 1 0 0
Total 23 50 17 68 18

UN AGE DE TOUS LES POSSIBLES ? DES PARCOURS DIVERGENTS

La collecte de ces nombreux parcours de vie permet alors de saisir la complexité de ce moment
charnière des 15-24 ans. C’est effectivement un âge de tous les possibles. Les multiples profils
documentés ici attestent de ces trajectoires non linéaires où de nombreux jeunes cherchent sans
cesse à saisir de nouvelles opportunités. La non-linéarité apparaît comme une caractéristique
première. Les 15-24 ans constituent un âge charnière du basculement des dispositifs
d’instruction à l’entrée dans la vie active. Cet âge est parfois plus précoce pour certains amenant
à des parcours parfois très complexes de jeunes qui doivent trouver des ressources en dehors
des cadres institutionnels préétablis. La faible poursuite d’études secondaires après le cycle
collégial et la faible conversion du secondaire qualifiant vers des études supérieures amènent de
nombreux jeunes à démultiplier les projets économiques à un âge précoce. Les investigations se
sont donc focalisées sur les situations de transition.

31
Pour autant, nombre de jeunes, et tout particulièrement les jeunes femmes, ont aussi le
sentiment d’arriver dans des situations sans horizon. Les emplois salariés correctement
rémunérés et accompagnés de droits sociaux sont rares. Ils nécessitent un diplôme écartant de
fait la majorité des jeunes décrocheurs précoces. Ces derniers sont assignés aux emplois très
faiblement rémunérés, sans droits sociaux, n’offrant que peu d’avenir. Enfin, nombre d’entre eux
basculent dans un mode de vie NEET extrêmement anxiogène, les jeunes femmes sont assignées
aux tâches domestiques et voient leur espace social se restreindre à la cellule familiale, les
jeunes hommes basculent dans un rythme de vie alternatif centré sur des espaces de sociabilité
(le café, la rue) cumulant désœuvrement et addictions.

La multitude des entretiens menés amène à écouter des voix très différentes entre les villages
reculés et les grandes métropoles, il apparaît à la fois de multiples configurations mais aussi des
récurrences dans les parcours de vie.

L’objectif de cette étude n’est pas de figer une jeunesse marocaine NEET mais plutôt de
souligner la diversité des profils de jeunes en attente de politiques publiques spécifiques pour
leur permettre de construire des avenirs désirables. Même si l’enquête s’est focalisée sur la
question formation et emploi, de nombreuses questions ont aussi porté sur la qualité de vie en
général : la relation à la famille, aux amis, aux institutions, les loisirs, l’engagement et les désirs
pour le futur. Ainsi, il a été possible de replacer les enquêtés dans leur environnement et surtout
de comprendre leur choix à travers une approche holistique.

LA PERMANENCE DES GRANDS CLIVAGES

L’enquête statistique tirée de l’étude du panel de l’ONDH fait émerger des grands clivages qu’il
est possible de qualifier par l’enquête qualitative.

Le clivage entre les femmes et les hommes est particulièrement fort. Les femmes restent encore
massivement assignées aux tâches domestiques, une proportion qui augmente dans le milieu
rural mais aussi dans le milieu urbain. Si elles arrêtent leurs études et si elles n’ont pas d’emploi,
alors elles sont intégrées dans l’économie domestique aux tâches ménagères (nettoyage,
préparation des repas, mais aussi participation ponctuelle à la production dans l’exploitation
agricole familiale) afin d’aider leurs mères et leurs familles qui peuvent développer alors
d’autres activités. Cela peut équivaloir aussi à un travail domestique non rémunéré même si il
apparaît un recul des activités économiques domestiques. Ces jeunes femmes sont aussi dans
une situation paradoxale. Elles sont souvent décrites par les hommes comme avantagées pour
accéder aux emplois salariés dans les secteurs industriels et des services. Or, statistiquement,
elles ont un taux d’activité très faible et lorsque ponctuellement, elles sont massivement
recrutées par une entreprise, c’est avant tout parce qu’elles acceptent des niveaux de
rémunérations très faibles compte tenu de la situation socio-économique vulnérable et de leur
employabilité difficile en comparaison avec les hommes. Il se traduit donc une forte pression
faite sur ces femmes qui sont aujourd’hui dans les mêmes injonctions que les hommes : accéder
à l’emploi rémunéré sans pour autant accéder à des revenus conséquents. L’absence de
perspective d’emploi est souvent compensée par un mariage précoce considéré comme une
alternative pour accéder à un statut socialement enviable, comme la décohabitation avec les
parents mais aussi l’accès à la ville pour les femmes issues du monde rural. Pour autant, les
femmes mariées ne renoncent à la recherche d’emploi que lorsqu’elles ont des enfants en bas
âge. En effet, elles restent très fortement demandeuses d’opportunités monétaires et donc de

32
formations adaptées pour pouvoir concilier leur vie d’épouse, de mère et une activité
génératrice de revenus.

Le clivage entre les milieux de vie est aussi déterminant. Le monde rural et tout particulièrement
l’entité du douar apparaît bien souvent comme incapable d’offrir des opportunités d’emploi
rémunératrices satisfaisantes dans de nombreux cas. L’agriculture familiale à faible revenu est
considérée comme une activité secondaire souvent déclarée comme une occupation lorsque
l’exploitation est trop petite, tournée vers l’élevage d’engraissement ou vers des activités
saisonnières comme l’arboriculture ou la céréaliculture pluviale. La modernisation de
l’exploitation n’est pas un gage de création d’emplois nouveaux et surtout elle ne garantit pas la
rentabilité de l’activité agricole toujours soumises aux contraintes de marché et aux aléas. Les
emplois désirables sont donc avant tout des emplois urbains tout comme les perspectives
entrepreneuriales les plus rentables. Les jeunes ruraux ayant accès à des emplois salariés
travaillent le plus souvent en lien avec les boutiques permanentes à proximité du souk ou des
activités liées à l’économie résidentielle (BTP, tourisme). Les autres développent des petites
activités entrepreneuriales souvent liées au souk qui sont hebdomadaires et faiblement
rémunératrices. Toutes ces activités offrent des revenus beaucoup plus faibles que dans les
métropoles régionales et amènent les jeunes à constamment s’interroger sur le coût/avantage
de la mobilité vers des villes où les opportunités sont plus nombreuses mais les frais de
logement et de nourriture beaucoup plus élevés.

Pour autant, il est difficile d’établir une corrélation linéaire entre NEET et gradient d’urbanité.
Cela dépasserait le cadre de cette étude pour aborder les dynamiques rurales-urbaines dans leur
globalité. En effet, la grande ville est aussi un lieu particulièrement dur pour les jeunes qui
décrivent des conditions de vie pénibles pour accéder à des emplois souvent mal rémunérés,
nécessitant d’importants temps de transport. La grande ville est aussi un lieu de dérive de jeunes
en rupture avec leur famille et les institutions. Les grandes métropoles comme Casablanca, Fès,
Tanger, Marrakech, Oujda abritent des jeunes en grande précarité vivant parfois dans des
conditions extrêmes de dénuement et inscrits dans des réalités particulièrement violentes.
Enfin, les villes moyennes et les centres émergents connaissent des dynamiques économiques
très différentes qui se traduisent par des horizons divergents pour les jeunes. Certaines villes
moyennes comme Had Soualem connaissent une croissance rapide avec des opportunités
d’emploi tandis que d’autres, comme Sidi Ifni, sont en revanche marquées par une réelle
stagnation malgré les investissements publics dans la formation secondaire et professionnelle.
Enfin, les centres émergents apparaissent comme conservant des liens importants avec l’activité
agricole tout en disposant d’un taux d’équipement faible souvent limité à quelques quartiers.

Enfin, le clivage entre les mineurs et les majeurs est particulièrement fort et apparaît comme peu
pris en compte. En effet, les mineurs sont beaucoup plus vulnérables dès qu’ils rompent avec
l’institution scolaire. Ils bénéficient finalement de très peu d’opportunités d’emplois rémunérés.
Ces décrochages scolaires précoces sont souvent regrettés s’ils ne sont pas corrigés par un accès
à la formation professionnelle diplômante qui reste peu accessible aux mineurs. De plus, si ces
mineurs rompent avec leur famille ou subissent des pressions fortes les amenant à chercher des
revenus, ils se retrouvent dans des trajectoires particulièrement exposées aux violences et aux
addictions. Les mineurs apparaissent en fait comme un angle mort des politiques publiques car
si les institutions souhaitent lutter contre le travail précoce des mineurs, elles apparaissent
comme incapables d’accompagner la réalité sociale des mineurs issus de familles marquées par

33
la pauvreté où la nécessité de la participation de ces mineurs aux revenus du ménage est très
forte.

Il ne s’agit donc pas de simplement croiser l’âge, le genre et le milieu de vie pour comprendre les
jeunes NEET marocains car parmi eux, un nombre croissant s’avère être en circulation et change
rapidement de milieu de vie au gré des opportunités. Bien sûr, certains rencontrent de
nombreuses difficultés à se déplacer et tout particulièrement les femmes issues du monde rural
mais les enquêtes localisées ont amené à écouter de très nombreux jeunes inscrits dans des
dynamiques circulatoires complexes au gré des opportunités.

DES CATEGORIES DE NEET NECESSITANT DES POLITIQUES PUBLIQUES


DIFFERENCIEES

L’analyse statistique du panel ONDH a fait émerger cinq catégories :

La principale est « Femmes au foyer rurales à responsabilité familiale » (54,3% des NEET). Il
s’agit d’un groupe à précocement mariées en majorité. Ces jeunes femmes rurales n’ont pas
achevé leurs études. La majorité d’elles sont issues d’un milieu de niveau social modeste (54%
du premier et du deuxième quantile) en plus d’un environnement familial caractérisé par
l’analphabétisme et le préscolaire dans les meilleurs des cas.

La seconde est composée des « Jeunes citadins découragés », 25% des NEET. Composé par des
jeunes célibataires, issus pratiquement de l’ensemble des couches sociales à l’exception des 20%
les plus riches. Leurs parents, avec des niveaux d’instructions très bas, n’arrivent pas à leurs
transférer un capital culturel et un accompagnement pour finaliser leurs études. Plus de 70%
entre eux ont un diplôme moyen (primaire ou collégial). Ils sont démotivés et en difficulté
d’insertion. Exposés à des comportements déviants, constituant ainsi un risque pour eux-mêmes
et pour la société.

La troisième comprend « les NEET volontaires » (7,5%), les jeunes appartenant à ce groupe
semblant assumer leur inactivité. Ce groupe rassemble des jeunes célibataires citadins en
majorité avec un capital humain élevé. Composé de plus 70% des jeunes filles, avec un niveau
d’instruction élevé (50% du supérieur). Ce groupe est issu d’un cadre familial bénéficiant à la
fois d’une origine sociale élevé (61% du 5ème quantile et 23% du 4ème quantile) et fort capital
humain (57% des chefs de ménage ont un diplôme d’études supérieures).

La quatrième est composée des « NEET souffrant de problèmes de santé » (5,1% du total) des
maladies chroniques (24%) et des handicapés. Ces jeunes sont tous célibataires avec un niveau
d’instruction faible. 74% d’entre eux sont sans diplôme 80% d’entre eux vivent dans un cadre de
vie pauvre (62% dans le 1er quantile et 18% dans le 2ème quantile) et la majorité dans le monde
rural (83%). Ils sont donc dans une grande précarité.

Le cinquième groupe les « NEET en situation de transition » représente 7,8% et apparaît peu
vulnérable ; il ne cumule aucun des problèmes étudiés : ils sont issus pratiquement de
l’ensemble des couches de la société. Citadines, célibataires et de sexe féminin, ces jeunes vivent
dans un cadre familial caractérisé par un capital humain faible. 87% d’entre elles ont le niveau
collégial ou qualifiant.

34
L’étude de terrain qualitative amène à discuter de la plasticité de ces profils pour mieux
comprendre les attentes de ces jeunes. Le phénomène des NEET souligne très fortement les
difficultés cumulées de certaines catégories de jeunes qui doivent être comprises au prisme de
l’intersectionnalité4.

En effet, les NEET sont principalement des femmes rurales, issues de famille pauvres dont les
chefs de famille ont un faible niveau d’étude. Elles rompent de façon précoce avec le système
scolaire du fait des très faibles opportunités de formation adaptées et accessibles. Par
conséquent, ce groupe majoritaire cumule les discriminations structurelles au Maroc et amène à
un biais statistique dans l’analyse du phénomène des NEET à l’échelle nationale. Elles
représentent plus de la moitié des NEET sans perspective réelle de quitter ce statut, basculant
ensuite dans la catégorie des femmes au foyer considérées comme inactives.

Nous proposons ici de réorganiser ces profils pour mieux comprendre les trajectoires de ces
jeunes et ainsi permettre de mieux appréhender la particularité de leurs situations.

Il nous apparaît important de séparer les jeunes ruraux, des jeunes urbains car malgré le
déploiement rapide des politiques publiques marocaines et des infrastructures, ce clivage reste
structurant pour les jeunes. Ainsi, les jeunes NEET ruraux et tout particulièrement les femmes
apparaissent comme un profil particulier pour lequel une politique dédiée doit être déployée. En
revanche, les jeunes NEET urbains s’approchent beaucoup plus des catégories européennes
amenant à différencier la durée de chômage, la volonté hédoniste d’être NEET, le découragement
et la rupture avec l’ordre social.

Nous déclinons ces catégories de NEET comme suite :

« Femmes au foyer rurales à responsabilité familiale » (54,3% des NEET)

Les jeunes femmes rurales apparaissent bien comme une catégorie dominante avec très peu de
perspectives de participation à la sphère productive en dehors de l’économie domestique où
elles ne sont aucunement rémunérées. Par ailleurs, les gains de productivité agricole et la
spécialisation vers des productions saisonnières ne leur offrent que peu de place au sein des
exploitations familiales où ces tâches sont massivement assurées par leurs parents. Par ailleurs,
les campagnes marocaines créent très peu de perspectives d’emploi de transformation ou de
services massivement concentrés dans les villes. Enfin, le mouvement coopératif présenté
comme une solution pour les femmes rurales offre finalement extrêmement peu d’opportunité
pour les jeunes filles de 15 à 24 ans. La principale perspective de ces jeunes filles devient alors le
mariage précoce et le fait de fonder une famille en se réalisant en tant que mère de famille, soit
là encore en dehors de la participation à une activité marchande rémunérée. Pourtant, le désir
de mariage précoce ne doit pas être analysé comme un trait culturel mais davantage comme une
stratégie d’émancipation de la cellule familiale parentale, ainsi que l’accès à de nouvelles
opportunités par la décohabitation et éventuellement l’installation en ville. Enfin, ces jeunes

4L’intersectionnalitévise à analyser les dynamiques sociales en mettant en avant des catégories


d’individus subissant simultanément plusieurs formes de stratification, domination ou de discrimination
dans une société. En l’occurrence, dans le cas marocain, les jeunes femmes rurales apparaissent comme
subissant de multiples formes de discrimination.
Kimberlé Crenshaw, « Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Feminist Critique of
Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics », University of Chicago Legal Forum,
1989, p. 139-167.

35
femmes restent massivement à la recherche d’opportunités de formation pour pouvoir
développer une activité économique rémunératrice complémentaire de leurs engagements
familiaux à tous les moments de leur vie.

« Les jeunes ruraux en transition entre deux phases de mobilité »

En revanche, les jeunes hommes compensent cette situation partagée de faible opportunité de
formation initiale et d’emploi rémunéré par une mobilité continue en démultipliant les séjours
dans les villes pour accéder à des formations auprès de professionnels, à des emplois salariés ou
pour pouvoir créer une petite activité entrepreneuriale. L’espace rural apparaît alors comme un
lieu de repli et de repos entre deux phases actives en dehors du village. Ce mode de vie s’inscrit
dans une tradition familiale et reste peu accessible aux jeunes femmes. Par conséquent, les
jeunes hommes ruraux sont massivement actifs et restent actifs sur la durée. Les jeunes hommes
ruraux rejoindraient alors la catégorie des NEET de façon plus temporaire en étant le plus
souvent en transition : soit un moment entre deux opportunités, qui peut être un moment de
repos, de réflexion ou de préparation d’un projet économique ou de mobilité. Des jeunes femmes
issues du monde rural, certes moins nombreuses, peuvent entreprendre un parcours similaire.

« Des jeunes citadins découragés ? »

La seconde catégorie des jeunes citadins découragés (25% des NEET) nécessite réflexion car elle
apparaît comme très poreuse avec celle des jeunes NEET en transition (7,8%) et celle des jeunes
NEET volontaires (7,5%).

Ainsi, les enquêtes montrent comment les jeunes urbains sont davantage marqués par des
phases de découragement du fait de la présence de nombreuses institutions accessibles mais
finalement considérées comme inefficaces pour réaliser leurs attentes d’autonomie financière.
Ils apparaissent comme plus exigeant vis à vis du système de formation mais aussi plus souvent
découragés par la difficulté à intégrer un emploi à même de leur offrir des perspectives
économiques satisfaisantes. Il est donc important de mieux qualifier les trajectoires allant de la
recherche active d’emploi au découragement puis à la rupture avec l’ordre social. En effet,
nombre de jeunes urbains multiplient les démarches et les emplois temporaires avant de se
décourager et de finalement s’orienter vers des alternatives qui peuvent être soit des économies
illégales doublée d’addictions à plusieurs types de psychotropes ou mobiliser toute leur énergie
dans un projet d’émigration. Il s’agit donc de trajectoires et non d’une situation définitive. La
distinction est souvent la durée de cette phase de NEET et le basculement ou non dans un mode
de vie déconnecté du marché de l’emploi. Il en est de même pour certains jeunes hédonistes qui
sont considérés comme des NEET par choix. Ces derniers bénéficient d’un fort soutien familial et
sont donc dans une phase temporaire où ils privilégient des passions ou des loisirs du fait d’un
confort matériel. Ils ne sont donc pas soumis à l’urgence de la recherche d’emploi à n’importe
quel prix. Ils peuvent donc se donner du temps pour construire leur vie ou choisir un bon
emploi. Pour autant, conscients de la finitude de cette situation, ils envisagent sereinement leur
intégration future à la sphère économique du fait du capital social et économique que détient
leur famille. Il paraît donc plus intéressant de mobiliser des catégories proches de celles de
l’Union européenne.

Les NEET souffrant de problèmes de santé (5,1% du total)

36
La dernière catégorie de NEET souffrant d’un handicap ou en maladie de longue durée.
L’ampleur des pathologies est cependant variable en intensité et dans le temps amenant de
nombreux jeunes à désirer intégrer la sphère productive malgré leur handicap ou leur maladie
chronique. De nombreux jeunes souhaitent avoir un rôle social positif et ne veulent pas se
projeter comme dépendants pour toute leur vie. La non prise en charge de la question du
handicap ou de la maladie de longue durée favorise à un décrochage scolaire précoce souvent
par manque de diagnostic adapté. Cependant, dans de nombreux cas, le handicap ou la maladie
peut être conciliée avec un emploi. Pour cela, sont nécessaires un diagnostic des potentialités du
jeune, un suivi médical de ce dernier, un accueil spécifique dans le secteur productif et un
accompagnement professionnel intégrant les contraintes médicales et les modalités de travail.
Or, les structures adaptées sont peu nombreuses en dehors de quelques associations. Les
modalités d’intégration du handicap et de la maladie chronique au sein des entreprises
familiales sont de plus en plus rares. Et, les autres entreprises proposent rarement des modalités
d’emploi adaptées posant alors la question des incitations nécessaires. Ces jeunes se retrouvent
donc dans une situation de faibles opportunités.

DES DETERMINANTS CLES

L’analyse des profils observés doit être complétée par une réflexion transversale sur des
éléments centraux pour comprendre les jeunes NEET marocains.

L’analyse statistique issue du panel ONDH identifie des déterminants que sont les performances
scolaires, l’environnement familial, la charge familiale, l’état matrimonial, le genre, le milieu de
vie, l’âge et l’état de santé.

La question de la relation à la famille apparaît comme déterminante. En effet, la famille est ce qui
assure une garantie à ses jeunes mais c’est aussi souvent ce qui pousse les jeunes à investir le
monde du travail de façon précoce, notamment dans le cas des familles aux revenus faibles. Il
apparaît là une forte ambivalence de cette institution première pour les jeunes.

La relation à l’école et à la formation est aussi très importante car elle dessine des trajectoires de
façon précoce. L’inadéquation de l’offre de formation avec les réalités économiques amène de
nombreux jeunes à devoir inventer des parcours de formation pour accéder au marché du
travail. Parmi les décrocheurs, il apparaît clairement une préférence pour la formation
professionnelle précoce et si possible courte. Cette préférence est confirmée après les premières
confrontations au marché de l’emploi.

Le monde du travail doit aussi être décrit car les entretiens qualitatifs permettent de saisir
l’économie du travail au Maroc par ceux qui en sont exclus et qui tentent constamment de
l’intégrer. Les jeunes apparaissent clairement dans des rapports d’exploitation et souvent
contraint de s’imposer dans des métiers particulièrement pénibles et à très faible rémunération
pour pouvoir se construire une place. Les réalités décrites par les jeunes permettent de mieux
comprendre les dynamiques de découragements mais aussi les dynamiques de succès.

Ensuite, il semble déterminant de réfléchir sur la santé psychique des jeunes NEET. En effet,
derrière le découragement, les comportements non désirés, se cache souvent une très grande
détresse psychologique liée à un sentiment d’inutilité. Cette détresse se traduit par des
comportements destructeurs soit par la consommation de drogues, soit par des tentatives de
suicide.

37
Enfin, il s’agit aussi de questionner la relation aux politiques publiques. En effet, les jeunes NEET
connaissent souvent très mal les opportunités existantes et ont souvent des avis négatifs sur ces
dernières. Par ailleurs, se pose la question de leur possible engagement dans des activités non
rémunérées avec pour but de se réaliser autour de passions ou de la participation à des collectifs
qu’ils soient formels (associations) ou informels (groupement de quartier).

LE CONFINEMENT, UNE POLITIQUE VENANT RENFORCER LES INEGALITES


PREEXISTANTES

La politique singulière de confinement généralisé a eu un effet d’accentuation des inégalités


entre les jeunes. En effet, les jeunes les plus intégrés aux grandes organisations ont finalement
pu continuer leur activité soit en poursuivant leurs études à distance, soit en conservant un
emploi réglementaire salarié dans un secteur clé, soit en bénéficiant d’un dispositif de chômage
partiel ou d’aide matérielle. En revanche, les jeunes en situation d’activité professionnelle
informelle ou de reprise de formation non étatique ont malheureusement vu leur trajectoire être
suspendue devant alors attendre une éventuelle reprise des activités. Ce sont les jeunes qui ont
le plus souffert de la situation. Enfin, les jeunes NEET qui n’avaient pas eu de nouvelles
opportunités depuis le premier entretien ont vu leur situation se prolonger, amenant même
certaines jeunes filles à déclarer que le confinement n’avait eu finalement aucun effet sur leur
quotidien, tant ce dernier était déjà replié sur la seule cellule familiale.

Le confinement a aussi été l’occasion pour une minorité de jeunes de renouveler leur
engagement social. Il est alors possible de se demander si les jeunes NEET n’auraient pas pu être
davantage mobilisés par les autorités afin de mener un ensemble d’action quotidienne au profit
de personnes beaucoup plus fragiles.

CHOIX DE PRESENTATION DES ENTRETIENS : PAROLE DITE ET RECITS DE VIE

Les multiples entretiens menés et les différents groupes de parole ont amené à rencontrer des
jeunes aux profils très différents. Ces derniers étaient plus ou moins à même d’exprimer
verbalement leur situation ou leurs sentiments. Ils étaient relancés par de multiples questions
pour pouvoir aborder les différentes thématiques couvertes par l’enquête. De nombreux jeunes
avaient du mal à développer et expliquer leur situation utilisant un vocabulaire limité et n’ayant
pas envie parfois d’expliciter leur situation. En revanche, d’autres jeunes ont libéré leur parole et
longuement développé leur histoire, leur ressenti. Afin, de faciliter la lecture et la
compréhension nous avons choisi différents protocoles de mobilisation des entretiens.

En premier lieu, nous mobilisons principalement la parole dite en reprenant des mots, des
expressions, des propos exprimées directement par les jeunes et en les livrant dans une
traduction qui essaye de respecter au mieux leur intention.

Lorsque les jeunes mobilisaient peu de mots pour leurs réponses, nous avons reconstruit leur
parcours à la troisième personne. En effet, certains jeunes en grande difficulté expriment
difficilement leur vécu mais donne à comprendre des situations emblématiques par une série de
réponses très courtes à des questions. En revanche, nous n’avons jamais voulu reconstruire un
récit à partir de plusieurs entretiens pour construire un idéaltype. Nous privilégions ici les
parcours réels et mobiliser des parcours emblématiques quitte à les nuancer par d’autres récits.

38
Ensuite, lorsque certains jeunes se sont livrés à un intense récit de vie, nous avons décidé de
mobiliser la parole dite en réarticulant parfois les différents moments de l’entretien pour
permettre une meilleure compréhension de l’ensemble mais toujours en respectant la logique
initiale de l’entretien.

Enfin, dans le cas des groupes de parole. Parfois, les participants entrent dans une dynamique de
groupe où il est difficile de séparer les interventions. Lorsque ces paroles se répondent, nous
précisons qu’elles sont le fait de personnes différentes, sinon, nous les mettons ensembles.

Toutes les données statistiques sont issues d’autres études comme le panel ONDH, les enquêtes
du HCP ou des données ministérielles. Aucune statistique n’a été construite à partir de cette
enquête dont l’objectif est purement qualitatif.

39
PARTIE 1 : CARTOGRAPHIE DES ACTEURS ET DES INITIATEURS DES
PROGRAMMES VISANT LES NEET DE 15 A 24 ANS AU NIVEAU DES TERRITOIRES

Cette première partie propose un état des lieux des politiques à même de cibler les jeunes NEET.
Elle vise à identifier le maillage des multiples initiatives mise en œuvre notamment durant la
dernière décennie. Elle présente les dispositifs par programme et par catégories d’acteurs5.

1- CONTEXTUALISATION DE LA QUESTION DES NEET AU MAROC

A travers les protocoles d’entretien de terrain visant à comprendre mieux les parcours des
jeunes NEET, il a été mis en évidence qu’il n’y a pas de causalité unique ni de linéarité dans le
processus de déclassement social que peuvent subir les jeunes découragés ou décrocheurs
considérés comme NEET. La vulnérabilité sociale doit se comprendre comme un processus
multidimensionnel associant des facteurs sociaux, des facteurs médicaux ou des facteurs
individuels et psychologiques chez chacun de ces jeunes avec des effets négatifs se renforçant
dans une logique de suraccumulation des difficultés. Ces facteurs ont une influence les uns sur
les autres et peuvent aboutir à une fragilité et une vulnérabilité particulièrement forte chez les
jeunes entre 15 et 24 ans.

Le parcours social du jeune entre son enfance et l’âge de sa première expérience professionnelle
est protégé par un certain nombre de droits auxquels il peut prétendre au sein d’institutions
sociales dont les plus importantes sont sa famille et le système éducatif public au sens large,
c’est-à-dire incluant le système de formation professionnel. Les engagements envers les jeunes
se traduisent par des obligations légales telle que la scolarisation obligatoire (jusqu’à 16 ans) ou
la protection sociale de l’enfance lorsqu’il est en situation de fragilité extrême. Ces droits sont
inscrits dans la législation marocaine, la constitution du royaume ou dans les conventions et
engagements internationaux ratifiés par le pays (par exemple article 26 de la Convention
internationale des droits de l’enfant, ratifiée par le Maroc le 21 juin 1993).

A partir de la majorité légale, la protection sociale n’est plus considérée comme un droit
opposable, son effectivité dépend alors par l’accès à l’emploi. L’accès à l’emploi réglementaire
permet de disposer de filets de protection sociale renforcés et d’être placé sous la protection du
code du travail.

Les politiques publiques de lutte contre les facteurs de vulnérabilité sociale chez les jeunes
considérées dans le cadre de cette cartographie sont celles qui ont pour but de remédier aux
faiblesses des institutions sociales d’éducation, de santé, de protection sociale vis-à-vis de
certains jeunes entre 15-24 ans et qui visent à renforcer l’exercice des droits de cette catégorie
de citoyens. Deux autres aspects des politiques publiques ont été considérés dans le cadre de ce
travail : le déploiement du système sanitaire spécifiques aux problématiques des jeunes ainsi
que la question de l’orientation et l’information sur le marché de l’emploi qui est une question
distincte mais complémentaire de la question de la formation professionnelle.

5Pour le détail, voir l’annexe 2 qui présente l’ensemble des programmes adressés envers la jeunesse au
Maroc par population cible et institutions publiques concernées.

40
1-1- LES NEET COMME CATEGORIE BENEFICIAIRE DE POLITIQUES PUBLIQUES AU
MAROC

Il ressort des entretiens menés que la catégorie NEET en tant que tel, faute d’une définition
univoque, mais aussi de par son apparition récente dans les indicateurs statistiques au Maroc, ne
constitue pas une catégorie de bénéficiaires à proprement parlé au sein des politiques publiques
existantes. Néanmoins en tant que composante des segments de populations en difficulté, les «
jeunes » au sens large deviennent une catégorie de plus en plus importante dans les définitions
d’actions. Deux situations cependant peuvent être nettement distinguées dans les politiques en
place. D’une part lorsque ces jeunes sont porteurs de droits opposables notamment le droit à la
protection sociale ou le droit à la scolarisation, des dispositifs ont déjà été déployés à leur profit.
Les jeunes mineurs vulnérables bénéficient d’un ensemble de politiques destinées à leur
garantir l’exercice une protection sociale et une scolarisation. Les jeunes rentrant dans les
catégories vulnérables notamment les détenus, anciens détenus et les personnes souffrant de
handicaps ont également fait l’objet de programmes spécifiques. Cependant, il existe une
distinction forte entre les mineurs de moins 16 ans, dont la scolarisation est obligatoire, les
mineurs de moins de 18 ans susceptibles de bénéficier de la protection sociale / tutelle de l’État
et les 18-25 ans. Dans la définition de la politique publique pour les jeunes, la distinction d’âge a
modelé les dispositifs de prise en charge, bien plus que les définitions catégorielles ou
socioéconomiques. Néanmoins actuellement la catégorie « jeune » en tant que réceptacle de
politiques publiques devient une catégorie autonome définie différemment de celle de « pauvres
» ou « vulnérables ». Les enquêtés conviennent qu’il y a un problème spécifique aux jeunes de
manière générale notamment la difficile insertion sur le marché de l’emploi. De nouveaux
programmes sont en train de se mettre en place pour répondre à ces enjeux.

Enfin relevons que les jeunes majeurs ont également des droits garantis par la constitution qui
représentent un devoir d’égalité d’accès pour l’État tel que disposé au titre de l’article 31 de la
Constitution marocaine notamment « l’obligation de mobilisation des moyens disponibles de l’État,
des établissements publics et des collectivités territoriales pour faciliter l’égal accès des citoyens
aux conditions de jouir du droit aux soins de santé, à la protection sociale, à une éducation
moderne, accessible et de qualité ou à la formation professionnelle, au travail et à l'appui des
pouvoirs publics en matière de recherche d'emploi ou d'auto-emploi […] ».

Cette mise en catégorie de la jeunesse comme bénéficiaire de politiques publiques spécifiques


est visible dans l’évolution de l’Initiative Nationale de Développement Humain (INDH) et
notamment la phase III (2019-2024), dans laquelle programme spécifiquement dédié à
l’insertion économique et sociale des jeunes a été conçu (le programme 3, doté de 4 milliards de
dirhams sur les 18 milliards de dirhams de la phase III). Cette entrée sur la jeunesse est orientée
sur l’aide à l’insertion économique par l’emploi, l’auto-emploi ou l’entreprenariat et tend à
porter une nouvelle série de programmes de formation, accompagnement et insertion par
l’emploi indépendamment de la position socioéconomique du jeune bénéficiaire. Cette mise en
catégorie constitue un tournant pour la prise en compte des jeunes depuis que la Stratégie
Nationale Intégrée pour la Jeunesse élaborée entre 2010 et 2012 a été proposée et portée par
le Ministère de la Jeunesse et des Sports. Cette Stratégie nationale n’a cependant jamais été
adoptée officiellement et mise en œuvre par les multiples parties prenantes de l’action publique
gérant des dispositifs qui ont des contacts avec les jeunes.

41
Il ressort des entretiens que depuis 2011, un certain nombre de programmes spécifiquement
conçus autour de la question de l’insertion économique et sociale des jeunes, sans critères d’âge
ou de critères sociaux restrictifs avec des axes portant précisément sur le renforcement de
l’employabilité, l’emploi et l’entreprenariat. Ces programmes ne discriminent pas les jeunes
bénéficiaires a priori par niveau de revenu ou d’éducation en revanche leur fonctionnement est
susceptible de tenir compte de ces critères dans les choix d’attribution ou le contenu de l’offre
proposée à ces jeunes. Cette offre orientée sur la question de l’employabilité insistant sur les
compétences générales et les savoir-être (« soft skills » et « life skills ») se généralise
graduellement à travers des dispositifs territoriaux pour compléter les cursus de formation
métiers. C’est le cas de la politique déployée notamment par la Fondation OCP dans les
territoires miniers et même au-delà de son périmètre d’activité avec une montée qualitative du
dispositif qui s’oriente désormais vers des programmes professionnalisant (écoles et
programmes de code informatique 1337 à Khouribga).

Il est à noter enfin qu’une précédente génération de programmes centrés sur l’auto-
emploi/entreprenariat (programme Moukawalati depuis 2006) et l’insertion par l’emploi
réglementaire (programme IDMAJ et TAEHIL) avait été conçue pour la catégorie des jeunes
diplômés (ici il est entendu les détenteurs du baccalauréat ou équivalent et/ou d’un diplôme de
formation professionnelle niveau technicien). Les analyses et évaluations officielles de ces
programmes existent mais circulent de manière restreinte.

1-2- LA QUESTION DE LA CONVERGENCE DES POLITIQUES PUBLIQUES

Au niveau de la convergence des politiques publiques il est possible de noter une coordination
des acteurs voire une collaboration verticale dans les secteurs d’intervention et sur des
dispositifs communs entre bailleurs, agences et ministères. Une collaboration fonctionnelle sur
le déploiement du dispositif et la répartition des rôles entre les différents intervenants se fait au
service du déploiement du modèle. Cependant dans certains secteurs, des dispositifs différents
sont déployés avec peu de coordination entre eux. La tendance identifiée chez l’ensemble des
producteurs de programme est de construire des collaborations entre bailleurs et ONG ou
agences publiques et ONG, multipliant les programmes existants notamment sur les thématiques
peu balisées telles que la formation à l’employabilité, l’entreprenariat ou l’apprentissage. Les
dispositifs ont peu d’intégration horizontale et exploitent peu les synergies potentielles entre
eux. Enfin des dispositifs sociaux historiques sont notoirement peu financés et sous-dotés en
ressources humaines, à la fois en quantité et qualité. La faiblesse des politiques publiques de
protection sociale de l’enfance ou la sous-performance du modèle de gestion des centres nt
notamment été détaillées dans un rapport de la Cour des Comptes daté de mai 2018.

42
Tableau 5. Coordination et convergence des politiques publiques

Secteur Coordination horizontale des Coordination verticale Remontée de l’évaluation et la


d’intervention dispositifs au sein des dispositifs performance
Protection Moyenne - différentes Faible – Faiblesses de Rapport Cour des Comptes de
sociale de institutions publiques financement public et mai 2018.
l’enfance engagées avec attributions et des ressources
dispositifs peu connus humaines.
Réinsertion Forte - un seul intervenant Moyenne– Statistiques tenus par le
scolaire et ministériel légitime dans le programmes financés Ministère de tutelle sur
éducation non secteur, bonne vision malgré des arriérés. insertion et abandon dans le
formelle d’ensemble du dispositif. Appui des fondations, programme.
intégration d’ONG.
Formation Faible - au niveau du Forte - sur le Indicateurs d’insertion des
professionnelle recensement des différents déploiement vers les bénéficiaires différents
dispositifs et de l’information. territoires, les filières dispositifs existants (+/- 70%
et les publics en sur 6 mois) et taux d’abandon
demande. parfois partagé.
Prise en charge Bonne – due un nombre Bonne – collaboration Réseau en constitution et
médico-sociale limité de dispositifs. financeur/opérateur encore sous-dimensionné par
de l’addiction (FM5S et ONG rapport aux besoins forts
spécialisées)
Orientation Faible- coordination d’un Faible – dispositif en Peu de données des
professionnelle comité pour l’emploi au construction entre observatoires pour l’emploi
niveau du chef de secteur privé et en création et plus encore pas
gouvernement ministère du travail de vision prospective à 2 ans.
Accès à l’emploi Moyenne – coordination sur Bonne – programmes Faible analyse statistique des
la base d’un enregistrement à dimensionnés et programmes d’insertion
l’ANAPEC en début de financés précédent
programme
Auto-emploi et Faible – nombreux Variable selon les Déficit sur l’accompagnement
entreprenariat programmes en préparation dispositifs et sur le financement
et capitalisation incertaine sur
les expériences précédentes
(Moukawalati par ex.)

Les différents acteurs des programmes :

- Les ministères techniques de tutelle en charge du niveau stratégique, du portage


politique, de la capitalisation et de l’évaluation ;
- Les agences publiques en charge de formuler une vision stratégique pour un dispositif et
de mettre des moyens humains et matériels à son service ;
- Les fondations publiques intervenant dans le financement de l’extension des dispositifs
au niveau national ou sur des publics spécifiques mais dans l’assistance technique ;
- Les bailleurs de fonds en proposition de jouer le rôle de financeur d’un dispositif ou
d’apporter une assistance technique à la conception stratégique ou au déploiement dans
un rôle similaire à celui des fondations publiques ;
- Des associations de la société civile dans le rôle d’opérateurs ou d’administration des
projets issus des dispositifs nationaux ;

Un des défauts relevés de la plupart des dispositifs est néanmoins le manque de détails des
indicateurs visés par les politiques publiques. Outre le déploiement des projets sur le terrain et
le volume de personnes accueillis, il existe peu d’indicateurs de suivi de moyen terme de la
qualité ou d’évaluation des politiques publiques déployés notamment au regard des populations
cibles visées. Les évaluations des projets multi-acteurs sont réalisées entre partenaires, parfois
par un bureau d’études extérieur dans le cas de l’achèvement d’un projet.

43
Il existe très peu de véritables études d’impact menées à bien car ces dispositifs sont trop lourds
(ils nécessitent un suivi sur cinq ans) et comportent des coûts importants. Ils sont généralement
mis de côté d’autant plus que la fragmentation de la politique publique entre les différents
acteurs incite plutôt à reporter la question de la qualité sur les opérateurs de terrain dont
l’intérêt est d’ailleurs de mettre en avant les données positives du dispositif dont ils ont la
charge. Enfin l’absence de registres d’identification unifiés qui comporteraient des indicateurs
socioéconomiques sur les personnes prises en charge dans les dispositifs ne permet pas de bien
connaître statistiquement les bénéficiaires visés des politiques publiques ou encore leur devenir
après le passage dans le dispositif.

La question de la convergence des politiques publiques visant les NEET est donc compliquée par
le fait de cette absence de données fines qui a défaut est produite par les grands opérateurs
statistiques disposant de panels ménages (ONDH) ou d’enquête spécifiques (HCP).

Tableau 6.
Recensement indicatif de dispositif de suivi pouvant concerner des bénéficiaires de 15 à
24 ans en vulnérabilité

Organisme Dispositif de suivi


OFPPT • Questionnaire de satisfaction et d’insertion 6 mois après la
formation basé sur un déclaratif réalisé par un bureau externe
ANAPEC • Registre national ANAPEC indiquant le passage à l’emploi
CENTRES DE PROTECTION POUR • Registre par centre et par opérateur
L’ENFANCE
INDH • Registre identification des bénéficiaires
CNSS • Registre des bénéficiaires ouvrant les droits et indiquant les
employeurs successifs
RAMED • Registre national des bénéficiaires
CFA • Registre par centre et par opérateur

Les bases de données fragmentées ne permettent pas de connaître la trajectoire sociale d’un
même individu depuis son enfance ou sa sortie de l’enfance (18ans) et son parcours de
formation ou d’emploi. Le ciblage d’actions ou des bénéficiaires n’est pas possible dans ce
contexte alors même que les nouvelles technologies permettent de faire coïncider différentes
bases de données, entrer en communication avec des bénéficiaires potentielles tout en
respectant les données personnelles et le droit à la vie privée de celui-ci.

2- DIMENSIONNEMENT ET DISPOSITIFS DE SELECTION DES REPONSES


SECTORIELLES

Il a été possible au cours des entretiens et grâce à des recherches documentaires de retracer les
contours et dimensionnements des dispositifs. Il subsiste néanmoins une petite incertitude
chiffrée qui provient du fait que les différents intervenants des dispositifs peuvent revendiquer
séparément la création des centres qui sont conçus conjointement. De même des centres à
vocation multiple peuvent être inscrits dans différents registres en tant qu’établissement de
protection sociale ou établissement de formation. Potentiellement aucun mécanisme ne semble
prévenir ce double affichage.

44
2-1- L’AIDE SOCIALE A L’ENFANCE

Cadre juridique Loi n° 14.05


Principe Protection sociale des enfants mineurs jusqu’à 18 ans
Caractéristiques Réseau financé à plus de 50% par des dons de bienfaisance,
désengagement du Ministère du Développement social au profit d’un
portage par l’Entraide nationale, sous tutelle du Ministère. Financement en
progression des collectivités territoriales mais encore faibles.
Problématiques de financement et de qualité d’accueil extrêmement fortes.

Le nombre des établissements de protection de l’enfance représente plus du tiers des


établissements de protection sociale et des possibilités d’accueil de tous les établissements de
protection sociale. Géré à travers des opérateurs associatifs, il est en réalité sous-dimensionné,
la plupart des établissements accueillent bien au-delà de leur capacité autorisée, tout à fait sous-
financé et 60% des travailleurs dans ces centres perçoivent moins que le salaire minimum. Très
peu de travailleurs qualifiés et intervenants à compétence spécifique (psychologue, médecin)
travaillent au sein de ces centres.

Tableau 7. Nombre des établissements de protection sociale

Catégories de populations Établissements Capacité autorisée d’accueil


Enfants abandonnées et/ou en 89 9 968
situation difficile
Personnes handicapés 60 6585
Femmes en situation difficile 23 2584
Personnes âgées sans soutien 35 2253
Complexes sociaux 33 7234
Personnes en vagabondage et 6 953
mendicité
Total 246 29 577

Source : ministère de la Solidarité, du Développement social, de l’Égalité et de Famille, 2018

Le travail de la Cour des Comptes auprès de la moitié des établissements qui ont répondu a
établi que sur la période 2012-2016 les contributions de bienfaisance ont abondé pour 50% au
financement des établissements tandis que le Ministère de tutelle contribue pour 4,5%,
l’Entraide nationale pour 12,5%, les établissements publics pour 10,4% et les collectivités
territoriales pour 9,9% tandis que la section « projets et patrimoine » affiche une contribution de
11,8%.

La sous-dotation financière structurelle et la complexité des engagements budgétaires publics


compliquent donc la gestion de ces centres qui ont du mal à offrir à leurs pensionnaires plus
qu’un toit et de la nourriture. Sans compter qu’un cinquième des centres ne disposent pas de
directeur et 17% ont un niveau d’études ne correspondant pas au cadre légal en vigueur (loi
14.05). Selon la Cour, le déficit des établissements s’est accru de 40% entre 2012 et 2016, et
93% de leurs dépenses sont des dépenses de fonctionnement.

45
2-2- LES CENTRES DE PROTECTION DE L’ENFANCE (CPE) OU CENTRES DE
SAUVEGARDE DE L’ENFANCE

Cadre juridique Code de procédure pénale, décrets d’attribution au Ministère de la


Jeunesse et des Sports 2012 Décret N° 2.12.34 du 26 janvier 2012 -
BO N° 6018 ; Décret N° 2.02.379 du 12 juin 2002 (BO N° 5022 du 18
juillet 2002)
Principe Mesure de sauvegarde judiciaire des enfants mineurs
Caractéristiques Réseau géré par le Ministère de la Jeunesse et des Sports pour des
mineurs placés par l’autorité judiciaire. Régime de liberté surveillée
ou centres fermés.

Sous l’autorité du Ministère de la Jeunesse et des Sports, les CPE sont au nombre de 20 : 15 pour
les garçons6 et 5 pour les filles7. Ils ont vocation à accueillir, sous placement judiciaire, les
« enfants en situation difficile » (art. 513 code de procédure pénale) soit que leurs parents ou
tuteur aient été condamné à plus d’un an de prison, soit que l’enfant ait des fréquentations
délinquantes dont la justice souhaiterait l’éloigner, soit qu’il ait tenté de fuir de manière
récurrente la maison familiale ou les centres dans lesquels ils auraient été accueillis.

Les CPE accueillent également les jeunes en conflit avec la loi, chacune des deux populations
représenteraient la moitié de l’effectif total des jeunes accueillis au sein de ce dispositif pour une
capacité d’accueil de 2000 places environ au niveau national. Il est à noter que les CPE
accueillent également résiduellement des enfants victimes d’abus et parfois des enfants réfugiés
ou migrants, les juges ordonnant le placement n’ayant pas toujours fait la différence entre les
différentes catégories. A noter que l’essentiel des informations accessibles sur ces centres
proviennent du rapport d’auto-saisine du CNDH du 2 mai 2013. Il est difficile de connaître
aujourd’hui les progrès réalisés dans le placement, l’orientation et la réinsertion des enfants
placés.

Un dispositif graduel organisé en section existe au sein des CPE et se déploie en fonction du
régime sous lequel le mineur a été placé. Dans la section d’observation (jusqu’à trois mois), les
équipes du centre évaluent les capacités du mineur à une réinsertion sociale, sa personnalité et
ses besoins avant de formuler conjointement un projet d’insertion et de l’orienter en section de
rééducation où il peut accéder à de la formation professionnelle et des séances éducatives. En
fonction des situations le mineur peut être plus tard orienté vers le foyer d’action sociale, inséré
en milieu scolaire dans un régime de semi-liberté, orienté vers de la formation professionnelle
dans un régime de liberté surveillée ou de liberté selon qu’il est arrivé au terme de son
placement en centre.

Aux CPE s’ajoute la politique volontariste de la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des
détenus. La fondation est devenue un opérateur de référence pour la construction des centres de
réinsertion et pour la formation en milieu carcéral. Elle appuie depuis 2002 la Délégation
Générale à l’Administration Pénitentiaire et à la Réinsertion. Sa capacité de financement et son
expertise ont permis d’implanter 54 centres fermés en capacité d’accueillir 21 000 détenus par
an. Ces derniers ne sont pas forcément des jeunes de 15 à 24 ans mais cette catégorie est
souvent privilégiée de fait. Près de la moitié de ces détenus (8000 à 9000 par an) suivent des
programmes de formation professionnelle avec un taux de réussite de 65%. 30%, soit 6000

6 Agadir, Benslimane, Berrechid, Casablanca, Fès (2), Fkih Ben Salah, Larache, Nador, Oujda, Tanger,
Temara, Marrakech, Meknès, Tit Mellil.
7 Agadir, Fès, Casablanca (2), Marrakech.

46
détenus, sont inscrits à des programmes de remédiation scolaire non formelle de niveau
primaire ou secondaire. Enfin, un peu plus de 20%, 4500, sont inscrits à des programmes
d’alphabétisation. Le millier restant est réparti entre les formations universitaires et les
formations agricoles qui concernent chacune moins de 3% des détenus.

Même si les indicateurs d’insertion sont peu connus, les acteurs de la formation professionnelle
et les acteurs sociaux notent cependant les trop faibles résultats obtenus en matière d’insertion
vers l’emploi à travers les dispositifs des centres fermés malgré les investissements dans le
domaine. Ainsi, l’accompagnement en dehors de la prison est assuré par un réseau
d’associations établi dans les années 1980 pour la réinsertion des prisonniers politiques.
Désormais, ce collectif a élargi son action aux détenus de droit commun mais le dispositif reste
sous-dimensionné.

2-3- L’EDUCATION NON FORMELLE ET LA LUTTE CONTRE L’ABANDON SCOLAIRE

Depuis 2005, le ministère de l’Éducation nationale et de la formation professionnelle mène une


réflexion sur les moyens de réinsertion scolaire ou insertion des « décrocheurs » qui s’est
traduite par la création des Écoles de la 2ème chance visant la réinsertion dans l’éducation
formelle. Malgré des taux de scolarisation bruts en progression, le décrochage au niveau du
secondaire reste important particulièrement sur certains publics cibles (jeunes fille rurales),
plus d’un million de jeunes 13-18 ans parmi les enfants et jeunes en dehors du système éducatif
formel. L’obligation de scolarité n’a plus d’application pour certains cas et le retour dans le
système formel n’est pas assez attractif d’où la création d’un réseau d’E2C nouvelle génération
proposant de l’insertion par formation professionnelle et alternance. Le réseau E2C « nouvelle
génération » est en extension forte à travers une gestion directe en partenariat avec des ONG ou
une supervision du ministère de l’Éducation nationale de centres ouverts par l’INDH ou la
Fondation Mohammed V. Le dispositif d’éducation non formelle 13-18 ans travaille en
collaboration avec les deux niveaux intermédiaires immédiats, la protection de l’Enfance (à un
niveau encore modeste) et les dispositifs d’alternance et de formation professionnelle pour
constituer des passerelles.

Tableau 8. Nombre de bénéficiaires des dispositifs d’éducation non formelle en 2019

Bénéficiaires des programmes d’éducation non formelle « École 2ème chance »


Total Filles
Urbain 43 570 17 557
Rural 22 496 10 288
Total 66 066 27 845

Avec seulement 93 911 bénéficiaires, le dispositif d’éducation non formelle n’est pas concentré
territorialement sur les catégories des plus forts taux de décrochage scolaire notamment les
jeunes filles rurales qui ne représentent que 10% des bénéficiaires alors qu’elles représentent
plus de 50% des décrocheurs précoces. Il reste largement sous-dimensionné par rapport aux
déperditions du système éducatif formel.

47
Tableau 9. La répartition au sein du dispositif d’ENF en 2019

Dispositifs Total Filles


École de la 2ème
chance nouvelle 3625 665
génération
Enfants immigrés 381 165
Enfants en situation de travail 1863 944
Enfants en situation de rue 263 33
Enfants dans les centres de 496 102
protection de l’enfance
Programme d’insertion 31 406 12 424
immédiate
Programme 6174 3711
d’accompagnement scolaire

Les écoles de deuxième chance nouvelle génération sont encore peu nombreuses dans le
dispositif mais celui-ci est en train de monter en puissance à travers les interventions du
ministère, de la fondation Mohammed V pour la Solidarité et de l’INDH. L’insertion immédiate
désigne le placement des élèves dans des dispositifs de formation professionnelle (niveau
qualification ou spécialisation) ou dans des dispositifs de formation par alternance ou par
apprentissage.

Tableau 10. L’extension prévue du réseau d’E2C nouvelle génération

Nombre d’établissement 2ème chance Ouverture en 2020


nouvelle génération
AREF 38 14 nouveaux et 30 en réhabilitation
ONGs 40

Afin de donner un aperçu sur les engagements en cours, le ministère de l’Éducation nationale
estime que la création d’un centre E2C-nouvelle génération représente un investissement
d’environ 4 millions de dirhams. L’extension projetée du dispositif représenterait environ 180
millions de dirhams.

En plus de la politique curative que constituent les écoles de la deuxième chance, le ministère de
l’Éducation nationale porte un programme de transfert monétaire conditionnel auprès des
familles qui se voit octroyer une bourse par mandat postal sous conditions de scolarité de leur
enfant pour les niveaux primaire et collégial. Généralisé en 2019 à toutes les communes rurales,
le programme Tayssir représente environ 2,2 milliards de dirhams soit un triplement de sa
surface financière. En revanche son ciblage territorial ne constitue pas un ciblage précis selon les
moyens économiques des ménages, d’où l’obligation des familles bénéficiaires des communes
choisies en 2019 de détenir également la carte RAMED (Régime d’assistance médicale). Par
conséquent, certains ménages cumulent ainsi les potentiels désavantages de ne pas avoir été
« ciblés » par le programme RAMED ou « repêchés » par les commissions locales d’attribution du
RAMED (dans les faits les commissions ont plutôt tendance à attribuer à tous les demandeurs).
Ces difficultés de ciblage devraient être corrigées par la mise en place du registre social unifié
(RSU). La première phase du programme a montré des résultats probants dans la lutte de
l’abandon scolaire et le ministère de l’Éducation nationale estime que l’abandon peut être divisé
par deux au primaire et collège d’ici 2024.

48
2-4- L’EDUCATION NON FORMELLE ET ACCOMPAGNEMENT A DESTINATION DES
JEUNES FEMMES

Eu égard à la problématique spécifique de l’analphabétisme féminin dans certains territoires et


au très faible taux d’activité des femmes et des jeunes femmes, le ministère de la Jeunesse et des
Sports a développé un réseau important de foyers féminins sur l’ensemble du territoire. Au
nombre de 314 en 20168, ces centres accueillent les jeunes femmes pour des formations à la
carte sur modules destinés à les doter de compétences élémentaires pour la gestion du foyer ou
le développement de petites activités manuelles (couture) mais aussi des programmes
d’alphabétisation dispensés par des associations. Les centres sont gérés par délégation de
gestion à une association opérant les différentes formations.

De même, une centaine de centres de formations professionnelle (96 au total dont 4 en milieu
rural) est placée sous la gestion du ministère de la Jeunesse et des Sports pour dispenser au
bénéfice des jeunes femmes de 15 à 30 ans des formations (niveau qualification et niveau
spécialisation) autour des compétences de gestion du foyer, de prise en charge des jeunes
enfants, mais aussi en informatique ainsi que des programmes de sensibilisation à la
citoyenneté.

2-5- LA FORMATION PAR APPRENTISSAGE

Cadre juridique Loi n° 36/96 publiée dans le BO du 7 novembre 1996, Loi 00-12 au BO du
1/06/2000 ; Décret n° 2.00.1017 BO du 21 juin
200 ; + arrêté ministériel pour la liste des métiers concernés
Principe Contrat CFA/bénéficiaire/entreprise
80% du temps en entreprise
Déduction des frais de formation pour l’entreprise et prise en charge
assurances pro par le CFA
Exemption de CNSS pour l’entreprise
Âge 15 ans jusqu’à 40 ans (selon arrêté des métiers)
Atouts Insertion plus rapide et ouvert à tous niveau primaire complété

L’apprentissage constitue un passage efficace vers l’emploi et peut même désormais être une
passerelle vers les dispositifs d’aide à l’emploi réglementaire de l’ANAPEC (Idmaj ou Taehil)
puisque l’opérateur lui-même a commencé à distordre son dispositif pour considérer le passage
dans un centre de formation par apprentissage (CFA) comme un niveau suffisant pour intégrer
les programmes d’emploi réglementaire aidé (réservé auparavant aux diplômés).

8Listecomplète des centres en 2016 :


http://www.mjs.gov.ma/sites/default/files/reseau_des_foyers_feminins_annee_2016_1.pdf

49
Tableau 11. Formation par apprentissage : bénéficiaires et opérateurs en 2018

Opérateur de formation Nombre de bénéficiaires Dont Bénéficiaires femmes


Artisanat 6377 3525
CFA intra-entreprises 5577 3908
Agriculture 5063 805
Entraide nationale 4979 1640
ONG 4535 2284
AREF 1378 1287
Tourisme 996 355
Pêche maritime 544 -
Union nationale des associations 353 47
familiales rurales au Maroc
Chambre de commerce industrie 202 10
et services
CFA des établissements privés 75 52
Total 30 079 13 913

Le dispositif de l’apprentissage a connu une montée en puissance au cours des cinq dernières
années après de nombreux essais pilotes peu concluants au milieu des années 1990. D’ores et
déjà pensé comme une réponse de l’État en période de difficultés dans les années 1980 qui
ambitionnait de former 50% des jeunes par l’apprentissage, il est notable que son accroissement
actuel n’atteint pas encore les objectifs fixés (60 000 en 2020) et surtout concerne moins de 7%
des bénéficiaires de la formation professionnelle. Le placement auprès des entreprises reste
compliqué faute de places et de dialogue étroit sur l’ensemble du territoire avec l’ensemble des
représentations professionnelles et tout particulièrement des chambres professionnelles. Par
ailleurs, le taux d’abandon des stagiaires reste élevé notamment du fait des faibles indemnités et
des contraintes de transport.

2-6- LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Cadre juridique Loi n°60-17


Principes Entrée en niveaux :
- Spécialisation (critère : avoir complété le cycle primaire)
- Qualification (critère : avoir complété le secondaire collégial)
- Technicien (critère : avoir le BAC ou niveau BAC)
- Technicien spécialisé (critère avoir le BAC)
Formations qualifiantes
Bac professionnel
Âge 15-30 ans (parfois 35 ans sur certains métiers)
Atouts Dispositif très large et présent sur l’ensemble du territoire. Identifié par les
potentiels bénéficiaires.
Inconvénients Dispositif très sélectif pour les niveaux les plus valorisés (T et TS). Pas ou
peu (20%) d’alternance en entreprise, l’essentiel du dispositif est
« résidentiel ». Pas de remédiation linguistique au cours du parcours ni en
préparation à l’entrée.

50
Le dispositif de formation professionnelle s’est étendu de manière extrêmement rapide sur le
territoire à travers l’expansion de son principal promoteur l’Office de Formation Professionnelle
et de la Promotion du Travail (OFPPT). L’office a utilisé plusieurs modes de développement, des
partenariats avec les entreprises et les secteurs en recherche d’employés qualifiés, des
partenariats orientés sur des territoires en difficulté où des centres ont été construits à travers
le financement de la fondation Mohammed V pour la Solidarité. Le système dans son ensemble
est en passe de se réorganiser pour faire une place plus grande aux soft skills notamment aux
langues et remettre de l’alternance dans les formations pour améliorer ses taux d’insertion. A ce
stade les enquêtes menées par l’OFPPT sur ses bénéficiaires démontrent que si les taux
d’insertion ne sont pas mauvais (environ 60%), le taux d’abandon pose problème, le niveau des
salaires à la sortie reste faible (2800 dirhams / mois pour le niveau Technicien Spécialisés dans
les secteurs les plus valorisés) et seulement 25% des bénéficiaires sont en emploi formel après
la formation. Le système est donc financé à 40% par une taxe sur la formation professionnelle
assise sur les entreprises (1,6% de taux) et bénéficient largement à celle pratiquant l’emploi
informel.

La formation professionnelle est très demandée pour les niveaux les plus élevés « Technicien »
et « Techniciens Spécialisés ». L’OFPPT indique qu’il y a 1 place pour 10 candidats. A ces niveaux
une bourse/allocation de 1000 dirhams/mois est donnée aux bénéficiaires pour leur assurer
leur subsistance le temps de compléter leur formation. Les niveaux « Technicien » font l’objet de
sélection à l’entrée avec des tests psychotechniques conduits en français ce qui laisse présager
d’un biais de sélection très fort. De même le niveau « Technicien supérieur » classe les candidats
à partir de leur note de bac. Par ailleurs il dispose de 2000 places d’internats sur les 368 centres
actifs de l’Office ce qui limite les possibilités pour les potentiels bénéficiaires issus de localités
éloignées de ces centres. Les niveaux de spécialisation et qualification de l’OFPPT sont moins
recherchés (30% des stagiaires), ils sont ouverts à partir de 15 ans et auraient vocation à
fusionner dans les prochaines évolutions réglementaires. Ces niveaux paraissent pertinents pour
agir sur des compétences générales ou « soft skills » renforcés et font déjà office de passerelles
vers les niveaux « Technicien » et « Technicien supérieur » selon les résultats des stagiaires. Par
ailleurs d’après les résultats de l’enquête de l’OFPPT, ces deux niveaux « qualification » et
« spécialisation » connaissent des taux d’insertion plus élevés encore que les niveaux
« Techniciens » et « Techniciens Spécialisés ».

Enfin un dispositif de baccalauréat professionnel a été lancé en partenariat avec le ministère de


l’Éducation nationale. 90 000 places sont disponibles à l’échelle nationale pour 20 000 pourvues.
Les élèves ont un nombre d’heures de cours d’enseignement professionnel qui augmente
graduellement au cours du secondaire qualifiant (20% en 1ère année, 50% en 2ème année).

Tableau 12. La formation professionnelle : effectifs et centres par opérateurs

Opérateur de formation Établissement Effectifs des Effectifs des


2018/19 stagiaires 2017/18 stagiaires 2018/19
OFPPT 368 302 583 343 445
Artisanat 58 10 476 9700
Agriculture 50 8446 11 302
Entraide nationale 60 5510 5400
Tourisme 15 4275 4000
Jeunesse et Sport 88 3787 4400
Pêche maritime 13 1832 1670
AREF 15 1237 5049

51
IGD 7 802 1815
Équipement 4 463 490
Chambres professionnelles 3 242 50
Énergie et Mines 2 237 260
Urbanisme 2 89 150
Intérieur 1 48 300
Santé Nd 100
Total secteur public 340 027 388 171
Privé Nd 76 421 77 000
CFA-IE Nd 11 443 7000
Associations Nd 5116 5378
Total général 2007 433 007 477 549

L’Office opère également des formations qualifiantes à la carte sur la demande des régions à
travers des unités mobiles.

Par ailleurs les contenus de formation professionnelle publique sectorielle sont généralement
conduits par les ministères de tutelle eu égard à des situations spécifiques des populations. Par
exemple la pêche maritime a un modèle de formation par certificat qui est axé sur la théorie
(sécurité en mer) dans un premier temps avec un départ en mer de 6 mois et délivrance du
certificat sous condition de retour pour un programme d’alphabétisation, une des priorités
identifiées étant l’alphabétisation des populations de pêcheurs.

De même les logiques territoriales de couverture de la demande de formation professionnelle


sont très liées au développement des secteurs économiques dynamiques soutenues entre autres
par des outils comme les CFA-IE localisés dans les préfectures clefs de Kénitra, Tanger ou
Meknès. Mais la formation dans d’autres provinces peut manquer de synergies entre les
stratégies régionales de développement économique et le déploiement du dispositif de
formation professionnelle. Enfin l’accompagnement social pour soutenir la formation des jeunes
sans moyens ou des femmes méritent d’être réexaminé pour tester des approches encore plus
inclusives (aide au transport, aide à la garde d’enfant). Enfin la disparité de l’offre territoriale sur
le réseau reste importante selon le dynamisme économique mais aussi la présence d’acteurs
privés (ONG, fondations) particulièrement dynamiques dans certaines préfectures ou provinces
(Casablanca notamment, mais aussi Ben Guerir, Khouribga, Laâyoune, Dakhla).

3- ORIENTATIONS FUTURES

Parmi les orientations des politiques publiques pour la jeunesse nous relevons une réflexion
intense sur deux axes : tout d’abord la réorganisation des dispositifs de formation
professionnelle autour de la feuille de route présentée à Sa Majesté le Roi en avril 2019, ensuite
le développement d’un axe fort sur l’employabilité et l’entreprenariat porté par un
engagement de l’INDH et d’une pluralité de bailleurs internationaux.

Douze pôles régionaux de formation professionnelle verront le jour avec le souci de développer
le nombre (450 formations en plus contre 320 aujourd’hui) et la qualité des formations

52
dispensées notamment avec un travail sur les compétences générales et les langues en
particulier. Les centres régionaux ont pour cahier des charges une amélioration de l’inclusivité
notamment des jeunes déscolarisés et devront comporter des internats. Ils développeront
également une formation des adultes en darija (arabe marocain). Ces réformes supposent un
volume d’investissement financier tout à fait important et deux centres devraient sortir de terre
avant mi-2020, celui de Tamesna (région Rabat-Salé-Kénitra) et Marchica (région de l’Oriental).

La 3ème phase de l’INDH concentre une partie de ses efforts sur les questions de jeunesse avec le
projet de réaliser à l’échelle de chaque province des centres intégrés d’accueil, écoute et
orientation des jeunes, centres délégués à des associations gestionnaires. Le modèle retenu
semble proche des centres « skills » déployés par la Fondation OCP à Khouribga, Laâyoune ou
Dakhla.

La montée en charge de l’éducation non formelle (école de deuxième chance nouvelle


génération) rapprocherait la fonction de ces écoles des centres d’orientation en permettant aux
jeunes soit de se réinsérer dans l’éducation formelle pour passer un diplôme soit de s’orienter
vers des formations professionnelles.

Enfin, une multitude de bailleurs internationaux ont été approchés pour proposer des projets
sur l’employabilité et l’entreprenariat susceptibles de permettre une meilleure insertion ou un
accès à l’entreprenariat. Il apparaît une véritable convergence des volontés d’investir dans des
politiques correctrices pour améliorer l’intégration économique des jeunes.

53
3-1- LES DISPOSITIFS SOUTENUS PAR LES BAILLEURS

Tableau 13 Implication des bailleurs internationaux dans les politiques ciblant les NEET au Maroc en 2019

Bailleur Statut Volume Territoire Contenu sommaire Partenaires


financier
Banque Signé 50 Région de Appui à l’entreprenariat sans Ministère du
Mondiale millions Marrakech- condition de diplôme de Travail, INDH,
USD Safi sensibilisation à financement CRI
des projets sélectionnés.
AFD Signé 150 Rabat, Souss- Appui à l’entreprenariat et
millions Massa, aux formations
euros Tanger- employabilité.
Tetouan Al
Hoceima
GIZ Actif 9 millions Provinces de Programme PEJ : démarche Ministère du
€ Fès-Meknès de proximité unité mobile Travail,
(4) et Beni avec un accompagnement ANAPEC,
Mellal- long terme dans emploi et INDH, CRI
Khénifra (2) auto-emploi (sans
financement post-création) +
travail sur l’orientation et le
secteur privé.
Banque 4,7 National Appui à l’entreprenariat sans
africaine de millions € condition de diplôme de
développement sensibilisation à financement
des projets sélectionnés.
APEFE En Régions Orientation du jeune entre Centre accès à
(Belgique) négociati salariat ou entreprenariat et l’emploi
on formations adaptées (universités),
ANAPEC
(partenaire
principal),
Ministère du
Travail
Millenium En 10 National Paiement au résultat des
Challenge lanceme millions intermédiaires chargés de
Account nt USD favoriser l’insertion par
l’emploi.
Jumelage En cours 60 National (à FORCAP – appui à la Département
européen (2018- millions € travers appui gouvernance du système de de la
2021) au DFP) formation professionnelle. Formation
Développement d’une offre professionnelle
avec une adéquation
formation et emploi et plus
inclusive
Programme En 50 National (à Employabilité, insertion, Ministère de la
jeunesse Union négociati millions travers orientation et inclusion Jeunesse et des
européenne on d’€ Ministère sociale des jeunes Sports (a priori
Jeunesse et mais
Sports discussions en
cours)

54
3-2- LES POINTS FORTS DE CERTAINS DISPOSITIFS

LES ASPECTS POSITIFS DES DISPOSITIFS PREVUS

Parmi les différents dispositifs mis en place ou en préparation avec l’appui des différentes
coopérations internationales, nous avons relevé les points positifs suivants :

▪ De nouvelles logiques plus poussées de soutien à l’entreprenariat et notamment la


généralisation de l’accompagnement post-création et quelques soutiens au financement
▪ Un dialogue embryonnaire au niveau provincial et régional pour réaliser une prospective
correcte sur l’emploi et secteurs en demande sur la région (chambres professionnelles,
CGEM, observatoire de l’emploi…)
▪ Un renforcement de la mobilité et une approche de proximité des dispositifs de
l’ANAPEC appuyés en la matière par les bailleurs
▪ Une conception plus réaliste des programmes d’entreprenariat, orientation au fur et à
mesure du programme sur soit entreprenariat (environ 5-6% des dossiers envisagés)
soit sur des dispositifs de renforcement de l’employabilité
▪ Une prise de responsabilité de l’agence publique (ANAPEC) sur la question de
l’employabilité et de l’entreprenariat puisqu’elle souhaite assumer la compétence de
formation sur ces thèmes

3-3- LES POINTS DE VIGILANCE

LES POINTS DE VIGILANCE

En revanche, il ressort des éléments sur lesquels une vigilance est particulièrement requise :

▪ Une fragmentation des interventions et risque de multiplication inconsidérée des


dispositifs
▪ Une (sur)sollicitation forte des réseaux associatifs pour la formation de formateurs, les
formations employabilité et le ciblage des jeunes
▪ Une absence de financement post-création dans de nombreux programmes ce qui
constitue un point de faiblesse par rapport aux programmes réussis dans d’autres pays
▪ Une faiblesse générale des politiques d’orientation professionnelle et du dialogue avec le
secteur privé laissent présager des problèmes d’adéquation formation/emploi ou une
connaissance trop faible des dispositifs de la part des jeunes ciblés.

55
4- CONCLUSIONS DE LA CARTOGRAPHIE DES PARTIES PRENANTES

Les politiques sociales représentent un choix politique d’allocation de budgets et de ressources


dont les logiques et possibilités doivent être analysées au niveau des équilibres fiscaux et
budgétaires. Dans différents rapports ou analyses des politiques sociales, des évaluations ont été
réalisées pour déterminer d’autres scenarii possibles pour une réduction drastique de la
pauvreté et de la vulnérabilité des jeunes qui développerait la surface de l’État social tout en
présentant des coûts supportables par les finances publiques marocaines. Le CESE dans son
rapport d’auto-saisine 34/20189 sur les politiques sociales en 2018 relevait que « le Maroc
pourrait, en y consacrant 2,4% de prélèvement additionnel sur son PIB [soit 30 milliards de
dirhams environ], servir une allocation de 100 % du seuil de pauvreté aux enfants des ménages
pauvres, une allocation de 50 % du salaire minimum pour les personnes âgées de 65 ans et plus
dans un état de pauvreté, une allocation chômage de 70 % du salaire minimum pour une personne
par ménage vulnérable pendant 100 jours par an, une allocation de 100 % du seuil de pauvreté
pour toutes les personnes ayant une incapacité sévère et une allocation équivalente à quatre mois
de 100 % du salaire minimum pour toutes les mères des nouveau-nés . Cet engagement permettrait
au Maroc de réaliser 5 parmi les 17 objectifs de développement durable (ODD) ».

En examinant les coûts d’une politique qui consisterait à réduire drastiquement le nombre de
NEET, objectif de développement durable, en incitant à la scolarisation d’une part et en
accompagnant plus fortement vers l’emploi à partir de 15 ans, les coûts budgétaires resteraient
relativement réduits. D’autant que le coût social de l’exclusion est élevé et que chaque insertion
réussie dans l’emploi génère de nombreux bénéfices pour les finances publiques. L’extension du
programme Tayssir (bourses familiales en contrepartie d’une scolarisation), de 600 millions à
1,5 milliards de dirhams annuels représente à ce titre une contribution majeure à cet objectif
général notamment en évitant le décrochage scolaire lors du secondaire et plus particulièrement
celui des filles en milieu rural. Toutefois, il est nécessaire de compléter ce dispositif et l’élargir en
développant les dispositifs capables d’insérer dans l’emploi les profils qui ont des difficultés avec
la voie générale de l’enseignement, car le risque est de maintenir des jeunes en situation d’échec
scolaire dans le secondaire collégial. Il apparaît donc nécessaire d’élargir ce dispositif à la
formation professionnelle.
Les budgets consacrés à l’apprentissage (60 millions dirhams/an actuellement) sont encore très
faibles pour atteindre un objectif assigné au système d’accueillir plus de 100 000 apprentis d’ici
les 4 prochaines années, d’autant que l’enjeu doit être de rehausser aussi le niveau
d’encadrement du dispositif. Il est possible d’envisager également une allocation pour les
apprentis durant leur formation afin de limiter le taux d’abandon et déperdition durant leurs
deux années de formation. Élargir Tayssir aux stagiaires de la formation professionnelle
représente un coût potentiel très raisonnable de 150 à 250 millions de dirhams par an si l’on
s’en tient à la limite d’âge légal de scolarisation à 16 ans. Le Maroc pourrait ainsi augmenter le
niveau général d’accès des populations vulnérables aux qualifications professionnelles et agir en
faveur d’insertion et une stabilité dans l’emploi.
Les aides à la scolarisation en formation professionnelle pourraient être couplées à des
dispositifs d’incitation à l’embauche, tels qu’ils existent pour les « niveau baccalauréat »
aujourd’hui (« contrat ANAPEC » de réduction des charges) tout en évaluant l’impact de ces
dispositifs d’insertion par la réduction des charges, une évaluation qui n’est pas encore
clairement mesurée. Les niveaux requérant les qualifications les plus faibles ne font pas assez

9 http://www.cese.ma/Documents/PDF/Auto-saisines/2018/AS34-2018/Rp-AS34-VF.pdf

56
l’objet de dispositifs spécifiques pour l’insertion. D’autre part, le financement des politiques
d’insertion et de formation est fragilisé par l’importance du secteur informel qui ne cotise pas au
dispositif et bénéficie pourtant des qualifications des employés qui sont passées par le système
de formation professionnelle.

Une stratégie intégrée pour la jeunesse fait défaut. Elle devrait prendre en compte les différentes
stratégies sectorielles des opérateurs de l’enfance à l’insertion professionnelle en passant par
l’orientation, qui représente le dispositif le plus fragile aujourd’hui au sein des différents
dispositifs d’aide. Une stratégie jeunesse pourtant voulue depuis près d’une décennie
nécessiterait un portage politique au plus haut niveau, lui permettant plus de concertation et
d’inter-ministérialité, lui donnant potentiellement une logique transversale et pluriannuelle.
Après analyse, il apparaît en 2020 un sous dimensionnement flagrant de nombreux dispositifs
par rapport à la prise en charge d’une population NEET, à la fois en volume (réseau E2C en
progression mais encore incomplet pour absorber le décrochage scolaire, centre de protection
de l’enfance en sureffectif chronique) mais aussi en qualité (déficit de prise en charge
psychosocial, déficit dans l’orientation dans de très nombreux dispositifs, formations lacunaires
des cadres des différents établissements). Au niveau de la jeunesse le sous-financement des
centres de protection de l’enfance est apparent et ne permet pas une bonne prise en charge
sociale ni une logique de formation et insertion. Il est nécessaire de passer d’une logique de
fragmentation de l’action publique à une logique d’harmonisation et de concertation (et non de
centralisation) en privilégiant les logiques de plateforme à l’échelle régionale et/ou provinciale,
en concertation, partout où cela est possible en partenariat avec les collectivités territoriales et
les chambres professionnelles. L’action prévue par la nouvelle phase de l’INDH et notamment le
pilier novateur de l’action spécifiquement pour la jeunesse doit pouvoir appuyer cette
transversalité et établir des modalités de concertation sur le territoire en complétant les
dispositifs existants.

Au niveau de la gouvernance du système, outre la concertation encore faible avec les autorités
locales, la place des acteurs privés et associatifs peut être développée en partenariat avec l’État.
Pour cela, celui-ci doit donner un cadre de référence avec des objectifs qualitatifs et quantitatifs
clairs mais aussi une lisibilité de son action et de son financement sur plusieurs années. De
nombreux opérateurs (associations et ONG) peu visibles mais présents dans les dispositifs clés
agissent souvent dans des conditions difficiles et dans des dispositifs sous financés
(entraide/protection de l’enfance). Cela pose alors la question des politiques de qualité pour les
opérateurs associatifs actifs dans les différents domaines d’interventions. De nombreux points
sont à renforcer notamment : la formation pour la petite enfance, la prise en charge
psychologique des jeunes, la capacité de gestion et de plaidoyer des associations pour devenir
audible auprès des administrations

De même, le financement des politiques publiques sur la précarité est à interroger. Le


désengagement du ministère du Développement Social, la réduction des budgets de l’ADS et la
montée en charge de l’Entraide nationale dans les centres de protection sociale ne semblent pas
résoudre la problématique globale de la précarité sociale des jeunes concernés. Il existe un
noyau dur d’exclusion de ces jeunes, sans doute la partie la plus « difficile » à réinsérer parmi les
NEET, qui nécessite un appui mobilisant des professionnels de la santé et du travail social.

Au niveau des filets de sécurité sociale, la rupture de protection sociale entre jeunesse (couvert
par famille ou État) et vie adulte (couvert par l’emploi) est problématique. Il n’existe pas de
protection sociale ou assurance santé tout au long de la vie. L’inscription dans un dispositif
d’assurance santé, type CNSS devrait se faire d’office dès 18ans depuis le dispositif de formation
ou insertion dans lequel se trouve le jeune (CFA, OFPPT, université, centre INDH et à défaut par

57
le RAMED). L’affichage clair des droits acquis et des cotisations doit être la norme afin de
conscientiser sur le fonctionnement de l’assurance santé minimale universelle.

L’approche genre est en voie de généralisation en tant qu’axe de conception et d’analyse des
dispositifs mais il apparait le besoin d’un alignement encore plus fort des partenaires sur les
problématiques spécifiques au genre (différentiel scolaire, contraintes familiales) et de créer des
dispositifs dédiées (internat en milieu rural avec orientation renforcée et travail d’insertion et
de formation professionnelle) doublées de bourses pour la famille sous conditions du maintien
dans le système éducatif y compris pour l’enseignement professionnel.

Enfin les passerelles entre formation professionnelle et enseignement supérieur doivent être
plus fortes dans les deux sens avec un travail de convergence sur les acquis et compétences. Il
s’agit de faire monter en qualité la formation professionnelle et soutenir les filières baccalauréat
professionnelle avec la possibilité de passer de la filière professionnelle à l’université. Il apparaît
nécessaire de décloisonner de manière étudiée les formations universitaires et professionnelles.
Par ailleurs, un alignement plus fort entre les formations professionnelles du secteur public et
les stratégies régionales de développement est nécessaire. Enfin les volumes de formation
professionnelle restent faibles dans les secteurs de la santé et de l’animation sociale alors que les
besoins sociaux sont croissants pour les prochaines années. Il apparaît nécessaire de fournir au
secteur de la prise en charge sociale des cadres intermédiaires et des opérateurs qualifiés et
efficaces en nombre suffisant.

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PARTIE 2. LES DIFFERENTS PROFILS DES NEET

Cette partie de la restitution s’intéresse aux différents profils des NEET rencontrés lors des
entretiens menés en 2019. L’approche par profil permet de mieux appréhender la variété des
situations dans lesquelles se trouvent les NEET et de proposer des politiques plus adaptées au
besoin de chacun de ces jeunes.

Il apparaît des situations très différentes selon les jeunes et tout particulièrement dans la
possibilité de sortir de la catégorie de NEET. Il est important aussi d’illustrer ces profils par des
parcours réels pour mieux comprendre la particularité de chacun des profils mais aussi les
éléments de rupture biographique.

Dans le cas du Maroc, le clivage urbain rural reste encore particulièrement fort du fait du
maintien de très fortes inégalités socio-territoriales entre les villes et les communes rurales en
termes d’accès à l’éducation, à la formation notamment professionnelle et à l’emploi salarié
réglementaire. Il faut cependant réfléchir à l’échelle des agglomérations et non des délimitations
administratives, car certaines communes rurales périphériques des grandes métropoles peuvent
bénéficier des opportunités offertes par cette proximité. Cependant, l’effet s’estompe très
rapidement selon la densité des réseaux de transports en commun.

Ainsi, en milieu rural, les distinctions de genre sont particulièrement marquées surtout en
termes de poursuite d’étude et de taux d’activité. Les jeunes femmes rurales ont un taux de
poursuite d’étude très faible au-delà du secondaire collégial et un très faible accès à l’emploi
salarié. Elles représentent le plus grand nombre de NEET. En revanche, très peu de jeunes
hommes ruraux sont considérés comme des NEET car ils sont en circulation à la recherche
permanente d’opportunités. Par ailleurs, dans les déclarations, les jeunes femmes mettent en
avant une participation régulière et continue aux tâches ménagères (entretien du domicile,
préparation des repas) non considérées comme productives par les administrations. En
revanche, les jeunes hommes en situation d’attente déclarent participer à des tâches agricoles ou
à des travaux collectifs voire à des opérations de commerce et donc ne sont pas considérés
comme des chômeurs même si ces derniers ne considèrent pas ces activités comme réellement
rémunératrices.

En ville, les profils de NEET sont plus complexes amenant à un gradient allant des jeunes
urbains en recherche active d’opportunités, souvent en situation transitoire sur une courte
période, aux jeunes en rupture sociale et familiale pouvant cumuler addictions et
comportements violents. Entre ces deux situations extrêmes, trois profils, des jeunes urbains en
pause entre deux activités pour avoir de meilleures opportunités, des jeunes urbains hédonistes
privilégiant leur bien-être ou leurs passions, et des jeunes urbains découragés développant un
comportement de plus en plus désynchronisé d’avec le monde actif.

Enfin, à travers tout le royaume, se pose la question des jeunes souffrant de maladie ou de
handicap, nécessitant un diagnostic et une prise en charge spécifique. Ces profils peuvent se
superposer aux autres profils de NEET, parmi les NEET les plus découragés figurent de
nombreux jeunes souffrant d’un ou plusieurs handicaps mal ou non diagnostiqués, notamment
les troubles cognitifs d'origine neurobiologique sans déficience intellectuelle globale mais aussi
les troubles du comportement.

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1- DES JEUNES RURAUX FORTEMENT EXPOSES A LA SITUATION DE NEET

Les jeunes ruraux constituent la majorité des NEET au Maroc selon l’ONDH. Or, selon les
statistiques se sont principalement des femmes vivant dans le monde rural, les hommes étant
très rarement NEET car participant beaucoup plus aux activités productives identifiées par les
enquêteurs de terrain. Bien sûr, cette disjonction entre les deux sexes est fortement renforcée
par la nature de la division des tâches dans les économies familiales, les filles participant aux
tâches dites domestiques, les garçons aux tâches dites productives mais aussi par la mise en
invisibilité de la contribution des femmes aux économies familiales. Sans entrer dans ce débat,
nous avons privilégié la question de la satisfaction des jeunes enquêtés, leur désir de participer à
des activités productives au sein ou en dehors de l’économie familiale. Dès lors, il apparaît que
les jeunes femmes, comme les jeunes hommes sont massivement désireux de pouvoir avoir une
activité en dehors d’une économie familiale où les besoins en main d’œuvre au quotidien sont
très faibles et souvent couverts par le reste de la famille, le plus souvent leurs parents. De plus,
les NEET sont massivement issus de familles qui ne disposent pas d’une exploitation agricole ou
sinon de très petite taille.

Par ailleurs, il faut distinguer les communes rurales entre elles. Les communes rurales
périphériques des grandes agglomérations comme Ahl Angad amènent à des opportunités plus
fortes que des communes rurales très isolées comme Tarjijt, Dar Chafaï ou Imin’tala. Par ailleurs,
au sein de communes rurales particulièrement vastes, des clivages importants apparaissent
entre les douars proches du souk hebdomadaire et/ou du centre administratif et des douars
éloignés de plusieurs kilomètres parfois accessibles simplement par des pistes. En effet, le souk
et le centre administratif concentrent les établissements secondaires (collégial et qualifiant)
mais aussi les opportunités d’emploi dans le commerce ou l’artisanat même si les rémunérations
et la régularité du travail sont faibles.

1.1. FEMMES RURALES AU FOYER

Les jeunes femmes rurales sont le profil le plus fréquent parmi les NEET soit 54,3% de l’effectif
selon l’ONDH. Il semble très important de les distinguer des jeunes filles urbaines. Car si les
situations observées peuvent apparaître similaires, repli dans l’espace domestique avec rôle
important dans les tâches ménagères, les horizons d’intégration concrète sont totalement
différents. Les jeunes filles rurales partagent le sentiment de n’avoir aucune opportunité du fait
de leur éloignement des structures scolaires, des centres de formation mais aussi du marché de
l’emploi.

Jeune femme célibataire, 19 ans, Dar Chafaï, province de Settat.

“J’aimais l’école, c’était un endroit idéal pour étudier. J’aimais le comportement des professeurs et
des élèves. J’y ai appris à m’exprimer, à lire, à écrire. C’était proche de chez moi et ma mère me
soutenait pour continuer mes études.
Seulement, j’ai quitté l’école, il y a deux ans à la troisième année du collège car j’ai redoublé deux
fois en brevet et j’ai donc décidé de quitter. A force de redoubler, tu n’as plus envie d’étudier.
J’ai suivi une formation professionnelle en couture mais c’était trop épisodique et les formatrices
n’étaient pas au niveau. Par ailleurs, nous n’avions pas le matériel adéquat pour apprendre. Je sais
qu’il existe à Settat une association qui offre une bonne formation mais je n’ai pas les moyens de me
déplacer car le transport coûte trop cher (20 MAD).

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Je veux travailler mais au village il n’y a plus de travail. Je m’occupe des tâches ménagères le matin
tandis que ma mère s’occupe des poules. L’après-midi, je regarde la télévision surtout des films
indiens, puis en fin de journée je rencontre mes amies sur le pas de la porte.
Je suis prête à accepter n’importe quel salaire pour pouvoir partir, être autonome mais aussi aider
mes parents, car mon père n’a pas de travail fixe et ma mère est au foyer.”

Jeune femme célibataire de 24 ans à Taghjijt, province de Guelmim.

“J’ai eu mon bac en 2014, j’ai étudié 3 ans à l’université d’Agadir. Ici, les gens sont conscients, ils
laissent leurs filles poursuivre leurs études. Le problème c’est que si tu poursuis tes études, tu ne
peux rien faire à Taghjijt. Il faut parcourir plusieurs kilomètres pour arriver à l’école. Pour arriver
au collège, c’est 30 minutes de marche. Mais n’empêche, ce n’est pas un problème si la personne a la
volonté d’étudier rien ne peut l’arrêter. Aussi, ce qui me décourageait c’est que je me projetais et je
me disais si jamais je poursuivais mes études qu’est-ce que je pouvais bien faire ensuite. Pour mon
orientation après le bac, j’étais littéraire. J’ai fait un DEUG en géographie à l’université Ibn Zohr
d’Agadir. En troisième année licence, j’ai pris sur moi mais je n’aimais plus cette spécialité. A la base
cette voie ne m’a jamais plu. C’était un problème d’orientation. Nous décrochons notre bac et nous
n’avons aucune idée de ce que nous pourrions faire. On entend dire que telle ou telle personne a fait
cette branche, et nous faisons pareil. De plus ce que nous étudions n’a aucun lien avec les études
supérieures. La majorité des gens à Taghjijt quand ils vont à la fac ils sont totalement perdus.
J'aimais la géographie au lycée, et je connaissais des personnes qui s’y sont spécialisées. Mais c’était
une grande déception une fois à l’université. S’il y’avait un centre de formation à Taghjijt, les filles
seraient comblées. Juste une formation de couture par exemple. Moi, j’ai appris la couture dans un
garage chez une femme à Taghjijt. Je voudrais bien travailler mais nous sommes à Taghjijt. Ici ce
n’est ni Agadir ni Guelmim. Ici il n’y a rien. Il y’a que les enfants qui étudient au collège et au lycée
rien de plus. En fait, je n’ai même pas poursuivi mes études pour pouvoir trouver un emploi, je n’ai
même pas le niveau pour ça. Il m’aurait fallu au moins décrocher ma licence. Je voudrais bien faire
une formation, mais qui soit en relation avec ce que j’ai étudié à la fac. A vrai dire je n’ai aucune
idée si une formation de ce genre existe vraiment.”

3 FACTEURS COMBINES D’EXCLUSION

Les deux parcours présentés ici permettent d’illustrer les difficultés réelles que rencontrent les
jeunes femmes rurales à la fois dans leur parcours scolaire mais aussi dans leur recherche
d’emploi.

Trois facteurs sont combinés pour expliquer leur situation.

Le premier est désormais l’inadéquation de l’offre de formation avec leur situation. Les jeunes
filles sont toujours très nombreuses à abandonner leurs études en cours de cycle primaire ou
secondaire. En effet, l’offre d’éducation académique peu adaptée à la situation locale facilite le
découragement devant des savoirs théoriques. Ainsi, si la distance est mise en avant, notamment
pour les ruptures en sixième année de primaire et en première année collégiale, c’est aussi un
argument qui est renforcée par les difficultés scolaires qui viennent aggraver le sentiment
d’effort inutile. Cette situation favorise le décrochage scolaire avant la fin du cycle secondaire
collégial. Une fois sortie du système éducatif général, elles se trouvent territorialement exclues
des autres dispositifs de formation. L’offre de formation professionnelle est concentrée dans les
chefs-lieux de province et les villes moyennes. Les centres de formation en zone rurale restent
une exception. Les seules formations professionnelles de proximité accessibles sont soit
informelles auprès d’autres femmes, soit assurée par des associations mais de façon épisodique
et avec une qualité pédagogique inégale selon les femmes enquêtées.

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Le second est l’absence d’opportunité de travail rémunéré régulier dans de nombreuses localités
du fait des gains de productivité et de la spécialisation de nombreuses localités autour d’activités
agricoles commerciales saisonnières (arboriculture, céréales). De nombreuses femmes déclarent
ne jamais avoir travaillé en dehors du foyer. Elles déclarent s’occuper principalement des tâches
ménagères tandis que leur mère s’occupe de l’élevage et des jardins. Les ménages ruraux dans
de nombreuses zones n’ont plus les mêmes besoins de main d’œuvre du fait du morcellement
des exploitations et du recul de nombreuses activités intensives en main d’œuvre qui sont
désormais concentrées dans des grands périmètres irrigués. Dans leurs témoignages, les jeunes
filles déclarent très rarement s’occuper des animaux ou des jardins. Il apparaît une division des
tâches entre les filles et les mères : les mères se déchargent des tâches ménagères sur leurs filles
pour pouvoir développer des activités agricoles sans pour autant avoir besoin pleinement de ces
dernières. Par ailleurs, la montée en gamme de l’agriculture et le développement des unités de
transformation de type coopératives favorise finalement les centres émergents et les villes qui
se spécialisent dans l’agro-industrie. Beaucoup de villages se trouvent exclus de cette dynamique
de développement d’une filière agro-industrielle qui crée des emplois salariés. Dans les
entretiens, toutes les femmes qui ont travaillé dans des usines de transformation vivaient dans
des villes au moment de l’activité.

Le troisième facteur est celui de la distance kilométrique tenant compte de la dépendance aux
moyens de transports collectifs (bus, grands taxis) qui vient accroître leurs difficultés pour
accéder à des opportunités de formation, de stage ou d’emploi. Les transports collectifs sont
finalement peu fréquents et couteux. Les transports gratuits sont liés à la scolarisation
secondaire et donc excluent les jeunes filles déscolarisées. La distance temps-prix est donc
insurmontable pour de nombreuses jeunes filles qui sont alors condamnées à rester dans leur
village. Pour certaines, la sortie en dehors du village constitue désormais un événement parfois
considéré comme une des meilleures journées de l’année.

Cette situation concerne aussi les diplômées du supérieur (qui ne représentent qu’une part
infime de l’échantillon du fait de leur extrême rareté) qui reviennent au village une fois leurs
études interrompues. Les emplois destinés aux jeunes diplômées sont extrêmement rares et
finalement ces jeunes femmes se retrouvent dans la même situation que les décrocheuses
précoces. Par conséquent, l’échec des jeunes diplômées vient renforcer les dynamiques de
découragement précoces selon le principe que la poursuite d’études est un sacrifice qui
n’améliore pas la situation finale. De nombreuses jeunes filles expriment alors des regrets de ne
pas avoir poursuivi leurs études tout en signalant que les rares jeunes femmes à avoir poursuivi
leurs études n’ont pas eu plus d’opportunités qu’elles.

LE MARIAGE COMME HORIZON ?

Enquêtrice : « Comment te vois-tu dans cinq ans ? »


Enquêtée : « Normale, je rêve de vivre heureuse avec mon mari » (Jeune femme de 17 ans qui
devait se marier le mois suivant à Bitit – Province El Hajeb).

Nombre de jeunes femmes en milieu rural envisagent un mariage précoce, car le mariage est
bien souvent la seule stratégie permettant de construire un avenir dans lequel elles peuvent
envisager une autonomie vis-à-vis de leurs parents. Pour la majorité des jeunes femmes, l’arrêt
des études et le retour à la maison pour s’occuper des tâches ménagères marque la préparation
au nouveau statut d’épouse, voire de mère.

Ainsi, de très jeunes femmes envisagent un mariage précoce de façon autonome sans prévenir
leurs parents. Ainsi à Taghjijt, une jeune femme mineure de 17 ans souhaitait présenter son

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futur mari à ses parents dans les semaines suivant l’entretien. Elle était en contact avec ce
dernier principalement via les réseaux sociaux et le téléphone portable.

Cette question ne fait nullement l’unanimité au sein des jeunes femmes. Nombreuses sont celles
qui sont aussi opposées à cette situation qu’elles décrivent comme un cercle vicieux.

« Depuis l’arrêt des études, on s’est effacée de la carte. Les garçons ont le droit de faire du sport, de
s’amuser mais nous, on ne peut plus courir, faire du sport. C’est la mentalité de 1900 « revenir en
arrière ». À 15 ans, 17ans, la fille doit se marier et avoir un enfant, elle devient mère alors qu’elle
est encore enfant. Les parents préfèrent nous marier jeunes, ils disent si on dépasse cet âge, on va
devenir des vieilles filles. Nous les filles courageuses, on dit non, il faut refuser le mariage précoce
mais la majorité des filles ne peuvent pas refuser, elles se marient et font des enfants. C’est le début
de la souffrance pour ces filles et leurs enfants » (Focus groupe, femmes, Imintala – Province Al
Haouz).

En effet, le mariage permet la décohabitation, l’acquisition d’un statut social mais aussi un accès
à la ville.

Une jeune femme de 20 ans à Bitit (province El Hajeb) mère d’un petit garçon déclare : « Je veux
vivre avec mon mari en ville (El Hajeb) parce que je vis avec mes beaux-parents, mon mari ne
pouvait pas me ramener vivre avec lui car il a beaucoup de charges, la location du garage, l’eau
l’électricité, les impôts. Je rêve d’avoir une maison avec mon mari, de voir mon fils grandir. »

Le mariage heureux permet aussi aux jeunes femmes de bénéficier du soutien de leur époux
pour développer de nouvelles activités ou même pour poursuivre des études. Les plus éduquées
qui ont achevé le secondaire qualifiant souhaitent pouvoir accéder au marché de l’emploi salarié
une fois leurs enfants plus grands, notamment pour pourvoir à leur éducation supérieure.

Ainsi une jeune femme mariée de 23 ans résidant à Iqaddar (Province El Hajeb) explique

« Mon mari m’a beaucoup soutenu pour continuer mes études. J’ai suivi une formation
professionnelle à l’ISTA pendant 2 ans en publicité. J’ai fait des stages à PC COM dans lequel j’ai
appris beaucoup de choses, on faisait la théorie et la pratique. J’avais de très bonnes relations avec
mes deux professeurs. Même si je devais prendre deux bus pour arriver et me réveiller à 6 heures du
matin, j’allais en cours car j’étais très motivée. Malheureusement, je n’ai pas eu mon diplôme car
mon fils était trop malade et je devais m’occuper de lui. »

Les femmes mariées de façon précoce en milieu rural ne renoncent pas à des projets de vie et de
développement d’une activité génératrice de revenus. Ces femmes souhaitent toujours se former
notamment à des techniques manuelles dans le cadre d’une économie domestique (couture,
cuisine, pâtisserie) afin de pouvoir envisager une reprise d’activité adaptée à leur statut de mère
avec des enfants en bas âge (modiste, confection de caftan, production de gâteaux) permettant
d’obtenir un revenu complémentaire. C’est avant tout la charge d’un enfant en bas âge, surtout si
ce dernier a une santé fragile amène à renoncer aux projets les plus ambitieux (suivi d’un cursus
diplômant supérieur par exemple). Il apparaît ainsi une forte continuité entre les compétences
liées à la tenue d’un ménage (l’amélioration d’un quotidien par l’autoproduction artisanale de
textiles pour l’aménagement et la décoration de la maison, les habits notamment de fête, la
production de produits culinaires) et le développement d’une petite activité rémunératrice pour
répondre à une demande locale de voisinage ou de vente hebdomadaire sur le souk. Cependant,
il apparaît que peu de structures de formation sont adaptées et pérennes. Les dispositifs
proposés attendent souvent une présence régulière des jeunes femmes et les peuvent les exclure
en cas d’absences répétées. Or, ces dispositifs pénalisent les femmes les plus démunies qui
doivent faire des efforts considérables pour concilier charges familiales et formation.

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« Je veux bien, surtout le domaine de la couture car je peux travailler chez moi parce que je ne peux
pas me déplacer, je suis mariée et j’ai un fils » (Femme, 20 ans, Iqaddar, province El Hajeb).

« Je préfère être entrepreneur, car je fais du pain et du msemen. » (Femme 23 ans, Dar Chafaï,
province de Settat).

Pour celles qui ne peuvent pas accéder aux dispositifs de formation, elles cherchent à se former
auprès de proches (membres de la famille, voisines). Elles privilégient alors l’apprentissage
entre pairs mais malheureusement ce dernier connaît des limites car il amène à une
reproduction de techniques qui offrent peu d’opportunités, alors que les femmes sont aussi
demandeuses de nouveautés. Elles produisent alors des produits principalement pour la
demande locale villageoise, éventuellement pour le souk avec des rémunérations très modestes.

Les plus motivées d’entre elles essayent de briser ce cercle vicieux via les réseaux sociaux et tout
particulièrement les tutoriels en ligne sur la chaîne Youtube grâce à leurs smartphones. Elles se
forment ainsi à des techniques nouvelles permettant alors de proposer d’autres produits plus
attractifs.

1.2. JEUNES RURAUX EN CIRCULATION A LA RECHERCHE D’OPPORTUNITES

Les jeunes ruraux en circulation n’apparaissent pas statistiquement comme un profil important
au sein des NEET. En effet, ces jeunes sont rarement NEET durant une longue durée et
apparaissent davantage dans la catégorie des NEET en transition. Ils subissent une forte
pression sociale à l’activité qu’ils vont donc rechercher à n’importe quel prix en acceptant des
salaires faibles et des conditions de vie très précaires dans les centres urbains. Cependant, leur
profil permet de mieux comprendre les particularités et les dynamiques actuelles de
nombreuses localités rurales. Par ailleurs, ils éclairent aussi les inégalités de genre. En effet, les
hommes acceptent des conditions de vie très pénibles que les familles refusent d’imposer à leurs
filles. Ces parcours commencent très jeunes alors que ces jeunes sont encore mineurs, souvent
autour de 15 ans, parfois un peu avant.

Homme célibataire de 22 ans à Dar Chafaï (province Settat)

Ce jeune homme de Dar Chafaï de 22 ans a quitté l’école à 15 ans pour accompagner son père
ouvrier peintre en bâtiment alors qu’il rêvait de devenir gendarme (rêve partagé par son père). La
situation économique du ménage ne lui permettait plus de rester à l’école. Sa grand-mère lui trouve
alors une place chez un éleveur de moutons dans la Chaouïa qu’il quitte rapidement. Alors, il
entame une formation de carreleur à 16 ans et travaille sur les chantiers avec son père pendant
deux ans à Casablanca dans le quartier Maarif. Le travail est rémunéré 130 MAD par jour mais
sans être assuré d’avoir un emploi tous les jours. Les conditions sont pénibles. Il revient donc au
village mais sur place il ne peut pas trouver une rémunération supérieure à 100 MAD par jour et les
relations avec son patron sont mauvaises. Il tente alors de s’installer à Berrechid (à 90 km) en 2018
avec des amis pour partager un appartement à six. A cette occasion, il se lance dans le commerce de
poterie qu’il va chercher à Marrakech. Mais là encore, il revient à Dar Chafaï au bout d’un an. Il est
actuellement investi dans les activités collectives agricoles de Dar Chafaï mais il reste très
insatisfait de sa situation. Il souhaiterait travailler comme agent de sécurité mais il n’a pas le
brevet de fin d’études collégiales nécessaire à son recrutement. Sa sœur jumelle qui a arrêté les

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études au primaire s’est mariée à 18 ans et a deux enfants. Tandis que son petit frère de 17 ans a lui
aussi arrêté les études au primaire et est apprenti boulanger à Casablanca.

Homme célibataire de 20 ans à Imintala (province Al Haouz)

« J’ai abandonné l’école en 2016, à 16 ans, je n’avais pas envie de continuer, mon père n’avait pas
les moyens pour m’aider. Il ne pouvait plus travailler, il ne voyait plus bien et il était tombé d’un
arbre. Je suis enfant unique, je devais chercher du travail. J’ai travaillé dans le commerce à
Essaouira pendant 2 ans et 3 mois. Après à Rabat, à Tamesna, j’ai travaillé dans une boutique de
vente de produits alimentaires, pendant un mois et demi. J’ai arrêté le travail à Rabat parce que le
patron me payait 700 MAD par mois, logé-nourri. J’ai travaillé alors à Témara puis je suis revenu
au douar depuis 5 mois. J’ai travaillé pendant 15 jours dans les récoltes. Je vis actuellement des
économies réalisées lors de mon travail à Essaouira. Je compte partir à Tanger après la fête du
mouton. J’ai un ami qui m’a promis de me trouver du travail là-bas. Pour l’instant, je préfère
travailler chez les gens pour économiser de l’argent et pouvoir monter mon propre projet. »

UNE FORTE INJONCTION A LA MOBILITE PRECOCE

Il existe une forte injonction au travail précoce et à développer n’importe quelle activité. Le
caractère de « débrouillards » peut être fortement associé à cette catégorie de jeunes. Ainsi à Dar
Chafai (Province de Settat) : « les enfants qui ont un minimum de dignité, n’attendent pas leurs
parents pour avoir de l’argent, ils partent travailler. » (Homme de 23 ans). A Imintala (Province El
Hajeb), c’est le même discours « il faut sortir de la maison et du douar pour trouver du travail ».
Cette injonction est d’autant plus forte si les jeunes ont la charge d’un parent malade ou
handicapé. Ces jeunes font preuve d’une grande maturité et d’une grande autonomie dès l’âge de
15 à 16 ans ayant une vision très claire de leur situation.

Pour les jeunes ruraux, la mobilité est considérée comme indispensable pour accéder à des
opportunités économiques réelles. Cette circulation est rarement individuelle, elle s’inscrit dans
des réseaux d’interconnaissances de membres de la famille ou de voisins. Les amis jouent un
rôle essentiel pour constituer un réseau de pairs à la fois pour organiser une dynamique
collective (location d’un logement en ville), une activité économique (entrepreneuriat) mais
aussi pour apprendre des compétences professionnelles notamment dans le BTP.

Ainsi, des jeunes de Dar Chafaï ont été rencontrés à Casablanca alors qu’ils vendaient des petits
objets dans la rue (lunettes, écouteurs, ceintures). Ils envoient de l’argent toutes les semaines à
leur famille. Ils vivent dans les quartiers les plus insalubres de Casablanca et se plaignent des
risques de violence. La journée, ils se dispersent dans les quartiers où ils peuvent le plus
facilement vendre leur marchandise (Bourgogne, Maarif, Aïn Diab).

L’idée de la circulation est toujours un arbitrage entre l’opportunité d’une rémunération plus
forte dans les grandes métropoles comme Casablanca et le développement d’une activité de
proximité (souk, transport, artisanat, petite industrie, tourisme) complémentaire d’une activité
agricole (élevage, arboriculture, céréaliculture) mais aussi de la participation aux tâches
collectives (entretien des pistes, puits, canaux d’irrigation, mosquées). Le retour à l’exploitation
agricole, même si cela se traduit par un travail régulier journalier dans le cas de l’élevage ou du
maraîchage, n’est pas perçu comme un travail car il n’amène pas d’argent individuel régulier.

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Bien souvent, il s’agit de revenus collectifs qui restent sous l’autorité du chef de famille, le plus
souvent le père. Les opportunités économiques locales sont souvent concentrées autour de
quelques entreprises de transformation (moulin) ou du souk (vente de légumes, boucher, café,
snack) mais pour des rémunérations beaucoup plus faibles et souvent épisodiques, voire
hebdomadaires. Les emplois sont très souvent informels parfois à la limite de légalité. Un jeune
homme d’Imintala a ainsi été chauffeur durant 3 ans pour assurer le transport collectif des
habitants et des enfants sans avoir ni les permis ni les autorisations nécessaires.

L’AGRICULTURE OCCUPE UNE PLACE DE MOINS EN MOINS IMPORTANTE.

Dans de nombreuses zones du Maroc, les emplois agricoles sont saisonniers et de moins en
moins nombreux à la différence des grands périmètres irrigués. L’activité agricole apparaît alors
comme complémentaire voire secondaire. Les jeunes l’associent parfois au « bricolage » soit un
ensemble de petites tâches faiblement rémunérées qui ne sont pas considérées comme un
métier à part entière. Ainsi, un jeune à Ahl Angad, commune rurale de la banlieue d’Oujda,
déclare que sa famille possède une grande maison dans la banlieue d’Oujda et une ferme. Il avait
investi dans un troupeau de mouton avec l’argent de l’activité de contrebande à la frontière. Mais
avec la fermeture des activités de contrebande à la frontière, il a tout vendu. Désormais, il
retourne à la ferme une fois par an au moment de la récolte.

L’agriculture est aussi considérée comme une tâche secondaire parfois de simple entraide
familiale. Ainsi, un jeune à Ahfir (Province de Berkane) qui ne cherche pas d’emploi, aide de
temps en temps son père agriculteur. Il considère sa participation comme un service rendu et
aucunement comme une activité économique, car elle n’amène pas à un revenu régulier
permettant une émancipation de la structure familiale.

« J’ai arrêté mes études en 3e année de collège. Je n’avais plus envie d’étudier. Depuis, je n’ai jamais
travaillé. Mon père est agriculteur, il a des terres. Je l’aide. »

Cette phase de circulation est pensée comme temporaire avant d’avoir les moyens de développer
une activité plus pérenne grâce à des investissements plus conséquents nécessitant un achat
d’équipement, d’un fonds de commerce et un fond de roulement, mais aussi des compétences
plus importantes en gestion. Ces jeunes sont donc à la recherche d’un soutien étatique pour
accéder au financement en priorité, sans pour autant évoquer les banques comme solution de
crédit. Pour autant, se pose la question de la localisation de la future activité car pour nombre
d’entre eux le village n’est pas le lieu offrant les conditions nécessaires à la réussite d’une
activité entrepreneuriale.

Enfin, à la fin de cette phase de circulation se pose la question de l’émigration internationale


comme opportunité plus forte d’obtenir des revenus pérennes plus conséquents.

JEUNES FEMMES RURALES EN CIRCULATION EN RECHERCHE D’OPPORTUNITES

Il existe rarement des profils féminins qui s’inscrivent dans des trajectoires de circulation
similaires à celle des jeunes hommes. En effet, la circulation des jeunes femmes rurales apparaît
souvent plus difficile car plus exposées aux logiques de prédation et de violence. Les familles
sont conscientes des risques pris par les jeunes hommes et surtout de la pénibilité de leur mode
de vie (condition d’hébergement précaire, vie dans la rue, rémunération très faible, violence,

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exposition aux addictions) et souvent refuse que les jeunes femmes s’exposent à autant de
menaces surtout lorsqu’elles sont mineures. Cependant, des jeunes femmes circulent à la
recherche d’opportunités dans un cadre familial avec leurs mères ou leurs tantes, ou de
connaissances proches.

Ainsi, une jeune femme de 19 ans à Iqaddar (province El Hajeb), orpheline de père quitte l’école de
façon précoce par manque d’intérêt puis part avec sa mère travailler durant 2 années dans une
ferme arboricole à proximité d’Imouzzer (environ 50 km) pour 70 MAD par jour. Puis, elle suit une
formation en couture à Ain Cheggag à une vingtaine de kilomètres au sud de Fès. Sa mère étant
partie travailler au Congo, elle accompagne alors ses tantes qui ont une boutique à Iqaddar.
Depuis, elle ne travaille plus.

Des jeunes femmes issues du monde rural profitent aussi des études supérieures pour
s’émanciper et accéder à la ville. Ainsi, à Fès, une jeune femme de 21 ans explique qu’elle a
commencé des études universitaires en biologie et a conservé un petit logement d’une pièce à
proximité de l’université. Elle a entrepris une première année universitaire mais elle doit travailler
pour aider sa famille. Elle a d’abord vendu des plantes médicinales. Ensuite, elle a travaillé durant 3
mois dans la cordonnerie pour 1500 MAD par mois. Puis, elle s’est mise dans la vente de produits de
beauté Oriflamme. Elle veut rester à Fès ou à proximité pour rester non loin de sa famille qui vit
dans la campagne tout en pouvant trouver un emploi. Le jour de l’entretien à Fès, elle était en
recherche active d’emploi. Elle était prête à accepter n’importe quel type d’activité. Elle se lève à
9h00 du matin et passe l’intégralité de sa journée à chercher un emploi.

Cette circulation de jeunes femmes se retrouvent aussi pour des jeunes femmes qui ont été
mariées très jeunes puis divorcées de façon précoce. Ainsi, deux jeunes femmes résidant à
Tanger ont laissé leur enfant à leurs mères respectives pour chercher un travail en ville car leur
famille ne dispose pas de ressources monétaires régulières (Groupe de parole, femmes
majeures, Tanger). La circulation de ces femmes participe aussi d’un exode rural. Elles quittent
souvent définitivement le monde rural pour s’installer en ville. Elles rejoignent alors la catégorie
des NEET urbain à la recherche active d’emploi et n’envisagent pas de retourner vivre dans leur
village.

2. JEUNES URBAINS EN QUETE D’EMPLOI ASSURANT UN MINIMUM DE BIEN ETRE

Les jeunes urbains sont massivement à la recherche d’un emploi mais ce dernier doit être
corrélé avec des perspectives assurant un minimum de bien être qu’il s’agit de qualifier. En effet,
les jeunes reviennent sur les niveaux de revenus nécessaires pour vivre comme jeune célibataire
logé et nourri par sa famille (2000 à 3000 dirhams par mois) mais aussi comme soutien de
famille qui prend en charge ses parents ou ses frères et sœurs (5000 dirhams) et enfin comme
chef de famille autonome (6000 à 8000 dirhams). Or, ces niveaux de revenus sont difficiles à
obtenir et amènent donc de nombreux jeunes à des stratégies différentes selon les ressources
dont ils disposent. Pour certains, l’urgence les amène à choisir n’importe quel emploi, pour
d’autres, il s’agit de développer une stratégie pour améliorer leurs possibilités d’accéder à des
emplois plus rémunérateurs. Cependant, les faibles perspectives d’emplois rémunérateurs
nourrissent trois trajectoires singulières selon le niveau de revenu des familles. Pour une petite
minorité issue de familles aisées, l’emploi n’est aucunement une priorité car ils disposent d’un

67
fort soutien financier de leurs proches et donc privilégient leurs passions et loisirs. Ils
développent alors un mode de vie hédoniste mais pouvant aussi faire de leurs passions une
entrée dans la vie active à terme. Pour une grande majorité, les faibles perspectives d’activités
rémunératrices nourrissent un réel découragement. Ces jeunes beaucoup plus nombreux
développent un mode de vie déphasé en rupture avec les opportunités. A cela s’ajoute la
question de la pénibilité de nombreux emplois non réglementaires qui n’ouvrent pas à des
congés payés, obligeant le jeune à quitter l’emploi soit pour se reposer soit pour chercher de
meilleures opportunités. Durant cette phase de découragement, les relations avec la famille sont
primordiales, or certains jeunes peuvent basculer dans une situation de rupture familiale et
sociale en démultipliant les comportements à risque. En croisant ces dynamiques, nous avons
identifiés 5 situations :

- les jeunes urbains en recherche active d’emploi


- les jeunes volontairement en arrêt d’activité pour chercher de meilleures opportunités
- les jeunes qui décident de se consacrer à leurs loisirs ou à des passions du fait d’un
soutien familial
- les jeunes découragés qui développent un mode de vie NEET
- les jeunes en rupture familiale et sociale en grande précarité

Il s’agit donc de repenser les profils comme moments dans des parcours souvent très complexes.
Les jeunes NEET urbains ont rarement des parcours linéaires. Bien au contraire, leur profil est
de plus en plus marqué par de multiples expériences qui s’enchaînent avec plus ou moins de
fluidité.

2.1. LES JEUNES URBAINS EN RECHERCHE ACTIVE D’EMPLOI

De nombreux jeunes urbains correspondent à la catégorie institutionnelle de chômeurs soit des


jeunes en recherche active d’emploi. Ils multiplient les expériences professionnelles plus ou
moins longues et plus ou moins formelles. Ils se heurtent souvent à l’absence d’emploi dans
leurs domaines de compétences et sont donc souvent prêts à se déplacer.

Une jeune fille de 23 ans à Fès après un bac littéraire a commencé une première année
universitaire pour devenir assistante sociale mais les grèves multiples et les nombreux problèmes à
l’université l’ont amené à ne pas achever l’année. Elle a donc décidé de reprendre ses études à l’ISTA
en comptabilité de 2016 à 2018. Elle a eu plusieurs activités professionnelles. En 2014, elle a vendu
des cartes téléphoniques pour 100 MAD par jour, puis elle a travaillé un mois dans une chaîne de
fastfood en 2016 pour 2300 MAD par mois. En 2019, elle a travaillé un mois dans une pizzeria pour
2500 MAD par mois et ensuite dans une maison d’hôte où elle faisait la facturation et la
comptabilité pour 1500 MAD par mois. Elle cherche quotidiennement du travail dans son domaine
qui est la comptabilité. Cependant, elle souhaiterait vivre dans une autre ville que Fès et si possible
à l’étranger.

Une jeune femme de 22 ans d’Amizmiz a arrêté ses études en 3ème collège. Juste après l’arrêt des
études, elle a suivi une formation professionnelle en coiffure pendant une année à Amizmiz. «
Cette formation m’a permis d’avoir un revenu et d’aider ma famille ». Elle a été vendeuse dans une
boutique de vente de tissus pendant 4 ans : « Au début, je gagnais 1000 MAD par mois mais, avec
la baisse de la vente, mon salaire a baissé à 400 MAD. « Au début, j’étais contente mais après j’ai
arrêté. » Ensuite, elle a été vendeuse dans une épicerie devant une école pendant un an : « c’était

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un travail saisonnier, je gagnais 800 MAD par mois ». Puis, elle a été ouvrière dans une
biscuiterie : « je gagnais 80 MAD par jours, on avait le transport, j’ai arrêté à cause de la fermeture
de l’usine ». Enfin, elle est neggafa (habilleuse dans des mariages) : « c’est un travail saisonnier, je
travaille uniquement l’été. Le salaire n’est pas fixe ». Seulement, « l’éloignement, je perds la moitié
du salaire dans les déplacements ». Au moment de l’étude, elle cherche du travail « n’importe quel
travail, le plus important est d’avoir un revenu et qu’il soit proche de mon lieu de résidence ».

Une jeune femme de 21 ans vivant à Amizmiz après le baccalauréat, elle a choisi de s’inscrire au
centre de formation professionnelle en informatique à Marrakech. La formation a duré 2 ans, elle
a travaillé comme stagiaire dans une école privée à Amizmiz. « J’ai travaillé pendant 6 mois, j’ai
gagné 300 MAD par mois uniquement les 2 derniers mois, les autres 4 mois, je n’ai rien reçu. Les
conditions étaient difficiles, j’allais à pied, je travaillais jusqu'à 18H. J’avais tous les niveaux de la
première à la sixième année. Au début, j’étais très contente d’avoir ce travail mais avec
l’exploitation et le comportement de la directrice, à la fin j’ai détesté ce travail. J’ai arrêté quand la
directrice n’a pas voulu augmenter mon salaire et me donner une attestation de stage ». Elle est
désormais à la recherche d’un travail « dans la fonction publique ou dans le privé dans son
domaine le développement informatique ». Elle regrette « ne pas avoir un réseau de connaissances
pour trouver du travail ». Elle souffre aussi de « l’éloignement des centres urbains où il y’a des
opportunités du travail comme Marrakech et Casablanca ».

Les jeunes urbains ont accès à davantage d’opportunités d’emplois que les jeunes ruraux, ce qui
explique une recherche beaucoup plus active d’emploi chez les femmes et les hommes, alors que
les femmes rurales sont trop éloignées des bassins d’emploi pour entreprendre des démarches.
Cependant, ces opportunités restent très inégales selon les villes (notamment entre grandes
métropoles comme Casablanca ou Tanger et des chefs-lieux de provinces ou des centres
émergents) et selon les quartiers. Les jeunes enquêtés déclarent généralement avoir exercé
plusieurs activités professionnelles après leurs études, à la différence des jeunes femmes rurales
qui sont nombreuses à ne jamais avoir travaillé. Cependant, ces emplois sont souvent de
mauvaise qualité : pénibles, mal rémunérés, informels et non déclarés, saisonniers, difficiles
d’accès. Cela les amène à multiplier les expériences mais aussi à chercher des modalités pour
améliorer leurs perspectives d’intégration économique.

Il apparaît alors des trajectoires très variées et souvent assez complexes. Les jeunes
commencent massivement par des expériences professionnelles dans les métiers peu qualifiés
ou sous la forme d’apprentissage. Ces métiers sont principalement ceux des services (commerce
au détail), de l’artisanat, du BTP. Les jeunes travaillent alors de façon informelle avec des
rémunérations très faibles. Certains déclarent apprendre des compétences utiles et considèrent
cela comme une étape dans leur apprentissage et leur chemin vers l’autonomie (tout
particulièrement dans les métiers de l’artisanat), en revanche d’autres vivent cela comme un
rapport d’exploitation notamment parce qu’ils sont obligés de faire des tâches supplémentaires
comme le ménage sans réellement obtenir un salaire supplémentaire. Cette expérience amène
de nombreux jeunes à regretter l’abandon précoce des études et à vouloir reprendre un
parcours scolaire ou une formation professionnelle.

Ils peuvent ensuite intégrer des entreprises plus formelles comme les franchises de restauration
rapide, les usines de transformation (agro-industrie, mécanique) sans pour autant obtenir un
salaire satisfaisant du fait de la pénibilité du travail (horaires, position debout constante) mais
aussi de la distance avec leur logement, tout particulièrement pour accéder aux zones

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industrielles périphériques. Les emplois de service notamment dans le secteur de l’éducation
(cours d’alphabétisation, enseignement privé) ou dans les centres d’appels ne sont pas
systématiquement mieux rémunérés amenant alors à des départs précoces.

Les jeunes vont donc chercher à reprendre des formations professionnelles leur permettant de
disposer d’un emploi meilleur. Ce désir de formation professionnelle est récurrent chez les
jeunes qui ne disposent pas de diplômes et qui sont déçus par les opportunités économiques
offertes.

Les jeunes urbains en recherche active d’emploi déclarent passer toute la journée à chercher des
emplois du matin jusqu’au soir. Ils mobilisent essentiellement des réseaux d’interconnaissance
et le contact direct avec les employeurs par le dépôt de CV notamment ou l’envoi de
candidatures spontanées via les réseaux sociaux pour les plus diplômés, tout particulièrement
les techniciens et les techniciens supérieurs de l’ISTA.

2.2. LES JEUNES VOLONTAIREMENT EN ARRET D’ACTIVITE POUR CHERCHER DE


MEILLEURES OPPORTUNITES

Parmi les jeunes qui refusent de continuer des études, de travailler ou de chercher un emploi, se
cachent des situations très différentes que les entretiens individuels ont permis de documenter.
La catégorie de NEET volontaire doit donc être questionnée à l’aune de la réalité du monde du
travail marocain et des inégalités sociales.

Ainsi, un jeune garçon de 18 ans à Ben Guerir explique : « J’ai arrêté en première année de collège,
mon père est sans emploi. J’ai travaillé comme serveur dans un café pendant 5 ans. J’étais payé 200
MAD par semaine alors que je devais aussi faire la vaisselle et nettoyer le sol. J’ai arrêté il y a deux
semaines. Je ne cherche pas de travail. Je veux me reposer et ensuite je chercherai un bon travail. Je
pense aussi à quitter le pays. »

Les jeunes sont donc à la recherche d’un équilibre entre pénibilité et revenu, en cherchant
activement un emploi.

Ainsi à Marrakech, une jeune femme de 23ans a réalisé une formation professionnelle
secrétariat et industrie de l’automobile après une licence d’histoire. Elle a d’abord travaillé dans
une boutique de vente de chaussures, pour un salaire de 1500 MAD. Puis, elle a été enseignante
dans une école privée pour 2500 MAD par mois. Peu après, elle a rejoint une société de
fabrication de voiture pour 3500 MAD avant de travailler dans un centre d’appel pour 4000 MAD
par mois. Mais, elle déclare ne pas avoir reçu le salaire promis. Au moment de l’enquête, elle
cherche « un travail à temps complet et sans être debout toute la journée ».

Il faut poser la question des temps de repos alors que de nombreux jeunes sont engagés dans
des activités non contractualisées et donc échappant au cadre légal des 44 heures
hebdomadaires, des jours fériés et des congés payés. Nombre de jeunes doivent en effet décider
d’arrêter de travailler de leur propre chef et de renoncer à toute rémunération pour se reposer.
Ainsi, certains finissent épuisés après plusieurs mois ou plusieurs années de travail intensif dans
des conditions difficiles. Ces jeunes déclarent alors avoir tout simplement besoin de vacances,
sans savoir si ces vacances seront courtes ou longues du fait de l’absence de contrat
prédéterminant leur temps de repos. Plusieurs jeunes expliquent avoir exercé des métiers très
rémunérateurs (6000 MAD par mois) mais très pénibles. Ainsi, dans les entretiens deux jeunes
ont raconté avoir été gardiens de parking, une première à Aïn Diab à Casablanca, un autre à Bab

70
Doukala à Marrakech. Ce métier assure une très forte rémunération (200 MAD par jour) mais les
deux jeunes déclarent avoir arrêté après plusieurs mois du fait de la pénibilité : « travailler du
matin jusqu’au soir sans s’arrêter ».

Les enquêtes menées entre Ramadan et l’Aïd el Adha ont ainsi amené à rencontrer de nombreux
jeunes qui déclaraient être en phase de repos. Cette pratique d’arrêt prolongé du travail et de
retour à la maison familiale est particulièrement caractéristique des jeunes hommes ruraux qui
l’intègrent véritablement comme une phase de vacances permettant le retour dans la famille et
la participation à des activités collectives. Cependant, pour les jeunes urbains, cela prend un
autre sens. Ces phases de repos apparaissent comme très différentes selon les jeunes enquêtés
car pour certains elles durent depuis plusieurs mois et les jeunes enquêtés n’avaient pas
l’intention de reprendre une activité économique rapidement.

Ainsi, à Amizmiz une femme de 24 ans dont le père est fonctionnaire à la municipalité a connu un
parcours ponctué de pauses. Ainsi, après le bac, elle s’est inscrite à la faculté de droit de Marrakech.
Elle a abandonné la faculté après un mois et est alors restée à la maison durant une année. L’année
suivante, elle s’est inscrite à l’institut privé des métiers d’infirmiers en spécialité sage-femme. Sa
famille a déménagé à Marrakech pour qu’elle puisse suivre ses études. Elle a fini ses études en
novembre 2018 en ayant accompli plusieurs stages dans des cliniques puis elle a décidé de prendre
une année de repos. Au moment de l’enquête, elle ne travaille pas, cependant, elle a une promesse
d’embauche au mois de septembre 2019. Lors du second entretien mené en juin 2020, elle exerçait
le métier d’infirmière comme convenu.

Les jeunes citent encore les emplois de la fonction publique comme des trajectoires de succès
pour leurs camarades (« devenir gendarme à Berkane » pour un groupe de parole homme
majeurs à Berkane) mais pour beaucoup de jeunes ces emplois leur sont inaccessibles. Le
concours administratif est désormais trop sélectif et « ils n’ont pas de réseau pour ce faire
recruter ». Les jeunes les plus diplômés cherchent donc des moyens de pouvoir préparer le
concours ce qui les amène à être dans un entre-deux, cumulant un petit emploi alimentaire
épisodique et la préparation du concours, notamment pour les hommes.

Ainsi, à Guelmim, un jeune homme de 24 ans, licencié en droit privé en arabe de l’université
d’Agadir, a appris le métier de peintre en bâtiment avec un ami. Il travaille alors
occasionnellement avec ce dernier tout en essayant de passer des concours ou de répondre à des
offres d’emplois. De même, à Marrakech, un homme de 24 ans, licencié en littérature anglaise a
suivi deux formations : en informatique pendant 3 mois, et en sciences de l’éducation pendant 2
mois pour passer le concours de l’enseignement qu’il n’a pas réussi. Il a travaillé dans un riad, il
gagnait 150 MAD par jour comme réceptionniste de nuit, mais il a aussi travaillé comme maçon
toujours à Marrakech pour 70 MAD par jour. Au moment de l’étude, il préparait de nouveau le
concours de l’enseignement public. Il mise sur ce concours pour décrocher un travail qui lui
convienne mais il a peur de rater le concours car il ne maîtrise pas la langue française.

Les jeunes connaissent aussi de bons emplois mais des aléas les amènent à ne pas rester dans
l’emploi. Ainsi un jeune garçon de 20 ans vivant à Ben Guerir qui a arrêté ses études en 3e année
de collège a travaillé dans une grande surface à Rabat pour 2700 MAD par mois comme vendeur
: “c’est une très belle expérience et le meilleur travail que j’ai exercé”. Mais le contrat court s’est
arrêté à la fête de l’Aïd El Adha. Le jeune est donc au chômage mais il souhaite retrouver un
emploi similaire et donc attend l’opportunité de se faire recruter. Un autre jeune homme de 24
ans à Ben Guerir déclare avoir travaillé comme plombier dans une société durant deux ans et
demi, son salaire est passé de 2000 MAD par mois à 7000 MAD par mois. Malheureusement, la

71
société a fermé et il a alors décidé de se former à la conduite de véhicules poids lourds auprès
d’amis pour disposer de nouvelles opportunités d’embauche dans un secteur bien rémunéré.

2.3. LES JEUNES QUI DECIDENT DE SE CONSACRER A LEURS LOISIRS OU A DES


PASSIONS

Le contexte particulier des opportunités d’activités économiques pour les jeunes amène certains
d’entre eux à retarder leur entrée dans la vie active pour se consacrer à leurs loisirs. Ils
représentent une petite minorité des NEET moins de 5% des enquêtés. Ils ont décidé de ni
poursuivre d’études, ni chercher un emploi, et déclarent être ni trop fatigué, ni trop malades
pour cela ou connaître une phase dépressive. Ce sont des jeunes très insérés avec un réseau
social riche, un soutien familial important. Ils peuvent se permettre de faire une pause durant
une année voire plus pour certains. Généralement, ils sont issus d’un milieu plus aisé que la
moyenne marocaine, sans forcément figurer parmi les plus riches. Mais généralement, ils
disposent d’une grande maison avec plus de 3 chambres. Le père a un revenu régulier
(commerçant, entrepreneur, fonctionnaire, militaire) suffisant pour les prendre en charge.

Ces jeunes hommes peuvent refuser d’intégrer une activité professionnelle régulière pour vivre
une jeunesse faite de voyage et de rencontre et se rapprocher d’une situation hédoniste pour un
temps plus ou moins long, comme c’est le cas dans des pays à plus hauts revenus comme en
Europe.

Ainsi, un jeune homme de Guelmim de 24 ans a fait deux ans de licence de littérature anglaise à
la faculté Ibn Zhor d’Agadir mais « juste pour faire des études ». Il accompagne désormais « des
touristes, des surfeurs mais aussi des designers avant tout pour le plaisir des rencontres » sans
chercher de rémunération. Il passe son temps à « voyager avec des amis » et organise des
randonnées toujours dans un cadre non commercial. D’ici quelques années, il veut « créer une
entreprise pour aider les autres jeunes » et « surtout mieux traiter les gens ».

Cette situation est assez fréquente pour des jeunes femmes diplômées disposant d’un soutien
familial important dans le cadre d’une relation privilégiée avec leurs parents. Elles ne subissent
ni pression à trouver un emploi, ni pression au mariage et peuvent donc construire leur
parcours comme elles le souhaitent. Pour certaines, le monde du travail n’est pas attractif et
donc malgré un diplôme et des compétences, elles préfèrent rester à la maison.

Ainsi, une jeune femme de 21 ans à Amizmiz, a suivi une formation professionnelle à Marrakech
après l’obtention de son baccalauréat et a validé un diplôme de secrétariat en 2018. Or, au
moment de l’entretien, elle ne travaille pas et ne cherche pas de travail. Les obstacles pour
trouver du travail sont d’ordre personnel « je maîtrise mon domaine de travail mais je ne suis pas
sociable et j’ai peur de faire des entretiens ». Elle déclare qu’elle n’est pas pressée pour trouver du
travail et la situation financière de sa famille est bonne car son père était instituteur et il est élu à
la municipalité. Elle préfère rester à la maison.

Enfin, c’est aussi une stratégie pour développer une passion qui peut être aussi une étape vers
une carrière professionnelle désirée. Cependant, la phase d’investissement dans cette passion
nécessite un temps d’incertitude fait de petites opportunités de rémunération relevant de
l’indemnité.

Ainsi, une jeune femme de 23 ans à Amizmiz après l’obtention d’une licence sociologie a décidé
de s’investir dans l’arbitrage de football féminin. Par match arbitré, elle gagne entre 100 et 600
MAD, plus les frais de déplacement. En juillet 2019, elle cherchait du travail sous forme de

72
« stage » comme professeur de sport dans une école privée. En septembre 2019, elle a
finalement été embauchée comme professeur de sport dans une école privée à Marrakech du
faut de son activité d’arbitre. A terme, elle souhaite devenir fonctionnaire dans le domaine
sportif. Cependant, elle a pu prendre le temps de choisir, son père étant retraité et sa mère
couturière.

Ce phénomène peut concerner aussi des jeunes hommes en rupture scolaire précoce. Ils quittent
l’école relativement tôt n’ayant pas d’intérêt pour les études et se concentrent alors sur une
activité sportive : ainsi des jeunes mineurs se concentrent sur l’activité sportive comme
l’haltérophilie à Dar Chafaï ou le futsal -football en salle- à Guelmim. Ils ont l’argent suffisant
pour couvrir leurs besoins et passent beaucoup de temps au café, sur leurs smartphones et
autour de leur activité sportive. Ces jeunes sont confiants dans l’avenir du fait de leur assise
familiale et de leur niveau de vie plus élevé.

2.4. JEUNES URBAINS DECOURAGES QUI DEVELOPPENT UN MODE DE VIE


DEPHASE

Les faibles opportunités d’emploi qualifiés et rémunérateur et/ou la démultiplication des


emplois de mauvaise qualité, amènent à de nombreux jeunes des phases de découragement.
Parfois, ces phases pourraient être associées à des situations d’épuisement. Cependant, il faut
qualifier ce découragement selon sa durée et surtout le basculement ou non dans un mode de vie
spécifique.

Ainsi, à Amizmiz un jeune garçon de 20 ans est revenu chez lui pour la fête de fin du Ramadan, et
il n’a pas l’intention de repartir : « Depuis 8 mois, je suis sans travail, je n’ai pas envie de revenir à
Casablanca même si le patron m’a appelé. J’ai dépensé toutes mes économies dans les cafés et la
nourriture. J’ai travaillé comme serveur à Casablanca pendant 4 mois, je gagnais 80MAD par jour.
Après, pendant 2 mois, j’ai été aide-maçon, je gagnais 95MAD. Je ne cherche pas de travail. Je viens
de refuser une proposition de travail dans un pressing. Je ne veux pas travailler dans le pressing.
Cela demande beaucoup d’efforts et l’été c’est très difficile. Le salaire est seulement de 600 MAD par
semaine. »

Par ailleurs, le fait de quitter une activité rémunérée pénible n’est pas l’assurance de retrouver
un travail par la suite, ce qui amène alors à une situation ambigüe durant laquelle le jeune trouve
des petites activités palliatives avec des rémunérations ponctuelles sans pour autant franchir le
pas de revenir à une activité professionnelle régulière.

A Amizmiz, un garçon de 22 ans, a travaillé avec son père dans la boucherie, après dans le four
du quartier. Depuis 2014, il ne travaille pas « à Amizmiz, il n’y a pas de travail, je passe la journée
à marcher dans les rues ou au café. La plupart du temps, je ne paye pas ma consommation ». De
temps en temps, il travaille comme porteur des marchandises, il gagne entre 150 MAD et 300
MAD. Et pendant le mois de Ramadan, il a participé aux tournois de football et gagné 400 MAD. Il
déclare être très découragé.

Le découragement est aussi lié aux sacrifices à faire pour accéder à des emplois de qualité. En
effet, les jeunes savent qu’ils manquent d’expérience et qu’ils doivent passer par une phase
pénible de faible rémunération et au prix de beaucoup d’efforts, cependant très peu
d’entreprises offrent des perspectives d’ascension dans l’entreprise et de revalorisation

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salariale. Se pose alors un dilemme pour de nombreux jeunes : accepter des conditions d’emploi
médiocre durant plusieurs années dans la même entreprise ou chercher un emploi mieux
rémunéré dans une autre entreprise sans garantie du fait du manque d’expérience.

Ainsi, une jeune femme de 21 ans après une 1ère année de licence en économie à la faculté de
Marrakech a mené une formation professionnelle en gestion d’entreprises durant une année.
Elle a travaillé dans un centre d’appel durant 3 mois, pour 1700 MAD par mois. Cependant, le
lieu de travail était très éloigné et lui amenait à avoir des dépenses très importantes en
transport. Par ailleurs, elle ne voyait pas d’opportunité au travail. Au moment de l’enquête, elle
est très découragée « je ne pense pas pouvoir avoir de travail dans l’immédiat, car ça demande de
l’expérience. »

La durée de l'inactivité est un indicateur au-delà de 3 mois commence un sentiment de


souffrance qui n’est plus celui des vacances. En effet, le découragement se traduit par un
changement de rythme de vie surtout pour les hommes : « se lever tard, se coucher tard ».

Ensuite, ce découragement est associé à un changement dans l’espace vécu qui se restreint
considérablement :

« Les filles à la maison les garçons dans les cafés » (groupe de parole de femmes majeures à
Chefchaouen).

« Les filles aident leur mère à la maison et les garçons passent leur temps à traîner dans les
rues » (groupe de parole de femmes à Casablanca).

Ce décrochage spatio-temporel du marché de l’emploi peut être qualifié de déphasage avec la


temporalité et les lieux de l’activité économique. Les jeunes se coupent des réseaux
d’opportunité de réintégration d’une formation ou d’un emploi. Souvent, ces jeunes arrêtent les
candidatures auprès des entreprises et n’utilisent pas les services spécialisés d’accompagnement
de la recherche d’emploi comme l’ANAPEC. Ils espèrent être sollicités et recrutés par des
proches (cette modalité est désignée sous l’appellation de « piston »). Pour les jeunes urbains des
centres émergents ou des villes moyennes, cela peut se traduire par un retour dans la ville
d’origine après une circulation dans les grandes métropoles qui s’apparente à celle des jeunes
hommes ruraux.

Les femmes entrent dans une routine domestique. Elles restent à la maison mais elles sont
massivement intégrées dans les tâches ménagères. Elles se lèvent relativement tôt pour faire le
ménage et préparer les repas durant la matinée, puis elles regardent la télévision principalement
l’après-midi, ayant selon les cas une rare occasion de sortie en fin d’après-midi sur le pas de la
porte ou dans les environs très proche de la maison. Certaines ne sortent presque jamais. Elles
décrivent cela comme des journées « vides », sans événement, sans perspective.

Pour les hommes, ce mode de vie découragé est vécu de façon plus collective autour de lieux
publics : le café, la rue, une placette mais aussi des lieux particuliers comme la proximité des
maisons de jeunes à Marrakech, à Chefchaouen, comme la piscine municipale en été à Fès et à
Azrou, les jardins publics à Casablanca, à Marrakech, parfois des lieux spécialement aménagés
par les jeunes NEET pour des jeunes NEET comme les buvettes autour de piscines naturelles à
Ahfir. Ces lieux sont des lieux de sociabilité souvent exclusivement masculins amenant même les
femmes à les éviter. Ce sont aussi des lieux de solidarité autour « du bricolage » soit des petites

74
opportunités de revenus très ponctuelles. Ce sont aussi des lieux de consommation collective de
drogue de façon parfois extrêmement intensive : « Les jeunes se retrouvent dans le quartier et ils
fument » (groupe de parole d’hommes mineurs à Sidi Ifni). Ces lieux sont notoirement connus
pour les NEET, pour les autorités : « les jeunes sont là, ils ne font de mal à personne, on les laisse
tranquille » (agent d’autorité à Ahfir).

2.5. JEUNES EN RUPTURE FAMILIALE ET SOCIALE EN GRANDE PRECARITE

Au sein de ces jeunes urbains, se trouvent des jeunes qui sont en rupture. Ils construisent des
contre-sociétés adolescentes en marge des institutions que sont l’école, la famille, le travail.
Ces ruptures peuvent arriver très tôt au moment de l’adolescence, dès l’âge de 12 ans pour
certains cas enquêtés. Ces jeunes vivent alors de petits métiers très mal rémunérés, de petits
larcins et surtout de mendicité (désigné par le terme de « gratte »). Ils vivent dans la rue de
façon plus ou moins collective.

Ainsi, un garçon de 15 ans à Fès vit dans la rue depuis 3 ans. Suite au décès de son père, il a rompu
avec sa mère et ses deux frères. Il a travaillé comme apprentis cordonnier puis comme aide
ferronnier. La très faible rémunération (150 MAD par semaine) et la longue distance à parcourir
par rapport au quartier dans lequel il vit l’ont amené à renoncer. Il vit désormais de mendicité pour
manger et pour fumer. Sa journée est donc focalisée sur la recherche de nourriture puis de quoi
fumer des cigarettes ou de la chicha. Ensuite, il rejoint d’autres jeunes dans sa situation pour jouer
au football ou pour chanter et faire de la musique. Il ne se déclare pas comme violent et a commis
une seule fois un vol de mobylette dans l’espoir de la revendre pour acheter un téléphone portable.

Ces trajectoires de dérives amènent à avoir certains jeunes qui finissent par se spécialiser dans
des activités délictuelles comme la revente de drogue, le trafic ou le vol et le recel. Il apparaît
alors plusieurs groupes de jeunes à la dérive dans les grandes villes de Casablanca, Fès,
Marrakech, Tanger, Oujda, El Jadida et Tétouan. Ces jeunes se regroupent alors autour de lieux
emblématiques (des avenues passantes, des places centrales, le souk, la piscine, une maison de
jeunes) pour la journée puis se replient dans des quartiers très dégradés le soir.

Ainsi, un jeune homme de Tétouan entame une carrière de délinquance après avoir quitté l’école
en première année de secondaire collégial après avoir frappé une de ces enseignantes qui avait
essayé de lui mettre le chewing-gum dans les cheveux. Il travaille dans une petite exploitation
agricole familiale qui cultive des légumes mais aussi du cannabis. Puis, il commence à consommer
différentes drogues, de l’alcool, de l’ecstasy (MDMA) et du kerkoubi. Il participe alors au trafic de
drogue et est arrêté par les forces de l’ordre en possession de 50 doses d’héroïne. Il est donc
condamné à plusieurs années de prison et est libéré au bout de 15 mois.

Dans les villes plus petites, ces dynamiques ne prennent pas la même dimension de rupture
totale du fait des interconnaissances et du maintien de réseaux familiaux et amicaux qui même
distendus amène à des logiques de prise en charge des jeunes soit par des membres de la famille
ou des proches. En revanche, la grande ville apparaît comme un lieu de dissolution de ces
solidarités amenant de nombreux de jeunes à être perdus de vue par leurs proches. Ces jeunes
échappent aussi aux dispositifs d’accompagnement des associations spécialisées.

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3. JEUNES SOUFFRANT DE MALADIE OU DE HANDICAP

La maladie de longue durée ou le handicap sont des facteurs de décrochage scolaire précoce et
de faible intégration à la sphère productive. Cependant, le degré de handicap ou de maladie est
difficile à estimer sans le recours à un diagnostic médical approfondi. Si dans certains cas, la
pathologie est clairement identifiée, dans d’autres cas, elle apparaît comme beaucoup plus
diffuse. Par ailleurs, le degré de handicap doit être qualifié car il peut être pris en charge pour
construire avec le jeune une certaine autonomie. Ainsi, souvent est qualifié de maladie ou de
handicap seulement les pathologies les plus faciles à observer se traduisant par des difficultés
motrices importantes ou un état d’épuisement voire de douleur physique continu. En revanche,
les troubles moins facilement identifiables ne sont pas considérés comme un obstacle aux études
ou à l’activité professionnelle même si ces derniers sont très difficiles à surmonter sans un
accompagnement spécifique. Ainsi, les troubles de l’apprentissage et les troubles psychiques ne
sont pas ou très peu pris en compte alors qu’ils apparaissent comme sous-jacents dans de
nombreux cas documentés ici.

3.1. LE HANDICAP PHYSIQUE

Il apparaît en effet des cas où la dépendance des jeunes est totale du fait de leur absence
d’autonomie. Ainsi, à Had Soualem, c’est une fratrie complète qui présentait des déficiences
physiques et intellectuelles du fait d’une trop importante consanguinité selon les mots mêmes
des parents. Or, ces jeunes ne pouvaient ni être scolarisés ni intégrés dans des parcours de
formation professionnelle. Pour les déficiences mentales, la prise en charge reste extrêmement
rare et dans de nombreuses villes voire quartiers, il est très difficile de trouver des structures
adaptées ce qui amène les jeunes à vivre constamment dans l’espace familial. Dès lors, la prise en
charge est intégralement assurée par les mères ce qui les empêche souvent de pouvoir avoir une
activité complémentaire mais aussi qui les laisse démunies devant les besoins spécifiques de
leurs enfants.

Dans certaines villes la question du handicap est prise en charge par des centres dédiés comme à
Tétouan. Ainsi, un jeune homme malvoyant a pu suivre une formation professionnelle avec le
soutien de la fondation Mohamed V, mais par la suite il n’a pas trouvé d’emploi du fait d’un
manque d’accompagnement et de sensibilisation des entreprises à l’accueil de travailleurs à
besoin spécifique. A Fès, un jeune homme amputé s’investit dans le judo et rêve de participer
aux jeux paralympiques.

3.2. LA MALADIE DE LONGUE DUREE

La maladie est aussi un facteur de risque notamment du fait de la rupture dans le parcours de
formation initiale.

Une jeune fille de 18 ans à Fès est tombée malade depuis plus d’un an et demi après de multiples
consultations (sept médecins différents ont été consultés) et une opération chirurgicale, une
tuberculose osseuse lui a été diagnostiquée. Elle est donc sous traitement pour 9 mois. Elle est
désormais immobilisée chez elle et en nourrit une grande frustration car elle a dû arrêter ses
études en première année de lycée. Elle souhaiterait avoir une vie active mais elle a peur que les
horizons du salariat lui soient désormais bouchés par manque de diplôme. En effet, elle a postulé à
Marjane comme caissière, mais sa candidature a été refusée car elle n’a pas le baccalauréat. Elle a

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candidaté à plusieurs reprises dans d’autres entreprises mais ses demandes sont restées sans
réponse.

A la différence du handicap, la maladie longue durée est considérée comme temporaire et donc
comme une épreuve à surmonter. Or, si elle survient durant la formation initiale, elle devient un
élément de rupture biographique qui réduit très fortement les opportunités de poursuite
d’étude ou d’emploi. Pour autant, elle n’est pas un obstacle rédhibitoire, ainsi une jeune fille de
Casablanca, en maladie longue durée en juin 2019, a réussi à intégrer une classe préparatoire
aux grandes écoles en septembre 2019 et reprendre une scolarité exigeante.

3.3. LES TROUBLES DE L’APPRENTISSAGE

A la différence du handicap physique et de la maladie chronique, certaines pathologies restent


mal identifiées et mal prises en charge or leurs effets sont à même de confisquer l’avenir des
jeunes. Ainsi une jeune fille de 17 ans à Missour déclare souffrir d’importants problèmes de vue
sans jamais avoir réussi à trouver une solution auprès des différents médecins consultés. Cela
condamne donc toute forme d’apprentissage tant scolaire que professionnel.

“ J’ai des problèmes d’yeux. Je ne vois pas bien. J’ai redoublé à plusieurs reprises et finalement, j’ai
abandonné en 4e année primaire. Cette année, j’ai commencé une formation de couture chez une
femme qui a une petite association mais je n’ai pas continué toujours à cause de mes problèmes
d’yeux. Je suis allée voir un spécialiste mais cela n’a rien changé.”

Pourtant, cette jeune fille est autonome pour les tâches ménagères et participe aux activités
quotidiennes du foyer.

Si dans ce cas, la jeune fille a clairement identifié ses difficultés, dans certains cas, les troubles ne
sont pas qualifiés notamment comme les troubles de l’apprentissage. Ainsi, lors d’un entretien
mené avec un jeune garçon de 14 ans à Taghjijt (province de Guelmim), il s’est avéré que ce
dernier malgré une scolarité de 6 à 13 ans ne comprenait pas l’arabe dialectal et ne savait ni lire
ni écrire. Son vocabulaire était resté très pauvre même en tachelhit. Sa situation était d’autant
plus surprenante que le décrochage scolaire précoce était particulièrement faible dans la
commune. Ce cas individuel extrême interroge souvent sur la capacité de nombreux jeunes à
suivre un apprentissage.

Il est difficile d’interpréter ce que veulent dire les jeunes lorsqu’ils disent qu’ils n’ont pas « la tête
pour les études », expression régulièrement utilisée par les jeunes pour qualifier leurs difficultés
d’apprentissage et de compréhension. Dans certains cas, les jeunes ont des lacunes qui laissent
supposer des troubles de l’apprentissage non pris en charge. A Ahl Angad (préfecture d’Oujda-
Angad), une jeune fille de 17 ans tient un journal intime, elle anime une page Facebook sur les
violences familiales dans les familles recomposées ciblant particulièrement les relations entre
les jeunes filles et leur beau-père. Elle maîtrise donc la lecture et l’écriture mais elle a arrêté ses
études en 4e année primaire. Elle déclare ne pas savoir compter, être incapable de lire l’heure
voire de recompter sa monnaie chez l’épicier, ce qui relève d’un problème de dyscalculie.

Ces troubles de l’apprentissage non pris en charge impactent donc les jeunes sur toute leur vie
leur fermant de nombreuses possibilités et créant aussi une profonde frustration. Ils sont par
ailleurs corrélés avec des comportements à risque plus fréquents.

77
3.4. LES TROUBLES PSYCHIQUES

S’ajoutent à cela les troubles psychiques. Selon l’OMS, 49% des adolescents marocains de quinze
ans et plus ont souffert, au moins une fois, d’un trouble psychique. 20% en souffrent
durablement. Ainsi, dans les entretiens de nombreux jeunes déclarent leur mal-être sans qu’il
soit possible vu les conditions de l’enquête et la nature de l’entretien de correctement les
qualifier.

Ainsi, à Guelmim, un jeune homme de 21 ans issu d’une famille aisée, souffre d’une grave dépression
depuis que son père entrepreneur a abandonné la cellule familiale. Il a entamé des études
d’infographie qu’il n’a pas achevées. Puis, il est retourné à l’université sans plus de succès. Il
consomme de multiples psychotropes et se déclare comme totalement dépendant. Cette addiction
accroît sa culpabilité et son sentiment d’échec. Au quotidien, il est soutenu par son frère qui lui
envoie de l’argent toutes les semaines et intégré à un réseau de sociabilité autour de la
consommation de cannabis.

Ce jeune n’entre ni dans la catégorie des jeunes découragés, ni des NEET par choix même si son
mode de vie pourrait l’en rapprocher. Des situations de dérive plus préoccupante ont aussi été
observées.

Un garçon de 17 ans, à Fès, vit entre la rue et la maison de sa mère. Il est fils unique et conserve de
bonnes relations avec sa tante. Il a arrêté l’école de façon précoce suite à une bagarre. Il s’ennuyait
et a commencé à travailler auprès d’un ferronnier. Il ne travaille pas actuellement et a commencé
une situation de dérive accumulant les comportements à risque : addiction à la drogue et à l’alcool,
violences multiples. Son comportement très violent a amené sa mère à le forcer à consulter un
psychiatre sans effet. Bien au contraire, le jeune a vécu cela comme une humiliation
supplémentaire.

Il semble donc nécessaire d’élargir la catégorie de jeunes souffrant de problèmes de santé en


intégrant l’ensemble des troubles de l’apprentissage et des troubles psychiques pour assurer
une meilleure prise en charge. Ces derniers doivent faire l’objet d’un diagnostic adapté précoce
car ils apparaissent dans de nombreux cas associés à des addictions qui rendent toute
construction de projet difficile.

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PARTIES 3. DETERMINANTS ET THEMATIQUES TRANSVERSALES

Les différents profils de NEET décrits posent la question des déterminants à même de favoriser le
maintien prolongé des jeunes en dehors des structures éducatives ou d’emploi.

L’étude approfondie amène en premier lieu à analyser les relations complexes qui lient ces jeunes à leur
famille. En effet, les conditions de vie au sein de la famille expliquent de nombreux choix des jeunes et
apparaissent comme des déterminants premiers des conditions socio-économiques amenant les jeunes à
poursuivre ou non leurs études mais aussi à intégrer ou non une activité économique. Il apparaît
clairement des trajectoires de rupture précoce entre 12 et 15 ans étroitement dépendantes de la situation
familiale.

Ensuite, les trajectoires biographiques des jeunes sont marquées par deux moments clés. L’arrêt des
études après l’obtention ou non d’un diplôme puis ensuite l’accès ou non à l’emploi. Or, ce dernier est
particulièrement difficile dans un contexte de grande instabilité des engagements des employeurs
dominés par l’informel. Ces moments peuvent se répéter et amener à des transitions successives plus ou
moins rapides.

Cette situation des jeunes NEET amène à interroger leurs relations avec les politiques publiques. En effet,
malgré les nombreux dispositifs existants, ces derniers étant sous-dimensionnés, ils concernent
finalement très peu de jeunes. Seuls deux dispositifs sont finalement connus par la majorité des jeunes, la
formation professionnelle et le très récent service militaire.

Enfin, nous verrons comment les politiques de confinement sont venus accroître les inégalités entre les
jeunes, accentuant la marginalisation des NEET.

1- CARACTERISTIQUES SOCIO-ECONOMIQUES : LE ROLE DE LA FAMILLE

Les caractéristiques socio-économiques se définissent tout particulièrement dans la relation à la


famille. Les jeunes de 15 à 24 ans sont particulièrement dépendants de leur contexte familial. Ce
dernier joue un rôle essentiel dans leur trajectoire. En effet, les jeunes sont à un moment
charnière entre le désir de devenir autonomes et la dépendance de leur famille. Or, dans un
contexte de grande précarité, ils peuvent aussi très rapidement devenir ceux qui doivent
soutenir financièrement leur famille tout en espérant fonder un nouveau ménage.

La cellule familiale apparaît comme centrale pour de nombreux jeunes. Le soutien familial est
déterminant dans la trajectoire des jeunes. La famille est à la fois un lieu d’apprentissage, de
construction d’opportunités, de soutien moral, de soutien financier, de repli en cas d’abandon
des études ou de chômage. La rupture avec la famille s’avère très difficile mais aussi très
dangereuse, car il n’y a souvent aucune autre institution à même d’apporter un soutien aux
jeunes. Cependant, la relation à la famille est ambigüe et peut aussi être source de stress et de
précarité pour de nombreux jeunes.

Enfin, il apparaît bien sûr de très fortes différences de genre, car si beaucoup de jeunes femmes
NEET notamment dans le monde rural optent pour un mariage précoce, en revanche les jeunes
hommes sont beaucoup moins nombreux à fonder une famille avant l’âge de 25 ans.

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1-1- LA CELLULE FAMILIALE COMME PRINCIPALE RESSOURCE

La cellule familiale est fondamentale, c’est en son sein que l’écrasante majorité des jeunes
trouvent un soutien moral et financier. Ce sont principalement les parents, la mère, le père mais
aussi les frères et sœurs qui soutiennent les jeunes NEET.

UN LIEU D’APPRENTISSAGE ET D’ACTIVITE

Elle est le premier lieu d’apprentissage notamment en termes de valeurs. Les jeunes déclarent
que leurs parents leurs transmettre massivement des valeurs de respect, de politesse (« dire les
mots qu’il faut et taire les mots qu’il ne faut pas »), mais aussi de travail, d’entraide et de charité.
Pour les jeunes filles, la famille est le lieu de l’apprentissage du « souab », soit la bonne
éducation.

Si la famille a développé une activité entrepreneuriale agricole ou commerciale, les jeunes vont
apprendre les ficelles du métier et tout particulièrement les garçons qui disent « apprendre à
être un bon vendeur », « apprendre à bien négocier les moutons », « savoir se comporter avec les
clients ».

Ces jeunes peuvent être embauchés dans cette activité même si leur salaire est souvent
considéré comme faible et les rapports de subordination au père peuvent être difficiles amenant
à des négociations, « mon père a été surpris que je négocie avec lui mon salaire » (homme, 15 ans,
Tétouan).

UN LIEU DE SOLIDARITE ET D’ACCES A L’AIDE SOCIALE

Dans la cellule familiale, la mère est présentée comme le pivot du maintien de la cohésion
familiale, tandis que le père est souvent celui qui assure le revenu. Elle joue notamment le rôle
de conciliatrice et de médiatrice entre les jeunes NEET et leurs pères, plusieurs jeunes déclarent
passer en premier par leurs mères pour demander de l’argent à leurs pères. Le soutien financier
du père constitue, pour la majorité des jeunes, la principale ressource de survie. Les jeunes
déclarent également bénéficier de l’aide financière et morale de leurs frères et sœurs qui ont une
activité salariale ou un statut matrimonial (notamment les sœurs mariées).

« Mon père s’occupe des paiements de la recharge du téléphone, les déplacements, l’argent de poche
et ma sœur mariée des habits » (Femme 24 ans, niveau baccalauréat, Marrakech)

La famille est alors le lieu d’accès privilégié à l’aide sociale. Ainsi, les jeunes déclarent
massivement avoir accès aux soins grâce à leur famille. Ces soins sont soient pris en charge par
leur père, soit ils sont gratuits du fait du RAMED. Exception faite des jeunes affectés par des
maladies graves, la plupart est satisfaite des services de santé. Ensuite, le développement de
l’allocation de Daam pour les veuves avec enfants mineurs permet à certains jeunes de survivre
financièrement après une série de drames familiaux. Ainsi, une jeune fille de 17 ans à Missour
qui a perdu sa mère puis son père est prise en charge par la deuxième épouse de son père grâce
à cette allocation.

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UN SENTIMENT DE DETTE ET DE CULPABILITE

Il apparaît une situation complexe dans le sentiment de dette vis-à-vis de la famille car pour
nombre de jeunes, la famille a apporté les valeurs essentielles mais aussi des compétences
professionnelles et il leur est difficile de rendre en retour.

El Jadida, jeune femme de 17 ans « pouvoir rendre un tout petit peu de ce que mes parents m’ont
offert en travaillant. »

A Missour, un homme de 24 ans : « mes parents ont fait le maximum pour que je finisse mes études
et pour que je sois mieux qu’eux, et moi je n’ai encore rien fait pour eux »

A Azrou, fille de 17 ans, « depuis que j’ai arrêté mes études mes journées sont les mêmes, je me
réveille, je prends mon petit déjeuner, je fais la lessive et le ménage, après je mange le déjeuner et je
dors jusqu'à l’heure de sortir pour une petite promenade. J’aimerais bien faire mieux pour ma
mère. »

1-2- LA PRISE EN CHARGE DE LA DEPENDANCE PAR LES JEUNES

Les jeunes jouent un rôle important dans la prise en charge des autres membres de la famille en
situation de dépendance. Le schéma classique est la prise en charge par les jeunes mères des
enfants en bas âges. Cette situation se traduit par une rupture de leur parcours de formation ou
de leur recherche d’emploi. Or, la situation de dépendance des parents fragilise énormément les
jeunes et tout particulièrement les jeunes filles.

Ainsi, une jeune fille de 24 ans à Fès a été obligée d’arrêter ses études en première année
universitaire suite à un accident cardio-vasculaire de son père. Ce dernier était commerçant avec
son oncle. Désormais inactif, il doit suivre un traitement régulier. Sa fille cherche donc un travail
pour pouvoir prendre en charge le traitement de son père tout en devant participer aux tâches
ménagères avec sa mère. Elle a trouvé un emploi dans une pâtisserie pour 1500 MAD mais elle
subissait du harcèlement sexuel du chef pâtissier, ce qui l’a obligé de démissionner. Depuis, elle vit
dans une situation de grande dépression (elle a consulté un médecin pour cela) et fait de l’anémie.
Elle s’est sentie trahie, humiliée par sa famille paternelle qui a refusé de l’aider dans l’achat des
médicaments nécessaire au traitement de son père alors que son oncle a conservé le commerce.

Les situations de prise en charge précoce par les jeunes et tout particulièrement les jeunes
femmes des parents notamment des pères est relativement fréquente du fait de l’âge avancé de
certains pères, mais aussi du fait de l’exposition des pères de famille à l’accident ou la maladie.
Les jeunes sont donc intégrés dans le système familial de prise en charge de la dépendance. La
dépendance d’un ascendant exerce une forte pression sur les jeunes de la famille qui sont jugés
comme les moins doués à l’école ou ayant les plus faibles opportunités de travail rémunéré.
Ainsi, à El Jadida, une jeune fille s’occupe de son père ouvrier paralysé depuis 2015 et donc
assure toutes les tâches ménagères avec sa mère. Elle est la seule des 4 enfants à être restée à la
maison.

Il apparaît alors un arbitrage au sein du ménage entre la mère, les frères et sœurs pour savoir
qui sera au service de l’adulte dépendant. Cet arbitrage dans le ménage est parfois source de
tensions entre les enfants et particulièrement les sœurs sur les tâches ménagères.

81
Le père étant souvent le chef de famille en cas d’accident ou de maladie de ce dernier, la famille
se retrouve brutalement dans la précarité. Si la mère ne travaille pas, ce qui est le cas le plus
fréquent, ce sont les enfants qui doivent suppléer au manque de revenus en travaillant de façon
précoce.

A Casablanca, à Aïn Diab, une femme de 23 ans explique comment son père ouvrier du bâtiment est
devenu handicapé suite à un accident obligeant ses filles à trouver un travail. Une d’entre elle a
trouvé un emploi dans un abattoir de dinde et assure l’essentiel des revenus de la famille, la seconde
se charge des tâches ménagères avec sa mère, la troisième a débuté un travail de couturière pour
un revenu très faible, seule la dernière poursuit ses études.

La maladie de la mère est aussi un problème au sein du foyer. Il fragilise le foyer mais surtout
amène à une redéfinition des tâches domestiques qui incombaient à la mère au sein de la cellule
familiale. Ainsi une jeune femme de Fès déclare avoir dû arrêter les études et ensuite devoir
chercher un travail mais aussi prendre en charge les tâches ménagères. Dès lors, elle entre
régulièrement en conflit avec sa petite sœur qui elle poursuit ses études dans le secondaire
collégial au sujet des tâches ménagères.

1-3- LE DECES DES PARENTS

Les jeunes sont aussi particulièrement vulnérables au décès de leurs parents posant la question
des solidarités familiales pour pallier la situation des orphelins.

Les jeunes orphelins se retrouvent dans des situations très difficiles. Ainsi, ceux qui sont dans
des organisations collectives ont de fortes incertitudes sur leur avenir du fait de l’absence de
famille et de possibilité de bénéficier d’une structure d’accueil. Ils ont donc beaucoup de services
assurés par l’organisation comme le sport, les voyages mais ils sont face à la peur de basculer
immédiatement dans la précarité une fois en dehors du système. Or, il apparaît que du fait même
des structures économiques du Maroc, la majorité à 18 ans n’est aucunement corrélée avec une
autonomie économique. Ils déclarent que face aux aléas de la vie très nombreux, seule la famille
permet de surmonter les difficultés. (Groupe de parole d’hommes mineurs à Fès).

Des situations extrêmes amènent certains jeunes dans des situations de grande précarité. Ainsi à
Missour, une jeune fille de 17 ans raconte : « ma mère est décédée en 2014, mon père s’est remarié
puis il est mort à son tour en 2017. Maintenant, c’est mama, la 2eme femme de mon père, qui
s’occupe de moi grâce à une petite allocation qu’elle reçoit comme veuve. Je ne peux compter que
sur elle. »

1-4- TENSIONS ET VIOLENCES FAMILIALES

La situation de violence au sein de la cellule familiale a des effets particulièrement destructeurs


et surtout amène des jeunes à développer des comportements à risque de façon très précoce. Il
est possible de construire une gradation à partir des différents témoignages.

Les jeunes sont particulièrement sensibles aux tensions au sein de leur famille.

A Oujda, un jeune homme de 17 ans déclare : « Mes jours sont noirs. Quand je me réveille les
membres de ma famille sont déjà en train de se disputer. Mon rêve c’est de travailler et d’envoyer
mes parents au pèlerinage. »

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Ils peuvent devenir à leur tour des objets de tension. Le cas le plus fréquent concerne le contrôle
des jeunes par leurs parents. Les femmes sont souvent exclues de l’espace public dans de
nombreuses localités. Nombre d’entre elles ne peuvent que sortir sur le pas de la porte ou rester
à proximité dans un voisinage étroitement contrôlé.

Les jeunes filles se plaignent d’un contrôle social de la famille qui les empêche de poursuivre
leur formation. Ainsi, une jeune femme à Ahl Angad a dû quitter l’école à 16 ans sous la pression
de son père car elle était jugée trop belle. Elle doit donc rester à la maison pour s’occuper de sa
petite sœur. Elle souhaite reprendre ses études et travailler mais son père s’y oppose. Les filles
subissent un important contrôle social qui associe le regard du voisinage et la pression sur la
famille pour que la fille se conforme à un comportement d’effacement.

Les filles déclarent souffrir des rapports tendus avec leurs familles à cause du contrôle social des
voisins « hommes et femmes et surtout les femmes contrôlent tes sorties. Il suffit de sortir habillée
ou maquillée, de parler avec un garçon pour avoir une mauvaise réputation dans le quartier. Cela
nous crée des problèmes avec nos familles » (Groupe de parole femmes majeures à Amizmiz.)

Dans les communautés villageoises, il apparaît des pratiques différentes selon les lieux. Ainsi, à
Taghjijt, les femmes sortent collectivement en fin d’après-midi et marchent ensemble à travers
les hameaux ou dans l’oasis. Cette sortie collective est un grand moment de sociabilité et
d’échange. En revanche, dans la commune d’Ahl Angad, la sortie est beaucoup plus limitée. Dans
les centres émergents et les petites villes, il apparaît un contrôle social très fort dans les
quartiers populaires qui interdit l’espace public aux femmes, surtout une fois la nuit tombée. Ce
contrôle social est très fortement ressenti par les femmes et régulièrement ouvertement
exprimé par les hommes. Ainsi un jeune homme à Ahfir (province de Berkane) déclare : « Il faut
saccager la maison de la famille qui laisse sortir sa fille le soir. »

Donc de nombreuses femmes vivent alors replié sur leur espace domestique avec comme seule
interlocutrice leur mère de toute la journée.

Il apparaît aussi des tensions au moment des premiers revenus des jeunes dans les familles les
plus pauvres, notamment autour de la question de leur participation aux frais du ménage.

Une jeune fille de 21 ans à Fès déclare « je dois aider ma mère car mon père n’est pas responsable,
il est consommateur d’alcool et il fume beaucoup, il nous demande toujours de lui apporter de
l’argent ».

Ainsi, un jeune homme de Bitite (province d’El Hajeb) a créé un conflit entre son père et sa mère
sur l’utilisation de son salaire. Le père souhaitait disposer du salaire de son fils à la différence de
la mère qui souhaitait que son fils conserve son salaire. Les tensions ont amené au divorce des
parents. La mère a quitté son mari pour défendre les intérêts de son fils.

Les jeunes sont souvent piégés dans des relations affectives très difficiles lorsqu’ils subissent
une situation d’abus par l’un de leurs parents. Cette situation peut devenir d’autant plus extrême
qu’ils sont dépendants d’un de ces parents. Cette violence est aussi présente dans les familles
recomposées notamment entre les enfants du premier lit et le beau-père.

Une jeune femme de 17 ans à Ahl Angad (préfecture d’Oujda-Ahl Angad) « En fait mon histoire
est longue et un peu compliquée. La famille de mon père m’a menti à propos de mon père, en effet
ils m’ont fait croire qu’il était mort quand j’avais 3 ans, mais la réalité c’est qu'il vient de mourir en
2017 et c'est à ce moment-là que mes oncles paternels m’ont tout avoué et m’ont informé de son
réel décès. A lui, ils avaient raconté que j’étais en France. Chaque fille a besoin de l’affection de son
père et de sa mère. Mais moi je n’ai connu aucune des deux.

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La relation avec ma mère n’est pas très stable, depuis le jour où elle s’est remariée avec un nouvel
homme je n’ai plus ressenti d’affection maternelle. J’avais besoin de cette affection quand j’étais
petite maintenant c’est trop tard. J’avais 7 ans quand elle s’est remariée, et elle a complètement
changé ce n’est qu’après leur divorce récemment qu’elle s’est tournée vers moi. Parce qu’après son
mariage son mari l’a battu, elle saignait énormément et elle s’est évanouie et c’est moi qui ai appelé
les urgences et qui suis restée auprès d’elle. A cause de ma mère et son mari, j’ai fait une tentative
de suicide étant jeune parce que son mari me battait énormément et m’insultait, j’ai subi toute
cette violence à un si jeune âge, il me frappait sans raison. J’étais devenue mentalement pas bien, je
ne mangeais plus, quand je m'asseyais avec eux dans la table il me lançait des regards violents
insinuant lève-toi. On ne vit plus avec mon beau père depuis qu’il m’a frappé au visage et fracturé le
nez. C’est à cause de lui et à cause de cette cicatrice qu’il m’a faite que je suis devenue introvertie, je
fuis les gens, je suis devenu limite autiste. »

Il apparaît des situations parfois d’exploitation extrêmement complexe. Ainsi, une jeune fille
d’Oujda élevée par une famille adoptive a décidé de rejoindre sa mère naturelle à Beni Mellal. Or,
cette dernière n’avait aucunement l’intention de prendre soin de sa fille, bien au contraire, elle
l’a prostituée pour disposer de revenu. La jeune fille a fini par s’échapper et revenir dans sa
famille adoptive.

Enfin, au sein même de la famille, des jeunes filles déclarent être soumises au harcèlement
sexuel d’autres membres de la famille et doivent être protégées par leurs proches.

Ainsi, deux cas différents ont été notés, une jeune fille de 17 ans est sauvée par sa mère d’une
tentative d’agression de son beau-père

Une nuit, il voulait entrer dans ma chambre pour abuser de moi, mais heureusement que ma mère
l’a vu et l’a empêché, il lui a dit qu’il voulait récupérer sa “ REZZA “ car le dressing était dans ma
chambre (Femme 17 ans, Ahl Angad, préfecture d’Oujda-Ahl Angad).

En revanche, dans certains rapports de dépendance et d’autorité, les jeunes femmes ont le
sentiment d’être abandonnée. Ainsi, à Fès, une jeune femme de 19 ans dont la famille est
hébergée par son oncle est constamment harcelée par ce dernier. Mais, elle ne peut rien faire du
fait de la dépendance financière de sa famille.

1-5- LA RUPTURE AVEC LA FAMILLE

La rupture avec la famille est particulièrement difficile et expose souvent les jeunes à une grande
précarité. Les cas les plus nombreux de rupture précoces concernent souvent de jeunes
adolescents en conflit avec leurs parents qui décident alors de quitter le domicile familial. Ces
jeunes adolescents rejoignent alors le monde de la rue.

Un garçon de 16 ans à Fès vit dans la rue. Il est fâché avec son père qui est agent de sécurité alors
que sa mère fait la vaisselle dans un restaurant. Il a démultiplié les petits emplois dans la
mécanique, la tapisserie, la ferronnerie pour des salaires de 240 à 300 MAD par mois. Actuellement,
il n’a pas de travail et vit de petits larcins et de mendicité. Sa journée passe entre la recherche de
nourriture puis la piscine et ensuite le chant, du rap en particulier. Il a de multiples addictions
comme la cigarette, la chicha et l’alcool. Il rêve de devenir un rappeur.

Pour les filles, la rupture avec la famille renforce encore leur vulnérabilité. Elles se retrouvent
alors à la merci de relation de prédation et d’exploitation marqué par une forte violence sexuelle.

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Ainsi, à Iqaddar, une jeune femme de 16 ans originaire de la province de Sidi Kacem a échoué
dans le café du village. Elle est hébergée par le tenancier qui abuse d’elle régulièrement. Elle est
devenue alcoolique et consommatrice de drogue. Elle ne sait plus comment retourner auprès de
sa famille et vit dans une situation détresse ayant le sentiment que seul le pire peut lui arriver.

Certaines choisissent alors un mariage précoce mais celui-ci n’est aucunement une garantie de
protection. Elles se retrouvent alors totalement soumises à leur époux.

1-6- FONDER UNE FAMILLE : RELATION AMOUREUSES ET MARIAGE

Le projet de fonder une famille est très important pour les jeunes cependant il s’avère marqué
par des différences de genre extrêmement forte. Si pour les hommes, l’âge au mariage est tardif à
31,2 ans, pour les femmes, il est beaucoup plus précoce. Avec un âge au premier mariage de 25,7
ans contre 26,3 en 2004, la tendance est l’abaissement de l’âge au mariage. Sur le terrain, il
apparaît un clivage très fort entre les femmes qui désirent se marier le plus tôt possible
notamment dans le monde rural et celles qui refusent les injonctions au mariage. En revanche,
pour les hommes, la question du mariage se pose peu avant 25 ans. Très peu de cas ont été
rencontrés.

Cette disjonction entre les genres se traduit par des situations complexes notamment
concernant les relations amoureuses avant mariage. En effet, ces relations amoureuses sont
souvent considérées comme à la limite de la légalité du fait des sanctions régulières à l’encontre
des jeunes couples.

Pour de nombreuses jeunes filles, elles sont recherchées le plus souvent à l’insu de leur famille
en mobilisant désormais les réseaux sociaux et les smartphones. La confiscation du smartphone
par le père pouvant devenir une source de conflit très forte au sein de la cellule familiale comme
le souligne des acteurs associatifs à Sidi Ifni.

Pour autant, ces relations amoureuses en dehors du mariage apparaissent comme compliquées
pour de nombreuses jeunes femmes. Premièrement, ces dernières doivent souvent ruser pour
avoir des motifs de quitter la maison et pouvoir rencontrer leur ami. Cette difficulté est parfois
insurmontable pour certaines jeunes filles qui ne peuvent alors entretenir qu’une relation à
distance via smartphone. Deuxièmement, la rencontre physique avec le jeune garçon est aussi
marquée par des moments de tensions, plusieurs jeunes filles déclarent subir des violences de la
part de leur compagnon, elles peuvent être insultées, menacées voire battues. La relation étant
doublée d’un fort rapport de possession et finalement de peu de respect.

Il apparaît une très forte distinction genrée dans laquelle les jeunes femmes sont
particulièrement victimes : « Les jeunes hommes, ils ont le droit d’avoir plusieurs relations
amoureuses en même temps, mais pour les filles non. »

Le mariage est un des horizons possibles pour les jeunes filles. Il apparaît cependant des
situations contrastées, car s’il est désiré pour certaines, il n’est pas prioritaire pour d’autres.

Ainsi, dans un groupe de parole de femmes à Casablanca les réponses à la question « Avez-vous
des projets ou des idées à court, à moyen et à long terme ? » sont très différentes :

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Femme 1 : « A court terme je veux me marier, à long terme je veux élever et éduquer mes enfants. »
Femme 2 : « A court terme je veux faire une formation en couture, à long terme être une célèbre
modéliste. »
Femme 3 : « A court terme je veux faire une formation de la cuisine, à long terme ouvrir un
restaurant.»
Enquêtrice : Quelles sont les stratégies que vous imaginez pour réaliser vos projets ?
Femme 1 : « Je cherche un homme pour marier. »
Femme 2 : « Je cherche un institut pour faire la formation. »
Femme 3 : « Moi aussi. » (sous-entendu je cherche une formation)

Le mariage est vu comme une possible décohabitation pour les femmes, en revanche ce n’est pas
systématiquement le cas pour les jeunes hommes mariés qui souvent manque de ressources
nécessaires. Le jeune couple loge alors dans la même maison que les parents du marié, ce qui
peut parfois amener à des tensions entre la jeune épouse et sa belle-famille.

Pour certains jeunes hommes, c’est une situation considérée comme inconfortable et temporaire
qu’il voudrait changer notamment dans les villes. Ainsi, un jeune homme de 24 ans à El Jadida vit
avec sa femme chez ses parents, s’il dispose d’une chambre, il souhaite quitter la maison
familiale et s’installer au bord de la mer.

Pour les femmes, la relation à l’époux est alors fondamentale. Celles qui se sentent aimées et
respectées vivent cela comme un accomplissement (jeune femme de 20 ans à Iqaddar). Ensuite,
nombre de mariages précoces ne se traduisent pas la création d’un ménage autonome mais bien
souvent par la vie dans la belle famille (Jeune femme de 20 ans Iqaddar) ce qui peut se traduire
par des tensions avec la belle-mère et les belles sœurs.

Les jeunes femmes mariées de façon précoce ont assez rapidement un premier enfant souvent
au bout d’une ou deux années de mariage. Or, elles ne souhaitent pas avoir de nombreux enfants
et vont donc recourir après la première ou la deuxième naissance à la contraception. Elles
déclarent voir un médecin régulièrement puis prendre la pilule ou se faire installer un stérilet.
Ainsi, une jeune femme de 20 ans à Bitite (province d’El Hajeb) qui a quitté l’école à 15 ans
prend la pilule après la première naissance de son fils.

Les enfants en bas âge sont un motif d’arrêt de l’activité professionnelle. Pour autant, les femmes
envisagent une reprise d’activité professionnelle notamment pour pouvoir disposer de revenus
suffisants pour élever correctement leurs enfants. Les jeunes mères les plus vulnérables
déclarent que leurs enfants sont véritablement le moteur de leur recherche d’un avenir meilleur.

VIOLENCES CONJUGALES ET DIVORCE : UNE ACCELERATION DE LA


VULNERABILITE DES FEMMES MARIEES DE FAÇON PRECOCE

Cependant, certains mariages sont malheureux et amènent les femmes à divorcer très jeunes et
donc oblige les jeunes femmes à retourner dans leur famille (femme de 19 ans à Iqaddar,
province d’El Hajeb) ou à chercher un emploi en ville tandis que leurs enfants sont confiés à
leurs parents (deux femmes majeures, Tanger).

Les déclarations de violences conjugales apparaissent plus rares au sein des ménages mais
surtout elles peuvent amener au divorce s’il existe un soutien de la famille de la jeune fille qui
peut alors revenir dans sa famille. En revanche, les jeunes filles n’ayant plus aucun soutien
familial se sentent abandonnées et exposées à de la violence extrême.

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Certaines situations sont dans une très grande vulnérabilité. Ainsi à Fès, une jeune fille de 20 ans
qui a arrêté les études en première année de primaire qui a été mariée très jeune vit dans une seule
pièce avec ses enfants sans ressources autres que celles de son mari. Elle est totalement isolée, sans
contact avec sa famille, sans amis, subit de multiples violences de la part de son époux qui l’insulte
et la bat régulièrement. Sa seule activité est de sortir sur le pas de sa porte. Elle est se sent
totalement vulnérable et vit avec une énorme colère. Son seul avenir est de prendre en charge ses
enfants.

Dans certains cas, les maris refusent d’accorder le divorce à leur épouse et maintiennent ces
dernières dans une situation d’entre deux notamment en procédant à un chantage aux enfants.
Ainsi, une jeune femme à Ahl Angad vit dans une pièce unique sans électricité et sans eau potable.
Elle a dû arrêter ses études en 6e année primaire car son beau père la harcelait sexuellement et elle
a donc choisi de quitter sa famille qui résidait à Figuig et de partir chercher un travail dans les
grandes villes du nord de l’Oriental. Elle s’est mariée très jeune et eu deux filles mais son mari la
battait. Elle a donc voulu se séparer de lui mais ses enfants ont été placés par son mari dans une
famille d’accueil qui lui interdit de les voir. Le nouveau tuteur l’a menacée et insultée pour qu’elle
ne s’approche plus de la maison où vivent ses enfants. Elle démultiplie les déplacements entre
Nador et Berkane pour trouver un emploi ou émigrer. Elle a travaillé dans des restaurants et des
cafés, mais aussi dans une usine de poisson où elle a de nouveau subi du harcèlement sexuel.
Désespérée et sans ressource, elle consomme régulièrement de l’alcool et d’autres drogues, parfois
sous la contrainte, parfois volontairement. Pour survivre, lorsqu’elle ne trouve aucun travail, elle se
prostitue.

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2- LES TRANSITIONS DE VIE

La catégorie de NEET est étroitement associée à la question d’une transition de vie difficile entre les
études et l’emploi. Ainsi, le modèle de développement promu est une continuité entre la formation initiale
dans le cadre de structures éducatives et l’accès à un emploi. La proportion de NEET est donc considérée
comme un indicateur de dysfonctionnement entre ces deux moments.

Le discours dominant au Maroc est d’insister sur l’inadéquation entre le système éducatif et le marché de
l’emploi. En effet, la puissance publique a favorisé l’éducation générique et non l’éducation spécifique en
lien avec les entreprises. Cependant, cette inadéquation entre formation et marché de l’emploi concerne
une minorité des jeunes NEET. En effet, la réalité est marquée par un très fort décrochage scolaire précoce
qui commence dès le primaire et s’accélère durant le cycle collégial avant même que les jeunes aient
acquis la maîtrise des savoirs élémentaires comme la lecture, l’écriture ou le calcul en langue arabe. Ce
décrochage concerne aussi bien les zones rurales que les métropoles 10. Ensuite, il apparaît que le marché
de l’emploi offre très peu de perspectives aux jeunes les cantonnant à des rémunérations faibles pour des
emplois souvent pénibles. En effet, le ratio entre les emplois réglementaires doublé d’une protection
sociale et les jeunes actifs ne fait que se dégrader obligeant de très nombreux jeunes à chercher des
emplois informels ou non déclarés très mal rémunérés mais aussi très pénibles. Par conséquent, les jeunes
qui intègrent le marché de l’emploi de façon précoce démultiplient les expériences négatives qui peuvent à
terme les épuiser et les décourager.

Nous présenterons ici dans un premier temps la relation au système scolaire puis dans un second temps
nous détaillerons les caractéristiques du marché de l’emploi auquel se confrontent les NEET.

2-1- LE SYSTEME EDUCATIF, LIEU DE RUPTURE PRECOCE POUR LES JEUNES


MAROCAINS

La relation des jeunes marocains au système éducatif est ambivalente. Le rejet de ce dernier
n’est pas massif et systématique malgré le très fort abandon scolaire précoce. L’abandon cumulé
amène à moins de 40% des élèves de première année de primaire à intégrer le secondaire
qualifiant et moins d’un tiers de cohorte à présenter le baccalauréat. Par conséquent, 60% des
jeunes quittent le système éducatif général sans avoir achevé le cycle collégial. Or, les dispositifs
de formation à ce niveau sont peu nombreux et surtout rarement sanctionnés par une
certification reconnue. En 2018, 431.876 élèves ont quitté l’école, dont 78% aux cycles primaire
et collégial, censés retenir les enfants jusqu’à 15 ans. Le plus fort taux est enregistré à la 3e
année du collège, avec 19,3%, contre 17,1% à la 2e année du bac et 12,4% à la 6e année du
primaire. Ainsi en 2018, 126.195 enfants ont quitté durant le cycle primaire, 212.133 lors du
secondaire collégial, 93.548 lors du secondaire qualifiant.

Cet abandon précoce n’est pas corrigé par l’intégration d’un système de formation professionnel
efficace. En effet, très peu de jeunes arrivent à trouver une formation professionnelle certifiante.

Les jeunes se découragent suite aux nombreux redoublements et à des résultats trop faibles aux
examens de fin de primaire et de fin de fin secondaire collégial mais aussi parce que l’école leur

10Bourqia Rahma (dir.), 2019, Atlas Territorial de l’abandon scolaire, Analyse des parcours de la cohorte
2014-2018 et cartographie communale, Rabat : Instance Nationale d’Évaluation auprès du Conseil
Supérieur de l’Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique, 169 p.

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offre très peu d’opportunités. Pour autant, les jeunes ont des regards très différents sur l’école
amenant à nuancer les approches uniquement négatives.

Fille de 17 ans à Ahl Angad, préfecture d’Oujda- Ahl Angad

« On habitait loin de l’école. Ma mère a décidé que nous déménagions à la campagne chez mon
beau père chose qu’elle a regretté parce que l’école était très loin et la route était très risquée.
J’aurai aimé que mon père me dépose à l’école comme tout le monde, j’aurai aimé avoir des copines
moi aussi. Même les professeurs m'insultaient, ils me disaient ton père est un “KEHLOUCH” (« noir »
en référence à la couleur de peau de l’enquêtée), tu n’as pas de père. Par exemple il y avait un prof
qui me détestait, il me frappait souvent et me disait on verra le jour où t’aura un père pour prendre
ta défense. Et je n’ai même pas la possibilité de me plaindre auprès de la direction, ils sont tous
amis, j’avais même peur d’aller me plaindre pour ne pas risquer que le professeur ne devienne plus
violent. J’avais uniquement une seule amie à qui je me confiais et elle me disait tais-toi. L’école ne
m’a rien apporté. En fait, si, il y avait une professeure qui m’est chère et à qui je me confiais à qui je
racontais mes peines et ça me soulageait, elle était comme une mère pour moi.

Je ne sais pas compter, je ne connais pas les chiffres. Si tu me demandes par exemple quelle heure
est-t- il, je ne saurai pas te répondre. Quand ma mère m’envoie faire les courses je lui rends toujours
la monnaie manquante. L’école est très importante. Maintenant que je l’ai quittée, j’ai gâché ma vie
et mon avenir.

Ma mère m’a proposé de reprendre l’école, mais maintenant que j’ai 17 ans je ne peux pas étudier
avec des “gamins” parce qu’ils t’insultent quand t’es plus âgée qu’eux. A l’exemple d’une voisine que
je connais qui a repris l’école et qui se fait insulter par ses camarades de classe.

Une association m’a rendu visite. Elle cherchait des personnes qui voulaient reprendre leurs études
ou faire une formation. Elle m’a promis de m'enseigner le cours élémentaire 6e année vu que j’ai
arrêté mes études en 5e année de primaire, mais ils ont menti, quand j’ai voulu prendre mon
attestation la direction m’a dit que c’était impossible car tu n’as pas étudié le CE5. L’association
avait menti, les gens ne cherchent que leur intérêt, je me suis investie je me déplaçais, je rendais des
services à la directrice de l’association. Cette association a ensuite fermé craignant qu’il y ait des
plaintes. Une deuxième association nous mettait dans la même classe que les handicapés et cette
comparaison aggravait leur état. »

L’ECOLE : UN LIEU D’APPRENTISSAGE, DE CONSTRUCTION DE SOI ET DE


SOCIALISATION

Les jeunes déclarent massivement aimer l’école, ils mettent en avant ses fonctions éducatives et
socialisatrices. L’école est présentée comme un lieu d’apprentissage et de construction de la
personnalité et un espace de rencontre avec les camarades et les enseignants. En cela, ils ne font
que confirmer les fonctions fondamentales de l’école.

De nombreux jeunes décrocheurs, dans le rural et les centres urbains, regrettent l’école et son
ambiance : les enseignants, les camarades, les activités scolaires… L’école est perçue
massivement comme un lieu d’apprentissage efficace par les jeunes ruraux qui souvent mettent
en avant leur échec par des conditions extérieures (mauvais résultats, échec à l’examen,
pauvreté, refus des parents de continuer).

Les relations au corps professoral sont déterminantes pour qualifier l’école et dans de nombreux
lieux celui-ci est qualifié de compétent et de bienveillant à quelques exceptions et ce malgré la
récurrence des châtiments corporels qui restent extrêmement fréquents.

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Les jeunes, qui ont arrêté leurs études à l’enseignement primaire, s’accordent à présenter
l’utilité de l’apprentissage de la lecture et l’écriture dans leurs milieux sociaux.

Le message est souvent le même : « l’école m’a appris à lire, à écrire, à m’exprimer. »

Certains jeunes associent à l’école à d’autres apprentissages :

« J’ai appris à lire et à écrire, j’ai appris la politesse et le respect des autres. » (Homme, Imintala
province d’Al Haouz, 19 ans, décrochage en 2ème année du collège)

Dans les communes isolées et majoritairement amazighophones, comme à Imintala (province Al


Haouz) où la majorité des parents ne sont pas passés par l’école et ne parlent pas l’arabe, l’école
est considérée comme essentielle.

« L’école m’a apporté beaucoup de choses. Autour de moi, il y a plusieurs personnes qui ne savent ni
lire, ni écrire. Grâce à ce que j’ai appris à l’école, je les aide par exemple à passer une
communication téléphonique, à chercher des numéros de téléphone… Quand je me déplace, j’arrive
à lire les pancartes et à trouver ma direction, je ne me perds pas. » (Femme, Imintala, province d’Al
Haouz, 15 ans, décrochage en 6ème année primaire)

Les jeunes lycéens, étudiants ou diplômés mettent l’accent sur l’expérience scolaire comme une
étape importante d’acquisition de connaissances, de découverte et de formation de soi mais
aussi d’autonomie.

« J’ai appris l’autonomie, la patience, la responsabilité… » (Femme de 23ans, licence en sociologie,


Amizmiz, province d’Al Haouz)

« Ma personnalité a changé complètement grâce à mes enseignants et à mes camarades, je me suis


transformé d’un élève timide et renfermé au collège à un élève très ouvert et sûr de lui même au
lycée » (Homme, 23 ans, licence en études islamiques, Amizmiz, province d’Al Haouz)

Elle est vue comme un lieu d’épanouissement pour apprendre mais aussi pour réaliser des
activités sportives ou culturelles comme les arts et le théâtre.

Un homme à Ahfir qui a arrêté les études en 3ème année de collège aimait l’école du fait de
l’ouverture sur d’autres horizons « Apprendre, le sport, l’art, les amis ». C’est la même chose pour
une jeune fille de 23 ans à Azrou : « j’adorais faire du sport et de la musique à l’école ».

UNE ECOLE A AMELIORER POUR DEVENIR UN LIEU DE VIE ET D’EPANOUISSEMENT

Les jeunes décrivent les nombreux manquements du système scolaire marocains. Ils dressent un
ensemble de situations d’apprentissage, de comportements et d’actes violents qu'ils n’aiment
pas à l’école : certaines matières, les rythmes scolaires, la discrimination entre les élèves, les
rapports tendus avec certains enseignants, le manque d’activité sportive et culturelle,
l’indiscipline, le vol, la drogue, la saleté des blocs sanitaires, la punition corporelle, le
harcèlement…

Dans le monde rural, les conditions de scolarisation, le délabrement et la vétusté de l’espace


scolaire sont décriés par les jeunes filles et garçons : « L’école primaire est loin, nous souffrions
beaucoup pendant l’hiver, elle n’y avait pas des toilettes. Les classes étaient très chargées, et pas
entretenues. Le niveau d’étude était très bas, les enseignants s’absentaient beaucoup ». Les jeunes
d’Imintala auraient aimé avoir : « des toilettes propres, une belle école dotée des équipements
nécessaires. Une école proche de nos maisons, des enseignants qui ne s’absentent pas, une bonne

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route et un collège proche de nous » (Femme de 19 ans, à Imintala, décrochage en 6ème année
primaire).

Dans les déclarations des jeunes, l’école souhaitée n’est pas seulement un lieu d’inculcation
mécanique des savoirs mais aussi un espace de vie, de jeu et d’accomplissement personnel. Ils
auraient aimé avoir des espaces de lecture, de jeux, de sports, de dessin …

Le secondaire qualifiant est souvent considéré comme de meilleure qualité mais il s’agit souvent
pour la majorité des jeunes d’une représentation car nombre d’entre eux n’y ont pas accès car
arrêtant leurs études avant.

Ces jeunes reconnaissent aussi certaines améliorations comme le développement de bus scolaire
comme à Berkane (groupe de parole, hommes majeurs).

LE DECROCHAGE SCOLAIRE DES CAUSES MULTIPLES

Le décrochage scolaire est massif, ses causes sont multiples et souvent imbriquées. Les enfants
qui abandonnent l’école de façon précoce associent un manque d’intérêt, des relations difficiles
avec les professeurs ou leurs camarades, une distance avec l’école, une famille avec de faibles
revenus.

Les déclarations des jeunes mettent en évidence deux lignes de partages : le premier entre le
rural et les centres urbains, le second entre les filles et les garçons dans les deux milieux.

Il apparaît ainsi des seuils de décrochage plus importants selon les milieux de vie comme la 6e
année primaire pour les filles en milieu rural et la 3e année collège pour les deux sexes sur
l’ensemble du territoire. Cependant, le décrochage scolaire se fait aussi en continu tout au long
du primaire et surtout durant le cycle collégial, avec des proportions plus ou moins fortes selon
les zones qu’elles soient rurales ou urbaines.

LA DISTANCE A L’ECOLE

Dans le douar Imintala, l’école est devenue une forme dominante de socialisation. La majorité
des enfants, garçons et filles, accèdent à l’enseignement primaire mais leur rétention dans
l’enseignement secondaire est très faible. La majorité des filles arrêtent l’école à la fin du
primaire (en 6ème), les parents refusent de les envoyer au collège à Amizmiz. Le passage au
collège est un objet de peur et une menace de perdre le contrôle sur les sorties de leurs filles. Les
déclarations montrent comment ces jeunes filles ont intériorisé ces peurs.

« J’ai arrêté à cause de l’éloignement du collège, l’absence de rigueur des enseignants, l’indiscipline
des élèves, la mixité des filles et des garçons. Mon père n’aime pas ça, il a refusé que je continue mes
études. Moi aussi, je n’avais pas envie en raison de redoublement fréquent dans le primaire »
(Femme, 19 ans, décrochage 6ème année primaire).

Les rares filles déterminées à continuer leurs études, sont vite découragées en raison des
conditions pénibles de déplacement scolaire incompatible avec les exigences du travail scolaire
(préparation des devoirs, des examens):

« Le problème, ce sont les moyens du transport ! On part le matin à 6h et on revient à la tombée de


la nuit. C’est trop fatigant et c’est l’une des principales causes de l’abandon de l’école. J’ai redoublé

91
la première année du collège et j’ai décidé de quitter l’école surtout que mes parents n’étaient pas
d’accord que je continue mes études après le primaire ». (Femme, 16 ans, décrochage 1ère année
collège).

Selon les déclarations des jeunes filles, la présence de la famille à proximité de l’école aide à
continuer les études. C’est le cas de quelques rares jeunes filles du douar qui sont citées en
exemple de réussite scolaire.

Cependant même si l’école primaire dans le village peut apparaître comme le nouveau lieu de
socialisation, cela n’exclut pas l’abandon précoce du fait de la stigmatisation. L’école est alors un
lieu d’humiliation par les camarades pour les jeunes issus de milieu trop pauvres. Ainsi, une
jeune fille de 14 ans à Dar Chafaï a quitté l’école en 5e année de primaire par manque de moyens
pour acheter les fournitures scolaires. Sa famille n’a pas l’eau potable domestique par manque
de revenus réguliers. « Les autres se moquaient de moi et de mes vêtements parce que cela voyait
que j’étais pauvre. Je voulais avoir une formation de couture mais il fallait payer 50 MAD par mois,
somme que je n’avais pas. Pour aller là où il y a des formations gratuites comme à Settat, il faut
payer 20 MAD de transport. Je n’ai pas la possibilité de me déplacer. »

LE TRAVAIL PRECOCE COMME NECESSITE

Pour les garçons, le décrochage scolaire est justifié par les difficultés financières de la famille.
L’entrée dans l’adolescence est liée à une obligation de chercher du travail pour aider la famille.
En milieu rural, il faut quitter le douar et gagner de l’argent comme les autres jeunes qui ont
quitté le douar avant eux. Ces situations sont dominantes dans les communes rurales comme
expliqué précédemment mais aussi au sein des centres émergents ou des chefs-lieux de province
à forte dimension agricole comme Berkane.

« A Berkane, les établissements scolaires sont bons, mais personnellement j’ai abandonné l’école
pour des raisons familiales. La poursuite d’étude dépend de la situation de chaque personne. Il y a
ceux qui quittent les bancs d’étude pour travailler et aider leurs familles, ça dépend de leurs moyens
financiers. Ils sont nombreux surtout chez les enfants qui ont 12 ans, juste avant d’atteindre le
collège. Ici, la situation financière est difficile. Ils quittent pour aider leurs familles. » (Groupe de
parole d’hommes majeurs à Berkane).

Pour d’autres garçons, très jeunes, il y a l’obsession de travailler de gagner de l’argent pour aider
leurs parents même dans les grandes villes. Ainsi, à Tétouan, un adolescent a quitté l’école à 11
ans pour commencer à travailler.

« J’ai arrêté mes études au bout de ma 5ème année primaire. La raison était simplement parce que
j’ai senti que je devais aider mes parents concernant les dépenses et du coup je n’ai pensé qu’à une
seule chose c’est de commencer à travailler au souk comme « hamal », le gars qui transporte la
marchandise sur ses épaules. L’école pour moi quand j’étais petit n’était qu’un petit moment de
solitude et de réflexion car je pense depuis que j’ai pris conscience de ma situation familiale je ne
faisais que réfléchir à mes parents et comment je pouvais les aider, donc je ne prenais pas trop de
plaisir à aller assister aux cours. J’aimais à l’école le fait que tu n’as aucune responsabilité envers
les autres personnes, mais cela me faisait de la peine et plaisir en même temps de voir les autres
enfants épanouis et qui ne pensent qu’à leurs études. Avec mes parents, on n’a jamais parlé de ça
jusqu’au jour où je suis venu leur dire que j’allais quitter l’école. Mais mes parents ne comprenaient
pas trop pourquoi je voulais faire ça. Ils n’étaient pas d’accord, mais avec le temps ils ont accepté

92
l’idée que je suis aussi un support financier et je peux les aider à subvenir aux différents besoins
familiaux. »

Parfois le contexte localisé pousse à l’abandon scolaire car les activités possibles pour les jeunes
sont beaucoup plus attractives comme la contrebande aux frontières dans l’Oriental.

Un jeune homme de 21 ans à Alh Angad raconte « Quand on était enfant, on aidait les marchands
aux frontières (avec l’Algérie), on n’étudiait pas. On était enfant, on ne pensait pas à étudier, on ne
pensait qu’à travailler aux frontières. On allait à l’école le matin comme si on allait au tribunal. Les
professeurs nous maltraitaient. On était pauvres et on devait travailler pour subvenir à nos besoins.
Mais on ne peut pas devenir quelqu’un sans avoir fait d’études. On aurait aimé étudier et arriver
quelque part mais on travaillait aux frontières et on ne s’intéressait à rien d’autre. Maintenant, les
frontières sont fermées et on n’a plus d’avenir. J’aimerai émigrer car j’ai toujours pensé à émigrer. »

Dans certains cas, les familles ne peuvent pas assurer la scolarité à tous les jeunes garçons. La
maladie ou le handicap du chef de famille accélère la déscolarisation.

« J’ai arrêté pour des raisons financières, mon père n’avait pas les moyens pour financer la scolarité
de moi et mon frère. J’ai arrêté et mon frère a continué les études. Il est en 3 ème année à la fac. Dans
le primaire, l’école était proche par contre au collège, j’étais obligé de louer une chambre. Je n’avais
pas bénéficié de l’internat. Actuellement, le transport scolaire aide les jeunes à continuer les
études. » (Homme, 21ans, Imintala)

Très peu de jeunes mettent en avant les effets de Tayssir comme moyen de réduire la rupture
scolaire. Nombre d’enquêtés n’ont pas bénéficié de ce dispositif, par ailleurs le montant de
l’allocation (140 MAD par mois pour le collège) reste très inférieur aux perspectives de
rémunération dans le secteur informel (entre 800 et 1200 MAD pour les mineurs).

LES DIFFICULTES SCOLAIRES

Le décrochage scolaire est fréquemment présenté comme un acte individuel et délibéré. « La


perte de l’envie » d’étudier, le découragement face aux échecs et aux redoublements, sont des
justifications récurrentes chez les jeunes des centres urbains. Pour expliquer les causes de
« cette perte d’envie », les jeunes décrocheurs mettent en avant plusieurs raisons très
imbriquées qui associe difficultés scolaires et manque de moyens financiers.

On constate que les filles déclarent majoritairement décrocher de l’école suite à des difficultés
scolaires et les redoublements fréquents.

« J’ai préféré quitter l’école parce que j’ai redoublé deux fois, en 3ème au collège ». (Femme, 22ans,
Marrakech)

Ensuite, ces difficultés sont aussi associées à la possibilité de la famille d’apporter un soutien
scolaire notamment en payant des cours supplémentaires à leurs enfants.

“Mes parents m’ont beaucoup aidé pour à finir mes études et en me permettant de faire des heures
supplémentaires.” (Femme, 23 ans, Azrou).

En revanche, d’autres filles échouent parce qu’elles sont trop pauvres et qu’elles n’avaient « pas
les moyens de payer des heures supplémentaires pour décrocher le baccalauréat » (Femme

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majeure à El Jadida). Les difficultés scolaires sont ainsi associées à un système injuste lié à une
économie des heures supplémentaire.

Dans les grandes villes, les jeunes soulignent aussi les injustices liées à la privatisation du
système scolaire comme à Tétouan dans un groupe de parole d’hommes majeurs : « pour ceux
qui cherchent un bon niveau d’instruction, ils étudient dans des écoles privées » ; « Les professeurs
des écoles publiques ici s’intéressent qu’aux étudiants assidus, ne font pas d’effort avec les autres
étudiants. »

Ce sentiment d’injustice amène des jeunes hommes majeurs à Casablanca à déclarer que
l’amélioration du système scolaire passera par « l’élimination de l’enseignement privé » et
« l’enseignement contractuel » dans le cadre d’un groupe de parole.

LA TURBULENCE ET LA VIOLENCE

L’abandon scolaire est aussi précédé d’une phase de turbulence qui amène alors à une rupture
progressive ou brutale avec l’institution. Il apparaît une gradation allant de l’indiscipline, à la
violence qui est aussi liée à des dynamiques externes aux établissements scolaires. Pour les
jeunes les plus en rupture, cela peut prendre la forme d’actes de délinquance commis au sein ou
à l’extérieur de l’école souvent liés à des problèmes d’addictions précoces à différentes drogues.

L’abandon commence par le chahut.

« J’ai arrêté en 1 ère année du lycée pour un problème banal. J’ai le même nom qu’une enseignante.
Dans le cours, certains élèves s’amusaient à m’appeler, à haute voix. La professeure s’énervait et
elle me mettait assez souvent dehors. J’ai redoublé et l’année d’après, j’avais la même enseignante.
J’ai pris la décision d’arrêter ». (Femme, 22ans, Ben Guerir)

Ce chahut peut prendre des formes parfois plus dangereuses. Un jeune homme de 16 ans, qui a
voulu faire une mauvaise blague à une de ces professeurs à base de produits chimiques, a été
exclu définitivement. « J’aimais partir à l’école, j’ai essayé la réinsertion scolaire : je suis reparti à
l’école mais le directeur m’avait demandé de quitter les lieux et de revenir lundi. Le lundi quand je
me suis installé en salle de classe, le directeur s’est précipité vers moi et m’a fait savoir qu’il y’a eu
un courrier de la délégation qui signifiait que ma demande de réinsertion scolaire avait été
rejetée. » (Homme, 16 ans, Guelmim)

Les jeunes quittent aussi suite à des violences exercées par les professeurs. Ces violences sont
régulièrement dénoncées.

« J’ai arrêté les études en 5ème année primaire, je me suis disputé avec la maîtresse qui m’a tapé
parce que je n’avais pas fait mes devoirs. En plus, je n’aimais pas l’école et les études en général. J’ai
préféré chercher un travail et aider ma famille. » (Homme, 19 ans, Marrakech)

Cette turbulence est aussi liée à des dynamiques collectives entre jeunes qui développent des
comportements collectifs anti-scolaires : les mauvaises fréquentations et les effets
d’entrainement amènent des jeunes à quitter l’école en groupe.

« J’aimais bien l’école avant de connaître des filles mauvaises qui me disaient que l’éducation c’est
rien et que cela n’aide pas à faire un bon avenir. Je les ai écoutées et j’ai quitté le collège.

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Aujourd’hui, j’aimerais bien revenir à l’école. Ma mère me demande toujours de retourner au
collège pour continuer mon cursus et finir mes études. » (Femme, Azrou, 17 ans).

Dans le monde urbain, les jeunes peuvent décrire l’école comme « le lieu des mauvaises
tentations et aussi de la découverte de la drogue » (Groupe de parole, homme majeurs, El Jadida).

L’expérience de l’addiction se fait de façon parfois de façon précoce dès la fin du primaire et
surtout au secondaire collégial et donc favorise l’absentéisme et le décrochage.

« Je n’étais pas intéressé du tout par l’école, j’ai commencé à travailler avec mon père de temps en
temps dans la boucherie. Je m’absentais beaucoup, je passais la journée à fumer et à essayer de
nouvelles drogues. J’ai redoublé deux fois les deux dernières années du primaire et donc j’ai arrêté
l’école en 6ème année primaire. » (Homme, 21 ans, Amizmiz).

L’addiction favorise alors des comportements violents et l’exclusion des établissements


scolaires.

« J’ai été exclu de l’école après 3 années de redoublement au collège en 3ème année. J’ai ’été exclu
parce que j’étais devenu un délinquant. A l’adolescence, je commençais à fumer, à prendre de la
drogue « hachich et psychotrope ». Je m’absentais beaucoup pour rejoindre mes amis ». (Homme,
23 ans, Marrakech).

LA DIFFICILE REPRISE D’ETUDES

Plusieurs jeunes essayent de reprendre leurs études après une ou deux années de décrochage.
Cependant, plus le décrochage est précoce, plus la reprise d’étude est difficile. Ainsi, les
dispositifs adaptés sont peu nombreux et le plus souvent, les jeunes doivent réintégrer par eux
même le système. Or, la réintégration du cycle primaire est particulièrement difficile du fait de la
peur de la stigmatisation par les autres élèves. Ensuite, la réintégration du cycle secondaire se
fait principalement pour préparer les examens soit de fin de cycle collégial soit du baccalauréat.
Ainsi, plusieurs jeunes enquêtés en 2019 avaient repris leurs études en 2020. Cependant, ceux
qui avaient abandonné au cycle collégial décrivent une motivation plus faible et des difficultés
plus importantes que ceux qui avaient abandonné juste avant le baccalauréat. Ainsi, un jeune
homme de Dar Chafaï, qui avait décidé de se reprendre son cycle collégial en septembre 2019,
car n’ayant pas trouvé de travail, se retrouve devant les mêmes difficultés que lorsqu’il avait
arrêté ses études : il cumule mauvais résultats du fait de son faible niveau et une grande
précarité économique. Il a le sentiment d’avoir fait une erreur.

La préparation d’un diplôme apparaît comme un élément central dans la motivation des jeunes.
En effet, le diplôme est vu comme l’opportunité d’accéder à de meilleurs emplois mais aussi à la
poursuite d’études supérieures.

Ainsi un homme de 24 ans à El Jadida explique sont parcours « j’ai arrêté mes études parce que
j’ai échoué à mon premier Bac. J’ai travaillé pendant 4 mois puis encore durant 3 mois dans deux
entreprises de literie mais je ne gagnais pas assez d’argent, entre 2200 MAD par mois et 2600 MAD.
La situation n’était pas bonne pour moi. J’ai donc arrêté ce travail et je suis retourné au lycée pour
finir mes études. J’ai eu mon Bac avec mention, 12,85 de moyenne. Ensuite, j’ai intégré l’ISTA.»

95
L’ORIENTATION : UNE QUESTION SURTOUT LIEE A L’UNIVERSITE

La question de l’orientation est primordiale notamment concernant l’université. Les jeunes sont
souvent assez démunis surtout ceux qui ont poursuivi leurs études secondaires dans des lycées
ruraux loin des grandes villes. Or, les erreurs d’orientation amènent à un découragement et à
l’abandon des études supérieures puis ferment les opportunités de valorisation d’un cursus
universitaire.

Les services d’orientation dans les établissements secondaires sont souvent absents ou jugés
défaillants. Les jeunes recours alors massivement à la famille, au bouche à oreille ou aux effets
de proximité. Certains mobilisent Internet et les réseaux sociaux mais très peu ont bénéficié d’un
véritable entretien d’orientation.

Ces choix viennent renforcer les inégalités sociales. En effet, les familles les moins éduquées
peuvent difficilement conseiller leurs enfants et les discussions entre pairs amènent aux mêmes
difficultés. Ensuite, il apparaît de très grandes inégalités territoriales : les jeunes des
établissements ruraux ne peuvent pas visiter les différentes institutions de formation comme les
jeunes des établissements des chefs-lieux de province ou des grandes villes où ces dernières
sont installées.

Enfin, les services d’orientation apparaissent trop tardifs avec une focalisation sur le
baccalauréat et non sur la fin du secondaire collégial alors que le décrochage scolaire reste très
important entre le secondaire collégial et le secondaire qualifiant.

Un groupe de parole à Sidi Moumen à Casablanca résume ainsi le propos : « Nous avons ici des
écoles publiques mais les jeunes ont besoin de conseils, d’orientation et d’un soutien matériel pour
penser à finir leurs études, la plupart arrêtent leurs études très tôt afin de pouvoir travailler et
aider leurs familles. »

Dans les campagnes et les petites villes, l’information sur l’orientation apparaît encore plus rare.
Ainsi, une jeune femme de 20 ans à Tarjijt explique: « quand j’ai eu mon baccalauréat je ne savais
pas quoi faire. J’ai choisi la faculté d’Ibn Zohr à Agadir juste parce que les gens disent qu’elle est
bonne. J’ai eu un Deug de géographie et j’ai abandonné, je ne voulais plus continuer et je n’aimais
pas cette spécialité. Personne ne nous conseille, c’est pour cela qu’ici la majorité des jeunes trouve
un problème d’orientation après leur baccalauréat. Je connais une fille qui a réussi par les études,
une voisine. Elle a étudié à l’école des infirmières et quand elle a poursuivi sa formation, elle a
émigré à l’étranger. »

A Missour, un jeune homme déclare : « ce n’est pas moi qui a choisi sciences humaines mais c’était
plutôt le directeur de mon lycée. Je suis allé à l’université Sidi Mohamed ben Abdellah à Fès car
c’est la plus proche, j’ai étudié la géographie jusqu’au master avec une spécialité sur les risques
naturels ».

L’UNIVERSITE

L’université reste une expérience encore rare pour de nombreux jeunes qui n’achèvent pas le
secondaire. C’est une expérience qui est très ambivalente. Elle en premier considérée comme
peu accessible même pour les urbains car les universités sont souvent excentrées.

96
L’université est approchée comme un lieu d’acquisition d’une certaine maturité. Ainsi, les jeunes
y découvrent la responsabilité, l’autonomie, l’échange d’idées et développent de nouvelles
sociabilités différentes du cadre familial. L’université est décrite comme un espace de liberté
avec la découverte d’un mode de vie étudiant que plusieurs jeunes apprécient mettant en avant
« l’ambiance » et le sentiment « d’être libre » (Groupe de parole de femmes majeures à Tétouan).
C’est un moment de socialisation mais aussi de réflexion sur l’engagement dans le cadre des
dynamiques associatives souvent à caractère culturel ou social. Ensuite, l’université est aussi un
moment de construction de l’autonomie notamment dans l’apprentissage des tâches ménagères
surtout pour les garçons (« apprendre à faire sa cuisine, sa lessive »).

Un jeune homme de Missour explique « pour moi l’université m’a apporté beaucoup de choses, le
savoir et l’expérience, l’échange des idées, l’apprentissage. Loin de la famille, je me suis fait de
nouveaux amis. J’ai acquis le sens des responsabilités et à faire de mon mieux pour arriver à ce que
je veux. C’était une belle expérience pour moi, mais au Maroc ce n’est pas facile de trouver un
emploi si tu n’es pas scientifique. »

A Tétouan, dans le cadre d’un groupe de parole de femmes majeures : « la plupart des filles
abandonnent après le baccalauréat où après leur première année universitaire ». « Ceux qui
continuent leurs études à la faculté sont souvent ceux qui habitent dans des zones montagneuses, ils
terminent juste par curiosité pour en savoir plus sur la vie urbaine ». « Le loyer, l’argent de poche et
les polycopiés sont chers. Surtout que la plupart des filles qui étudient à la faculté, n’ont pas assez
de moyens donc elles abandonnent pour travailler. »

A Tarjijt, un témoignage est similaire. « J’ai passé 3 ans à la faculté à Agadir en colocation avec des
filles. L’ambiance était bonne et j’ai appris beaucoup de choses. Il fallait juste se concentrer et être
responsable. Mais l’environnement universitaire n’était pas réellement adapté. La faculté n’est plus
utile pour avoir un métier, et les conditions de vie sont dures. La plupart de filles ont abandonné
leurs études à cause de cela. »

Cependant, cette autonomie est aussi déstabilisante pour de nombreux jeunes, surtout en ce qui
concerne l’encadrement pédagogique et la relation très distante avec le corps professoral. Par
conséquent, de nombreux jeunes sont déçus par leur première année universitaire qu’ils
n’achèvent pas.

Enfin, certaines universités sont aussi des lieux de confrontation politique entre groupes
linguistiques militants comme à Agadir ou entre groupes politiques comme à Fès créant un
climat de tension peu favorable. Ainsi un jeune de Missour déconseille l’université de Fès « car il
y a trop de tensions et de manifestations »

97
3- DES EMPLOIS PRECAIRES, PENIBLES ET PEU REMUNERATEURS

Parmi les jeunes enquêtés, nombreux sont ceux qui ont eu plusieurs expériences
professionnelles non concluantes. En effet, au regard des très nombreux témoignages, il est
possible de qualifier les opportunités d’emploi offertes aux jeunes comme mauvaises. Ces
derniers sont en effet victime d’une économie marocaine où le salariat respectueux du cadre
légal est une exception et la création d’une entreprise pérenne s’avère très difficile. Les jeunes
qualifient leur emploi selon sa régularité, sa rémunération et sa pénibilité. Ainsi, les emplois
irréguliers et mal rémunérés sont qualifiés de « bricolage ».

Ensuite, de nombreuses activités présentent un très mauvais rapport rémunération/pénibilité et


donc ne peuvent être acceptées qu’en cas de rapport de nécessité ou de rapport d’autorité
familiale. Or, ces activités mal rémunérées et souvent très pénibles amènent donc à des périodes
d’épuisement et finalement de non-activité qui sont alors très mal vécues.

Il apparaît un consensus croissant sur le niveau de revenu nécessaire pour bien vivre. Dans les
communes rurales, 500 MAD par semaine sont jugés suffisants pour un célibataire. Dans une
petite ville (Berkane, Ahfir), le salaire nécessaire pour bien vivre pour un célibataire est de 3000
MAD, mais il faut 8000 MAD pour faire vivre correctement une famille notamment dans les
grandes villes et tout particulièrement à Casablanca. Un jeune homme à Berkane précise qu’il
faut 5000 MAD par mois si tu veux prendre en charge tes parents. Ce chiffre de 5000 MAD est
repris à El Jadida et Had Soualem, sachant que ce salaire mensuel est considéré comme
l’équivalent de 200 MAD par jour. Un autre à Ahfir insiste sur le fait que si tu dois aller vivre
dans une grande ville comme Oujda, tu dois dépenser 2000 MAD de loyer par mois pour un
logement correct. Or, ces rémunérations sont très difficiles à obtenir au début dans l’entreprise.

Tableau de déclaration des revenus nécessaires pour vivre correctement selon les localités au
Maroc

Localisation géographique Célibataire Chef de famille

Commune rurale 2000 4000

Ville moyenne (Berkane, El 3000 5000


Jadida, Had Soualem)

Casablanca 5000 8000

Les jeunes enquêtés qualifient de nombreux territoires du Maroc comme des zones où il n’y a
plus aucune perspective d’emploi ni pour eux, ni pour leurs parents. Il s’agit donc de compenser
ce manque d’opportunités par une mobilité accrue vers les grandes villes (Casablanca, Kénitra,
Tanger) mais aussi les villes du grand Sud (Dakhla) ou des périmètres irrigués. L’émigration
n’est pas le principal horizon pour trouver une activité mais elle peut devenir centrale lorsque
les expériences professionnelles décevantes s’accumulent. Enfin, les faibles opportunités
d’emplois salariés et la piètre qualité des emplois (pénibilité, sentiment d’exploitation) poussent
aussi à l’entrepreneuriat.

98
DES SALAIRES FAIBLES AVEC PEU DE PERSPECTIVES

Lors de l’enquête nous avons procédé systématiquement à des demandes de revenus obtenus
lors des précédents emplois. Ces revenus sont déclarés par les jeunes soit par jour, soit par
semaine, soit par mois, ce qui est en soi un indicateur de la précarité des emplois. Nous
considérons ici ces déclarations comme des indicateurs des perspectives d’emplois.

Tableau 14 : Emplois et rémunérations déclarées par les enquêtés en dirhams

Activité Revenu Revenu revenu


mensuel par par jour
semaine

Apprentis soudeur à Casablanca (homme) 50


Couturière Casablanca (femme)
Apprenti mécanicien à Marrakech (homme)
Commerce à Ben Guerir (homme)
Aide cuisinier à Ahl Angad (femme) 300
Aide chez un commerçant (homme) 450 100
Aide cordonnier à Fès (homme) 150
Aide ferronnier à Fès (homme)
Vendeuse et ménage dans une librairie à Marrakech (femme) 500
Café à Azrou (femme)
Aide cuisinier à Ahl Angad (femme)
Crèche à Ben Guerir (femme) 600
Café à Azrou (femme) 650
Boutique d’alimentation à Témara (homme) 700
Repassage dans un pressing à Fès (femme) 800
Vendeur dans une boutique d’électronique à Casablanca 200
(homme)
Garçon de café à Ben Guerir (homme)
Pompiste à Dar Chafaï (homme) 250
Serveur dans un café à Dar Chafaï (homme)
Apprentie couturière dans une usine à Fès (femme)
Vendeur de vêtement à Marrakech (homme)
Vendeur de fleurs à Ben Guerir (homme) 40
Vendeuse de tissus en boutique (femme) 1000
Employé dans un cabinet d’avocat à Azrou (femme)
Employé d’un moulin à Dar Chafaï (homme) 300
Serveur dans un snack à Marrakech (homme)
Serveuse dans un café à El Jadida (femme)
Vente de vêtements en boutique à Marrakech (femme) 1400
Aide agricole dans un élevage de poulet dans la Chaouïa 1500 50
(homme)
Gardien de villa à Casablanca (homme)
Comptabilité et facturation dans une maison d’hôte à Fès
(femme)
Aide pâtissière à Fès (femme)
Cordonnerie à Fès (femme)
Tapissier réparateur de fauteuil à Marrakech (homme)
Vendeuse dans une boutique de chaussure à Marrakech
(femme)
Agent administratif dans une entreprise à Tanger (femme)
Serveuse dans un café à Tanger (femme)

99
Coiffeuse à Tanger (femme)
Opérateur dans un centre d’appel à Marrakech (femme) 1700
SMAG 1903
Mécanicien à Amizmiz (Homme) 2000 400
Couturière dans une usine à Fès (femme)
Ouvrière dans une usine agroalimentaire de verveine à
Marrakech (femme)
Formatrice lutte contre l’analphabétisme à Fès (femme)
Formatrice lutte contre l’analphabétisme à Marrakech
(femme)
Ouvrier huisserie aluminium à Mohammedia (homme) 500
Maçon à Marrakech (homme) 70
Peintre en bâtiment à Marrakech (homme) 75
Serveur dans un café à Casablanca (homme) 80
Aide maçon à Ben Guerir (homme)
Aide maçon à Casablanca (homme) 85
Laveur de voiture dans station d’autoroute axe Settat- 90
Marrakech (homme)
Serveuse McDonald's à Fès (femme) 2300
Ouvrière dans usine agroalimentaire à Marrakech (femme)
Vendeur dans une entreprise de literie à El Jadida (homme)
Serveuse dans une Pizzeria à Fès (femme) 2500
Enseignante dans une école privée à Marrakech (femme)
Pompiste dans une station-service à Ben Guerir (homme)
Pressing à Amizmiz (homme) 600
Vendeur dans une entreprise de literie à El Jadida (homme) 2600
SMIG 2698
Vendeur à dans une grande surface à Rabat (homme) 2700
Employé dans un hôtel à Marrakech (homme) 3000 700 100
Coiffeur à Ben Guerir (homme)
Mécanicien à El Jadida (homme)
Opérateur dans centre d’appel à Marrakech (femme) 3500
Secrétaire dans une société de fabrication de voiture
Marrakech (femme)
Secrétaire dans un centre d’appel à Marrakech (femme) 4000
Femme de ménage dans un café d’Aïn Diab (femme) 1200
Gardien de nuit dans un Riad à Marrakech (homme) 150
Assistant pour un bureau d’étude à Fès (homme)
Gardien de voiture à Aïn Diab (femme) 6000 200
Gardien de voiture à Bad Doukala Marrakech (Homme)
Mécanicien à Marrakech (homme)
Assistante d’accueil au festival Marrakech du rire (femme)
Gérant d’une société de distribution de lait à Ben Guerir 250
(homme)
Plâtrier à Ben Guerir (homme) 350
Plombier à Ben Guerir (homme) 7000

Ces réalités salariales sont donc très intéressantes pour comprendre les perspectives offertes
aux jeunes.

Les rémunérations sont faibles et atteignent très rarement le salaire minimum légal. Elles
commencent à 50 MAD par semaine pour les mineurs qui vont être considérés comme des
apprentis (soudeur, couturier, couturière, mécanicien). Ensuite, de nombreux métiers de
services ne dépassent pas les 1000 MAD par mois (commerçant, pompiste ou serveur dans un
café). Il apparaît des seuils de rémunération à 1500 MAD par mois qui apparaît régulièrement

100
offerte pour de nombreux jeunes dans différents secteurs d’activité comme le monde agricole
(ouvrier agricole, ouvrier dans un moulin), l’artisanat (cordonnier, tapissier) ou les services
(comptable, serveur). Un deuxième seuil est à 2000 MAD par mois qui concerne aussi bien
l’industrie (ouvrière dans le textile ou dans l’agro-industrie) que l’enseignement (formatrice
alphabétisation). Un troisième seuil largement mobilisé est celui des 100 MAD par jour qui
indique une activité ponctuelle car la rémunération à la journée est un indicateur d’une certaine
précarité. Toutes ces rémunérations sont jugées insuffisantes pour garantir une vie décente dans
la longue durée. Elles sont donc considérées comme transitoires ou comme acceptables par
défaut : elles sont associées aux expressions « travailler à n’importe quel prix », « accepter
n’importe quel salaire ». Au sein d’un même secteur comme les entreprises de confection à Fès,
les salaires déclarés fluctuent de 250 MAD par semaine à 2000 MAD par mois selon une jeune
femme de 19 ans.

Les salaires qui atteignent le salaire minimum légal dans des entreprises formelles comme les
franchises de restauration rapide (McDonald's, Domino's Pizza) en prenant en compte les
différentes cotisations salariales qui sont retranchées au SMIG selon les entreprises.

Les bons emplois sont rares : Ainsi, un jeune homme à Missour explique entre 2016 et 2017,
« j’étais assistant technique dans un bureau d’études de Fès. Je gagnais 150MAD par jour et je
travaillais dans des conditions confortables. » Un jeune homme à Ben Guerir a beaucoup aimé son
travail de vendeur à dans une grande surface à Rabat où il gagnait 2700 MAD par mois.

Il faut souligner que ces salaires n’atteignent pas les salaires désirés car ne dépassant pas les
3000 MAD qui sont un seuil considéré comme permettant une autonomie pour un célibataire en
ville. Enfin, les salaires les plus élevés déclarés sont soit des salaires informels (gardien de
parking dans des quartiers riches et animés) soit des salaires dans l’artisanat de précision (le
second œuvre dans le BTP, plombier, mécanicien). Ce dernier secteur permet au jeune
talentueux et performant de rapidement obtenir des rémunérations intéressantes en cumulant
une bonne réputation auprès de ses clients et une grande efficacité dans ses interventions.

UN FORT TURN-OVER DU FAIT DES FAIBLES SALAIRES

Ces faibles salaires amènent à peu d’attachement à l’entreprise et finalement un fort turn-over,
le jeune quittant l’entreprise rapidement dès qu’il y a des tensions ou des difficultés au sein de
l’entreprise. Une jeune fille de 19 ans à Fès a déjà connu quatre entreprises de confection
différentes. Elle s’est bagarrée avec le contremaître dans la première usine, puis elle a quitté les
trois autres, car « elle en avait marre ». Le fait de quitter l’entreprise peut amener à des
difficultés avec les parents qui veulent que le jeune conserve son emploi (par exemple la mère
d’une jeune couturière à Fès). Un jeune de Dar Chafaï déclare ainsi que le salariat commence
systématiquement par des revenus faibles et qu’il faut s’accrocher pour voir les salaires monter.
Il y a donc une idée de sacrifice à fournir. Or, beaucoup de patrons ne tiennent pas leurs
engagements.

A Marrakech, un jeune homme de 19 ans a travaillé comme serveur dans un snack pendant 2
mois « j’ai arrêté parce que le travail est loin, les horaires étaient pénibles, je commence à 10h du
matin et je termine à minuit. Je n’avais pas de vie, je ne vois ni ma famille, ni mes amis ». Le salaire
était de 50 MAD par jour « Quand j’ai commencé le travail, le patron ne m’a pas dit le salaire. Après
4 jours de travail, je lui ai demandé « combien il va me payer », il m’a dit 50 MAD. J’ai travaillé

101
pendant 2 mois, il ne m’a rien donné. A mon départ, il m’a donné la moitié, je suis revenu plusieurs
fois pour récupérer l’autre moitié. Les patrons, ils ne se comportent pas bien. Ils ne donnent pas la
possibilité aux salariés d’apprendre un métier ».

A Guelmim, un jeune homme de 16 ans, précise « j’ai travaillé dans un cyber avenue Sidi Ifni,
j’étais payé pour mon travail et j’aimais ce travail mais j’ai arrêté parce que je voulais une
augmentation qui m’a été refusée. »

Les faibles rémunérations sont associées à des temps de présence particulièrement longs faisant
de ces emplois des situations souvent très pénibles et amenant les jeunes à avoir peu de
possibilités d’épanouissement. Cette pénibilité rend de nombreuses professions difficiles à
mener sur la longue durée : une jeune fille a travaillé 3 mois dans une usine d’agroalimentaire à
Casablanca à l’âge de 20 ans mais a désormais des douleurs dorsales chroniques. De même, les
meilleurs salaires déclarés par les jeunes comme gardien de parking à Aïn Diab à Casablanca ou
à Bab Doukala à Marrakech nécessitent de longues heures de présence et un travail acharné
dans un climat de très grande tension. Ainsi, les deux jeunes n’ont pas prolongé leur expérience
malgré des gains réels.

Finalement, les jeunes enquêtés ont eu très peu de bonnes occasions d’accéder à des salaires
élevés. La recherche de bons emplois amène à une augmentation du taux de chômage pour les
jeunes qui disposent d’une formation reconnue et peuvent donc prétendre à des emplois
réglementaires. Ainsi, le taux de chômage des diplômés de l’enseignement général est de 19,7%
contre 25,5% pour les diplômés de l’enseignement professionnel et seulement de 11,2% pour
les non diplômés.

Ainsi, le taux de chômage des diplômés de l’enseignement professionnel est plus élevé parmi les
techniciens spécialisés (27%) que les diplômés d’initiation (21%). En effet, comme relevé dans
de très nombreux entretiens, les techniciens sont plus exigeants sur leur emploi et aussi doivent
se déplacer pour trouver un emploi adéquat sans forcément disposer des ressources nécessaires
pour une telle mobilité.

Par ailleurs, les jeunes sont obligés de faire un arbitrage entre rester dans des emplois mal payés
et souvent très chronophages avec de longues journées de travail à laquelle s’ajoute souvent un
temps de transport important, sans forcément avoir de vacances. Ils doivent donc abandonner
l’emploi de mauvaise qualité pour chercher un emploi de bonne qualité. Cette volonté d’accéder
à des emplois réglementaires explique alors un taux de chômage plus élevé, car les jeunes sont
en recherche active d’emplois de qualité.

Ces faibles salaires expliquent aussi pourquoi de nombreux jeunes envisagent de créer leur
propre entreprise, car cela apparaît comme l’un des seuls moyens pour accéder à une
rémunération satisfaisante.

102
LA DEBROUILLE OU “BRICOLAGE”, UN STATUT D’ACTIF EN ATTENTE
D’OPPORTUNITES PROFESSIONNELLES

Beaucoup de jeunes enquêtés déclarent ne pas travailler mais « bricoler ». Ainsi, régulièrement
aux questions sur leur activité, ils répondent « bricolage » (terme utilisé en darija : bricole,
bricolage, bricoler). C’est par ce moyen qu’ils obtiennent des revenus souvent très faibles mais
qui leurs permettent de couvrir leurs dépenses personnelles (téléphonie, café, cigarettes).

Cette terminologie renvoie aux activités informelles très ponctuelles comme la vente de petits
objets le jour du Souk (vente de cigarettes à l’unité, de sachets en plastiques, de sandales). Les
revenus sont très faibles (35 MAD au souk de Dar Chafai par exemple).

Le terme de « bricoler » qualifie aussi la démultiplication de petites missions d’une ou deux


journées sans perspective d’emploi dans la longue durée. Dès lors, le « bricolage » décrit une
phase d’activité marquée par de nombreux petits boulots sans lendemain au gré des
opportunités. Les rémunérations journalières peuvent parfois être élevées du fait de la pénibilité
de la tâche surtout en milieu urbain lorsqu’il s’agit de travaux de force. Mais ces opportunités
d’emploi sont très ponctuelles et sont suivies par plusieurs jours voir plusieurs semaines sans
revenu.

Il faut souligner qu’en milieu rural comme en milieu urbain, le terme est aussi associé à des
activités agricoles comme l’élevage au sein d’une exploitation familiale ou d’une organisation
collective (jemaa). Ainsi, dans de nombreux cas, les jeunes complètent leur activité principale
par une activité agricole. A Dar Chafai, un jeune carreleur de 22 ans travaille 3 jours par semaine
à 100 MAD par jour et complète son activité artisanale par l’élevage de moutons. A Ahl Angad,
c’est un jeune qui travaillait dans les activités de contrebande avait lui aussi un élevage de
moutons dans la ferme familiale. Cependant, l’élevage n’est pas considéré comme suffisant pour
être la principale activité, il doit être adossé à d’autres revenus. Ainsi, le jeune contrebandier a
arrêté l’élevage quelques mois après la fermeture de la frontière. Aujourd’hui, il ne retourne à la
ferme qu’une fois par an pour la récolte des olives.

Le bricolage qualifie l’activité qui n’assure ni autonomie, ni statut social. Dans les groupes de
parole à de multiples reprises à Iqaddar, à Berkane, à Ahfir, à El Jadida, et tout particulièrement
ceux des hommes, le bricolage est aussi associé à un seuil de revenu journalier ne dépassant pas
les 100 MAD par jour. Le bricolage devient même une condition sociale très dévalorisante pour
de nombreux jeunes pour qualifier celui qui ne fait pas grand-chose finalement et reste dans un
statut de dépendance sans pour autant s’investir pleinement dans une activité à temps plein. En
effet, les jeunes estiment qu’un célibataire doit pouvoir gagner 3000 MAD pour être autonome. Il
apparaît donc que la débrouille est associée à un salaire inférieur à ce seuil.

La débrouille est aussi liée à l’addiction avec certains jeunes qui cherchent les ressources justes
suffisantes pour acheter des cigarettes et de la chicha (groupe de parole homme, Iqaddar).

Oujda, un jeune homme de 17 ans explique : “Je fume des cigarettes et du cannabis parfois mais je
ne bois pas. Je fume pour ne pas penser. Pour les acheter, j’aide des marchands dans le souk.”

A Berkane, dans un groupe de parole d’hommes majeurs, les participants précisent « pour tes
dépenses personnelles, tu trouves de l’argent soit par les emplois à bas salaires, soit par le trafic de
drogue. »

103
Ainsi, débrouille et addiction amènent aussi à participer de petits trafics notamment dans la
revente de psychotropes, certains jeunes devenant les revendeurs officiels. Alors, la débrouille
amène aussi aux activités criminelles par le vol et l’agression comme le déclare de jeunes
garçons à Fès. Ce principe est régulièrement répété dans les grandes villes lors des groupes de
parole.

A Tanger, « c’est difficile de trouver un bon emploi, il faut avoir des connaissances personnelles
pour être embauché. C’est pour cela que la plupart des jeunes hommes optent pour l’agression des
gens et les filles pour la prostitution. » (Groupe de parole de femmes majeures, Tanger)

A Casablanca, « 50% des jeunes hommes sont au chômage : 5% ils vendent la drogue, 15% ils
volent, 20% ils dépendent de leurs parents et 10% ils se débrouillent (ils vendent des montres…) »
(Groupe de parole d’hommes majeurs, Casablanca).

POUR ACCEDER AUX BONS EMPLOIS : « LE PISTON » OU « L’ACHAT DE POSTE »

Pour de nombreux jeunes qui multiplient les mauvais emplois, trouver un travail est souvent lié
à des relations (piston) ou à des relations d’achat de poste via des intermédiaires qui assurerait
un placement contre une rémunération (acheter un contrat).

Le terme de piston renvoie à l’idée que l’on est aidé par des membres de la famille ou des
proches. Pour de nombreux jeunes, c’est le soutien familial ou amical qui permet d’accéder à un
emploi. Ainsi, ils considèrent les démarches institutionnelles comme peu efficaces et privilégient
les approches par les proches. Dès lors, maintenir des réseaux de sociabilité avec des jeunes
insérés économiquement devient essentiel pour accéder à l’emploi mais si cela crée aussi des
situations de frustration relative.

Or, l’absence de piston amène à un découragement dans la recherche d’emploi car les jeunes ont
le sentiment d’être dans un marché de l’emploi de second choix où seuls sont accessibles les
mauvais emplois pénibles et mal rémunérés que personne ne voudrait faire dans la longue
durée.

Pour autant, les emplois obtenus par les membres de la famille ou les proches n’apparaissent pas
systématiquement comme les plus intéressants. Bien au contraire dans les réseaux d’entraide
sont aussi des réseaux où la négociation salariale est impossible amenant à des conditions de
travail souvent difficiles et des revenus faibles. Par ailleurs, le travail au sein de la cellule
familiale maintient les relations dépendance notamment vis à vis du père qui sont parfois
décrites comme des relations non satisfaisantes. De nombreux jeunes hommes décrivent le
travail avec leur père comme un moment d’apprentissage ou un palliatif, car ils rêvent d’une
autonomie plus forte.

Le travail au sein de l’entreprise familiale est donc ambigu car d’une part, elle assure un revenu
au jeune et un sentiment de participation au foyer, mais en même temps, elle est rarement
considérée comme l’activité définitive. Beaucoup de jeunes hommes sont reconnaissants de
travailler avec leur père qui leur apprend un métier (vendeur, boucher, porteur) mais aussi
souhaitent devenir autonome et développer leur propre affaire (vendeur de vêtement pour
femmes, vendeur de produits de beauté).

104
Ces revenus sont suffisants pour mener une vie de jeune à la maison car ils permettent de
prendre en charge les dépenses courantes (café, téléphonie mobile, vêtements), mais ils sont
insuffisants pour envisager une décohabitation et la création d’un ménage.

Ensuite, dans plusieurs entretien, l’expression d’acheter un contrat revient. Il apparaît en effet
des intermédiaires de placement qui demandent des sommes d’argent aux jeunes pour pouvoir
les faire recruter par des entreprises nationales ou internationales. Dans les nombreux cas
enquêtés, les jeunes sont souvent trop pauvres pour pouvoir payer, tandis que d’autres
déclarent ouvertement avoir été victimes d’escrocs qui ont abusé de leur naïveté pour leur
prendre leurs économies comme une jeune femme à Marrakech.

Ce principe de l’achat est aussi associé à des postes de fonctionnaires notamment pour intégrer
des emplois peu qualifiés comme la gendarmerie (groupe de parole à Ben Guerir et à Berkane).
Mais, dans certains cas, ce sont des pratiques instituées comme les frais d’inscriptions au
barreau des avocats qui s’élèvent à plusieurs dizaines de milliers de dirhams comme témoigne
un jeune homme de 24 ans de Chefchaouen.

« J’ai eu mon Master en « professions judicaires ». Je voulais travailler dans ma spécialité au


tribunal malgré qu’il faille donner 100 000 MAD pour intégrer le barreau des avocats. C’est le
premier problème qu’on affronte ici, c’est dur de donner ce prix-là au barreau et puis repartir à
zéro dans la formation en tant que stagiaire. Il faut suivre la formation, trouver le stage, puis
chercher des clients. Je suis à la recherche de n’importe quelle aide tant qu’elle me permet
d’intégrer le barreau des avocats. »

DES INEGALITES DE GENRE DANS LES POSSIBILITES D’ACCEDER A L’EMPLOI

Il est intéressant de noter que dans l’accès à l’emploi des inégalités de genre sont constamment
notées.

Dans les groupes de parole masculins, les hommes déclarent que les femmes sont avantagées
dans les recrutements notamment dans les emplois salariés industriels cependant le taux
d’activité féminin reste très inférieur à celui des hommes. Cette situation est justifiée par le fait
que les femmes acceptent des salaires beaucoup plus faibles (groupe de parole, hommes
majeurs, à Had Soualem). Les hommes ont alors le sentiment que cela ne sert à rien de
démarcher des entreprises pour disposer d’un emploi stable du fait de cette concurrence injuste.

En revanche, dans les groupes de parole de femmes, les femmes notent que ce sont les hommes
qui sont avantagés car ils peuvent accepter des emplois qui leurs sont interdits. Premièrement,
les hommes peuvent plus facilement se déplacer vers les villes où le marché de l’emploi est
dynamique, ainsi à Ahfir, les femmes observent que les hommes peuvent postuler pour travailler
dans les grandes exploitations agricoles à Berkane. Deuxièmement, les jeunes femmes
soulignent aussi que les jeunes hommes peuvent sortir et chercher des « bricoles », des emplois
à la journée, plus facilement que les femmes qui doivent trouver des emplois stables sur des
durées de plusieurs semaines.

105
DES MINEURS PARTICULIEREMENT EXPOSES AUX EMPLOIS PENIBLES ET PRECAIRES

Les mineurs sont très mal rémunérés et ont beaucoup de mal à trouver des emplois du fait
l’absence de carte nationale et ne peuvent pas avoir de contrat de travail.

Les mineurs sont donc obligés de choisir des métiers pénibles. Un garçon de 17 ans à Tétouan
raconte : « dès que j’ai quitté l’école, j’ai commencé à faire des tours dans le souk pour voir si je
pouvais apprendre un métier et avoir mon propre projet dans le futur mais j’ai compris que
personne n’allait me prendre, donc j’ai dû commencer comme porteur (hamal). Chaque client me
paye selon le nombre de caisses de marchandises soulevé (1 MAD/caisse). Le souk est proche de
chez moi, donc je peux facilement m’y rendre. Les conditions de travail étaient très défavorables
pour un gamin de 11 ans, donc j’ai eu beaucoup de blessure mais pour l’intérêt de ma famille je
devais continuer à travailler. J’ai arrêté il y a 6 mois car je ne pouvais plus supporter la charge de
travail et la rémunération insatisfaisante. Je veux continuer à travailler mais autrement en
investissant dans un triporteur. »

Certains travaillent dans des cadres familiaux comme un jeune homme de 17 ans de Dar Chafaï
qui est boucher sur les souks avec son père, le travail est ponctuel (3 jours par semaine) et très
pénible pour un salaire modeste. Il leur est difficile de négocier les rémunérations au sein de la
famille. De même, les mineures employées par le réseau de proche peuvent gagner des sommes
très faibles. Ainsi à Fès, une jeune femme de 17 ans, placée par sa mère dans un pressing, gagne
800 MAD par mois.

D’autres apprennent un métier et ne sont pas rémunérés durant la période d’apprentissage


comme le rappelle un jeune homme de 19 ans qui a suivi un apprentissage en coiffure à Dar
Chafaï. Pour les apprentis rémunérés, le salaire est généralement de 50 MAD par semaine.

Dans ces conditions, les jeunes préfèrent chercher d’autres opportunités souvent en dehors du
réseau familial voir dans d’autres villes présentées comme à même de proposer de meilleures
rémunérations. Le problème est que souvent la rémunération à 500 MAD par semaine est jugée
suffisante au village dans le cadre d’une économie de solidarités familiales mais insuffisante
dans les grandes villes. Or, cette rémunération semble accessible seulement en ville par
conséquent les jeunes doivent vivre dans des conditions très pénibles notamment en partageant
des logements souvent insalubres ou en vivant sur leur lieu de travail.

A ces faibles rémunérations, s’ajoute le regard porté par les employeurs sur les jeunes.

Un jeune de 16 ans à Guelmim résume assez justement la situation : “les vieilles personnes ont de
mauvaises représentations sur notre génération, ils s’arrêtent souvent à notre style vestimentaire.
Ils pensent qu’on ne veut pas travailler et que nous ne voulons que de l’argent facile, ces gens-là se
trompent.”

106
LES VIOLENCES ET LES MAUVAIS TRAITEMENTS COMME CAUSE DE RUPTURE
D’EMPLOI

Le salariat informel est aussi associé à des mauvais traitements qui associent la violence verbale
voire physique au harcèlement sexuel notamment pour les femmes.

Une jeune femme de 17 ans à Al Angad résume ainsi ses mauvaises expériences :

« J’ai travaillé en cuisine dans trois restaurants différents. Dans, le premier restaurant, le plongeur
qui était une femme assez âgée ne m’aimait pas, elle était dure et méchante avec moi, et un jour elle
s’est plainte auprès de notre supérieur en lui disant que j’avais jeté sur elle de la vaisselle, sachant
que c’était faux. Je n’ai rien pu faire, je ne lui ai même pas répondu car on m’a appris à respecter les
personnes plus âgées. J’ai dû ramasser mes affaires et j’ai quitté le travail. Dans le deuxième
restaurant, le cuisinier était violent et agressif. Sous la pression du travail, il nous frappait sur le
dos avec le plat du couteau ou avec ce qu’il avait à la main. J’ai dû quitter encore une fois parce que
c’était au-dessus de mes forces. Et pour ce qui est le troisième restaurant, on m’a empoisonnée ! J’ai
travaillé là-bas en tant qu’aide cuisinière. On était deux filles. Ma camarade était amoureuse de
notre chef cuisinier or c’était moi qu’il voulait. Elle n’a pas apprécié cela, elle voulait à tout prix que
je quitte ce restaurant et elle a mis du poison dans ma boisson. L’ambulance m’a emmené à
l'hôpital. J’ai porté plainte mais la jeune fille a nié, la police ne lui a rien fait, il n’y eu aucune justice
!

Les gens sont très mauvais, certains cherchent à te tuer, d’autres sont méchants. En plus depuis
mon empoisonnement ma mère ne veut plus que je travaille. Elle a peur qu’il m’arrive un autre
malheur elle me dit : « tu peux travailler mais pas ici ». Je dois chercher un emploi à Oujda, par
exemple, dans le domaine de la pâtisserie. »

Les mauvais traitements sont souvent associés à des faibles salaires ainsi une jeune femme de 24
ans à Fès subissait du harcèlement dans une pâtisserie où elle gagnait 1500 MAD par mois.

Les jeunes femmes font face aussi à des situations de harcèlement soit dans leur démarche de
recherche d’emploi, soit au travail qui les amène à renoncer à chercher un emploi par
démarchage des entreprises ou à quitter un emploi. Le harcèlement régulier dont font l’objet
certaines femmes dans l’espace public urbain peut les amener à se désengager et finalement à
rester dans l’espace familial.

A Ben Guerir, une jeune femme de 24 ans après son baccalauréat, a accompli une formation en
gestion des entreprises et des banques. Au moment de l’enquête, elle cherche du travail au sein
de l’Office chérifien des phosphates. : « j’ai reçu uniquement une proposition de travail dans le
ménage à l’Office, que j’ai refusé ». Ensuite, elle se plaint du harcèlement sexuel : « Au dépôt de
mon dossier, les employés me demandent mon numéro de téléphone et ils me disent : « Tu nous
plais ! ». »

107
3- ATTITUDES ET COMPORTEMENTS

L’attitude et le comportement des jeunes au Maroc sont régulièrement étudiés. Cependant, la


situation particulière d’inactivité professionnelle subie dans la longue durée amène à de
nombreux effets négatifs sur la trajectoire des jeunes qui est étroitement corrélée à la durée de
cette inactivité. Ainsi, la durée de l’inactivité augmente à la fois la prévalence de troubles
psychologiques et aussi d’effets cicatrices qui réduisent d’autant les possibilités d’intégration
professionnelle ou d’accès à des revenus satisfaisants. Le risque principal est le basculement
dans un mode de vie NEET qui est de plus en plus désynchronisé de la sphère économique.

Nous observons donc des stratégies différentes entre une minorité de jeunes très actifs qui
restent volontairement impliqués dans la sphère sociale en s’engageant dans des activités
associatives et collectives dont le sport et une majorité de jeunes qui basculent dans un mode de
vie désynchronisé de la sphère économique.

Ce basculement vient donc accroître les tensions au sein de la sphère familiale amenant alors à
une situation d’enfermement entre pairs partageant une même condition de jeunes inactifs
marginalisés. Il s’agit donc ici de comprendre le vécu des NEET comme un processus de
délitement qui impacte l’ensemble des relations sociales de ces jeunes.

La question des troubles psychiques est extrêmement importante chez les jeunes de 15 à 24 ans.
En effet, selon l’OMS, 49% d’entre eux ont connu une phase de troubles psychiques et 20% des
jeunes sont affectés de troubles durables. Ce constat se retrouve lors des entretiens avec les
NEET, nombre d’entre eux déclarent être dans une profonde détresse morale. Cette détresse
morale est étroitement corrélée à un désir de suicide évoqué de façon récurrente dans les
groupes de parole et dans de nombreux entretiens individuels.

3-1- PARTICIPER DE LA VIE SOCIALE ET POLITIQUE

Les jeunes ont un fort désir d’implication sociale mais aussi de participation à des actions
collectives. Cependant, les structures existantes ne sont pas systématiquement favorables à leur
participation. Bien au contraire, il apparaît de grandes divergences entre les localités. Dans de
nombreuses zones, les élus locaux font obstacles à la participation des jeunes soit en empêchant
la création d’organisation, soit en créant des conditions financières d’exclusion. Par conséquent,
les jeunes ont un regard très critique vis-à-vis des possibilités d’engagement et des structures
politiques en place.

L’ENGAGEMENT

Les jeunes sont massivement désintéressés par la politique partisane. Très peu ont voté et très
peu sont mobilisés politiquement. Les rares à déclarer à avoir fait campagne ont été payés par
un candidat pour participer à son cortège comme un mineur de 17 ans à Azrou. Les jeunes ont
donc le sentiment d’être juste des objets de campagne électorale. Il apparaît même parfois un
rejet catégorique de la politique qui est accusée de nombreux maux notamment de
détournement des ressources financières publiques et tout particulièrement celles dédiées à la
construction et à l’entretien des routes (Femme, Ahfir).

Pour autant, nombre d’entre eux déclarent être engagés dans des tâches collectives
traditionnelles (terres collectives, puits, réseau d’irrigation, entretien de la mosquée) surtout

108
ceux qui sont issus de familles d’agriculteurs mais aussi dans des actions de quartiers pour
assurer le nettoyage des rues, la solidarité avec les personnes les plus pauvres.

Ainsi, lors des entretiens pratiquement tous les jeunes déclarent être prêts à s’engager dans des
actions associatives et à défendre des causes. Ils déclarent vouloir défendre des causes souvent
liées à la précarité qui entrent en écho avec leur situation personnelle. Ces causes sont abordées
souvent de façon très pragmatique.

« J’aimerais être dans une association pour aider les gens qui dorment dans la rue. Faire une
enquête pour s’avoir leurs besoins et chercher les solutions possibles. » (Femme, Azrou, 17 ans)

« A Missour, il y a un manque d’orientation pour les étudiants, si les étudiants finissent leurs études,
ils trouveront un emploi. Or, ils abandonnent leurs études surtout les filles. Il me manque juste des
moyens financiers, pour défendre tout ça. » (Homme, Missour, 24 ans)

La difficulté de s’engager dans une association du fait de la distance est parfois compensée par
l’usage des réseaux sociaux.

« J’aimerai bien m’impliquer dans des associations. Mais, tu ne les trouves pas ici à Ahl Angad mais
à Oujda, et je n’ai pas l’occasion de partir souvent à Oujda. Je suis déjà dans un groupe Facebook. Je
veux défendre la cause des filles qui perdent leur père, et qui se font maltraiter par leur beau-père.
Pour cela, j’ai une page Facebook où je conseille les mères, je l’ai nommée « Khwi Gelbek » (Vide ton
cœur), je reçois des messages de jeunes filles dans la même situation que moi. Ce sujet me touche
au plus profond de moi. Je voudrais tellement qu’il y est une loi qui punisse cela et qui soutienne ces
jeunes filles. » (Femme, Ahl Angad, 17 ans)

La majorité des jeunes engagés dans des associations déclare que cette expérience est formatrice
au niveau personnel et social. Le travail associatif est mené principalement avec d’autres jeunes
car ils partagent les mêmes mentalités, les mêmes idées et les mêmes ambitions de changement.
Par ailleurs, l’association entre jeunes est aussi un moment de potentielle émancipation des
rapports de tutelle générationnelle. Cependant, la création d’associations de jeunes est souvent
difficile. Localement, ils font face à des blocages politiques tout particulièrement dans les zones
rurales ou les centres émergents où les élus locaux et/ou les autorités locales s’opposent à la
constitution d’associations qui échapperaient à leur contrôle, seraient critiques des conditions
de vie locale ou amèneraient à l’affirmation de compétiteurs politiques potentiels. L’absence du
soutien des adultes plus âgés affaiblit le travail et l’engagement de ces jeunes. Pire encore, les
rumeurs cassent la dynamique de ces jeunes. Le cas de jeunes d’Amizmiz, très actifs dans la vie
associative, est illustratif. Ils ont monté la première association dont les membres sont
composés uniquement de jeunes hommes et femmes sous le nom de « Regraga family ». Mais,
les jeunes déclarent que ce genre d’association n’est pas accepté et n’a pas d’opportunités pour
se pérenniser.

« Ils disent que nous sommes des jeunes, nous ne pouvons pas avoir des responsabilités, ne nous
pouvons réaliser et assurer les objectifs associatifs. Ils refusent la mixité des jeunes, ils disent que
nous sommes réunis pour des relations intimes et pour passer le temps. Pour toutes ces raisons, il
est impossible de continuer dans le travail associatif ici. » (Groupe de parole de femmes majeures
à Amizmiz)

A Imintala, quelques jeunes filles et femmes adultes ont monté une association « Tamount pour
l’enfant et la femme » pour s’occuper, « tuer le temps et la routine », selon leurs propres termes et
avoir un petit revenu. Elles déclarent qu’elles ne sont pas soutenues et sont critiquées tout
particulièrement par les élus. L’association est portée par quelques jeunes femmes

109
particulièrement actives, cependant le départ de quelques membres charismatiques met fin à
l’initiative.

L’engagement associatif est donc souvent très difficile pour les jeunes car le secteur associatif est
finalement étroitement contrôlé et les nouvelles initiatives sont fortement critiquées alors que le
tissu associatif reste très fragile, souvent très concentré dans certaines métropoles et autour de
thématiques spécifiques. De plus, de nombreuses associations sont non pérennes par manque
d’engagement et de financement amenant à un découragement des jeunes qui ont parfois le
sentiment d’avoir été manipulés ou pire empêchés.

Il apparaît alors des situations exceptionnelles dans certaines villes comme Ben Guerir où la
fondation OCP articule un tissu associatif plus riche permettant aux jeunes de s’impliquer dans
la durée voire de construire progressivement une trajectoire civique leur permettant d’acquérir
des compétences professionnelles et une place sociale. Cette situation se retrouve aussi dans
d’autres petites villes comme Chefchaouen où le tissu associatif est particulièrement dense.

L’IMPORTANCE DES PRATIQUES SPORTIVES

De nombreux jeunes déclarent avoir des activités sportives régulières, le plus souvent associant
la course et un sport collectif comme le football. Ces pratiques sportives sont essentielles car
elles permettent à de nombreux NEET de conserver une hygiène de vie et un rythme collectif.
Pour certains, c’est aussi une activité pouvant ouvrir à des perspectives professionnelles soit en
devenant un compétiteur ou un professeur. Cependant, les infrastructures sont très inégalement
accessibles. Les politiques associatives sont souvent non durables et souvent la montée en
gamme du fait de l’investissement public se traduit par l’exclusion des plus précaires (terrain de
football clôturé). En ville, la forte spéculation foncière et le développement anarchique de
nouveaux quartiers se fait sans implanter d’infrastructures sportives de proximité. En milieu
rural, elles sont inexistantes ou très sommaires. Elles se limitent souvent à un terrain aplani et
dégagé des pierres. Elles sont le fait d’associations ou de donateurs.

Des investissements ont été réalisés par les pouvoirs publics, ministère et collectivités
territoriales dans les plus grandes villes. Cependant, ces infrastructures sont au service des plus
riches. Ainsi à Marrakech comme à Guelmim, le sujet a été abordé à plusieurs reprises traduisant
un vrai problème. Les jeunes du quartier Hay Daoudiate (Marrakech) ont exprimé leur mal être
quant à la gestion de la maison de la jeunesse en mettent en avant l’absence des infrastructures
sportives et les conditions d’accès et d’utilisation du terrain de football.

« On voulait jouer dans le terrain de Dar Chabab (maison des jeunes) mais on ne pouvait pas car le
gardien demandait 150 MAD par heure, d’ailleurs ce dernier a été incarcéré. Après le montant est
passé à 100 MAD par heure la journée et 50 MAD par heure la nuit. Depuis sa fermeture en 2009,
l’espace délabré devant Dar chabab est devenue un lieu de rencontre des outsiders pour fumer et
pour toutes les pratiques non réglementaires » (Groupe de parole homme, Marrakech)

Même constat est exprimé par les jeunes du quartier Mhamid “Douar Chouf” à Marrakech :

“ Dans notre quartier, il n’y a pas des infrastructures sportives, c’est nous qui les cherchons. On est
obligé de cotiser entre nous et de payer 150 MAD pour jouer dans un terrain de foot qui se trouve à
1H de notre quartier”. (Groupe de parole homme, Marrakech)

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Cette situation est la même à Guelmim, si des jeunes adolescents ont réussi à avoir accès à un
gymnase dans le cadre de leur association de futsal (football en salle), ils doivent payer 50 MAD
par séance et peuvent se le permettre que parce qu’ils sont issus de famille de militaires
(homme, 17 ans, Guelmim). En revanche, d’autres jeunes souhaitant jouer sur les terrains de
football en plein air doivent payer 100 MAD par heure ce qui est beaucoup trop cher pour le
faire régulièrement (homme, 21 ans, Guelmim).

3-2- LE BASCULEMENT DANS UN MODE DE VIE NEET DESYNCHRONISE

La durée de l'inactivité est un indicateur clé car au-delà de 3 mois commence un sentiment de
souffrance. L’inactivité temporaire peut être vécue comme un moment de pause ou de vacances.
Cependant, au fil des semaines, l’incertitude s’installe et alors laisse place à une phase de
découragement qui se traduit par un changement de rythme de vie surtout pour les hommes :
« se lever tard, se coucher tard ».

Ce découragement est associé à un changement dans l’espace vécu qui se restreint


considérablement :

« Les filles à la maison les garçons dans les cafés » (groupe de parole de femmes majeures à
Chefchaouen).

« Les filles aident leur mère à la maison et les garçons passent leur temps à traîner dans les
rues » (groupe de parole de femmes à Casablanca).

Ce décrochage spatio-temporel du marché de l’emploi peut être qualifié de déphasage avec la


temporalité et les lieux de l’activité économique. Les jeunes se coupent des réseaux
d’opportunité de réintégration d’une formation ou d’un emploi. Souvent, ces jeunes arrêtent les
candidatures auprès des entreprises et n’utilisent pas les services spécialisés d’accompagnement
de la recherche d’emploi comme l’ANAPEC. Ils espèrent être sollicités et recrutés par des
proches (sous l’appellation de piston). Pour les jeunes urbains des centres émergents ou des
villes moyennes, cela peut se traduire par un retour dans la ville d’origine après une circulation
dans les grandes métropoles qui s’apparente à celle des jeunes hommes ruraux.

Les femmes entrent dans une routine domestique qui est systématiquement décrite de la même
façon que cela soit en milieu rural ou urbain. Elles restent à la maison et elles sont massivement
intégrées dans les tâches ménagères. Elles se lèvent relativement tôt pour faire le ménage et
préparer les repas durant la matinée, puis elles regardent la télévision principalement l’après-
midi, ayant selon les cas une rare occasion de sortie en fin d’après-midi sur le pas de la porte ou
dans les environs très proche de la maison. Certaines ne sortent presque jamais. Les centaines
de jeunes filles enquêtées décrivent cela comme des journées « vides », sans événement, sans
perspective.

Pour les hommes, ce mode de vie découragé est vécu de façon plus collective autour de lieux
publics : le café, la rue, une placette mais aussi des lieux particuliers comme la proximité des
maisons de jeunes à Marrakech, à Chefchaouen, comme la piscine municipale en été à Fès et à
Azrou, les jardins publics à Casablanca, à Marrakech, parfois des lieux spécialement aménagés
par les NEET pour des NEET comme les buvettes informelles autour de piscines naturelles à

111
Ahfir. Ces lieux sont des lieux de sociabilité souvent exclusivement masculins amenant même les
femmes à les éviter. Ce sont aussi des lieux de solidarité autour « du bricolage » soit des petites
opportunités de revenus très ponctuelles. Ce sont aussi des lieux de consommation collective de
drogue de façon parfois extrêmement intensive : « Les jeunes se retrouvent dans le quartier et ils
fument » (groupe de parole d’hommes mineurs à Sidi Ifni). Ces lieux sont notoirement connus
pour les NEET, pour les autorités : « les jeunes sont là, ils font de mal à personne, on les laisse
tranquille ».

Ces jeunes qui se retrouvent dans ce mode de vie NEET se coupent alors progressivement des
dynamiques économiques réglementaires et entreprennent de moins en moins de démarches
pour trouver un emploi. Ils sont alors de plus en plus dépendants de leur réseau de sociabilité
qui est particulièrement restreint entre quelques membres de la famille avec lesquels ils
conservent de bonnes relations, quelques amis de longue date et parfois quelques employeurs
passés. C’est au sein de ce réseau qu’ils peuvent trouver de l’aide et surtout qu’ils peuvent
bénéficier d’un « piston », soit d’une recommandation ou d’une invitation à venir travailler.

Malheureusement, ces réseaux de sociabilités peuvent créer des cercles vicieux de marginalité.
Ainsi, les cercles de sociabilités masculines de Dar Chafaï ou de Tarjijt sont beaucoup plus
dynamiques car comprenant de nombreux jeunes en mouvement à l’échelle nationale et
présents dans des grandes métropoles et donc à même d’offrir des opportunités aux autres
jeunes restés dans la commune rurale. En revanche, à Ahl Angad, Ahfir ou Sidi Ifni, les groupes
de sociabilité masculine sont beaucoup plus repliés sur des solidarités locales disposant de
beaucoup moins de contact vers des marchés d’emploi dynamiques. Enfin, dans certaines
grandes villes, les cercles de sociabilité peuvent être en rupture avec l’ordre social et alors
basculer dans une forme de délinquance.

3-3- LES RELATIONS A LA FAMILLE COMME SOURCE DE SOUFFRANCE

L’absence d’emploi dans la longue durée provoque chez de nombreux jeunes un sentiment de
culpabilité vis-à-vis de leur famille de plus en plus forte. Les relations familiales se trouvent alors
dégradées par des tensions continues.

La relation aux parents qui sont soit disparus ou au contraire abusifs amène de nombreux jeunes
à déclarer être profondément malheureux.
Ils disent n’avoir « jamais connu de belle journée de leur vie », « ne pas savoir ce qu’est d’être
aimé », ils insistent « sur une vie noire ».

« Ma santé mentale laisse à désirer je suis gravement déprimée, je n’ai pas eu d’enfance, je n’ai pas
vécu mon enfance comme je le voulais, à chaque fois que je me remémore mon enfance ça me rend
malade, ça m'étouffe, j’arrive plus à respirer, je m’isole des gens. Personne ne m’aime, j’ai
l’impression que tout le monde me déteste, ma famille, les voisins à chaque fois que je parle à
quelqu’un j’ai l’impression qu’il me déteste

Quand ma mère m’insulte, je sens que ma vie n’a aucun sens, je me sens vide de l'intérieur, comme si
je n’ai plus d’âme, je n’ai plus de sentiments, plus de conscience, par exemple quand j'étais petite, je
pleurais énormément pour tout, je pleurais si on me touchait par exemple, maintenant tu peux me
frapper, me faire ce que tu veux je n’ai plus de larmes, je ne me sens plus vivante. Je souffre de
dépression, j’ai du mal respirer je m'étouffe, des fois j’ai l’impression que mon cœur va s'arrêter.

Je n’ai connu aucune belle journée dans toute ma vie. La seule chose que” j’aime faire” c’est écrire
dans mon journal intime, je raconte toutes les souffrances que j’ai vécu depuis mon enfance à

112
aujourd’hui. » (Femme de 17 ans, Ahl Angad, a arrêté ses études en 4e année de primaire, a subi
de nombreuses violences de son beau-père)

Cette relation très difficile avec leurs parents favorise pour les garçons comme pour les filles le
développement de comportements à risque. Ils peuvent quitter le domicile familial de façon
précoce et vivre dans la rue, s’exposer à des métiers pénibles, développer des comportements
d’addictions à de nombreuses drogues (haschich, alcool, extasie). Ces addictions peuvent
rapidement devenir régulière et créer des situations de dépendance avec une consommation
quotidienne qui vient accroître le mal-être.

Parmi les récits emblématiques nous avons celui d’une jeune femme de 19 ans qui vit à
Casablanca seule avec sa mère, car elle n’a jamais été reconnue par son père.

« Ma mère me frappe depuis toujours. Ce fut d’abord pour me forcer à étudier quand j’étais petite.
Elle me frappait avec des câbles et me brûlait à l’électricité. Maintenant moi, je fais des cicatrices
sur mon corps. Je connais beaucoup de parents qui frappent leurs enfants comme moi. A un
moment, je partais à l’école en pyjama parce que ma mère me disait : “ si tu veux des vêtements,
travaille et achète-les”. Si je lui demandais de m’acheter des vêtements, elle commençait alors à me
frapper avec l’électricité. Elle ne m’a jamais soutenu. A partir d’un moment ma mère s’est mise à me
répéter : « tu vas te marier même si tu obtiens des diplômes », et elle m’a dit même « si tu obtiens le
bac je vais le déchirer ». Ma mère a voulu me marier de force à l’âge de 17 ans sans ma permission.
Mais j’ai refusé et elle a recommencé à me frapper. Au lycée, ils ont vendu ma note et l’ont donné à
un autre. J’ai donc arrêté le lycée en deuxième année pour travailler et pour donner l’argent à ma
mère. De toute manière quand j’étais au lycée, je travaillais et j’étudiais en même temps. Je
travaillais de 11H à 15h comme serveuse dans un café pour 70 MAD par semaine. Ensuite, j’ai
travaillé à proximité des cars pour porter les bagages pour 100 MAD par semaine. Ensuite, j’ai
travaillé comme gardienne de voiture à Aïn Diab, pour gagner davantage d’argent et ainsi pouvoir
aider ma mère à faire une opération. J’ai travaillé 7 mois et j’ai gagné 50 000 MAD avec un salaire
de 150 à 200 MAD par jour. Pour cela, j’ai coiffé mes cheveux comme les garçons pour ne pas être
identifiée comme une fille et j’ai porté des vêtements de garçons.
Après avoir arrêté mes études, j’ai travaillé comme femme de ménage de 14h à 23h dans un café à
Ain Diab avec un salaire de 1200 MAD par semaine. Ils m’ont proposé de travailler dans un bar
mais j’ai refusé. Je ne veux pas travailler dans les métiers haram (illicite). Alors, j’ai travaillé jour et
nuit.
Il y a moins d’un an, j’ai voulu suivre une formation professionnelle de cuisine, j’ai payé 220 MAD.
J’ai appris beaucoup d’astuces de cuisine et la structure m’a aidé à trouver des stages dans les
hôtels étoilés. Je conseille beaucoup cette formation aux jeunes parce qu’elle va leur donner la
chance de bien travailler.
Malheureusement quand je ne travaille pas, ma mère commence à me crier dessus pour que je
cherche un emploi, je sors alors pour chercher du travail et après je vois mes amis. Mais si je ne
trouve pas l’argent, je ne mange pas. Un jour, j’ai même volé un téléphone portable et je l’ai vendu à
1500 MAD pour pouvoir donner de l’argent à ma mère. Hier, ma mère a commencé à me hurler
dessus en pleine nuit pour que je travaille alors j’ai quitté la maison la nuit.
Depuis que je suis petite ma mère me frappe, je me sens fatigué aujourd’hui. Je suis toujours
malheureuse, je pleure tous les jours, je déprime, je vois la vie en noir, j’ai essayé plusieurs fois de
me suicider. Cela fait 1 an que j’ai commencé à fumer pour oublier mes problèmes. Avant, je fumais
2 paquets de cigarettes par jour, maintenant je prends deux cigarettes par jour, mais je prends de
la chicha, et de l’exta car cela me rend heureuse et courageuse.
J’ai pensé à devenir chrétienne et je souhaite émigrer. »

113
3-4- LE CHOMAGE COMME SOURCE DE MAL ETRE

La deuxième forme est liée à l’absence d’emploi qui est très difficilement vécue par de nombreux
jeunes. De nombreux jeunes se sentent vulnérables et déprimés.

Une jeune femme de 19 ans à Casablanca : “Je suis toujours malheureuse, je pleure toujours, je suis
en couple et je pense toujours. Je trouve que j’ai aucune valeur parce que je ne travaille pas”

Un jeune homme de 20 ans à Azrou « Je n’ai pas d’emploi et ça me détruit de l’intérieur. Ma mère
me dit toujours qu’il faut chercher un emploi à Marrakech ou à Rabat. C’est difficile, je n’arrive
même pas à me présenter devant ma mère car je n’ai pas un emploi. Quand je demande à un ami
qui travaille de me trouver un boulot, il me répond toujours avec des réponses sarcastiques. Alors,
je me sens totalement détruit. »

Le chômage est aussi particulièrement destructeur et se traduit par des troubles du


comportement alimentaire doublé d’addictions, ainsi un jeune entrepreneur de 19 ans à Dar
Chafaï qui a arrêté son commerce déclare être profondément déprimé, ne plus manger, perdre
du poids depuis son arrêt d’activité et boire de l’alcool régulièrement pour oublier ses
problèmes.

3-5- LES COMPORTEMENTS A RISQUE : ADDICTION ET SUICIDE

La consommation de drogues est associée au mal-être. Les expressions « la chicha pour oublier »,
« fumer pour oublier », « boire pour oublier » reviennent régulièrement dans les entretiens
surtout avec les hommes. Ces jeunes hommes considèrent que chômage et consommation de
drogues sont deux problèmes liés. Cela crée alors un cercle vicieux de culpabilité et tout
particulièrement vis-à-vis des parents.

A Tétouan, dans un groupe de parole de femmes majeures :


Question : Comment les jeunes hommes passent-ils leurs temps ?
Réponse : Ils ne font rien. Ils passent leurs temps dans la rue ou dans les cafés. C’est pour cela que le
taux de suicide est élevé ici : juste la semaine dernières 2 personnes se sont suicidées.
Question : Quelles sont les raisons qui les poussent à se suicider ?
Réponse : je ne sais pas, pour des causes psychologiques ou économiques peut être.
Question : Ils sont si désespérés ?
Réponse : Bien sûr ! Ils ne trouvent pas de travail. Et en plus, maintenant les filles travaillent plus
que les hommes.

Ces déclarations sont récurrentes dans les groupes de parole :


A Casablanca, dans un groupe de parole d’homme majeur :
Comment pouvez-vous qualifier l’état psychique des jeunes au chômage ?
-Homme1 : Ils sont déprimés.
-Homme 2 : Ils pensent à se suicider

A Berkane, dans un groupe de parole d’hommes majeurs « Après les années que j’ai passées ici j’ai
perdu tout espoir dans le futur (homme 1). Nous vivons au jour au le jour et nous attendons la mort
(homme 2). »

Il apparaît aussi des situations de plus en plus dramatiques avec un désir de suicide adolescent
qui ouvertement déclaré. Une jeune fille de 14 ans à Dar Chafaï, déclare « se sentir inutile et
préférer mourir car elle voudrait aider ses parents à sortir de la pauvreté en trouvant un travail ».

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Voir des cas de plus en plus fréquents de passage à l’acte, car durant l’enquête à Sidi Ifni, l’équipe
est intervenue auprès d’une famille où la jeune fille mineure venait d’avaler des substances
médicamenteuses quelques minutes avant la prise de contact. Des militants associatifs ont ainsi
recensé 34 cas de tentatives de suicide adolescents de 12 à 18 ans entre la ville de Sidi Ifni et de
Mirleft sur les 5 dernières années.

3-6- DU SENTIMENT D’INUTILITE A LA VIOLENCE

Les sentiments d’inutilité et d’impuissance sont aussi liés à un profond sentiment d’injustice qui
pousse à la colère ou à la violence. Cette colère et ce désir de violence se retrouve chez les
hommes comme chez les femmes surtout en milieu urbain.

« Je me sens énervé car je ne trouve pas d’emploi » (Homme, 16 ans, Casablanca).

« Nous espérons de devenir mieux que ça, sinon nous deviendrons des voleurs et nous irons en
prison » (Groupe de parole Hommes, Majeurs, Had Soualem)

La violence et la rancœur commence souvent auprès des proches avec des vols ou des
destructions d’objet entre membre de la famille ou voisins

« J’ai déchiré le caftan d’une cousine parce que je ne pouvais pas avoir de caftan. » (Femme, Dar
Chafaï)

La situation de déprime amène aussi à des comportements violents vis-à-vis des autres. Ainsi,
les jeunes hommes en situation difficile ont des comportements plus agressifs avec les jeunes
femmes allant du harcèlement de rue, à l’insulte ou aux violences physiques. Car ils « se sentent
humiliés et veulent humilier à leur tour » (Groupe de jeunes hommes mineurs à Fès).

Ce sentiment de colère peut être très destructeur et nourrit des trajectoires de dérive vers une
précarité grandissante dès l’adolescence surtout en milieu urbain : abandon scolaire, petits
emplois, addictions, violence, vie dans la rue.

Certaines familles sont conscientes du problème et cherchent le soutien d’un professionnel soit
contre la déprime ou contre les comportements violents. Cependant, les coups sont très élevés
(400 MAD la séance à Fès pour un homme de 17 ans) et l’absence de suivi amène alors à un
faible résultat.

L’écoute est souvent importante et au terme des longs entretiens, les jeunes remercient souvent
les enquêteurs de les avoir écoutés : « C’est la première fois que quelqu’un m’écoute. », « Cette
conversation m’a soulagée. » (Femme, 17 ans, Ahl Angad).

LES CHANGEMENTS DE COMPORTEMENTS RELIGIEUX

Dans les déclarations, les changements de comportements religieux sont rarement exprimés.
Peu de jeunes expriment une forme de radicalisation associant idées volonté d’exercer une
violence collective. Cependant, il peut apparaître une dynamique de violence sous-jacente afin
d’établir un ordre moral. Ainsi, à Ahfir, un jeune homme déclare « ici aucune jeune femme ne
rentre tard le soir chez elle, sinon nous saccagerions la maison de ces parents ». Le lien entre le
religieux et la violence passe par un désir de changement politique et l’adhésion à des idées
politiques plus radicales.
Les quelques jeunes qui expliquent avoir eu une volonté de changer leurs pratiques religieuses
revendiquent une perte de foi ou décrivent une fascination pour le christianisme en expliquant

115
avoir lu la Bible et avoir entrepris une démarche personnelle de changement de leurs croyances
sans pour autant avoir intégré une organisation religieuse d’obédience catholique ou
protestante. Cette démarche est décrite comme très personnelle et est principalement expliquée
soit comme un rejet de l’islam du fait de son association à une situation personnelle
particulièrement difficile de violence continue.

116
4- ASPIRATIONS, PERCEPTION ET PERSPECTIVES

Les jeunes NEET ont des profils très différents mais ils partagent un certain nombre de constats
dont la difficulté d’être jeune au Maroc. Pour les plus favorisés, ils ont conscience des profondes
inégalités tandis que les plus vulnérables ont un fort sentiment d’inutilité et une image souvent
dégradée d’eux-mêmes. Pour autant, ces jeunes n’ont pas tous les mêmes aspirations et il faut se
méfier des raccourcis qui veulent résumer le désir des jeunes à ceux des « diplômés mis en
chômage » qui revendiquent une place dans l’administration, ou aux jeunes « harragas » qui
veulent émigrer à n’importe quel prix, ou encore à la nouvelle génération de jeunes
entrepreneurs qui porteraient une nation d’entrepreneurs. Si toutes ces réalités sont
imbriquées, il apparaît que les jeunes projettent leur vie aussi au regard de leur situation
familiale et de leur environnement proche. Ils sont aussi conscients de la situation du pays et de
leurs compétences les amenant à des choix pragmatiques, entre recherche du fonctionnariat,
salariat, entrepreneuriat. Enfin, si le désir d’émigration est très fort chez une part importante
des jeunes enquêtés, nombre d’entre eux ne souhaitent aucunement rompre avec leur famille et
partir à l’étranger. L’émigration apparaît comme une solution en dernier recours ou dans un
cadre de rupture des relations familiales. Selon l’âge, le genre et le lieu de vie, les jeunes
développent des stratégies très différentes pour sortir de leur situation.

4-1- UNE SOCIETE MAROCAINE CONSIDEREE COMME HOSTILE AUX JEUNES DU


FAIT DU MANQUE D’EMPLOI

Les jeunes partagent un sentiment commun d’abandon et de faibles opportunités. En effet, ils
ont le sentiment qu’ils doivent tout faire tout seuls et qu’ils ne peuvent compter que sur leur
famille et leurs amis. Les jeunes ont un regard très dur sur les politiques publiques marocaines
dont ils se sentent souvent exclus : « Ils (les autorités) nettoient et décorent la ville uniquement
pour attirer les touristes et donner une image que nous vivons bien. Ils ne soucient pas de nos
problèmes. » (Groupe de parole, hommes mineurs à Tétouan).

LE VILLAGE, LE QUARTIER : LIEU D’EVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

Les jeunes évaluent souvent les politiques publiques à l’aune de leur village ou de leur quartier.
Ainsi, le sentiment de justice est associé à des principes d’équité territoriale notamment dans
l’accès aux infrastructures. Les jeunes enquêtés partagent l’idée que des zones entières du Maroc
ne bénéficient pas des politiques de développement voire sont abandonnées. A plusieurs
reprises, le quartier ou le village est qualifié comme n’ayant rien à proposer pour l’avenir des
jeunes. Ces lieux de vie sont souvent considérés comme oublié des politiques publiques.

« Quand tu arrives à Dar Chafaï, il faut faire demi-tour » (Groupe de parole hommes majeurs)

Certains quartiers urbains sont marqués par un profond sentiment d’insécurité.

« Notre quartier est un des points noirs du Maroc. Il n’y a que les émeutes et le chômage. Les
habitants n’arrivent plus à dormir la nuit à cause des émeutes. Notre quartier ne convient ni aux
hommes, ni aux femmes car ici il n’y a rien que des personnes sans abri et perverties. » (Groupe de
parole, hommes majeurs, El Jadida)

117
La situation est considérée comme nationale, car ces lieux abandonnés sont considérés comme
majoritaires. Les inégalités territoriales sont très durement ressenties. Certaines villes
apparaissent comme ayant bénéficié d’investissements importants comme Tanger, Kénitra,
Casablanca, Rabat. Ensuite, au sein de ces villes, ce sont certains quartiers qui apparaissent
comme privilégiés et, finalement, les opportunités restent très concentrées amenant de
nombreux jeunes à se sentir exclus de la dynamique économique.

Dans une ville touristique comme Chefchaouen, des jeunes femmes soulignent le problème :
Femme 1 : « C’est une bonne ville mais pour les étrangers pas pour ses habitants. »
Femme 2 : « Oui, le cout de vie ici n’est pas cher mais je pense cette ville est meilleure pour les
étrangers que pour nous. »

LES OPPORTUNITES D’EMPLOI COMME PREMIER CRITERE DE L’EFFICACITE DES


POLITIQUES PUBLIQUES

Les jeunes reconnaissent que les services de base sont désormais assurés (école primaire,
dispensaire) mais le niveau supérieur est très défaillant (la formation professionnelle très
limitée, l’accès à la médecine spécialisée payante). Cependant, le critère principal pour qualifier
le lieu de vie devient l’accès à des opportunités économiques. Si bien que le taux d’activité et le
taux de chômage apparaissent comme les indicateurs principaux.

Il apparaît aussi une géographie de l’emploi qui est bien connue des jeunes qui savent qu’ils
doivent aller dans les grandes villes dynamiques pour trouver des emplois rémunérateurs

« Pour l’instant il n’y a rien ici à Azrou, c’est difficile de trouver un emploi. J’ai déjà postulé plusieurs
fois mais sans réponse. Je cherche un emploi dans une autre ville comme Kenitra ou Tanger … car
ici, à Azrou, il n’y a rien et les salaires sont très faibles : si tu travailles chez un avocat, il te donne
1000 MAD par mois, dans un café 500 MAD. Ce n’est rien pour aider ma famille ! » (Femme, Azrou)
Ce discours est le même dans l’Oriental où les jeunes insistent sur le fait que les bons emplois
sont à l’Ouest et surtout à Tanger. Ils reviennent sur le fait qu’ils n’ont pas d’usines à même de
les employer.

Ainsi à Had Soualem, pour qualifier leur quartier, les participants du groupe de parole masculin
majeur se sont exprimés de la façon suivante :

Enquêteur : Pouvez-vous décrire votre quartier ?


-Homme 1 : C’est un quartier populaire,
- Homme 2 : il a besoin d’être entretenu,
- Homme 3 : seuls les étrangers travaillent ici.
Enquêteur : Qu’est-ce que vous aimez dans cet endroit ?
-Homme1 : Rien. Nous sommes juste nés ici et nous avons grandi ici.
-Homme 2 : Rien
Enquêteur : Qu’est-ce que vous n’aimez pas ici ?
-Homme 3 : il n’y a pas de travail

Il est intéressant de mettre en opposition ce débat avec un groupe de parole de femmes


majeures à Tanger. Ces femmes sont originaires de la région de Fès-Meknès, elles ont arrêté
leurs études lors du cycle primaire.

Enquêteur : Pouvez-vous décrire votre quartier ?

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Femme1 : C’est un quartier comme tous les quartiers.
Femme 2 : C’est un quartier populaire.
Enquêteur : Qu’aimez-vous dans ce quartier ?
Femme 1 : Le travail.
Enquêteur : Et que n’aimez-vous pas dans ce quartier ?
Femme 2 : Beaucoup de choses comme les voleurs, les agresseurs, les trafiquants de drogues.
Enquêteur : Le quartier est-il adapté aux femmes ?
Femme 1 : Pas beaucoup parce que nous vivons dans une société qui préjuge.
Femme 2 : Ici, nous sommes soumises au harcèlement et au pire des cas à l’agression.

Dès lors le quartier est donc principalement qualifié de bon quartier du fait des emplois
disponibles et cela malgré les risques.

Cette focalisation sur l’emploi amène de nombreux jeunes urbains, à Tétouan et dans l’Oriental, à
réclamer comme politique publique première l’implantation d’usines notamment pour connaître
une dynamique similaire à celle de Tanger et Kénitra et lutter ainsi contre le chômage mais aussi
s’émanciper des mauvais emplois offerts dans la restauration (café, restaurant).

4-2- SALARIAT OU ENTREPRENEURIAT : DEUX HORIZONS DIFFERENTS

La réduction des recrutements au sein des administrations a fortement diminué les perspectives
d’accès à la fonction publique. Si cette dernière est toujours attractive, elle est considérée de plus
en plus comme inaccessible. Les jeunes décrocheurs se sentent désormais exclus de tout
recrutement même pour des métiers considérés comme peu qualifiés (gendarmes notamment).
Ensuite, le recrutement sur concours mobilise désormais une élite de diplômés du supérieur
notamment en ce qui concerne l’éducation nationale. Enfin, le débat sur l’armée comme nouvelle
opportunité est soulevée par de nombreux jeunes mais le faible nombre d’appelés en 2019 a
ralenti l’engouement pour le service militaire. Dans ce contexte, de nombreux jeunes savent
qu’ils ne deviendront jamais fonctionnaires.

Ensuite, le salariat est lui aussi très ambivalent car de nombreux jeunes ont eu de très mauvaises
expériences et cela de façon très précoce. Par conséquent, le salariat est distingué entre les bons
emplois réglementaires et les mauvais emplois informels.

Pour autant, l’entrepreneuriat est lui aussi assez clivant au sein des jeunes. Parmi les enquêtés, il
apparaît deux positions qui ont la même fréquence.

Pour de nombreux jeunes, la création d’une entreprise efficace reste difficile et le salariat est
donc privilégié :

« Je préfère être salariée. Tranquille, je prends mon salaire chaque mois et je suis à l’aise, pas
comme l’entrepreneur. De plus, il faut avoir un budget avant de commencer le projet et cela s’est
très difficile pour moi. » (Femme de 24 ans, Azrou).

En revanche, pour d’autres jeunes tout aussi nombreux, l’entrepreneuriat est vu comme une
perspective plus désirable du fait de la pénibilité des activités salariées. Il permet d’échapper
aux rapports de domination de la part de patrons qui sont souvent considérés comme
autoritaires et injustes, notamment en termes de rémunération. Il est donc considéré comme

119
une opportunité positive surtout pour les jeunes qui n’ont pas de diplôme notamment pour les
très jeunes décrocheurs :

« Je préfère être entrepreneur, pour avoir plus de responsabilité et d’autonomie. » (Homme,


Guelmim, 16 ans).

« Je préfère monter mon propre projet, c’est mieux. Il y a une grande différence, si j’ai mon projet, je
serais la patronne de moi-même, non une salariée. J’aimerais avoir ma propre boutique pour
vendre des vêtements. J’ai juste besoin d’une aide financière. » (Femme, Azrou, 17 ans).

De fait, beaucoup de jeunes sont des auto-entrepreneurs informels. Ils développent une petite
activité sans capital de départ soit en mobilisant leur force physique (porteur), soit en utilisant
un talent développé dans l’économie familiale (cuisine, couture). D’autres développent de toutes
petites activités commerciales nécessitant quelques centaines de dirhams comme vendeur
ambulant. Ces situations ne sont pas considérées comme suffisantes et pérennes, car les jeunes
sont limités dans le développement de leur activité et l’amélioration de leurs revenus. L’absence
de capital et donc de matériel dédié se traduit soit par une pénibilité plus forte et finalement un
épuisement, soir par l’incapacité à augmenter sa productivité et donc à conserver des revenus
très faibles. Tous ces jeunes auto-entrepreneurs déclarent donc avoir besoin d’un capital de
départ pour acheter du matériel, un triporteur, accéder à un local. Les jeunes hommes travaillent
souvent dur pour économiser l’argent nécessaire qui peut être de quelques milliers de dirhams
seulement. D’autres essayent de d’intégrer des dispositifs d’épargne collective comme Daret.
Ainsi, un jeune homme de Tétouan participe d’une Daret de 10 personnes apportant 500 MAD
pour obtenir les 5000 MAD nécessaire au financement de son activité. Cependant, il est parfois
très difficile de conserver cette épargne du fait de leur précarité et de l’absence de soutien
familial.

Les jeunes reconnaissent donc massivement que pour monter une entreprise, ils ont besoin de
compétences de gestion et de capital notamment pour les activités nécessitant un local et un
matériel spécifique.

« Je voudrais avoir ma propre entreprise pour être plus libre. Mais, il me faut beaucoup de choses :
de l’argent, des formations. » (Femme, Tanger).

Les dispositifs d’aide à la création d’entreprise et de crédit dédiés aux jeunes sont méconnus ou
très peu mobilisés. Premièrement, parce que de nombreux jeunes ne correspondent pas aux
critères premiers soit parce qu’ils sont mineurs, soit parce qu’ils ne présentent aucune garantie
ni en terme de certification, ni en terme monétaire. Deuxièmement, les dispositifs de crédits sont
très mal perçus par les jeunes.

Certains jeunes ont créé leur propre entreprise de façon très précoce car ils disposaient d’un
capital de départ et d’une formation. Cependant, ils réalisent que les revenus ne sont pas à la
hauteur de leurs efforts.

Ainsi, un jeune homme de 19 ans à Dar Chafaï a créé un snack avec 40 000 MAD d’investissement
prêté par son père qui est marchand de meubles (qu’il a remboursé dans l’année) et grâce au
soutien moral de son oncle qui est entrepreneur et qui lui a appris à travailler avec les clients.
Cependant, le travail est très pénible, lever à 6h00 du matin pour se coucher à 23h00, tous les jours
pour un revenu mensuel de 3000 MAD. Il arrête, épuisé, et recherche un nouvel investissement dans

120
une ville plus grande où les clients sont plus nombreux et ainsi lui permettre de mieux gagner sa
vie. Il estime ses besoins d’investissement à 80 000 MAD d’équipements et 20 000 MAD pour l’accès
aux locaux.

D’autres jeunes ont une expérience négative de l’entrepreneuriat et préfèrent finalement le


retour au salariat s’ils disposent d’un diplôme. Ainsi, un autre homme de 23 ans issu de Dar
Chafaï a voulu travailler tôt même si ses parents étaient employés d’un internat (père surveillant
général et mère cantinière) et a donc monté une affaire de vente de pièces mécaniques au détail à
Casablanca. Cependant, la concurrence l’a amené à renoncer et aujourd’hui il cherche à valoriser
son diplôme de technicien en électromécanique qu’il a obtenu à l’ISTA de Settat dans une grande
entreprise car même si les salaires d’entrée sont faibles, il y a des possibilités d’ascension salariale
et donc d’envisager le fait de fonder un ménage.

Certains cherchent à monter des entreprises sans capital comme la réparation ou l’installation
d’équipements ménagers comme les paraboles ou les climatiseurs (jeune homme de Ben Guerir)
mais aussi tous les métiers artisanaux du second œuvre comme la plomberie, la peinture ou les
décors en plâtre.

4-3- LE DESIR D’EMIGRATION

L’émigration est souvent présentée comme l’orientation première des jeunes surtout dans un
moment actuel de reprise de l’émigration illégale. Les propos souvent mis en avant pourraient
être ceux du groupe parole de jeunes hommes mineurs organisé à Chefchaouen :
Enquêteur : « Quels sont vos projets dans le futur ? »
Homme1 : « Nous n’avons pas de projets pour le futur ! »
Homme 2 : « Notre futur est à l’étranger »
Cependant, l’émigration n’est pas un désir systématique et de nombreux jeunes n’envisagent pas
d’émigrer. Par ailleurs, le désir d’émigration est fortement lié à une impossibilité à se réaliser au
Maroc. Ainsi, pour de très nombreux jeunes, c’est un choix par défaut du fait d’une situation de
plus en plus insupportable au Maroc.

DES DESIRS D’EMIGRATION DIFFERENCIEE

La situation est cependant plus contrastée, les jeunes ne déclarent pas vouloir émigrer
systématiquement. Ainsi, lors des groupes de parole, il est intéressant de noter des positions
divergentes même au sein de villes où le désir d’émigration est très présent comme Tétouan, Sidi
Ifni ou Tanger.

Groupes de parole de femmes majeures à Tétouan :


Question : Préférez-vous travailler dans le secteur privé ou public ou bien de créer une
entreprise ou émigrer ?
Femme 1 : « Moi, je préfère travailler comme une fonctionnaire si c’est possible sinon
l’émigration. »
Femme 2 : « L'émigration. »
Question : « Comment voyez-vous la situation des jeunes à Tétouan d’ici 5 ans ? »
Femme 1: « ce sera pire que maintenant. Parce que tout le monde ici pense qu’à deux choses soit
l’émigration ou le suicide surtout ceux qui sont désespérés.
Question : « Comment voyez-vous votre vie d’ici 1 an ,5 ans, 10 ans ? Quels sont vos projets ? »

121
Femme 1: « d’ici 1 an pas il n’y aura pas de changement. Mais d’ici 5 ans peut être je créerai mon
projet « boutique de vêtements » si j’ai les moyens suffisants ».
Femme 2 : « Peut-être d’ici 5 ans, je travaillerai ou irai dans un autre pays. »

Groupe de parole d’hommes mineurs à Sidi Ifni


Enquêteur : « Vous voudriez continuer à vivre ici ? »
Homme 1 : « oui si le travail est disponible. »
Homme 2 : « Non, je cherche à émigrer vers l’Espagne. »

Groupe parole d’hommes majeurs à Tanger :


Homme 1 : « Cela dépend parce que l’Etat ne nous a pas fourni tout ce qu’il nous faut pour avoir un
meilleur avenir. C’est pour cela que la majorité des jeunes préfèrent l’émigration clandestine quant
à moi je préfère partir étudier à l’étranger. »
Homme 2 : « Si j’ai une bonne carrière, je vais rester ici si non je préfère aussi l’émigration. »
Homme 3 : « Moi je préfère vivre ici car les gens s’entendent bien entre eux, par contre à l’étranger
il y a beaucoup d’inconvénients comme la langue, la religion, la discrimination ethnique…»

L’émigration est fortement liée à un désir de rupture avec un environnement quotidien. Il


apparaît ainsi une forte corrélation entre les difficultés familiales et le désir migratoire qui est
plus forte que la corrélation entre les difficultés d’accès à l’emploi et le désir migratoire.
Beaucoup de jeunes ont un désir de construire un avenir au Maroc notamment pour rester
proche de leur famille, que cela soit pour les garçons comme pour les filles. Les mauvaises
relations familiales apparaissent alors comme un amplificateur du désir d’émigration. Bien sûr
pour les hommes, l’absence d’emploi rémunérateur pose souvent un problème de
positionnement au sein de la cellule familiale et donc nourrit le désir d’émigration pour pouvoir
jouer le rôle social attendu de jeune homme autonome financièrement et surtout à même de
financer une partie du ménage. La situation personnelle est alors largement partagée.

A Missour : « On est toujours déprimé dans ce quartier. Il n’y a rien à faire ici. Je voudrais partir en
Europe au moins là-bas tu peux vivre comme un être humain. Si je reste ici ma vie sera noire. »

A Sidi Ifni : « Au Maroc, tu te sens comme du bétail, on te loge, on te nourrit, on t’habille mais si
jamais tu veux faire quelque chose, on te tape. Dès que tu arrives en Espagne, même si tu es
clandestin et immigré, les gens te respectent. »

Pour les jeunes adolescents, l’émigration est aussi associée à la possibilité d’être pris en charge
des familles d’accueil qui auraient un comportement exemplaire avec les enfants (groupe de
parole de jeunes mineurs à Casablanca).

L’émigration n’est pas seulement liée à une recherche d’emplois meilleurs mais aussi un désir
d’un cadre de vie meilleur. En effet, de nombreux villages et quartiers ne sont pas décrits comme
des lieux de vie agréables du fait du manque d’infrastructures mais aussi du fait d’un très fort
contrôle social et d’absence d’opportunité pour participer à la vie de la cité. Les pays européens
apparaissent alors beaucoup plus attractifs car proposant aussi un cadre de vie beaucoup plus
ouvert et permettant plus facilement aux jeunes de s’épanouir. Bien sûr, il apparaît un profond
hiatus entre les représentations et les réalités, mais force est de constater que de nombreux
quartiers ou villages enquêtés souffrent d’un manque drastique d’équipements de base mais
aussi d’animations tournées vers les jeunes.

122
DES MULTIPLES POSSIBILITES D’EMIGRATION

Ces désirs différents s’expliquent aussi par la possibilité effective d’émigrer. Les jeunes
connaissent souvent les modalités pour émigrer allant des démarches légales notamment dans
le cadre des études supérieures (« étudier à l’étranger ») pour les plus diplômés mais aussi par la
valorisation de compétences professionnelles pour les diplômés de l’OFPPT par exemple ou tout
simplement de la force de travail dans le cadre des contrats agricoles en Espagne (« contrats
pour les fraises » cités dans l’Oriental). Ensuite, les jeunes misent sur le soutien de la famille, un
oncle ou une tante sont ainsi souvent mis en avant comme un ancrage à l’étranger offrant une
opportunité d’émigration du fait d’une personne à même de les accompagner dans les
démarches administratives et de les accueillir.
Les jeunes connaissent les modalités illégales pour émigrer et les ont mêmes parfois
expérimentées. A proximité des lieux de passage (Melilla, Sebta, ou les côtes permettant la
traversée en Zodiac), les jeunes enquêtés donnent des détails concrets sur les modalités
d’émigrations spontanément. Certains issus de régions plus éloignées se sont mêmes déplacés
vers les ports comme des jeunes issus de Dar Chafaï rencontrés à Casablanca qui ont essayé de
se cacher dans les remorques des camions au port de Tanger. Il se développe pour les plus
fortunés toute une économie des intermédiaires spécialisés dont certains sont malhonnêtes
comme le déclare une jeune femme majeure de Marrakech : « j’ai donné tous mes économies pour
partir en Espagne puis j’ai découvert que c’était une arnaque. » Mais en revanche pour les
pauvres, le désir d’émigration reste un rêve très difficile à réaliser sauf à entreprendre des
stratégies très pénibles (passage dans les enclaves espagnoles par voie terrestre ou maritime,
instrumentalisation du statut de mineur non accompagné).

4-4- DES TRAJECTOIRES DIVERGENTES VENANT RENFORCER LES INEGALITES


PREEXISTANTES

La situation de NEET vient donc renforcer les inégalités préexistantes. Il est possible d’identifier
alors quatre trajectoires qui sont fortement dépendantes des ressources des jeunes. Nous
distinguons deux ressources principales : les ressources familiales qui sont déterminantes
(famille disposant de revenus suffisants sous forme de salaire ou de pension et/ou d’une
entreprise familiale comme une exploitation agricole, un fonds de commerce, etc.), les
ressources éducatives liées aux diplômes du supérieur et/ou aux formations professionnelles
certifiées reconnues sur le marché de l’emploi. Nous proposons une matrice très simple
présentant les perspectives de ces différents jeunes.

Tableau 15 : Stratégies des jeunes NEET selon leurs ressources familiales et leurs compétences

Soutien familial et capitaux familiaux Absence de soutien familial et de


capitaux familiaux
Diplôme du supérieur ou Profil peu vulnérable. Profil vulnérable.
formation professionnelle Préparation d’un projet à long terme Recherche active d’emploi en milieu
certifiée avec recherche d’opportunités urbain, acceptation d’emplois non
satisfaisantes : jeunes à la recherche réglementaires et mal rémunérés de
d’un emploi de qualité, construction façon temporaire dans l’attente de
d’un projet personnel épanouissant meilleures opportunités.
Absence de diplôme du supérieur Profil relativement vulnérable. Profil le plus vulnérable.
ou de formation professionnelle Repli sur l’activité familiale (parfois Acceptation de travaux très pénibles
certifiée faiblement ou non rémunérée) : jusqu’à épuisement : trajectoire
agriculteurs, commerçants, jeunes dépressive, conduites à risque,
femmes au foyer. addictions. Désir très fort
d’émigration.

123
Au vu des cas observés, il apparaît que la vulnérabilité est en premier lieu déterminée par les
relations avec la famille et qu’elle est faiblement corrigée par la qualification professionnelle ou
un diplôme du supérieur du fait de la fragilité des systèmes assurantiels.

Ainsi, les jeunes disposants de ressources familiales, d’un diplôme du supérieur sont beaucoup
plus confiants dans leur futur que les jeunes issus de familles pauvres et sans diplôme. Ils sont
peu vulnérables. Ils envisagent plus sereinement l’avenir et s’investissent dans des activités
collectives notamment associatives. Ils préparent un projet d’intégration économique qui doit
répondre à leurs attentes à la fois en termes d’activité et en termes de rémunération. Ainsi, ils
refusent les activités trop pénibles ou trop exposées. Ils peuvent par ailleurs prendre plusieurs
mois, voire une année, pour intégrer la sphère économique. Entre temps, ils peuvent mettre à
profit leurs compétences dans des actions associatives ou dans des passions. Même si leur projet
n’est pas clairement défini, ils sont sûrs d’intégrer la sphère économique. Parfois, ces diplômés
après des désillusions sur le marché de l’emploi regagnent des entreprises familiales même
modestes mais qu’ils sont à même de transformer et d’améliorer. Ils savent saisir les
opportunités institutionnelles nouvelles du fait de leur éducation supérieure et de leur capacité
à intégrer les nouvelles logiques administratives. Ce profil minoritaire est celui qui est le plus
intégré aux dynamiques économiques, sociales mais aussi politiques.

La deuxième situation concerne des jeunes qui ne sont pas diplômés mais qui disposent d’un
soutien familial important notamment parce que la famille possède une structure
entrepreneuriale même de petite taille. Ces jeunes peuvent alors rejoindre l’économie familiale
que cela soit autour d’une exploitation agricole, d’une boutique ou même d’une entreprise
parfois très informelle comme un celle de marchand ambulant. Leur participation n’amène pas
systématiquement à une augmentation importante des revenus de la famille mais elle permet
aux jeunes de conserver un rôle social et d’acquérir des compétences professionnelles utiles
qu’elles soient génériques (contact avec une clientèle, comptabilité) ou spécifiques (techniques
agricoles, artisanat). Ils décrivent leur situation comme une situation par défaut mais ne
basculent pas dans un mode de vie désynchronisé. Leur participation continue à cette petite
activité familiale leur permet aussi d’être plus à même de saisir de nouvelles opportunités. Cette
catégorie est parfois exclue statistiquement des NEET car considéré comme ayant participée de
la sphère productive mais cela pose un problème de définition des catégories entre les
administrations centrales et le ressenti de ces jeunes. Par ailleurs, parmi ces jeunes se retrouve
la catégorie des jeunes femmes à la maison qui s’occupent des tâches ménagères. Ces dernières
déclarent s’occuper exclusivement du ménage et de la cuisine même si parfois elles sont
observées comme s’occupant aussi dans les exploitations agricoles du bétail et participant aux
tâches collectives de récolte. Certaines participent même à la surveillance collective des
troupeaux de caprins qui se fait à tour de rôle. Ces jeunes femmes même si elles sont cantonnées
aux seules tâches ménagères libèrent leurs mères de ces tâches qui elles peuvent alors s’investir
davantage dans les tâches productives. Enfin, ces jeunes femmes considèrent aussi apprendre
des compétences indispensables à la constitution future d’un ménage.

La troisième situation concerne les jeunes diplômés ou disposant d’une compétence


professionnelle reconnue mais sans soutien familial important. Ces jeunes du fait de leur
diplôme et/ou de leurs compétences professionnelles sont convaincus de leur employabilité. Ils
sont donc en recherche active d’emploi ou d’opportunités et démultiplient les démarches en ce
sens. Ils sont par ailleurs prêts à accepter des emplois mal rémunérés tout en cherchant des
emplois correspondant à leurs compétences. Ils vivent cependant dans une forme de pression
continue pouvant les amener à des phases de découragement mais qu’ils surmontent d’autant
plus vite qu’ils sont convaincus de leurs capacité à travailler. Cette catégorie de jeune est
vulnérable car ne pouvant pas compter sur d’autres soutiens. Par ailleurs, ces jeunes sont aussi
souvent des soutiens de famille et donc leur situation économique impacte souvent un ou
plusieurs ménages. En cas d’accès à des revenus, ils viennent en aide à leurs parents même

124
lorsqu’il y a eu décohabitation mais aussi à leurs frères et sœurs. Leur réussite économique a
donc un effet d’entraînement important.

La quatrième catégorie qui ne dispose ni de diplôme ni d’un réseau familial entrepreneurial est
la plus vulnérable parmi les NEET. En effet, n’ayant ni compétences spécifiques et n’ayant pas de
soutien familial fort, elle arrive très difficilement à intégrer le marché de l’emploi. Elle
démultiplie les travaux pénibles mal rémunérés avant de connaître une phase de découragement
sans avoir la possibilité de se replier au sein d’une cellule familiale pouvant lui offrir un certain
cadre de repos. Par conséquent, ces jeunes entrent alors dans des phases négatives de rupture
avec l’ordre social en construisant des contre-sociétés. Parmi ces jeunes, se développent les
conduites à risque les plus nombreuses. Certains et surtout certaines peuvent devenir
particulièrement vulnérables aux violences. Ces jeunes ont un besoin très fort
d’accompagnement de politiques publiques et/ou associatives adaptées à leur situation. En effet,
ces politiques doivent compenser leur double vulnérabilité notamment par un plan de formation
qualifiant associé à un système de bourses ou de transferts sociaux pour assurer leur survie au
quotidien.

POROSITE ENTRE LES CATEGORIES

Ces quatre profils entretiennent une certaine porosité et donc permettent d’envisager des
politiques publiques correctrices.
En premier lieu, la dynamique familiale est fondamentale. Si un membre de la famille connaît
une dynamique ascendante alors il est à même de tirer l’ensemble du groupe familial devenant
alors le nouveau pivot de la famille. Ainsi, les jeunes décrivent comment un frère ou une sœur,
un oncle ou une tante, du fait de son intégration économique est à même de financer leur projets
ou de les accueillir en cas de difficultés. Les ressources mises à disposition peuvent être parfois
très modestes : une opportunité de logement gratuit dans une grande ville, un don de quelques
milliers de dirhams pour acheter le matériel nécessaire à une petite activité d’auto-emploi. A
contrario, un aléa au sein de la famille (maladie, accident, décès, revers de fortune, divorce) peut
accroître la vulnérabilité du jeune. Dès lors, la dynamique familiale amène à un basculement
d’une colonne à l’autre.
En second lieu, les compétences sanctionnées par un diplôme ou une certification reconnue
jouent un rôle très important. Ainsi, l’intégration d’une formation professionnelle permet alors
de réintégrer une dynamique positive de recherche active d’emploi. Cela explique l’appétence de
nombreux jeunes pour les formations professionnelles dès qu’ils disposent de l’épargne
nécessaire ou d’un soutien familial pour assurer leur subsistance durant ladite formation. En
revanche, le chômage prolongé ou la démultiplication d’emplois peu qualifiés et mal rémunérés
peut amener à un sentiment de pertes de compétences et de discrédit de sa valeur sur le marché
du travail faisant alors basculer le jeune d’une ligne à l’autre. Il apparaît alors un effet cicatrice
qui risque de longtemps marquer le jeune dans son parcours professionnel et notamment dans
l’accès à des revenus suffisant pour construire un projet de vie digne.
Par conséquent, pour améliorer la situation des jeunes, il apparaît nécessaire de favoriser les
politiques assurantielles à l’échelle des ménages et les dispositifs de formation professionnelle
associé à des systèmes de bourses ou de transferts sociaux.

125
5- NEET ET PROGRAMMES DE L’ÉTAT

La cartographie des politiques publiques à destination des NEET a révélé le sous-dimensionnement de ces
dernières par rapport à l’ampleur des besoins et la concentration de ces politiques dans les villes et tout
particulièrement les chefs-lieux de province. Les entretiens avec les jeunes NEET viennent confirmer cette
situation. Les NEET enquêtés ont peu bénéficié des programmes de l’État en dehors des structures
d’enseignement primaire et secondaire et du Ramed pour les familles les plus précaires comme cela a été
exposé précédemment. Ces deux politiques publiques sont différemment appréciées et surtout
apparaissent comme insuffisantes pour garantir une intégration économique massive des jeunes. Très peu
d’entre eux ont été intégrés à des politiques ciblées autre que ces deux dispositifs. Nombre d’entre eux
ignorent très largement les politiques spécifiques dont ils pourraient être les bénéficiaires ou sinon ils les
évoquent comme lointaines car implantées dans d’autres localités que celles où ils résident. Dans les
grandes agglomérations, les initiatives étatiques ou associatives dédiées aux jeunes existent mais elles
apparaissent sous-dimensionnées par rapport à l’ampleur des besoins.

Par conséquent, de très fortes inégalités socio-territoriales ressortent des entretiens. Certaines villes
disposent d’une densité plus importante de dispositifs dédiés aux jeunes à l’image de Ben Guerir du fait
des actions entreprises notamment par la fondation OCP. En revanche, d’autres zones du Maroc semblent
être exclues de ces politiques spécifiques notamment les communes rurales ou les centres émergents. Au
final, ce sont souvent les jeunes les plus diplômés qui ont bénéficié le plus des programmes de l’État, car ce
sont ceux qui sont les plus à même de saisir les différentes opportunités à destination des jeunes du fait de
leur meilleure compréhension des dispositifs existants mais aussi de leur mobilité.

Il est intéressant de souligner que dans le contexte de l’enquête de 2019, les jeunes enquêtés identifient au
final deux dispositifs principaux qui leur sont dédiés: le nouveau service militaire obligatoire et la
formation professionnelle. En interrogeant la popularité de ces deux dispositifs, il est possible de tirer des
leçons pour proposer de nouvelles politiques dédiées à la jeunesse.

5-1-PEU DE BENEFICIAIRES DES PROGRAMMES D’INSERTION SOCIO-ECONOMIQUE

Les rares bénéficiaires de programmes spécifiques visant à une plus grande insertion
économique rencontrés sont ceux des deux fondations royales : la Fondation Mohammed VI
pour la réinsertion des détenus et la Fondation Mohammed V pour la solidarité avec son
programme dédié aux jeunes souffrant d’un handicap. Cependant, ces jeunes ont bénéficié
uniquement du dispositif de formation et non d’un accompagnement et d’un suivi pour
l’intégration du marché du travail.
A titre d’illustration, à Marrakech et à Tétouan, deux jeunes détenus ont pu suivre les formations
proposées par la Fondation Mohammed VI mais à leur sortie de prison, ils sont à la recherche
d’un capital pour pouvoir développer une activité économique sachant que leur statut d’ancien
prisonnier pénalise leur recherche d’emploi salarié. Ils ont alors intégré le secteur informel
comme vendeur ambulant ou porteur au souk.
De même, les deux jeunes souffrant de handicap à Tétouan et à Fès n’ont pas bénéficié d’un
accompagnement dédié une fois leur formation terminée. Ces dispositifs d’accompagnement
sont en train de se généraliser progressivement mais ne couvrent pas encore l’ensemble des
bénéficiaires.
Cette situation se retrouve aussi au sein des structures de Centre de protection de l’enfance. A
Fès, les jeunes appréhendent difficilement l’âge adulte ayant peur de basculer brutalement dans
la précarité du fait de l’absence de soutien familial.
Au final, il apparaît des situations singulières de villes moyennes qui sont fortement investies
par une structure de Fondation autour de laquelle gravite un tissu associatif dense comme à Ben
Guerir où finalement les NEET peuvent bénéficier d’une variété d’opportunités (formation,

126
stage, aides financières) mais aussi d’une possible intégration à des dynamiques civiques. Ces
configurations peuvent être ponctuellement reproduites dans d’autres villes moyennes ou
centre émergents comme Amizmiz ou Chefchaouen. Cependant, l’absence de financements
structurels d’envergure se traduit surtout par l’implication d’une élite de jeunes souvent en
étude supérieure qui s’investissent dans des activités culturelles, sportive ou de charité.
Plusieurs initiatives sont différemment appréciées du fait de leur incapacité à
s’institutionnaliser. Par conséquent, plusieurs associations sont décrites comme non sérieuses et
instrumentalisant les jeunes.
Dans les provinces agricoles, l’une des principales perspectives économiques collectives est
alors la création d’une coopérative agricole ou de transformation et commercialisation de
produits agricoles avec le soutien des administrations dédiées (ministère de l’Agriculture, INDH)
mais cela présuppose une très forte capacité d’organisation et la possibilité de valoriser des
ressources souvent sous l’autorité d’économies familiales qui ne sont pas dirigées par les jeunes
mais par leurs parents. Ce sont donc les diplômés du supérieur comme à Amizmiz qui portent
ces initiatives. En revanche, les jeunes femmes d’Iqqadar qui restent dépendantes des autorités
peuvent difficilement accéder à ces dispositifs.
Au final, la très grande majorité des enquêtés n’a jamais bénéficié de programmes spécifiques
une fois qu’elle a quitté les structures scolaires. Dans les villages, certaines initiatives de la
société civile sont jugées comme sans lendemain créant alors une certaine défiance vis-à-vis des
différents programmes qui peuvent s’adresser aux jeunes. Ensuite, dans les grandes villes,
malgré les très nombreuses opportunités, une catégorie de jeunes se sent exclue soit parce
qu’elle ne pense pas correspondre aux bénéficiaires potentiels, soit parce qu’elle doit se
conformer à un comportement les obligeant à abandonner leur mode de vie désynchronisé. Les
politiques dédiées aux jeunes sont soient concernées comme défaillantes à l’image de Dar
Chabab à Marrakech ou comme réservées aux plus riches à l’image des terrains de sports
collectifs. Dans ce contexte, la connaissance des programmes spécifiques est faible ou très
confuse. Enfin, de nombreux NEET savent que des opportunités existent mais ils les considèrent
comme inaccessibles car trop loin de leur lieu de vie quotidien.

5-2- LE SERVICE MILITAIRE, UNE POLITIQUE DE JEUNESSE NATIONALE ?

L’annonce du service militaire obligatoire s’est accompagnée d’une intense campagne de


communication et un important débat entre les jeunes du fait de son caractère obligatoire et de
sa mise en œuvre au moment même de l’enquête. Il est intéressant de souligner que ce dernier
peut être considéré comme un exemple de politique nationale de jeunesse. En premier lieu parce
qu’il concerne tous les jeunes et a un caractère obligatoire et en second lieu parce qu’il a été
accompagné d’une intense campagne de communication.

Sur le terrain, il a été différemment accueilli par les jeunes NEET. Pour certains, il apparaît
clairement comme une opportunité surtout lorsque les jeunes ont quitté de façon précoce le
système scolaire. De nombreux jeunes hommes et jeunes femmes de moins de dix-huit ans
regrettent même de ne pas avoir l’âge légal pour être convoqué. Tel est l’exemple d’une jeune
fille de 17 ans déscolarisée en 4e année de primaire : « je voulais m’inscrire au service militaire
mais on m’a dit que j'étais encore jeune et que je devais avoir 19 ans j’aurai espéré y aller plutôt
que de vivre cette vie. »Le service militaire est présenté comme un moment de possible
reconstruction de soi et d’acquisition de nouvelles compétences.

A Marrakech, un jeune homme de 25 ans qui travaille depuis l’âge de 11 ans dans la mécanique
et gagnerait entre 200 et 400 MAD par jour, activité qu’il a suspendu depuis plusieurs mois au

127
moment de l’entretien, déclare « je suis prêt à partir si on m’appelle, je vais bénéficier de plusieurs
choses, le droit, l’étude, le sport. De plus, je suis addict à plusieurs drogues et ça m’aidera à arrêter».

Le service militaire apparaît alors comme une opportunité pour de nombreux NEET car il
associe une indemnité, une prise en charge totale et une formation professionnelle. Par ailleurs,
l’armée est une institution respectée par nombre d’entre eux. Un jeune homme avait reçu sa
convocation au moment de l’entretien en 2019 et lors du second entretien en 2020 a déclaré
vouloir désormais faire carrière dans l’armée.

Dans le contexte de cet engouement, plusieurs jeunes hommes et femmes regrettent de ne pas
pouvoir intégrer le service militaire car ils souffrent soit d’handicaps physiques (problème de
vue, maladie longue durée) ou ont été emprisonnés pour des délits mineurs. Ils vivent cette
situation comme un processus d’exclusion supplémentaire et de marginalisation.

En revanche, d’autres NEET sont opposés au service militaire et déclarent ouvertement ne pas
vouloir se présenter si jamais ils étaient convoqués. Ce discours est massivement celui
d’hommes qui sont en rupture avec les institutions marocaines et envisagent un avenir autour
de l’émigration. Le service militaire est alors perçu comme une contrainte supplémentaire qui ne
permettra pas de construire un projet durable. Il apparaît alors comme une démarche coercitive
supplémentaire.

5-3- LA FORMATION PROFESSIONNELLE

La formation professionnelle est particulièrement plébiscitée par les NEET enquêtés. Au sein des
différents opérateurs de formation professionnelle, il faut distinguer l’OFPPT, des écoles privées,
des structures associatives plus ou moins formelles. Cependant, quel que soit l’opérateur, elle a
un impact sur l’employabilité complexe car elle ouvre de nouvelles perspectives de vie qui
dépassent le cadre purement de la valorisation d’une compétence technique.

La formation professionnelle est considérée par les NEET comme une opportunité de travailler
très rapidement. Elle est valorisée à tout niveau d’étude et vue comme une alternative après
l’abandon des études générales. Les NEET se réalisent souvent dans l’apprentissage de
compétences manuelles qui leur ouvre des perspectives en tant que salarié mais aussi en tant
qu’entrepreneur à leur propre compte.

Ainsi, une jeune femme de Fès de 19 ans déclare n’avoir rien appris à l’école qu’elle a quitté à
l’âge de 15 ans parce que n’arrivait pas à étudier. Elle a entamé alors une formation de
couturière durant 3 années où elle s’est épanouie.

Cependant, il faut distinguer dans les entretiens les modalités d’accès à la formation
professionnelle. Les ISTA de l’OFPPT sont particulièrement appréciés et les commentaires sont
souvent élogieux surtout en comparaison avec les autres systèmes de formation. Le dispositif
d’encadrement pédagogique et la taille des promotions favorisent l’apprentissage mais aussi
rassurent les étudiants.

Une jeune fille de Tanger explique : « j’ai passé ma 1ère année à la faculté en 2011 puis je suis
partie à l’ISTA branche développement informatique pour deux ans. L’ambiance à l’université était

128
vraiment différente de l’ISTA. A l’université, les étudiants sont libres de venir ou pas, ils sont libres
de faire ce qu’ils veulent quand ils veulent. A l’ISTA, tu te sens comme au lycée, les professeures nous
donnent des exercices à faire à la maison et il y a un suivi par eux de chaque étape. Et en plus à la
faculté, je n’avais pas d’amis, c’était difficile pour moi. Je n’ai pas trop aimé l’université. En
revanche à l’ISTA où j’avais de nombreux camarades, on était comme une famille. »

Il faut souligner aussi que de nombreux jeunes se réorientent plus facilement au sein des ISTA
en commençant une spécialité puis en choisissant finalement un autre cursus. Or, l’obtention
d’un diplôme de l’ISTA incite les jeunes aussi à construire des projets de vie plus ambitieux
notamment dans le désir de créer une entreprise ou de s’investir dans des domaines différents
de la formation initiale.

A El Jadida, un jeune homme marié de 24 ans raconte : « Après le bac, je suis entré à l’ISTA pour 3
ans. J’ai commencé par une première année en fabrication électronique, puis j’ai changé la branche
pour faire technicien spécialisé de bureau d’étude en construction et structures métalliques. Pour
l’instant, je n’ai pas trouvé d’emploi, alors je travaille avec mon père dans son atelier de mécanique.
Je gagne 100 MAD par jour et je suis content. Hier, j’ai bien travaillé et j’ai gagné 200 MAD.
Cependant, je reste dépendant de mes parents. J’aimerai bien disposer d’aides financières car 20
000 MAD me suffirait pour créer mon entreprise.” Lors du second entretien, mené en juin 2020, ce
jeune précise qu’il a été employé près de 4 mois à la construction d’un grand magasin d’une
chaîne internationale pour édifier la charpente métallique. Malheureusement, il s’est retrouvé à
nouveau au chômage au début de l’année 2020, une fois le chantier achevé.

La particularité des diplômés des ISTA et notamment ceux ayant obtenus le diplôme de
technicien supérieur est d’avoir un taux de chômage plus élevé. Or, ce taux de chômage est
souvent mal interprété. En effet, les entretiens qualitatifs révèlent que les diplômés de l’ISTA
sont à la recherche de bons emplois cumulant une rémunération suffisante et une pénibilité
relative. Ils prennent donc le temps de chercher des opportunités réelles par les procédures
légales en vigueur (ANAPEC, candidature spontanée auprès de grandes entreprises). Ils
apparaissent donc dans la catégorie des chômeurs en recherche active d’emploi et ont souvent
des prétentions salariales plus élevées surtout dans les grandes villes. Ainsi, plusieurs jeunes qui
ont travaillé pour des salaires faibles avant d’être diplômés de l’ISTA n’acceptent plus ses
conditions salariales une fois diplômés. Sur la durée, ils intègrent au final des emplois
réglementaires de meilleure qualité, moins pénibles et mieux rémunérés. Cependant, ils doivent
aussi parfois se déplacer vers des bassins d’emplois plus actifs comme Kénitra ou Tanger.

En revanche, les ISTA sont peu accessibles pour les jeunes ruraux ou les jeunes décrocheurs
précoces. Les formations certifiantes privilégiées concernent avant tout des travaux manuels
précis comme « menuiserie aluminium ». Cependant, la localisation des ISTA dans les villes et
l’absence de transports scolaires dédiés exclus les jeunes ruraux. Ces jeunes essayent d’intégrer
des dispositifs de formation alternatifs mais jugés très inégaux selon les localités et les
opérateurs. Dans le milieu rural, ces formations professionnelles sont souvent décrites comme
peu sérieuses et peu efficaces tandis que dans les villes elles sont décrites comme de plus grande
qualité.

En cas d’absence de formation professionnelle institutionnelle, les jeunes ont recours à


l’apprentissage dans une entreprise par logique de placements familiaux ou par l’acceptation de
salaires très faibles. Cet apprentissage se fait massivement dans les réseaux familiaux (voire au

129
sein de la famille directement, de père en fils principalement) ou par des réseaux
d’interconnaissance générant aussi des tensions sur les perspectives de rémunération. Les lieux
de formation sont alors massivement urbains autour de métiers du service (coiffure, vente,
restauration) ou de l’artisanat (ferronnerie, BTP). Les jeunes sont très heureux d’apprendre ces
formations qui leur ouvrent des perspectives de vie mais du fait de l’absence de certification et
de ressources financières ils connaissent des difficultés d’intégration économique. Par exemple,
de très nombreux jeunes déclarent avoir suivi une formation de coiffeur durant quelques mois
sans pour autant disposer d’une quelconque attestation, ils souhaitent alors créer un salon de
coiffure sans pour autant avoir les fonds nécessaires.

5-4- PERSPECTIVES DE POLITIQUES PUBLIQUES CORRECTRICES

A travers les appréciations des NEET, il est possible de comprendre quelles sont leurs attentes
en termes de politiques publiques à même de faciliter leur intégration économique.

FORMATION PROFESSIONNELLE ET CERTIFICATION

Les jeunes sont massivement en demande de formation. Cependant, cette formation doit
concrètement leur permettre d’améliorer leur situation économique. Elle doit donc avoir un
objectif clair de certification soit par l’obtention d’un diplôme sanctionnant un niveau d’étude
permettant alors d’accéder à des emplois particuliers comme le brevet d’enseignement collégial
soit par l’acquisition de compétences spécifiques demandées sur le marché de l’emploi. Ensuite,
pour nombre d’entre eux, l’accès à une formation professionnelle est conditionné à une aide
financière.

BOURSE ET PRISE EN CHARGE

Il est intéressant de voir les réactions positives à l’annonce du service militaire obligatoire car
elles permettent de réfléchir aux attentes des jeunes NEET les plus vulnérables. En effet, le
service militaire obligatoire repose sur le principe d’une prise en charge totale (logement,
nourriture, vêtement), d’une petite indemnité mensuelle de 1050 MAD pour les simples soldats
associée à une couverture médicale totale, doublée d’une assurance décès et invalidité et d’une
assistance médicosociale. Par ailleurs, dans le cadre de la professionnalisation de l’armée, la
formation ouvre sur 25 métiers différents. Par conséquent, pour les jeunes les plus vulnérables,
le service militaire répond à leurs attentes que sont la possibilité de venir en aide à des proches
dépendants et de participer aux revenus familiaux, tout en acquérant des compétences
professionnelles sans préalable.

Ces dispositifs d’aides existent aussi pour les étudiants de l’ISTA mais seulement pour ceux qui
préparent le diplôme de technicien supérieur qui bénéficient ainsi des meilleures conditions
matérielles de poursuite d’étude. Dans ce cadre, la reprise d’une formation professionnelle n’est
plus empêchée par des obstacles monétaires. Par ailleurs, la distance peut aussi être en partie
compensée par un système de transports provinciaux. Or, ces opportunités sont majoritairement
inaccessibles à la majorité des NEET qui n’ont pas obtenu leur baccalauréat.

130
UNE INTENSE CAMPAGNE DE COMMUNICATION DOUBLEE D’UNE OBLIGATION
D’INSCRIPTION

L’intense campagne de communication autour du service militaire obligatoire est importante car
elle a permis de toucher tous les jeunes à force de répétition du message sur les multiples
supports (télévision, réseau sociaux). Il ne faut pas oublier aussi la dimension obligatoire qui est
adossée à une démarche administrative d’enregistrement. Il apparaît nécessaire de développer
un système similaire mais cette fois-ci pour mettre en place un dispositif dédié aux jeunes dès
l’âge de 15 ans. En effet, cet âge charnière est un moment clé dans le parcours du jeune.
Cependant, la démarche d’enregistrement doit être accompagnée d’un avantage qui pourrait
prendre la forme d’une carte jeune ouvrant à des avantages en nature (réduction ou gratuité
dans les transports, accès privilégié à des services dédiés)

LA QUESTION DE L’ACCOMPAGNEMENT POST FORMATION

Les manquements les plus importants des politiques publiques adressées aux jeunes et aux
NEET en particulier apparaissent dans l’accompagnement post formation. En effet, de nombreux
jeunes une fois formé doivent se débrouiller seuls pour accéder à l’emploi ou pour développer
une activité économique. Ces derniers connaissent alors une période difficile prenant parfois la
forme d’un sous-emploi ou d’une phase de découragement. Les initiatives d’accompagnement
restent encore embryonnaires concernant très peu d’individus et viennent alors fragiliser
l’investissement de formation réalisé.

131
6- LES NEET ET LE CONFINEMENT SUITE A LA PANDEMIE COVID-19

Du fait de la situation exceptionnelle du confinement, l’ensemble des NEET enquêtés en 2019 et


ayant communiqué leur numéro de téléphone aux enquêteurs a été appelé entre le 1er juin et le 20 juin
2020. 153 jeunes ont pu être ainsi recontactés. Ces jeunes sont majoritairement des adultes (117 adultes
pour 36 mineurs), de sexe masculin (85 hommes pour 67 femmes). Le rappel par téléphone a généré un
double biais dans l’échantillon. En effet, les jeunes à disposer d’un téléphone portable et à conserver le
même numéro sur près d’une année sont généralement les plus stables et les mieux intégrés
économiquement. Ainsi, il apparaît, une surreprésentation des jeunes les plus proches du marché de
l’emploi, soit parce que ce sont des jeunes ruraux en circulation et en recherche d’opportunités
constantes, soit parce que ce sont des diplômés du supérieur en recherche active d’un emploi salarié. Ces
deux catégories disposent d’un téléphone portable et conservent le même numéro afin de pouvoir être
contacté facilement par un employeur potentiel. A ces deux catégories, s’ajoute celle des jeunes femmes au
foyer qui ont aussi conservé leur numéro de téléphone. En revanche, très peu de jeunes en situation de
grande précarité ont pu être recontactés car ne disposant par de téléphone au moment de l’enquête en
2019 ou n’ayant pas conservé le même numéro. Ainsi, nous n’avons pas pu recontacter les mineurs en
rupture familiale. De même, les jeunes ayant déclaré de fortes addictions ou un mode de vie
désynchronisé, très nocturne (lever tardif, coucher tardif) ont très peu répondu à nos appels.

L’enquête s’est déroulée selon un protocole d’entretien semi-directif autour de questions ouvertes
prenant la forme d’une conversation d’une quinzaine de minutes. Après une prise de contact, les jeunes
ont été interrogés sur l’évolution de leur situation depuis 2019 (emploi, formation, reprise d’étude, état de
santé général), l’impact du confinement sur leurs projets professionnels, l’organisation de leur vie
quotidienne durant le confinement (leur relation avec leurs proches, la santé, l’éducation) mais aussi leurs
projets à venir.

Ce second entretien qualitatif a permis de documenter deux points. En premier lieu, il a permis
d’observer le changement de situation des jeunes entre l’été 2019 et juin 2020. Ainsi, nous avons pu
observer que peu de jeunes NEET ont réussi à améliorer durablement leur condition. Nous livrons ici des
statistiques qui n’ont pas vocation à être généralisées mais qui permettent de comprendre l’évolution de
la situation des jeunes enquêtés. Ainsi, 30% de l’effectif n’a ni travaillé, ni bénéficié d’un stage ou d’une
formation sur l’ensemble de la période. 20% a seulement pu mener une petite activité économique
ponctuelle qualifiée de « bricolage ». 20% ont suivi une formation professionnelle, majoritairement de
manière informelle, dont seulement 3% ont réalisé cette formation dans un cadre réglementé associé à
une certification et seulement 2% ont accédé à un stage par apprentissage. 5% ont repris des études. 17%
ont accédé à un emploi informel de longue durée sur plusieurs mois. Enfin, seulement 5% ont intégré un
emploi formel associé à un contrat de travail sur plusieurs mois. Fort de ce constat, la majorité des jeunes
enquêtés étaient NEET au moment du confinement : soit ils étaient restés NEET sur toute la période, soit
ils étaient redevenus NEET après une phase de formation ou d’emploi qui s’était arrêté avant le mois de
mars 2020. A cela s’ajoutent de nombreux jeunes qui sont redevenus NEET lors du confinement car
n’étant pas intégré dans un dispositif permettant de poursuivre leur activité ou leur formation.

Ici, nous allons donc développer en plusieurs points l’impact du confinement sur les activités des
jeunes (emploi, formation, étude, engagement associatif), leur vécu du confinement (leurs revenus, leur
vie avec leur famille, l’accès à l’Internet) et enfin leurs projets pour l’après confinement.

Nous allons alors montrer comment elles ont fortement accrues les inégalités socio-territoriales
mais aussi les inégalités de genre malgré les politiques publiques mises en œuvre. En effet, elles ont brisé
de nombreuses trajectoires d’intégration économique ou sociale ramenant de nombreux jeunes à leur
statut de NEET et surtout elles ont maintenu les NEET dans une situation d’attente sans offrir de nouvelles
opportunités à ces derniers.

132
6-1- LES ACTIVITES DES JEUNES FORTEMENT PERTURBEES PAR LE
CONFINEMENT : UN RETOUR MASSIF VERS LA CONDITION DE NEET

30% des jeunes enquêtés sont restés NEET cependant les autres jeunes ont connu des possibilités de
sortir de leur condition. Le confinement est venu alors renvoyer ces jeunes à leur condition de NEET à
quelques exceptions. En effet, les activités économiques et les activités de formation professionnelles ont
été profondément impactées par l’arrêt des activités non essentielles. Les activités éducatives et
l’engagement associatif ont-elles été profondément transformées.

QUELQUES EMPLOIS MAINTENUS, UN CHOMAGE MASSIF, UN SOUS-EMPLOI


OCCUPATIONNEL

DES EMPLOIS FORMELS TRES PEU NOMBREUX

Le confinement a fortement renforcé la dualité du marché de l’emploi. Sept jeunes ont trouvé un
emploi salarié réglementaire déclaré à la CNSS entre l’automne 2019 et mars 2020. Ce sont
majoritairement des diplômés du supérieur (6 sur 7). Trois d’entre eux ont continué de travailler durant
l’ensemble de la période : une infirmière à Marrakech, une assistante médicale à Ben Guerir, un employé
de banque à Casablanca et un technicien agricole à Missour. Les deux hommes expriment la peur de
tomber malade mais aussi de contaminer leurs proches. Le jeune employé de banque déclare « vu que je
travaille pendant cette crise, j’ai l’impression de mettre en danger mes proches mais je fais attention ». Le
jeune technicien agricole déclare travailler la peur au ventre. Trois autres jeunes ont pu bénéficier du
dispositif de chômage partiel comme un technicien spécialisé en industrie mécanique à Kenitra, un
mécanicien à Fès, une responsable administrative à Berkane.

UNE CESSATION MASSIVE DE L’ACTIVITE ET UN RETOUR AU STATUT DE NEET

La majorité des jeunes qui exerçaient une activité professionnelle au moment du confinement
l’exerçait en dehors des cadres légaux. Par conséquent, leur activité a été immédiatement arrêtée sans
indemnité de chômage partiel. De nombreux secteurs sont suspendus comme ceux de l’éducation, de
l’hôtellerie, les centres d’appels mais aussi de la construction et de l’artisanat. Des emplois pourtant
réguliers comme professeur de sport dans une école privée à Marrakech, professeur de langue française
dans un établissement secondaire privé à Fès, surveillant d’internat à Imintala, assistante d’un opticien à
Tanger, employé de hammam à Dakhla, serveuse dans un restaurant à Tanger, technicien à Benslimane,
mais aussi des opérateurs dans des centres d’appels (un jeune homme à Casablanca Mers Sultan) ont été
immédiatement arrêtés étant classés comme des secteurs non essentiels voire des lieux à risque élevé de
contamination. Ensuite, la baisse brutale de l’activité impacte aussi d’autres secteurs pourtant essentiels
comme les boulangeries. Ainsi deux jeunes filles, une à Tétouan, l’autre à Oujda ont perdu leur emploi. La
baisse d’activité concerne aussi les coopératives et les petites unités industrielles de transformation
comme les moulins. Ainsi, un jeune meunier à Dar Chafaï est licencié, son patron continuant de travailler
seul car n’ayant plus les moyens de le payer. Enfin, les activités commerciales de vente au détail que cela
soit en boutique dans les épiceries ou plus occasionnelles sur les souks sont elles aussi fortement
impactées.

La cessation brutale d’activité est d’autant plus difficile pour les jeunes qui se sont déplacés pour
trouver un emploi et donc vivent seuls loin de leur famille au moment de leur mise au chômage sans
possibilité de se déplacer. Ainsi, un jeune homme de Tarjijt se trouve bloqué à Dakhla, une jeune femme de
Marrakech et une autre de Sefrou sont confinées à Tanger, une dernière jeune femme issue d’Amizmiz vit
seule à Marrakech.

133
DES ACTIVITES ECONOMIQUES TRES RESTREINTES OU LE REPLI SUR LE
« BRICOLAGE »

Quelques jeunes continuent de faire acte de présence mais leurs revenus sont beaucoup plus faibles.
Ainsi, un jeune d’Imintala tient une épicerie à Casablanca pour 1250 MAD par mois. D’autres à Dar Chafaï,
ne travaillent plus qu’au souk ou assistent leur père boutiquier pour quelques dizaines de dirhams par
jour. Dans les épiceries, les heures de présence sont longues sans voir de clients du fait du confinement.
Sur les souks, l’activité est particulièrement réduite car les souks hebdomadaires sont interdits ne laissant
que les boutiques permanentes indispensables à l’approvisionnement des ménages ouvertes.

De nombreux jeunes hommes ruraux dont certains avaient eu l’opportunité de travailler entre
l’automne 2019 et le printemps 2020 dans la construction se sont repliés sur des activités agricoles
souvent plus faiblement rémunérées. Les jeunes éleveurs sont fortement impactés par la faible
pluviométrie, due à une année de sécheresse exceptionnelle, et ne trouvent pas preneur pour leur bétail
comme un jeune homme d’Azrou. Dans les périmètres non irrigués, plusieurs jeunes comme à Tarjijt,
Imintala, Iqqadar ou Dar Chafaï déclarent ne travailler que quelques jours par semaine pour des salaires
variant entre 50 MAD et 100 MAD par jour. Les jeunes ruraux évoquent ces tâches comme du
bricolage associant petites tâches de jardinage et entretien des infrastructures comme les murs de clôture
des parcelles oasiennes pour un jeune de Tarjijt. Pour d’autres, il s’agit d’apporter une aide à leur père
comme un jeune d’Iqqadar qui participe aux cultures d’oignon à raison de deux à trois heures par jours.
Cependant, cette participation n’augmente pas les revenus du ménage, il s’agit plus d’un partage des
tâches, le chef de famille pouvant normalement l’accomplir seul. D’autres activités ont été liées au contexte
particulier du mois de ramadan, ainsi une jeune fille d’Imintala a fabriqué des msemmens (galettes) qu’elle
a vendues.

UN RETOUR VERS L’EMPLOI LENT ET INCERTAIN

Enfin, pour ceux en recherche d’emploi, le confinement n’a fait que prolonger leur période de
chômage. Certains avaient une promesse d’embauche en mars comme une jeune femme d’Azrou retenue
par une agence de location de voiture mais qui attend désormais une éventuelle reprise des activités pour
être sûre de commencer ce nouvel emploi. Il en est de même pour les jeunes préparant des concours, ils se
retrouvent dans une incertitude beaucoup plus grande concernant les résultats, mais aussi les délais
d’intégration comme un jeune électricien à Missour qui a postulé pour un emploi dans une administration.
Cette situation se retrouve aussi chez les jeunes souhaitant intégrer l’armée. Un jeune homme d’Azrou a
candidaté pour effectuer son service militaire. Un autre vivant à Fès qui termine son service militaire
espère être recruté comme soldat de métier.

Les jeunes ayant repris une activité durant le confinement sont très peu nombreux. En ville,
certains jeunes ont tenté de développer une petite activité commerciale de marchand ambulant comme à
Marrakech ou à Ben Guerir, mais cette activité est particulièrement risquée du fait des nombreux
contrôles mis en place par les autorités. Certaines activités ont repris durant le confinement tout
particulièrement dans le BTP dans le cadre de chantiers prioritaires et ainsi un jeune de Dar Chafaï a été
embauché à Casablanca.

DES STAGES SUSPENDUS ET DES FORMATIONS PROFESSIONNELLES DEPENDANTES DE


LEURS RELATIONS AVEC L’INFORMATIQUE

134
A l’image des emplois, les stages ou autres formations professionnelles nécessitant une présence en
entreprise ont été fortement impactés. Dès l’annonce du ministère de l’éducation nationale le vendredi 13
mars de suspendre tout regroupement pédagogique physique (classe, voyage d’étude, stage), les jeunes
ont arrêté leur formation. Ainsi, un jeune homme de Missour suivait une formation agricole avec un stage
à proximité d’Agadir. A l’annonce du confinement, il est rentré immédiatement chez ses parents à Missour.
De même, deux jeunes filles, une à Amizmiz, l’autre à Missour ont arrêté leur stage de secrétariat.

Aux stages s’ajoutent, la suspension des formations techniques nécessitant obligatoirement un


apprentissage manuel en présentiel. Ainsi, plusieurs jeunes (un jeune homme à Ahfir et deux jeunes
femmes, une à Berkane, l’autre à Sidi Ifni) suivaient des formations en coiffure qui ont été arrêtées avec le
confinement retardant d’autant leur apprentissage mais aussi l’obtention du diplôme. Par ailleurs, les
formations organisées dans le cadre de structures associatives sont elles aussi suspendues. Ainsi, à
Imintala, une jeune fille était retenue pour une formation en couture qui est désormais reportée sine die.

Ensuite, plusieurs jeunes sont inscrits à l’ISTA ou dans des écoles privées formant des techniciens où
la formation comprend un enseignement en classe et un stage obligatoire de plusieurs mois. Or, la
possibilité de poursuivre l’enseignement à distance dépend fortement du type de formation suivie. Pour
les formations dans le domaine des services où l’usage de l’ordinateur est prédominant (informatique,
bureautique), les jeunes ont pu continuer à suivre un enseignement à distance comme une jeune fille à
l’ISTA de Missour qui suit une formation en gestion. En revanche, les formations nécessitant des machines
spécifiques pour acquérir des compétences manuelles sont suspendues. Deux jeunes hommes, un résident
à Azrou, l’autre Tétouan, suivent une formation d’ouvrier spécialisé en menuiserie aluminium or cette
formation comprend 1150 heures dont un stage de quatre mois afin d’obtenir le diplôme.

La suspension provoquée par le confinement a donc renforcé les inégalités car ce sont les jeunes les
moins diplômés qui ont été les plus impactés. Ainsi, les formations professionnelles ouvertes aux jeunes
ne disposant pas d’un niveau d’étude secondaire sont suspendues car il est impossible de les organiser à
distance. En revanche, les formations professionnelles de technicien ou de technicien supérieur (pour les
détenteurs d’un baccalauréat) dans le domaine des services mobilisant l’informatique sont maintenues à
distance.

Enfin, il apparaît aussi une inégalité de situation entre les jeunes inscrits dans des formations
offertes par des organismes publics comme l’OFPPT qui assure la certification à terme et des jeunes
inscrits auprès de structures associatives ou privées dont la pérennité post confinement est très
incertaine.

DES REPRISES D’ETUDES CONTRARIEES

Depuis septembre 2019, dix jeunes ont repris des études après avoir été en rupture scolaire soit
parce qu’ils souhaitaient trouver un emploi, soit parce qu’ils étaient découragés par leur redoublement,
soit parce qu’ils rencontraient des problèmes de santé très invalidants. Cependant, l’absence de
perspectives les a poussés à reprendre des études. Parmi eux, il faut distinguer les jeunes qui ont repris
des études selon leur niveau : secondaire collégial, secondaire qualifiant notamment pour présenter le
baccalauréat, études universitaires (licence ou master).

En effet, les plus jeunes, des mineurs, qui ont repris leurs études au niveau collégial ou en
première année de lycée viennent de familles beaucoup plus modestes et donc rencontrent d’importantes
difficultés matérielles pour suivre les cours à distance. Ainsi, un jeune homme d’Imintala a décidé de
reprendre une première année de lycée mais il a du abandonner les cours à distance par manque de
moyens financiers. Le matériel nécessaire pour suivre les cours à distance et les coûts de connexion à
Internet sont trop chers pour sa famille. De fait, il limite ses dépenses en téléphonie à 5 MAD par mois
pour les seuls appels.

135
Ensuite, il apparaît une forte différence de motivation entre ceux qui doivent préparer un examen
de fin d’année et les autres. Ainsi, une jeune fille mineure de Chefchaouen avait décidé de reprendre ses
études et d’achever sa troisième année de secondaire collégial mais elle a arrêté de suivre les cours à
l’annonce de l’absence d’examen, le 12 mai 2020 et du passage selon les notes obtenues en présentiel.

Les plus motivés et les plus assidus sont ceux qui préparent les épreuves du baccalauréat. Ils
suivent principalement leurs cours via les réseaux sociaux et la téléphonie mobile, notamment les groupes
Whattsapp. Cependant, les jeunes issus des familles les plus fragiles peinent à suivre les cours du fait des
surcoûts de connexion Internet. Une jeune femme sise à Marrakech Mhamid qui prépare son baccalauréat
déclare dépenser 10 dhs par jour de recharge pour suivre les cours à distance. Aux difficultés financières,
s’ajoutent la compréhension des consignes et difficultés pédagogiques. Ainsi, une jeune femme du quartier
Daoudiate de Marrakech s’est inscrite pour passer le baccalauréat en candidat libre après avoir travaillé
quelques temps dans un centre d’appel. La famille dispose du wifi ce qui lui permet de se connecter sans
difficulté, cependant, la compréhension des cours apparaît comme beaucoup plus difficile.

Les difficultés sont aussi présentes dans l’enseignement supérieur. Ainsi, un jeune homme vivant
à Mhamid à Marrakech qui est inscrit en licence de droit tout en cherchant un travail peine à suivre les
cours à distance du fait du manque de communication avec les enseignants et surtout l’envoi de contenus
pédagogique à des heures tardives, régulièrement après minuit. Une jeune femme à Fès suivant une
formation en sciences de l’éducation déclare avoir des problèmes de connexion du fait du réseau et ainsi
ne pas pouvoir suivre les cours à distance régulièrement. Ce sont finalement, les formations sélectives qui
déploient le meilleur suivi, ainsi une jeune casablancaise qui avait connu des problèmes de santé en 2019
est désormais en classe préparatoire aux grandes écoles et déclare avoir très peu de problèmes de suivi du
fait de l’organisation pédagogique développée par ses professeurs.

Ces jeunes qui ont repris leurs études sont souvent très critiques de l’enseignement à distance qui
ne peut aucunement remplacer le présentiel. Les plus motivés déclarent avoir eu besoin de plusieurs
semaines d’adaptation avant de pouvoir avoir un rythme de travail satisfaisant, souvent aux prix d’efforts
beaucoup plus importants. Tous ceux qui sont en reprise d’étude secondaire ou qui tentent de passer leur
baccalauréat en candidat libre déclarent avoir beaucoup de difficultés à suivre les cours. L’enseignement à
distance vient donc accentuer les inégalités entre les élèves les plus riches et les autres.

UN ENGAGEMENT ASSOCIATIF REORIENTE

L’engagement associatif est un élément important pour de nombreux NEET. Ce dernier a été réorienté
avec le confinement. Certaines activités ont été suspendues notamment celles liées à la formation
professionnelle et à l’animation culturelle ou sportive. Cependant, les jeunes les plus impliqués se sont
investis dans l’aide d’urgence. Ainsi, à Ben Guerir plusieurs jeunes dont des diplômés chômeurs étaient
impliqués dans les initiatives sociales lancées par l’OCP. Ils ont participé activement aux nouvelles
opérations de solidarité liées à la lutte contre la pandémie.

Deux jeunes hommes de 24 et 25 ans se sont mobilisés. Le premier explique : «la situation a été
très dure à Ben Guerir (il parle de la province) parce que la majorité des habitants vit dans le monde rural. La
fermeture des marchés a impacté lourdement les revenus de ces familles ». Le second ajoute « les familles ont
été très touchés, la plupart sont des journaliers et vivent au jour le jour », ils se sont retrouvés dans « des
situations trop dures » à supporter. Pendant le confinement, leurs associations ont participé à la diffusion
des messages de prévention, à la distribution de l’aide alimentaire aux familles dans le périmètre urbain et
rural sous forme de panier alimentaire, mais aussi au traçage des distances de sécurité devant les banques
afin d’éviter les contaminations lors des retraits de l’aide sociale d’urgence.

Les jeunes engagés ont donc renouvelé leur action sociale et prêté assistance aux autorités face à
l’ampleur des tâches à mener.

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6-2- LA VIE CONFINEE

Le confinement est différemment vécu par les jeunes NEET. Il dépend très fortement de leur situation
avant le confinement. En effet, pour ceux qui étaient dans une phase nouvelle d’emploi ou de formation, le
confinement s’est traduit par un retour à la catégorie de NEET et finalement une dépendance accrue à
leurs parents. Pour ceux qui étaient dans un projet de reprise d’étude ou de chômage, le confinement n’a
pas changé leur situation mais a créé davantage d’incertitude. La vie confinée a été un moment de repli sur
la famille pour beaucoup de jeunes et a donc posé la question de leur place au sein de cette famille, comme
charge ou comme membre participant au quotidien particulier du confinement.

L’AIDE FINANCIERE D’URGENCE INDISPENSABLE POUR CONSERVER DES REVENUS

La première question a été celle de la participation éventuelle du jeune aux ressources du ménage.
Si certains ont pu exceptionnellement maintenir une activité rémunérée, l’écrasante majorité s’est
retrouvée dépendante des logiques de solidarité.

Sur l’ensemble des 153 enquêtés, seulement 7 hommes (4 à Casablanca, un à Marrakech, deux à
Ben Guerir, un à El Jadida) et une femme à El Jadida ont bénéficié comme chef de ménage de l’aide sociale
d’urgence de type RAMED ou Tadamon. Ils déclarent une grande satisfaction et ils s’accordent sur la
facilité du dispositif. La jeune femme d’El Jadida explique, « j’ai juste envoyé mon code et j’ai reçu une
réponse ». Un Casablancais précise « c’était facile et je remercie les autorités pour leur coopération », l’autre
ajoute « Hamdoullah, j’étais éligible pour recevoir les aides de l’État, je reçois 20 000 ryal par mois (1000
dhs) et je remercie Sa Majesté Royale pour ses efforts qui a sauvé plusieurs personnes comme moi ».

Il apparaît cependant des situations très différentes, dans certaines familles plusieurs membres
ont bénéficié d’une aide RAMED. La jeune femme d’El Jadida, qui a travaillé dans une usine sans être
déclarée en 2019, a bénéficié de l’aide sociale d’urgence RAMED, ainsi que son père, mais aussi sa sœur
qui élève seule une petite fille, alors qu’ils vivent dans la même maison. Ils ont donc été considérés comme
3 ménages différents. Alors que de nombreux jeunes déclarent que leur ménage pourtant bénéficiaire du
RAMED n’a reçu aucune aide. Ils ont déposé plusieurs recours ou voient leur demande toujours en
traitement. Certains insistent sur le fait que ni eux, ni leurs parents n’ont été bénéficiaires et expriment un
profond sentiment d’injustice, surtout lorsqu’ils savent que certaines familles ont eu la chance d’avoir
plusieurs membres bénéficiaires.

Ensuite, les jeunes ayant bénéficié des différents dispositifs d’aide sociale sont dans des situations
financières très différentes. Ceux qui ont bénéficié de l’indemnité CNSS ou d’un dispositif de chômage
partiel de la part de leur employeur ont reçu les aides les plus importantes. Pour ceux qui vivent seuls et
dont les parents ont d’autres ressources, les aides s’avèrent suffisantes comme dans le cas du jeune
technicien d’Azrou désormais installé à Kénitra qui bénéficie de l’indemnité CNSS tandis que sa mère qui
est veuve a bénéficié du système RAMED. Il en est de même pour une jeune responsable administrative à
Missour qui se déclare contente et vivre « à l’aise » avec l’indemnité CNSS. En revanche, les jeunes dont
l’activité est indispensable à la survie du ménage se plaignent de l’insuffisance des sommes allouées
comme un jeune mécanicien à Fès qui doit prendre en charge ses parents avec seulement 1500 dhs de
chômage partiel accordé par son employeur. Certains se retrouvent dans des situations très difficiles, ainsi
un jeune homme d’El Jadida employé au préalable dans le BTP durant 4 mois et au chômage depuis janvier
a attendu deux mois avant de bénéficier de l’aide Tadamon en juin, suite à une réclamation. Alors qu’il doit
payer un loyer de 1000 MAD par mois.

Certains, sont obligés de reprendre une activité informelle. Ainsi, un jeune père de famille qui s’employait
comme maçon à Marrakech déclare « j’étais obligé de travailler, je n’ai même pas de quoi acheter les
couches pour ma fille, je dois également aider mes parents et mes 3 sœurs ». Les 1000 MAD d’aide Tadamon,
correspondant à son ménage de trois personnes, sont insuffisants pour subvenir à sa famille proche car

137
son père n’a reçu aucune aide et donc il doit prendre en charge 5 autres personnes. C’est donc son frère
qui lui a prêté 1500 MAD pour développer une activité de marchand ambulant. Il a dû faire face aux forces
de l’ordre à plusieurs reprises qui ont confisqué sa balance à deux reprises pour non-respect du
confinement (l’objet a une valeur de 500 MAD).

L’aide sociale d’urgence vient renforcer les inégalités de genre car les jeunes femmes qui vivent
pourtant séparées de leur famille sont parfois considérées comme toujours rattachées au ménage parental
même si ce sont elles qui le font vivre. Ainsi, une jeune serveuse de Tanger, dont la famille est à Sefrou se
retrouve sans ressources et peut difficilement payer son loyer à Tanger. C’est son père qui a bénéficié du
RAMED.

Enfin, il apparaît aussi des comportements de refus de demande de l’aide sociale. Ainsi, un
diplômé chômeur de Tarjijt, pourtant bénéficiaire du RAMED, déclare ne pas avoir entamé la démarche de
demande d’aide sociale car se considérant comme à l’abri du besoin et finalement préférant que l’aide
parvienne à des plus pauvres que lui.

DES REVENUS FAMILIAUX EN FORTE BAISSE

Au sein de notre échantillon, 75% des NEET qui avaient repris une activité entre 2019 et 2020
n’ont pas conservé leur emploi ou n’ont pas bénéficié de l’aide sociale. Ils se sont retrouvés donc
dépendants de leurs parents qui eux-mêmes pouvaient être fortement impactés par l’arrêt de l’activité
économique. Parmi les enquêtés, la première source de revenu a été l’aide sociale d’urgence pour 50%
d’entre eux. Les jeunes déclarant être issus de familles disposant de revenus importants (père
entrepreneur ou fonctionnaire) qui n’ont pas été affectés par le confinement (maintien du salaire,
paiement de la retraite) sont très peu nombreux.

Au sein de la famille, dans 80% des cas ce sont les hommes et tout particulièrement les pères de
famille qui ont bénéficié de l’aide sociale. Cependant, plus d’un tiers ont dû entamer des recours car
n’ayant rien reçu. Les femmes représentent seulement 20% des bénéficiaires directes. Parmi ces femmes
qui ont bénéficié de l’aide sociale, figurent les veuves qui étaient déjà enregistrées et qui ont donc été
parmi les premières à recevoir l’aide sociale et tout particulièrement celles ayant encore des enfants
mineurs à charge car inscrites dans le programme DAAM. Ensuite, il apparaît le cas de certaines femmes
qui sont déclarées comme chefs de ménages car exerçant un emploi alors que leurs époux sont au
chômage depuis de nombreuses années comme dans le cas d’une famille à Oujda où la mère exerce la
profession de femme de ménage. En revanche, cela semble plus compliqué pour les femmes divorcées.
Ainsi, à Dar Chafaï, un jeune homme précise que son père qui vit à Berrechid avec sa nouvelle épouse a
obtenu l’aide sociale d’urgence, alors que sa mère qui vit seule avec ces fils n’a pas reçu de réponse
favorable.

Cependant, les jeunes déclarent aussi que les pères essuient davantage de refus qu’ils soient
enregistrés au RAMED ou qu’ils aient entamé une démarche Tadamon. Plusieurs familles ont donc entamé
des recours dont certains ont aboutis positivement. Certaines familles se sont retrouvées dans des
situations particulières. Ainsi, une jeune femme de Missour rapporte que son père a changé d’employeur
en février 2020 sans que son dossier CNSS soit correctement transféré d’une entreprise à l’autre. Il s’est
donc trouvé brutalement sans ressources sans que le dispositif d’indemnité CNSS ne soit mis en œuvre. La
famille a donc survécu grâce au soutien de sa sœur qui a obtenu une aide RAMED.

Pour les jeunes NEET qui avaient retrouvé un emploi, la situation est souvent difficile, car habitué
à contribuer aux dépenses familiales ou souhaitant s’émanciper de la famille, surtout pour les hommes.
Ainsi, un jeune à Dar Chafaï déclare : « Aujourd’hui, avec mon âge, je ne peux plus accepter de recevoir de
l’argent de mon père. Je devrais penser à me marier donc tu imagines demander de l’argent ! ».

138
De nombreux jeunes actifs apportaient un complément de revenu à la famille, celui-ci varie entre
800 dhs et 4000 dhs selon le genre, l’âge, le niveau de diplôme. Cette perte de revenu non compensée par
l’aide sociale qui est l’apanage du chef de famille accroit les difficultés des ménages les plus fragiles. Ainsi
à Oujda, une jeune fille au chômage rapporte que seul son père a bénéficié de l’aide sociale liée au RAMED,
alors qu’ils sont dix personnes à vivre dans la même maison. Les conditions de vie sont donc
particulièrement difficiles durant le confinement.

Au final l’aide sociale d’urgence n’a pas compensé les inégalités entre les ménages, elle les a
renouvelées selon de nouveaux critères peut compréhensibles, certaines familles étant identifiées comme
un seul ménage alors qu’elle comprend plusieurs générations d’actifs alors que d’autres ont été
considérées comme plusieurs ménages. Dans ce contexte, les exclus ont développé un profond sentiment
d’injustice. Enfin, pour les familles nombreuses ou élargies, l’aide sociale d’urgence était totalement
insuffisante. Même bénéficiaire, certains ménages ont basculé dans l’extrême pauvreté disposant parfois
de moins de 5 MAD par jour et par personne.

LE CHOIX DU LIEU DE CONFINEMENT, DES STRATEGIES DIFFERENTES EN FONCTION


DES STRATEGIES D’EMPLOIS

La grande majorité des jeunes NEET enquêtés a passé le confinement au sein de sa famille. Les
rares à se retrouver isolés sont ceux qui disposaient d’un emploi de longue durée dans une grande ville
comme Tanger, Marrakech, Dakhla ou Casablanca.

A l’annonce du confinement, nombreux sont ceux qui ont rejoint leur famille notamment ceux qui
ont vu leur emploi ou leur formation s’arrêter avant l’interdiction de déplacement. Il apparaît alors un
mouvement des grandes villes vers des villes moyennes (comme de Marrakech vers Amizmiz, El Kelaa des
Sgharna mais aussi El Jadida ; ou de Fès vers Moulay Yacoub) mais aussi vers les campagnes (Rahamna,
Dar Chafaï, Imintala, Tarjijt, Iqqadar). Les jeunes privilégient souvent le retour chez leurs parents mais
certains sont confinés chez des tantes, avec lesquelles ils ont une relation privilégiée, pour bénéficier d’un
cadre plus agréable soit sur décision de leurs parents (un jeune mineur en formation menuiserie
aluminium à Tétouan sur décision de son père chauffeur de Taxi a été confinée à la campagne chez sa
tante), soit de leur propre chef (une jeune femme d’Amizmiz au chômage).

D’autres, des jeunes filles, ont préféré se confiner dans des grandes villes pour rechercher un
emploi plus rapidement. Ainsi, une jeune fille de Sidi Ifni s’est déplacée à Guelmim dans sa famille proche.
Une autre de Chefchaouen, s’est rendu à Salé. De même, une jeune fille originaire d’Ahfir s’était déplacée à
Berkane pour chercher un emploi, puis au moment du confinement, elle s’est rendue chez sa sœur à Fès,
toujours dans l’espoir de pouvoir trouver un emploi le plus rapidement possible.

Ces mobilités ont donc révélé des stratégies divergentes entre ceux qui ont privilégié le confort du
confinement auprès des proches et ceux qui ont anticipé la fin du confinement et la reprise des activités
économiques. Dans ce contexte, les grandes villes ont été considérées tantôt comme répulsives, tantôt
comme attractives. Maintenant, ces choix étaient de véritables paris sur l’avenir car l’évolution de la
pandémie et les mesures spécifiques selon la rapidité de la diffusion du SARS-CoV-2 ont contrarié de
nombreux projets.

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UN QUOTIDIEN CONFINE DIFFEREMMENT RESSENTI SELON LES CONFIGURATIONS
FAMILIALES

La vie durant le confinement est différemment ressentie selon les jeunes et les familles. Certains
jeunes, très minoritaires ont particulièrement apprécié le confinement. Ainsi, un jeune homme de
Guelmim, NEET hédoniste par choix, car issu d’une famille aisée, s’est confiné à la plage au sud de Sidi Ifni
avec des amis étrangers, vivant alors très librement de toute contrainte sociale, qualifiant même sa
situation de paradisiaque. Dans un tout autre contexte, une jeune fille de Missour inscrite à l’ISTA déclare
« nous vivons le confinement dans la joie et la bonne humeur, nous sommes heureux et souriants d’être tous
ensemble réunis ».

Ce vécu est donc très dépendant de la situation juste avant le confinement. Ainsi, les jeunes
femmes au chômage vivant chez leurs parents ou les jeunes épouses déclarent que le confinement n’a rien
changé pour elles, car elles vivaient déjà confinées. Ainsi, les jeunes femmes vivant en milieu rural mettent
en avant que le fait que le confinement n’est pas aussi strict qu’en ville, après avoir occupé leur matinée
aux tâches ménagères, elles se retrouvent en fin d’après-midi pour échanger et discuter auprès des
sources. Donc, le confinement n’a aucunement modifié leur emploi du temps quotidien. Pour celles qui
vivent en ville, notamment celles qui venaient de se marier en 2019, elles déclarent ne pas avoir l’habitude
de sortir de leur domicile en temps normal. Ainsi, une jeune femme d’Imintala désormais mariée à
Marrakech depuis l’automne 2019, n’avait toujours pas visité la ville et n’était toujours pas revenue voir sa
famille au village. Il en est de même pour une autre jeune femme issue du même village mariée à
Casablanca.

Pour les jeunes actifs, la situation est beaucoup plus difficile, car le manque de perspectives et
l’attente prolongée est difficile à vivre. En milieu rural, certains peuvent s’occuper en participant aux
activités productives mais en milieu urbain c’est beaucoup plus difficile et donc ils dénoncent un long
désœuvrement surtout dans les villes qui ont été marquées par un prolongement du confinement de
plusieurs semaines. Ainsi, une jeune fille originaire de Chefchaouen, confinée à Salé alors qu’elle cherchait
un emploi, explique que les journées sont très longues car elle n’a rien à faire.

LE SOUTIEN SCOLAIRE AUX PLUS JEUNES : UNE ACTIVITE IMPORTANTE

Au sein des familles, la question de l’éducation des plus jeunes est devenue centrale du fait des
injonctions gouvernementales à poursuivre les cours à distance. Les NEET confinés ont beaucoup
participé au suivi éducatif de leurs frères et sœurs surtout lorsqu’ils ont un niveau d’étude inférieur au
leur. Ils déclarent les aider à suivre les cours à distance, d’autant plus facilement qu’ils n’ont aucune autre
occupation.

Ils ont un regard très critique de la mise en place des cours à distance. Les moyens matériels sont
primordiaux. La présence d’un ou plusieurs Smartphones au sein du ménage, une connexion wifi ou un
abonnement s’avèrent indispensables. Le suivi à travers la seule télévision est considéré comme très
difficile et se traduit par un décrochage rapide. Ainsi à Oujda, une fille déclare « mes deux frères suivent les
cours à la télévision mais ils ne comprennent rien », à Al Angad, une autre déclare « ma sœur suit les cours à
la télévision mais c’est très irrégulier », à Ahfir, une autre jeune fille rapporte « ma sœur suit les cours à
distance à la télévision mais elle a arrêté », une autre jeune fille d’Ahfir déclare aider son petit frère mais
comme ils n’ont pas Internet, ils ont perdu tout contact avec son professeur. A El Jadida, un jeune homme
observe que son frère et ses cousins ne suivaient pas correctement les cours à distance car ils ne sont pas
sous la pression des enseignants. A Ben Guerir, un autre jeune homme observe que son frère ne suit pas
plus d’une heure de cours par jour et se plein de problèmes récurrents de compréhension.

Globalement, les jeunes déclarent : « cela ne marche pas » ; « cela n’est pas une bonne affaire ».
L’absence de Smartphone, le manque d’argent pour les recharges se traduisent alors par des difficultés

140
accrues et mènent souvent à l’abandon. Dans les communes rurales, l’abandon a été assez rapide : un
jeune déclare « Avec les professeurs, c’est uniquement la première semaine, après cela il n’y avait plus de
contact avec eux. A Dar Chafaï, c’est uniquement 2% qui ont suivi les cours. »

Ensuite, l’annulation des examens de fin de cycle primaire et de fin de cycle collégial a amené à un
fort décrochage au fil des semaines. Les cours à distance sont donc majoritairement décriés exception faite
de quelques familles où des adultes sont des diplômés du supérieur ou des enseignants à même
d’accompagner les jeunes. Ainsi, dans une famille de Ben Guerir, c’est la grande sœur, qui est à la base une
enseignante, qui encadre ses trois sœurs cadettes.

Les cours à distance ont donc fortement renforcé les inégalités socio-territoriales préexistantes.
Localement des politiques publiques correctives ont permis d’améliorer la situation. Dans ce sens, un
jeune diplômé qui vend des produits ménagers et des produits cosmétiques à Guelmim précise que son
frère suit les cours à distance grâce à une tablette qui a été fournie par la commune, cette dernière ayant
distribué des tablettes aux familles les plus pauvres.

LE DIFFICILE ACCOMPAGNEMENT MEDICAL DES PROCHES

Après la question de l’éducation, celle de la santé s’est posée avec acuité, non pas du fait de
contamination au SARS-CoV-2 mais du fait d’autres pathologies ou maladies chroniques. Là encore, au sein
de la famille de nombreux NEET ont joué un rôle clé dans l’accompagnement des personnes malades. Or,
la question de l’accès aux soins est aggravée par le confinement. Si les NEET enquêtés se déclarent en
bonne santé, en revanche plusieurs ont des proches qui nécessitent des soins réguliers. Au sein de notre
échantillon, un seul jeune a déclaré avoir des problèmes de santé important. Diabétique résidant à Had
Soualem, il a eu beaucoup de mal à se faire suivre étant donné qu’il devait se déplacer soit à Berrechid, soit
à Casablanca. Cette situation est aussi décrite, cette fois-ci à Tarjijt, pour la sœur d’un des enquêtés, elle est
aussi diabétique, et doit se rendre régulièrement à Guelmim pour sa dialyse à une heure de route. Au
début, cela s’est avéré difficile jusqu’à ce qu’elle soit prise en charge par une association. Dans le cas des
maladies chroniques, progressivement le système de santé s’est ajusté à la situation.

En revanche, pour les nouveaux malades, cela a été souvent plus compliqué. Ainsi, un jeune de
Missour a une sœur atteinte d’une maladie grave très invalidante, mais le diagnostic n’est pas
correctement établi, elle n’a pas été acceptée à l’hôpital et doit donc suivre un traitement à domicile sans
amélioration de son état. Une jeune femme, elle aussi résidente à Missour met en avant les difficultés de
déplacement pour les personnes atteintes de maladies graves qui ne peuvent être prise en charge qu’à Fès.
Cette situation est partagée par plusieurs jeunes dont la famille vit loin des structures hospitalières.
Certains hésitent à se déplacer car les hôpitaux sont trop éloignés comme le note un jeune de Dar Chafaï.
En cas d’urgence, la prise en charge peut être particulièrement coûteuse. Ainsi, un jeune mineur à Ahl
Angad rapporte que son frère a été atteint d’une très forte fièvre durant le confinement. La famille
pourtant très modeste, le père ayant bénéficié de l’aide sociale RAMED, a dû débourser 600 MAD de frais
d’ambulance pour le transporter à Oujda. Ensuite, certains jeunes se plaignent de ne pas pouvoir
accompagner des proches parfois très fragiles. Ainsi, toujours à Alh Angad, une jeune fille dont le père
souffre d’une maladie cardiaque dénonce l’interdiction de l’accompagner à l’hôpital.

L’accès à la santé en période de confinement et d’urgence sanitaire a donc été une source
d’angoisses supplémentaires, les ménages rencontrant d’importantes difficultés. Si les dispositifs de prise
en charge de certaines maladies chroniques comme le diabète se sont rapidement adaptés, les autres
pathologies ont été très différemment traitées amenant à des retards de prise en charge et de soins
accentuant la situation d’incertitude.

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LA FRACTURE NUMERIQUE COMME PRINCIPALE FRACTURE SOCIALE

Le confinement a accéléré le basculement vers les dispositifs numériques. Dans ce contexte, la


téléphonie mobile a pris une dimension sans précédent dans la vie des jeunes NEET. Si elle est devenue
indispensable pour pouvoir suivre les cours pour les rares jeunes qui avaient repris leurs études, elle joue
un rôle essentiel parmi les NEET pour maintenir les liens avec leurs proches dont ils sont séparés, mais
aussi pour se divertir. Or, le coût de connexion est devenu très élevé avec la fermeture des cafés où de
nombreux NEET accédaient au wifi gratuitement. Les foyers n’ayant pas accès au wifi grâce à un
abonnement sont donc fortement pénalisés. Les NEET perdent alors toute connexion. Or la fracture
numérique a un impact très fort sur la poursuite d’études de leurs frères et sœurs plus jeunes, créant un
profond sentiment d’injustice comme mont ré précédemment.

Le coût de connexion est de 10 MAD par heure de visionnage de vidéo (1Go) soit un budget de 10
à 20 MAD par jour de recharge pour les jeunes qui souhaitent accéder aux plateformes de vidéos en ligne
comme Youtube. La question des recharges Internet devient centrale surtout pour les ménages les plus
modestes non bancarisés ou les plus isolés qui ne peuvent se permettre de disposer d’un abonnement.

Beaucoup de NEET se sont tournés vers des solutions moins onéreuses comme le forfait « *6 »
proposé par un opérateur, pour ses clients prépayés pour bénéficier d’une connexion illimitée vers
WhatsApp, Facebook, Instagram et Snapchat durant 30 jours. Ces jeunes se sont alors organisés pour
pouvoir suivre des vidéos via les réseaux sociaux. Ainsi, des films, des séries, des matchs de football, ont
été diffusés via des groupes Facebook.

Par ailleurs, des ménages ont fait preuve de solidarité de voisinage mettant à disposition le wifi
familial pour leur voisin. Enfin, au sein du ménage, les NEET les mieux équipés ont mis leur téléphone au
service de l’éducation de leurs frères et sœurs.

L’accès au numérique était donc très dépendant de la situation financière des ménages avant le
confinement. Ainsi, les ménages les plus pauvres n’ont aucunement pu investir dans l’équipement et les
forfaits nécessaires alors que leurs revenus s’effondraient. Certains NEET se sont sentis coupés des
réseaux de sociabilité qui se recréaient via les réseaux sociaux.

6-3- DES PROJETS SUSPENDUS MAIS UN DESIR DE LES REPRENDRE RAPIDEMENT

Le confinement a suspendu toute possibilité de projet complexe et a créé beaucoup d’incertitudes sur
les projets en cours. Cependant, les NEET ont souhaité reprendre leurs projets le plus rapidement
possible. Le confinement apparaît donc comme une parenthèse. Certains se sont même préparés durant le
confinement pour débuter leur projet dès l’autorisation accordée par les autorités. Ainsi, dès la fin du
confinement, un jeune à Ben Guerir a ouvert un cybercafé, lui-même ayant travaillé dans un cybercafé en
2019, cependant, il reconnaît que « c’est le démarrage, les clients sont rares. C’est un quartier populaires les
gens sont économiquement très touchés. »

Pour les quelques jeunes en poursuite d’étude, pour certains l’avenir est conditionné à la réussite de
leurs examens notamment pour les candidats libres au baccalauréat. Pour d’autres, inscrits dans un cycle
de formation sur deux ou trois ans (première année ISTA, première année de licence), la situation apparaît
plus stable même s’ils s’inquiètent sur les modalités de validation de leur première année. D’autres
encore, souhaitent trouver un emploi en parallèle pour financer leurs études comme un jeune Marrakchi
en première année de droit. En effet, l’absence de ressources financières pénalise fortement leur projet de
formation.

Pour les jeunes en recherche active d’emploi, il s’agit de retrouver un emploi le plus rapidement
possible. Certains se sont déplacés au moment de la déclaration du confinement dans les grandes villes les
plus dynamiques pour saisir les premières opportunités de retravailler. Les diplômés souhaitent aussi

142
reprendre la recherche active d’emploi par l’envoi de CV et le démarchage des entreprises. Ils souhaitent
faire valoir leur diplôme ou leurs compétences et ont peur que le confinement accroisse la dévalorisation
de leur formation.

Les autres projets plus ambitieux qui nécessitent plus d’investissement les amène à relancer des
démarches administratives de recherche de financement. Certains NEET évoquent les possibilités de
financement dédiés aux jeunes chômeurs soit par des mécanismes collectifs pour créer des coopératives
ou des projets INDH. D’autres sont à la recherche de financements individuels pour accéder à un fonds de
commerce pour la coiffure ou la vente au détail. Cependant, ils restent mal informés sur les opportunités
offertes par les politiques publiques de relance et ne citent pas les nouveaux dispositifs de financement
qui sont dédiés aux entreprises déjà créées avant le confinement.

Pour ceux qui ont un besoin très pressant d’argent, il s’agit de chercher les solutions les plus
rapides dans le petit commerce informel. Ainsi, un jeune de Dar Chafaï déclare : « Je vais aller à Derb Sultan
et travailler dans le commerce (des vêtements). J’ai contacté des gens à Casa pour voir s’il y a une
opportunité. Si quelqu’un a besoin d’un vendeur, sinon pour mon compte (il vise la vente par ferracha, à
l’étalage). Avant le confinement, il y avait un souk le mercredi et le samedi, tu peux travailler faire de bonnes
affaires, mais maintenant, c’est incertain et ce n’est pas encore clair. ».

Il est frappant de souligner que tous ces NEET se déclarent optimistes car ils font partie de la
catégorie des NEET qui étaient les plus proches du marché de l’emploi. En effet, comme expliqué en
introduction, au sein de notre échantillon, les jeunes NEET les plus vulnérables et en rupture avec les
institutions n’ont pas pas pu être recontactés par téléphone.

6-4- LE CONFINEMENT COMME RENFORCEMENT DES INEGALITES SOCIO-


TERRITORIALES

Le confinement est venu renforcer les inégalités socio-territoriales préexistantes comme cela a
été démontré par les études quantitatives du HCP 11. Les NEET ont donc été particulièrement affectés selon
leur situation avant le confinement. Ainsi, les jeunes qui ont accédé à un emploi réglementaire entre 2019
ou 2020 ou à une formation supérieure de qualité ont été peu affectés. En revanche, ceux qui étaient dans
des situations précaires d’emplois informels ou de reprise d’étude non sélective ou de formation non
étatique ont été plus durement impactés. Enfin, ceux qui étaient restés NEET ont vu leur situation
inchangée.

11HCP, 2020, Répercussions de la pandémie covid-19 sur la situation économique des ménages / 2ème Panel
sur l’impact du coronavirus sur la situation économique, sociale et psychologique des ménage, 19 p.
https://www.hcp.ma/Repercussions-de-la-pandemie-covid-19-sur-la-situation-economique-des-
menages_a2574.html

143
Tableau 16 : Récapitulatif des trajectoires de 153 NEET enquêtés de 2019 jusqu’en juin 2020

2019 De 2019 à 2020 % Confinement


NEET NEET 30 NEET

NEET (avec phase de bricolage) 20 NEET (phase de bricolage)

Formation professionnelle informelle 20 NEET

Emploi informel 17 NEET

Activité réduite ou occasionnelle


Emploi formel 5 Emploi
Indemnité CNSS
Reprise d’étude ou de formation professionnelle 8 Poursuite d’étude ou attente de la
reprise de formation professionnelle

Il est aussi possible de distinguer les effets du confinement selon les profils de NEET mis en avant
dans la partie 2.

Les jeunes femmes au foyer et tout particulièrement celles issues du milieu rural ont été très
faiblement impactées. Elles sont restées dépendantes de leurs familles et ont maintenu des activités
quotidiennes au profit du ménage. Celles qui souhaitaient développer des projets ont vu leurs velléités
contrariées tandis que d’autres ont confirmé leur désir de se marier pour fonder leur propre foyer. Elles
déclarent ne pas avoir connu de changement dans leur quotidien sauf pour celles qui se sont retrouvées
dans des ménages particulièrement appauvris.

Les NEET qui sont à la recherche active d’emploi, qu’ils soient des jeunes ruraux en circulation ou
des jeunes urbains, ont été ceux qui ont finalement été les plus touchés. En effet, nombre d’entre eux
avaient trouvé un emploi entre 2019 et 2020 et donc ont très mal vécu l’absence de revenus et surtout
leur dépendance vis-à-vis de leurs proches, alors qu’ils étaient dans une démarche d’émancipation. L’aide
sociale d’urgence a été accordée à une minorité d’entre eux et a rarement compensé leur perte de revenus.
Ils supportent difficilement l’inactivité imposée. Ils constituent la catégorie la plus mobilisée pour
reprendre une activité mais aussi qui peut éprouver le plus grand sentiment d’injustice à rester dans une
situation de chômage forcé prolongé.

Les NEET qui étaient en phase d’élaboration d’un projet leur permettant d’accéder à de meilleures
opportunités ont été relativement impactés par le confinement. Leur projet s’est retrouvé plus ou moins
retardé selon sa nature, sans que ces jeunes soient affectés dans leur niveau de vie.

Les NEET par choix hédonistes apparaissent comme très peu impactés. En effet, cette minorité
très favorisée a conservé des niveaux de revenus élevés et des conditions de vie agréables. Certains ont
même pu continuer à développer leurs passions comme les sports nautiques en se confinant loin des
agglomérations.

144
Enfin, les NEET découragés ayant un mode de vie désynchronisé avec la société ont été très peu
nombreux à pouvoir être enquêtés durant le confinement. Les quelques cas interrogés vivent le
confinement comme une nouvelle épreuve psychologique qui accroît leur désarroi surtout pour ceux qui
ont de multiples addictions. Ils sont à même de développer des comportements plus agressifs du fait de
l’absence totale de structure collective leur permettant de prendre en charge leur désarroi.

Le confinement a aussi révélé l’importance de la fracture numérique et du surcoût financier que


représente la fermeture des lieux de connexion collective que sont les cafés notamment. Les offres des
opérateurs sont insuffisantes et sont aussi inaccessibles aux plus pauvres qui ne sont de toute manière pas
équipé de Smartphones.

Enfin, malgré l’inquiétude durant le confinement, notamment pour ceux en reprise d’étude ou de
formation, les NEET restent majoritairement projetés vers l’avenir et souhaitent la reprise rapide de leurs
projets. Le confinement a donc été vécu comme une parenthèse. La rapidité et l’ampleur de leur retour à
l’emploi ou aux études seront donc déterminantes pour réduire l’effet cicatrice. Pour les plus
entreprenants, les dispositifs de relance dédiés doivent être davantage mis en avant pour permettre à
ceux qui souhaitent miser sur l’auto-entrepreneuriat et développer leur projet dans des délais plus courts.
Enfin, des dispositifs d’aide à l’emploi des jeunes sont aussi à même de répondre à leurs attentes.

145
PARTIE 3 : RECOMMANDATIONS

Nous choisissons volontairement ici de cibler en priorité des politiques et des actions à même
d’avoir un impact sur la situation des jeunes et de réduire drastiquement le nombre de NEET de
longue durée. Pour cela, elles viennent corriger des obstacles rencontrés de façon récurrente par
les jeunes NEET. L’observation nécessite d’envisager une intervention précoce dès l’âge de 15
ans notamment car cet âge apparaît comme charnière.

Certaines politiques doivent concerner tous les jeunes et non faire l’objet d’un éventuel ciblage
car en effet, une écrasante majorité des jeunes marocains est susceptible de devenir NEET. Il
s’agit donc d’offrir des politiques de jeunesse préventives qui sont à même de réduire très
fortement le hiatus entre formation initiale et intégration professionnelle.

POLITIQUE 1 : UNE GARANTIE JEUNESSE ARTICULEE A UN REGISTRE NATIONAL


DES JEUNES ET UNE CARTE JEUNE PORTEE PAR LE MINISTERE DE LA JEUNESSE

ACTION 1 : UNE CARTE JEUNE

Il apparaît indispensable de rétablir le lien entre institutions et jeunes marocains


notamment par un suivi des jeunes marocains pour développer une garantie jeune, selon
le principe d’une carte jeune de 15 à 24 ans permettant à la fois de déployer des
politiques ciblées et un suivi des jeunes marocains. Cette carte jeune doit être articulée à
la nouvelle carte d’identité nationale et au registre social unifié qui permettra d’associer
à la carte des services spécifiques qui sont détaillés si après. Cette carte jeune visera
alors à doter le RSU d’une composante jeunesse associant protection sociale et
intervention spécifique. Le portage par le RSU permettra ainsi d’éviter les phénomènes
de rupture à 25 ans.

Du fait de l’importance de cette carte, les données collectées seront étroitement


contrôlées par la Commission Nationale de Contrôle de Protection des Données à
Caractère Personnel (CNDP)

ACTION 2 : PORTE MONNAIE DIGITAL ET UN PASS TRANSPORT COLLECTIF

Cette carte jeune pourra ainsi être associée à un porte-monnaie digital permettant aux
jeunes de disposer d’un moyen de paiement notamment pour les transports collectifs et
de garantir leur mobilité. Il s’agit de mettre en place un système d’abonnement
permettant un accès gratuit aux transports publics (bus, train, tramway) pour réduire
fortement le coût de déplacement des jeunes. Par ailleurs, le dispositif de porte-monnaie
digital peut permettre aussi aux opérateurs d’y associer des aides monétaires
temporaires notamment pour des profils particulièrement vulnérables : les jeunes dans
l’obligation de quitter les établissements de protection sociale, les jeunes mères
célibataires.

146
ACTION 3 : CARTE LIEE A UN NUMERO DE TELEPHONE MOBILE POUR UNE
JEUNESSE CONNECTEE

Cette carte sera liée à un numéro de téléphone portable permettant aux jeunes de rester
connectés et de recevoir des offres de formation, de stage ou d’emploi. Les trois
opérateurs téléphoniques sont à même de prendre un engagement fort vis-à-vis de la
jeunesse comme cela a été fait lors de la crise liée au SARS-CoV-2. Ils peuvent rendre
accessible gratuitement des plateformes dédiées à la formation en ligne mais surtout aux
offres de formation, de stage et d’emploi. A défaut de disposer d’un numéro de téléphone
portable permanent, les jeunes pourraient se connecter via le dispositif de la nouvelle
CIN depuis n’importe quel terminal assurant un accès à Internet.

ACTION 4 : UNE GARANTIE JEUNESSE BASEE SUR L’ORIENTATION ET LA


FORMATION

Tous les jeunes doivent bénéficier d’un véritable entretien d’écoute et d’orientation à
l’âge de 15 ans. Cet entretien obligatoire permettra alors d’identifier les décrocheurs
précoces mais aussi les jeunes en grande difficulté. Il permettra de mettre en place des
mesures correctrices notamment en associant un dispositif d’aide sociale et de formation
adapté.

Ce premier entretien permettra d’établir un plan de suivi en utilisant les moyens


numériques en place. En cas de décrochage scolaire ou d’inactivité prolongée de plus de
3 mois, une formation ou un stage doit être proposé pour éviter les effets cicatrices et le
basculement dans un mode de vie désynchronisé.

ACTION 5 : UN CENTRE D’APPEL DEDIE A LA JEUNESSE

Enfin, il apparaît nécessaire de développer des centres d’écoute sous l’autorité du


ministère de la Jeunesse et tout particulièrement un centre d’appels directs et gratuits
pour permettre d’écouter les jeunes en difficulté. Ce centre d’écoute disposera de deux
spécialités : le conseil en orientation pour proposer au jeune des solutions de formation
adaptée à sa situation et accessible dans sa province ; une cellule d’accompagnement
psychologique avec des professionnels.

En cas de difficulté importante, les professionnels seront à même de mobiliser les


opérateurs compétents pour permettre d’accompagner le jeune.

ACTION 6 : UN SUIVI ET UNE EVALUATION REGULIERE

Ce dispositif permettra d’évaluer l’impact des politiques de jeunesse et d’organiser des


modalités d’actions adaptées aux contextes localisés.

En effet, les pouvoirs publics et tout particulièrement le ministère de la Jeunesse


disposeront alors d’une très importante base de données régulièrement actualisée
permettant de mieux suivre la situation des jeunes et tout particulièrement des NEET et
ainsi de pouvoir réagir en mettant en œuvre des politiques correctrices.

147
Le suivi et l’évaluation apparaissent comme indispensables pour corriger la situation
actuelle où de nombreuses politiques ciblant les jeunes sont peu ou pas évaluées.

POLITIQUE 2 : INTEGRATION ECONOMIQUEMENT ET POLITIQUEMENT LES JEUNES

ACTION 7 : UNE IMPLICATION FORTE DES PARTENAIRES ECONOMIQUES VIA LES


ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES ET PATRONALES

Les organisations professionnelles et patronales doivent développer un plan de


formation et d’intégration des jeunes pour favoriser l’apprentissage, les stages et
l’alternance.

Chaque chambre professionnelle et chaque section régionale de la CGEM doit à l’échelle


régionale définir un programme d’intégration des jeunes dans l’entreprises en
partenariat avec les institutions spécialisées dans le respect des conventions nationales
et internationales sur la protection des mineurs. Ce programme se décline selon l’âge et
le niveau de compétence des jeunes. Il commence à partir de l’âge de 15 ans par des
moments de sensibilisation et d’observation du monde professionnel et se poursuit
jusqu’à 24 ans par l’acquisition de compétences spécifiques. La gradation de l’intégration
à l’entreprise se fait dans le respect des chartes internationales. Elle cible en priorité les
besoins spécifiques identifiés par les professionnels chaque année pour accompagner les
besoins et l’émergence des nouveaux métiers. Les périodes longues sont validées et
certifiées par l’OFPPT dans un cadre bac professionnel, technicien, cadre (licence
professionnelle et master professionnel) par des cours de remise à niveau en
compétences génériques de type « life skills » mais aussi des formations ciblées selon les
métiers.

Ce dispositif doit aussi intégrer l’université afin de générer des passerelles entre les
formations universitaires et les formations professionnelles en apprentissage ou en
alternance.

Ce dispositif doit être accompagné d’une indemnité de 1000 MAD par mois dès l’âge de
15 ans afin d’éviter le travail précoce dans des conditions de pénibilité forte. Elle doit
aussi ouvrir à une couverture médicale dans le cadre du RSU avec un accès à l’AMO.

ACTION 8 : UN DISPOSITIF DE CREATION DE TPE POUR LES JEUNES ASSOCIANT


PRET D’HONNEUR ET FORMATION CONTINUE

Dans le cadre des nouvelles politiques de l’INDH, le soutien à la création de TPE à faible
capital initial. Les jeunes bénéficient d’un prêt d’honneur dans le cadre du lancement
d’une activité avec un programme d’accompagnement et de suivi et des cessions de
formation hebdomadaires indemnisées à hauteur de 50 MAD par demi-journée. Ces
sessions hebdomadaires permettent l’apprentissage de compétences complémentaires
soit en « life skills » soit en compétences spécifiques dédiées au développement de
l’activité (comptabilité, gestion, marketing, vente).

148
Le remboursement du prêt d’honneur permet d’ouvrir l’accès à d’autres jeunes au
dispositif. Le dispositif est piloté à l’échelle locale (provincial ou préfectoral).

Les jeunes sont accompagnées sur deux années.

La dynamique collective permet aussi de créer des synergies économiques entre les
bénéficiaires et une dynamique de solidarité localisée.

L’indemnisation des sessions hebdomadaires permet aux jeunes de conserver un petit


revenu complémentaire en parallèle de leur activité principale et ainsi de mieux inscrire
leur projet dans la durée.

ACTION 9 : LE DEVELOPPEMENT DES STRUCTURES DE JEU NESSE AVEC UNE


GOUVERNANCE PARTICIPATIVE

La création de comités de quartier des jeunes à parité (50% de femmes et 50%


d’hommes) permettant de débattre des besoins et des actions pour l’amélioration de
l’environnement de proximité selon la dynamique de la démocratie participative avec un
budget dédié pour les actions de proximité. Annuellement, les communes doivent établir
un plan d’action jeunesse avec les représentants de chaque comité. A la fin de chaque
année, les élus avec les représentants de chaque comité en session plénière font le bilan
du plan d’action jeunesse.

149
POLITIQUE 3 : REDUIRE DRASTIQUEMENT LE NOMBRE DE JEUNES NEET RURAUX

ACTION 10 : DEUX CURRICULA DELOC ALISES POUR LES JEUNES RURAUX


DECROCHEURS

Mobiliser dans le cadre de l’INDH, les nombreux locaux sous-exploités et sous-équipés


construits durant les dix dernières années pour développer des formations dédiées aux
jeunes décrocheurs en milieu rural selon un principe de formation délocalisée. Il s’agirait
alors de pouvoir implanter des écoles de la deuxième chance de seconde génération mais
adaptées au contexte rural.

Un premier curricula sur deux années devrait permettre aux jeunes de valider un
diplôme de secondaire collégial centré sur la mise à niveau et la construction d’un
parcours professionnel. Ce curricula articule des compétences académiques à des
compétences de savoir-être plus génériques « soft skills » et « life skills ».

Un second curricula devrait développer des formations professionnelles certifiantes


établies sur une base communautaire. Ces formations seraient pilotées à l’échelle
provinciale et déclinées dans les différentes communes rurales selon un planning de
mutualisation des moyens humains et matériels nécessaires. Les enseignements ciblant
l’acquisition de compétences professionnelles adaptées au contexte local notamment en
synergie avec les nouvelles orientations du ministère de l’Agriculture sur le
développement d’une nouvelle génération de jeunes investis dans le développement
agricole. Ils seraient accompagnés de compétences de savoir-être plus génériques « soft
skills » et « life skills ».

Ces curricula doivent être proposés aux jeunes femmes et jeunes hommes mais en tenant
compte aussi des réalités des femmes rurales selon des modalités adaptées aux
contraintes matérielles de ces femmes avec un temps de formation selon le principe de la
demi-journée (15h00 à 18h00) pour ne pas entrer en compétition avec les tâches
ménagères et aussi en étant articulés à un service de préscolaire pour les enfants de
moins de six ans pour les jeunes mères.

ACTION 11 : DEVELOPPER L’ACCES A L’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL POUR LES


JEUNES RURAUX

En développant les filières d’enseignement professionnel dans les lycées ruraux dès l’âge
de 15 ans de façon massive pour qu’elle puisse répondre aux attentes des nombreux
jeunes peu attirés par l’enseignement général.

En appuyant les initiatives des collectivités locales, de la société civile et en proposant


plus de structures d’hébergement - internat - dans les collèges et lycées ruraux.

En développant le système de transport scolaire provincial en adéquation avec la


poursuite d’étude secondaire qu’elle soit générale ou professionnelle pour suivre les
enseignements professionnels de l’OFPPT notamment. L’offre doit être articulée avec
une carte nationale de transport pour les jeunes afin de leur permettre de circuler à très
faible prix ou de recevoir des bons de transport.

150
En généralisant une bourse d’étude pour les étudiants de l’enseignement professionnel
dès l’âge de 15 ans à hauteur de 1000 MAD par mois pour éviter le décrochage précoce
pour raisons financières. En effet, les jeunes ruraux quittent généralement le cycle
collégial pour des rémunérations de 800 à 1200 MAD. Dans ce contexte, l’aide de type
Tayssir à 140 MAD par mois n’apparaît pas comme décisive pour maintenir ces derniers
à l’école.

POLITIQUE 4 : UNE POLITIQUE DE PRISE EN CHARGE DES TROUBLES DE


L’APPRENTISSAGE ET DES TROUBLES PSYCHOLOGIQUES CONJOINTE ENTRE LE
MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE ET LE MINISTERE DE LA SANTE

ACTION 12 : DIAGNOSTIQUER LES TROUBLES DE L’APPRENTISSAGE

Diagnostiquer et dépister de façon précoce les troubles spécifiques des apprentissages


de type « dys12 », qui sont durables et qui nécessitent une prise en charge adaptée pour
limiter les jeunes décrocheurs dès la première année primaire. Une cellule dédiée au sein
de la délégation provinciale du ministère de l’éducation nationale doit être crée. Elle aura
pour objectif de diagnostiquer l’ensemble des élèves de première année puis de former
le corps professoral aux pédagogies adaptées.

ACTION 13 : PRENDRE EN CHARGE LES TROUBLES PSYCHOLOGIQUES

Accompagner les jeunes pour réduire les risques de troubles psychiques notamment
dépressifs qui accentuent les risques de rupture avec toute activité par la création de
cellules d’écoute, de caravanes et de d’une ligne téléphonique gratuite en lien avec le
dispositif 5 mis en place par le ministère de la santé.

ACTION 14 : DEVELOPPER UN TISSU ASSOCIATIF SPECIALISE AUTOUR DES


QUESTIONS DES TROUBLES DE L’APPRENTISSAGE

Soutenir les associations et les organisations spécialisées dans la formation spécifique


des jeunes souffrant de troubles de l’apprentissage ou de handicap en favorisant un
déploiement régional selon des principes de cœur de réseaux avec des relais provinciaux
et des points focaux dans chaque établissement scolaire (primaire et secondaire) afin de
pouvoir disposer d’une couverture territoriale optimale.

12 Les troubles « Dys » sont les troubles cognitifs spécifiques et les troubles des apprentissages qu’ils
induisent. On regroupe ces troubles en 6 catégories :
• Les troubles spécifiques de l’acquisition du langage écrit, communément appelés dyslexie et
dysorthographie.
• Les troubles spécifiques du développement du langage oral, communément appelés dysphasie.
• Les troubles spécifiques du développement moteur et/ou des fonctions visuo-spatiales, communément
appelé dyspraxie.
• Les troubles spécifiques du développement des processus attentionnels et/ou des fonctions exécutives,
communément appelés troubles d’attention avec ou sans hyperactivité.
• Les troubles spécifiques du développement des processus mnésiques.
• Les troubles spécifiques des activités numériques, communément appelés dyscalculie.

151
ANNEXES

ANNEXE 1 : ENTRETIENS EFFECTUES DANS LE CADRE DE LA CARTOGRAPHIE DES


PARTIES PRENANTES DES PROGRAMMES

I- Institutions publiques marocaines

Chefferie du gouvernement
- Mohamed Ali Berrada, conseiller du Chef de Gouvernement
Ministère du Travail et de l’Insertion Professionnelle
- Nourredine Benkhalil, Secrétaire général
- Responsables de l’observatoire de l’emploi
ANAPEC
- M. Abdelmounaim Madani, directeur de l’ANAPEC
Office de Formation Professionnelle et Promotion du Travail
- Mme Malika Hanine, chargée de mission à la direction du développement
- M. Hojjaiji, direction de l’évaluation
Entraide Nationale
- Mme. Fatima El Haddad, chef de service
Ministère de l’Éducation, de la recherche scientifique, de la formation des cadres et de la formation
professionnelle
- M. Driss El Jounid, direction de l’éducation non-formelle, point focal pour les écoles de la 2ème
chance
Département de la Formation professionnellle
- Brahim el Himri, chef de division coopération et point focal populations vulnérables
- Mme Habiba Aïssaoui, Directrice de l’apprentissage
Ministère du Développement social
- Abdessamad Lamrani, directeur du développement social
INDH
- M. Jamaï, responsable du pilier « Amélioration du revenu et inclusion économique des jeunes »
- Jafaa el Mostad, responsables pilier « Accompagnement des personnes en situation de précarité »
Conseil Supérieur de l’Enseignement de la Formation et de la recherche scientifique
- Ali Akessabe, chef de projet
Conseil National des Droits de l’Homme
- Mohcine Hafid, chargé de mission auprès de la Présidente en charge des relations avec les ONG

II- Coopérations bilatérales ou multilatérales

UNICEF
- Mahdi Halmi, spécialiste des politiques sociales
- Karima Kessaba, chargée de programme protection de l’enfance
- Meryem Skika, chargée de programme jeunes et adolescents
- Absents : chargé de programme santé, spécialiste communication pour le développement
UNESCO (point focal coopération sur les axes jeunesses)
- Mohamed Alaoui, chef de projets
- Absent (en nomination) : expert sciences sociales (point focal actif)
PNUD
- Chafika Affaq, analyse programme gouvernance démocratiques, point focal jeunesse au PNUD
Millenium Challenge Account
- Mourad Bentahar, directeur du projet emploi
APEFE
- Benoit Stievenard, administrateur du programme « Min Ajliki »
- Othmane El Hajam, manager de projet et évaluateur
Agence Française de Développement
- Mihoub Mezouagi, directeur du bureau AFD au Maroc
- Elise Haumont, responsable des politiques sociales
Banque Africaine de Développement

152
- Aziza El Aouad, coordinatrice programme “souk el tanmia”
Union européenne (2 entretiens)
- Laetitia Graux, responsable des programmes de coopération formation-
- Hicham Rachidi, responsable du programme conjoint UNOPS-Délégation de l’Union Européenne
sur la jeunesse
Programme FORCAP – jumelage avec le Secrétariat d’Etat à la Formation Professionnelle
- Philippe Marquand, chef d’équipe du jumelage, expert en planification stratégique
- François Hebert, spécialiste curricula de formation professionnelle
- Bouchra Bourara, expert en communication et sensibilisation
Banque Mondiale
- Hind Kadiri, responsable de programme genre
- Ana Paola Filhao Lopes, responsable des programmes employabilité et entreprenariat au Maroc
Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) – 2 entretiens
- Imane Lahlou, cheffe de programme ECOWIN
- Lisa Etzold, chargée de projets, programme PEJ

III- Fondations privées ou Publiques de droit marocain, ONGs internationales

Fondation OCP
- Abdelmonim Amachraa, responsable national du portefeuille de programmes
Centre des jeunes dirigeants
- Tarik Zidi, président Marrakech
Fondation Mohammed V pour la Solidarité
- Moad Gourouhi, responsable au siège de la fondation
INSAF
- Omar Saadoun, responsable de programme
Fondation Mohamed VI pour la réinsertion des détenus
- Oussama Benseddik, chef du pôle accompagnement et réinsertion économique
Ministère Public
- Kawtar el Gaizi, magistrat
REMESS
- Abdellah SOUHIR, Président du REMESS
Association Marocaine des Chantiers écoles pour le développement (AMC)
- Oufae Rhouni BELLOUTI, présidente

153
ANNEXE 2 : LES PROGRAMMES ADRESSES ENVERS LA JEUNESSE AU MAROC PAR
POPULATION CIBLE ET INSTITUTIONS PUBLIQUES CONCERNEES.
Population cible Description du Opérateur et /ou partenaire
dispositif
• Jeunes orphelins ou Centre de protection • Entraide nationale
placés par une famille sociale de l’enfance, • Ministère de la Jeunesse et des Sports
sans moyens tutelle de l’État
économiques
• Jeunes décrocheurs de Scolarisation et Ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement
moins de 18 ans formation à travers le supérieur, de la formation des cadres et de la formation
dispositif des écoles professionnelle
de deuxième chance
• Détenus et jeunes Formation Partenariat entre :
mineurs en conflit qualifiante et • OFPPT
avec la loi diplômantes des • Fondation Mohammed VI pour la Réinsertion des
détenus Détenus
• Délégation Générale à l’Administration Pénitentiaire
et à la Réinsertion (DGAPR)
• Ministères de l’Agriculture et de l’Artisanat
• Ministère de la Jeunesse et des Sports
• Jeunes en rupture de Formation • Artisanat
scolarité (15-25 ans) professionnelle par • Agriculture
alternance dans les • Tourisme
• Jeunes ruraux CFA • Entraide Nationale
• OFPPT
• ONG

• Femmes issues de Formation • Entraide Nationale


couches sociales qualifiante pour • ONG opérateur des centres
démunies l’insertion dans les
CEF (centre de
• Jeunes filles et jeunes formation
garçons déscolarisés professionnelle) et
ou non-scolarisés les foyers féminins
• Jeunes avec problème Centre de soins et de • Fondation Mohammed V pour les œuvres sociales
d’addiction traitement des • ONG
addictions
• Jeunes du rural de 15 Formation par Partenariat entre :
à 20 ans ayant arrêté alternance • Département Formation professionnelle
scolarité au collège • Ministère de l’Agriculture
• Union Nationale des Maisons Familiales Rurales
• Ex-détenus Formation Partenariat entre :
professionnelle des • Fondation Mohammed VI pour la Réinsertion des
ex-détenus Détenus
• Délégation Générale à l’Administration Pénitentiaire
et à la Réinsertion (DGAPR)
• OFPPT
• Ministère de l’Économie et des Finances
• Ministère de l’Agriculture
• Ministère de la Pêche Maritime
• Ministère de l’Artisanat Ministère de l’Économie
Sociale et Solidaire
• Personnes en Multiples • OFPPT
Situation de handicap • Artisanat
• Entraide Nationale

154
• Santé
• Associations
• Personnes en Multiples (centres Partenariat entre :
Situation de handicap mixtes) • OFPPT
• Fondation Mohammed V pour la Solidarité
• Personnes en Préformation en Partenariat entre
Situation de handicap kinésithérapie • Fondation Med VI des Handicapés
(Centre National • Organisation Alaouite pour la promotion des
Mohammed VI des Aveugles au Maroc
Handicapés de Sala Al
Jadida)
• Personnes en Formation par Partenariat entre :
Situation de handicap apprentissage avec • DFP
l’INDH • INDH
• Associations pour la formation professionnelle des
personnes en situation de handicap (Association
Hanane à Tétouan, Association Chabiba à Oujda,
Association Assalam à Rabat)
• Personnes de + de 18 Activités génératrices • INDH
ans de revenus • Agriculture
• Artisanat
• Entraide Nationale
• Jeunes chômeurs Insertion par l’emploi • ANAPEC (pogramme Idmaj et Taehil)
diplômés, niveau BAC réglementaire
ou niveau technicien
• Jeunes chômeurs Insertion par l’emploi • Millenium Challenge Account
réglementaire par de • ONG
l’intermédiation
• Jeunes chômeurs Insertion par l’auto- • ONGs
emploi ou • Bailleurs internationaux
entreprenariat

155
ANNEXE 3 : RECAPITULATIF DES ENTRETIENS ET GROUPES DE PAROLE MENES

Entretiens individuels Groupes de parole


Femmes Hommes Femmes Hommes
Région Localité Type 15-17 18-24 15-17 18-24 15-17 18-24 15-17 18-24
Tanger- Tanger Chef-lieu de région 4 4 6 5 1 1 1 1
Tétouan-Al Tétouan Chef-lieu de province 6 6 6 6 1 1 1 1
Hoceima
Chefchaouen Centre émergent 6 6 8 5 1 1 1 1
Al Hamra Commune rurale 1 0 3 0 0 0 0 0
Oriental Oujda Chef-lieu de région 6 6 6 6 1 0 1 1
Berkane Chef-lieu de province 6 6 6 6 1 1 1 1
Ahfir Centre émergent 6 6 6 6 1 1 1 1
Ahl Angad Commune rurale 6 6 6 6 1 1 1 1
Casablanca- Casablanca Chef-lieu de région 12 12 12 12 1 1 1 1
Settat El Jadida Chef-lieu de province 6 3 7 4 1 1 1 1
Had Soualem Centre émergent 8 5 8 4 1 1 1 1
Dar Chafai Commune rurale 6 6 8 6 1 1 1 1
Fès-Meknès Fès Chef-lieu de région 6 5 8 6 1 1 1 1
Missour Chef-lieu de province 6 6 6 6 1 1 1 1
Azrou Centre émergent 6 4 7 5 1 1 1 1
Bitit/Iqqadar Commune rurale 6 6 6 6 1 0 1 1
Marrakech- Marrakech Chef-lieu de région 6 6 9 7 1 0 1 1
Safi Ben Guerir Chef-lieu de province 3 0 7 7 1 0 1 1
Amizmiz Centre émergent 8 7 6 6 1 1 1 1
Imintala Commune rurale 6 5 7 6 1 1 1 0
Guelmim- Guelmin Chef-lieu de région 6 6 6 6 1 1 1 1
Oued Noun Sidi Ifni Chef-lieu de province 6 6 6 5 1 1 1 1
Taghjijt Commune rurale 6 6 6 6 1 1 1 1
Total 23 138 123 156 132 22 18 22 21

156
ANNEXE 4 : GUIDE D’ENTRETIEN INDIVIDUEL ET QUESTIONS DE RELANCE

Consentement éclairé lu aux enquêtés :


Cette enquête a pour objectif de comprendre pourquoi certains jeunes ont des difficultés à trouver un
emploi, si certains ne sont pas finalement découragés et préfèrent rester chez eux. Les questions posées
sont parfois difficiles ou mal posées. Tu peux donc ne pas y répondre ou demander à ce qu’elles soient
expliquées à plusieurs reprises. Tu peux interrompre l’entretien quand tu le désires car l’entretien est
parfois très long et peut atteindre une heure selon les personnes. Toutes tes réponses resteront
confidentielles. Cependant, si tu réponds le plus honnêtement possible, tu nous permettras de mieux
comprendre la situation et de faire des propositions efficaces pour améliorer la situation des jeunes.
Tu pourras à tout moment contacter l’équipe pour avoir des nouvelles de l’enquête mais aussi connaître
l’avancement des travaux.
Les conclusions de l’enquête seront ensuite rendues publiques par l’ONDH.

Partie 1 : le parcours scolaire, de formation et d’emploi


Scolarisation :
Quel a été ton parcours scolaire ?
Dans quels établissements scolaires ?
Quand as-tu arrêté tes études ? Pourquoi ?
Aimais-tu aller à l’école, collège ou lycée ?
Qu’aimais-tu à l’école ?
Que n’aimais-tu pas ?
Qu’aurais-tu aimé avoir ?
Est-ce que tu pensais que l’école t’apportait quelque chose ?
L’ambiance était-elle favorable à ton épanouissement ?
Avais-tu de bonnes relations avec les professeurs ?
Avais-tu de bonnes relations avec tes camarades ?
Conseillerais-tu cette école, collège, lycée, à un ami ?
Etais-tu soutenu par ta famille pour poursuivre tes études ?
As-tu poursuivi des études universitaires ?
Si oui, où, comment, sur quelle durée et sur quelle thématique ?
Si non, pourquoi ? Voudrais-tu bénéficier d’une formation universitaire ? Sur quelle thématique ? Où ?
Est-ce que tu pensais que l’université t’apportait quelque chose ?
Qu’a représenté pour toi l’expérience universitaire ? en termes d’autonomie ? de sociabilité ? d’apprentissage
?
Est-ce que l’ambiance était favorable à ton épanouissement ?
Avais-tu de bonnes relations avec les professeurs ?
Avais-tu de bonnes relations avec tes camarades ?
Est-ce que tu conseillerais cette université à un ami ?
Est-ce que tu as bénéficié d’une formation professionnelle ?
Si oui, où, comment, sur quelle durée et sur quelle thématique ?
Si non, pourquoi, et est-ce que tu voudrais bénéficier d’une formation professionnelle ? sur quelle thématique
? où ?
Est-ce que tu pensais que cette formation professionnelle t’apportait quelque chose ?
Est-ce que l’ambiance était favorable à ton épanouissement ?
Avais-tu de bonnes relations avec les professeurs ?
Avais-tu de bonnes relations avec tes camarades ?
Est-ce que tu conseillerais cette formation à un ami ?

Apprentissage :
As-tu appris un métier auprès de quelqu’un ?
Quel était ce métier ? Pendant combien de temps ? Où ? Qui était cette personne ? Est-ce que cela s’est bien
déroulé ?
Est-ce que tu as continué à travailler ?
A la maison, avec tes proches, est-ce que tu aides ta famille dans les tâches ménagères (cuisine, entretien de la
maison, jardinage, bricolage, courses) ?

157
Quelles tâches préfères-tu faire ? Pourquoi ?
Aides-tu ta famille dans des travaux agricoles ? Si oui lesquels ? Quand l’as-tu fait pour la dernière fois ?
Aides-tu des voisins ? Comment ? Quand l’as-tu fait pour la dernière fois ?

L’emploi :
As-tu déjà travaillé ? Combien d’emplois as-tu eu ?
Pour chaque emploi, peux-tu me dire : Combien de temps as-tu travaillé ? Était-ce un emploi rémunéré ? Quel
était ton salaire ? Où était cet emploi ? Est-ce que tu devais te déplacer pour aller à ce travail ? Quelles étaient
les conditions de travail ? Est-ce que tu étais heureux de travailler ? Comment s’est arrêté cet emploi ?
Aujourd’hui, es-tu à la recherche d’un emploi ? Si, oui lequel ? Où ?
Quelles sont les obstacles qui t’empêchent d’accéder à l’emploi selon toi ?
Sont-ils trop loin de ton domicile ? Explique
Demandent-ils des compétences que tu n’as pas ? Explique.
Sont-ils mal rémunérés ? Sans couverture sociale ?
Sont-ils dangereux ? Pénibles ? Ne correspondant pas à ta morale ? Explique.
Est-ce parce qu’ils ne sont pas adaptés à ta situation personnelle (état de santé, situation familiale) ?
Espères-tu trouver un emploi rapidement ?
Si tu n’es pas à la recherche d’un emploi, dirais-tu que tu es découragé et que cela ne sert à rien de chercher un
emploi ?
Préférerais-tu être : Salarié ? Entrepreneur ? Explique.
De quels aides aurais-tu besoin pour accéder à un emploi qui te convienne ?
Voudrais-tu créer une entreprise ? De quels aides aurais-tu besoin ?
Connais-tu des dispositifs qui aident les jeunes ? Lesquels ? Ce sont des programmes gouvernementaux,
d’entreprises ou d’associations ? Comment les connais-tu ? Sont-ils entrés en contact avec toi ? Si oui,
comment ? Quelle a été ta réponse ?
Y as-tu postulé ? Si non, pourquoi ? Si oui, comment ? Comment cela s’est déroulé ?
Est-ce que cela t’a aidé ? Comment ? Conseillerais-tu ce programme à un ami ?
Est-ce que finalement aujourd’hui tu préfères rester à la maison ? Pourquoi ?

Partie 2 : La situation personnelle


Maintenant, nous allons te poser des questions plus générales qui permettent de mieux comprendre ta
situation personnelle.
Logement, famille, participation aux activités familiales
Autonomie financière :
As-tu un téléphone portable ? Un Smartphone ? Comment payes-tu tes recharges ou ton abonnement ?
Quand as-tu acheté des vêtements la dernière fois ? Combien les as-tu payés et comment avais-tu l’argent pour
les payer ?
Possèdes-tu un moyen de transport personnel (vélo, mobylette, voiture) ? Comment l’as-tu obtenu ?
Partages-tu un moyen de transport avec des membres de ta famille ou des amis ?
Quelle est la dernière fois que tu as pris un moyen de transport collectif (taxi, bus, car, train, etc.) ? Pour quel
trajet ? Combien cela t’a coûté ? Comment l’as-tu payé ?
Participes-tu à Daret ? Si oui, avec combien de personnes ? Pour quelle somme à chaque tour par personne ?
Souhaites-tu faire de l’argent de Daret ?
As-tu un compte bancaire ?
As-tu des personnes à ta charge (pour qui tu dois payer les dépenses quotidiennes) ? Qui sont-elles (parents,
frères et sœurs, conjoint, enfants) ? Comment trouves-tu de l’argent pour les prendre en charge ? Combien
dépenses-tu par semaine pour eux ? Quels sont les plus gros problèmes à payer ?
Es-tu endetté (auprès d’une banque, auprès d’un particulier -un ami, membre de ta famille-, un boutiquier) ?
As-tu demandé un microcrédit ? Si oui de combien d’argent ? Pour quel achat ? Comment fais-tu pour le
rembourser ? Arrives-tu à le rembourser régulièrement ?
Où vis-tu actuellement ? Est-ce : un appartement ? Une maison moderne ? Une maison traditionnelle ? Dans
quels matériaux ? Disposes-tu d’un jardin ? Avec des arbres fruitiers ? Un espace pour des animaux ? Si oui
lesquels (des vaches, ânes/mules, chevaux, moutons, chèvres, poules, lapins, pigeons, chats, chiens) ?
Avec qui vis-tu ? Seul ? Avec ton/ta conjoint.e, avec tes enfants, tes parents, tes grands-parents, tes oncles et
tantes, tes frères et sœurs, tes cousins, des amis, des jeunes de ton âge ?
As-tu une chambre pour toi tout seul ?

158
Combien de pièces possède le logement ? Est-ce que le logement possède une cuisine, des sanitaires, une salle
de bain ? Est-il raccordé à l’eau potable ? à l’électricité ? Quelle énergie est utilisé pour avoir de la lumière ?
Quelle énergie est utilisée pour faire la cuisine ?
Comment t’organises-tu pour manger ? Achètes-tu des choses prêtes dans des boutiques/café/ gargotes ?
Prépares-tu tes repas et mange seul ? Prépares-tu le repas et le partages-tu avec les autres personnes qui
vivent avec toi ? Le repas est-il préparé par quelqu’un (préciser qui) qui vit avec toi et manges-tu avec tout le
monde ? Le repas est-il préparé par quelqu’un qui vit avec toi mais tu le manges seul ? Souvent tu n’as pas faim
et tu ne manges pas ?
Si tu vis avec plusieurs personnes quelles sont les tâches auxquelles tu participes régulièrement (faire les
courses, le ménage, la lessive, le bricolage, le jardinage, les animaux) ?
T’occupes-tu de personnes qui vivent avec toi ? Des enfants en bas âges (tes enfants, tes frères et sœurs, tes
neveux et nièces, tes cousins), des personnes très âgées (grands parents, parents, oncles et tantes), des
personnes avec un handicap (préciser le type d’handicap), des personnes très malades (préciser la maladie).
Accompagnes-tu des membres de ta famille pour des démarches administratives ou de santé ? quand pour la
dernière fois.
T’occupes-tu d’une petite activité familiale de temps en temps ? L’élevage, l’agriculture, une boutique,
l’artisanat, vendre des produits au souk.
Quels sont tes principaux loisirs ? Les discussions avec des membres de ta famille ou des amis ? Les
promenades ? Le sport ? Le chant ? La musique ? Autres.
Regardes-tu la télévision ? Quelles sont tes émissions préférées ?
Consultes-tu beaucoup Internet ? Via un Smartphone ? Si oui quels sites ? Es-tu actif sur Facebook ?

Engagement collectif :
Aides-tu des voisins ? Pour faire leurs courses, pour les accompagner dans des démarches administratives ou
de santé ?
Participes-tu d’une activité collective du village ? Garder le troupeau, réparer les chemins ou pistes, réparer les
terrasses ou la séguia, nettoyer le village
Participes-tu d’activités associatives (culturelles, musiques, danses, poésie/ sportive / de solidarité et
d’entraide) ? Peux-tu expliquer les dernières auxquelles tu as participé ? Quand ? Où ? A quelle occasion ?
Aurais-tu envie de participer à des activités de ce type ? Si non, pourquoi ? Si oui, comment ?
Pour quelles raisons tu ne peux pas participer à ce type d’activités ? Elles n’existent pas près de chez toi ? Cela
te coûterait trop chers ? Quelqu’un t’en empêcherait ? As-tu le sentiment de ne pas avoir les capacités pour le
faire ?
Es-tu inscrit sur les listes électorales ? As-tu voté en 2016 ?
Es-tu intéressé à la politique ? Si non, pourquoi ? Si oui, comment ?
As-tu déjà participé à une réunion politique ? Si oui, où, avec qui, sur quel sujet ?
As-tu déjà participé à une manifestation ? Si oui, où, avec qui, sur quel sujet ?
Est-ce qu’il y a une cause que tu voudrais défendre ? Si oui, laquelle et comment ?
Qu’est-ce qui t’empêche aujourd’hui de défendre cette cause.

Les relations avec la famille


Quels sont tes relations avec ta famille ? Explique.
Quel est le métier de tes parents ? Est-ce qu’ils t’ont appris des choses ? Des compétences professionnelles ?
Des valeurs morales ?
Quel est le métier de tes frères et sœurs ?
Avec qui as-tu les meilleures relations au sein de ta famille ?
Auprès de quel membre de ta famille peux-tu trouver un soutien moral quand tu vas mal ?
Auprès de quel membre de ta famille peux- tu trouver un soutien financier ?
Pour des dépenses courantes : Si tu as un problème pour payer des recharges de téléphone ? Si tu dois te
déplacer dans une autre ville ? Si tu dois acheter des vêtements ? payer des frais de santé ? payer des frais
administratifs ? Si tu veux avoir des loisirs avec des amis ?
Pour des dépenses importantes : avoir un soutien pour changer de logement ? Pour payer des études ou une
formation spécifique ? Pour acheter un véhicule ?
Est-ce que ta famille peut t’aider à avoir de l’argent contre des petites activités que tu fais avec eux ? Explique
Si tu n’habites pas avec ta famille ? Les appelles-tu au téléphone régulièrement ? Si oui, pourquoi ? Leur rends-
tu visite régulièrement ? Expliquer (si non pourquoi, si oui comment). Te rendent-ils visite régulièrement (si
non pourquoi, si oui comment) ?

159
Les relations avec les amis
As-tu beaucoup d’amis sur qui tu peux compter ? Expliquer ?
Que font-ils comme métier ? Est-ce qu’ils-t-ont appris des choses ? Des compétences professionnelles ? Des
valeurs morales ?
Peuvent-ils t’apporter un soutien moral quand tu vas mal ? si oui comment ?
Peuvent-ils t’apporter un soutien financier ?
Pour des dépenses courantes : si tu as un problème pour payer des recharges de téléphone ? si tu dois te
déplacer dans une autre ville ? si tu dois acheter des vêtements ? Payer des frais de santé ? Payer des frais
administratifs ? si tu veux avoir des loisirs avec des amis ?
Pour des dépenses importantes : avoir un soutien pour changer de logement ? Pour payer des études ou une
formation spécifique ? Pour acheter un véhicule ?
Est-ce que tes amis peuvent t’aider à avoir de l’argent contre des petites activités que tu fais avec eux ?
Explique
Les appelles-tu au téléphone régulièrement ? Si oui, pourquoi ?
Leur rends-tu visite régulièrement ? Expliquer (si non pourquoi, si oui comment). Te rendent-ils visite
régulièrement (si non pourquoi, si oui comment).
Description de journée type :
Pourrais-tu me décrire une journée type du lever jusqu’au coucher ?
Pourrais-tu me décrire ta meilleure journée (celle que tu as préférée) que tu as passé dernièrement, du lever
jusqu’au coucher ?

Santé
As-tus une maladie chronique comme le diabète ?
As-tu eu des accidents graves quand tu étais plus petit ? As-tu encore des séquelles ?
Aujourd’hui, te sens-tu en pleine forme ? Expliquer.
Aujourd’hui, dirais-tu : je peux faire tout mieux que les autres, je peux faire aussi bien que les autres, je ne suis
pas sûr de faire aussi bien que les autres mais je vais donner mon maximum, je ne peux pas faire aussi bien que
les autres, je ne peux rien faire car je suis trop fatigué/malade/déprimé, j’ai le sentiment que je ne vaux rien.
Es-tu sportif ? Fais-tu des activités sportives collectives ? De la marche ? Des promenades ?
Combien de fois sors-tu de la maison par jour à pied (pour faire les courses, pour voir des amis, pour te
promener) ?
As-tu du mal à marcher ? Pour faire des courses ? Pour te rendre chez des proches ? Pour te promener ? Te
sens-tu vite essoufflé ? As-tu des douleurs aux jambes ?
Durant les 4 dernières semaines, as-tu eu des douleurs ? Est-ce que cela t’a empêché de travailler ? De faire des
tâches ménagères ? De voir des amis ? De sortir de ton lit ?
Ces douleurs sont-elles régulières ? T’empêchent-elles de trouver un emploi ? De reprendre des études ?
D’avoir une vie sociale ? D’être bien avec tes proches ? De penser à fonder une famille ?
Durant les 4 dernières semaines, t’es-tu senti malheureux ou déprimé ? Est-ce que cela t’a empêché de
travailler ? De faire des tâches ménagères ? De voir des amis ? De sortir de ton lit ?
Est-ce que tu te sens souvent déprimé ? Si oui, depuis quand ? Est-ce qu’elles t’empêchent de trouver un
emploi ? De reprendre des études ? D’avoir une vie sociale ? D’être bien avec tes proches ? De penser à fonder
une famille ?
Quand as-tu vu un professionnel de santé pour la dernière fois ? était-ce un médecin, un infirmier, un médecin
traditionnel, un herboriste ? Pourquoi as-tu vu cette personne ? Était-ce la plus qualifiée ? La plus disponible ?
La plus proche de chez-toi ? Où l’as-tu rencontré ? Chez toi, dans son cabinet, à l’hôpital ? C’était pour quelle
raison ?
Combien cela t’a coûté ? Comment as-tu fait pour payer l’argent demandé ?
Est-ce qu’il s’est bien occupé de toi ? Est-ce que cela t’a permis de te sentir mieux ? de guérir ?
Retournerais-tu voir ce professionnel si tu avais un nouveau problème ? Le conseillerais-tu à un ami ?
Prends-tu des médicaments régulièrement ? Si oui, lesquels et pourquoi ?
Ces médicaments ont-ils des effets secondaires sur toi ? Si oui, lesquels ?
Te sens-tu irritable ? Es-tu souvent en colère ? Si oui avec qui ? A quelle occasion ?
Quand as-tu été en colère avec quelqu’un pour la dernière fois ? Pour quel motif ? Comment cela s’est terminé
? Vous êtes-vous réconciliés depuis ?
As-tu été exposé à de la violence dernièrement ?
As-tu été humilié ? Si oui, par qui, où et comment ?

160
As-tu été insulté ? Si oui, par qui, où et comment ?
As-tu été menacé, intimidé ? Si oui, par qui, où et comment ?
As-tu été volé ? Si oui, par qui, où et comment ?
Est-ce que quelqu’un a détruit un objet auquel tu tenais ? Si oui, par qui, où et comment ?
As-tu été frappé ? Si oui, par qui, où et comment ?
As-tu commis des violences sur quelqu’un ?
As-tu humilié quelqu’un ? Si oui, par qui, où et pourquoi ?
As-tu menacé quelqu’un ? Si oui, par qui, où et pourquoi ?
As-tu volé quelqu’un ? Si oui, par qui, où et pourquoi ?
As-tu détruit un objet auquel tenait quelqu’un ? Si oui, par qui, où et pourquoi ?
As-tu frappé quelqu’un ? Si oui, par qui, où et pourquoi ?
Est-ce que tu fumes ? Bois-tu de l’alcool ? Consommes-tu du cannabis ? Si oui, est-ce régulièrement ? Où ?
Avec qui ? Pour quelles raisons (pour passer le temps, pour t’amuser, pour ne pas avoir mal, pour te vider la
tête de tes problèmes) ?
Est-ce que tu considères que cela te rend dépendant ?
Comment payes-tu ces consommations ?
Est-ce que tu prends d’autres drogues ? Si oui, lesquelles ?

Le fait que tu ne sois ni en emploi ni en étude


Dirais-tu que ta situation te rend fragile et vulnérable ? Expliquer.
Est-ce que cela te pose des problèmes avec ta famille ? Si oui, lesquels ?
Est-ce que tu culpabilises vis-à-vis de tes parents ? Expliquer.
Est-ce que cela te pose des problèmes avec les autres jeunes ? Si oui, lesquels ?
Est-ce que tu te sens moins bien que les autres jeunes ? Expliquer.
Est-ce que tu as été obligé par quelqu’un de faire des choses que tu ne voulais pas faire ? Explique par qui,
quand et où.
As-tu changé de pratique religieuse ? Expliquer.
As-tu changé d’opinion sur la politique ? Expliquer.
As-tu changé d’opinion sur le Maroc ? Expliquer.
Dirais-tu que ton état de santé s’est aggravé par le fait que tu ne trouves pas d’emploi ? Si oui, pourquoi ?

Conclusion et fin de l’entretien


Cet entretien est désormais terminé toutes les informations que tu as donné ici seront anonymes.
Qu’attends-tu d’une étude comme celle-ci sur les jeunes ?
As-tu des remarques ou des messages à transmettre à l’équipe de l’étude, aux chercheurs qui dirigent cette
étude, à l’ONDH ?
Veux-tu rester en contact avec l’équipe d’enquêteurs ?
Veux-tu être contacté lors des conclusions de cette étude.

161
ANNEXE 5 : GUIDE POUR LES GROUPES DE PAROLE

Vous avez été réuni ici parce que vous partagez une même situation et que nous souhaitons
mener un débat avec vous sur la question de l’emploi des jeunes dans votre commune.

Du fait, des particularités de cette question, vous avez été regroupé avec des personnes du même
sexe et de la même tranche d’âge.

Sachez que l’avis de chacun est important et que chacun doit pouvoir s’exprimer à son tour
lorsqu’il demande la parole et reçoit la balle pour s’exprimer.

Qualifier le quartier ou le douar

1. Pouvez-vous nous décrire votre quartier/ville ou village ?


2. Qu’aimez-vous dans ce lieu ?
3. Que n’aimez-vous pas dans ce lieu ?
4. Sortez-vous souvent dans le quartier ? Pour quels loisirs ?
5. Votre quartier est-il mieux pour les filles ou pour les garçons ? pourquoi ?
6. Offre-t-il beaucoup d’activités culturelles ?
7. Offre-t-il beaucoup d’activités sportives ?
8. Est-il facile d’y faire des choses ensemble comme des actions collectives ?
9. La vie associative est-elle tournée vers les jeunes ? Est-ce que les infrastructures
culturelles, sportives ou sociales sont suffisantes ?
10. Votre quartier ou douar est-il un espace où il fait bon vivre?
11. Est-ce qu’il y a des dispensaires, des médecins ou des hôpitaux à proximité ?
12. Est-ce qu’il est facile de se soigner ?
13. Quels sont les principaux problèmes de santé ? Sont-ils bien pris en charge ?
14. Voulez-vous rester dans votre quartier/village pour faire votre vie ou aimeriez-vous
vivre ailleurs ? Pourquoi ?
15. Vous y sentez-vous en sécurité ? Pourquoi ?
16. Les gens ont-ils des comportements extrêmes politiquement ou religieusement ?
Deviennent-ils plus agressifs ?

Les opportunités scolaires

17. Est-ce un bon endroit pour faire ses études primaires ? Comment est l’école ? Comment
sont les professeurs ?
18. Est-ce un bon endroit pour faire ses études secondaires ? Est-ce que le collège, le lycée
est accessible ?
19. Comment est l’ambiance du secondaire ? Les professeurs sont-ils compétents ?
L’accompagnement est-il bon ?
20. Est-ce un bon endroit pour faire des études supérieures ? Les études supérieures sont-
elles facilement accessibles ? Est-ce que cela coûte cher de poursuivre des
études supérieures ?
21. Beaucoup de jeunes décrochent-ils lors des études ? A quel niveau scolaire ? pourquoi ?
22. Beaucoup de jeunes réussissent-ils leurs études ? Comment font-ils ? Que font-ils
aujourd’hui ?
23. Est-ce plus facile pour les filles ou pour les garçons ?
24. Qu’est-ce que les jeunes aiment dans le parcours scolaire ? Et vous ?
25. Qu’est-ce que les jeunes n’aiment pas dans votre parcours scolaire ? et vous ?

162
26. Qu’est-ce qu’il faut changer pour l’améliorer ? Qu’est-ce que vous auriez aimé avoir ?

Les opportunités d’emploi


27. Est-il facile de trouver un emploi dans votre quartier/ville/village ?
28. Quels types d’emplois sont disponibles ? salariés ? informels ? agricoles ?
29. Sont-ils bien rémunérés ?
30. Est-ce plus facile pour les diplômés ? Les non diplômés ?
31. Est-ce plus facile pour les filles ? pour les garçons ?
32. Sinon, est-il facile de se déplacer pour trouver un emploi ?
33. Connaissez-vous des jeunes de votre quartier qui ont un bon emploi ? Quel métier ont-
ils ? Où ? Comment ont-ils réussi à avoir cet emploi ?
34. Est-il facile de créer une entreprise ici ? Des jeunes ont-ils réussi à créer une entreprise ?
Comment ont-ils fait ?
35. Voudriez-vous créer une entreprise ? Pourquoi ?
36. Quel revenu mensuel faut-il pour bien vivre dans votre quartier/village ? Quel revenu
mensuel faut-il si vous vous déplaciez pour trouver un emploi ?
37. Le chômage des jeunes est-il élevé ? Pour les filles ? Pour les garçons ?
38. Que font ces jeunes de leurs journées ?
39. Sont-ils découragés ? Déprimés ?
40. Comment payent-ils leurs dépenses personnelles (recharge de téléphone, vêtements) ?
41. Les jeunes au chômage ont-ils de mauvaises relations avec leurs parents ? Pourquoi ?
42. Les jeunes au chômage ont-ils de mauvaises relations avec leurs amis ? Pourquoi ?

Les dispositifs d’accompagnement des jeunes vers l’emploi ou l’auto-entrepreneuriat


43. Est-ce qu’il y a des administrations, des fondations ou des associations qui aident les
jeunes ?
44. Que font-elles ?
45. Sont-elles connues des jeunes ?
46. Est-il facile de les rencontrer ?
47. Combien de jeunes profitent de leurs programmes ? Est-ce que cela leur a permis de
réussir ? Connaissez-vous des jeunes qui ont réussi grâce à leur action ?
48. Pensez-vous que les politiques publiques sont en adéquation avec les jeunes ?
49. Avez-vous des propositions pour améliorer la situation ?

L’avenir

50. Comment voyez-vous la situation des jeunes de votre quartier dans 5ans ? Et vous, vous
voyez comment ?
51. Quels sont vos projets à court terme, à moyen terme et à long terme ?
52. Quels sont les moyens que vous mobilisez pour réaliser ces projets ?
Qu’est-ce qu’il faudrait selon vous pour améliorer la situation des jeunes dans votre quartier ou
village ?

163
ANNEXE 6 : DISTRIBUTION DES ENTRETIENS TELEPHONIQUES MENES EN JUIN
2020 PAR LOCALITES, SEXE ET CATEGORIE D’AGE

Femme Homme
Région Localité Type Majeure Mineure Majeur Mineur
Tanger-Tétouan-Al Hoceima Tanger Chef-lieu de région 1 0 1 1
Tétouan Chef-lieu de province 1 2 0 1
Chefchaouen Centre émergent 1 0 1 2
Al Hamra Commune rurale 0 0 1 0
Oriental Oujda Chef-lieu de région 1 2 0 2
Berkane Chef-lieu de province 3 1 3 1
Ahfir Centre émergent 3 1 0 1
Ahl Angad Commune rurale 2 2 0 4
Casablanca-Settat Casablanca Chef-lieu de région 2 1 6 0
El Jadida Chef-lieu de province 2 1 1 0
Had Soualem Centre émergent 3 1 2 0
Dar Chafai Commune rurale 0 0 9 2
Fès-Meknès Fès Chef-lieu de région 2 1 3 0
Missour Chef-lieu de province 4 0 6 0
Azrou Centre émergent 1 1 4 0
Bitit/Iqqadar Commune rurale 2 0 5 1
Marrakech-Safi Marrakech Chef-lieu de région 9 0 5 0
Ben Guerir Chef-lieu de province 2 0 7 0
Amizmiz Centre émergent 4 1 6 0
Imintala Commune rurale 4 1 3 2
Guelmim-Oued Noun Guelmin Chef-lieu de région 2 0 2 0
Sidi Ifni Chef-lieu de province 0 1 3 1
Taghjijt Commune rurale 1 1 0 0
Total 23 50 17 68 18

164
ANNEXE 7 : GUIDE D’ENTRETIEN TELEPHONIQUE DE JUIN 2020
Se présenter et rappeler les objectifs :
Vous avez rencontré l'équipe dans le cadre de l'enquête sur les jeunes NEET l'année dernière.
Vous aviez été accepté d'être recontacté un an après.
La situation très particulière que vit le Maroc nous amène à reprendre contact avec vous pour vous
écouter et prendre de vos nouvelles.

Consentement :
Etes-vous d'accord pour mener un nouvel entretien ?
Tout restera anonyme.
Est-ce que vous acceptez que les éléments soient enregistrés ?

Questions générales sur la situation actuelle


Est-ce que vous allez bien ? Vos proches ?
Votre santé est-elle bonne ? Votre moral est-il bon ? Et votre famille ? Et vos amis ?

Sur les changements survenus depuis l'entretien


Comment a évolué votre situation ?
Où vivez-vous actuellement ?
Avez-vous travaillé depuis le dernier entretien ? si oui, de quel type, pour quelle rémunération et où ?
Avez-vous repris une formation ? Si oui laquelle et où ?

Sur la Covid 19
Est-ce que cela n'a pas été trop difficile ces dernières semaines ?
Où avez-vous passé les dernières semaines ?
Étiez-vous dans un autre endroit au moment de l'annonce du confinement ?
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées avec la Covid19 ?

Sur l'aide sociale


Bénéficiez-vous du Ramed ? Si oui, aviez-vous déjà utilisé le Ramed ?
Avez-vous bénéficié de l'aide de l’État ? Si oui comment avez-vous fait ? Pouvez-vous nous expliquer ?
Était-ce facile ou difficile ?
Un membre de votre famille a-t-il bénéficié de l'aide de l’Etat ? Si oui, comment a-t-il fait ?
Est-ce que vous ou un proche a eu des problèmes de santé ? Avez-vous réussi à vous soigner ?

Sur l'éducation
Est-ce que vous ou un membre de votre famille a suivi les cours à distance ? Si oui, comment ?
Est-ce que cela s'est bien déroulé ?

Sur la connexion et la communication


Comment avez-vous fait pour rester connecter ? Combien cela vous coûte ?

Sur les projets futurs


Quels sont vos projets à venir ?

Conclusion
Avez-vous un message à nous transmettre ?
Souhaitez-vous être recontacté ultérieurement ?
Nous vous remercions pour vos réponses.

165
ANNEXE 8 : TABLEAU DE SYNTHESE DES PROGRAMMES A DESTINATION DES NEET
AU PLUS FORT IMPACT A TRAVERS LE MONDE

Pays Type Politique Impact


Mexique Éducation Progresa/Oportunidades Évite le décrochage scolaire précoce des
Bourses ciblées pour maintenir adolescents de familles pauvres
les adolescents les plus
précaires en formation
Brésil Accompagnement Projovem Adolescente Renforcement de l’accompagnement
et orientation
Cible les adolescents de 15 à précoce des adolescents les plus fragiles
17 ans des familles les plus avant le décrochage
pauvres pour les accompagner
dans leur orientation
Brésil Accompagnement à Projovem Campo Permet de renforcer les compétences des
la reprise d’étude
Reprise d’étude de deux ans jeunes ruraux
pour acquisition des Système avec une incitation monétaire
compétences de base pour les efficace
jeunes ruraux. Indemnisation
monétaire
Brésil Entrepreneuriat Projovem Trabalhador La formation indemnisée des jeunes
Offre une formation entrepreneurs assure une plus forte
indemnisée et un acquisition des compétences et une plus
accompagnement aux jeunes grande réussite professionnelle
auto-entrepreneurs
Mexique Insertion Programa Jóvenes Stage indemnisé permet de lutter contre
professionnelle
Construyendo el Futuro le découragement et le chômage de
Stage indemnisé permettant longue durée
l’intégration du monde
professionnel
Argentine Insertion Jóvenes con Más y Mejor La remise à niveau puis le stage en en
professionnelle
Trabajo alternance au sein d’entreprises locales
Formation et stage en renforce le tissu économique des PME et
entreprise indemnisé selon un l’intégration professionnelle des jeunes
système d’alternance

Chili Insertion Yo Trabajo- Jóvenes Meilleure qualité de vie et meilleure


professionnelle
Formation aux softskills insertion professionnelle même si faible
impact sur les salaires
République Insertion Juventud y Empleo Assure une meilleure intégration
professionnelle
dominicaine Formation et stage indemnisé professionnelle, une meilleure qualité de
l’emploi et un mieux être des jeunes
même si l’impact sur les revenus est
faible
Afrique du Insertion Harambee Youth Employment Dispositif mobilisant les TIC pour
professionnelle
Sud Accelerator maintenir les jeunes en contact avec les
Développe une plateforme de opportunités de formation et d’emploi
soutien à la recherche
d’emploi et la formation au
softskills

166
Pays Type Politique Impact
Estonie Éducation Usage des TIC pour le suivi et Une circulation très rapide des bonnes
l’évaluation des pratiques pédagogiques et des stratégies
établissements scolaires de remédiation.
Une pédagogie réactive aux besoins et
performance des élèves
Estonie Éducation Autonomie des établissements Plus forte implication des partenaires
secondaires et locaux.
conventionnement avec les Amélioration des performances
collectivités locales éducatives autour de projets
pédagogiques innovants.
Royaume Éducation Extension période de Taux de NEET faible.
Uni scolarisation obligatoire Mais absence de politique efficace sur la
Aide financière pour la petite enfance et sur le handicap comme
poursuite d’études cause du maintien nombre de NEET.
secondaires et au-delà du
secondaire
Augmentation des formations
par apprentissage.
Danemark Éducation Orientation positive fin cycle Faible rupture scolaire
primaire à 15 ans Très faible taux de NEET
Danemark Éducation HF (Højere Réintégration dans le système éducatif
Forberedelseseksamen) supérieur efficace
Reprise d’étude à tout
moment sur deux années pour
intégrer le supérieur
France Éducation École de la deuxième chance Intégrer les collectivités locales et les
pour les non diplômés par la entreprises pour insérer
remise à niveau et l’intégration professionnellement les jeunes non
de l’entreprise diplômés
Danemark Éducation École de la vie offrant une Un goût de la transmission
grande variété d’enseignement intergénérationnelle ouvrant des
pour tous les âges dans chaque possibilités constantes éducatives sous
commune l’autorité des communes
Japon Lieux de Café emploi, lieu dédié aux Maintenir du lien entre les NEET et les
contact jeunes en recherche monde de l’emploi
d’opportunité Disposer d’une celle d’écoute des NEET
Favoriser la sensibilisation au monde
professionnel avant la fin des études
Suède, Accompagneme Garantie jeune Éviter l’effet cicatrice du chômage longue
Finlande nt vers l’emploi Offre d’un stage, formation ou durée.
reprise d’étude dès 3 mois de Développement des compétences
chômage adaptées au marché de l’emploi

167
ANNEXE 9 : BONNES PRATIQUES DE POLITIQUES PUBLIQUES A DESTINATION DES
NEET POUR LE MAROC

Pour réduire le nombre de NEET, les différents pays ont d’abord mis en place des politiques
éducatives adaptées qu’il est possible de lister ici

1- Développer une éducation de la petite enfance pour libérer des opportunités pour les
jeunes femmes ayant des enfants en bas âges
2- Développer la formation professionnelle et technologique de façon précoce dès 15 ans en
développant l’alternance et l’apprentissage en entreprise
3- Mettre en place un système d’orientation intégratif discuté entre jeunes, parents,
professionnels du système éducatif.
4- Mettre en place un système de bourses pour la poursuite d’études dès le secondaire
notamment pour la formation professionnelle
5- Mettre en place des protocoles d’accompagnement et d’orientation pour les jeunes
adolescents précaires
6- Développer les TIC dans les établissements scolaires pour le suivi des jeunes et le
développement de pratiques pédagogiques optimales
7- Créer des partenariats systématiques entre les collectivités locales et les établissements
de formation pour améliorer l’offre éducative et créer des synergies pédagogiques.

Ensuite, les différents pays ont développé des politiques correctives pour réduire l’inactivité des
jeunes et surtout leur découragement

8- Identifier clairement les profils des NEET pour permettre un ciblage efficace des
politiques publiques
9- Développer des cellules d’écoute des NEET pour identifier leurs besoins et éviter le
découragement dans des tiers lieux associés aux institutions de formations mais aussi
aux collectivités locales
10- Proposer une garantie jeunesse, soit une formation ou un stage coordonné par l’ANAPEC,
au bout de trois mois de chômage pour éviter l’installation du découragement et les
effets cicatrices
11- Créer des formations certifiantes pour les jeunes sur quelques semaines autour de
compétences clés
12- Mettre en place des stages indemnisés par alternance en entreprise sur plusieurs types
de durée (3 mois, 6 mois, 1 an, 2 ans) selon la situation du jeune
13- Mettre en place un système d’accompagnement de la création d’entreprise par les jeunes
associant indemnité financière et formation à l’entrepreneuriat sur une durée longue de
deux ans
14- Développer des formations de la deuxième chance sur deux ans permettant la reprise
d’étude et la reprise d’un parcours universitaire.
15- Développer des programmes nationaux et non multiplier des expériences pilotes
dispersées à faible impact

168
ANNEXE 10 : EFFECTIFS DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE PAR TYPE
D’OPERATEURS ET PAR PROVINCE AU MAROC EN 2018

Province /
Région Effectifs Opérateurs
préfecture

% Autres entités % du
TOTAL OFPPT Privé
Femmes publiques privé

BENI MELLAL 2881 32,7% 1680 821 380 28,5%

FQUIH BEN SALAH 1990 16,2% 1494 122 374 6,1%

Béni Mellal-
KHENIFRA 1539 28,5% 898 211 430 13,7%
Khénifra

KHOURIBGA 4068 23,6% 2395 674 999 16,6%

AZILAL 893 21,3% 673 26 194 2,9%

AIN SEBAA - HAY


MOHAMMADI 3398 24,2% 2444 670 284 19,7%

EL FIDA - MERS
SULTAN 1243 36,9% 762 428 53 34,4%

CASA - ANFA 2204 42,6% 928 1183 93 53,7%

BEN M'SIK 491 74,5% 0 370 121 75,4%

Casablanca- BENSLIMANE 1226 21,4% 627 300 299 24,5%


Settat

EL JADIDA 2730 16,7% 2053 252 425 9,2%

HAY HASSANI 1744 15,1% 1405 216 123 12,4%

MOHAMMEDIA 2807 23,2% 2130 385 292 13,7%

MOULAY RACHID 2952 17,2% 2341 379 232 12,8%

SETTAT 3284 20,0% 2463 425 396 12,9%

169
SIDI BENNOUR 643 3,0% 578 0 65 0,0%

SIDI BERNOUSSI 2941 26,0% 1515 789 637 26,8%

AIN CHOCK 1333 26,7% 631 524 178 39,3%

BERRECHID 1749 25,7% 1323 426 0 24,4%

NOUACEUR 474 26,8% 385 89 0 18,8%

MEDIOUNA 273 1,5% 273 0 0 0,0%

ERRACHIDIA 2732 29,1% 1635 260 837 9,5%

OUARZAZATE 1721 33,5% 950 198 573 11,5%

Drâa-Tafilalet TINGHIR 1190 37,1% 526 71 593 6,0%

MIDELT 1055 51,5% 436 458 161 43,4%

ZAGORA 845 41,5% 405 37 403 4,4%

Ed Dakhla-
Oued Ed
Dahab OUED EDDAHAB 556 23,4% 310 28 218 5,0%

BOULEMANE 510 20,4% 302 4 204 0,8%

EL HAJEB 1010 22,0% 464 201 345 19,9%

FES 7297 29,5% 3889 1832 1576 25,1%

Fès-Meknès MEKNES 8469 42,4% 3400 4357 712 51,4%

SEFROU 1803 23,4% 1038 245 520 13,6%

TAZA 2133 24,6% 1321 283 529 13,3%

IFRANE 573 39,4% 321 90 162 15,7%

170
TAOUNATE 1008 4,6% 952 56 0 5,6%

ASSA-ZAG 469 54,2% 199 0 270 0,0%

GUELMIM 1396 26,9% 727 206 463 14,8%


Guelmime-
Oued Noun
SIDI IFNI 531 13,7% 427 0 104 0,0%

TANTAN 837 29,0% 483 90 264 10,8%

BOUJDOUR 325 28,3% 136 0 189 0,0%

Laayoune-
Saguia al LAAYOUNE 1916 28,8% 973 298 645 15,6%
hamra

ES-SMARA 304 28,3% 232 0 72 0,0%

EL HAOUZ 1652 58,4% 553 14 1085 0,8%

CHICHAOUA 280 11,8% 84 0 196 0,0%

KALAA DES
SRAGHNAS 1121 22,5% 559 208 354 18,6%

Marrakech ESSAOUIRA 1030 21,0% 653 121 256 11,7%


Safi
MARRAKECH 8274 36,6% 4198 1680 2396 20,3%

RAHAMNA 1069 40,6% 405 115 549 10,8%

SAFI 2446 29,6% 1369 429 648 17,5%

YOUSSOUFIA 1162 14,4% 883 44 235 3,8%

BERKANE 2879 15,6% 1428 1228 223 42,7%

Oriental FIGUIG 613 15,8% 507 78 28 12,7%

JERADA 638 17,9% 498 39 101 6,1%

171
NADOR 3526 11,2% 2054 1063 409 30,1%

OUJDA ANGAD 5598 29,3% 2821 1935 842 34,6%

TAOURIRT 1635 21,3% 1015 188 432 11,5%

GUERCIF 1251 15,5% 869 382 0 30,5%

DRIOUCH 167 10,8% 167 0 0 0,0%

KENITRA 10612 49,1% 4195 5613 804 52,9%

KHEMISSET 2910 27,3% 1618 656 636 22,5%

RABAT 3589 31,7% 1960 1094 535 30,5%

Rabat-Salé- SALE 5486 27,9% 3005 1456 1025 26,5%


Kénitra

SIDI KACEM 3650 12,7% 2810 200 640 5,5%

SIDI SLIMANE 2066 24,3% 1492 214 360 10,4%

SKHIRAT -
TEMARA 3090 43,8% 1858 1154 78 37,3%

AGADIR IDA
OUTANANE 4905 25,0% 2934 1117 854 22,8%

CHTOUKA AIT
BAHA 883 11,8% 315 363 205 41,1%

INEZGANE AIT
Souss-Massa MELLOUL 1798 27,5% 743 793 262 44,1%

TAROUDANT 2733 12,3% 1667 628 438 23,0%

TATA 501 11,6% 355 0 146 0,0%

TIZNIT 1404 17,7% 854 196 354 14,0%

172
AL HOCEIMA 1181 19,3% 984 0 197 0,0%

CHEFCHAOUEN 684 10,8% 575 72 37 10,5%

M'DIQ FNIDEQ 1177 31,8% 607 354 216 30,1%

Tanger-
Tétouan-Al LARACHE 2740 20,4% 1699 705 336 25,7%
Hoceima

TANGER - ASSILAH 9152 26,3% 3018 5444 690 59,5%

TETOUAN 4597 35,1% 1453 1425 1719 31,0%

OUAZZANE 855 15,0% 580 109 166 12,7%

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