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AMERICAINS AU MAROC (NAVIRES)

Résumé : En regardant loin dans le passé, on constate que la marine marchande du


Maroc a parfaitement réussi à faire les bons choix : acheter vite et bien avec les
« Yard Oil » ; considérer le bateau de commerce comme centre de formation avec le
« Liberty Ship » DJERADA ; penser le navire lui-même comme marchandise avec
les KETTARA. En raison de l’ignorance de ce passé, les centres de décision sont
aujourd’hui incapables de comprendre le rôle de ces trois fondamentaux maritimes.
Pour combler cette lacune, je fais donc la leçon de choses, à usage pratique et
immédiat.

Par Najib Cherfaoui, expert portuaire et maritime

Fait à Casablanca, le 1er septembre 2020


AMERICAINS AU MAROC (NAVIRES)

Par Najib Cherfaoui, expert portuaire et maritime

A. Introduction

Dans le sillage du conflit mondial (1939-1945), l’U.S. Navy alimente la flotte


civile par le surplus, principalement les classes Yard Oil et Liberty Ship.

Ainsi, de 1947 à 1966, plusieurs de ces navires ont, chacun à sa manière,


intégré la marine marchande du Maroc. Je raconte ici la ligne de vie de
chacun d’eux : date d'entrée sous pavillon, date de sortie, qu'est ce qu'il
faisait avant, qu'est ce qu'il a fait après, et surtout comment il a fini sa
carrière.

L’objectif consiste à expliquer aux centres de décision l’esprit des


fondamentaux maritimes : en regardant loin en arrière, on arrive non
seulement à mieux situer le présent, mais surtout à mieux lire les lignes
d’horizon pour comprendre la forme à venir.1

B. Yard Oil

En 1942, les USA lancent un programme pour ravitailler la flotte de combat


engagée dans l’Océan Pacifique. La Navy met en œuvre une centaine
tankers de la série dîtes Y (Yard Oil), numérotés de Y 1 à Y 115. Trois ne
voient pas le jour : Y 36, Y 37 et Y 43.

Tous ces navires sont au Diesel, avec coque en acier ; la jauge brute est de
630 tonneaux, pour une longueur de 50 mètres. Leur forme géométrique très
sobre facilite la construction en série. L’assemblage est confié à huit
chantiers, notamment Odenbach SB et Rochester NY.

Après la guerre, un grand nombre est transféré aux alliés ; mais beaucoup
sont devenus des barges de soutage, à la fois aux États-Unis et à l'étranger.

Seize d’entre eux rejoignent le Maroc. Ils se révèlent robustes, pratiques et


efficaces pour le transport des vracs liquides : gasoil, essence, huiles
comestibles et vin.

1
https://unctad.org/meetings/en/Contribution/dtltlbts-AhEM2018d2_Cherfaoui_fr.pdf
Grâce à ces acquisitions ciblées et cadrées, la flotte réalise un pic historique
de vingt navires citernes entre 1951 et 1955. Ceci est la première leçon.

Durant cette période, on enregistre le TINA (Y 82) dédié au butane, au


départ des raffineries françaises, à destination de Kenitra (Port Lyautey),
Mohammedia (Fédala) et Safi. On peut donc le considérer comme le premier
gazier marocain.

Figure 1 : Navires de la classe « Yard Oil » au Maroc ; la moyenne d’âge d’entrée en flotte
est de cinq ans, avec une moyenne de dix ans en flotte. La durée de vie moyenne après
radiation du registre Maroc est de trente ans. Avec 72 ans, le TERESA a eu la vie plus
longue.

Figure 2 : Navires de la classe « Liberty Ship » au Maroc ; la moyenne d’âge d’entrée en


flotte est de seize ans, avec une moyenne de huit ans en flotte. La durée de vie moyenne
après radiation du registre Maroc est nulle. Ils ont pratiquement la même longévité, 25, 25 et
22 ans.

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Figure 3 : Le navire citerne EL AFRIT / EL KARIM (1947−1959) ; 632 tx de jauge brute,
longueur 55,60 m ; construit aux USA (Rochester) en 1944 sous le Navy code Y 74 ; photo :
Yvon Perchoc.

Figure 4 : Le navire cargo à vapeur DJERADA (1948−1968) ; Liberty Ship construit aux USA
(Lake Superior) en 1945 ; une seule hélice, puissance 2 500 cv, vitesse 11 nœuds ; tirant
d’eau 10 m ; 134,6 m de long pour 17,3 m de large ; 10 865 tpl, 7 176 tjb et une jauge nette
de 4 380 tx photo : Malcolm Cranfield.

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C. Liberty Ship

Liberty Ship désigne la classe des navires à vapeurs fabriqués aux États-
Unis entre 1942 et 1945. Le but consiste à fournir un soutien logistique aux
flottes de combat engagées dans la Méditerranée et l’Atlantique Nord. Il
s’agit également d’appuyer la campagne du général Mac Arthur dans
l’Océan Pacifique.
Au total, il y a 2 710 unités, ce qui en fait le modèle de bateau le plus produit
au monde. Ils sont montés en série dans seize chantiers navals. En France,
on les surnomme « pocket liberty » en raison de leur faible vitesse, une
dizaine de nœuds.
Tous ces navires sont équipés d’une machine à triple expansion, avec
coque en acier ; la jauge brute est de 7 000 tonneaux, pour une longueur de
130 mètres.
Trois d’entre eux passent au Maroc où ils sont utilisés pour le transport des
pondéreux.
Il y a tout d’abord le DJERADA ; il se révèle un excellent bateau-école. Sur
ce navire, des officiers marocains de légende débutent leurs merveilleuses
carrières. Ainsi, Mohammed Triki, Lahcen Ouhira, Bendahon, Hamzi,
Lechhab Essedik, Chennaoui, Boukentar et Mohamed Jwally. Ceci est la
deuxième leçon.
Les deux autres, KETTARA VIII et KETTARA IX font un passage éclair. Ceci
est la troisième leçon [voir l’article : Dix Navires Fantômes, Les KETTARA].
Une belle époque s’achève avec le KETTARA IX : il est le dernier steamer à
entrer dans la flotte de commerce. Depuis l’origine, le Maroc compte 66
navires à vapeurs, ALHASSANNEE étant le premier (1886).
D. Et Maintenant

En regardant loin dans le passé, on constate que la marine marchande du


Maroc a parfaitement réussi à faire les bons choix : acheter vite et bien avec
les « Yard Oil » ; considérer le bateau de commerce comme centre de
formation avec le « Liberty Ship » DJERADA ; penser le navire lui-même
comme marchandise avec les KETTARA.
En raison de l’ignorance de ce passé, les centres de décision sont
aujourd’hui incapables de comprendre le rôle actuel de ces trois
fondamentaux. Il s’agit en substance de ne pas rater le rendez-vous avec un
avenir plein de promesses et richesses.
Maintenant que cette lacune est comblée, ils doivent se réveiller et se mettre
au travail pour exécuter le programme préétabli dans mon fameux article :
Comme les étoiles dans la nuit ; NAVIRES DU MAROC ; De la naissance à 2040.

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Yard Oil & Liberty Ship au Maroc
A. ASTRÉE / OUED KISS [1947−1959]

Navire citerne construit à Madisonville (USA) en 1943 pour le compte de la


Navy. Muni d’une seule hélice ; moteur Diesel de 400 cv ; vitesse de 8,59
nœuds ; tirant d’eau 3,5 m ; longueur 49,5 m de long pour 8,2 m de large. Il a
une capacité de 730 tpl ; 496 tjb et une jauge nette de 319 tx. Ses réservoirs ont
une contenance utile de 700 hectolitres. En 1943, à son lancement, il est
américain sous le code Y-24 (Yard Oil). Il est utilisé comme ravitailleur en
carburant. En 1946, il porte le drapeau du Panama avec le même code Y-24.
Puis, en 1947, il passe sous pavillon marocain avec pour nom ASTRÉE,
propriété de Le Quellec & Co. En 1950, tout en restant marocain, il devient
OUED KISS de la Société de Liaisons Maritimes. Enfin, en 1957, il est acheté
par la Compagnie des Transports Maritimes de Pétrole : il conserve le nom
OUED KISS et la nationalité marocaine. De 1946 à 1958, il est exclusivement
utilisé pour le transport des vins et des huiles comestibles. À Brest, le 2 mars
1956, il subit de graves dommages suite à un incendie provoqué par l’explosion
de la chaudière. Par la suite il devient français PURFINA BREST (1959) et FINA
BREST (1960). En fin de carrière, il bat pavillon grec IRENA (1966) et MAKIS
(1968). Le 19 janvier 1977, lors du trajet du Pirée (Grèce) vers Jiyeh (Liban)
chargé de pétrole, il est pris dans une tempête ; il s’échoue à 10 milles au sud
de Beyrouth, et termine en épave. Disons un mot sur le nom du navire : Astrée,
en grec ancien « la fille-étoile » ou « l'éclair », incarne la Justice, symbolisée par
la constellation stellaire de la Vierge, son principal attribut est la fameuse
Balance. Oued Kiss est une rivière de 30 km de long, située à l’extrême Nord
Est du Maroc ; elle prend sa source au Sud de la ville d'Ahfir et se jette dans la
Méditerranée, à proximité de la ville de Saïdia.

B. EL AFRIT / EL KARIM [1947−1959]

Navire citerne construit à Rochester (USA) en 1944 pour le compte de la Navy.


Muni de deux hélices, il dispose d’un moteur Diesel de 700 cv, ce qui lui permet
d’atteindre une vitesse de 10 nœuds. Son tirant d’eau vaut 3 m ; il mesure 55,6
m de long pour 9,1 m de large. Il a une capacité de 1 015 tonnes de port en
lourd, une jauge brute de 632 tonneaux et une jauge nette de 309 tonneaux. Il
est servi par 9 membres d’équipage et possède 12 réservoirs. À son lancement,
il appartient à l’U.S. Navy sous le code Y-74 (Yard Oil). Il est utilisé comme
ravitailleur en carburant. Ensuite, il passe sous pavillon marocain, propriété de la
Compagnie Marocaine de Transports Maritimes (Shell), sous les noms EL
AFRIT (1947) et EL KARIM (1948). Par cargaisons de 800 tonnes, il alimente en
hydrocarbures le port de Kenitra à partir de Port-de-Bouc (France). Enfin, il
devient italien, d’abord ROSA GAROLLA (1959), puis ROSA G. (1971). En
2003, sa démolition intervient en Italie. Disons un mot sur le nom du navire : Afrit
est un personnage surnaturel de la mythologie arabe, faiseur de miracles. C'est
Antoine Galland qui emploie ce mot dans sa traduction des Mille et Une Nuits au
début du XVIIIème siècle. Dans la vie courante, le terme est utilisé pour qualifier
un individu réactif, avisé et débrouillard.

C. MARHABA [1947−1957]

Navire citerne construit à Perryville MD (USA) en 1944 pour le compte de la


Navy. Muni de deux hélices, il dispose d’une puissance Diesel de 960 cv, ce qui
lui permet d’atteindre une vitesse de 10 nœuds. Son tirant d’eau vaut 3 m ; il
mesure 55,6 m de long pour 9,1 m de large. Il a une capacité de 1015 tonnes de
port en lourd, une jauge brute de 633 tonneaux et une jauge nette de 309
tonneaux. À son lancement, il appartient à l’U.S. Navy sous le code Y-47. Il est
utilisé comme ravitailleur en carburant. En 1946, il porte le drapeau du Panama
Y-47, et en 1947 celui du Brésil KOUFRA. Puis, il passe sous pavillon marocain,
successivement propriété de la Société Africaine de Transports Maritimes
(1947), la Société d’Armement de Navires Citernes (1950) et de la société Fret
Maroc (1953). En 1953, il est gravement endommagé par une explosion au port
du Havre ; toute la partie avant est reconstruite (66,32 x 9,07 m / 725 tonneaux).
Enfin, il devient MONT KHI au Honduras (1957), français SAGALLO (1957),
italien PORTOLO (1958) et CORALLINA BUNKER (1962). En 1992, il est
envoyé pour démolition à Naples (Italie). Disons un mot sur le nom du navire :
Marhaba signifie Bienvenue, Bonjour en arabe.

D. TAMELELT / CAROLA [1947−1957]

Navire citerne construit à Rochester (USA) en 1944 pour le compte de la Navy


sous le code Y-40. Muni de deux hélices, il dispose d’une puissance Diesel de
800 cv, ce qui lui permet d’atteindre une vitesse de 12 nœuds. Son tirant d’eau
vaut 4,13 m ; il mesure 55,6 m de long pour 9,1 m de large. Il a une capacité de
1 039 tonnes de port en lourd, une jauge brute de 630 tonneaux et une jauge
nette de 309 tonneaux. En 1947, la Société Navale de l’Atlantique acquiert le
navire et le transforme en pinardier, les parois des réservoirs sont enduites de
paraffine ; allongement à 55,9 m et jauge brute portée à 650 tonneaux. Ensuite,
il passe sous pavillon marocain, propriété de la Société Fret Maroc, sous les
noms CAROLA (1947) et TAMELELT (1950). Il est affecté à la ligne Brest-
Fédala (Mohammedia)-Port Lyautey (Kenitra). Il est transformé à Sète pour
assurer des rotations entre la France et l’Afrique équatoriale. Enfin, il devient
italien LISA C (1957) et ALICUDI (1963). Le 4 août 2010, il est rayé des listes du
Lloyd's Register. Disons un mot sur le nom du navire : Le mot tamellalt est le
féminin de « amellal », terme qu’on trouve dans presque tous les parlers
amazighs avec le même sens et la même forme du masculin et du féminin. D’où
l’origine du nom de la ville marocaine Melilla, Tamelilt « la blanche », Malila chez
les géographes arabes ou Mliliya en darija ; prononciation locale « Mritch » qui
veut dire Mlilt c’est à dire la « Blanche ».

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E. CIRCE [1948−1965]

Navire citerne construit à Madisonville (USA) en 1943 pour le compte de la Navy


sous le code Y-25 ; livré par le chantier Odenbach Shipbuilding qui a construit 48
du même type. Muni d’une seule hélice, il dispose d’une puissance Diesel de
400 cv, ce qui lui permet d’atteindre une vitesse de 9 nœuds. Son tirant d’eau
vaut 3 m ; il mesure 49,5 m de long pour 8,2 m de large. Il a une capacité de 700
tonnes de port en lourd, une jauge brute de 484 tonneaux et une jauge nette de
319 tonneaux. Lancé en 1943, il demeure américain jusqu’en 1948, année où on
le transforme en pinardier, avec une jauge brute portée à 494 tonneaux. Pour
cela, les parois des réservoirs sont enduites de paraffine. Cette même année, il
est vendu à la Société Le Quellec & Co qui le baptise CIRCE sous pavillon
marocain. Enfin, en 1965, il devient italien sans changer de nom et VETOR
PRIMO I (1975). Le 17 juin 1978, lors d’un voyage de Sicile vers Malte, il est
victime d’un incendie. Il est alors abandonné en feu à 10 milles à l’Est de l’île de
Ponza. En octobre 1979, il est renfloué et démoli à Gaeta (France). Disons un
mot sur l’appellation du navire : l’armateur Le Quellec & Co nomme ses navires
en référence à la mythologie grecque, ainsi la magicienne Circé.

F. DJERADA [1948−1968]

Cargo à vapeur construit en 1943 aux USA par New England Shipbuilding
(Portland) pour le compte de la Navy. C’est un Liberty ship. À son lancement en
1945, il est américain, baptisé NICOLLET. Il possède un château à l’arrière, trois
cales à l’avant, équipé de 10 mâts de charge de 5 t, un de 20 t et une bigue de
30 t ; 9 officiers, 17 marins au pont et à la machine, 7 hommes pour le service
général ; les aménagements sont conformes à la convention de Seatle. En
1948, sous le nom DJERADA, il bat pavillon marocain, propriété de la
Compagnie Franco Chérifienne de Navigation, puis de la Compagnie Marocaine
de Navigation (1950). Sur ce navire, des officiers marocains de légende
débutent leur carrière. Le DJERADA est utilisé pour les transports en
Méditerranée et en Extrême-Orient. En affrètement, il effectue des rotations
entre le Maroc et le Sénégal. À Dunkerque, le 10 novembre 1968, il entre en
collision avec le bateau polonais ZIEMIA SZCZECINSKA. Gravement
endommagé, le DJERADA est déclaré perte totale et vendu au Hollandais N.V.
Intershitra. Le 9 février 1970, il est remorqué vers San Pedro del Pinatar
(Espagne), où il est confié pour démolition à J. Laborda Gonzalez (Valence).
Disons un mot sur le nom du navire : Jerada (Djerada) signifie « sauterelle » en
arabe dialectal. C’est un ancien centre d’extraction de charbon, localisé à 1 080
mètres d'altitude (Jebel Chekhar) et à environ 60 km au Sud de la ville de Oujda.
Signalé dès 1908, exploité à partir de 1930, ce gisement comporte deux bassins.
Mais, la minceur des couches et leur écartement gênent l’exploitation. La mine
ferme officiellement en juillet 2000.

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G. MAROCAIN / MERIEM [1948−1951]

Navire citerne construit à Galveston (USA) en 1944 pour le compte de la Navy


sous le code Y-107 ; livré par le chantier Kane Shipbuilding (Texas) qui a
assemblé onze autres « Y » identiques. Muni de deux hélices, il dispose d’une
puissance Diesel de 920 cv, ce qui lui permet d’atteindre une vitesse de 12
nœuds. Son tirant d’eau vaut 4,13 m ; il mesure 55,6 m de long pour 9,1 m de
large. Il a une capacité de 1 015 tonnes de port en lourd, une jauge brute de 632
tonneaux et une jauge nette de 335 tonneaux. En 1946, il passe au Panama (Y-
107) et en 1947 au Honduras (ALEXANDRIA). Cette même année, il porte le
drapeau du Maroc sous le nom MAROCAIN, propriété de la Compagnie
d'Armement de Navires Citernes. En 1949, il est renommé MERIEM. Il assure la
relation Maroc-Port de Bouc (France) pour le transport d’essence et de gasoil.
Ensuite, il devient français LIEUTENANT PAUL-MARCK (1951). Pendant la
guerre d’Indochine, il est armé par un équipage marchand pour le compte du
gouvernement français (via le service des Essences aux armées), en étant géré
par la compagnie des Messageries maritimes. Il mène des actions cruciales
d’appoint logistique, notamment le stockage de carburant à Doson (Tonkin) et le
ravitaillement du porte-avions Arromanches. Enfin, en 1959, il est italien
ORTIGIA. En 1984, il est envoyé pour démolition à Pietra Ligure (Italie). Disons
un mot sur le nom du navire : Marocain est le qualificatif relatif au Maroc ou à
ses habitants. Meriem est un prénom féminin arabe qui veut dire « celle qui est
pieuse », a pour variantes Meryem et Mariama.
H. PHRYNE [1948−1965]

Navire citerne construit à Orange (USA) en 1943 pour le compte de la Navy


sous le code Y-22 ; livré par le chantier Levingston (Texas) qui a construit dix du
même type. Muni d’une seule hélice, il dispose d’une puissance Diesel de 920
cv, ce qui lui permet d’atteindre une vitesse de 9 nœuds. Son tirant d’eau vaut
3 m ; il mesure 49,5 m de long pour 8,2 m de large. Il a une capacité de 700
tonnes de port en lourd, une jauge brute de 484 tonneaux et une jauge nette de
319 tonneaux. À son lancement en 1943, il est américain. En 1946, il passe au
Panama sous le code Y-22. Le 20 décembre 1947, le Y-22 est baptisé
PHRYNE. Il est alors mis sur cale pour transformation en pinardier aux
Chantiers Navals de France à Caen (CNF). En 1948, à la fin des travaux, il porte
le drapeau du Maroc, propriété de Le Quellec & Co sous le nom PHRYNE, qui le
dédie au transport de vin. Ensuite, il devient français MACTA (1965), grec avec
pour appellations ELPIDA 1 (1968), ELIANA (1972), EDDA (1980). Le 31
octobre 1984, il est démoli à Elefsina (Grèce) par Sotiropoulos Brothers. Disons
un mot sur le nom du navire : l’armateur Le Quellec & Co nomme ses navires en
référence à la Grèce antique, ainsi Phryné célèbre courtisane du IVème siècle
av. J.-C.

I. TAROUDANT [1948−1953]

Navire citerne construit à Rochester (USA) en 1943 pour le compte de la Navy


sous le code Y-39 ; livré par le chantier Odenbach Shipbuilding. Muni d’une

9
seule hélice, il dispose d’une puissance Diesel de 700 cv, ce qui lui permet
d’atteindre une vitesse de 10 nœuds. Son tirant d’eau vaut 3 m ; il mesure 55,60
m de long pour 9,10 m de large. Il a une capacité de 1 039 tonnes de port en
lourd, une jauge brute de 630 tonneaux et une jauge nette de 309 tonneaux. À
son lancement, il est américain (1943). En 1947, il passe au Panama (IRIELLA).
En 1948, il porte le drapeau du Maroc, sous le nom TAROUDANT. Il est alors
propriété de la Compagnie Chérifienne d’Armement et de Transport qui le dédie
au transport de vin sur les lignes Rouen (France) et Oran (Algérie). Il est équipé
de 25 cuves totalisant 9 800 hectolitres. Il faut 24 heures pour le décharger.
Entre temps, il est transformé à Marseille pour assurer des rotations entre la
France et l’Afrique équatoriale. Par la suite, il devient brésilien SAICI (1953) et
MARIO DIAS (1959). Il est rayé des listes en 1971. Disons un mot sur le nom du
navire : Taroudant est une ville du Maroc, très ancienne (XIème siècle),
entourée par les massifs des chaînes de l’Atlas, notamment le Toubkal, plus
haut sommet d'Afrique du Nord (4 167 m).

J. STILBE [1949−1960]

Navire citerne construit à Madisonville (USA) en 1943 pour le compte de la Navy


sous le code Y-27. Il est livré par le chantier Equitable Equipment qui en a
produit 5 identiques. Muni d’une seule hélice, il dispose d’une puissance Diesel
de 400 cv, ce qui lui permet d’atteindre une vitesse de 9 nœuds. Son tirant d’eau
vaut 3 m ; il mesure 49,5 m de long pour 8,2 m de large. Il a une capacité de 700
tonnes de port en lourd, une jauge brute de 484 tonneaux et une jauge nette de
319 tonneaux. À son lancement, en 1943, il est américain. En 1947, il passe au
Panama (Y-27). En 1949, il porte le drapeau du Maroc sous le nom STILBE,
propriété de Le Quellec & Co. En 1956, tout en restant marocain et sans
changer de nom, il passe sous contrôle de l’armateur Francalfuts. Il est affecté
au transport de vin en Méditerranée. Le 28 mars 1960, lors du voyage de
Bourgas vers Marseille, il est pris par le mauvais temps. Il se perd sur les récifs
du cap de Gelara. Il s’échoue et coule à 5 milles à l’Est de l’entrée nord du
Bosphore (mer Noire). Disons un mot sur l’appellation du navire : l’armateur Le
Quellec & Co avait pour habitude de nommer ses navires en référence aux
créatures mythologiques grecques ; ainsi, Stilbé est une naïade de la mythologie
grecque, c’est à dire une divinité de l’ordre aquatique, notamment les eaux
douces, les rivières, les sources et les fontaines.

K. CARMEN [1951−1955]

Navire citerne construit à Madisonville (USA) en 1943 pour le compte de la Navy


sous le code Y-23. Il est livré par le chantier Equitable Equipment. Muni d’une
seule hélice, il dispose d’une puissance Diesel de 540 cv, ce qui lui permet
d’atteindre une vitesse de 8 nœuds. Son tirant d’eau vaut 3 m ; il mesure 49,5 m
de long pour 8,2 m de large. Il a une capacité de 700 tonnes de port en lourd,
une jauge brute de 484 tonneaux et une jauge nette de 319 tonneaux. À son
lancement, en 1943, il est américain Y-23. En 1948, il passe au Honduras
(CARMEN). En 1951, il porte le drapeau du Maroc, propriété de Fret Maroc sous

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le nom CARMEN. On le transforme en pinardier. Pour cela, les parois des
réservoirs sont enduites de paraffine. Il assure ainsi le transport de vin entre le
Maroc, l’Algérie et la France. Enfin, il devient grec avec pour noms FRYNI
(1955), YIANNAKIS S (1965), TAKIS V (1982) et RODINI (1984). Il est rayé des
listes à l’automne 2015. Disons un mot sur le nom du navire : Carmen est un
prénom féminin espagnol, il ne provient pas du mot latin carmen (qui signifie « le
poème » ou « le chant »), mais de la Vierge du Carmel ; Notre Dame du Carmel
est l'un des divers noms de la Vierge Marie.

L. TINA [1951−1957]

Navire citerne construit à Rochester (USA) en 1944 pour le compte de la Navy


sous le code Y-82 ; livré par le chantier Odenbach Shipbuilding. Muni d’une
seule hélice, il dispose d’une puissance Diesel de 700 cv, ce qui lui permet
d’atteindre une vitesse de 8,5 nœuds. Son tirant d’eau vaut 3 m ; il mesure 55,6
m de long pour 8,2 m de large. Il a une capacité de 918 tonnes de port en lourd,
une jauge brute de 632 tonneaux et une jauge nette de 309 tonneaux. Il dispose
de 25 cuves totalisant 9 800 hectolitres. À son lancement, en 1944, il est
américain Y-82. Puis, il passe, successivement au Panama en 1946 (Y-82), au
Honduras en 1949 (TINA) et en Tunisie en 1950 (TINA). En 1951, il bat pavillon
du Maroc, propriété de la Compagnie Générale d’Armement Maritime sous le
nom TINA. Il assure le transport du pétrole raffiné. En 1957, on le confie aux
établissements Caillard du Havre pour le convertir au transport des gaz de
produits liquéfiés. Il dispose ainsi de 14 citernes cylindriques verticales, d’une
capacité totale de 410 tonnes. Ainsi modifié, il prend pavillon Honduras NIFOU
(1957), puis redevient français AMBADO (1957), et enfin grec MEDGAS (1962).
Il est rayé des listes en 1997. Disons un mot sur le nom du navire : le prénom
féminin Tina est un diminutif de Christine, forme ancienne inspirée du terme latin
Christus qui signifie « Christ ».

M. TERESA [1953−1957]

Navire citerne construit à Rochester (USA) en 1944 pour le compte de la Navy


sous le code Y-68 ; livré par le chantier Odenbach Shipbuilding. Muni de deux
hélices ; puissance Diesel 680 cv ; vitesse 9 nds ; tirant d’eau 4,13 m ; 55,6 m
de long pour 9,1 m de large ; 1 031 tpl, 632 tjb et une jauge nette de 309 tx. Au
lancement en 1944, il est américain Y-68. Puis il passe, successivement au
Panama en 1946 (Y-68), au Honduras en 1949 (TERESA) et en Tunisie en 1950
(TERESA). En 1951, il est marocain TERESA, propriété de Fret-Maroc. Il est
alors affecté au transport de carburant. Enfin, il est grec TERESA (1957), puis
EVGENIA (1993). En 2018, il est toujours actif dans le cabotage entre le port de
Kryoneri (Grèce) et l’île de Spetses. Disons un mot sur le nom du navire :
Therasia, habitant de l'île de Tarnre, en Méditerranée centrale. En grec ancien
« moissonner » qui explique le rapprochement avec Cérès « Déesse des
moissons ». Teresa a pour variantes Terri, Terrie (anglais), Theresa (espagnol).

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N. KETTARA VIII [1963−1964]

Navire à vapeur construit en 1943 aux USA par New England Shipbuilding
(Portland) pour le compte de la Navy. C’est un Liberty ship. Au lancement, il est
donc américain JOHN N. ROBINS (1943). À la fin de la guerre, en conservant le
nom, il est cédé à la France le 11 août 1946. De 1947 à 1962, il change
d’appellation LE LAVANDOU, mais demeure français. Il transporte du ciment
(2 601 tonnes) de Port-De-Bouc (France) à destination d’Abidjan. Il est affecté
au cabotage le long des côtes africaines, ainsi Douala, Libreville, Pointe Noire,
Angola, Côte d’Ivoire. Le 22 novembre 1963, il est acheté par la Compagnie
Minière et Métallurgique (Maroc). Il effectue un unique voyage : chargé de
ferraille, il arrive le 21 janvier 1964 à Nagoya (Japon) pour la démolition.

O. TADGERA [1963−1964]

Navire à vapeur construit en 1943 aux USA par New England Shipbuilding
(Portland) pour le compte de la Navy. C’est un Liberty ship. À son lancement, il
est américain sous le numéro K 206 ; à la fin de la guerre, on le baptise
PONTOTOC. On le transforme en navire de commerce. Le château est à
l’arrière ; il dispose de trois cales à l’avant, 10 mâts de charge de 5 t, un de 20 t
et une bigue de 30 t ; 9 officiers, 17 marins au pont et à la machine, 7 hommes
pour le service général ; il est à noter que les aménagements sont conformes à
la convention de Seattle2. En 1947, il devient français TAURUS et TADGERA
(1960). Il transporte des clinkers et du ciment à destination d’Alger. En 1963, il
passe sous pavillon marocain, avec pour nom TADGERA, propriété de la
Société Algéro-Marocaine de Navigation Côtière. Il charge des engrais de
Rouen à destination de Casablanca. En retour, il livre des phosphates au port de
Sète. En 1964, il prend les couleurs de la Grèce (MYRIAM). En octobre 1968, il
est vendu à des ferrailleurs espagnols pour 32 500 £. Le 21 octobre, il quitte
Port-De-Bouc pour Valence où il arrive pour démolition, le 25 octobre 1968.
Disons un mot sur le nom du navire : Tadgera (Tadjera) est une montagne
(861 m) du massif Traras (Algérie), à l'Est de Ghazaouet. Ce pic sert depuis
l'Antiquité de repère aux bateaux des pêcheurs ; Tadgera signifie « montagne
carrée » en berbère.

P. KETTARA IX [1966−1967]

Navire à vapeur construit en 1943 aux USA par New England Shipbuilding
(Portland) pour le compte de la Navy. C’est un Liberty ship. Au lancement, il est
américain JOHN GRIER HIBBEN (1943) ; il participe aux convois de navires
marchands de 1943 à 1945, en mer du Nord et en Atlantique. Puis, il est français
sous le nom BELFORT (1946). Il transporte du charbon d’Indochine vers Le
Havre et Lorient, à raison de 1 200 tonnes par chargement. Le 30 mai 1954, à
Bangkok, il aborde le cargo anglais BENRINNES et coule quatre jonques

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Convention concernant l'alimentation et le service de table à bord des navires (Entrée en vigueur: 24 mars 1957) ; adoptée
à Genève par la Conférence générale de l'Organisation internationale du Travail (27 juin 1946).

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accostées à ce navire. En mai 1966, il devient monégasque en gardant le nom.
En février 1967, il est acheté par la Compagnie Minière et Métallurgique qui le
baptise KETTARA IX, mais il est immatriculé au Panama. 3 Il effectue un unique
voyage : chargé de ferraille embarquée au port de Casablanca, il arrive le 16 juin
1967, pour la démolition à Yokosuka (Japon) par Amakasu Sangyo KK. Disons
un mot sur le nom du navire : le gisement de Kettara, situé à 32 kilomètres au
nord de Marrakech, en direction de Safi, exploité depuis 1938 par la Compagnie
Minière Métallurgique, a fourni 77 400 tonnes d'hématite. L'extraction de cuivre,
objectif initial en 1930, n’a jamais eu lieu. La mine est abandonnée en 1982.

FAIT à Casablanca, le 1er Septembre 2020

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La Compagnie minière et métallurgique fondée en 1937 exploite les gisements d’oxyde de fer à Kettara, près de
Marrakech, où elle a une usine de traitement. Mais elle tire ses bénéfices les plus importants du commerce des produits de
récupération : caoutchouc et férailles. Le capital est porté de 200 à 400 millions de francs en 1954 par incorporation des
réserves. Bénéfices nets : 1951 : 111 millions ; 1952 : 160 millions ; 1953 : 100 millions.

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