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NAVIRES À GRANDE VITESSE DU MAROC

Résumé : L’aventure des navires à grande vitesse du Maroc commence en 1968. Elle
est liée à celle du transport de passagers. Son étude constitue un excellent sujet de
réflexion par rapport aux nombreuses interrogations de logistique que se posent les
marins, les ingénieurs et les usagers, même si elles ne relèvent pas forcément de leur
métier de base. Par la force des choses, on finit par retrouver le pénible épisode de
2012, année où la flotte de navires de passagers disparaît brutalement. En raison de son
ampleur, cet effondrement mérite d’être recadré dans une perspective qui remonte loin
dans le temps. D’où la nécessité de passer en revue la ligne de vie globale de l’ensemble
des ferries du Maroc, de la naissance (1966) à 2020. Cet examen fait apparaître une
robustesse permanente, avec des périodes de prospérité remarquables, ainsi en 1975,
1987 et 2011. Aujourd’hui, la question clé, hautement stratégique, se pose comme suit :
Comment remettre sur pied une flotte marchande garantissant des échanges maritimes
équilibrés et maîtrisés, avec en arrière plan la sécurité des approvisionnements du pays.

Par Najib Cherfaoui, expert portuaire et maritime

Fait à Casablanca, le 14 JUILLET 2020


NAVIRES À GRANDE VITESSE DU MAROC

Par Najib Cherfaoui, expert portuaire et maritime

A. LE TUNNEL FANTOME

Le Détroit de Gibraltar constitue un nœud logistique du genre « courte


distance maritime ». Depuis la seconde moitié du XIXème siècle, les
ingénieurs mènent des réflexions pour contourner cette barrière naturelle.
En particulier, ils s’activent sur le franchissement à sec du Détroit au moyen
d’une liaison fixe, de type pont ou tunnel. Ce serait le moyen le plus rapide.

Tout commence donc en 1869 lorsque l'ingénieur français, le Comte de


Villedeuil, lance le débat sur une liaison dans le Détroit de Gibraltar. Il a le mérite
de mettre la question dans l’air du temps.

À sa suite, les Espagnols reprennent le concept et mènent les premières


réflexions sur le franchissement à sec du Détroit.

En 1906, lors de la conférence d'Algésiras, l'ingénieur Garcia Faria suggère ou


bien de creuser la roche ou bien de placer un cylindre sur le fond de la mer.

Deux ans plus tard, l'ingénieur Carlos Ibanez de Ibero conçoit un tunnel
ferroviaire avec trois galeries principales dont une de service ; il en propose de
plus une variante sous la forme d’un seul corridor englobant le rail et la route. Il
est le premier à aborder le sujet dans sa totalité, incluant à la fois les aspects de
droit, de science, d’économie et de sociologie.

C’est de l’Espagne que viendra le premier déclic officiel à travers l'Ordonnance


Royale du 17 janvier 1914. Avec ce décret, le projet prend une dimension
politique. Il prévoit notamment la création d’un Conseil pour estimer la faisabilité
d’une liaison par train entre les deux continents. En 1918, le général Mariano
Rubio présente un mémoire sur ce thème devant les Assises Nationales
d'Ingénierie.

Au même moment, l'ingénieur français Bressler soutient une thèse similaire


devant le Congrès Général de Génie Civil réuni à Paris.

En 1919, Carlos Mendoza, ingénieur des ponts et chaussées, défend une


solution particulièrement audacieuse. Pour s’affranchir d’un percement, il
envisage un système de tubes métalliques ancrés sur les rives les plus
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rapprochées du Détroit. D'une longueur de 15 km, l'ouvrage est suspendu à 20


ou 30 m de profondeur par de grandes bouées flottantes.

À partir de 1925, les instituts espagnols appuient les recherches dans ce


domaine. Le gouvernement mène une campagne de sensibilisation sur le sujet
et charge deux commissions d'examiner la faisabilité d’un tunnel ferroviaire selon
les plans du lieutenant colonel d'artillerie Pedro Jevenois. Elles se réunissent de
1928 à 1931 et concluent qu’il est parfaitement réalisable.

L'année suivante, l'ingénieur des ponts et chaussées, Fernando Gallego Herrera,


revient au procédé des tubes flottants. Calés à 20 m sous les eaux, ils abritent
deux voies destinées à la circulation des véhicules à roues. La tubulure est
composée de 75 éléments de 200 m chacun. La fixation est obtenue par des
câbles ancrés dans des appuis en béton armé. Par delà la question de la
stabilité, cette méthode entrave la circulation sous-marine.

En 1930, Garcia Herrero exhibe un amalgame de tunnel et de tubes en ciment


accolés par blocs de 100 m et attachés à des bouées flottantes.

L’ingénieur Alfonso de Pena Bœuf (1956) attire l’attention sur les dangers d’un
tunnel, notamment en raison des nombreuses failles géologiques à traverser.
S’inspirant d’une étude de liaison sur le Tage au niveau de Lisbonne, il est l'un
des premiers à imaginer un pont suspendu sur près de 20 km. Il se compose de
travées mesurant 1 000 m dans les zones littorales et 2 000 m dans la partie
maritime. Désormais, le tunnel n’est plus la seule option envisagée.

Enfin, il convient de citer également l'ingénieur Alejandro Goicoechea. Partisan


du tunnel dans un premier temps, il tranche par la suite en faveur d’une grande
digue de 150 m de large incluant autoroute et voies ferrées. Son confrère Rafael
Rubio Elola l’améliore par un système de récupération de l’énergie des courants
marins.

La liaison fixe, idée vieille comme le temps, défraye à nouveau la chronique


en 1979, puis tombe dans l’oubli au début des années 90. Passée de mode,
on lui préfère aujourd’hui les Navires à Grande Vitesse.

B. LA LIAISON SERA MARITIME

Au port de Tanger, les décideurs finissent alors par se résoudre à composer


avec l’élément marin. On maintient le segment maritime et on agit sur les
deux vecteurs Embarcation/Port, à travers la performance des navires, la
rapidité du transbordement et l’adaptation des quais.

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figure 1 : port de Tanger en 1959 ; transbordeur du détroit, le ferry « Mons Calpe », de la Cie
Bland Line, assure la liaison avec Gibraltar. À cette époque, les voitures à embarquer sont
soulevées par un système de cordes pour être ensuite déposées sur le pont du navire.

Le premier point se révèle structurant pour le port : agrandissement et


construction de nouveaux quais (1961 & 1966), allongement de la digue
(1963), appontement de roulage (1966), bassin des alyscaphes (1966), gare
maritime (1971) et môle de commerce (1973).

Le deuxième point concerne l’ajustement de la navigation au régime des


houles d’Est, courtes et dures, en provenance de la Méditerranée.

L’étude, la mise en œuvre et l’exploitation d’une traversée accélérée sont


confiées à un armement dédié : Transtour (Transports Touristiques
Intercontinentaux), compagnie hispano-marocaine enregistrée à Tanger [12
décembre 1967] ; la Banque Fierro et la Banque Nationale Du
Développement Economique (BNDE) interviennent à égalité dans
l’actionnariat. Transtour [1968-1989] s’investit alors résolument dans la
grande vitesse.

Prudent, Mr Etienne de Chararavian [président de Transtour] commence par


expérimenter le concept de l'hydroptère dans l’ensemble des ports du
Détroit, ainsi Gibraltar, Ceuta, Algesiras, Tanger et Tarifa. Pour cela, il
affrète l’hydroptère PT-50 FRECCIA DEL MEDITERRANEO à la société
italienne S.A.S. de Naples. Les essais sont probants. On procède alors à
l’acquisition d’un hydroptère auprès de la société allemande Brunsco & Co.
de Hambourg ; baptisé SINDIBAD, il est placé sur la ligne Tanger-Marbella.

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NAVIRES À GRANDE VITESSE DU MAROC

En 1971, Un deuxième hydroptère, de type Kometa-M, est acheté en Union


soviétique. C’est le fameux ALADIN.

Au total, il y aura trois hydroptères ; on dit aussi alyscaphe ou bien encore


hydrofoil : SINDIBAD, ALADIN et SHEHERAZADE. À cause du non
renouvellement des navires, l’aventure Transtour se termine de manière
silencieuse en 1989.

En juillet 1981, Tanger rate le virage du catamaran car avec le JAGUAR


(Espagne) ce type de navire fait son apparition sur la ligne Tanger-Tarifa-
Gibraltar.

Il faudra attendre plus de dix ans pour assister à une initiative marocaine en
direction du catamaran.

Ainsi, Tanger Jet Shipping, filiale de FRS, opère deux ferries de type
« catamaran » TANGER JET (2001) et TANGER JET II (2007). Par la suite,
avec BISSAT et BORAQ (2010), la Comarit [1984-2014] s’engage aussi
dans cette voie.1

On retiendra en substance que la logistique a d’abord intégré


harmonieusement les exigences maritimes du Détroit, pour ensuite orienter,
profiler et adapter au mieux les caractéristiques du port de Tanger Ville.

C. Port de Tanger

Le lecteur me croira si je lui dis que je dispose, sur plusieurs siècles, de


l’historique détaillé du port de Tanger. Le lecteur me croira aussi si je lui dis
que toutes les données ont été recoupées par au moins deux sources
différentes.

Je m’en tiens ici à la seconde moitié du XXème siècle.

L’étude économique, entreprise en 1959, conclut sur la nécessité de


concentrer à Tanger l’ensemble du trafic de la région Nord Ouest du Maroc.

L’année suivante, le Gouvernement opte pour l’extension du port. Les


travaux débutent au cours de l’été 1961.

1 L’Allemand FRS (Förde Reederi Seetouristik) intervient via sa filiale Tanger Jet Shipping ; la Comarit
[Compagnie Maritime Maroco-Norvégienne] est détenue à 25% par le Norvégien Fred Olsen & Co.

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NAVIRES À GRANDE VITESSE DU MAROC

Il s’agit d’abord de prolonger le quai n°1 sur une longueur supplémentaire de


50 m et ensuite d’édifier un nouveau quai de 330 m, dit quai n°2. Le tout
entrera en service deux ans plus tard.

quai 3 PM
quai 4 quai 5 quai pétrolier 1 329
roulier
1967 courriers escales 1963
1948 1935
gare maritime
1971

bassin môle
alyscaphes commerce
1951 1973
quai 2
quai 1 1966
1966

PORT DE TANGER
1998

figure 2 : Plan illustrant le poids de la logistique sur la transformation du port historique de


Tanger au cours de la seconde moitié du XXème siècle, jusqu’en 1998.

Dans le sillage de ce programme, un terre plein de quinze hectares environ,


situé en arrière des quais n°1 et n°2, est gagné sur la mer. Onze hectares
de cet espace, bordés par la partie Nord du quai n°2 sur un linéaire 130 m,
sont réservés à la zone franche.

Toujours en 1963, on augmente la longueur de la grande jetée de 1 000 à


1 329 m. Parallèlement, on établit un poste pétrolier à partir du point
métrique 900.

L’année 1966 se caractérise par la réalisation d’un appontement spécial


pour transbordeurs, de 120 m de long ; il prend naissance au niveau du
terre-plein de carburants. Cette plate forme, accostable sur ses deux faces,
comporte de chaque côté, à l’enracinement, un système de passerelles
permettant l’embarquement et le débarquement direct par roulage. Le
dispositif entre en service au mois de mars de l’année suivante.

Une nouvelle gare maritime voit le jour en 1971. Elle occupe les terre-pleins
derrière le nouvel appontement ; une passerelle la relie à ce dernier.

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NAVIRES À GRANDE VITESSE DU MAROC

En 1973, l’élargissement du môle de commerce est réalisé. Il consiste en la


construction d’un quai de 150 m de long à la suite de l’ancien quai n°2 ; et
d’un tableau de 100 m, les profondeurs étant draguées à – 12 m.

La figure 2 récapitule la localisation de ces travaux qui vont dessiner pour 30


ans le paysage maritime du port de Tanger Ville.

D. Hydroptères

Un hydroptère est une embarcation qui réalise un compromis entre l’avion et


le bateau classique. Muni d’ailes portantes, dites patins ou foils, il utilise les
lignes de courant ascendantes qui rejoignent la surface pour former le
sillage, générant ainsi une portance.

L’objectif consiste à extraire la coque de l’eau.

En immersion flottante et à pleine puissance (2 000 cv), deux hélices


propulsent l’hydroptère a une vitesse de douze nœuds. À 25 nds, il décolle
sur ses patins (foils). La coque s’élève de près de 3 m au dessus de la
surface de l’eau. Porté par ses patins, il peut alors naviguer à 35 nds.

Dans l’ordre chronologique, il y a SINDIBAD (1968), ALADIN (1971) et


SHEHERAZADE (1973).

Pour leur accueil, on a spécialement aménagé le bassin, dit des alyscaphes.


Ainsi, plusieurs pontons sont installés car les ailerons stabilisateurs ne
permettent pas l’accostage direct à quai.

E. Catamarans

Si l’on veut augmenter la vitesse d’un navire, il faut réduire la résistance à


l’avancement. Pour y parvenir, le principe du catamaran consiste à utiliser
deux coques distinctes offrant ainsi une prise à l’eau inférieure à celle d’un
monocoque. On obtient de la sorte une très bonne stabilité. De plus, on
gagne en légèreté car on n’a pas besoin de lest.

Dans l’ordre chronologique, il y a quatre catamarans : TANGER JET (2001),


TANGER JET II (2008), BISSAT (2010) et BORAQ (2010).

Au port de Tanger, ces catamarans utilisent les rampes déjà installées à


l’attention des ferries classiques. Ce sont les deux postes de la gare
maritime et le quai n°3.

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NAVIRES À GRANDE VITESSE DU MAROC

Ces quatre navires ont des carrières différentes.

D’abord, FRS vend les deux TANGER JET, respectivement en 2011 et


2012.

Puis, suite à des difficultés financières, la Comarit est abandonné à son


propre sort. Sa liquidation autorise Maroc Leasing à reprendre possession
du BISSAT, le renomme DETROIT JET et le confie à l’armement marocain
Inter Shipping créé en 2012. De même, BORAQ est également désarmé en
2012, puis saisi et vendu aux enchères en 2016 à Inter Shipping.

Le délaissement de Comarit n’est pas un évènement isolé.

Dans le sillage de la Comarit, plusieurs armements de légende sont


également abandonnés à leur sort : IMTC, Comanav ferry et Limadet
disparaissent dans l’indifférence générale.

Le mal est donc global. Il révèle l’absence totale de réactivité des centres de
décision. De toute évidence, il y a, à la fois, une grave lacune dans le
dispositif de régulation et une carence tout aussi grave dans la veille
stratégique.

Pour mieux cerner les causes de cet effondrement, je passe en revue le


destin de chaque ferry marocain de la naissance (1966) à 2020.

Cette analyse permet de mettre en évidence les fractures essentielles, les


dates clés et les étapes marquantes.

C’est l’objet du prochain paragraphe.

F. Et Maintenant

En 2020, le Maroc dispose de six ferries LE RIF/MOROCCO SUN (2002),


BISSAT/DETROIT JET (2010), BORAQ (2010), TANGER EXPRESS (2011),
MOROCCO STAR (2016), MED STAR (2017) ; ils représentent une capacité
5 397 pax et 1 448 voitures.

Depuis les origines jusqu’à aujourd’hui, l’évolution de la flotte des navires de


passagers du Maroc fait apparaître une robustesse permanente. Après
chaque reflux, le système reprend vie, avec des périodes de prospérité tout
à fait remarquables, ainsi en 1975 et 1987 et 2011.

Plus précisément, de 1886 à 2020, le Maroc arme exactement 35 navires de


passagers, ce qui correspond à un tonnage brut global de 301 681

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NAVIRES À GRANDE VITESSE DU MAROC

tonneaux, 35 777 pax et 9 411 voitures. Le premier ferry, IBN BATOUTA,


entre en flotte en 1966. Le pic des ferries en service (17) est atteint en 2011,
avec une capacité de 19 897 pax et 6 069 voitures, soit 171 211 tjb.

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15 FLOTTE MARCHANDE DU MAROC
Nombre de Navires à Passagers

14 Navires de Passagers en flotte année par année de 1886 à 2019


13
12
11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0

2006
1946

1966

1976

1986

1996

2016
2020
1886

1956
1926

1936
1896

1916
1906

figure 3 : De 1886 à 2020, on compte un nombre global de 35 navires de passagers,


totalisant 301 681 tjb. Le premier car-ferry, IBN BATOUTA, entre en flotte en 1966. Le pic
annuel de navires à passagers en service (17) est atteint en 2011, représentant 171 211
tonneaux de jauge brute.

Comme je l’ai déjà expliqué, en 2012, la flotte de navires de passagers


s’effondre brutalement. En fait, le phénomène est généralisé : il touche
toutes les catégories de navires.

Aujourd’hui, la question hautement stratégique, se pose comme suit :


Comment remettre sur pied une flotte marchande garantissant des
échanges maritimes équilibrés et maîtrisés, avec en arrière plan la sécurité
des approvisionnements du pays.

La clé se situe à autre niveau, sur autre échelle de temps : pour comprendre
l’actuel effondrement, il faut regarder loin en arrière et loin devant.

Je réponds à cette question dans « Comme les étoiles dans la nuit ; NAVIRES DU MAROC
; De la naissance à 2040». https://unctad.org/meetings/en/Contribution/dtltlbts-AhEM2018d2_Cherfaoui_fr.pdf

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FLOTTE DES NAVIRES À GRANDE VITESSE

A. SINDIBAD [1968−1983]

Navire hydroptère, on dit aussi hydrofoil 2, construit à Poti (Géorgie) en 1965,


par Ordzhonikidze Works. Il est équipé de moteurs Leningrad M400. C’est
un bateau de passagers, rapide et muni d’ailes portantes, dites patins ou
foils. À son lancement, il est russe, sous l’appellation KOMETA 5. Puis, il
devient allemand (1966) et anglais (1967). Il est alors propriété de la société
allemande Brunsco & Co. de Hambourg. En 1968, il est acheté et baptisé
SINDIBAD (Maroc) par les Transports Touristiques Intercontinentaux
(Transtour), compagnie hispano-marocaine créée en 1967 ; Banque Fierro
du côté espagnol ; du côté marocain Banque Nationale Du Développement
Economique (BNDE) présidée par S.A.R. le prince Moulay El Hassan
Belmehdi.3 Mr. Etienne de Chararavian (juriste) prend en charge la Direction
opérationnelle. Le SINDIBAD arrive à Tanger où on a spécialement
aménagé un espace, appelé bassin des alyscaphes. L’équipage se
compose de deux officiers et de deux mécaniciens. En Janvier 1968, le
SINDIBAD dessert Tanger-Marbella. Plusieurs pannes forcent le
remplacement des moteurs. De plus, en hiver, les conditions souvent
défavorables du Détroit l’obligent à rester au port pendant de nombreuses
journées. En 1976, il couvre également la ligne Tanger-Gibraltar. L'année
suivante, il est affrété par l’agence de voyages d'Algésiras appelée Tour
Africa. De 1977 à 1979, il est placé sur le segment Tanger-Algésiras. En
1978, Tour Africa achète Transtour. Au début des années 1980, les moteurs
russes sont remplacés par des moteurs GM-Detroit. À partir de Juin 1980, il
assure la relation Tanger-Tarifa ; la durée du trajet est de 30 minutes. Il est
rayé des listes en 1983.

2
Hydrofoil, de hydro (grec) et de l'anglais foil, lui-même issu de l'ancien français foil. Un foil est une surface profilée
immergée pour fournir une portance dynamique (liée à la vitesse) dont sont équipés les bateaux du type hydroptère. Les
foils sont classés en plusieurs familles : les foils à échelle comportent plusieurs plans superposés ; les foils obliques et les
foils en V dont une partie traverse la surface ; les foils immergés, le plus souvent en T inversé.
3
Sous le règne de SM le Roi Mohammed V, son Altesse le prince Moulay El Hassan Belmehdi (1912-1984) assume, avant
l’Indépendance, la fonction de Khalifa du Sultan dans la région nord du Royaume du Maroc (1925-1956). Sous le règne de
SM le Roi Hassan II, il est ambassadeur à Londres jusqu’en 1964 et en Italie (1964-1967), puis président de la BNDE
(1967-1969) et enfin Gouverneur de Bank Al-Maghrib (1969-1983).
NAVIRES À GRANDE VITESSE DU MAROC

figure 4 : Le navire hydroptère, de passagers SINDIBAD (1968−1982) ; 141 tx de jauge brute, longueur
36 m ; construit en Russie (Géorgie) en 1965 ; photo : Transtour.

figure 5 : Le navire hydroptère de passagers ALADIN (1971−1987) ; 142 tx de jauge brute, longueur
33,50 m ; construit en Russie (Géorgie) en 1969 ; photo : Transtour.

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NAVIRES À GRANDE VITESSE DU MAROC

B. ALADIN [1971−1987]

Navire hydroptère, on dit aussi hydrofoil, construit à Poti (Géorgie) en 1965,


par Ordzhonikidze Works. Il est de type Kometa-M, équipé de deux moteurs
Leningrad M-400, à quatre temps en forme de V, 12 cylindres et pistons
marins. Ces moteurs sont une version nautique convertie du diesel
d'aviation M-40. Chaque moteur développe une puissance de 1 000 cv pour
une consommation de 200 litres carburant à l’heure. Il a une autonomie de
300 milles marins. C’est un bateau à passagers, rapide et muni d’ailes
portantes, dites patins ou foils. En 1968, Transtour l’achète à Sudoimport
(Union soviétique) et le nomme ALADIN (Maroc). Le navire arrive à Tanger
en 1971. Il est servi par un équipage de cinq hommes. Il dessert la ligne
Tanger-Algésiras jusqu’en 1986 ; durée du trajet 45 minutes par mer d’huile.
Il est rayé des listes en 1987.

figure 6 : Le navire hydroptère de passagers SHEHERAZADE (1973−1989) ; 136 tx de jauge brute,


longueur 33,50 m ; construit en Russie (Géorgie) en 1972 ; photo : Transtour.

C. SHEHERAZADE [1973−1989]

Navire hydroptère, construit à Poti (Géorgie) en 1972, par Ordzhonikidze


Works. Il est de type Kometa-M, équipé de deux moteurs Leningrad M-400,
à quatre temps en forme de V, 12 cylindres et pistons marins. Ces moteurs
sont une version nautique convertie du diesel d'aviation M-40. Chaque
moteur développe une puissance de 1 000 cv pour une consommation de
200 litres de carburant à l’heure. Il a une autonomie de 300 milles marins.

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NAVIRES À GRANDE VITESSE DU MAROC

C’est un bateau de passagers, rapide et muni d’ailes portantes, dites patins


ou foils. À son lancement, il est russe, sous l’appellation KOMETA C 37.
Puis, en 1973, il est acheté par Transtour qui le nomme SHEHERAZADE
(Maroc). Il possède une capacité de 116 passagers. Il est servi par cinq
hommes d’équipage. Il dessert la ligne Tanger-Algésiras jusqu’en 1989,
année où il est rayé des listes.

figure 7 : Le catamaran de passagers TANGER JET (2004 − 2011) ; 2 165 tjb, longueur 60 m ;
construit à Omastrand (Norvège) en 1996 ; ici, à Gibraltar le 29 août 2008 ; photo : Daniel Ferro.

D. TANGER JET [2004−2011]

Catamaran à double coque construit à Omastrand (Norvège) en 1996. C’est


un navire à passagers. Il est dédié à la grande vitesse (NGV). Muni de
quatre turbines, il possède une puissance de 14 483 cv, vitesse 33 nœuds ;
tirant d’eau 2,15 m ; longueur 60 m ; largeur 16,5 m ; il a un port en lourd de
110 tonnes, une jauge brute de 2 165 tonneaux et une jauge nette de 649
tonneaux. Il possède une capacité de 427 passagers. Il dispose de 230
mètres linéaires de garage, ce qui permet de transporter 52 voitures. Il est à
double coque. Au lancement en 1995, il est français SOLIDOR 3 et dessert
les îles anglo-normandes. En 2001, il passe au Libéria TANGER JET. Il
entre en service sur les lignes Tanger-Tarifa et Tanger-Gibraltar. En
conservant le nom, il devient marocain en 2004. Il est opéré par FRS qui
l’affecte aux relations Tanger-Algésiras et Tanger-Tarifa. En 2011, il prend

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NAVIRES À GRANDE VITESSE DU MAROC

pavillon égyptien sous le nom MAKKAH. La même année il change


d’appellation SAMA-1. En 2020, il assure la liaison Sharm El-Sheikh-
Hurghada (Mer Rouge).

figure 8 : Le catamaran de passagers TANGER JET II (2008 − 2012) ; 6 242 tjb, longueur 86,60 m ;
construit à Fremantle (Australie) en 2004 ; ici, à Tanger le 03 avril 2008 ; photo : J. Balfeuk.

E. TANGER JET II [2008−2012]

Catamaran à double coque construit à Fremantle (Australie) en 2004. C’est


un navire à passagers. Il est dédié à la grande vitesse (NGV). Muni de
quatre turbines, il possède une puissance de 43 985 cv, vitesse 42 nœuds ;
tirant d’eau 3,23 m ; longueur 86,60 m ; largeur 23,8 m ; il a un port en lourd
de 491 tonnes, une jauge brute de 6 242 tonneaux et une jauge nette de 1
843 tonneaux. Il possède une capacité de 774 passagers. Il dispose de 230
mètres linéaires de garage, ce qui permet de transporter 238 voitures. Il est
à double coque. Au lancement en 2004, il est aux Bahamas SPIRIT OF
ONTARIO I. Il relie Rochester (USA) à Toronto (Canada). En 2007, Tout en
restant sous pavillon Bahamas, il change de nom TANGER JET II. Il entre
en service sur la ligne Tanger-Tarifa. En conservant le nom, il devient
marocain en 2008. Il est opéré par FRS qui le maintient sur Tanger-Tarifa.
En 2012, il prend pavillon chypriote sous le nom DOLPHIN JET. En 2013, il

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NAVIRES À GRANDE VITESSE DU MAROC

devient VIRGEN DE COROMOTO (Venezuela). En 2020, il assure la liaison


El Guamache-Puerto Cabello (Venezuela).

figure 9 : Le catamaran de passagers BISSAT/DETROIT JET (2010 − … ) ; 2 889 tjb, longueur 72 m ;


construit à Fremantle (Australie) en 2000 ; ici, à Gibraltar le 25 août 2010 ; photo : Pegpilot.

F. BISSAT [2010 − … ]

Catamaran de passagers construit à Fremantle (Australie) en 2000,


sister-ship du BORAQ. C’est un navire à grande vitesse (NGV). Muni de
quatre turbines, il possède une puissance de 21 020 cv, ce qui lui permet de
voyager à une vitesse 42 nœuds ; la consommation de carburant diesel est
de 7 tonnes à l’heure ; le tirant d’eau vaut 2,85 m ; il mesure 75 m de long
pour 17,5 m de large. Il a un port en lourd de 190 tonnes, une jauge brute de
2 889 tonneaux et une jauge nette de 680 tonneaux. Il possède une capacité
de 647 passagers et peut transporter 70 voitures. Enfin, il est à double
coque. Au lancement en 2000, il bat pavillon grec HIGHSPEED 2. Il assure,
en mer Égée méridionale, la traversée rapide entre le port du Pirée et l’île de
Mykonos. En 2010, il devient marocain BISSAT, propriété de la Compagnie
Maritime Marocco Norvégienne (Comarit). Il entre en service sur la ligne
Tanger-Tarifa. En août 2012, suite aux difficultés financières de Comarit,
Maroc Leasing prend possession du navire et le renomme DETROIT JET
pour le confier à Inter Shipping. Il est placé sur la ligne Tanger-Tarifa.
Cependant, en août 2015, à Tarifa, il entre en collision et fait couler
ATLANTIDA, bateau d'observation des baleines. Après réparation à Cadix
(Espagne), il reprend la liaison Tanger-Tarifa.

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NAVIRES À GRANDE VITESSE DU MAROC

figure 10 : Le catamaran de passagers BORAQ [2010− … ] ; 2 377 tx de jauge brute, longueur 72 m ;


construit à Fremantle (Australie) en 2000 ; ici, à Tanger le 11/08/ 2010 ; photo : Enrico Veneruso.

G. BORAQ [2010 − … ]

Catamaran à passagers construit à Fremantle (Australie) en 2000,


sister-ship du BISSAT. C’est un navire à grande vitesse (NGV). Muni de
quatre turbines, il possède une puissance de 21 020 cv, vitesse 42 nœuds ;
tirant d’eau 2,85 m ; longueur 72 m ; largeur 17,5 m ; il a un port en lourd de
190 tonnes, une jauge brute de 2 377 tonneaux et une jauge nette de 878
tonneaux. Il possède une capacité de 660 passagers et peut transporter 70
voitures. Enfin, il est à double coque. Au lancement en 2010, il est grec
HIGHSPEED 3 et assure, en mer Égée méridionale, la traversée rapide vers
les Cyclades. En 2010, il devient marocain BORAQ, propriété de la
Compagnie Maritime Marocco Norvégienne (Comarit) qui a déboursé 11
millions de dollars pour son acquisition. Il entre en service sur la ligne
Tanger-Tarifa. En 2012, suite aux difficultés financières de la Comarit, il est
immobilisé à Tanger. En avril 2016, le tribunal de commerce de Tanger le
met aux enchères. L’armateur marocain Inter Shipping s’adjuge la vente
pour 3,4 millions de dollars. Le 22 Mai 2016, le RESOLVE BLIZZARD prend
en remorque le BORAQ à destination du dock flottant Cernaval situé dans la
baie d’Algésiras (Espagne). Le contrôle et la réfection de la coque sont
achevés le 27 juillet 2016. Mais, il demeure la problématique de la
motorisation. En effet, en règle générale un fast ferry délaissé plus de six
mois n’est plus opérationnel. Pour le remettre en état, il faut de lourdes
réparations. Le BORAQ est donc dirigé vers Gibraltar où il est remotorisé.
En mai 2017, il reprend les rotations sur la ligne Tanger-Tarifa.

Fait à Casablanca, le 14 JUILLET 2020

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