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LA NAVIGATION FLUVIALE, UN

MODE DE TRANSPORT D’AVENIR EN


FRANCE ?
INTRODUCTION

La navigation fluviale ou transport fluvial représente l’usage des voies navigables, c’est-à-
dire des fleuves, rivières et autres cours d’eaux navigables et canaux artificiels, à des fins de transport.
En 2019, le transport fluvial en France a engendré un volume de transport de plus de 7 milliards de
tonnes-kilomètres sur son réseau navigable de 8500 km (VNF - Voies navigables de France, s.d.).
Ces chiffres se montrent assez prometteur. Pour autant, peut-on en conclure que la navigation fluviale
est un mode de transport d’avenir en France ? Pour répondre à cette question, il faudra, en premier
lieu, étudier la place de la navigation fluviale dans l’histoire récente de la France, puis faire état des
failles des voies navigables actuelles pour enfin, établir une piste de réflexion visant à pérenniser la
navigation fluviale en France.
I. LA NAVIGATION FLUVIALE EN FRANCE

Au travers des années, la France a été le terrain de nombreux projets de construction de nou-
velles voies navigables ou réhabilitation des voies devenues inutilisables. Dans cette partie, nous
nous rapporterons notamment aux tentatives d’aménagement de la Loire moyenne ainsi qu’au projet
de canal reliant le Rhin au Rhône tout en s’intéressant à d’autres cas de plus petites envergures.
1. … au cours du XIXème siècle
Au début du XIXème siècle, les voies fluviales commencent à se développer mais elles
ne sont pas réalisées selon un grand plan d’ensemble. Les différents canaux reliant les
fleuves principaux sont épars et conduisent à des usages peu complaisants vis-à-vis du
transport et en particulier du commerce, par exemple le trajet de Lyon à Paris imposait de
passer un parcours qui comportait plus d’une centaine d’écluses (Le Sueur, 1989). Mais
le réseau fluvial se voyait aussi malmené par l’émergence de nouveaux modes de transport,
ce qui fut précisément le cas de la Loire moyenne. Face à l’aménagement de nouvelles
routes et l’avènement des voies ferrées, un fleuve difficilement navigable comme la Loire,
qui pourtant était la porte d’entrée des marchandises de l’ouest, fut le lieu d’un aménage-
ment conséquent pour garder sa place névralgique dans le transport de marchandise en
France (Lecoeur, 2011). A noter qu’une autre voie, cette fois-ci issue d’un projet de liaison
du Rhin et du Rhône au cœur de la vallée du Doubs fut aménagée en 1833 mais on se
rendit vite compte qu’elle n’était pas praticable voir inutilisable à des fins marchandes
puisque l’accessibilité était réservée aux péniches de 300t et que ce seul canal comptait
près de 177 écluses (Auphan, 1994). Entre difficultés de navigations et concurrences avec
le chemin de fer, il y a une troisième composante qui intervient dans la complexe équation
du transport fluviale durant le XIXème siècle, et c’est la question territoriale. La gestion
des cours d’eau se voit complexifiée par des enjeux politiques ou de simples désaccords
internationaux, cela s’illustre dans la gestion des réseaux du nord de la France à la frontière
belge (Tilly, Fleuves et canaux dans la zone franco-belge entre 1814 et 1914: vers une
redéfinition des espaces?, 2016a). Finalement, la modernisation et l’uniformisation des
cours d’eau et écluses commenceront en 1879 avec le plan Freycinet qui permettra l’essor
du transport fluvial industriel (Le Sueur, 1989).
2. … au cours du XXème siècle
En France, au début du XXème siècle, le transport fluvial est porté par le bateau tracté,
en effet plus de 12 000 bateaux tractés composaient le parc français pour seulement
quelques centaines d’unités à propulsion mécanique, en 1913, le trafic atteignait 6 mil-
liards de tonnes par kilomètre. Toutefois les mariniers étaient souvent dépendants des so-
ciétés de traction mécanique et à cause des saisons ne faisaient que 3 à 4 voyages par an.
Durant l’entre-deux-guerres, les bateaux se motorisent et forcent une réorganisation du
réseau, redevenu fortement hétérogène, par leurs diversités. Cela engendrera notamment
une forte concentration du trafic au Nord et dans l’Est (Le Sueur, 1989). En 1959, l’Etat
souhaite relier par un canal le Rhin et le Rhône afin de former la voie navigable Lorraine-
Méditerranée mais des différences verront le jour sur les manières de le mettre en place,
certains souhaitant réhabiliter l’ancien canal datant de 1833. En un même temps, un projet
de liaison du Rhin au Danube sera aussi mentionné. Au cours de la seconde partie du
XXème siècle, la France mettra en place un nouveau réseau, mis en plan en 1983, le projet
visera à réhabiliter les voies au gabarit Freycinet, une amélioration des caractéristiques
techniques des canaux et enfin la mise en chantier de nouvelles liaisons, surtout dans le
Nord (Le Sueur, 1989), on pourra citer la liaison Dunkerque-Valenciennes par un canal
grand gabarit, pour autant le réseau français ne sera pas suffisamment ouvert sur l’Europe
(Tilly, Conclusions : le transport fluvial au coeur des préoccupations et des enjeux
contemporains, 2016b). Malgré tout, c’est au cours du dernier quart de siècle que le trafic
sera au plus haut atteignant les 15 milliards de tonnes-kilomètres. Néanmoins ces grandes
rénovations du réseau conduiront à l’apparition de zones industrielles scindant les agglo-
mérations au bord des fleuves, comme à Valenciennes par exemple (Vaillant, 2020).

3. … de nos jours
Aujourd’hui, le trafic sur le réseau fluvial français a donc été réduit de moitié par rap-
port à la fin du XXème siècle et sa concentration du trafic au sein des régions Nord et Est
de la France est encore d’actualité (VNF - Voies navigables de France, s.d.), la question
du projet de liaison Rhin-Rhône, longtemps bloquée sur le choix entre Moselle et vallée
du Doubs, est encore en suspens car le transport fluvial reste fortement négligé dans
l’Hexagone mais cela apporterait une plus grande ouverture sur le réseau européen et ré-
duirait les risques de saturation du réseau rhodanien français (Auphan, 1994). L’écarte-
ment des voies fluviales est aussi dû au fort développement autoroutier qui conduisit à la
périurbanisation des entrepôts (Frémont, 2012-2013). En effet, un manque d’articulation
entre les différentes strates de l’administration se fait ressentir malgré un rebond de l’in-
tensité du transport de marchandise vers le BENELUX entre autres (Vaillant, 2020). Ce-
pendant, le réseau fluvial peut encore compter sur la Seine qui supportait 40% du trafic
fluvial national en 2009 et est même au cœur d’un grand projet du réseau fluvial de l’Union
Européenne. Il s’agit du canal Seine-Nord Europe qui vise à lier la mer Méditerranée et la
Mer du Nord et ainsi décongestionner le canal du Nord (Tilly, Conclusions : le transport
fluvial au coeur des préoccupations et des enjeux contemporains, 2016b).

La navigation fluviale en France a donc été énormément tourné vers une politique de com-
merce intérieur. Mais aujourd’hui, avec les grands projets européens, le transport fluvial français
pourra rattraper son retard accumulé au cours du XXème siècle en termes d’infrastructures ainsi qu’en
terme de logistique.

II. LES APPORTS DE LA MODERNISATION DU TRANSPORT FLUVIAL


De nombreux projets à différentes échelles sont à l’étude afin de moderniser le réseau fluvial français. Il est
donc devenu nécessaire d’en étudier les impacts afin que les changements apportés à la gestion fluviale soit en accord
avec les politiques de décentralisation, de mondialisation des marchés et d’écologie.

1. … au sein du développement durable

L’alternative du transport fluvial au transport routier est réelle. En effet, une grande pé-
niche d’une capacité de 2500 t transporte autant que 125 camions de 20 t et deux trains en-
tiers, et avec le projet du canal Seine- Nord Europe, on aurait un convoi fluvial de 5000 t. Le
transport fluvial se voit même 3 fois plus efficace que le transport routier en termes de dé-
pense énergétique sur une distance égale (Tilly, Conclusions : le transport fluvial au coeur
des préoccupations et des enjeux contemporains, 2016b). Il est tout de même nécessaire de
garder en tête que l’aménagement du réseau entraîne une fragmentation des milieux naturels
et une artificialisation des sols (Vaillant, 2020).

2. … au sein du développement économique

Les transports fluviaux se montrent aussi plus fiable que le transport routier et la sécurité
des marchandises est bien plus facile à assurer. Donc, non seulement, la logistique fluviale
est plus fiable mais elle se couple aussi très bien avec la logistique maritime (Vaillant,
2020). A cela s’ajoute la création de nouveaux pôles d’activités autour du réseau fluvial et
en prenant la création du grand canal Seine-Nord Europe et donc de la création d’emploi, le
projet pourrait engendrer 25 000 emplois d’ici 2050 (Tilly, Conclusions : le transport fluvial
au coeur des préoccupations et des enjeux contemporains, 2016b). Le projet Seine-Nord Eu-
rope et l’usage du réseau fluvial dans sa globalité permettrait aussi de réduire la cogestion
routière tout en désenclavant le bassin de la Seine. De cette manière, on offrirait de nou-
velles opportunités aux acteurs rhénans. Il serait même possible de mettre en place un hub
fluvial à vocation nationale et européenne (Frémont, 2012-2013).

3. … au sein du développement territoriale

Avec un réaménagement des transports fluviaux, les collectivités locales pourront prendre
part aux décisions et être actives dans la mise en place de nouveaux pôles industriels et éco-
nomiques au sein des agglomérations, là où par le passé, la gestion était réservé aux organisa-
tions supra-locales. Un regroupement des différents acteurs de la navigation fluviale est donc
opérable afin de redynamiser les politiques territoriales à petite échelle comme le montre la
création du Syndicat Mixte des Docks de Seine-Nord Europe/Escaut (SMDSNEE) (Vaillant,
2020).

Un plus grand investissement dans le transport fluvial se montrerait donc bénéfique pour de
nombreux acteurs dans différents domaines. Dans le cadre écologique, économique et territoriale, on
apporterait de toutes nouvelles dynamiques permettant l’intégration d’une plus grande partie de la
France dans le commerce européen (Tilly, Conclusions : le transport fluvial au coeur des
préoccupations et des enjeux contemporains, 2016b).

CONCLUSION

Pour conclure, il faut donc constater que le cœur de la navigation fluviale en France a long-
temps été concentré dans un premier temps sur les cours d’eau du Nord (Le Sueur, 1989) puis sur le
bassin de la Seine (Frémont, 2012-2013). Avec un réseau qui ne recouvre pas suffisamment le terri-
toire et des portions inaptes aux commerces (Le Sueur, 1989), il est donc devenu nécessaire, si l’on
souhaite faire du transport fluvial un mode de transport d’avenir, de réadapter ce réseau et de l’inscrire
dans un réseau supranational (Tilly, Conclusions : le transport fluvial au coeur des préoccupations et
des enjeux contemporains, 2016b).

TRAVAUX CITES

Auphan, E. (1994). Le point sur la liaison Rhin-Rhône. Revue Géographique de l'Est.

Frémont, A. (2012-2013). Quel rôle pour le fleuve dans le Grand Paris des marchandises? L'Espace
géographique, 41, pp. 236-251. Récupéré sur https://www.cairn.info/revue-espace-
geographique-2012-3-page-236.htm

Le Sueur, B. (1989). L'évolution de la navigation intérieure et des ses métiers, XIXè-XXè siècle.
Culture technique.

Lecoeur, Y. (2011, Décembre). La Loire moyenne naviguée au XIXe siècle : représentations,


réglementation et aménagement. VertigO - la revue électronique en sciences de
l'environnement.

Tilly, P. (2016a). Fleuves et canaux dans la zone franco-belge entre 1814 et 1914: vers une
redéfinition des espaces? Revue du Nord.

Tilly, P. (2016b). Conclusions : le transport fluvial au coeur des préoccupations et des enjeux
contemporains. Revue belge de philologie et d'histoire.

Vaillant, L. (2020, Janvier). Les représentations sociales de l'espace dans la fabrique des villes
durables. Revue d'Economie régionale & urbaine, p. 63 à 84.

VNF - Voies navigables de France. (s.d.). 2 réseaux. Récupéré sur VNF: https://www.vnf.fr

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