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Les espaces maritimes : un enjeu économique et

géostratégique majeur de la mondialisation

« A la fois globale et englobante » (Olivier Dollfus), la mondialisation conduit à des


recompositions géoéconomiques et à une hiérarchisation des territoires. Si certains d'entre
eux apparaissent aujourd'hui comme des centres moteurs, d'autres sont plus ou moins intégrés,
voire marginalisés. Dans ce contexte, l'accélération des échanges planétaires et la raréfaction des
ressources terrestres renforcent l'importance économique et stratégique des mers et des
océans.
Actuellement, l'écrasante majorité des échanges de marchandises (plus de 90 %) s'organise par la
voie maritime (80 % au début des années 2000). À tel point que Jean-François Tallec (ancien
Secrétaire général de la Mer en 2010) a pu formuler l'idée que la « mondialisation était devenue
une maritimisation ». Contrôler un espace maritime afin d'assurer la sécurité de ses
approvisionnements, apparaît donc comme une projection de la puissance continentale.
Plus que jamais, le « 6e continent » (Pierre Papon) demeure un formidable catalyseur des
rivalités interétatiques.

En quoi la géopolitique des mers et des océans est-elle révélatrice de la hiérarchie et de la


compétition des puissances au sein de la mondialisation ?

I. Des espaces appropriés et partagés

A. La « Planète océane » (André Louchet)

—> Première entité géographique terrestre recélant 80 % des espèces animales


végétales du globe, les mers et les océans occupent 71 % de la biosphère (soit 361
millions de km2) : Arctique (3 %), Indien (15 %), Atlantique (18 %) et Pacifique (35 %). Ils
contiennent 97 % de l'eau terrestre alimentant le cycle de la pluie et régulant le climat (50 %
de l'oxygène produit, 30 % du CO2 absorbé).

B. Un tiers des espaces maritimes est territorialisé

—> Offrant un rempart naturel, la frontière maritime reste floue et très perméable.
Jusqu'au xxe siècle, les étendues marines étaient divisées en mare clausum (sous la
souveraineté des États) et en mare liberum (ouverte à tous). La défense des droits
concernant un stock partagé entre un ou plusieurs pays voisins fut officiellement reconnu
dans le droit international aux XVIIe et XVIIIe siècles.+ Condition sur l’exclusivité d’une
zone maritime que lorsque celles-ci pouvaient être défendues à partir du littoral (jusqu’à une
portée de canon).
Conf Montego Bay, le 10 décembre 1982 —> Convention des Nations unies sur le droit de
la mer (CNUDM), obj: favoriser le règlement des conflits concernant la gestion des
ressources biologiques, énergétiques et minérales. Entré en vigueur en 1994, et entraînant un
quasi-doublement des surfaces exploitables du globe, ratifié en juin 2016 par 168 pays (sauf
la Turquie, le Pérou, le Venezuela ou les États-Unis….). Conséquence : entérinement
d’un nouveau schéma juridique des étendues maritimes, ainsi qu’une compartimentation
graduée en deux zones distinctes et subdivisées :
La brown water :
— la « mer territoriale » (jusque 12 milles marins : 22,2 km) et la zone contigüe (jusqu'à
24 milles marins), sur lesquelles l'État exerce une souveraineté totale (contrôle de la
législation douanière, fiscale ou sanitaire) ;
— une zone économique exclusive (ZEE) jusque 200 milles des côtes (soit 370,4 km), où
les États détiennent des droits souverains sur l'ensemble de la masse d'eau, le sous-sol et
l'espace aérien.
La blue water :
-> une zone de haute mer où les activités sont gérées par des organisations régionales de
gestion des pêches, ou par l'AIFM (Autorité Internationale des Fonds Marins) pour
l'exploitation des ressources du fond des océans ;
-> Même si, depuis 1996, cette Convention a été complétée par la mise en place d'un
Tribunal international sur le droit de la mer (TIDM, siégeant à Hambourg), 64 % de la
surface maritime n'est encore sous le contrôle d'aucune juridiction nationale.
-> Concentrant l'essentiel des ressources maritimes, ce sont les zones de droits souverains
qui suscitent les revendications les plus vives. Près de 90 % des ressources halieutiques et
87 % des réserves d'hydrocarbures off-shore sont situées dans des ZEE en cours
d'appropriation par les États côtiers, auxquels la Chine et l'Inde n'ont encore qu'un accès
limité.

C. Les domaines ultra-marins

—> Les États-Unis et la France possèdent les domaines d'outre-mer (ultramarine areas) les
plus étendus au monde.
France :
pop ZEE : 5 % de la population de la France continentale.
Superficie ZEE : 11,5 millions de km2 (3 % de la surface des océans, 10 % des récifs, 20 %
des atolls et 10 % de la biodiversité marine).
Utilité : verrous géostratégiques, stations d'écoute, relais pour les satellites, points de relâche
des sous-marins, bases militaires, « take haven countries » (paradis fiscaux) ou « passagers
clandestins » de la mondialisation (pavillons de complaisance, casinos, trafics illicites), ces
« confettis d'Empire » situés pour la moitié dans le Pacifique et pour 25 % dans l'océan
Indien, constituent un indéniable marqueur de puissance.
II/ Des espaces au service d'une économie globalisée

A. La mondialisation a accru l'importance économique des mers et des océans

—> « L'activité des hommes se tournera de plus en plus vers l’exploitation des mers que les
ambitions des États chercheront à dominer afin d'en contrôler les ressources », précisait déjà
Charles de Gaulle en 1969. Les activités maritimes sont une composante indépassable de la
croissance économique des États (5 % du PIB mondial, 2 millions d'emplois). Environ 5 %
du 1,3 milliard d'êtres humains travaillant dans le secteur agricole sont impliqués dans les
secteurs de la pêche industrielle et de l'aquaculture.
—> Plus de 40 % de PIB de l'Union européenne provient des régions côtières. Totalisant
820 000 emplois, les activités maritimes apportent chaque année plus de 270 milliards
d'euros à l'économie française (soit 14 % du PIB).
—> Le commerce extérieur chinois dépend à 90 % des voies maritimes et les industries de
la mer pèsent pour plus de 10 % du PIB national.

B. Des systèmes mondiaux de production et de distribution dépendants des transports


maritimes

—> Permettant une instantanéité des informations via le réseau internet, 95 % des
communications internationales empruntent dorénavant des câbles et fibres optiques sous-
marins. Le backbone (coeur du réseau internet regroupant l'ensemble des supports de
transmission et de commutation) se situe bien au fond des océans (236 câbles sous-marins
déployés sur 800 000 km).
—> Véritables « artères » de la mondialisation, les mers et les océans transportent chaque
année la majorité des biens manufacturés et de matières premières: 500 millions en 1950, 10
milliards de tonnes en 2016.
—> Le marché du transport maritime a triplé depuis les années 1980 + est dominé par une
dizaine de transporteurs, surtout dans le secteur du conteneur. Les trois premiers rangs sont
occupés par des compagnies européennes : Maersk, MSC, CMA CGMA, puis par
Evergreen, Hapag-Lloyd et l'entreprise chinoise COSCO.
—> En 40 ans, la flotte marchande a été multipliée par quatre (les volumes transportés par
trois).
—> Evolution géographique du trafic maritimes au cours des dernières décennies : Par le
biais de la croissance des liaisons Asie-Europe et du commerce transpacifique + La route
qui relie l'Europe du Nord-ouest, la Méditerranée, le golfe Arabo-persique, l'Inde et la
FAP (Façade Asiatique du Pacifique) est devenue la plus importante en tonnage et en
valeur transportés. Surtout dans le domaine du transport conteneurisé (plus de 30 millions
d'EVP en 2016, soit plus de 48 % du trafic des grandes routes maritimes), la prédominance
des relations transpacifiques entre l'Amérique du Nord et l'Asie orientale s'impose
aujourd'hui.
—> Le monde actuel est fortement métropolisé et littoralisé: Depuis l'Europe de la fin du
xviii' siècle, le « désir de rivage » (Corbin, 1988) a généré une urbanisation croissante des
rives de l'espace triadique.
—>La littoralisation des activités après la Seconde Guerre mondiale a entraîné un
développement économique rapide des océans, devenant des interfaces maritimes majeures
(75 % de la population mondiale vit à moins de 100 km des côtes). L'Asie orientale et le
Northern Range (Europe du Nord) concentrent les ports (ZIP) les plus actifs au monde. À
l'interface entre un « avant-pays » maritime (foreland) et un « arrière-pays » (hinterland)
plus ou moins vastes, 25 ZIP polarisent 50 % des flux mondiaux et constituent de véritables
carrefours à toutes les échelles (logique du Hub and Spoke: Le hub ou moyeu est le point
vers lequel convergent les différentes lignes, assimilées à des rayons. Le réseau en hub and
spoke privilégie un trafic en étoile autour d’un nœud. Par rapport au réseau totalement
maillé, ce système a l’avantage de permettre des économies d’échelle dans un contexte de
massification des flux.). C'est le cas des dix plus grandes plateformes multimodales
portuaires (en millions d'EVP, 2016) : Shanghai, Singapour, Ningbo, Hong Kong,
Quingdao, Guanghzou, Dubaï, Tianjin, Rotterdam et Pusan.

—> La mondialisation est liée à la révolution du conteneur. Débuté au milieu des années
1950 par Malcom MacLean, son usage s'est totalement généralisé : Ce « lego » mondial aux
dimensions standardisées a permis une multiplication du tonnage par cinq, de la
productivité par dix et une diminution du coût réel du transport par quatre. Près de 12
millions de « boîtes » (Mark Levinson: marque spécialisée dans les composants Hi-Fi haut
de gamme.) circulent aujourd'hui à travers le monde et il s'en construit plus de 1,5 million
par an (dont les deux tiers en Chine).
—> Appelés « points nodaux » et destinés à réaliser des gains en temps et en coût, de
nombreuses « portes océanes » (Jean-Claude Lasserre) constituent des passages
névralgiques majeurs. Certains de ces seuils sont naturels : détroits de Gibraltar, du Pas-
de-Calais, d'Ormuz, de Malacca, du Bosphore, des Dardanelles et de Bab-el-Mandeb.
D'autres, creusés par les hommes pour faciliter les échanges, sont artificiels: canaux
interocéaniques de Suez et de Panama.
Etude de cas :
—>Selon les données de l'Agence internationale de l'Énergie (AIE), le détroit d'Ormuz
représente le plus important verrou stratégique pour l'approvisionnement énergétique
mondial: transite plus de 1/4 de la production mondiale de pétrole, 1/8 du brut exploité aux
États-Unis et 1/4 de celui utilisé au Japon.
—> Souvent désigné comme le « poumon maritime de Singapour », le détroit de Malacca
concentre à lui seul 25 % du trafic mondial de marchandises + plus de 70 000 navires / an et
fournissent plus de 80 % du pétrole alimentant les économies dévoreuses d'énergie d'Asie
du Sud-est. L'observation faite par Tomé Pires (premier ambassadeur portugais envoyé en
Chine, 1520-1522) reste encore plus fondée aujourd'hui qu'hier : « Celui qui règne sur le
détroit de Malacca tient dans ses mains la gorge de Venise ».
C. Une fonction nourricière et énergétique

—> Les espaces maritimes sont très convoités pour leurs ressources halieutiques
( Nourrir les Hommes ) : Le 1/4 de l'humanité dépend directement des produits de la mer.
Globalement, le poisson assure à plus de 2,8 milliards de personnes au moins 15 % de leur
apport et protéines animales. Chaque année, environ 100 millions de tonnes de poissons et
de crustacés y sont pêchées (contre 20 millions en 1950, Chine : premier exportateur).
—> Source énergétique et de MP : Les principales zones de pêche (60 %) se situent dans
le Pacifique (Chine, Indonésie, Pérou, Chili, Japon, Russie) et l'Atlantique Nord (États-
Unis, Europe). Avec environ 20 % des réserves mondiales de pétrole et 30 % de celles de
gaz, les espaces maritimes sont au coeur d'enjeux énergétiques majeurs. Selon l'Institut
français du Pétrole (IFP), les gisements off-shore représentaient le 1/3 de la production
mondiale d'hydrocarbures en 2016. Le récent rebond des cours de certains métaux a remis le
potentiel géologique des fonds marins au goût du jour (85 % des réserves de minerais
mondiales, 30 % de la production d'énergies fossiles). Reposant sur le lit océanique, les
nodules polymétalliques (riches en platine, manganèse, cuivre, cobalt et nickel) et les
amas (plomb, cuivre, zinc) sont très recherchés dans l’électronique.
— Autour des archipels d'Hawaï et de Polynésie, de vastes zones du Pacifique recèlent
d'importantes quantité de terres rares, qui pourraient atteindre les 90 milliards de tonnes.
— La fonte des glaces arctiques va générer une « course boréale » effrénée vers les
prometteuses ressources énergétiques de son sous-sol. En 2008, la publication du United
States Geological Survey annonça que cet océan glacial recelait 22 % des ressources
énergétiques mondiales « non découvertes mais techniquement exploitables » (soit 30 % des
réserves de gaz naturel et 10 % des réserves de pétrole).

III. Des espaces convoités et sous-tensions

A. « La mer comme source de la grandeur des peuples » (Friedrich Ratzel, 1900)

—> Depuis l'Antiquité, la grandeur et le déclin des États se sont toujours joués sur la mer. «
Celui qui commande sur mer possède un grand pouvoir sur terre », rappelait l'amiral Isaac
de Razilly (« Mémoires », 1626). Ainsi, à la base d'une activité commerciale dynamique
fondée sur une forte capacité navale militaire, certains pays ont pu développer une véritable
« thalassopolitique » (Julien Freund) : Tyr, Carthage, les royaumes extrême-orientaux
(Sri Vijaya, Borobudur, Song du Sud, Linyi), Venise, Provinces-Unies et Grande-
Bretagne. C'est aussi le cas de la politique impérialiste d'Athènes, qui recherchait la
domination totale de la Grèce. À la fin du Moyen-Âge, la supériorité maritime du Portugal
et de l'Espagne aboutit à la colonisation de l'Amérique et à l'afflux de métaux précieux
(commerce triangulaire). Au XIXe siècle, l'hégémonie maritime de l'Angleterre
(notamment sur la route orientale des Indes), permit l'édification du plus grand empire
colonial du monde.
—> Depuis les années 1950, les enjeux économiques et géostratégiques des mers et des
océans sont tels que de nombreux pays se sont constitués des marines de guerre
impressionnantes. Quarante États disposent aujourd'hui de 98 % de la flotte militaire
mondiale.
—> Dans le domaine de la dissuasion nucléaire, la marine continue de jouer un rôle
déterminant. Le premier véritable SNLE (Sous-marin nucléaire lanceur d'engins) a été mis
au point par les États-Unis et fut opérationnel en 1960. Actuellement, avec des SNLE
pouvant lancer des missiles nucléaires à plus de 10 000 km, plus aucune partie du globe
n'est à l'abri. Sur le plan naval et aux côtés des puissances « installées » qui défendent leurs
positions (États-Unis, Royaume-Uni, France et Russie), d'autres pays sortent la « tête de,
l’eau » et renforcent leur capacités : Chine (3e flotte mondiale), Inde, Japon, Corée du
Sud, Taïwan, Pakistan et Brésil (qui entend assurer sa souveraineté sur son « Amazonie
bleue », de plus de 4 millions de km^2). En 2016, l’Asie du Sud-est totalisait le quart des
programmes navals mondiaux ( 40% des projets de sous-marins).
—> Le concept de « thalassocratie » désigne un État, « maître des mers », dont la puissance
et la prospérité reposent sur les activités maritimes. L'ensemble des conflits depuis le début
du XXe siècle ont été l'occasion pour les États-Unis de déployer leurs forces sur l'ensemble
du globe.
—> L’US Navy constitue la première marine du monde. Elle compte : 225 000 marins, 274
navires de combat, 11 des 16 porte-avions à propulsion nucléaire dans le monde, 50 NSA
(missiles de croisière d'une portée de 2 500 km), 9 porte-hélicoptères et 18 sous-marins
d'attaque (50 % du total mondial). À la fois sur leurs propres territoires ou chez leurs alliés,
les États-Unis possèdent tout un réseau bases pré-positionnées (unités d'interventions
interarmées, ravitaillement, entretien et et réparation des navires sur place). Située dans
l'océan Indien, la base américain, Diego Garcia représente un point d'appui essentiel pour
toutes les opérations militaires lancées au Moyen-Orient. S'appuyant sur la doctrine
soviétique de l'Ami, S. Gorchkov « la quantité est en soi une qualité ».
—> La Chine s'est engagée dans une véritable « course aux armements », que reflète la
montée en puissance de sa marine et la constitution d'une solide base industrielle de défense.
Depuis 2011, les investissements dans son budget naval ont augmenté de 58 %. Depuis
l'implantation d'une base sous-marine sur l'île de Hainan en 2002, elle s'équipe tous
azimuts. La marine chinoise dispose de 4 SNLE, de 6 SNA (dont deux de la classe Shang)
et de 53 sous-marins conventionnels. Mis à l'eau en avril 2017, un second porte-avions (100
% Made by China) est actuellement en construction (après l'achat à l'Ukraine, de l'ex-porte-
avions russe : Varyag, rebaptisé Liaoning, remis en service en 2012). D'ici 2030, sa flotte
sera dotée d'un nombre de destroyers (80 navires hauturiers) aussi important que celui de
l'US Navy.

—> La sécurisation des routes et des corridors constitue un objectif géostratégique


déterminant : En juin 1967, la guerre des Six jours avait provoqué la fermeture du canal
de Suez et le rétablissement de la route du Cap de Bonne Espérance, jusqu'en juin 1975
(un détour de plus de 8 000 km).
—> Au coeur de l'Asie émergente et des grandes routes maritimes reliant l'Extrême-Orient
au golfe Arabo-persique, la Chine et l'Inde s'inscrivent dans un espace crisogène et sont en
passe d'entrer en « collision ». Alors que dans l'océan Indien, l'Inde évolue dans sa «
backyard » naturelle, la Chine cherche à s'y positionner de plus en plus afin d'y sécuriser ses
approvisionnements énergétiques. Son « collier de Perles » se resserre (chapelet de bases
militaires à Chittagong au Bangladesh, sur les îles Coco en Birmanie ou encore à
Marao aux Maldives). Sur le littoral du Baloutchistan, l'ennemi héréditaire pakistanais
vient de céder à une compagnie chinoise la gestion du port de Gwadar. Point de passage
obligé des grandes flottes commerciales et situé dans une zone particulièrement belligène
(fermeture vraisemblable en cas de conflit avec l'Iran), le détroit d'Ormuz reste
incontournable. Unique voie maritime de sortie pour l'exportation du pétrole iranien,
saoudien et des Émirats Arabes Unis, celui-ci est surveillé en permanence par la V' flotte de
l'US Navy (basée à Bahreïn).
—> La fonte de l'océan Arctique en été laisse entrevoir une évolution qui rehausse l'intérêt
pour les mythiques passages du Nord-ouest (le long de l'archipel arctique canadien) et du
Nord-est (au Nord de la Sibérie), réduisant de 7 000 km les routes maritimes entre l'Asie et
l'Europe (plutôt que par Suez ou Panama). Ces deux passages, rendus libres des glaces à
plus de 90 %, ont été simultanément ouverts pour la première fois en 2008. Le 8 août 2013,
en passant par les côtes nord de la Russie, un cargo chinois partait de Dalian pour rejoindre
Rotterdam en 35 jours (au lieu des 45 prévus par le canal de Suez).

B. L'appropriation des ressources marines suscite de nombreuses menaces et les


revendications dégénèrent parfois en tensions interétatiques assez vives

—> Les cas de fortes tensions liés aux ZEE et à l'extension du plateau continental restent
limités (Asie de l'est et du sud-est). L’essentiel des contentieux concerne : la mer de
Barents (entre la Russie et la Norvège), la mer Egée (entre la Turquie et la Grèce), les îles
Kouriles (disputées entre la Russie et le Japon ), les mers de Chine orientale et méridionale
et l’océan glacial Arctique.
—> La délimitation des zones de pêche fait également objet d’une compétition entre les
Etats , comme « la guerre de l’anchois » dans le golf de Gascogne ( entre pêcheurs français
et espagnols) et la « guerre du turbot » près de Terre-Neuve et St-Pierre et Miquelon (entre
le Canada, l'Espagne et la France). Contrairement à l'Antarctique sanctuarisé en 1959, le
statut juridique de l'« univers glacé » arctique, n'est régi par aucun moratoire spécifique et
sujet à conflits.
—> Les lignes de clivage sont donc multiples : droits de pêche contestés en mer du
Labrador entre Danois et Canadiens, affrontement russo-norvégien depuis 1920 pour
l'exploitation des ressources naturelles de l'archipel du Svalbard, souveraineté du pôle
Nord disputée entre la Russie, le Danemark et le Canada (revendication de la dorsale
Lomonossov), non-ratification depuis 1990 par la Douma de l'accord russo-américain sur
le détroit de Béring.

—> Difficiles à surveiller, les espaces maritimes sont confrontés à de multiples activités
illégales. Les mers et les océans, immenses et difficilement contrôlables, ont toujours
constitué un milieu propice à la criminalité. La mondialisation « malheureuse » (Thomas
Guénolé) y a généré de multiples trous noirs. Facilitant le déploiement des activités
mafieuses et terroristes à travers le globe (blanchiment d’argent, évasion fiscale ), «  les
territoires de complaisance » (Alain Deneault) et « les ports francs » sont souvent le fait
d’espaces insulaires ( caraibes, Océanie). L’ONU et Interpol ont estimé entre 330 et un peu
plus de 600 millions de dollars, le montant des rançons versées aux pirates somaliens entre
2005 et 2016. Depuis le début des années 2000, les espaces maritimes sont également le
théâtre d’un développement de la criminalité transnationales (drogues armes, êtres
humains).
- Les flux liés aux narcotrafics caractérisent surtout les interfaces «NordSud» (Méditerranée,
Caraïbes). À partir de l'Amérique latine pour la cocaïne ou de l'Asie centrale pour
l'héroïne, les cartels fournissent le continent européen, l'Amérique du Nord et plus
récemment l'Afrique de l'Ouest. La professionnalisation des activités illicites en mer
s'observe également pour le trafic maritime des migrants. Selon Frontex (agence chargée de
la sécurisation des frontières européennes), l'Union européenne a connu en 2016 un afflux
exceptionnel de réfugiés arrivant par, la Méditerranée, chiffré à plus d'un million de
personnes, venant en large majorité d'Afrique occidentale, de Syrie, d'Afghanistan et
d’Irak.

C. La surexploitation des mers et des océans pose la question de leur durabilité

—> La gestion commune des espaces maritimes est devenu un impératif de développement
durable: Le transport maritime revêt un impact environnemental en matière de rejet de gaz à
effet de serre (5 % des émissions de GES dans le monde) et de particules liées à l'utilisation
des carburants de soutes. Avec plus de 25 000 plates-formes réparties sur l'ensemble du
globe, le pétrole offshore assure un tiers de la production mondiale de brut. Nombre de
catastrophes majeures ont défrayé les chroniques: Torrey Canyon en 1967 (Royaume-
Uni), Amoco Cadiz en 1978 (France, Bretagne), Exxon Valdez en 1983 (Alaska), Erika
en 1999 (France, Bretagne) et Prestige en 2002 (Espagne, Galice). L'explosion de la
plateforme pétrolière DeepWater dans le golfe du Mexique en 2010, a provoqué la plus
grande marée noire de toute l'histoire des États-Unis, impactant lourdement les activités de
la pêche et du tourisme de la Louisiane à la Floride.
—> Les ordures : Se décomposant très lentement (quatre à cinq siècles sont nécessaires), les
trois quarts des déchets flottant à la surface des océans forment des vortex (mouvements
tourbillonnaires), à l'image du Great Pacific Gorboge Patch (GPGP, « grande zone
d'ordures du Pacifique »). Découvert en 1997 par l'océanographe et skipper américain
Charles J. Moore, ce « Continent » s'étend aujourd'hui sur une superficie équivalente à
presque trois fois la péninsule Ibérique (1,6 million de km2).
—> Impact social et environnemental : La montée du niveau des océans: 20 cm depuis fin
XIXe, —> hausse 1m d’ici 2100. Pour la seule année 2015, le nombre de réfugiés
climatiques se chiffrait déjà à plus de 22 millions de personnes + Des deltas et de petits
États insulaires Maldives, îles au large du golfe du Bengale (Sagar, Kutubdia), îles Kiribati
(Océanie), îles du Carteret (Papouasie), risquent d'être rayés de la carte. Alors que la
consommation mondiale de poissons ne cesse d'augmenter (21 kg par personne en 2016), les
méthodes de pêche industrielle menacent la reconstitution des espèces. Un tiers des espèces
péchées ont vu leurs effectifs s'effondrer de 90 % depuis 1965 (celle du thon rouge en
Méditerranée notamment).
—> Solutions : Pour tenter de remédier à cette situation qui menace la sécurité alimentaire
de nombreuses populations, l'aquaculture est souvent proposée comme une solution
alternative. Ayant été multipliée par douze en trente ans et fournissant 47 % de la
consommation mondiale de poissons, elle connaît une croissance spectaculaire. + objectifs
COP23 (à Bonn, en 2017), financement de la protection des mers et des océans: ex
d’application ‘Plateforme Océan et Climat (POC)’( gvt fidjien ). Obj: mis en place une
finance bleue et durable et d'en appeler à l'instauration d'un mécénat pour l'océan : « L'océan
n'est pas notre dernière chance, mais notre meilleur atout pour combattre le changement
climatique » (Patricia Ricard, présidente de la POC). Un défi, pour lequel, les solutions
restent encore aujourd'hui plus théoriques que pratiques.

Conclusion/mise en perspective :

En 1642, au soir de sa vie, le Cardinal de Richelieu avait prononcé : « Les larmes ont un
goût salé pour rappeler aux souverains déchus la mer qu'ils ont négligée ». Un constat et une
vision géopolitique qui n'ont rien perdu aujourd'hui de leur résonance. Jamais
l'appropriation des mers et des océans n'a été aussi forte. Historiquement de libre-
circulation, les espaces « marins » sont devenus « maritimes » et constituent l'épine dorsale
de la mondialisation. Pour autant, les milieux marins ne jouissent que d'une mobilisation
relativement récente en faveur de leur protection et de la reconnaissance complète de leur
rôle économique, stratégique et environnemental. Lors de la Journée mondiale des Océans,
organisée par l'Unesco à Paris, le 8 juin 2017, le Secrétaire général de l'ONU, Antonio
Guterres avait lancé un vibrant plaidoyer pour tenter d'inverser le cycle de leur déclin : «
Les mers et les océans sont depuis toujours le centre névralgique des échanges humains [...]
Nous devons conserver et exploiter de manière durable les ressources marines. Pour y
parvenir, il est temps de résoudre nos problèmes de gouvernance et trouver une nouvelle
vision océano-stratégique ».

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