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La mondialisation est un processus de mise en relation des différentes parties du monde par
l’intensification des flux de toutes natures. Elle résulte de la diffusion mondiale du
capitalisme et engendre une intégration différenciée des territoires dans un monde de plus en
plus interdépendant.
Les mers et océans couvrent 71% de la surface terrestre et composent l’espace maritime
mondial, essentiel au processus de mondialisation en tant que support des flux et espace de
ressources exploitées. Ils génèrent ainsi des tentatives d’appropriation des différents acteurs
de la mondialisation, créant des conflits et des tensions géopolitiques.
Pourquoi les mers et les océans sont-ils devenus des espaces majeurs de la mondialisation ?
Le trafic maritime mondial a augmenté de 25% entre 2007 et 2017, alors que 90% des
marchandises sont exportées par bateau. En 2018, 380 câbles sous-marins posés sur le
plancher océanique supportent 99% du trafic internet mondial. Cet accroissement des
échanges par les voies maritimes depuis les années 1970 définit le processus de
maritimisation de l’économie mondiale, conséquence du processus de mondialisation.
Pour s’adapter à cette croissance de la demande, les navires grossissent et se spécialisent
(pétroliers, méthaniers, porte-conteneurs). Les plus gros porte-conteneurs font aujourd’hui
400m de long pour 21000 boîtes empilées : on parle de conteneurisation du transport maritime
depuis les années 60, basée sur la standardisation pour faciliter le transport et la manutention.
Cela permet de réduire le coût du transport maritime, qui représente seulement 2% du prix de
revient des marchandises.
Cette course au gigantisme est menée par des armateurs : personne ou entreprise qui possède
une flotte de navires et qui s’occupe de son exploitation commerciale. Le marché est dominé
par des groupes européens malgré la croissance des groupes asiatiques. Ils investissent dans
les infrastructures portuaires et dans l’innovation (portiques connectés, grues porte-conteneur
automatisées…)
La route circumterrestre relie les principaux pôles de l’économie mondiale. Le Pacifique est
devenu l’océan de la mondialisation, devant l’océan indien puis l’océan atlantique. Cette route
est jalonnée de hubs, qui redistribuent les marchandises vers des ports secondaires et leur
arrière-pays. Le réseau des échanges maritimes est complété par des lignes spécialisées : les
routes des hydrocarbures depuis le Moyen-Orient (45% des exportations) et l’Afrique de l’Est
traversent les océans indien et atlantique, les routes du fer et du charbon partent depuis
l’Amérique et l’Australie, les routes agricoles depuis l’Europe et l’Amérique. Mais la
compétition pour le transport de marchandises entraîne la recherche de nouvelles routes, plus
rapides : la route polaire du nord-est permet un gain de distance entre l’Europe et l’Asie de
40%, mais elle reste encore incertaine en raison de sa dangerosité (iceberg, glace, fonds et
littoraux peu cartographiés) et de son coût.
Le trafic doit se concentrer dans des goulets d’étranglement que sont les détroits et canaux,
points de passage incontournables. Si Suez et Panama ont connu des travaux d’élargissement
et d’approfondissement pour augmenter le nombre et la taille des bateaux pouvant y passer,
les détroits principaux connaissent des règles de circulation et de contrôle. Ils peuvent être des
lieux de tensions géopolitiques.
Le partage des espaces maritimes repose sur le droit international. Le droit de la mer a
été défini par la Convention Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) signée à Montego
Bay en 1982 : elle règle les relations entre Etats concernant l’utilisation de la mer et l’exercice
de leurs pouvoirs sur les espaces maritimes ; ainsi, plus on est proche des côtes d’un Etat, plus
les droits souverains sont importants. Cela donne lieu à l’établissement des eaux territoriales
(limite des 12 milles), des ZEE (200 milles), et enfin de la haute mer, ou eaux internationales,
dans laquelle la libre circulation est la règle et l’exploitation des fonds réglementés par les
Nations-Unies. La pêche d’espèces protégées y est interdite et un navire y circulant doit être
immatriculé (cad respectant les lois du pays dans lequel il est enregistré), mais seuls 20% de
ces fonds marins sont cartographiés.
Les ZEE symbolisent donc l’appropriation des mers et océans par les Etats, qui peuvent y
réglementer l’accès et l’exploitation de ses ressources naturelles. Elles représentent
aujourd’hui 36% des mers du globe. Les Etats côtiers ont la possibilité de demander une
extension de leur ZEE s’ils peuvent démontrer scientifiquement que leur plateau continental
se prolonge sur le fond des océans : cf France en 2015 +579000 km² autour des Antilles et de
la Nouvelle-Calédonie.
Les richesses maritimes et leur partage attisent les tensions entre Etats, en particulier
pour tracer les limites des ZEE dans les régions où les ressources sont nombreuses, ou dans
les passages stratégiques actuels ou futurs. Certaines îles sont devenues stratégiques car elles
ouvriraient la possibilité d’étendre la ZEE des Etats auxquelles elles appartiendraient : îles
Spratley et Paracels en mer de Chine méridionale.
Les détroits sont particulièrement surveillés par les puissances voisines, voire par les
puissances mondiales, en fonction du trafic maritime qu’ils connaissent. Des actes de piraterie
sont fréquents sur différentes mers comme les Caraïbes, au large de l’Afrique (golfe de
Guinée, golfe d’Aden/détroit de Bab-el-Mandeb), ou en Indonésie.
L’essentiel des flux illicites passe par les flux maritimes : drogues, armes, migrants passent
par les conteneurs. La cocaïne d’Amérique latine voyage par les Caraïbes et l’Afrique de
l’Ouest, les passeurs de Méditerranée n’hésitent pas à utiliser des bateaux de fortune pour
faire traverser les migrants par les routes moins surveillées mais dangereuses (Libye,
Canaries).
Ces tensions géopolitiques croissantes accélèrent la militarisation des océans. Seuls un
petit nombre d’Etats dispose d’importantes flottes militaires leur permettant de protéger leurs
intérêts. EU, RU, France, Russie sont parmi les premières puissances navales, mais doivent
compter sur la croissance militaire chinoise, voire indienne. A l’échelle régionales, certains
Etats achètent du matériel militaire pour assurer leurs positions face à un voisin jugé
menaçant : cf Chine en Asie du Sud-est, voire pour l’Australie (achat de 12 sous-marins
français en 2016).
La multiplication des bases navales le long des routes maritimes majeures assurent des points
d’accès et de contrôle de ce réseau pour ces pays différents pays : Djibouti cumule 3 bases
navales étrangères sur son sol (FR, EU, Chine).
Ils sont gravement menacés par les activités humaines. La surpêche risque de produire une extinction
massive, en particulier en Méditerranée et mer Noire. Selon la FAO, plus de 60% des espèces pêchées
sont à la limite de leur capacité de renouvellement et 30% sont surexploitée. Les océans sont aussi
touchés par de nombreux polluants, dont 80% sont d’origine terrestre (rejet de pesticides, déchets non
traités). Cette concentration des déchets a donné naissance à de véritables « continents » de plastiques
dans les gyres (le plus important fait 3 fois la superficie de la France), dégradant les eaux océaniques
et retombant dans la chaîne alimentaire.
L’appropriation permet néanmoins aux Etats de mettre en place des mesures de protection et favoriser
la patrimonialisation de leurs domaines insulaires et maritimes : préservation des mangroves, des
barrières de corail, des espèces halieutiques. 5000 aires marines protégées existent aujourd’hui dans le
monde, soit 26M de km², mais qui ne représentent que 7% de la surface des océans, même si celle-ci a
doublé depuis 2017.
Les Etats maritimes sont partagés entre les logiques de valorisation et de protection. Le potentiel de
création de richesses des mers et océan est élevé mais en contradiction avec la nécessité de préserver
le milieu marin et la biodiversité. La coopération entre les Etats ne fait donc pas consensus alors que la
remontée du niveau marin menace l’existence même de certains Etats.