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Cours 2 : Une inégale intégration des mers et des océans à la mondialisation

Comment la mondialisation contribue-t-elle à la différenciation des espaces maritimes ?

I) Une activité maritime sélective en territoires

Des mers et des océans inégalement mondialisés. Les flux maritimes dessinent une mondialisation contrastée
des espaces maritimes :
- Mers et océans (partiellement) mondialisés (carte diapo) : routes majeures transocéaniques reliant les pôles
de la mondialisation (partie septentrionale des océans Atlantique, Pacifique et Indien), Méditerranée,
Caraïbes
- Méditerranées1 périphériques : espaces maritimes secondaires intégrés par des flux régionaux selon le
système du feedering2 (schéma diapo) ou en voie d’intégration en raison de leurs ressources (mer Baltique
et Caspienne, océan Arctique)
- Espaces marginalisés : Sud des océans Atlantique et Pacifique, marge de l’océan Austral
Des façades maritimes contrastées. La mondialisation distingue les littoraux qui polarisent les échanges
maritimes (carte p. p. 32-33 + diapo) :
- Les façades maritimes asiatiques (de la Corée du Sud à Singapour), grâce à leur rôle d’interface entre un
hinterland vaste et peuplé et un foreland lointain, drainent l’essentiel des flux maritimes de marchandises
- Les façades des pôles occidentaux de la mondialisation : la Northern Range (de Dunkerque à Hambourg), la
façade orientale de l’Amérique du Nord (du Saint-Laurent au golfe du Mexique), la façade occidentale de
l’Amérique du Nord (du Pudget Sound à la Californie).
- L’Amérique du Sud et l’Afrique ne possèdent pas de façades maritimes en raison de l’enclavement de leur
arrière-pays et de leur faible capacité d’exportation.
Des ports hiérarchisés. La mondialisation a rebattu les cartes de la géographie portuaire :
- Les ports asiatiques ont intégré le haut du tableau au tournant des années 90. Depuis, leur statut de plaques
tournantes du commerce maritime mondial ne cesse de se renforcer. Le classement des ports à conteneurs
en 2019 révèle la centralité des hubs asiatiques dans le trafic mondial conteneurisé (diapo). Les neuf
premières places sont occupées par des ports essentiellement chinois 3 (dont Shanghai, 42 M de boîtes en
2018, n°1) auxquels s’ajoutent Singapour (36 M, n°2) et Busan en Corée du Sud (21 M, n°6). Cette hégémonie
reflète le poids de la Chine comme atelier manufacturier du monde et comme foyer de consommation.
- Les ports occidentaux déclassés, à l’exception de Rotterdam, 1er port européen et 9e mondial en termes de
trafic de conteneurs (15 M en 2019), tentent de se spécialiser afin de faire face à la concurrence : Baltimore
dans le charbon et les voitures, Rouen dans les céréales
- Le feedering contribue à l’affirmation de hubs régionaux sur les littoraux marginaux : Santos au Brésil.

II) Des seuils4 maritimes stratégiques : détroits, canaux et îles

Des passages naturels : les détroits. Les premiers seuils sont les détroits5, des voies de communication
naturelles. Les plus empruntés sont les détroits de Gibraltar (14 km de largeur minimale), de Bab-el-Mandeb 6 (25
km), d’Ormuz (55 km) et de Malacca (38 km), situés sur les principales routes maritimes. Le détroit d’Ormuz ( doc 1 p.
1
Espace maritime semi-fermé traversé par des flux intenses et variés et suscitant une volonté d’appropriation par une puissance
riveraine : mer des Caraïbes, mer du Japon, mer de Chine, mer de Java, Méditerranée, Baltique, mer Noire, mer Caspienne.
2
Le feedering est une action de transbordement entre les grands navires de ligne (navires-mères) qui font escale dans un
nombre limité de grands ports (hubs), et les plus petits navires (feeders) qui acheminent les marchandises vers des ports de plus
petite taille que les armateurs ne desservent pas en ligne directe.
3
A titre de comparaison, les deux premiers ports français de conteneurs, Le Havre et Marseille, très loin dans le classement
mondial, n’ont respectivement manutentionné que 2,9 et 1,5 M d’EVP en 2019.
4
Un seuil marque une limite nette dans l’espace. C’est une discontinuité.
5
Bras de mer plus ou moins resserré entre les deux côtes qui le bordent et mettant en relation deux étendues marines ou
lacustres.
6
Littéralement la « porte des lamentations ».
18) est le couloir de navigation quasi exclusif reliant les producteurs d’hydrocarbures du MO (Arabie Saoudite,
Koweït, Qatar, EAU, Irak et Iran) aux marchés d’Asie, d’Europe et d’Amérique du Nord. En 2018, environ 21 M de
barils de brut y ont circulé quotidiennement, soit 21 % de la consommation mondiale de pétrole et un tiers du brut
transitant par voie maritime dans le monde. Un quart du commerce mondial de gaz naturel liquéfié passe également
par Ormuz.
Des voies artificielles : les canaux. Tracés entre le milieu du XIXe siècle et le début du XXe siècle, les canaux
interocéaniques ont permis de réduire les temps de trajet. Les deux principaux sont ceux de Suez (1869) et de
Panama (1914). Le canal de Suez (diapo) est un goulet d’étranglement stratégique, ou key choke-point, de
l’économie maritime : il véhicule 45 à 50 navires par jour soit 8 % du transport maritime de marchandises et 22 %
des conteneurs. La route par le canal de Suez est un raccourci avantageux pour les navires reliant Asie et Amérique
du Nord, mais surtout Asie et Europe (diapo).
Des territoires stratégiques : les îles. Sur les 460 000 îles7 répertoriées par l’ONU, trente à quarante relèvent
d’enjeux stratégiques et économiques pour les ressources dont elles disposent et les points d’ancrage qu’elles
constituent :
- Ressources : la France possèdent les îles Eparses (TAAF 8 depuis 2006) dans le canal du Mozambique, riches
en gisements de pétrole et de gaz9.
- Point d’ancrage : au cœur de l’océan Indien, l’île de Diego Garcia dans l’archipel des Chagos, sous
administration britannique, accueille une base militaire américaine chargée d’apporter un soutien aux
opérations militaires des pays du pourtour de l’océan Indien où les EU sont engagés.

III) Des espaces maritimes en voie de recomposition

« Nouvelles routes de la soie » et « collier de perles ». La Chine de Xi Jinping qui ambitionne de devenir la
première puissance mondiale s’est lancée dans de vastes chantiers, notamment à finalité maritime :
- Les « nouvelles routes de la soie » : lancé en 2013 (diapo), ce projet, baptisé Belt and road initiative (BRI),
consiste à tisser un ensemble de liaisons maritimes et de voies ferroviaires entre la Chine et l’Europe via
l’Asie centrale, l’Europe de l’Est et l’Afrique orientale. Le volet maritime repose sur la création d’un corridor
reliant les principaux ports de la Mer de Chine méridionale et la Méditerranée en passant par le golfe du
Bengale, la côte est africaine et le canal de Suez. Il s’agit d’investissements dans les infrastructures
portuaires et les prises de contrôle dans la gestion des terminaux en Europe (l’opérateur maritime et
portuaire chinois Cosco détient notamment 67 % du port du Pirée).
- Le « collier de perles » : évoquée dès 2004, l’entreprise consiste à établir des bases militaires chinoises le
long de sa principale voie d’approvisionnement maritime vers le MO (diapo). La Chine s’engage pour sa part
à financer des infrastructures portuaires dans les pays partenaires (Cambodge, Birmanie, Sri Lanka, Pakistan,
Djibouti)
Reconfiguration des infrastructures d’accueil et de transit. Ports et canaux s’adaptent à l’intensification du trafic
maritime et au gigantisme des navires :
- Construction d’avant-ports en eau profonde : Europoort à Rotterdam, Yangshan10 au large de Shanghai
- Elargissement des canaux : à partir de 2006, un chantier titanesque a été entrepris pour doter le canal de
Panama de nouvelles écluses, élargir les voies d’accès et approfondir le lit. L’objectif est de faciliter le
passage des plus gros porte-conteneurs et stimuler les échanges entre les EU et l’Asie via Panama. Le

7
Selon sa définition juridique, une île est une terre entourée d’eau, d’origine naturelle, émergée à marée haute et présentant
une capacité objective à se prêter à une activité économique ou à accueillir des habitations humaines. Une île donne donc droit
à une ZEE de 200 miles nautiques alors qu’un rocher de donne droit qu’à de la mer territoriale de 12 miles nautiques.
8
Terres australes et antarctiques françaises.
9
En février 2020, la France a cependant refusé de prolonger le permis de recherche d’hydrocarbures au large des Iles Eparses,
conformément à la loi votée en 2017 interdisant la délivrance de tout nouveau permis de recherche d’hydrocarbures en France.
Cette décision est intervenue un an après l’abandon du permis d’exploitation offshore « Guyane maritime », au large de la
Guyane.
10
D’une superficie de 2 M m², le port en eau profonde de Yangshan est entièrement contrôlé par voie informatique et
fonctionne quasiment sans dockers. Seuls restent les portiqueurs qui pilotent les grues et saisissent les conteneurs. Yangshan
illustre la robotisation grandissante des grandes structures portuaires mondiale.
nouveau canal a été inauguré en juin 2016. En Égypte, en 2015, les travaux d’aménagement du canal de Suez
ont consisté à élargir et draguer 37 km du canal historique et à creuser une nouvelle voie de 35 km
permettant une navigation croisée afin de fluidifier et d’accélérer le transit des navires : l’ancien canal à
l’ouest est dédié au trafic nord-sud, le nouveau canal à l’est au trafic sud-nord (diapo).
De nouvelles voies navigables en Arctique ? Au tournant des années 2010, la fonte accélérée des glaces laisse
entrevoir de nouvelles perspectives pour la navigation dans l’océan glacial arctique. Deux routes se dégagent : le
passage du Nord-Ouest (PNO) qui traverse l’archipel arctique canadien, très morcelé, et le passage du Nord-Est (PNE)
qui longe le nord de la Norvège et la côte russe (diapo). Pourtant, si la navigation commerciale arctique se
développe, notamment celle des cargos, elle demeure limitée à un trafic de destination (commerce local entre ports
arctiques). Comparativement aux grandes routes maritimes mondiales, le trafic de transit est inexistant en Arctique :
en 2017, 84 456 navires ont franchi le détroit de Malacca contre 5 seulement pour le Passage du Nord-Ouest (diapo).
Cette marginalité tient aux difficultés de navigation, au manque d’infrastructures portuaires majeures, à l’absence
d’hinterland suffisant, à l’éloignement vis-à-vis du centre de gravité commercial que constitue l’Asie orientale et du
Sud-est11 et à l’engagement environnemental des grandes compagnies maritimes (CMA CGM, MSC, Evergreen Line)
de ne pas utiliser les routes polaires pour en préserver l’équilibre.

11
La Chine concentre 40 % du trafic conteneur des 50 premiers ports mondiaux, l’Asie dans son ensemble 70 %, contre environ
20 % pour les ports européens et nord-américains additionnés.

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