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-Ravie de vous retrouver !

On commence cette émission

sur le pont d'un porte-avions


chinois, "le Shandong",

en décembre 2019,
lors de sa mise en service

célébrée en grandes pompes.


La Chine veut s'imposer

comme la plus grande


force maritime mondiale

et contrer les Etats-Unis


dans l'Indo-Pacifique

pour réintégrer Taïwan,

la petite Chine
rebelle et démocratique.

La Chine trace son chemin


de puissance sur terre et sur mer.

Dans le domaine maritime,


elle joue sur plusieurs tableaux :

équipements militaires,
colonisation d'îlots et de récifs,

exploitation des ressources,


au mépris d'un droit international

de la mer
que Pékin réinvente à sa guise.

Sortons nos cartes...

Les mers et les océans sont régis


par un ensemble de règles

regroupées sous le terme


de "droit de la mer", fixé en 1958

par la convention de Genève,


puis remanié en 1982

par la convention des Nations Unies


sur le droit de la mer,

à Montego Bay, en Jamaïque,


convention signée par 168 pays.

Elle distingue
3 types d'espaces maritimes :

les eaux territoriales,


une bande de 12 milles marins,

soit 22km, qui bordent


les territoires des Etats

dont la souveraineté
y est quasi totale

sur l'eau, les fonds marins


et l'espace aérien.

Les navires étrangers


ont un droit de passage inoffensif

dans cette bande,


y compris les navires militaires

s'ils ne portent pas atteinte


à l'ordre de l'Etat côtier.

Viennent ensuite les Zones


Economiques Exclusives, les ZEE,

une bande
de 200 milles marins, soit 370km,

bordant les eaux territoriales.


Les Etats côtiers y ont des droits

en termes d'exploitation
des ressources de la mer,

de son sous-sol et en termes de


constructions et de conservation.

Les Etats côtiers


doivent y garantir aussi

la libre circulation
des navires, mais l'exploitation

de certaines ressources
par des navires étrangers

est soumise à autorisation.


Au-delà de ces 2 bandes côtières,

on trouve la haute mer


où prévaut le principe de liberté

de navigation et de pêche. Mais


les choses ne sont pas si simples

dès qu'on s'approche de


certaines côtes, notamment celles

de la mer de Chine du Sud,


un énorme espace maritime
de 3,5 millions de km2.

Voici les limites théoriques


des ZEE des Etats qui entourent

la mer de Chine méridionale


et des eaux internationales

définies
par la convention de Montego Bay,

mais le Vietnam, les Philippines,


Brunei et l'Indonésie

revendiquent des ZEE plus larges


du fait de leur présence

sur certaines îles de la zone.


La Chine remet même en cause

le principe des ZEE,


en brandissant ses propres cartes

et ses propres normes :


ses droits souverains

s'étendraient le long d'un tracé


appelé "langue de boeuf"

ou "carte des 9 traits".


Cette zone maritime couvrirait

2 millions de km2, l'équivalent


de 1/5e du territoire chinois,

avalant les eaux internationales


et une partie des ZEE

des Etats côtiers.


Cette revendication chinoise

s'appuie sur une supposée


antériorité historique

de la présence chinoise
et s'appuie sur des cartes

publiées dans les années 1930


pour contrer l'installation

des puissances occidentales.


Après la 2de Guerre mondiale,

de nouvelles cartes
seront publiées.

Avec la signature
de la convention de Genève en 1958,
Pékin doit reconnaître
que la terre domine la mer

et que les droits souverains


sur les mers découlent

d'une souveraineté
territoriale. Ne renonçant pas

à ses ambitions maritimes,


la Chine va contourner

la norme occidentale
des fameuses ZEE. Elle va occuper,

par la force s'il le faut,


des îles et atolls de la région,

majoritairement inhabités,
pour revendiquer les ZEE

qui vont avec. Problème :


ces îles sont revendiquées

par les autres Etats côtiers


que vous voyez apparaître.

1re offensive chinoise de ce type


dans les îles Paracels...

En 1974, profitant du départ


des Américains du Sud-Vietnam,

la Chine annexe l'archipel,


après avoir bombardé

la poignée de militaires
vietnamiens sur place.

En 1987, la Chine convoite


l'archipel des Spratleys

dont certaines îles


sont occupées par des Vietnamiens,

des Malaisiens, des Philippins,


des Taïwanais et des Japonais.

Prétextant une mission de


surveillance du niveau de la mer,

la Chine construit
une station océanographique

sur Fiery Cross


dont seuls 2 rochers émergeaient

à marée basse. Ce 1er coup de force


sera suivi de l'annexion
du récif de Johnson Sud
situé dans la ZEE philippine,

puis d'une tentative


d'annexion des îles Sin Cowe

occupées par le Vietnam. En 1994,


c'est au tour du récif de Mischief

de passer dans le giron de Pékin.


Puis en 2012, la Chine annexe,

en interdisant son accès,


le récif de Scarborough,

un atoll des Philippines


doté de 2 minuscules îles

culminant à marée basse


à 3 mètres d'altitude.

Pour asseoir ses revendications,


à partir de 2013, la Chine lance

une poldérisation démesurée


des atolls qu'elle contrôle,

notamment à Fiery Cross,


transformant de simples rochers

en îles artificielles.
Aéroport de 3km de long,

bases militaires,
complexes hôteliers,

tout est bon pour y justifier


la souveraineté chinoise

et revendiquer les ZEE qui les


entourent. La plupart de ces îles

sont des entités administratives


chinoises, ce que les opposants

à Pékin surnomment
"la grande muraille de sable".

La Chine utilise également


son importante flotte de pêche

pour occuper de facto


certains îlots, comme Julian Felipe

aux Philippines,
des pêcheurs qu'elle protège

à l'aide de milices de mer


et garde-côtes. Evidemment,

les Etats riverains ne sont pas


restés les bras croisés,

mais la puissance de frappe


chinoise a fait taire

toute contre-offensive
militaire sérieuse.

Quant aux recours juridiques,

comme les Philippines en 2016,


ils sont restés sans effet,

la Chine ne reconnaissant pas


la juridiction internationale

qui a condamné Pékin.

Ces revendications chinoises


sont d'autant plus problématiques

que Pékin oblige


les navires militaires étrangers

à être accompagnés
par des navires chinois,

ne respectant pas ainsi


le droit international

s'appliquant aux ZEE...

C'est un comble !
La Chine, depuis 2015, a appuyé

son essor économique sur


la libre circulation des navires.

Elle est devenue


la 1re nation de pêche en haute mer

avec des milliers de navires


dans les eaux internationales.

Cette volonté de contrôle de Pékin


sur la mer de Chine du Sud

inquiète les pays


d'Asie du Sud-Est, le Japon

et la Corée du Sud, la mer de Chine


du Sud étant un passage vital

pour ces pays, le quart


du commerce mondial y transitant.
Pékin pourrait imposer
un contrôle renforcé

des aires situées


au-dessus de cette zone,

comme elle l'a fait


pour la mer de Chine de l'Est.

Les Etats-Unis n'accepteront pas


de modifications du système actuel

de partage de l'espace aérien


en mer de Chine du Sud.

Mais que choisiront


les compagnies d'aviation ?

Elles se sont déjà pliées


aux exigences de Pékin

d'autorisations préalables de
survol de la mer de Chine de l'Est

et évitent ce secteur.
Au-delà des questions juridiques

que pose l'attitude chinoise,


le comportement agressif de Pékin

entraîne une militarisation


accrue de la région.

Les Taïwanais,
avec une armée de 200 000 hommes,

sont les plus concernés.


Pour l'instant, ils modernisent

leurs infrastructures,
tout renforcement de leur arsenal

pouvant être interprété


comme un acte offensif par Pékin.

L'Indonésie, pourtant en marge


de la "langue de boeuf chinoise",

a considérablement renforcé
sa présence sur l'archipel

de Natuna où se trouvent
d'importantes réserves de gaz.

Enfin, le Japon,
grand rival économique de la Chine,

s'est lancé dans une lourde course


à l'armement depuis qu'en 2013,
Pékin a publié une nouvelle carte
de son espace maritime

qui inclut les îles japonaises


Senkaku, baptisées "Diaoyu"

par les Chinois


qui justifient ainsi

les incursions de leur marine dans


les eaux territoriales japonaises.

Les Japonais ont donc créé


en 2016 une 9e escadre aérienne

et 2 unités de sécurité
à Amami Oshima et à Miyakojima,

en 2019. Les Etats-Unis


sont également très présents

dans la région, seul contre-pouvoir


à l'hégémonie chinoise.

50 000 soldats américains


sont basés au Japon

sur la base de Yokosuka.


Ils sont également présents

sur l'île américaine de Guam.


Les Philippines vont accueillir

des bases militaires américaines,


renforçant leur puissance de frappe

aux portes de la Chine.

La puissance navale chinoise prend


des proportions impressionnantes

qui inquiètent certains stratèges


militaires occidentaux

pour qui l'Occident


doit conserver coûte que coûte

l'avantage en mer, pour tenir


la Chine et la Russie à distance.

L'Occident, puissant historiquement


par son implantation mondiale

et par le contrôle
des voies maritimes,

est désormais concurrencé par


une Chine qui ne s'encombre guère
du droit international
pour parvenir à ses fins,

de même que la Russie de Poutine


qui mène sa guerre en Ukraine

également sur la façade maritime


du pays de Volodymyr Zelensky.

Emission préparée
avec Christophe Prazuck

qui a publié sur le site de l'IFRI


"Mer de Chine et droit de la mer,

"le paradoxe chinois".

Rendez-vous la semaine prochaine,


même endroit, même heure.

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