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Thème 4 

: Quels sont les processus sociaux qui contribuent à la déviance ?

Nous avons vu dans le chapitre sur la socialisation que le vivre ensemble dépendait du partage d’un
certain nombre de façons de faire et de penser par les individus d’un groupe social et plus largement
d’une société. Or, dans l’actualité nombreux sont les exemples de non-respect de ces règles. La déviance
est un comportement jugé non conforme aux façons de faire et de penser d’un groupe = transgression
d’une norme sociale.
Quels sont les déterminants de la déviance ? Comment la mesurer ? Quels processus mènent à la
déviance ?
Après avoir vu que la déviance dépend des normes en vigueur dans une société ou les groupes qui la
compose et que sa mesure admet des difficultés nous verrons qu’elle est le produit de l’étiquetage et de la
stigmatisation qui peuvent mener à des carrières déviantes.

I. La déviance dépend des normes en vigueur dans une société ou les groupes qui la compose
A. Les entrepreneurs de morale font évoluer les normes et donc la déviance dans le
temps, dans l’espace et dans les groupes sociaux
Vidéo alcool et grossesse et alcool à la cantine
Docs 1 et 2
1981 : interdiction de l’alcool aux lycéens
La déviance est universelle mais aussi relative. En effet, puisque toutes les sociétés produisent des
normes, alors la déviance existe dans toute société mais, ces normes évoluent dans le temps et l’espace.
Ainsi des actes jugés déviants à une époque peuvent cesser de l’être et inversement. De même, les normes
ne sont pas les mêmes dans toutes les sociétés, la définition d’un acte déviant varie donc selon les
sociétés. Enfin, la désignation d’un acte comme déviant varie selon les groupes sociaux (âge, niveau de
diplôme, appartenance religieuse …) : un acte peut être considéré comme déviant par un groupe mais pas
par un autre.
On dit que les normes sociales sont socialement et historiquement situées. Il n’y a donc pas d’actes
déviants en soi puisqu’il n’existe pas d’actes considérés comme déviants en tout temps et en tout lieu.
Howard S. Becker montre que l’établissement de normes nouvelles est généralement l’œuvre d’«
entrepreneurs de morale » : personne qui cherche à influencer un groupe de personnes dans le but de lui
faire adopter ou maintenir une norme. Ces entrepreneurs prennent la forme traditionnellement de partis
politiques, syndicats, associations ou encore de groupements notamment sur les réseaux sociaux.
Docs 3 et 4

B. Les actes déviants sont des actes délinquants s’ils transgressent une norme juridique
Doc 5
Les sociétés, et les divers groupes sociaux qui les composent, définissent des normes qui s’imposent aux
individus. Les normes sociales sont des règles de conduite en vigueur dans un groupe social. Elles
prennent la forme de prescriptions (ce qui est “bien”) ou d’interdictions (ce qui est “mal”) et règlent ainsi
les comportements des membres de la société ou d’un groupe social. Les normes sont toujours sociales.
En effet, elles sont instituées et définies par le groupe et ne sont donc ni naturelles, ni universelles.
On parle de normes juridiques lorsqu’elles sont édictées formellement par la loi. On garde la notion de
norme sociales pour définir les accords informels, récents ou traditionnels. Les normes juridiques sont
donc une catégorie particulière de normes sociales : celles qui, inscrites dans le droit, font l’objet d’une
codification formelle (écrites).
Ainsi la déviance est la transgression d’une norme et la délinquance est forme particulière de déviance :
la transgression d’une norme juridique.
Notons que c’est souvent sous la pression des évolutions des pratiques sociales que le droit est amené à
évoluer, non sans difficulté ou conflit (législation sur la contraception, l’avortement, l’homosexualité). À
l’inverse, il peut arriver que les évolutions du droit, précèdent et favorisent une évolution des pratiques
sociales et de l’opinion (comme dans le cas de l’abolition de la peine de mort).
C. Le contrôle social est principalement informel mais peut être formel lorsqu’il est mis
en place par des institutions spécialisées
Docs 6 et 7
Pour éviter la déviance les sociétés mettent en place un contrôle social : ensemble des sanctions positives
ou négatives, formelles ou informelles mises en œuvre pour que les individus respectent les normes.
La transgression d’une norme sociale (non juridique) entraine une sanction (négative) informelle, pouvant
aller d’une simple manifestation de réprobation (froncement de sourcils, rires moqueurs, etc.) jusqu’à une
forme d’exclusion sociale. Pour Weber (1920) ce type de sanction est parfois plus « dure que les
sanctions juridiques du fait des conséquences extrêmement efficaces et sensibles du boycott social ».
La transgression d’une norme juridique (délinquance), entraine le plus souvent aussi une réprobation
sociale, mais également une sanction formelle (inscrite dans une loi, un code ou un règlement) et qui
s’énonce le plus souvent sous forme écrite et impersonnelle. En effet, ce contrôle social passe par des
institutions spécialisées et la sanction formelle (emprisonnement, contravention, etc.) dépend de la
qualification juridique de l’acte (crime, délit).

II. La mesure de la délinquance admet des difficultés


A. La délinquance, mesurée par les statistiques policières et judiciaires, présente des limites

Docs 8, 9 + vidéo Porter plainte pour viol et doc 10


La mesure des actes de délinquance est principalement le fait des statistiques administratives, recueillies
par les institutions spécialisées que sont la police, la gendarmerie, et la justice. La police et la
gendarmerie enregistrent des dépôts de plainte qui vont permettre de construire les statistiques policières,
et en fin de procédure judiciaire, la justice publie aussi des statistiques judiciaires. Mais ces statistiques ne
peuvent ni rendre compte de l’intégralité de la délinquance potentiellement mesurable, ni garantir une
comparabilité dans le temps car :
 Les actes délinquants dépendent de l’évolution du code pénal. Ainsi, l’avortement, les pratiques
homosexuelles, la prostitution ont longtemps été pénalisés et ne le sont plus aujourd’hui en
France ; à l’inverse, la conduite en grand excès de vitesse (50 km/h au-dessus de la limite
autorisée), est récemment devenu un délit passible d’une peine d’emprisonnement en cas de
récidive.
 Certains actes délinquants peuvent être commis à l’insu des institutions de contrôle social (police,
justice) dès lors qu’elles n’en sont pas témoins ou qu’aucune victime ne se déclare. Or, la
propension des victimes à porter plainte dépend de multiples facteurs tels que :
- Leur perception de l’acte. Se considère-t-on soi-même comme une victime ? L’acte est-il
ressenti comme une offense plus ou moins grave ? Est-il jugé comme relevant d’une
intervention policière ou comme pouvant faire l’objet d’une autre forme de règlement ?
Est-il socialement légitime de se déclarer victime ?
- Leur capacité ou possibilité (ressources sociales, culturelles, émotionnelles…) de le
rapporter aux autorités policières : l’acte peut-il être, sans risque de représailles, ou sans
que cela soit une épreuve psychologique insurmontable, rapporté aux autorités policières.
- L’intérêt qu’elles peuvent avoir à porter plainte : dépôt de plainte exigé par les assurances
pour remboursement, chances estimées de réparations (insulte, vol de vélo…)
- L’efficacité qu’elles prêtent aux forces de police : chance d’être bien reçu, qu’il y ait une
enquête
- Politique policière du moment : incitation ou désincitation à porter plainte, requalification
des faits : tentatives de vols de voiture en simple dégradation, ou à l’inverse simple
altercation en coups et blessures, recherche de chiffres…
B. La mesure de la délinquance est complétée par les enquêtes de victimation

Docs 11 et 12
La mesure de la délinquance par les statistiques policières et judiciaires ne parvient pas à rendre compte
de l’intégralité de la délinquance. Une autre mesure de la délinquance est fournie par les enquêtes de
victimation : enquête sociologique consistant à demander à un échantillon représentatif d’une population
s’il s’estime avoir été victime d’acte(s) délinquant(s) présentés dans une liste. Ces enquêtes permettent
d’obtenir plusieurs indicateurs :
 taux de prévalence : part de ménage atteinte au moins une fois
 taux d’incidence : nombre de faits subis pour 100 répondants
 taux de renvoi : proportion de victimes qui disent avoir alerté la police ou la gendarmerie
 taux de plainte : proportion de victimes disant avoir déposé plainte.
Les enquêtes de victimation aussi, ne peuvent pas rendre compte de l’intégralité de la délinquance, mais
elles apportent un autre éclairage sur celle-ci. Elles permettent notamment de constater des écarts
(surestimation ou sous-estimation) entre les déclarations des enquêtés et les statistiques policières. Elles
permettent d’expliquer ces écarts.

III. La déviance est le produit de l’étiquetage et de la stigmatisation qui peuvent mener à des
carrières déviantes
Doc 13
La déviance est le produit de différents processus. On parlera ainsi de carrière déviante : différentes
étapes qui mènent un individu à transgresser les normes en vigueur.
Ainsi l’individu modifie son comportement et petit à petit, en fonction du contexte dans lequel il évolue,
des actes déviants qu’il commet, de son rapport avec la police et la justice et enfin des rencontres qu’il
fait.
Mais les mécanismes menant à la déviance ne s’enchaînent pas toujours. Pour Becker « à mesure qu’une
personne progresse dans sa [carrière], les décisions qu’elle a déjà prises tendent à limiter les alternatives
qui restent ouvertes ».
Docs 14 et 15
Étiquetage : Processus par lequel la société désigne des individus comme déviants.
Stigmatisation : Attribution d’un stigmate a un individu. Le stigmate est une caractéristique qui peut être
en lien à son passé, physique (handicap, couleur de peau, habit religieux…) qui la conduit à être jugé
comme anormal et modifie ses relations avec les autres.
Une personne qui a commis une déviance et porteuse d’un stigmate peut être étiquetée par la société. Cet
étiquetage (ou labellisation) est décisif dans la carrière déviante. En effet selon Becker, dès lors qu’un
individu a été identifié (à tort ou à raison) comme ayant transgressé une norme, son étiquetage fait que la
déviance devient de son « statut principal » aux yeux des autres. L’individu peut alors développer une
honte à moins qu’il ne parvienne à se défaire du stigmate, en se l’appropriant (fierté). Ainsi, l’étiquetage
comme déviant peut constituer une entrée dans une carrière déviante. Elle participe également au
maintien dans cette carrière. Une fois étiqueté et traité en conséquence, il est difficile pour un individu de
participer à la vie de groupes respectueux des normes sociales. En effet, il peut développer un sentiment
de honte, ou d’être étranger. Il est alors possible que l’individu trouve auprès d’autres « stigmatisés »
comme lui une sorte de refuge identitaire. Il entre dès lors dans un groupe déviant, dont il s’approprie la
« sous-culture déviante », laquelle le fait progressivement s’affranchir des normes « officielles » et des
« contrôles sociaux globaux » et le conduit à adopter les normes propres au groupe. Cet apprentissage se
fait toujours dans l’interaction avec autrui. Autrui désignant ici à la fois tous ceux aux yeux desquels
l’individu est discrédité et ceux qui, au contraire, étiquetés déviants comme lui, lui fournissent d’autres
codes sociaux.
Conclusion :

Nous venons de voir que la déviance dépend des normes en vigueur dans une société ou les groupes qui la
compose. En effet, ce sont les entrepreneurs de morale font évoluer les normes et donc la déviance dans le
temps, dans l’espace et dans les groupes sociaux. Ces actes déviants sont des actes délinquants s’ils
transgressent une norme juridique ce qui entraîne un contrôle social par des institutions spécialisées.
Cependant la mesure de la délinquance admet des difficultés. En effet, la délinquance, mesurée par les
statistiques policières et judiciaires, présente des limites elle doit donc être complétée par des enquêtes de
victimation.
En fin nous avons vu que la déviance est le produit de l’étiquetage et de la stigmatisation qui peuvent
mener à des carrières déviantes.
Thème 4 : Quels sont les processus sociaux qui contribuent à la déviance ?

I. La déviance dépend des normes en vigueur dans une société ou les groupes qui la compose

A. Les entrepreneurs de morale font évoluer les normes et donc la déviance dans le
temps, dans l’espace et dans les groupes sociaux
B. Les actes déviants sont des actes délinquants s’ils transgressent une norme juridique
C. Le contrôle social est principalement informel mais peut être formel lorsqu’il est mis
en place par des institutions spécialisées

II. La mesure de la délinquance admet des difficultés

A. La délinquance, mesurée par les statistiques policières et judiciaires, présente des


limites
B. La mesure de la délinquance est complétée par les enquêtes de victimation

III. La déviance est le produit de l’étiquetage et de stigmatisation qui peuvent mener à des
carrières déviantes

Objectifs d’apprentissage :

 Comprendre la distinction entre normes sociales et normes juridiques, et connaître la diversité des
formes de contrôle social.
 Comprendre que la déviance et/ou la désignation d’un acte comme déviant se définissent comme
une transgression des normes et qu’elles revêtent des formes variées selon les sociétés et, en leur
sein, selon les groupes sociaux.
 Comprendre que la déviance peut s’analyser comme le produit de différents processus sociaux
(étiquetage, stigmatisation, carrières déviantes).
 Comprendre et illustrer la distinction entre déviance et délinquance.
 Comprendre et illustrer les difficultés de mesure de la délinquance.
Lexique
Thème 4 : Quels sont les processus sociaux qui contribuent à la déviance ?

 Carrière déviante : différentes séquences ou étapes qui mène un individu à transgresser les
normes en vigueur.
 Contrôle social : ensemble des sanctions positives ou négatives, formelles ou informelles mises
en œuvre pour que les individus respectent les normes.
 Délinquance est forme particulière de déviance : la transgression d’une norme juridique.
 Déviance est un comportement jugé non conforme aux façons de faire et de penser d’un groupe =
transgression d’une norme sociale.
 Enquêtes de victimation : enquête sociologique consistant à demander à un échantillon
représentatif d’une population s’il s’estime avoir été victimes d’acte(s) délinquant(s) qui sont
présentés dans une liste.
 Entrepreneurs de morale : personne qui cherche à influencer un groupe de personnes dans le but
de lui faire adopter ou maintenir une norme.
 Étiquetage : Processus par lequel la société ou des groupes spécifiques désignent des individus
comme déviants.
 Normes sociales sont des règles de conduite en vigueur dans un groupe social (accords informels,
récents ou traditionnels)
 Normes juridiques lorsqu’elles sont édictées formellement par la loi.
 Stigmatisation : Situation où un individu se voit attribuer un stigmate. Le stigmate est un attribut
de la personne qui peut être en lien avec son passé, physique (handicap, couleur de peau, habit
religieux) qui la conduit à être jugée comme anormale et modifie ses relations avec les autres.

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