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Le futur du Social Democratic Front (SDF) : le temps du VIKUMA, le cœur de la

bataille

Ceux qui ont pris l’habitude, la bonne je l’espère de me lire, se sont certainement rendus
compte de mon alignement, je dirais mieux du choix opéré et assumé de positionner la
Réunification au centre des études historiques camerounaises. En le faisant, j’étais loin de
m’imaginer que cette séquence de l’histoire nationale est au centre de la compréhension
de plusieurs phénomènes de notre vécu contemporain.

Partant de là, ma fascination pour cet épisode et le rôle central que je lui donne s’en
trouvent éminemment renforcés. L’actualité du Social Democratic Front, marqué par une
réelle volonté de redynamiser les instances de ce parti en lui donnant une ressource
humaine nouvelle, m’offre une opportunité pour établir cette vérité. Depuis le
renoncement officiel de Fru Ndi à se constituer candidat à une élection présidentielle, la
bataille lui succéder au poste de président du parti s’est ouverte.

Dans cette lutte rangée, deux tendances émergent. La première aux élans populistes et se
revendiquant du SDF authentique, a à sa tête le Député Jean Michel Nitcheu, Président
Régional pour le Littoral du SDF. Le second est très hétéroclite, car constitué aussi bien
des éléments de la vielle garde, pour l’essentiel originaires de l’ancien Cameroun
Occidental ; que des élus originaires d’autres Régions occupants des postes stratégiques
au sein du parti et en dehors, ayant à sa tête Joshua Osih, Vice-Président du SDF. Ces
derniers semblent avoir partager commun l’agacement causé par l’hyper activité du
Président Régional du Littoral.
Au regard de l’histoire du Cameroun et du comportement de Fru Ndi, la seconde
tendance part avantage important.

Du point de vue de l’Histoire

En novembre 1964, Walter Wilson Mesumbe, crée le groupe de pression dénommé


VIKUMA (Victoria-Kumba-Mamfe). La mise en place de cet instrument était consécutif
au constat fait par les originaires de la forêt, de l’accaparement des postes dévolus au
Cameroun Occidental par les originaires des grassfields.

Pour se convaincre, ce mouvement indiquait par exemple que le Premier Ministre du


Cameroun Occidental John Ngu Foncha était des grassfield. Au sein du gouvernement de
l’Etat fédéré, le même constat était fait. Il faut dire que cette observation est aussi vielle
que les batailles politiques qui ont opposées Endeley à Foncha depuis au moins 1955. La
même sensation de la marginalisation de la forêt par les grassfield peut également
s’apprécier à l’aune de l’analyse des occupants du poste de Premier Ministre du
Cameroun Occidental. En 1965 par exemple, Jua remplace Foncha, lui-même est
remplacé Muna en 1968. Ce dernier, par la force des alliances, put cumuler les postes de
Vice-Président de l’Etat fédéral et de Premier Ministre du Cameroun Occidental entre
1970 et 1972.

Cette situation est d’autant plus choquante que lors d’une réunion secrète du Cameroon
People’s Nationsal Convention, à laquelle avait pris part Endeley, Mbile, Elangwe,
Monyongo Ajebe-Sone et Ewusi tous originaires de la forêt, avaient pris la résolution de
« livrer une rude bataille afin que le Vice-Président de la République et le Premier
ministre ne soient plus tous originaires des grassfields ».C’est dire que la naissance du
VIKUMA vient en réalité officialiser et structurer le combat. L’histoire offre quelques
épisodes assez révélateurs.

Devant la Southern Cameroons House of Assembly réunie le 23 mars 1961, Endeley


tenait ces propos à l’endroit du Kamerun National Democratic Party parti
majoritairement constitué des originaires des grassfields.
"Le KNDP, le parti qui reste jusqu’à présent sans vergogne au pouvoir avec une petite
majorité artificielle… (adopte) tous les nouveaux amendements aux lois en vigueur…
(visant) à dominer certaines tribus et clans minoritaires et à les priver de leur droit. Ceci
n’est qu’une pression éhontée… Depuis que le KNDP a pris le pouvoir, la haine tribale a
pris de l’ampleur et il y a une flambée d’amertume et de suspicion" (Victoc Julius Ngoh,
2019 : 237).

La réponse de Foncha était sans équivoque.


"Nous, membres de la tribu majoritaire, ne tuerons jamais certains d’entre nous pour
réduire notre nombre… Je pense que nous devrions maintenant revenir en arrière et
critiquer les Bakweri pour avoir vendu leurs terres aux Allemands… En ce qui concerne
la question de la cession du pouvoir, nous voulons que cela soit très clair : vous ne
pouvez plus accéder au pouvoir" (Victor Julius Ngoh, 2019 : 238).

Ces deux séquences sont symptomatiques de la situation qui prévalait au Cameroun


occidental. Mais au-delà de la simple critique qui se limiterait à y voir une lutte entre des
entités identitaires, il est plus indiqué d’y voir la volonté manifeste des deux camps à
revendiquer leur existence, ou du moins, la prise en compte de celle-ci. Sous l’État
unitaire, le sentiment d’appartenance à la forêt ou aux grassfields s’est quelque peu
atténué pour faire émerger l’identité anglophone un élément important dans l’analyse de
la vie sociopolitique du Cameroun.

Lorsqu’est créé le Social Democratic Front, bien qu’il revendique une identité nationale,
il n’en demeure pas moins qu’il s’appuie sur une base électorale sûre constituée des
régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest. Ce n’est pas pour nier l’influence que le SDF a
eu dans la Région de l’Ouest ou encore dans la Région du Littoral, mais à l’évidence,
depuis 2002, sa base s’est cantonnée à ce qui est identifié aujourd’hui comme étant le
NOSO. Nulle n’était la crise dans le NOSO, il est fort à parier que l’assise de ce parti
serait renforcée dans cette partie du pays.
L’effacement progressif du SDF, s’il aboutit à un effacement complet de la scène
politique camerounaise, au-delà de la disparition du symbole de la lutte pour les libertés
au Cameroun, consacrerait la mort politique des Régions Nord-ouest et du Sud-ouest.
Fort heureusement, on n’en est pas encore à ce niveau. Mais faut bien admettre que pour
la vielle garde, l’avenir du SDF se joue sous la présidence d’un ressortissant du NOSO.

Cela se justifie par le fait que dans la répartition des rôles, les grands axes détiennent
chacun un instrument de pression et de conquête de pouvoir. Dans cette logique, le grand
groupe Beti en la personne de Paul Biya, a la tête du RDPC, le grand Nord, avec Bello
Bouba, contrôle l’UNDP, l’Ouest par le truchement de Maurice Kamto dirige le MRC,
l’univers Bassa, par Cabral Libii a le contrôle du PCRN et les Bamoun à travers
Toumaino Njoya, président aux destinées de l’UDC. En l’état actuel, il est peu probable
qu’en l’absence de Fru Ndi que le fauteuil présidentiel du SDF revienne à un non
ressortissant du NOSO.
Du point de vue du comportement de Fru Ndi

Face à cette évidence, il est compréhensible que les partisans d’Osih, pour des raisons de
stratégie, fassent un retour dans l’histoire du pays pour revendiquer après le départ de Fru
Ndi, une présence du Sud-ouest à la tête du SDF. Ce serait une manière contemporaine de
porter la lutte du VIKUMA.

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