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LES GRANDS HOMMES POLITIQUES NOIRS DU 20e SIECLE

Notre monde tel qu’il apparaît aujourd’hui, a été façonné par des actions d’hommes et de femmes
ayant marqué leur époque par leur personnalité. Idéologues, avec des convictions chevillées au
corps, ils ont influencé le cours de l’histoire de leurs nations respectives et du monde en général.
Aujourd’hui encore, leurs parcours sont cités en exemple à l’occasion de certains débats tant au
niveau national qu’international. Kaya Maga revisite l’histoire de ces hommes et femmes d’origine
africaine qui ont marqué leur époque et l’époque actuelle au-delà des frontières nationales afin de
les garder présents dans la conscience jeune.

Cette série sur les grands hommes politiques noirs du 20 e siècle se propose de revenir sur leurs
idéologies et leurs parcours politiques.

Tandjiékpon MICHOAGAN

Naissance et formation

Selon sa biographie publiée sur le site officiel du gouvernement burkinabé consulté le 16 août 1983,
Thomas Isidore Noël Sankara est né le 21 décembre 1949 à Yako en Haute-Volta (actuel Burkina-
Faso). Fils d'un père Peul et d'une mère Mossi, ayant grandi entre valeurs militaires et religieuses
chrétiennes. Il fit ses études secondaires d'abord au lycée Ouezzin Coulibaly de Bobo-Dioulasso, puis
de la seconde au baccalauréat, à Ouagadougou, au Prytanée militaire de Kadiogo. Durant ses études,
il côtoie des fils de colons et découvre l’injustice. Tout comme Blaise Compaoré, il suit une formation
d'officier à l'École militaire inter-armes (EMIA) de Yaoundé au Cameroun, avant d’intégrer l'Académie
militaire d'Antsirabe, à Madagascar où il étudie les sciences politiques, l'économie politique, le
français et les sciences agricoles. En 1976, il devient commandant du Centre national d'entraînement
commando, (CNEC) situé à Pô, dans la province du Nahouri, à 150 km au sud de la capitale. La même
année, ils prennent part à un stage d'aguerrissement au Maroc.

Comme le rapporte Saïd Bouamama dans “Figures de la révolution africaine, de Kenyatta à Sankara”, c’est
durant ses études à Madagascar qu’il se forge déjà l’idée d'une « révolution démocratique et
populaire » lorsqu’il assiste en 1972 à la révolution qui conduit à la fin du régime néocolonialiste de
Philibert Tsiranana. Sous-lieutenant affecté en 1973 à la formation des jeunes recrues, il se fait
remarquer par sa conception de la formation militaire dans laquelle il inclut un enseignement sur les
droits et les devoirs du citoyen, insistant sur la formation politique des soldats : « sans formation
politique patriotique, un militaire n'est qu'un criminel en puissance », avait-t-il coutume de dire. Il
acquiert une renommée nationale en s’illustrant militairement lors de la guerre avec le Mali en 1974.
Il accéda ensuite au grade de Capitaine et crée le Regroupement des officiers communistes (ROC),
une organisation clandestine. C’était déjà les prémices d’une carrière politique !

Idéologie et engament politique

Décrit à la fois comme un anti-impérialiste, révolutionnaire, socialiste, panafricaniste et tiers-


mondiste, Thomas Sankara est un des chefs du Mouvement des non-alignés. Il côtoie beaucoup de
militants d'extrême gauche dans les années 1970 et se lie d'amitié avec certains d'entre eux.

Dans son article datant d’octobre 1987 intitulé « Le rêve assassiné de Thomas Sankara », Bruno Jaffré
nous apprend qu’à la fin des années 1970 et au début des années 1980, le Burkina Faso connaît une
alternance de périodes autoritaires et de démocratie parlementaire. Les personnalités politiques
sont coupées de la petite bourgeoisie urbaine politisée, et cette scission est renforcée par des
scandales financiers. Cela amène de jeunes officiers ambitieux et désireux de moderniser le pays
comme Thomas Sankara à s'investir en politique, se posant en contraste avec des hommes politiques
plus âgés et moins éduqués. Un coup d'État militaire auquel il n’a pas pris part a lieu en novembre
1980. Populaire, il est nommé en septembre 1981 secrétaire d'État à l'Information dans le
gouvernement du colonel Saye Zerbo avant de démissionner en réaction à la suppression du droit de
grève, déclarant le 21 avril 1982, en direct à la télévision : « Malheur à ceux qui bâillonnent le
peuple ». Il est alors dégradé et chassé de la capitale.

Deux ans après, nouveau coup d’Etat. Le 7 novembre 1982, le médecin militaire Jean-Baptiste
Ouédraogo est porté au pouvoir et Sankara devient Premier ministre en janvier 1983, grâce au
rapport de forces favorable au camp progressiste au sein de l’armée. A ce poste, poursuit Saïd
Bouamama, il se prononce ouvertement pour la rupture du rapport « néocolonial » qui lie la Haute-
Volta à la France : « Lorsque le peuple se met debout, l’impérialisme tremble. L’impérialisme qui
nous regarde est inquiet. Il tremble. L’impérialisme se demande comment il pourra rompre le lien
qui existe entre le CSP [le gouvernement] et le peuple. L’impérialisme tremble. Il tremble parce
qu'ici à Ouagadougou, nous allons l'enterrer ». En avril 1983, il invite le dirigeant libyen Mouammar
Kadhafi. Ce qui semble être une nouvelle « erreur diplomatique » aux yeux de la France. Le 17 mai, il
est limogé et mis en résidence surveillée, probablement sous la pression de la France.

Aussitôt, des manifestations populaires soutenues par les partis de gauche et les syndicats
contraignent le pouvoir à le libérer. Le 4 août 1983, la garnison insurgée de Pô arrive à Ouagadougou
accompagnée d'une foule en liesse et place Thomas Sankara à la présidence du Conseil national
révolutionnaire. Il constitue un gouvernement avec le Parti africain de l’indépendance et l'Union des
luttes communistes - reconstruite (ULC-R).

Durant les quatre années de cette révolution qu’il finit par incarner, il mène à marche forcée une
politique d'émancipation nationale, de développement du pays, de lutte contre la corruption ou
encore de libération des femmes.

Dès sa prise de pouvoir, rappelle Bruno Jaffré , il affirme ce qui sera sa ligne de conduite à la tête du
pays : « Refuser l'état de survie, desserrer les pressions, libérer nos campagnes d'un immobilisme
moyenâgeux ou d'une régression, démocratiser notre société, ouvrir les esprits sur un univers de
responsabilité collective pour oser inventer l'avenir. Briser et reconstruire l'administration à travers
une autre image du fonctionnaire, plonger notre armée dans le peuple par le travail productif et lui
rappeler incessamment que, sans formation patriotique, un militaire n'est qu'un criminel en
puissance ». Sa politique d’émancipation s’est traduite par le changement du nom de Haute-Volta
issu de la colonisation en un nom issu de la tradition africaine : Burkina Faso, qui est un mélange de
moré et de dioula et signifie Pays des hommes intègres.

Concernant la démocratie, il développe une pensée originale : « Le bulletin de vote et un appareil


électoral ne signifient pas, par eux-mêmes, qu'il existe une démocratie. Ceux qui organisent des
élections de temps à autre, et ne se préoccupent du peuple qu'avant chaque acte électoral, n'ont
pas un système réellement démocratique. […] On ne peut concevoir la démocratie sans que le
pouvoir, sous toutes ses formes, soit remis entre les mains du peuple ; le pouvoir économique,
militaire, politique, le pouvoir social et culturel ».
Une nouvelle nation venait ainsi de naître. Sankara ouvrit une nouvelle ère au Burkina Faso.

En attendant la suite du parcours de ce visionnaire des temps modernes, vous pouvez parcourir ses
discours sur ce lien http://www.thomassankara.net/category/francais/documents/discours/

Castro décore Thomas Sankara de la médaille de l’ordre de José Marti en septembre 1984
Capitaine Thomas Sankara, Président du Burkina Faso. (Photo par William F.
Campbell/Time & Life Pictures/Getty Images)

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