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0. INTRODUCTION
Cette histoire est celle les autochtones qui, malgré leurs diversités ethniques,
constituent, par rapport aux missionnaires, un groupe homogène, le groupe des
« païens » à convertir. Leurs motivations face au christianisme ne sont pas
nécessairement celles des missionnaires ; leur compréhension du christianisme et leur
conversion n’obéissent pas nécessairement aux vues des missionnaires. Ont-ils
compris l’énoncé chrétien avec ses dogmes et son juridisme romain ? Partiellement
peut-être ! Mais, de toute évidence, le christianisme était pour eux, l’une de ses
choses que les Blancs ont apportées. Certains « indigènes » n’ont-ils pas qualifié le
christianisme de « Dieu des Blancs ». La trajectoire historique des autochtones est
restée parallèle à celle des missionnaires. L’histoire de la réception de l’énoncé
chrétien par l’autochtone serait la plus féconde et la plus intéressante, mais son
écriture reste difficile par manque des témoignages écrits.
L’histoire est la connaissance ou la science du passé. Elle se caractérise par une lecture
critique et raisonnée des témoignages ou des traces (sources) laissés par les hommes
du passé. L’historien qui vit au présent, reconstruit le passé en interprétant de façon
rationnelle les sources. Il essaie de s’approcher de la vérité et de l’objectivité en
produisant une synthèse chronologiquement ordonnée et thématiquement
cohérente.
Les traces laissées sont diverses et multiples. Les historiens les classent en deux grandes
catégories :
Les sources verbales sont celles qui relèvent de la parole. Elles peuvent être écrites ou
orales.
1. Sources écrites
a. Sources manuscrites
On appelle manuscrit, n'importe quel document contenant des caractères écrits
à la main à l'aide d'un pinceau, d'un stylo, d'un crayon ou d'un style ; un manuscrit se
distingue d'un document imprimé mécaniquement. Dans le vocabulaire de
l'imprimerie, le terme manuscrit désigne également l'original, ou la copie, d'un texte
destiné à la composition, qu'il soit écrit à la main ou dactylographié.
Les manuscrits sont couramment gardés dans les dépôts d’archives, d’où leur
nom de sources d’archive. Quand elles ne sont pas encore éditées, on les appelle
sources inédites. Les manuscrits se présentent sous forme d’original ou de copie.
b. Sources imprimées
Il s’agit des manuscrits imprimés mécaniquement ou édités après avoir subis une
critique (édition critique). Les revues qui publient intégralement les lettres de leurs
correspondants constituent des sources imprimées. Certains livres sont aussi des
sources imprimées.
On entend par livre tout volume constitué d'un grand nombre de feuilles de
papier reliées ensemble, contenant du texte, des illustrations ou des partitions
musicales.
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c. Source bibliographique
Il s’agit ici des différents ouvrages de synthèse publiés par un auteur sous forme
de livre, d’article ou de compte-rendu. La bibliographie est la science qui recherche,
signale, décrit et classe les documents imprimés. Elle vise à constituer des répertoires
qui seront des instruments de travail intellectuel, permettant de s'orienter au mieux
dans « l'énorme bibliothèque accumulée par les écrivains de tous les peuples et de
tous les pays, c'est-à-dire le patrimoine littéraire de l'humanité » (Langlois). Le mot
désigne aussi le répertoire bibliographique lui-même.
Le mot latin bibliographia (du grec biblion, « livre » et graphein, « écrire ») est
utilisé pour la première fois dans le titre du répertoire des livres sur la politique fait
par Gabriel Naudé pour le cardinal Mazarin (1633). Mais le mot « bibliographe »
aura longtemps le sens de « paléographe » (celui qui connaît et sait déchiffrer les
anciens manuscrits) et le terme « bibliographie » désignera jusqu'à la fin du XIXe siècle
la science du livre et des bibliothèques. Bibliography a d'ailleurs encore ce sens très
large dans les pays anglo-saxons (la bibliographie, dans l'acception restreinte qu'a le
mot dans le français actuel, y est appelée systematic bibliography).
La bibliographie, entre la fin du XVIIIe siècle et le XXe siècle, a élaboré des
méthodes de recherche des documents et codifié leur identification et leur description
(description externe : le livre comme objet ; description interne : le livre comme
texte) ; elle a établi aussi des principes pour leur classement (quel que soit le mode
choisi : chronologique, alphabétique, systématique).
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2. Sources orales
Les sources non verbales sont de deux ordres : les sources matérielles et les
sources immatérielles.
Elles sont visibles et palpables. Il s’agit des monuments, des œuvres d’art
mineurs et majeurs, des outils laissés par les hommes du passé, de reste de nourriture,
des traces de sépultures, des photos, etc. Ces sources constituent souvent des preuves
irréfutables puisque leur falsification est souvent difficile à opérer et plus facile à
remarquer.
2. Les sources immatérielles
Elles ne sont ni visibles ni palpables : elles relèvent de l’Esprit, on ne les voit
pas. Les données de l’anthropologie et de la linguistique sont des sources
immatérielles par excellences. Les travaux de J. Vansina, de J.M. de Decker (Les Clans
Ambun) et d’Isidore Ndaywel (sur l’histoire clanique et ethnique, sur l’institution
polyandrique, etc.) ouvrent des perspectives méthodologiques sur l’utilisation des
sources immatérielles.
➢ Plus tard, par la présence des moines éthiopiens à Jérusalem, on découvre que
ce royaume du prêtre Jean était l’Ethiopie.
➢ Aux 14e et 15e siècles, avec la restauration en Ethiopie des empereurs
salomoniens, ceux-ci feront appel aux chrétiens d’Europe pour défendre les
chrétiens en Egypte et en Palestine contre les musulmans. Ils considéraient que
leurs moines en Egypte et à Jérusalem étaient l’avant-garde pour entrer en
guerre contre les infidèles (musulmans) et pour rester en contact avec la
chrétienté de l’Occident.
Par deux fois, les Empereurs éthiopiens enverront des expéditions militaires en
Egypte :
- Une 1ère fois pour libérer le patriarche d’Alexandrie emprisonné par les
musulmans.
- Une seconde fois pour libérer Jérusalem.
Deux tentatives qui se sont soldées par des négociations avec des musulmans
(nombreux et forts). D’où, pour vaincre les musulmans, il fallait une entente avec les
rois de l’Europe.
➢ En 1306, on entend parler d’une ambassade du prêtre Jean, empereur
d’Ethiopie qui arrive à Rome pour proposer au Pape et au roi d’Espagne une
aide militaire contre les infidèles.
➢ En 1402, à la requête de l’Empereur DAWIT (éthiopien) ANTONIO BARTOLLI
(de Florence) arrive en Italie comme ambassadeur d’Ethiopie et en repart de
chez le Pape avec des ouvriers qualifiés et des fournitures d’Eglise.
➢ En 1427, l’ambassade de l’Empereur YISHAQ (Isaac) forte de sept hommes
atteint l’Europe sain et sauf. A leur retour pour l’Ethiopie, ils furent identifiés en
Egypte ; emprisonnés et leur chef (originaire de Perse) fut pendu parce que les
Mamelouk (Musulmans) refusaient tout contact de Ethiopie avec l’Europe.
2. Conséquences de la légende
Cette légende mobilise l’Occident à rechercher les voies et moyens pour venir
en aide au fameux prêtre Jean. A partir de là, le mouvement de découvertes
géographiques pouvait trouver sa justification religieuse. En réalité ce mouvement de
grandes découvertes trouve son origine dans la recherche d’une nouvelle route
pouvant permettre aux Européens d’avoir accès aux épices et à la soie des Indes sans
passer par le Moyen-Orient alors contrôlé par les musulmans.
Pour le prince, son entreprise faisait partie des croisades, cette guerre séculaire (de
1063-1492) que l’occident chrétien livrait contre les musulmans. A cette époque,
Constantinople était assiégé par les Turcs et l’Empereur de Constantinople était venu
en Italie solliciter de l’aide.
Comme condition préalable à une action militaire commune, on restaura l’union des
Eglises d’Orient et d’Occident au concile de Florence (1439).
Le pape désirait aussi inviter le prêtre Jean, Empereur d’Ethiopie à se joindre à
l’union des Eglises et à la croisade. C’est ainsi qu’en 1438, le pape écrit au prêtre
Jean. Finalement, l’abbé du Monastère éthiopien de Jérusalem donna l’ordre à une
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A cette époque, les Maures (les musulmans) règnent encore au Sud de l’Espagne et
repoussent tous les attaques visant à les faire déguerpir.
C’est ainsi que le Principe Henri (Espagne) décide de faire la guerre au pays de
Maures (Mauritanie). Il organise l’expédition à Ceuta (territoire Espagnol en Afrique
en face de Gibraltar) en 1415 à partir de là, il conçoit un plan pour prendre les
musulmans (Maures) par le revers en contournant l’Afrique ; cela permettrait aussi de
faire la jonction avec le Prêtre Jean. C’est pourquoi Henri le Navigateur va
développer la marine ; mais n’avait jamais lui-même voyagé.
L’espace de la côte atlantique était dominé, vers la fin du 14e siècle, par trois
centres d’innovation politique, au nord et aux alentours du bas fleuve, ainsi qu’en
amont, davantage dans l’arrière-pays.
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1. Naissance
2. Organisation
Muzinga a Nkuwu meurt en 1504. MPANZU qui est demeuré païen et qui
résidait à Mbanza Kongo se prépare à prendre le pouvoir selon le désir de son père.
Entretemps NDO FUNSU, gouverneur de la province de Nsundi, soutenu par sa
mère et les Portugais, se présente à la porte de la capitale avec ses partisans armés et
exige le pouvoir. Une bataille est alors engagée entre les partisans de deux camps.
NDO FUNSU gagne ; victoire due au concourt des Portugais. Lui-même présente
cette victoire comme due à l’intervention de Saint Jacques qui serait descendu avec
une escorte des anges.
NDO FUNSU arrive donc au pouvoir en 1504. Avec lui, le royaume va être vraiment
christianisé.
maçons et des charpentiers et les prit en charge. Des fils du pays furent envoyés au
Portugal pour y étudier, notamment son propre fils, Ndodiki (Dom Henrique), celui-
là même qui devint, en 1521, le premier évêque noir des temps modernes. Ce denier
entama sa formation religieuse au Portugal, dont le roi entreprit des démarches pour
qu’il fût nommé évêque. Le pape Léon X accorda les dispenses nécessaires : l’âge (il
n’avait que 23 ans), l’irrégularité canonique de naissance (comme fils de « roi
adultère ou de mère non régulièrement mariée ») et le fait d’être éthiopien, africain
ou indien, en tant que premier Noir à accéder à cette dignité ecclésiastique. Le grand
chapelain de la cour du roi du Portugal l’ordonna prêtre, puis le sacra évêque au
début de l’année suivante, avant son retour au Kongo où il vécut encore une dizaine
d’années.
Malgré ces symboles importants, la prétention à la modernisation du royaume
Kongo n’alla pas loin, ses partenaires portugais ayant d’autres priorités. L’impératif
du commerce, leur première motivation, bascula de plus en plus vers la traite des
esclaves, hautement rentable. En effet, la mise en valeur de l’Amérique et des
Caraïbes, à partir du début du 16e siècle nécessitant une main-d’œuvre de plus en plus
abondante. L’accroissement de cette demande exigea la maximisation de l’offre.
Les Portugais inventèrent de nouvelles stratégies d’acquisition d’esclaves, allant
de la capture pure et simple des passants à l’incitation à des guerres internes
continuelles pour que les vainqueurs puissent disposer des vaincus à vendre.
Ndofunsu s’opposa farouchement à ce commerce et exigea de son homologue
portugais la même attitude de fermeté, sans savoir que ce dernier était lui-même le
maître des colonies à rentabiliser dans les Amériques. La traite ruine la prometteuse
expérience de christianisation du Kongo. Les techniciens (ouvriers) venus d’Europe
refusent de travailler pour Ndo Funsu et son pays ; certains, et même les
missionnaires portugais, se livrent au commerce des esclaves. Les Portugais du Kongo
n’obéissent plus au « frère africain » du roi du Portugal !
Le roi NDO FUNSU, mécontent, écrit au roi du Portugal lui demandant
d’envoyer une ambassade s’occuper des portugais insoumis et délinquants. Lisbonne
dépêche Simão da Silva qui vient avec un recueil d’instruction (Regimento) émanant
de la couronne du Portugal. Ce « regimento » est tout un programme d’acculturation
du royaume et de prospection pour chercher l’or … (discipliner le roi lui-même).Da
Silva trouve la mort (dès son arrivée) avant son arrivée à Mbanza Kongo.
Vers la fin du règne de Ndo Funsu, quelque progrès furent réalisés dans la
christianisation et l’organisation de l’Eglise du Kongo.
En 1514, Kongo fut attaché à l’Evêché de Madère. En 1534, il est attaché à l’Evêché
de Sao Tomé.
Ce règne est avant tout caractérisé par l’objectif de moderniser et de
christianiser le royaume sur le modèle du Portugal. Le roi réclame les maçons, les
menuisiers ; les enfants sont envoyés au Portugal pour être éduquer. Les écoles sont
ouvertes sur place. Lisbonne (Portugal) envoie des missionnaires et des techniciens.
Dans la capitale, une Eglise est érigée sous le nom de Notre Sauveur. L’Eglise
remplace « la case des idoles » (Nzo-Nkisi). La capitale devient Sâo Salvador
(Saint Sauveur) à la place de Mbanza Kongo.
Pour avoir ouvert largement le royaume aux étrangers au compte de la
modernisation, ce grand roi du Kongo favorisa, sans l’avoir voulu, l’expansion de ce
commerce et la désintégration des structures traditionnelles. À sa mort en 1543, le
Kongo entra dans une crise de type nouveau qui évolua en s’accentuant.
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Une longue période d’instabilité politique s’étala sur près d’un siècle, marquée
par une succession de règnes, environ dix-sept au total.
A la mort d’Afonso, les portugais parviennent à faire introniser Pedro I (Ndo
Petelo), mais quelques années plus tard, il est chassé par le parti nationaliste, qui
place Diogo (Ndo Dyoko) à la tête de l’Etat après que Francisco ait régné quelques
jours seulement.
Diogo (1545-1561) envoya à deux reprises une ambassade à Lisbonne pour
demander des prêtres, restreindre le monopole commercial portugais et essayer
d’établir des contacts directs avec Rome. Seul le premier objectif fut atteint : Lisbonne
envoya quatre Jésuites(1548) auxquels fut confiée la tâche d’établir un séminaire
Mbanza Kongo. L’école des Jésuites fondée était un séminaire. Les Jésuites se mirent
à travailler avec zèle ; ils rédigèrent le premier catéchisme en kikongo, mais ni eux ni
leur séminaire ne trouvèrent grâce auprès du roi, déçu que tous gardent un contact
trop étroit avec cet empire portugais de commerce et de mission. Pire, ils échouèrent
à se dissocier de leurs concitoyens. Ils participèrent même au commerce des esclaves.
En 1551, Diogo les expulsa en même temps que les commerçants. Cependant les
commerçants revinrent bientôt.
En 1561, ils parvinrent à faire tuer le successeur de Diogo et le remplacèrent par
un homme plus accommodant, Afonso II. Les Jésuites expulsés se réfugient en Angola
et reviennent en 1620.
À partir de cette époque, les Jésuites furent en mesure de diriger un collège à São
Salvador jusqu’à la fin du siècle et de former un petit nombre des prêtres Kongolais
dignes de respect.
En 1568, le royaume vécut l’un des épisodes les plus sanglants de son histoire :
des bandes hostiles, les Jaga, provenant du Kwango s’emparèrent de la capitale,
obligeant le roi Ndoluvwalu (Dom Alvaro) à se réfugier sur une île. C’est un corps
expéditionnaire portugais qui délivra le Kongo de ses assaillants. Mais le roi craignit
d’être désormais à la merci du Portugal qui l’avait sauvé et chercha à obtenir une
protection spéciale du souverain pontife. C’est ainsi qu’il décida d’envoyer son ami
portugais Duarte Lopez à Rome, pour plaider sa cause. Dans les milieux du Vatican,
ce commerçant ne fut pas reçu par le pape Sixte V, mais il rencontra l’humaniste
italien Filipo Pigafetta auquel son récit inspira le livre : la description du royaume du
Congo et des contrées environnantes (1591).
L’ouvrage fit une forte impression : il révéla à la chrétienté l’existence, au cœur
de l’Afrique, d’un royaume chrétien soucieux de faire acte d’obédience au pape. En
réaction, Rome décida de l’érection Diocèse de São Salvador en 1596 et un nouveau
territoire ecclésiastique fut créé avec juridiction sur l’Angola. L’événement apporta un
regain d’intérêt pour le Kongo, du point de vue missionnaire, mais dans les limites
des monopoles d’Espagne et du Portugal quant à l’envoi des missionnaires dans les
espaces sous leurs influences. Cependant, le conseil portugais de Madrid s’assura que
le nouveau diocèse demeure dans le Padroado, c’est ainsi qu’il va dépendre de
l’archidiocèse de Funchal (Madère) et les Evêques devaient être portugais.
C’est dans cette lancée que Alvaro II envoya une nouvelle ambassade conduite
par Dom Antonio Manuel Ne Vunda qui devait de nouveau demander la protection
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du Pape contre les portugais de l’Angola et obtenir des prêtres et des Evêques non
portugais.
Ne Vunda atteint Rome en 1608, épuisé par un voyage qui a duré 4 années
émaillé de beaucoup d’infortunes. Le Pape PAUL V l’héberge près de la chapelle
Sixtine. Le lendemain, Ne Vunda mourrait. Il fut enterré en présence des Evêques et
cardinaux dans la basilique Sainte Marie Majeure, sous le nom d’Antonio Nigrita. Un
moment de marbre avec son buste fut érigé sue sa tombe. Une fresque dans la
bibliothèque Vaticane rappelle la visite du Pape dans son lit d’agonie.
Rome nomme le Cardinal Jean-Baptiste VIVES comme protecteur du roi du
Kongo. Il négocie l’envoi des missionnaires non portugais. Entre temps, la série des
Evêques de São Salvador avait commencé à travailler au Kongo.
On a 4 Evêques portugais pendant les 30 années du diocèse de São Salvador (ils
passaient tout le temps en Angola 23/30).
A partir de 1622, avec la création par Grégoire XV, de la Sacra Congregatio de
propaganda fide, communément appelée la « Propagande », les ingérences
portugaises vont être tempérées parce que les missionnaires seraient désormais
affectés dans le monde, non pas en fonction de leur nationalité, mais de leur
congrégation. Le Kongo, décrété préfecture apostolique, fut confié à l’ordre des
Capucins.
C’est l’Evêque SOVERAL (1627-1642) décide d’établir sa résidence permanente
à Loanda et San Salvador ne sera qu’un siège de nom. Le diocèse de San Salvador ne
sera supprimé qu’en 1940 lorsque l’Archidiocèse de Loanda fut créé. Ce diocèse sera
de nouveau érigé en 1984 sous le nom de Mbanza Kongo.
(Ndo Diki) et Ndo Funsu Fils. Ndo Funsu Fils s’installe définitivement à Lisbonne et
dirige une école.
Ndo Diki devient le premier Evêque de l’Afrique centrale.
En 1512, le Roi Manuel du Portugal annonce que ce fils royal (Ndo Diki) était si
avancé dans ses études qu’il projetait l’envoyer à Rome avec une ambassade
Congolaise pour qu’il prononce une adresse en Latin, demandant ainsi au Pape de le
placer à la tête de la série des futurs archevêques et évêques dans le royaume du
Kongo.
En 1518, le Pape Léon X accède à la requête du Roi Manuel et il nomme
Henrique Evêque, mais il n’avait que 23 ans, avec dispense. Il est nommé évêque et a
été consacré à l’âge de 26 ans. En 1520, ordonné prêtre. En 1521, ordonné Evêque,
et revient au Kongo auprès de son père et accompagné de 4 prêtres assistants. Il est
évêque de San Salvador, mais auxiliaire de l’Evêque de Funchal. Il était reçu avec
grande pompe à Mbanza Kongo et se met au travail. Ndo Diki meurt en 1531 : vie
éphémère comme évêque. Pas de trace sur l’ordination des prêtres.
Cette phase démarre sous le règne de Ndo Ngalasia II, Don Garcia II qui
accueille les Capucins Italiens et Espagnols en 1648.
Les Capucins ont été envoyés par Rome, après négociations diplomatiques
menées par les rois du kongo pour obtenir des prêtres zélés non obsédés par les
affaires et les Evêques non portugais.
Le succès final est dû à 2 raisons :
- La 1ère : Négociation menées par Mgr VIVES ;
- La 2ème : Etablissement en 1622 de la congrégation pour la Propagande de la
foi (Propaganda Fide)
Les capucins avaient accepté d’entreprendre la mission depuis 1618, mais leur
requête ne sera approuvée par le Conseil qu’en 1640.
1648-1835 : 440 Capucins œuvrent au Kongo. La mission a été érigée le 25 Juin
1640.
Le 25 Mai 1648, les 12 premiers capucins arrivent à Pinda (port dans la Province
de Soyo) conduit par un Préfet apostolique, le Père Bonaventure d’Alessano. Le
roi remarque qu’il n’y a pas d’Evêque. L’année suivante, il envoie à Rome 2
missionnaires pour demander 3 Evêques et 40 prêtres supplémentaires.
La Propagande prépare une liste de 32 missionnaires sans nommer d’Evêques à cause
de la résistance du Portugal. Rome nomme quand même un Vicaire apostolique.
Garcia II voulait que le Pape établisse par une bulle chez lui une monarchie
héréditaire.
Garcia II se met en opposition avec les capucins supposant qu’ils pactisaient
avec les portugais. L’apostolat des capucins pendant cette 2ème Evangélisation va mal
commencer. Un capucin Flamand Adrien WILLEMS, appelé Georges de Geel (en
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religion) fut assassiné en 1652 dans la province de Mbaka pour avoir essayé de
mettre fin à une cérémonie fétichiste (pourtant cérémonie au kimpasi).
Réaction de Don Garcia II : vouloir mettre à mort tous les habitants. Il fut déconseillé
par les missionnaires.
II.2.3. La secte des antoniens
Cette 2ème phase Evangélisation était sous le signe de Saint Antoine de Padoue
qui avait séjourné au Nord du Maroc et les capucins ont introduit le culte de Saint
Antoine au Congo. La vie de ce Saint constituait un facteur d’unité tous les capucins
au Congo. La vie de saint Antoine suggérait qu’une harmonie était possible entre
les Italiens, Espagnols et portugais capucins au Congo puisque Saint Antoine est né à
Lisbonne (Portugal) en 1195, mort Italie en 1231. Se réclamant du Portugal, il a la
faveur de l’Espagne.
Ce culte consistait à l’invoquer en cas de malheurs. Ce culte a connu un grand
succès au Congo (comme leur protecteur contre la sorcellerie).
A partir du 18e siècle, ce culte a conduit à l’apparition d’une secte particulière « Secte
des antoniens ». Les membres de cette secte invoquaient aussi bien les ancêtres que les
saints. Ils faisaient aussi la transposition géographique de données de la révélation :
(San Salvador = Jérusalem). C’est à partir de ce mouvement que se préparait petit à
petit le grand mouvement de la prise du christianisme en mains avec Dona Béatrice
KIMPA VITA.
Avant elle, Apollonia MAFUTA, une prophétesse qui fait son apparition. Ces
capucins ont fait montre d’un zèle apostolique remarquable. Leur mission aurait duré
150 ans.
II.2.4. L’apostolat de Capucins
Ils ont construit des écoles à San Salvador et à Soyo. Chacune de ces écoles
pouvait compter jusqu’à 600 élèves.
En 1648 arrivent 14 frères pour commencer l’évangélisation systématique du
Royaume. Un auspice est installé dans chacune de 6 provinces. Le Les capucins sont
surtout des « Excurrens ». Dès le début, ils enregistrent beaucoup de baptême parce
qu’on ne voyait plus des missionnaires depuis longtemps. Les capucins bénéficiaient
de la bienveillance de la classe dirigeante, mais leur insistance sur l’abandon des
fétiches, du concubinage et de la polygamie ne rencontrait pas l’assentiment de cette
aristocratie.
En 1648, Garcia II avait soutenu les capucins en proclamant un édit exigeant
que tous les villageois soient convertis et qu’ils soient ouverts et laissent faire pour
enlever leurs fétiches. Les capucins ont trouvé le soutien des fils des nobles qui
avaient été formés ; d’où une classe intermédiaire de ceux qui les fréquentaient. Ces
fils de nobles deviendront des catéchistes pour lutter contre la polygamie et
l’idolâtrie ou fétiches. D’où un grand nouveau religieux avec les capucins à San
Salvador.
Les premières années de leur mission, leur soutien le plus important viendra du
Chanoine Manuel ROBOREDO (un noir, un des parents du roi, éduqué par les
jésuites et ordonné en 1635) ; il était un conseiller du roi, respecté et le plus capable
de son temps.
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En 1652, Roboredo devient lui aussi capucins sous le nom de François de Saint
Sauveur (Francisco de San Salvador). Plus tard, nommé Chapelain et Conseiller
d’ANTONIO Ier, successeur de Garcia (1661-1665). Pendant la rébellion de Mani
Wangu (soutenu par les Jaga et les Portugais), Manuel ROBOREDO ne parvint pas à
dissuader le jeune roi d’aller lui-même en guerre. Il l’accompagna sur le champ de
bataille d’Ambwila où tous deux moururent au premier choc, en même temps qu’un
grand nombre de nobles de la classe dirigeante.
II.2.5. Les Méthodes des capucins
Elles se fondent sur les pratiques et sur les convictions religieuses en
vigueur à l’époque (en Europe). Ils ne cherchent pas à s’adapter aux réalités du pays.
1. Les principes
1) Si vous n’êtes pas baptisé, vous ne pouvez pas être sauvé (résumé par : Hors de
l’Eglise, pas de salut). D’où leur 1er souci est de baptiser (sur tous les enfants)
même ceux sans une certaine éducation chrétienne.
En 1700, le père ZUCHELLI qualifie ce baptême : « le baptême des enfants est le
fruit le plus consolant et le plus significatif pour le salut éternel des âmes ».
2) Le royaume de Dieu est en guerre contre le règne de Satan. Principe tiré de Saint
Augustin, le royaume de Dieu qui est en guerre contre celui de Satan.
De ce fait, ils considèrent toutes les religions ancestrales comme cultes des idoles
ou adoration de Satan. On pensait que les Africains étaient sans religion, tout ce
qu’ils faisaient n’était qu’adoration contre Satan. D’où les capucins luttent contre
les devins, guérisseurs traditionnels, … Il ne faut pas avoir le quartier avec le
démon.
Même au niveau de la propagande, on considérait les Africains comme des
peuples sans religion. C’est le contraire de l’Asie (tolérance). Mise en garde contre
les jugements expéditifs : ce que les capucins faisaient représentent la mentalité de
l’époque.
Les capucins remplacent par les sacramentaux ce qu’ils considéraient comme idolâtrie.
Exemple : Le rosaire, les médailles, la croix.
* En 1747, un capucin père Bernardino d’Asti écrit « Missione in pratica ». Il
introduit une triple distinction entre :- les mauvaises coutumes à détruire ;
- les coutumes à tolérer (indiférentes) ;
- les bonnes coutumes à adopter.
Une évolution dans la pensée de capucins.
Entre 1670 et 1770, le rapport indique que la moyenne annuelle des baptêmes était
oscillée en
1 à.000 et 12.000. On estime que 50% de la population du Congo qui était baptisés.
La répartition territoriale était inéquitable :
Soyo = Tous chrétiens
Mbaka et Nsuni = 1/3
Mpemba = 50% de la population.
Dans le reste de territoire, c’est dans les grandes agglomérations.
3. Les sacrements
Le sacrement important est le baptême. Les congolais l’appelaient
« Kulia mungwa ». Les capucins l’ont appelé « Lusukulu bangwisi » (bain sacré),
terminologie des capucins sans succès. L’engouement des mamans avec leurs enfants,
ne peut-il pas être lié à la protection contre les mauvais esprits, ou croire que la force
de l’homme blanc est lié au baptême ?
Le sacrement de pénitence et la Communion fréquemment reçus, avec des longues
processions.
4. ‘‘Confraternités’’ : Association pieuses fondées par les capucins.
Exemple : La fraternité de Saint François.
5. Formation des enseignants et des prêtres africains par les capucins les enseignants
appelés des Maestri (= catéchistes, interprètes, enseignants).
Les capucins, d’après le bilan, n’avaient pas réussi à former des prêtres
Kongolais. Mais quelques uns formés par les Portugais (Exemple : Abbé Roberto).
La relation entre les prêtres africains et les capucins était tendue. Les noirs les accusent
d’administrer les sacrements sans demander des honoraires, de rejeter les prêtres, de
s’adonner avec un zèle intempestif.
pouvoir était maîtrisé par les guérisseurs « nganga ». Le Nganga avait le pouvoir de
détecter la sorcellerie « Ndoki ». Nkadi Mpemba est considéré comme le démon par
les capucins. Les missionnaires combattaient l’idée que le Nkadi Mpemba était un
être suprême. Ils ont détruit tout ce qui protégeait les Kongolais contre les esprits
mauvais pour les remplacer par l’eau bénite, le chapelet et les sacramentaux,
considérés par les autochtones comme les amulettes des Blancs. Les Kongolais
comprenaient difficilement la notion du ciel et de l’Enfer.
Le plus grave problème que le christianisme ait rencontré au Kongo
est le suivant : comment traiter avec le culte religieux le culte le plus important et le
plus profondément enraciné, celui de la vénération de l’eau et des esprits terrestres,
associé à la fécondité ? Le symbole dominant de ce culte était un Serpent géant,
vivant dans les eaux et sautant sur les arbres ; on l’appelait Mbumba, « le fécond ». La
manière de le vénérer était complexe ; elle se concentrait essentiellement autour des
arbres ; on pensait que les esprits donnaient la santé et la fécondité et empêchait la
mort et la stérilité. Ses ministres les plus importants les kitome, les propriétaires et les
seigneurs de la terre ; ils avaient la position la plus sacrée. Ils régulaient toute la vie
agricole, procuraient la pluie, bénissaient les semences, permettaient que la récolte se
fasse et recevaient les premiers fruits.
Les kitombe avaient une telle puissance que même le roi Afonso ne pouvait jamais
oser aller en guerre contre eux. Car c’étaient eux qui distribuaient la terre et aucun
Kongolais n’aurait pu commander sans leur bénédiction et leur consentement ; les
kitome s’attendaient à recevoir en mariage les filles des nobles. On peut soutenir
qu’Afonso et ses successeurs ont vu dans le culte chrétien une source unique de
légitimation religieuse qui les rendrait indépendants des propriétaires terriens et
augmenterait ainsi leur propre autorité. Durant la célébration de la messe, ils étaient
désireux de jouir des mêmes privilèges que les princes européens, comme embrasser
l’évangéliaire et tenir le cierge allumé durant le canon ; quand ils allaient à la messe,
cela ressemblait toujours à un acte officiel. De plus, ils ont cherché avec acharnement,
mais sans succès, de placer le culte sous leur contrôle en ayant leur propre évêque qui
aurait été un rival évident pour les kitome. Plus tard, ils ont introduit le rite chrétien
d’intronisation qui était cependant incomplet sans l’investiture donnée par les
kitome. Malheureusement, les capucins assimilèrent les KITOME aux autres nganga et
persécutèrent de la même manière. Il arriva même que le Mani Soyo eut à
emprisonner et à faire fouetter son propre beau-père. C’est parce qu’on brûla leurs
« idoles » que des rébellions éclatèrent et que deux prêtres furent tués.
La campagne brutale des capucins provoqua même un certain
renouveau du culte indigène. Aux moins deux sectes secrètes vinrent à prospérer.
L’une était le mouvement « Tombola » qui exhumait et ressuscitait les corps qui
avaient été enterrés dans les églises chrétiennes sans respecter la tradition, raison pour
laquelle on croyait que leurs esprits avaient été transformés en sorciers.
Afonso Ier s’était lié au Tombola, en ajoutant ses titres royaux celui de « Seigneur des
Matombola ».
L’autre secte était le « Kimpasi » et elle fut redoutée à cause de sa puissante
magie. Son culte accomplit dans un demi-cercle des idoles, permettait aux initiés de
mourir puis de ressusciter sous forme d’esprit de l’eau ou de la terre ; c’est-à-dire que
dans un état de transe, ils devenaient posséder par un tel esprit. Garcia II s’était lié au
KIMPASI durant ses dernières années.
25
Par la force, chacun de ces trois rois s’efforce d’en imposer aux autres. Personne
ne gagne. D’où la ruse et la négociation souvent avec l’appui des capucins.
Dom João II (NZUZI) après l’assassinat de son frère Nsimba, s’établit à San
Salvador, soutenu par un missionnaire Girolamo (Jérôme) Morrela Da Sorrento. Il
tente de réunifier le royaume en faisant la guerre à ses rivaux de Bula et de Mont
Kimbangu, mais sans grand succès. En 1706, Pedro IV écouta l’appel des antoniens –
notamment celui de Dona Béatrice - en faveur de la résurrection du royaume : trois
ans après, en 1709, il parvint à défaire ses rivaux et établit sa résidence à São
Savador. Il reconstruit quelques Eglises avec l’appui du capucin Francisco Da Pavia.
Cette unité fut de courte durée.
26
En 1704, une vieille femme, Apollonia MAFUTA, apparaît et fit des prophéties.
Elle disait avoir rencontré la Vierge Marie qui lui aurait fait part de l’indignation de
son Fils, Jésus, qui se plaignait de l’abandon de São Salvador et exigeait la
restauration de la capitale et l’unification du royaume. La prophétesse, se disait
inspirée par Saint Antoine, elle chassait les sorciers et brûlait les fétiches.
Dona Beatrice KIMPA VITA, prétendit que Saint Antoine aurait pris
« possession » d’elle au moment de sa mort, après une maladie grave. Elle mourait
chaque vendredi, et tel un esprit céleste, s’en allait au ciel où elle intercédait pour la
cause du Kongo, elle ressuscitait à nouveau le samedi. La cause du Kongo était la
restauration de la gloire du royaume. São Salvador était désertée depuis des années.
Béatrice établit son quartier général dans les ruines de l’église de la capitale et exigea
un nouveau royaume. Il y aurait là une vraie religion kongolaise, une Eglise de saints
kongolais. Jésus et Marie étaient en fait des Bakongo ; São Salvador était Bethléem et
Mbanza Soyo, Nazareth. Il faillait brûler tous les nkisi (fétiches), y compris les croix,
et on ne baptiserait plus les gens. En 1706, Dona Béatrice fut arrêtée par le roi Pedro
IV, sur conseil des Capucins, et elle fut condamnée à mort. Bien qu’ait abjuré ses
hérésies, elle fut accusée d’être possédée par le démon et brûlée vive, pratique
typiquement européenne.
Antilles, puis au-delà, sur la terre ferme ; l’esclave noir finit par y être considéré
comme l’auxiliaire incontournable pour les cultures d’exportation, mais aussi pour les
travaux publics et l’exploitation des mines. La forte demande qui s’instaura dans ce
sens produisit une offre importante, d’autant que les premiers esclaves utilisés,
amérindiens et marginaux européens, s’étaient avérés inefficaces et, de toute façon,
insuffisants, alors que la réserve des Noirs en Afrique paraissait inépuisable.
Une certaine idéologie religieuse vint même en renfort, légitimant ces pratiques
devant les consciences.
Les Noirs étaient païens ; les déporter n’était-ce pas une manière de leur rendre
service, en les soustrayant à la condamnation éternelle ? Esclaves et déportés, ils
avaient enfin la chance d’être baptisés et de devenir chrétiens ! Le combat de
Bartolomé de Las Casas, qui s’était fait le protecteur des Amérindiens, eut pour effet
d’encourager ces pratiques.
apostolat, se sont affairés a une distribution des tâches d’après les besoin de la
mission. Voici quelques activités des plus fréquentes des « esclaves d’Église ».
Les missionnaires, comme les autres Européens, avaient pris l’habitude de se faire
transporter sur un hamac (Tipoy ou Kipoyu) dans un pays où les distances à
parcourir étaient considérables et où quasiment aucun pont n’était construit sur les
fleuves, les rivières et les marécages à traverser, même si, à certains endroits, de
petites barques en bois se trouvaient sans cesse tenues disposition.
Le religieux qui prend donc le départ de son hospice vers d’autres villages ou une
autre contrée, engage avec lui des esclaves le transportant-ainsi que tout le matériel
requis (autel portatif, objets liturgiques et sacramentels, ombrelle, caisse de vivres et
d’ustensiles de cuisine, etc.) pour l’apostolat. Le hamac est porté par deux esclaves
qui, la fatigue venue, passent la charge à deux autres. On a pu prévoir jusqu’à six
esclaves pour cette besogne. Les esclaves accompagnent ainsi le missionnaire pendant
toute la durée de sa tournée, jusqu’à son retour à l’hospice du départ au jusqu’à son
nouvel établissement.
2. Le service à l’hospice
de droit imprescriptible de l’Église, qui ne peuvent ni les vendre, encore moins être
troqués ou même hypothéqués. Les esclaves, choses de l’Église, sont au contraire de
précieuses marchandises dont le profit peut rapidement enrichir personnellement le
marchand-missionnaire ou du moins procurer une meilleure santé financière à son
budget pour l’apostolat.
Certains témoins affirment que des pères n’ont pas non plus résisté à la
tentation de vendre des esclaves qui n’étaient pas « d’Église » et donc très
probablement des citoyens libres et innocents; ou qu’ils ont prétexte des délits sans
aucune gravité à leur charge, afin de les annexer au reste de la marchandise. Du fait
du bénéfice que rapportait aux pères la vente des esclaves, le doute était de plus
semé dans la tête des Kongo quant à l’esprit de pauvreté tant proclamé et
recommandé par les religieux. L’autorité de l’Église, dont la crédibilité était, par un
tel comportement missionnaire, remise en cause, se devait de réagir.
En dépit du fait que l’Église n’avait, jusqu’au XIXe siècle, jamais débattu du
drame de la traite et de l’esclavage, c’est- à- dire la déportation vers l’Amérique des
peuples entiers d’Afrique, elle n’avait jamais non plus rédigé un décret autorisant son
personnel missionnaire à détenir, pour des besoins d’apostolat, des captifs qui leur
soient entièrement soumis, à titre d’esclaves.
Au Kongo, la réduction de nombreux hommes, femmes et enfants à la servitude
par ou pour le missionnaire, a connu un assez long développement, avant qu’il ne
soit collé aux détenus l’étiquette d’ « esclaves d’Église » ce terme n’est, par exemple,
nulle part évoqué à l’époque de Laurent de Lucques; pourtant, son confrère
Giovanni Maria da Barletta mentionne la possession d’esclaves par les capucins en
1703.
De toute manière, les esclaves existant dans les États pontificaux, plus proches
de Rome, n’avaient jamais été désignés comme biens de l’Église. Ceux acquis par le
missionnaire au Kongo, de quelque mode que ce soit, étaient au départ, selon le
donateur et les témoins, considérés comme la propriété de l’agent évangélisateur, mis
à son service, au bénéfice de son apostolat.
La désignation « esclaves d’Église » (au Kongo) se précise vers le milieu du XVIIIe
siècle, lorsque Bernardino Ignazio d’Asti (1741-1748) témoigne de la nécessité de
posséder des « esclaves d’Église » et spécifie leur statut, un statut juridique
d’asservissement : le missionnaire ne pouvant de toute évidence pas sillonner la vaste
région de sa juridiction sans le concours indigène, chaque hospice ou poste de
mission posséde pour cela un nombre suffisant d’esclaves. Le simple usage de ces
derniers revient au missionnaire, tandis que leur propriétaire reste le Saint-Siège par
l’intermédiaire du syndic apostolique qui réside à Luanda et assiste le P. Préfet de la
mission.
Le promoteur du statut des « esclaves d’Église » défend, de manière assez
étrange, cette institution.
Du moment que B. Ignazio d’Asti avait décidé de conférer un « statut ecclésial »
aux détenus, il se devait de toute façon de s’expliquer d’une pratique contraire à la
charité chrétienne et contradictoire de la vertu et de l’amour. Ainsi son insoutenable
argumentation.
34
Les esclaves d’origine congolaise ne furent pas acheminés dans la seule colonie
portugaise d’Amérique, à savoir le Brésil. Autre cause de leur essaimage : au départ
du Brésil intervenait une redistribution des ventes, assurée par des négriers de toutes
nationalités. C’est ainsi que les Congolais se retrouvèrent largement dans les
Amériques et les Antilles.
Du côté africain, les partenaires étaient des rois, des princes et des chefs locaux.
Mais très vite, un réseau d’intermédiaires se mit en place, attisé par l’appât du gain.
On y retrouvait, pêle-mêle, en plus des hiérarchies locales, des interprètes, des guides
ou de simples aventuriers, selon les circonstances, les lieux et le mode de capture
envisagé.
Ces techniques furent, en effet, diversifiées, allant de la simple vente des
prisonniers de guerre à celle des condamnés pour vol ou viol, en passant par
l’échange de quelques cadets de familles contre des biens importés. La simple capture
n’était pas rare. Dite de poignage c’était un mode de recrutement par ruse. On
invitait les curieux à visiter les installations des marchands et, au besoin, à y partager
un verre d’alcool, sans le moindre soupçon du danger qui les guettait. Le courtier
trouvait ainsi le moyen d’exhiber la « marchandise ». L’Européen jugeait au coup
d’œil si celle-ci lui convenait ou pas. Lorsque le marché était enfin conclu, des
exécutants faisaient irruption et bondissaient sur la victime, pour la maîtriser et lui
passer le collier et l’entrave de l’esclave. Le tour était joué. Plusieurs traitants
disposaient du droit de poignage sur des territoires des chefs locaux partenaires.
Capturés, les esclaves étaient acheminés vers la côte. Dans les ports, ils étaient
entassés dans des sortes de hangars, en attente d’une occasion de vente bénéfique ou
d’un nombre suffisant pour envisager une traversée de l’Atlantique. Cette période
pouvait totaliser plusieurs semaines.
donna le ton avec sa grande expédition qui atteignit Fachoda en 1869. De là, il
pénétra dans l’espace congolais Il nous a laissé les premières descriptions de la région,
évoquant notamment les Pygmées de l’Uélé et les méfaits de la traite des esclaves.
L’énigme des sources du Nil hantait également Livingstone, le premier missionnaire
de la région. Cet Écossais avait d’abord caressé le rêve de devenir médecin
missionnaire en Chine, au service de la LMS (London Missionary Society). Mais il fut
détourné de cet objectif vers l’Afrique. De l’Afrique du Sud où il commença sa
carrière, il décida d’aller affronter les « terres inconnues », plus au nord, à partir de
1849. En Afrique centrale, il fut choqué par les ravages de la traite et, dès lors,
préoccupé par la nécessité de trouver une voie pour désenclaver ce pays, l’ouvrir à la
prédication de l’Évangile et à la suppression de la traite, pour remplacer cette activité
par un commerce légal. Le médecin missionnaire se fit alors explorateur et devint un
héros par sa traversée de l’Afrique. En 1858, il y repartit, avec l’appui du
gouvernement anglais, dans le but d’assurer l’exploration du cours du Zambèze. Mais
la remontée du fleuve ne put se réaliser à cause des chutes. Aussi regagna-t-il
l’Angleterre pour y repartir en 1866, cette fois-ci pour rechercher la véritable source
du Nil, au sud du lac Tanganyika. Il découvrit ainsi les lacs Moëro et Bangwelo et les
rivières Luapula et Lualaba.
Durant les années qui suivirent, comme on était sans nouvelles à Londres du vieux
missionnaire, des expéditions furent organisées pour le retrouver. C’est dans ce cadre
qu’Henry Morton Stanley vint en Afrique. Mandaté par l’éditeur du journal The
New York Herald pour aller à la recherche du missionnaire explorateur, ce
journaliste américain débarqua à Zanzibar en 1871. Un mois plus tard, avec la
caravane qu’il avait constituée, il prit le chemin de Tabora. Après trois mois d’arrêt, il
se dirigea vers Udjidji. C’est là, le 10 novembre 1871, qu’eut lieu la légendaire
rencontre avec Livingstone. La visite était plus que bienvenue. Malade, le vieux
missionnaire médecin était sans ressources et sans soins, sa valise médicale ayant été
emportée et ses provisions alimentaires volées. Ensemble, ils explorèrent le nord du
lac Tanganyika et établirent formellement que la Rusizi coulait vers ce lac et non
l’inverse. Stanley regagna l’Angleterre. Peu après, dans son campement, Livingstone
fut retrouvé sans vie par ses serviteurs. Son corps fut transporté en Angleterre où il
repose dans l’abbaye de Westminster.
À Stanley, la nouvelle causa un choc. C’était aussi une interpellation. Lors des
obsèques de Livingstone, il s’estima en devoir de poursuivre son œuvre
d’exploration, ayant été le dernier Européen à le rencontrer. Le problème séculaire
des sources du Nil restait à résoudre. Il fallait dénouer l’énigme du Lualaba pour
déterminer de quel fleuve il constituait le cours supérieur. L’option de Stanley
correspondait à l’attente du public, à celle aussi des grands journaux, comme le New
York Herald et le Daily Telegraph qui lui assurèrent le soutien matériel nécessaire. Il
reçut plus d’un millier d’offres de collaboration et finit par se choisir trois jeunes
assistants.
Ce deuxième voyage, through the dark continent (à travers le continent mystérieux),
selon le titre qu’il donnera plus tard à son récit de voyage, fut entamé en 1874. Il
dura trois ans, avec pour objectif de balayer les dernières énigmes géographiques de
l’Afrique centrale : parachever l’exploration du lac Victoria, assurer celle du lac
Albert, vérifier si le lac Tanganyika possédait ou non un canal d’écoulement et
surtout en finir avec les multiples hypothèses sur l’identification du Lualaba.
38
Parti du littoral, avec une caravane d’au moins 356 hommes, il s’orienta d’abord vers
le lac Victoria. Ensuite, il effectua un périple sur le lac Tanganyika. Restait à affronter
l’inconnu. Il obtint de Tippo-Tip de l’accompagner. Le contrat fut conclu pour
soixante jours de marche, dans cette « terre inconnue », tant des Européens que des
Arabes. Stanley rencontra bientôt les premières hostilités, mais ce n’était que le début
: lui-même reconnut avoir livré trente-deux combats.
Pourtant, le plus dur était ailleurs. Le franchissement des cataractes, en aval du pool,
fit encore plus de victimes parmi ses hommes ; il occupa quatre mois du voyage. À
une dizaine de kilomètres de Boma, complètement exténué, il demanda de l’aide.
Une équipe de secours rejoignit les voyageurs à la dérive. Celui qui avait retrouvé
Livingstone venait de révéler au monde les secrets du fleuve Congo et d’ouvrir
l’ensemble de son bassin aux influences extérieures. Le dernier vide de la carte de
l’Afrique venait d’être comblé, du moins dans ses grandes lignes : le Lualaba était le
cours supérieur, non pas du Nil, mais du Congo.
Internationale du Congo (A.I.C) dont il est le seul maître. Cette nouvelle association
a un but essentiellement politique : l’acquisition de la souveraineté pour l’ensemble
des stations créées dans le bassin du Congo. On voit germer, lentement mais
sûrement, un État sous le couvert d’une association humanitaire.
Il fallait maintenant laisser tomber les masques et donner à cette entreprise sa
signification politique. Léopold II cherche d’abord à soustraire les territoires qu’il est
entrain de gagner, aux convoitises d’autres puissances, notamment celles de la
France, de l’Angleterre et du Portugal. Pour gagner ce pari, il s’ingénie à faire
admettre ses possessions comme des entités jouissant de « l’indépendance ». Il
demande d’abord qu’on reconnaisse ses stations comme des « villes libres »
(novembre 1882) ; puis il réclame que ses conquêtes deviennent des « stations et
territoires libres » (février 1883). Il ne s’arrête pas là. Il légitime ses territoires en
« États libres du Congo » (novembre 1883) puis en « État libre du Congo » (janvier
1884).
Entre temps, les tensions grandissent dangereusement entre les puissances
européennes qui veulent chacune s’octroyer des zones d’influence en Afrique. Il
s’avère donc nécessaire d’organiser une concertation pour faire baisser la tension.
C'est ce qui sera fait à la Conférence de Berlin.
Moreira Reis pour évangéliser l’Angola et le Kongo ne dispose en tout et pour tout
que de 5 prêtres.
Le 9 septembre 1865, la sacrée congrégation de la Propagande publie un décret
qui confie à la Congrégation du Saint Esprit la Préfecture apostolique du Kongo avec
la position et les droits qu’avaient autrefois les capucins. Après avis de son conseil, le
Père Ignace Schwinden Hammer décide en date du 1er octobre 1865 d’accepter cette
nouvelle œuvre qui entre dans les fins de l’institut.
Le 9 décembre 1865, le Cardinal Barnabo, Préfet de la sacrée Congrégation de
la Propagande fait paraître un nouveau décret où l’expose les circonstances
historiques de cette reprise de la mission du Kongo. Quelle l’origine de cette
congrégation du Saint Esprit qui accepte de reprendre le Kongo ?
La congrégation du Saint Esprit a été fondée par le père François LIBERMANN
(1805-1852), fils d’un pieux rabbin de l’Alsace. Après avoir reçu une éducation juive
conservatrice, il devint agnostique, puis se convertit au catholicisme. Il étudie la
théologie ; mais avant le sous-diaconat, il est terrassé par une crise d’épilepsie et donc
exclus de la prêtrise. Il continue au séminaire comme domestique jusqu’au jour où les
Pères Eudistes le moment maître de Novices. Deux de ses condisciples Frédéric le
Vavasseur et Eugène Tisserant l’encouragent à fonder une société par l’évangélisation
des esclaves nègres qui devraient bientôt être émancipés dans les colonies françaises.
Il alla à Rome et son projet reçut l’approbation du pape ; sa santé s’améliore,
il est ordonné prêtre et immédiatement après, il ouvre un noviciat pour sa
congrégation « la société du Saint cœur de Marie » (1842). Cette Congrégation au
départ va en Haïti, Île de la Réunion, au Madagascar. L’idéal de base de la société :
annoncer le Royaume, établir l’Evangile dans les pauvres, les gens les plus négligés.
A Haïti et à l’Île Maurice, il y avait déjà des pères des missionnaires du Saint Esprit et
ces missionnaires refusent la venue des missionnaires de Libermann. Ce dernier avec
ses gens cherche d’abord en Amérique de la place pour s’installer. Les USA renvoient
des esclaves en Afrique pour constituer le Liberia ; les missionnaires américains
viendront au Liberia (à Monrovia, capitale). Les missionnaires de Libermann
s’installent au Liberia en partance des Etats-Unis. Le siège confie le Vicariat
apostolique de deux Guinées c’est-à-dire la côte Ouest (Afrique occidentale sauf le
Sénégal) aux pères du Saint Cœur de Marie. (Le vicariat de 2 Guinées). Ils fondent les
missions jusqu’au Gabon.
En 1848, Libermann entre en négociation avec la Congrégation du Saint Esprit. Il
dissout sa Congrégation et entre dans la congrégation du saint Esprit avec tous ces
nombres. Les Spiritains étaient déjà au Sénégal. L’actuelle congrégation du Saint Esprit
est la fusion de la congrégation du Saint Esprit et du saint Cœur de Marie. Libermann
meurt le 02 février 1852.
Les Spiritains prennent donc officiellement la possession de la préfecture du Kongo.
Ils fondent progressivement une série des missions : Ambriz le 14 Mars 1866, Saint
Jacques de Landana (au Sud du Gabon actuel), le 25 juillet 1873.
De Landana, le Père Carrie se rend à Boma et acquiert le 11 Juillet 1876 un lopin de
terre situé au bord du fleuve. Après quelques visites en 1878 et 1879, la mission
Notre dame de Victoire de Boma est fondée le 12 Mai 1880 par les Pères Carrie et
Jean-Baptiste Visseq. A la fin de l’année, le Père Mattias Schmitt prend la direction de
la mission. Boma est donc la première installation des spiritains français dans
l’actuelle RDC.
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Pendant qu’à la côte ouest les spiritains s’activent à fonder les missions, à l’est
les missionnaires du cardinal Lavigerie pénètrent eux aussi à l’intérieur du continent.
Charles Lavigerie est né en 1802 au pays Basque ; grand admirateur d’Ignace de
Loyola. Sa vocation missionnaire se serait éveillée lorsqu’il était directeur de l’œuvre
d’Orient de 1857-1861 (œuvre d’Orient = association qui soutient les chrétiens
d’Orient). Après avoir été Evêque de Nancy, il accepte l’Evêché d’Alger en 1867.
Dans sa tête, Alger est seulement le point de départ d’en vaste programme
d’évangélisation d’Afrique. Il manifeste une activité et une imagination débordantes
au service de l’Evangélisation.
En 1868, il fonde « les Missionnaires d’Afrique » pour prêtres et frères. En 1869, il
fonde « les Sœurs missionnaires d’Afrique ». A cause de leur vêtement blanc, ils furent
connus comme les Pères blancs ou les Sœurs blanches. Les Pères blancs, à partir
d’Alger, font montre d’un grand zèle missionnaire. Lavigerie les envoie vers l’Afrique
équatoriale commençant par le Sahara, puis le Soudan.
Devant ce zèle, Rome confie à Lavigerie un vicaire apostolique qui couvre le Sahara
et le Soudan ; à partir de 1873, une délégation apostolique pour l’Afrique
équatoriale.
En 1877, le voyage de Stanley ouvre l’Afrique centrale au monde occidental.
Lavigerie se saisit de cette opportunité pour présenter au Pape l’obligation qui
incombe à l’Eglise d’évangéliser cette partie pour lutter contre la traite des noirs
opérée par les Arabe. C’était à l’époque de Pie IX Lavigerie se dresse une lettre au
cardinal FRANCHI, le 02 janvier 1878 : « quel spectacle plein de grandeur un pape
enfermé dans son palais envoie des missionnaires pour détruire l’esclavage ». Léon
XIII, successeur de Pie IX, le 24 février 1878 ratifie et publie la décision de confier à
Mgr Lavigerie la direction de l’organisation des missions en Afrique centrale.
En 1870, il fonde des frères armés du Sahara (ne dure pas longtemps).
La découverte (exploitation) du Fleuve Congo depuis la Lwalaba (considérée
comme source du Nil) à Banana, embouchure. Les occidentaux découverts qu’il y
avait la traite des noirs opérée par les orientaux, les arabes. Esclaves destinés d’abord
à l’île de Zanzibar à cause de la culture de girofle (les épices) ; canne à sucre,
domestiques …
Cette traite a servi d’alibi pour Lavigerie qui dira au pape que « l’Eglise devait
porter le message à ces lions d’arbres assis… ». C’est le Pape Pie IX. Le Pape réunit la
Congrégation de la Propagande et les missionnaires qui se rendent compte de
l’urgence de l’appel de Lavigerie. Pie IX meurt avant d’envoyer ces missionnaires.
Le 03 février 1869, Lavigerie obtient l’approbation de constitution de sa
Congrégation (pères blancs en Afrique). Lavigerie, alors Archevêque d’Alger, envoie
ses missionnaires vers le sud à l’Est de l’Afrique centrale où ils fondent 2 missions :
Nyanza et Tanganyka. Les 2 à peine établies, Lavigerie obtient de la Propagande le
30 décembre 1870 la transformation de ces 2 premières missions en Provicariats et il
obtient aussi la fondation de 2 nouvelles missions : celle du Congo septentrional et
du Congo méridional.
- La mission du Congo septentrional : va des sources de la Bénoué (sud du Nigeria)
jusqu’au Pool Malebo (Stanley Pool).
- Les limites du Congo Méridional suivaient les cours du Congo.
43
A l’est du Congo, dans leur mission de Tanganyka, les pères Blancs fonde leur
premier poste à Mulweba en 1880.
IV.3.5. Crise de juridictions ecclésiastiques : les Spiritains contre les Pères Blancs
La mission du Congo Méridional confiée aux Pères Blancs avait comme une des
frontières le Kwango. Or cette frontière se trouve être à l’intérieur de la préfecture
apostolique du Kongo donnée depuis 1865 aux Pères Spiritains. Les frontières définies
par Rome, en 1865, jusqu’à la rivière Kunene en Angola et à l’est jusqu’au Kasaï.
La première plainte provient des spiritains qui constatent que la Propagande ne leur
a rien dit lorsqu’il s’est agi de confier le Congo méridional à Lavigerie. Le Supérieur
des Spiritains, le père Emonet, lira, comme n’importe qui, cette information dans
« Les Missions Catholiques ». Les Spiritains protestent donc contre l’attribution d’une
45
juridiction à l’ouest aux Pères Blancs. Ils évoquent leur droit de premier occupant et
veulent s’installer au Stanley pool.
Au même moment, les Pères Blancs cherchent à occuper leur mission du Congo
Méridional.
En 1883, Mgr Lavigerie envoie deux prêtres à partir de l’Ouest. Ce sont les Abbés
Guyot et Baudonnet. Il les envoie fonder une mission sur les rives du Congo, ils
arrivent au Stanley pool en Juin 1883. L’Abbé Guyot cherchant à monter le fleuve se
noie le 12 Juillet 1883 à une trentaine de km de Kwamouth (avec un belge Jassens).
Une autre tentative avec Dupont, Schynse et Merlon ils embarquent à Lisbonne
le 06 Juillet 1885, arrivent à Banana avec pour mission de fonder 2 postes de
missions sur la rive droite du Kasaï.
Au mois de Mars 1886, ils construisent une nouvelle station un peu en amont
de Kwamouth et ils la nomment « Notre Dame de Bungana ». Le 18 Mai 1886, les
Pères Spiritains avaient aussi fondé sur la rive gauche du Kasaï prêt du Kwamouth, la
mission « Saint Paul du Kasaï ». Ainsi on trouve cette année-là, deux missions à
Kwamouth (rive droite Pères Blancs, rive gauche, Pères spiritains).
Ce conflit ne sera résolu que de façon politique à la conférence de Berlin.
IV.3.6. Conférence de Berlin et reconnaissance de l’E.I.C.
C’est le Chancelier allemand Bismarck, ami personnel de Léopold II, qui
convoque la Conférence. Elle dure trois mois, du 15 novembre 1884 au 26 février
1885. Son objectif est d’aboutir à une entente entre les nations occidentales au sujet
de l’occupation et de l’exploitation de l’Afrique. Les conclusions de la conférence
sont présentées dans l’Acte général de Berlin dont le contenu se résume en ces
quelques points :
- Liberté de commerce dans le bassin conventionnel du Congo ;
- Lutte sur terre comme sur mer contre le trafic des esclaves ;
- Neutralité du bassin de Congo même en cas de guerres ;
- Navigation libre sur le Congo et sur le Niger bien que l’administration de ces
fleuves soit réservée aux puissances souveraines ;
- Toute prise de possession sur les côtes de l’Afrique doit être notifiée et ne sera
valable qu’à condition d’être effective.
- Sur le plan religieux, l’acte de Berlin reconnaît la liberté d’opinion et de cultes
dans le bassin du Congo.
En marge de cette conférence, Léopold II manœuvre habilement pour faire
reconnaître ses possessions. Le 23 février 1885 fut une journée historique. Le
président de séance donna lecture de la lettre du président de l’AIC, le colonel
Strauch, au prince Otto von Bismarck, par laquelle l’AIC communiquait qu’elle avait
conclu avec les puissances représentées à Berlin des traités reconnaissant son pavillon
comme celui d’un Etat ou d’un gouvernement ami.
L’État Indépendant du Congo était né. Il sollicitait et obtenait son
adhésion à l’Acte général de Berlin, le 26 février. Il était alors la seule nation
« africaine » à avoir été présente à Berlin du moins en cette dernière journée. Léopold
II, le fondateur du nouvel État, devint son premier souverain absolu.
Les principes posés par la conférence de Berlin mettent fin aux incertitudes en
permettant la fixation progressive de frontières. La conférence de Berlin apporte aussi
46
À l'origine des missions, au Congo, se trouve le Roi Léopold II. Bien avant la
Conférence de Berlin, il aborde les Scheutistes et les Jésuites, sans grand succès à
l'époque, pour leur demander de le seconder dans la constitution de ses stations
scientifiques et hospitalières, embryons de son futur État Indépendant.
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après leur mission au Congo. Il leur avait aussi assuré les facilités pour l’habitation,
l’alimentation, les moyens de transport pendant la durée de leur séjour en Afrique
(Congo).
Quelques prêtres et un séminariste répondent à cet appel des Evêques :
- Ferdinand Huberlant qui entre en décembre 1886.
- En Janvier 1887, Camille van Ronsle
- A. Backer (déjà chez les Pères Blancs).
- Abbé Reynen (du Diocèse de Liège).
- Un Théologien Bernard Dierkes (d’une vingtaine d’années).
Le Séminaire dépendait officiellement de l’Université de Louvain.
Un prêtre du diocèse de Namur est nommé Président du séminaire Africain
(Recteur), Abbé Forget.
Abbé Forget entretenait de bonnes relations avec le roi et les comtes notamment le
comte de Hemptine.
Malgré le début encourageant, ce Séminaire ne fera pas long feu. Au mois
d’octobre 1886, les propositions sont faites aux Scheutistes de prendre la direction du
séminaire africain, mais ils éprouvent la difficulté de gérer une maison de formation
des séculiers, eux qui sont réguliers. Le Séminaire Africain sera supprimé et les prêtres
qui y étaient, entrent dans la congrégation des Scheutistes.
C’est Emery Cambier qui est envoyé en 1891 pour fonder la mission de
Luluabourg Saint Joseph au bord de Mikalay. Avec ses confrères, il procède au
quadrillage de la région par la création d’autres postes missionnaires :
Merode Salvdor (1897), Thielen-Saint-Jacques (1898), Saint Trydon (1895), Hemptine
Saint-Benoit (1897).
Ce réseau de mission constitue l’embryon de la préfecture du Haut Kasaï dont E.
Cambier devient Préfet en 1904.
En 1904, les Scheutistes se répartissent deux juridictions :
- La Préfecture apostolique du haut Kasaï avec E. CAMBIER. La limite Ouest était
la rivière Lubwe.
- Le Vicariat apostolique du Congo Indépendant.
En 1919, le Vicariat apostolique est divisé en circonscription :
- Le Vicariat de Léopoldville qui comprenait le Bas-Congo, Léopoldville et le Lac
Léopold II (actuel Inongo).
- Le Vicariat de Nouvelle-Anvers.
Jusqu’en 1908, 147 missionnaires Scheutistes partirent à destination du Congo.
Ils avaient été approchés dès 1879 par le roi à la suite du refus de Scheutistes,
mais sans succès.
En 1885, abordés encore, ils refusent pour deux raisons :
° insuffisance des ressources humaines ;
° le refus de collaborer à une œuvre qu’on croyait dominée par la franc-
maçonnerie.
En 1890, il était question de colonies scolaires et la proposition devient
alléchante. D’où, il faut négocier avec les Scheutistes, les premiers occupants.
La décision de leur accorder la mission du Kwango fut prise le 08/04/1892.
La mission du Kwango était l’espace compris entre l’Inkisi et la Préfecture du
Haut-Kasaï (Lubwe) ; au Nord le Bas-Kasaï ; au Sud, la frontière avec l’Angola.
On leur ajouta 400 hectares de terre aux environs de Léopoldville (vers Kimwenza).
La Première Caravane missionnaire s’embarque le 6 Mars 1893 à Anvers sous E. van
Hencxthoven. Elle est composée de 9 personnes :
J.M. Dumont, E. Liagre, Emile Meulemeester, Golet, Lombary, Charles Petit, Auguste
Van Houtte, Frans Sadeleen.
L’Etat leur confie la colonie scolaire de Kimbangu (à Masina). A cause de
l’insalubrité, ils décident de déménager à Kimwenza (la colonie baptisée « Colonie
scolaire Sainte Marie », installée le 27/07/1893). De là, ils décident d’essaimer vers
l’Ouest pour contrecarrer l’action des protestants. Ils fondent le poste stratégique de
Kisantu le 17 Novembre 1893 (qui deviendra le centre de rayonnement de la mission
du Kwango). A partir de Kisantu, ils fondent des postes :
-Ndembo (1896)
- Lemfu (1898)
- Biense Kipako (1901).
A partir de 1900, ils se tournent vers l’Est de Kimwenza et fondent des postes
dans le bassin du Kwango.
En juin 1901, Van Henxcthoven fonde Wombali, baptisé Casier-Saint-Jean (à
l’embouchure du Kwilu-Kwango). Il sera le point de départ des implantations
missionnaires dans le Kwango-Kwilu.
Pour « le bien spirituel de ses futurs sujets » (sic) du Congo, Léopold II fit appel,
avec l’accord du Saint-Siège, à ses compatriotes Scheutistes et Jésuites. Aux premiers,
la mission politique était donnée de remplacer les Spiritains et les Pères Blancs
français, suspectés d’accointances avec les intérêts de la France, et d’arrêter la
progression des missionnaires protestants, proches de la Grande-Bretagne et des
États-Unis d’Amérique. Ces raisons politiques, expliquent que les Scheutistes belges ne
s’établissent pas d’abord à Boma (pourtant fondée en 1880 par les Spiritains), ils
créent Berghe-Sainte-Marie au confluent du fleuve Congo et du Kasaï sur injonction
du roi. En effet, ce site offrait un avantage stratégique. Situé au croisement de deux
principales voies de communication, le poste permettait aux missionnaires d’accéder
et de contrôler les rives du Haut-Congo et la « riche vallée » du Kasaï.
Rappelons que ce site avait auparavant fait l’objet de disputes entre les
Spiritains et les Pères Blancs du cardinal Lavigerie. En effet, dans leur avancée
apostolique, les Spiritains atteignent l’embouchure du Kasaï où ils fondent, le 18 mai
1886, sur la rive gauche, la mission de Saint-Paul du Kasaï. La même année, les Pères
Blancs tentent aussi de s’établir dans ce même environnement. Le 27 juillet 1885, les
Pères Dupont, Merlon et Schynse débarquent à Banana avec l’ordre strict de leur
hiérarchie de remonter le Congo et de fonder une première station en amont de
Stanley-Pool. Ce poste est établi en mars 1886, à l’embouchure du Kasaï, sur la rive
droite sous le nom de Notre-Dame de Bungana. Ainsi, entre 1886 et 1887, deux
missions catholiques concurrentes s’affrontent au confluent du Congo et du Kasaï :
Saint Paul du Kasaï pour les Spiritains et Notre-Dame de Bungana pour les Pères
Blancs.
L’installation des Scheutistes à l’embouchure du Kasaï était même une exigence
du roi qui voulait stopper les protestants anglo-américains dans leur progression vers
le Haut-Congo. Jules Marchal indique que c’est le roi lui-même qui avait ordonné la
fondation de Berghe-Sainte-Marie. Celui-ci, en effet, voulait, pour des motifs
politiques « jeter des missionnaires belges entre les jambes des missionnaires
protestants, britanniques et américains, occupés à avancer vers le Haut-Congo ». Une
autre preuve de cette implication politique est donnée par le fait que c’est le roi qui
ordonnera à son secrétaire d’État, van Eevelde, de faire réparer le poste de Bungana
par un agent de l’État et de prescrire au gouverneur de traiter les missionnaires de
Scheut avec bienveillance.
C’est dans cette optique qu’il faut aussi comprendre la fondation de la mission
Saint-Joseph de Mikalayi (Luluabourg). La demande d’érection de cette station
missionnaire est l’œuvre d’un laïc : le capitaine Adolphe de Macar, commandant du
poste d’État de Luluabourg. Celui-ci, en effet, avait adressé, le 10 juillet 1887, une
lettre au Pape au nom du « plus puissant des chefs bachilanges, Kalamba, de sa
famille et de ses sujets » qui sollicitaient le baptême. Il s’agissait encore ici, pour les
agents de l’État léopoldien, de chercher à devancer les protestants anglo-américains
qui, malgré tout, s’établiront dans les parages en 1890, plus tôt que les catholiques.
53
Quant aux Jésuites du Kwango, ils n’ont pas eux-mêmes choisi Kimbangu, leur
premier site d’installation. Le lieu avait été préparé par les agents de l’État sur ordre
du roi lui-même.
La plupart des missions fondées suivant cette logique politique, n’ont pas
survécu soit à cause du mauvais choix du site (insalubrité, manque de nourriture,
maladie, etc.), soit parce que les raisons politiques ayant présidé à leur création
avaient disparu.
Dans ce type de mission, les « œuvres » ont souvent été spectaculaires : église
monumentale, hôpital, écoles, etc. Les missionnaires utilisaient, chaque fois, ce
mobile de la concurrence pour demander et obtenir des soutiens de bienfaiteurs de
l’Europe.
Cette logique est mise en œuvre dans deux sens : soit les missionnaires
s’installent dans le site d’une compagnie commerciale et ils bénéficient des avantages
matériels ou financiers que leur offre l’entreprise, soit ils choisissent un milieu où les
ressources naturelles leur permettent d’organiser des activités d’autofinancement.
Dans les circonscriptions des Pères de Scheut la collaboration avec les compagnies
commerciales est remarquable au Kasaï et plus tard à l’Équateur où elle sera à
l’origine de quelques postes de mission.
Au Kasaï, c’est à partir de 1901 que cette collaboration s’amplifie entre la CK,
créée cette année-là, et les missionnaires de Scheut. Dès 1902, l’État réduit fortement
sa présence dans cette contrée. Il confie l’exploitation et la sécurisation du district à la
CK, ne gardant que des garnisons à quelques endroits comme Luluabourg et
Lusambo. Les Scheutistes ne peuvent donc pas se passer de cette Compagnie dont les
« surveillants » jouent, à certains endroits, le rôle de la police. Ensuite, les Scheutistes
attendent encore beaucoup d’autres avantages de la CK. Outre les subsides mensuels
versés aux missionnaires qui s’occupent de la santé « spirituelle et physique » de ses
travailleurs, la CK les aide dans diverses circonstances quotidiennes (réparation,
transport, dépannage en sel ou en mitako, etc.). Enfin, la CK a contribué à
l’établissement de nouveaux postes de mission. Trois postes de mission – Bena-
Makima (1904), Demba (1908) et Pangu (1908) – n’ont pu être érigés que grâce à
l’argent de la CK.
Il nous semble que, dès leurs origines, ces missions, nées de la volonté des
compagnies commerciales, étaient des missions en sursis. En effet, leur survie
dépendant du bon vouloir de leurs bailleurs de fonds. Le déclin des Compagnies
devait nécessairement entrainer la chute de ces missions qui étaient leurs appendices.
L’autre version de cette logique économique est le choix par les missionnaires
des sites offrant des ressources naturelles suffisantes pouvant permettre l’organisation
des activités d’autofinancement et d’autosubsistance alimentaire des pensionnaires de
la mission. La méthode des fermes-chapelles initiée par les Jésuites correspond à cette
logique.
IV.5.4. Logique idéologique ou moralisante
Ils animent le débat sur la « Question congolaise » au Parlement et, par leurs écrits et
leurs prises de position, sensibilisent l’opinion publique en Belgique.
Le 23 juillet 1904, pressé par les critiques, Léopold II signe un décret nommant
une commission chargée d’enquêter sur les exactions éventuelles commises à l’égard
des indigènes, soit par des particuliers soit par les agents de l’État. Le décret accorde à
la commission les pouvoirs les plus étendus et demande à tous les agents de l’État de
lui prêter sans réserve leur concours et leur aide dans l’accomplissement de sa tâche.
La Commission est composée d’Edmond Janssens, avocat général à la Cour de
Cassation de Belgique, Président, du Baron Nisco, italien d’origine, Président ad
interim du tribunal de Boma, et du docteur de Schumacher, Conseiller d’État et Chef
du département de la justice du Canton de Lucerne en Suisse. Victor Deneyn,
Substitut du Procureur du Roi à Anvers, est désigné comme secrétaire de la
Commission et Henri Grégoire, originaire de la ville de Huy, comme secrétaire
interprète.
La commission arrive à Boma le 5 octobre 1904, finit son enquête et rentre en
Belgique le 21 février 1905. Elle commence ses travaux à Boma, puis se rend à Matadi
et à Kinshasa. Elle continue ses enquêtes en remontant le fleuve jusqu’à Kisangani et
en pénétrant dans le lac Tumba et dans le Bassin de la Lulongo. Elle n’a pas visité le
bassin du Kasaï et les territoires étudiés dans la présente étude, mais elle y fait
quelques allusions dans son rapport final.
Pendant son séjour au Congo, la commission a reçu les déclarations de
magistrats, de fonctionnaires, de directeurs et d’agents de sociétés, de missionnaires
catholiques et protestants, ainsi que des populations locales.
Le rapport est officiellement signé à Bruxelles et daté le 30 octobre 1905. Il
comporte 150 pages et est publié dans le Bulletin officiel du 5 novembre.
En ce qui concerne les Missions catholiques, le rapport de la commission n’est
pas du tout tendre, surtout à l’endroit des Jésuites du Kwango. Il critique
particulièrement les fermes-chapelles et les colonies scolaires. Il reproche aux Jésuites
d’opérer des recrutements forcés des enfants et de les retenir dans les missions contre
leur gré, de maltraiter ces enfants ( mise aux fers, peine de la chicotte, etc.) et
d’exercer une tutelle étroite sur les habitants des missions et des fermes-chapelles.
La publication de ce rapport cause un émoi profond dans les milieux
catholiques en Belgique. Les accusations contre les missions catholiques restent
incompréhensibles et cachent, pour les missionnaires, d’autres intentions inavouées :
« On constata, écrit Léon Dieu, avec stupeur que, par un étrange renversement des
rôles, ceux qui avaient plaidé la cause du droit et s’étaient efforcés de protéger les
Noirs, étaient eux-mêmes accusés de les exploiter et de les maltraiter ».
Les catholiques voient derrière ces accusations la main des Francs-maçons et
des protestants anglo-américains. C’est ainsi qu’au Kasaï, ils prendront parti pour la
C.K. contre les presbytériens qui accusaient la compagnie de maltraiter les
populations.
Dans cette affaire, les protestants se sentaient plus proches des « opprimés »,
c’est-à-dire des Noirs. D’abord, ils n’étaient pas cités dans le rapport. Ensuite, ils
pouvaient se vanter d’être les premiers à avoir rendu publiques les exactions
commises par le régime de Léopold II et par les compagnies concessionnaires.
Mais cette philanthropie des protestants ne peut pas être expliquée
simplement par l’innocente charité évangélique. D’autres facteurs doivent être pris en
compte.
58
En premier lieu, les protestants du Congo n’étaient pas d’origine belge. Ils
étaient considérés, dans le cercle des blancs du Congo, comme une minorité
étrangère capable de nuire aux intérêts de la Belgique et de son roi. A ce titre, les
Belges nourrissaient des soupçons à leur endroit. C’est peut-être pour affirmer leur
existence et leur différence, qu’ils ont pris fait et cause pour les Africains.
Deuxièmement, sur le plan financier, les protestants n’attendaient pas grand-
chose de l’État léopoldien. Jusqu’en 1909, les subsides annuels réguliers accordés par
l’État aux sociétés missionnaires n’avaient guère dépassé le montant de 2.500 francs
pour les Baptistes anglais qui, seuls, en bénéficiaient. Les autres missionnaires
protestants ne recevaient aucun subside de l’État. Les sommes importantes allaient
aux missionnaires catholiques belges qui, non seulement jouissaient de subsides
réguliers, mais aussi de l’assistance extraordinaire et des fonds dits spéciaux. Cette
indépendance financière des protestants vis-à-vis de l’État léopoldien peut aussi
expliquer leur esprit critique et leur liberté d’action.
Troisièmement, les protestants, surtout ceux du Kasaï, s’étaient gardés de tisser
des liens privilégiés avec les Compagnies commerciales. Ils essayaient d’organiser leur
apostolat missionnaire en dehors des influences du commerce et plus tard de
l’industrie. Cette distance leur a permis de tenir un discours critique contre les abus de
ces compagnies sans craindre d'éventuelles représailles. Les missionnaires catholiques,
les Scheutistes du Kasaï particulièrement, étaient tellement impliqués dans le système
léopoldien et dépendants des sociétés commerciales qu’ils n’ont pas pu s’apercevoir
des abus commis contre les Noirs et les dénoncer.
Les protestants, dans leurs écrits et leurs déclarations, n’ont pas manqué de
fustiger le silence sinon la complicité des catholiques dans cette fameuse « question
congolaise ».
Les « colonies scolaires » étaient, à l’origine, des établissements fondés par l’Etat
Indépendant du Congo pour éduquer des enfants de la colonie recueillis de divers
côtés et pour en faire des travailleurs agricoles, des travailleurs de divers métiers et
des soldats selon les aptitudes de chacun de ces jeunes. Au début, devant les
60
colonies. Les Scheutistes invitèrent les Sœurs de Charité de Gand qui s’établirent à
Moanda en 1891. Ces Sœurs devaient s’occuper, à la colonie scolaire des Scheutistes,
de la section des filles fondée en 1892. Dès sa fondation, cette section des filles était
considérée comme une institution officielle appelée à former des épouses pour les
garçons de Boma. Elle sera momentanément supprimée en 1895, sur, croit-on savoir,
injonction de Rome, où on serait allé raconter, probablement Mgr. Augouard, que
les filles y étaient éduquées pour servir de concubines aux Blancs. Elle rouvrira en
1897 dans le seul but de fournir des épouses aux candidats sortant de la colonie de
Boma. Les filles venaient de tous les coins du Congo et même du Kasaï.
Les Scheutistes du Kasaï ont recruté leurs premiers adeptes parmi les esclaves
libérés par l’Etat ou ceux qui leur étaient offerts par les chefs locaux. Ils les
organisaient en villages des libérés et après les avoir baptisés, leurs villages étaient
transformés en villages chrétiens. Ces derniers villages qui, en réalité, constituent les
premiers postes de mission, vivaient de façon plus au moins autarcique et sous la
conduite du père supérieur. Les premiers chrétiens issus de ces villages essaimeront
dans la région pour fonder des nouveaux postes.
Il n’existait pas encore d’école. La formation religieuse, en vue du baptême, était
assurée par les missionnaires après les travaux manuels. Hommes, femmes et enfants
suivaient cette formation qui consiste à l’apprentissage de la récitation des prières et
de quelques fragments de la doctrine chrétienne, notamment les commandements de
Dieu et les commandements de l’Eglise.
Mission Commerce
Mais sur le plan pratique, il convient d’indiquer que, tout au long de la
période coloniale, depuis l’époque léopoldienne jusqu’à l’indépendance du Congo,
les relations entre l’Eglise missionnaire et l’Etat coloniale n’ont toujours pas été
sereines. Les périodes de vives tensions ont succédé à des moments d’accalmie et de
franche collaboration. Cette histoire, à la fois tumultueuse et tranquille, sera chaque
fois plantée comme décor dans l’arène politique en Belgique quand il s’agira de
débattre des questions politiques ou ecclésiales du Congo.
En réalité l'histoire de l’Eglise coloniale n'a pas été un "Long fleuve tranquille",
elle a connu plusieurs soubresauts provoqués soit par des événements survenus dans
la colonie, soit par les querelles en métropole, soit par la géopolitique internationale.
Chacune de ces crises aura des répercussions sur la conduite des missionnaires et sur
la réaction des autochtones.
qu’il accuse de complicité dans les vexations contre les missions catholiques au
Congo. Le ministre entreprend une démarche officielle auprès du Secrétaire d’Etat du
Vatican « pour faire cesser la campagne des missionnaires contre le Ministre des
Colonies ». Suite à cette démarche, Rome intervient, le 22 mars 1913, auprès de Mgr
Roelens et des supérieurs majeurs, les priant de laisser la personne du Ministre en
dehors du débat.
Cette querelle ne prendra finalement fin qu’avec le déclenchement de la Guerre de
1914.
vives protestations dans les milieux catholiques, chez les syndicats chrétiens, les
missionnaires et l’Episcopat. Les évêques, dans une déclaration publique firent savoir
qu’ils « se verraient dans la douloureuse nécessité de fermer toutes les écoles aussi
longtemps que le gouvernement se dérobait à ses obligations ». Face à une telle
menace, la négociation s’imposait. Elle s’engagea à Léopoldville, entre le corps des
évêques et le ministre lui-même. Un compromis fut adopté en faveur des missions
qui conservèrent tous les droits acquis jusque-là en matière d’aide financière
gouvernementale.
Comme on le voit, les Missions et la colonie entretenaient officiellement
d'étroits rapports de collaboration, mais sur le terrain concret, ces rapports n’ont
toujours pas été harmonieux. Tantôt les intérêts de l’Etat ne correspondaient guère
avec ceux de la Mission, tantôt les changements des gouvernements et de politique
en métropole emmenaient sur la scène des acteurs favorables ou défavorables à
l’action missionnaire. Les incertitudes du jeu politique et, parfois, les humeurs des
acteurs politiques et missionnaires, influaient sur les relations Etat-Eglise et
entraînaient souvent des périodes de crise et de vives tensions.
Tous les habitants d’un pays ont droit de collaborer activement au bien général.
Ils ont donc droit de prendre part à la conduite des affaires publiques. La nation
tutrice a l’obligation de respecter ce droit et d’en favoriser l’exercice par une
éducation politique progressive. Les autochtones ont l’obligation de prendre
conscience de la complexité de leurs responsabilités et de se rendre aptes à les
assumer. L’Eglise n’a pas à se prononcer sur les modalités de l’émancipation d’un
peuple. Elle le considère comme légitime du moment qu’elle s’accomplit dans le
respect des droits mutuels de la charité.
pour se donner une religion qui se situe à la frontière (marges) entre le christianisme
et les religions dites « traditionnelles ».
Les succès de ces mouvements provenaient de leur enracinement dans la
culture locale et des réponses concrètes qu'elles proposent aux problèmes vitaux de
leurs adeptes (la maladie, la sorcellerie, les impôts et les corvées exigés par le
colonisateur, la pauvreté, etc.). À cause de leur caractère millénariste promettant un
monde nouveau débarrassé de l’oppression coloniale, ces mouvements sont vite
apparus comme de dangereuses rébellions et ont été rapidement l’objet
d’impitoyables répressions de la part des autorités coloniales. Les missionnaires ont
combattu ces formes de religiosité les qualifiant tantôt de « sorcellerie », tantôt de
« superstitions dangereuses » ou de « rébellion contre l'autorité étatique ». Ils ne se
sont pas souciés de les étudier pour mesurer leur impact sur l'action évangélisatrice.
Dans l’entre-deux-guerres, apparaissent à l’ouest du Congo, le Kimbanguisme
(1921) et la Mission des Noirs (1939) de Simon Mpadi ; à l’Est et au Sud-est, le
Kitawala et ses avatars. Tous ces mouvements qu’on peut qualifier de « messianiques
et protestation sociale », rêvaient de la fin du règne des Belges et de la venue d’un
nouveau Congo libre et juste grâce à une sorte d’intervention étrangère.
V.4.2. Mouvements nés des cultes traditionnels
Au fur et à mesure que les missionnaires élargissaient leurs espaces
topographiques et que les statistiques envoyées aux instances romaines et publiées
dans les périodiques montaient en épingle les progrès réalisés par l'évangélisation, on
a vu apparaître, au Congo belge, de nouvelles formes de religiosité et de dévotion
ne revendiquant pas d’accointances avec le christianisme (catholique ou protestant)
qualifié de « religion des Blancs ». Ces formations religieuses remettaient au goût du
jour les différents cultes traditionnels et elles n’empruntaient rien à la religion
chrétienne qu’elles semblaient, à certains endroits, combattre. Vansina affirme que
« leur expansion forme une histoire parallèle à celle de la conversion à différentes
confessions chrétiennes ». En réalité ces mouvements religieux ne constituaient pas
une nouveauté au Congo. Liés à la question récurrente de la sorcellerie, ils
apparaissaient chaque fois que les villages se croyaient frappés par la « malchance »
provoquée par les actions malveillantes des sorciers. La nouveauté, à l’époque
coloniale, est que ces mouvements s'étaient étendus sur des espaces géographiques
dépassant les simples limites ethniques et qu'ils avaient intégré dans leur doctrine
l'idée que les Blancs et l'ordre social qu'ils tentaient d'imposer, relevaient du sphère
de la sorcellerie, c'est-à-dire du « mal absolu » qu'il fallait combattre. En même temps
qu'il fallait « purifier » les villages en les débarrassant de leurs sorciers, il fallait aussi
« exorciser » l'ensemble du territoire national en expulsant les « Blancs », auteurs de
plusieurs malheurs (impôts, corvées, cultures obligatoires, recrutement forcé de la
main-d'œuvre, etc.). Parmi leurs objectifs, la lutte contre la sorcellerie reste
essentielle. Nous pouvons, dans ce sens et improprement, les appeler « cultes anti-
sorciers ». Ces « sectes » se caractérisaient aussi par leur irrédentisme vis-à-vis du
christianisme qu’ils considèrent comme une « religion coloniale », la « religion des
Blancs », fossoyeuse des authentiques traditions africaines, source de la dépendance et
des malheurs qui accablent les populations noires. Ces cultes seront combattus par
l’autorité coloniale qui les considérait comme des formes de « résistance politique ».
Citons quelques mouvements de ce type :
1. Tonga-Tonga
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Le Lukoshi était, en ses débuts, un des cultes ou charmes collectifs, ayant un but
diffus et polyvalent : celui de restaurer la normalité ou l’ordre correct et naturel des
choses, l’harmonie cosmique, en éliminant la sorcellerie qui est la cause de tout mal,
de toute anormalité et disharmonie. Les cultes de ce genre présupposaient une
croyance à la sorcellerie et en l’existence d’un ordre naturel ou d’une « bonne vie ».
Les archives signalent l'existence de Lukoshi, chez les Kuba du Kasaï, à partir de
1924. Il prend son essor au début de l’année 1932 atteignant de nombreuses
populations de la savane du sud et s’étendant, comme l’indique J. Vansina « jusqu'à
couvrir finalement une aire correspondant environ à un sixième de la superficie du
Zaïre ainsi qu'une partie de l'Angola, affectant plus de vingt peuples de cette région
de l'Afrique Centrale ».
En ce moment, le Lukoshi adopta une posture anticoloniale avec apparition du
serpent parmi ses symboles et l’idée du « retour des ancêtres ». Il est alors qualifié de
la secte du serpent (parlant) dans différentes sources coloniales. Les adeptes du culte
font courir la rumeur que le jour de la libération venu, les ancêtres parleraient par la
bouche des serpents. Il fallait donc garder des paniers contenant des vipères vivantes.
Ces vipères devaient enfanter des « messagers » qui chasseraient les Blancs. Les balles
des soldats se retourneraient contre eux, tandis que les messagers du serpent, les
Djamaing (Allemands) détruiraient tout vestige de l’État.
A partir de 1956 les choses bougent à l’intérieur du pays et de l’Eglise. Les Abbés
Malula et ses compagnons s’interrogent sur leur place dans l’Eglise locale. Le 09 août
1956, Vatican nomme un prêtre séculier autochtone Pierre Kimbondo, évêque
auxiliaire de Kisantu. Evénement accueilli avec enthousiasme par les congolais. Le
Père jésuite Jan van Wing avait consacré un article dans l’hebdomadaire belge De
Linie ; il voyait dans cette promotion le couronnement de l’œuvre missionnaire, le
signe de maturité de la chrétienté et le reconnaissance des mérites apostoliques du
clergé indigène de Kisantu.
Le choix d’un prêtre de Kisantu par le Vatican se justifie par le fait d’un clergé
local nombreux : avec 50 prêtres autochtones, ce vicariat venait en tête du
classement, suivi de Kikwit 31 prêtres, Luluabourg 27, Bukavu 20 et Baudouinville 19.
On peut aussi penser que Rome aurait tenu compte de ancienneté historique de
Kisantu, berceau de l’Evangélisation du Congo (Don Henrique, de Mbanza Nsudi à
environs 15 km de Kisantu).
En 1957, l’idée d’établir la hiérarchie ecclésiastique en Afrique belge avait
rebondi au sein de l’Episcopat. Le problème fut examiné au Comité permanent, non
pas à la conférence plénière. Ce comité permanent réuni à Léopoldville du 02 au 06
Avril sous la présidence de Mgr Van Wimp, Vicaire Apostolique de Kisantu, en
présence du délégué apostolique (Nonce) Mgr Alfred Bruniera.
Le débat était assez houleux et deux positions s’étaient dégagées : les uns
pensaient qu’il n’était pas encore temps car le clergé autochtone n’est pas
suffisamment mûr ; d’autres jugeaient qu’il était temps de poser ce problème.
La réaction de Rome à ce rapport était mitigée malgré le rapport positif de Mgr
Bruniera.
Pie XII, s’était montré plein d’admiration devant le progrès grandiose et magnifique
réalisé par les missionnaires au Congo. Mais, il se contenta de donner des instructions
à la Propagande pour veiller à augmenter les effectifs missionnaires dans cette région,
au besoin en faisant appel à des nouveaux instituts religieux.
Jusqu’en 1958, Rome n’avait pas changé de position vis-à-vis de la situation au
Congo. Le Pape comme la secrétairerie d’Etat et la Propaganda Fide portaient un
intérêt exceptionnel à l’avenir de la Colonie Belge surtout par crainte de perdre, au
bénéfice du monde soviétique, un pays au cœur même du continent noir et de plus
où le christianisme avait poussé ses racines les plus profondes. Rome cherchait donc à
mettre en place des conditions idéales pour l’établissement de la hiérarchie.
La 1ère tendance, est celle d’une attitude sinon positive du moins compréhensive à
l’égard de la promotion des Africains à l’Episcopat.
La 2ème estime qu’il était encore prématuré de confier des responsabilités à un jeune
clergé indigène.
Le clergé autochtone n’était pas insensible à l’évolution des idées dans le pays.
Tout comme les laïcs, il aspirait également à jouer un rôle déterminant dans la
direction de l’Eglise de son pays. Beaucoup de réactions à travers le pays, mais pas de
communication entre clergé autochtone.
Au cours d’une Conférence, le 28 Mai 1958, en marge de l’exposition internationale
de Bruxelles, l’Abbé Joseph Malula fait une déclaration reflétant le point de vue du
clergé indigène. Pour lui « les aspirations religieuses des noirs ne concernaient pas
seulement la direction de l’Eglise, elles soulevaient un problème beaucoup plus
profond à savoir celui de l’adaptation du christianisme aux cultures locales ».
Les missionnaires avaient réussi à donner à l’Eglise du Congo, une organisation et une
structure solide. Mais, celles-ci demeuraient cependant étrangères au milieu à cause
de nombreux éléments d’emprunt qui marquait sa vie et sa physionomie. Pour
beaucoup l’Eglise restait une affaire des Blancs. Elle faisait partie du « Cargo », c’est-
dire de toutes ces choses que les Blancs ont apportées et que les Noirs ne
comprenaient pas.
Le Projet de Joseph Malula était de confier à la direction des africains une Eglise
Africaine incarnée dans le substrat culturel local.
certaines autorités civiles pour mettre le complot à exécution. Les réactions furent
d’une extrême violence. Des Blancs et des missionnaires de la région de Kasongo
frappés et arrêtés. Le 15 février, les passionistes de Lodja et de Tshumbe dans le
Sankuru furent inquiétés par les soldats venus du nord et des jeunes désœuvrés. Le 16
février, la Paroisse de Kadutu à Bukavu fut attaquée et un Père Blanc y fut assassiné.
Le lendemain, un prêtre du Sacré-Cœur fut abattu à Basoko en Province Orientale,
d’autres furent maltraités. Mais le pire massacre en une seule fois fut celui de 21 Pères
du Saint rassemblés pour une retraite à Kongolo.
Le peuple ne doutait pas de l’implication des missionnaires et du Vatican dans
la mort du futur héros national. A la veille de l’indépendance, certains missionnaires
n’avaient-ils pas ouvertement affiché leur hostilité à Lumumba et à son discours
qualifié de « trop nationaliste » ? En tout cas, l’Eglise l’accusait d’être communiste. Et
dans certaines chapelles de brousse, les Pères expliquaient aux fidèles que le
communisme était un ordre politique diabolique et sans aucune règle morale. Que
dans ce régime on se partageait les femmes et que les enfants étaient les « biens » de
l’Etat. Si Lumumba venait à instaurer un tel régime, entendait-on dire, les gens ne se
marieront plus à l’Eglise, ils n’auront plus des maisons individuelles ; tous logeront
dans des dortoirs communs. Si ce discours anticommuniste était bien reçu des
inconditionnels du catholicisme, le plus grand nombre, surtout les « lettrés » qui
souhaitaient le départ rapide des « Blancs », le jugeaient faux. Vite, l’opinion établira
un rapport de cause à effet entre l’anticommunisme de l’Eglise et l’assassinat de
Lumumba.
La rumeur de l’implication de l’Eglise dans l’assassinat de Lumumba ira donc
en s’amplifiant. Elle s’était tellement répandue que Mgr Scalais, alors archevêque de
Léopoldville, et Mgr Mojaisky-Perelli, délégué apostolique, se sentirent obligés, le 17
mars 1961, de lui opposer au nom de l’épiscopat du Congo un démenti public :
Monseigneur Jean Marie Maury, alors Nonce Apostolique à Kinshasa, écrivait à une
Sœur dominicaine : « Ma Mère, […] Je n’ai pas pu venir en France, l’été dernier,
parce que la situation au Congo demeurait alors très incertaine. Cela semble aller
mieux maintenant, grâce au dynamisme courageux de notre jeune chef d’Etat, mais le
pays n’a pas encore trouvé sa stabilité : Dieu nous garde la tranquillité et la paix pour
que se développe le renouveau chrétien qui se manifeste partout, et surtout dans les
régions qui ont été éprouvées par la rébellion ».
Jusqu’à la crise de janvier 1972, Mobutu jouissait donc d’un certain crédit dans
les milieux ecclésiaux. On lui reconnaissait le mérite d’avoir pacifié le pays sans
toutefois approuver la brutalité de ses méthodes, notamment la pendaison publique
de trois parlementaires le jour de la pentecôte 1966 et retour rocambolesque de
Mulele à Kinshasa et son assassinat dans des conditions restées jusqu’à ce jour non
élucidées.
Mobutu profita de cet état de grâce pour damer quelques pions à l’Eglise. Il se
montra généreux sinon ervegète à l’endroit de l’épiscopat. Chaque évêque
autochtone nouvellement ordonné recevait en prime une voiture de marque
« Mercedes », la même qu’on attribuait aux hauts dignitaires du régime. Les écoles
catholiques et plusieurs autres œuvres caritatives de l’Eglise bénéficièrent aussi des
dons présidentiels.
Lors des manifestations officielles, à la capitale comme en provinces, le Te
Deum continuait à être chanté comme à l’époque coloniale et « les princes de
l’Eglise » à occuper leur rang protocolaire parmi les « Grands » du pays.
Cependant ces cérémonies officielles offraient parfois à certains prélats
l’occasion inattendue d’interpeller l’Etat. C’est ainsi, par exemple, que Mgr Malula
profita du Te Deum du 18 août 1966 pour stigmatiser le régime :
« Je voudrais être ici le porte-parole de ce peuple qui souffre, de ce peuple qui reste
pauvre au milieu de tant d’abondance[…] Nous voulons […] vous dire à Vous,
gouvernants : sachez que notre peuple attend de vous un peu de soleil. Notre peuple
attend de vous un peu de joie de vivre ».
Le 23 novembre 1966, il récidiva en faisant appel à la conscience chrétienne des
dirigeants. Le peuple a droit au bien-être, leur dit-il.
En 1967, le pays se dotait d’une nouvelle constitution qui consacrait un régime
politique de type présidentiel avec un parlement monocaméral. C’est aussi au cours
de cette année que fut promulgué le manifeste dit « de la N’Sele », texte fondateur du
Mouvement Populaire de la Révolution, qui, à partir de 1970, deviendra le Parti
unique.
On sait aujourd’hui que, dès son début, le régime Mobutu s’inspira largement
de la vision idéologique proposée par l’Union Général des Etudiants Congolais
(UGEC). Ce mouvement, en effet préconisait l’édification d’un « Etat socialiste pour
une révolution nationale, démocratique et populaire ». Il se prononçait aussi pour le
parti unique conçu comme «organe suprême » concrétisant la volonté du peuple. Lors
de son troisième congrès tenu en octobre 1966, UGEC proposa même que le
président de la république et les parlementaires soient élus au suffrage universel sur
présentation du parti. Les congressistes imaginèrent aussi la création d’une milice
populaire et la suppression de toutes les associations estudiantines. Ce sont ces
résolutions qui furent reprises mutatis mutandis par les rédacteurs de la Constitution
et du Manifeste de 1967 et constituèrent le prélude à la création de la JMPR et sa
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future installation aussi bien dans les universités que dans les instituts de formation
religieuse.
Il est aussi établi que les idéologues d’UGEC, situés plutôt « à gauche » et promoteurs
de la « politique nationaliste » du nouveau régime, avaient beaucoup des griefs à
formuler contre l’Eglise catholique qu’ils considéraient comme une institution
néocoloniale. Ces élites, soupçonneuses vis-à-vis de l’Eglise, constitueront le « brain
trust » du nouveau régime et seront, à ce titre, des acteurs de premier plan dans la
crise de 1972.
A partir de 1967, le nouveau régime avait commencé à clôturer l’espace
politique et à contrôler toutes les forces sociales.
C’était une véritable opération de subjugation et de démolition qui, au
départ, était malignement menée, sans tambour ni trompette, mais d’une façon
méthodique et programmée : l’abolition des partis politiques et la création du MPR
comme mouvement de masses ; la création de la JMPR, l’abolition des mouvements
de jeunesse (juillet 1967), la suppression en 1968 de l’UGEC et son intégration dans
la JMPR ; la fermeture de Lovanium et l’enrôlement des étudiants dans l’armée en
1969, etc.
Au début des années 70, le nouveau régime, issu du projet politique du Manifeste
de la N’sele, était établi. La logique de la centralisation et de la mise au pas de la
société allait s’imposer comme l’unique alternative aux tendances centrifuges propres
aux premières années de l’indépendance.
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a. L’idéologie de l’authenticité
Les exigences de l’Authenticité allèrent plus loin encore. On changea non pas
seulement les noms de lieux et des entreprises, mais on s’attaqua aussi aux prénoms
chrétiens. Et c’est ce point qui constitua la pomme officielle de discorde entre l’Eglise
et l’Etat à partir de janvier 1972. En réalité la question des prénoms n’a été qu’une
tactique du pouvoir visant à soumettre l’Eglise catholique qui, à l’époque,
« constituait encore la seule force capable de contester le président ».
Effectivement, en ces années 70, la langue de bois et le discours monolithique
avaient remplacé le débat pluraliste. Seules quelques personnes, souvent exilées,
pouvaient tenir un discours différent.
A l’intérieur du pays, l’Eglise gardait encore la possibilité d’une parole contestataire et
d’espérance, capable de gêner le régime dans ses extravagances. Le pouvoir en était
conscient. C’est pourquoi il s’acharnera, à chaque occasion et par tous les moyens, à
réduire au silence toute personne qui, dans l’Eglise, oserait hausser un ton discordant.
Cette crise de janvier 1972 sera le premier épisode d’un long bras de fer qui
opposera l’Eglise à l’Etat et dont il nous faut, à présent, narrer les principales phases.
En janvier et février 1972, une vive tension régnait donc entre les autorités de
l’Eglise et celles de l’Etat. C’est dans ce climat que se tint la 11e assemblée plénière de
l’épiscopat, du 28 février au 5 mars 1972. Les actes en furent édités en Belgique sous
le titre L’Eglise au service de la Nation zaïroise. Les conclusions des travaux de
l’Assemblée Plénière de l’épiscopat étaient mal reçues par le régime qui rejeta le
mémorandum et la requête en faveur du Cardinal Malula remis au Président de la
République au terme de la réunion des évêques.
Plusieurs mesures tendant à limiter l’influence de l’Eglise furent alors prises par
le Bureau Politique du MPR : la radiation des cérémonies religieuses du programme
des manifestations officielles ; suppression de toutes les organisations confessionnelles
de jeunesse (le 29 novembre 1972 ) ; suspension de 31 organes de presse
confessionnels ;dissolution de l’ASBL « Comité Permanent des évêques du Zaïre » -
reconnue par le décret royal du 7 octobre 1955 – et interdiction de toutes les
réunions de la conférence Episcopale sur toute l’étendue de la République à quelque
niveau que ce soit (le 8 février 1973 et le 9 février 1973).
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Pendant que l’indigence gagnait des couches de plus en plus larges de la population,
une minorité, à la tête duquel le président Mobutu et son clan, accentuait son
enrichissement.
Lorsqu’au début de l’année 1980, l’Eglise Catholique se préparait à célébrer son
centenaire et à recevoir la première visite du Pape Jean Paul II, la situation sociale et
morale du peuple était au plus bas. La précarité économique avait donné lieu à une
augmentation de la corruption, qu’il s’agisse d’obtenir une faveur ou tout
simplement de faire reconnaître un droit. Quelques fidèles, certes, s’engagèrent à
combattre ce mal, par la création des « chaînes d’honnêteté », mais leurs efforts
ressemblaient à une goutte versée dans un océan tant le mal à combattre était
tentaculaire.
En plus, aux yeux du peuple, la conduite de l’Eglise officielle restait ambiguë.
Tout en dénonçant le mal qui gangrenait la société, elle donnait l’impression de
s’accommoder au régime et de soutenir son chef, Mobutu, considéré par tous comme
la source des déboires de la nation. Si la venue du Pape, malgré les nombreux morts
qu’elle entraîna, fut bien perçue par tout le peuple chrétien, la bénédiction par Jean
Paul II du mariage de Mobutu avec Bobi la Dawa, à l’église Saint Léopold du grand
séminaire Jean XXIII, suscita, par contre, des nombreuses réactions. On se demandait
dans les rues de Kinshasa si le Saint Père était bien au courant de la situation
matrimoniale du Président. Ce dernier était accusé d’avoir assassiné Marie
Antoinette, sa première épouse, réputée être généreuse et fervente catholique. On
disait, à l’époque, que Mobutu l’aurait sauvagement battue parce qu’elle lui
reprochait sa conduite débridée et ses menées dictatoriales. On s’étonnait aussi que le
Pape et les évêques aient ignoré les relations passées de Bobi la Dawa avec Mobutu.
On murmurait dans tout Kinshasa que déjà, du vivant de Marie Antoinette, Bobi la
Dawa et sa sœur jumelle étaient des amantes du Mobutu.
En tout cas, pour bon nombre de Kinois, la bénédiction de ce second mariage était
mal venue.
Les sectes et les nouveaux prophètes qui avaient de plus en plus pignon sur rue
n’hésitèrent pas de vilipender l’Eglise Catholique et d’interpréter les incidents du
palais du Peuple comme un châtiment du ciel.
La crise sociale et économique ne cessait de s’accentuer et le régime se mit à
proposer des solutions. En 1980, le gouvernement initia un Programme agricole
minimum (PAM) qui préconisait la relance de la production agricole vivrière à très
court terme. Le peuple se moqua de cette initiative qu’il qualifia de « peuple a kolia
matiti » (le peuple mangera les herbes).
Pour attirer les investisseurs potentiels, la commercialisation de l’or et des diamants
fut libéralisée. Cette mesure fut vivement critiquée par l’opinion publique parce
qu’elle favorisait la fraude et ouvrait la porte d’un enrichissement illégal aux
dignitaires du régime et à leurs nombreux clients. L’Etat avait ainsi donné le ton au
pillage systématique des ressources naturelles du pays.
Sur le plan politique, le MPR continuait de raidir ses structures et d’imposer son
monopole sur les hommes et leurs biens. Une ordonnance-Loi du 15 novembre 1980,
réaffirma la primauté du MPR dans la vie politique par le réaménagement de la
hiérarchie définie en son sein selon l’ordre suivant : le président du MPR, le Congrès,
le Comité central, le Comité exécutif.
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4. L’archevêque de Lubumbashi, Mgr Kabanga, publia pour le carême 1976 une lettre
pastorale célèbre, intitulée Je suis un homme qui dénonça publiquement la misère et
l’injustice sociale. Dans une audience accordée au Comité Permanent des évêques le
26 août suivant, le Chef de l’Etat lui signifia qu’il ne tolérerait plus ce genre de lettre
qui, en dénonçant le mal, semblait surtout lui faire des leçons. Le Comité Permanent
lui répondit habillement que la mission apostolique des évêques ne permettait pas de
garantir que pareil cas ne se présenterait plus.
5. En 1977, la première guerre du Shaba ou « guerre de 80 jours » obligea le
Président Mobutu à accepter un certain nombre de mesures réclamées par
l’opposition, nouvelles élections, nomination d’un premier ministre, etc. La
conférence épiscopale profita des difficultés économiques, sociales et politiques qui
affaiblissaient le régime pour publier une lettre somme toute terne Tous solidaires et
responsables devant l’immoralité publique.
6. L’année suivante, 1978, une seconde guerre éclata au Shaba. Dans cette nouvelle
situation, le régime politique se prêta volontiers à l’autocritique. L’épiscopat profita
des remises en question faites par le pouvoir lui-même pour diffuser le 1er juillet 1978
la lettre vigoureuse Appel au redressement de la Nation.
7. Mgr Bakole, archevêque de Kananga, diffusa un écrit critique au titre significatif :
Chemin de libération. Entre temps, l’Eglise ne se résigna pas à observer le
pourrissement de la situation.
8. Les évêques publièrent, en 23 juin 1981, une déclaration significative : Notre foi en
l’homme image de Dieu. Ce texte dénonçait ce que le président de la république
avait lui-même surnommé « le mal zaïrois » et suggérait des réformes dans la gestion
de l’Etat.
9. La position des évêques sur la crise qui sévissait dans le pays était pourtant
suffisamment claire. Ils s’étaient exprimés, en juin 1985, dans un Message au peuple
zaïrois à l’occasion des 25 ans d’indépendance du Zaïre. Ils rappelaient à chacun ses
responsabilités devant la situation présente.
8. Les conclusions de la 26e Assemblée plénière de l’épiscopat du Zaïre, publiées le 17
septembre 1988 sous le titre Le chrétien et le Développement de la Nation,
évoquèrent une fois de plus la nécessité d’une transformation radicale de la société.
« Le temps n’est-il pas venu pour que tous ceux qui jouissent d’une parcelle d’autorité
acceptent de clarifier leur conduite vis-à-vis de cette crise tragique et persistante que
connaît notre pays ! […] Nous demandons aux dirigeant du pays de restituer aux
institutions nationales leur autonomie et leur pouvoir de décision et de rétablir le
sens de l’autorité responsable conçue non comme source d’enrichissement ou comme
moyen de brimade ou d’exploitation du peuple, mais comme service ».
9. Le 14 janvier 1990, Mobutu annonça pompeusement qu’il allait procéder à des
consultations populaires pour connaître la « volonté populaire ».
Ces consultations connurent un franc succès : 6.128 formulaires furent dénombrés en
réponse à la requête présidentielle, parmi lesquels un Mémorandum particulièrement
lucide et vigoureux de l’épiscopat adressé au chef de l’Etat le 15 mars. Une fuite
entraîna sa divulgation puis sa publication dans la revue Jeune Afrique, à la fureur du
président Mobutu.
Ce Mémorandum constitua un discours de type nouveau, plus politiquement
engagé et proche des préoccupations du peuple. Il sera déterminant dans les prises de
position et l’action politique de l’Eglise après le 24 avril 1990, date à laquelle
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Mobutu mettait fin à l’Etat monolithique fondé et fourvoyé par les théoriciens du
Manifeste de la N’sele.