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INITIATION À L’EXEGESE DU NOUVEAU TESTAMENT

COURS PREPARE ET DISPENSE PAR


Dr Wilson T. OUATTARA

UNIVERSITE LOGOS INTERNATIONAL


CURSUS MASTER

ANNEE : 2020

Edition Préliminaire

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 1 sur 34


Introduction
Si vous lisez la Bible pour la première fois ou si vous la lisez depuis des années,
il y a des passages qui vous semblent presque impossible à comprendre. Il y a d’autres
passages que vous pensez comprendre mais que d’autres personnes comprennent
différemment. Ceci est vrai pour n’importe quel type de littérature. Mais le problème
est plus sérieux pour l’interprétation de la Bible. En tant que chrétien nous voulons
obéir aux principes enseignés dans la Bible. Si nous avons du mal à comprendre les
textes, comment pouvons-nous obéir à ses principes ?
Comprendre les textes de la Bible est une tâche extrêmement difficile. Nous
devons être reconnaissants pour tout le travail déjà accompli par une multitude
d’interprètes. Leur travail permet aux chrétiens d’aujourd’hui de comprendre avec une
mesure de certitude un grand nombre de sujets dans la Bible. Mais si nous voulons
progresser dans notre compréhension de la Bible, nous devons continuer à examiner
soigneusement les textes de la Bible. Souvent nous devons remettre en question mêmes
les compréhensions que nous pensons avoir déjà saisies. Il n’est pas question de
remettre en question l’autorité de la Bible pour la vie du croyant. Mais chaque
interprète doit remettre en question sa compréhension humaine et faillible de cette
Parole.
Le terme technique pour l’examen soigné du texte biblique est l’exégèse. Le but
de l’exégèse est d’interpréter le sens du texte selon la pensée et selon l’intention de
l’auteur, dans la mesure où ce sens est exprimé dans son écrit. Le sens intentionnel d’un
auteur biblique est difficile à trouver. Nous ne pouvons plus questionner l’auteur. Nous
devons nous contenter des indices qu’il a laissés dans son texte. Mais nous pouvons être
plus sûrs de notre interprétation si nous suivons quelques principes d’interprétation. Il
faut comprendre le texte dans son contexte. Ceci implique une analyse du texte à
interpréter et une analyse du contexte dans lequel se trouve ce texte. Cette analyse sera
divisée en 7 étapes dans ce cours. Nous allons présenter ces étapes dans un certain
ordre logique, mais l’étudiant doit comprendre que ces étapes sont interdépendantes et

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qu’une bonne méthodologie d’exégèse exige parfois un va et vient parmi les différentes
étapes.
1) Il faut déterminer le texte à interpréter. Pour le Nouveau Testament il existe un
bon nombre de variantes. C’est-à-dire il y a plusieurs copies anciennes du Nouveau
Testament qui ne sont pas identiques. L’interprète doit décider quels variants
représentent le mieux le texte original de l’auteur. On appelle cette étape la critique
textuelle.
2) Il faut examiner la structure du texte. Il faut examiner les liens entre les mots, les
propositions, les phrases et éventuellement les paragraphes du texte. Les indices
viennent d’une étude des formes grammaticales et de l’écoulement logique du texte.
3) Il faut examiner le vocabulaire du texte. Le choix du vocabulaire en français pour
traduire des termes en grec n’est pas toujours évident. Il faut étudier la signification
en grec des mots importants dans le texte.
4) Il faut examiner le contexte littéraire du texte. Cette étape est probablement la
plus importante pour interpréter le sens du texte selon la pensée et l’intention de
l’auteur. Dans cette étape on cherche les indices donnés par l’auteur lui-même pour
l’interprétation de son texte. On peut diviser cette étape en trois sous étapes.
a) Il faut déterminer le genre littéraire du texte. Un genre littéraire est un schéma
général qu’on utilise lorsqu’on écrit telle ou telle sorte de texte. Les auteurs
bibliques ont suivi certaines de ces conventions littéraires. Le genre du texte
détermine en partie son interprétation.
b) Il faut examiner le contexte littéraire proche du texte. Les textes justes avant et
justes après le texte donnent souvent les indices les plus importants pour
l’interprétation du texte. Il faut suivre la logique du texte.
c) Il faut examiner le contexte littéraire large du texte. L’auteur écrit son livre selon
un but ou selon plusieurs buts. Le texte que nous examinons contribue à
l’accomplissement de ce(s) but(s). Un examen de la logique du contexte large
peut donner d’autres indices pertinents à l’interprétation du texte.

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5) Il faut examiner le contexte intertextuel du texte. L’intertextualité est « la
présence d’un texte dans un autre texte ».1 C’est-à-dire un auteur se sert d’un autre
texte dans la rédaction de son texte. L’exemple le plus clair dans le Nouveau
Testament est la présence des passages de l’Ancien Testament. Tous les auteurs du
Nouveau Testament avaient comme base de réflexion la version des Septante de
l’Ancien Testament. Dans l’interprétation d’un texte du Nouveau Testament, il faut
sérieusement considérer la possibilité des citations ou des allusions à cette version
et des idées influencées par cette version. Un autre exemple clair est la présence des
textes parallèles dans les Evangiles synoptiques. Mais l’impossibilité de déterminer
la chronologie de ces textes ou le contenu des sources orales ou écrites utilisées
dans la rédaction de ces textes rend difficile la tâche de reconstruire les liens de
dépendance dans ces parallèles créant une difficulté majeure pour tirer des
conclusions fermes.
6) Il faut examiner le contexte historique. Cette étape est de loin la plus difficile à
maîtriser. La quantité d’information disponible sur le contexte historique de
l’époque du Nouveau Testament est inabordable et grandissante. Mais il est difficile
de sous-estimer l’importance de cette étape. Chaque auteur présuppose un certain
répertoire en commun avec ses lecteurs, c’est-à-dire « toutes les capacités et
connaissances que les lecteurs d’une culture particulière sont censés posséder afin
de pouvoir lire avec compétence : (1) langue ; (2) normes sociales et scripts
culturels ; (3) littérature classique et canonique ; (4) conventions littéraires … et (5)
faits historiques et géographiques connus communément »2. Pour comprendre le
message de l’auteur il faut connaître son répertoire par une étude de son contexte
historique.
La première source d’information pour le contexte historique d’un texte du
nouveau Testament est les autres livres du Nouveau Testament. Le même auteur a
peut-être écrit d’autres livres dans le canon du Nouveau Testament. Les pensées

1
Daniel MARGUERAT et Yvan BOURQUIN, La Bible se raconte : Initiation à l’analyse narrative, Paris-Genève-
Montréal, Cerf-Labor et Fides-Novalis, 1998, p. 134.
2
Définition donnée par John A. DARR, On Character Building : The Reader and the Rhetoric of Characterization
in Luke-Acts, Louisville, KY, Westminster/John Knox Press, 1992, p. 171.
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exprimées par le même auteur ailleurs ou sa manière d’utiliser le même vocabulaire
ailleurs peuvent donner quelques indices sur sa pensée ou sur son emploie du
vocabulaire dans le texte que nous étudions. Les autres auteurs du Nouveau
Testament écrivaient à la même époque historique et avaient certainement une
expérience et un répertoire plus proche de l’auteur que la nôtre. Leurs idées peuvent
donner d’autres indices.
En général, il faut donner la priorité aux indices des différents contextes dans
l’ordre que nous les avons présentés : contexte littéraire proche, contexte littéraire
large, contexte intertextuel et contexte historique. Il semble peut-être étrange de
donner la priorité aux indices tirés de la Septante avant les indices tirés du Nouveau
Testament, mais il faut se rappeler que les auteurs du Nouveau Testament n’avaient
pas en main une copie du Nouveau Testament. Toutefois, il faut évaluer
l’importance des différents indices pour chaque texte. Pour certains passages, la
priorité des différents niveaux de contexte peut changer. Par exemple, les indices
trouvés dans les autres écrits par le même auteur sont assez souvent plus importants
que les liens du texte avec la Septante.
7) Il faut examiner le contexte moderne. L’exégète doit interpréter le texte pour les
lecteurs modernes. Donc, il faut aussi comprendre le contexte moderne afin de
pouvoir évaluer les différences et les ressemblances entre les deux horizons et de
pouvoir évaluer comment le texte peut s’appliquer au monde moderne.

I. La critique textuelle
En tant que chrétiens évangéliques nous croyons que la Bible est la Parole de
Dieu. C’est-à-dire elle est inspirée par Dieu et utile pour nous instruire dans la foi (2
Tim 3.16). Mais que veut dire cela ? Plus précisément, il faut dire que nos Bibles sont
des traductions des copies de la Parole de Dieu. Certes, Dieu a veillé sur ce processus et
a conservé des traductions qui représentent très bien les textes originaux. Mais l’on
peut facilement constater que certaines phrases se trouvent dans une Bible et pas dans
d’autres. Par exemple, l’explication sur l’ange qui agite l’eau dans la piscine de
Béthesda (Jn 5.4) ne se trouve pas dans la version TOB. Quelle Bible transmet

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fidèlement la Parole de Dieu ? Pourquoi cette phrase se trouve dans la version de Louis
Second et pas dans la TOB ? La réponse à cette question concerne la critique textuelle.
Ceux qui ne comprennent pas le travail de la critique textuelle ont tendance à se
confier aux plus anciennes versions parce que celles-là leur sont familières. Mais les
versions plus récentes représentent souvent mieux l’original écrit par l’auteur du
Nouveau Testament.
Le problème de la critique textuelle existe parce que nous n’avons pas les
documents originaux du Nouveau Testament. Par exemple, nous n’avons pas la lettre
écrite par l’apôtre Paul aux Romains. Cette lettre et tous les autres documents originaux
sont perdus. Nous n’avons que les copies et les copies des copies de ces documents.
Aujourd’hui nous avons environs 5000 manuscrits grecs du Nouveau Testament entier
ou en morceaux. Les meilleurs en entier et les plus valables remontent à l’année 350
environ. Certains morceaux datent du deuxième siècle. Le grand nombre de manuscrits
et leur ancienneté attestent la valeur accordée à ces documents. Si l’on compare les
manuscrits existants du Nouveau Testament avec ceux qui existent pour d’autres
documents anciens, on constate qu’il y a très peu de copies pour ces autres documents
et que ces copies sont beaucoup moins valables. Par exemple, nous possédons plusieurs
copies de La guerre des Gaulles de César (composée entre 58 et 50 av. J.-C.), mais
seulement 9 ou 10 qui soient valables et le plus ancien d’entre eux est postérieur de
900 ans à l’époque de César3.
Le travail de la critique textuelle consiste à « déterminer, à partir des preuves
disponibles, et avec autant d’exactitude que possible, quels sont les mots originaux des
documents »4. Ce travail a déjà été fait par des éditeurs des textes en grec du Nouveau
Testament. Deux éditions sont facilement disponibles et donnent un résumé du travail
textuel dans un apparat critique en bas de chaque page :
1) Novum Testamentum Graece : post Eberhard et Erwin Nestle, 27e éd., rév. par K.
Aland et al., Stuttgart, Deutsche Bibelgessellschaft, 1993 (abréviation NA) et

3
F. F. BRUCE, Les document du Nouveau Testament : Peut-on s’y fier ?, Fontenay-sous-Bois, Opération
Mobilisation, 1977, p. 16-17.
4
Ibid., p. 21.
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2) The Greek New Testament, éd. par K. Aland, M. Black, C. M. Martini,
B. Metzger et A. Wikgren, Stuttgart, United Bible Societies, 1993 (abbreviation UBS).
Pour comprendre l’apparat critique il faut lire l’introduction. L’apparat de NA est plus
complet que celui de UBS parce que UBS a été conçu pour les traducteurs et ne contient
que les variantes qui peuvent changer la traduction.
La critique textuelle est une science très technique et l’interprète doit très
souvent faire confiance aux spécialistes. L’étudiant ne deviendra pas expert en la
matière dans un cours d’initiation à l’exégèse. Mais une connaissance moyenne de la
matière aidera l’interprète à reconnaître les variantes encore débattus et à évaluer
certains choix dans les éditions critiques du Nouveau Testament en grec.
1. Les types de variantes
Les variantes peuvent être accidentelles ou délibérées. Les variantes
accidentelles viennent d’un lapsus de vue, de l’ouïe ou du cerveau. La cause des
variantes délibérées est très souvent le copiste qui veut consciemment ou
inconsciemment améliorer le texte. Il y a 4 types de variantes.
1. Un ajout. Le copiste ajoute un ou plusieurs mots au texte.
2. Une omission. Le copiste omet un ou plusieurs mots du texte.
3. Une transposition. Le copiste change l’ordre des mots.
4. Une substitution. Le copiste substitue un ou plusieurs mots pour un ou plusieurs mots
dans le texte qu’il copie.
2. Les critères employés dans l’évaluation des leçons variantes
Lorsque plusieurs variantes se présentent dans les différents manuscrits et
traductions du Nouveau Testament, l’interprète doit les évaluer afin de choisir celle
qui, selon les probabilités, représente l’original. Un certains nombre de critères ont été
établis dans l’évaluation de ces variantes. La règle de base est de choisir « la leçon qui
explique l’origine des autres »5. Trois types d’indices sont examinés dans ce choix :
1) les indices externes de la fiabilité des manuscrits,

e
5
M.-J. LAGRANGE, Introduction à l’étude du Nouveau Testament, 2 partie, Critique Textuelle II, La Critique Rationnelle,
e
2 éd., Paris, Gabalda, 1935, p. 21. Cf. aussi Bruce M. METZGER, The Text of the New Testament: Its Transmission,
e
Corruption, and Restoration, 3 éd., New York/Oxford, Oxford University Press, 1992, p. 207.

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2) les indices internes du document et
3) les probabilités de transcription6.
1. Les indices externes
A. La date et le caractère des témoins – En générale, les manuscrits les plus anciens
ont moins d’erreurs. Des erreurs entrent chaque fois que le manuscrit est recopié.
Les manuscrits les plus récents sont probablement des copies des copies des
copies… et risquent d’avoir plus d’erreurs. Mais il faut aussi considérer la date et
le caractère du type de texte représenté par le manuscrit et le degré de soins pris
par les copistes du manuscrit. Le manuscrit est-il reconnu d’avoir moins ou plus
d’erreurs ?
B. La distribution géographique des témoins – On donne plus de poids à un nombre
de manuscrits soutenant une même variante si les manuscrits viennent des lieux
géographiquement éloignés les uns des autres. Mais parfois une dépendance est
établie malgré les distances.
C. La relation généalogique des témoins – Une vingtaine de témoins peut avoir
copié le même manuscrit et ainsi soutenir la même variante. Il faut peser la
valeur des variantes en fonction des familles de manuscrits auxquelles les
manuscrits appartiennent.
D. Il faut peser les témoins au lieu de les compter.
2. Les indices internes – Y a-t-il une cohérence avec le style, le vocabulaire et le
contexte du livre.
3. Les probabilités de transcription – annotations, éclaircissements, harmonisations, et
erreurs des copistes
A. En général, la variante la plus difficile est à adopter.
B. En général la variante la plus brève est à adopter, sauf où l’œil du copiste aurait
sauté d’un mot à un autre qui lui ressemble et sauf où le copiste aurait sauté des
mots superflus, trop sévères ou contraires à la foi ou à la pratique religieuse du
copiste.

6
METZGER, The Text of the New Testament, p. 209-10.

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C. Les copistes aimaient harmoniser leurs textes avec d’autres passages parallèles.
Donc, en général, la variante moins parallèle est à adopter.
D. Les copistes ont parfois remplacé un mot moins connu par un mot plus connu.
E. Les copistes ont parfois remplacé une forme grammaticale ancienne ou moins
élégante par une autre plus contemporaine.
F. Les copistes ont parfois ajouté des pronoms, des conjonctions ou des explétifs
afin de rendre le texte plus facile à lire7.
3. L’emploi de l’apparat critique de UBS
Une page de UBS (Lc 24.33-43) est reproduite à la page suivante pour faciliter
les explications sur l’apparat critique.
L’apparat critique se trouve en bas de la page sous la ligne qui traverse la page.
Il est divisé en trois sections séparées par de courtes lignes.
Les leçons variantes
La première section contient les renseignements sur les leçons variantes du texte.
Les problèmes textuels sont numérotés depuis le début de chaque chapitre. Dans le
passage reproduit il y a les numéros 9 à 11. L’apparat donne aussi le numéro du verset
en gras où se trouve le problème textuel. Le premier problème textuel se trouve au
verset 36.
Le numéro du verset est suivi d’une lettre entre accolades {B}. La lettre représente le
degré de doute attribué au choix des éditeurs de UBS. La lettre {A} signifie que le texte
est presque certain. La lettre {B} signifie qu’il y a un peu de doute. La lettre {C} signifie
qu’il y a un doute considérable. La lettre {D} signifie qu’il y a un degré très élevé de
doute concernant la lecture choisie pour le texte. Ces lettres peuvent aider l’étudiant à
choisir les variantes qu’il faut évaluer dans un travail d’exégèse.
Dans le premier exemple le texte choisi par UBS est répété (kai. le,gei auvtoi/j\
eivrh,nh u`mi/n). Le texte est suivi par la remarque entre parenthèse (see Jn 20.19, 26).
La même phrase exacte se trouve dans Jn 20.19. Jn 20.26 donne kai. ei=pen à la place

7
Bruce M. METZGER, A Textual Commentary on the Greek New Testament, Londres/New York, United Bible
Societies, 1975, p. xxv-xxviii.
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de kai. le,gei auvtoi/j. L’apparat signale les parallèles parce que les copistes aimaient
harmoniser leurs textes avec les textes parallèles.
Une liste d’abréviations de différents manuscrits suit. Pour comprendre les
abréviations il faut chercher dans l’introduction. P 75 représente un manuscrit écrit sur
papyrus datant du début du troisième siècle. A représente un manuscrit écrit en
onciaux (lettres capitales) appelé Sinaïticus datant du 4 ème siècle et contenant tout le
Nouveau Testament. La liste des onciaux est suivie d’une liste de minuscules
1 13
(manuscrits écrits en lettres minuscules). f et f représente des familles de
minuscules. La minuscule 28 remplace le,gei par ei=pen, comme dans Jn 20.26. Les
minuscules sont suivies par des textes de lectures hebdomadaires liturgiques, des
traductions et des citations par des pères de l’église.
Deux lignes en parallèle // séparent chaque leçon variante. Plusieurs variantes
ajoutent d’autres mots venant de textes parallèles. Le texte occidental (D) et plusieurs
manuscrits en latin (ii) omettent la phrase.
Si l’on évalue ces variantes selon les critères établies ci-dessus, les indices externes
favorisent le texte plus long adopté par UBS, mais les probabilités de transcription
favorisent le texte plus bref contenu dans les variantes occidentales. Pour ce verset et
d’autres semblables Westcott et Hort ont retenu les textes plus brefs du texte occidental
(Western non-interpolations, Lc 22.19-20 ; 24.3, 6, 12, 36, 40, 51, 52) 8. Le comité de la
Société Biblique a préféré les textes plus longs du texte alexandrin, mais avec un
désaccord fortement exprimé par la minorité9.

8
Introduction, p. 175-77, Appendix p. 63-64, 71-73.
9
METZGER, Textuel Commentary, p. 176-77, 183-84, 186-87, 189-93.
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La ponctuation
La deuxième section dans l’apparat critique donne les différentes possibilités de
ponctuation. En général, les manuscrits n’ont pas de signe de ponctuation et l’exégète
doit les fournir. Un désaccord entre les différents textes est signalé ici. Westcott et Hort,
Bover, l’édition de Nestlé de la British and Foreign Bible Society et peut-être Nestlé
pensent que la construction de la citation est indirecte. Les autres textes suivant les
deux lignes parallèles // pensent que la construction est directe.
Les parallèles
La dernière section dans l’apparat critique donne des textes parallèles : citations,
allusions ou autres.
4. Suggestions pour l’emploi de la critique textuelle dans l’exégèse d’un
passage
1. Comparer les différents textes en grec afin de voir les désaccords (selon vos
possibilités).
2. Examiner l’apparat critique pour les variantes dont l’évaluation de UBS attribue un
doute considérable au choix adopté ({C} et {D}).
3. Lire le commentaire de Bruce M. Metzger sur ces choix, A Textual Commentary on
the Greek New Testament.
4. Evaluer ces variantes dans le contexte de votre exégèse.

II. LA STRUCTURE
Un texte est compréhensible parce qu’il est structuré selon une logique que l’on
peut analyser. Notre communication, orale ou écrite, suit des règles grammaticales et
syntaxiques. Les mots sont assemblés dans des propositions, des phrases et des
paragraphes selon une logique communément établie dans la langue de
communication. Les mots sont liés aux autres mots par des liens logiques. Une
connaissance de ses règles grammaticales et syntaxiques est une nécessité préalable à
une bonne exégèse. L’étudiant n’est pas obligé de maîtriser toutes ces règles, mais il

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doit savoir quand et comment utiliser des outils de travail contenant ces règles. À notre
connaissance la plupart de ces outils n’existent pas en français 10. Ils existent en anglais11
et en allemand.
Nous recommandons deux types d’exercices pour analyser la structure d’un
texte. Le premier est une analyse détaillée du texte où l’étudiant examine la forme et la
fonction de chaque proposition et de chaque mot dans le texte. Le deuxième est la
construction d’un tableau récapitulatif pour visualiser la fonction des différents
éléments du texte.

III. LE VOCABULAIRE
Il faut déterminer la signification des mots importants dans le texte. Il est
extrêmement important de se rappeler que le contexte donne aux mots leur
signification. Un terme peut avoir un certain nombre de significations possibles, mais le
choix entre les significations possibles doit être déterminé par le contexte. C’est
pourquoi nous avons mis la traduction des termes dans la section précédente entre
guillemets. La tâche de l’interprète est de déterminer la signification précise que
l’auteur veut donner au terme dans son contexte. Pour compléter cette étape, il faut
d’abord choisir les termes à étudier. Puis, il faut comprendre comment les étudier. Pour
faire cette étude il faut apprendre à utiliser certains outils de référence.
1. Comment choisir les termes à étudier ? 12
1) Il faut choisir les termes reconnus d’être chargés d’une signification théologique
dans la Bible. Le concept de « la chair » chez Paul, par exemple, n’est pas limité à la

10
Voici 2 outils en français : J. W. WENHAM, « Résumé de grammaire : Syntaxe », Initiation au Grec du Nouveau
ème
Testament, 3 éd., Paris, Beauchesne, p. 249-253, Maurice CARREZ, « La syntaxe », Grammaire grecque du Nouveau
ème
Testament, 6 éd., Genève, Labor et Fides, p. 117-52.
11
Voici quelques grammaires utiles en anglais : James A. BROOKS et Carlton L. Winbery, Syntax of New Testament
Greek, Lanham/New York/Londres, University Press of America, 1979, 179p ; Ernest De Witt BURTON, Syntax of the
e
Moods and Tenses in New Testament Greek, 3 éd., Edimbourg, T & T Clark, 1976, VIII-214 ; H. E. DANA et Julius R.
MANTEY, A Manual Grammar of the Greek New Testament, Toronto, Macmillan, 1957, 368p ; A.T. ROBERTSON, A
Grammar of the Greek New Testament in the Light of Historical Research, Broadman Press, Nashville, 1934, LXXXVI-
1454 ; Daniel B. WALLACE, Greek Grammar Beyond the Basics, Grand Rapids, Zondervan, 1996.
e
12
Ces critères sont tirés de Gordon D. FEE, New Testament Exegesis : A Handbook for Students and Pastors, 3 éd.,
Louisville, Westminster/John Knox press, 2002, p. 80-81.

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substance molle du corps humain. Il ne faut pas présupposer que vous connaissez la
signification des termes semblables. Dans 1 Cor 2.6-8 beaucoup de termes tombent
dans cette catégorie : sagesse, parfaits, siècle, mystère, prédestiner, gloire.
2) Il faut choisir les termes dont la signification dans le passage est ambiguë. Par
exemple, dans 1 Cor 2.6-8 les termes « parfaits » et « chefs » sont ambigus.
3) Il faut choisir les termes répétés dans le passage ou signalés importants par la
structure du passage. Dans 1 Cor 2.6-8 « sagesse » et « siècle » sont répétés 3 fois ou
plus. « Chefs » et « gloire » sont répétés 2 fois. L’importance du terme « sagesse » est
aussi signalée par son emplacement au début de la phrase dans 1 Cor 2.6.
4) Il faut choisir les termes dont la signification semble différer de la signification
normale du terme. Dans 1 Cor 2.6-8 le terme « parfaits » ne semble pas signifier « ce
qui est au plus haut dans l’échelle des valeurs » et « siècle » ne semble pas signifier
« une période de 100 ans ». Ce critère ressemble au premier.
Dans ce court passage il y a un grand nombre de mots importants pour
l’interprétation du passage. Dans un travail d’exégèse il faut examiner tout ce
vocabulaire. Mais, on n’a pas besoin d’examiner tout le vocabulaire avec le même soin.
Il faut suivre les étapes dans un ordre logique afin de pouvoir réduire le nombre de
termes dont la signification devient plus claire avec un examen abrégé.
2. Étapes d’une analyse du vocabulaire
1) La recherche lexique des définitions préliminaires.
On peut commencer avec le petit Dictionnaire grec-français du Nouveau Testament,
par Maurice CARREZ et François MOREL. Il faut noter les différentes définitions pour
chaque mot de vocabulaire. En générale les mots dont les auteurs donnent plus de
possibilités de définitions sont plus importants à analyser. Les possibilités sont signalées
par des numéros en gras (1), (2), (3), etc. Par ex, pour le terme a;rcwn, ontoj, les
éditeurs donnent trois possibilités, (1) chef, prince, (2) chef de la synagogue, des juifs,
des prêtres, les autorités et (3) au pluriel désigne les puissances (dominations), esprits
(mauvais ?) qui agissent sur et à travers les autorités humaines. Le choix des textes
pour chaque possibilité est déjà une interprétation. CARREZ et MOREL attribuent la

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troisième signification à notre texte. Pour le moment nous ne voulons pas accepter
aveuglément leur interprétation. Il faut noter tout simplement qu’il y a trois possibilités
de signification.
Il vaut mieux chercher ces mêmes mots dans le Greek-English Lexicon of the New
Testament and Other Early Christian Literature, par BAUER, ARNDT, GINGRICH et
DANKER (BAGD). Pour le terme a;rcwn BAGD donnent 5 possibilités dans deux
catégories. 1) un chef, seigneur ou prince, a) des personnages terrestres, b) du Christ et
c) des personnages transcendants, esprits mauvais et 2) personne ayant une autorité
administrative a) des chefs juifs ou b) des officiers païens. On ne doit pas choisir tout
simplement entre différentes possibilités celle qui nous convient le mieux. Le contexte
littéraire et historique de l’emploi doit déterminer la bonne signification pour notre
texte..
a. La recherche des emplois du terme. Pour cette tâche il faut se servir d’une
concordance en grec ou d’un logiciel informatique. Dans ces notes nous nous
servirons d’abord de la Concordance to the Greek Testament par Moulton, Moulton et
Geden pour le Nouveau Testament et de la Concordance to the Septuagint par Hatch
et Redpath pour l’Ancien Testament. Lorsqu’on examine les emplois du terme, il ne
faut pas se limiter à un examen de la traduction du terme. Il faut constater comment
le terme est employé dans chaque contexte. L’emploi dans le contexte littéraire. Il
faut examiner toutes les fois que le terme est employé dans l’œuvre littéraire où se
trouve notre texte. Pour le terme a;rcwn, nous constatons qu’il est employé
seulement 2 fois dans le livre (1 Cor 2.6, 8.
b. L’emploi du même auteur. Il faut examiner toutes les fois que le même terme est

employé par le même auteur. Ceci exige parfois un travail historico critique. Il faut
établir les œuvres écrites par le même auteur. Pour notre exemple nous acceptons
l’attribution traditionnelle donnée dans le texte des livres du Nouveau Testament.
Donc les écrits pauliniens seraient : Rom, 1 Cor, 2 Cor, Gal, Eph, Phil, Col, 1 Th, 2
Th, 1 Ti, 2 Ti, Tit et Philémon. Il y a deux emplois dans cette littérature. Dans Ro
13.3 il semble se référer à une personne ayant une autorité administrative dans le

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monde païen. Dans Eph 2.2 il s’agit d’un personnage ayant « l’autorité de l’air » et
de « l’esprit qui agit maintenant dans les fils de la rébellion ». Le terme se réfère
donc au monde des esprits mauvais. Ayant établi que Paul emploie ce terme de ces
deux façons, pour une autorité humaine et pour un esprit ayant autorité, le contexte
littéraire de 1 Cor doit déterminer la signification dans 2.6-8.
c. L’emploi dans le contexte de la LXX. Il faut examiner toute les fois que le terme

est employé dans la LXX. Le terme est employé 576 fois dans la LXX. (Si le nombre
des emplois est trop grand pour analyser dans le temps que l’on peut consacrer à
cette étape, on peut se référer à un résumé des emplois. Le Theological Dictionary of
the New Testament, édité par Gerhard KITTEL, donne de tels résumés pour le
vocabulaire du Nouveau Testament. La suite vient du vol. 1, p. 488-89 (tiré d’un
article de Gerhard DELLING). La majorité des fois il se réfère à un personnage
humain important qui exerce une autorité. Dans Dan 10.13 il semble se référer à un
être céleste qui représente une autorité terrestre. Le chef qui représente Israël est
l’archange Michel.
d. L’emploi dans le Nouveau Testament. Il faut examiner toutes les fois que le terme
est employé dans le Nouveau Testament. Le terme est employé 37 fois dans le
Nouveau Testament (voir l’extrait). Le plus souvent il s’agit des personnes exerçant
une autorité civile ou religieuse. 4 versets dans les synoptiques parlent du « prince
des démons » (Mt 9.34 ; 12.24 ; Mc 3.22 ; Lc 11.15). Jean parle du chef de ce
monde (12.31 ; 14.30 ; 16.11).

IV. LE CONTEXTE LITTERAIRE


1. Le genre littéraire
Le genre littéraire indique le type de conventions littéraires suivi par l’auteur
dans la rédaction de son œuvre. C’est-à-dire l’auteur écrit son œuvre en suivant
consciemment ou inconsciemment un certain nombre de « règles » venant de la
tradition littéraire de son époque. Ces « règles » sont reconnues consciemment ou
inconsciemment par ses lecteurs et les aident à comprendre le texte. Dans le Nouveau

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 16 sur 34


Testament nous distinguons trois genres littéraires et un bon nombre de sous-genres 13.
Matthieu, Marc, Luc-Actes et Jean sont des exemples de récits. L’apocalypse représente un
genre qu’on appelle aussi apocalypse. Tous les autres livres du Nouveau Testament sont
des épîtres. Les récits et l’apocalypse doivent être examinés dans d’autres cours. Nous
voulons examiner ici le genre d’épîtres.
« Les ép. du N.T. sont toujours des écrits de circonstances réels, nés dans un
certain contexte historique donné ; elles s’adressent à des destinataires bien précis pour
répondre à des questions posées, corriger des erreurs, redresser des torts, exhorter,
avertir, louer ou tancer [réprimander] les gens … Néanmoins, les rédacteurs de ces ép.
ont conscience de donner dans ces lettres un enseignement dont la portée dépasse la
circonstance et les destinataires immédiats. Ils supposent qu’elles seront lues dans
toutes les communautés de la ville (Rom. 16.5, 15) ou de la province (1 Cor 1.2), et
même qu’elles circuleront d’une Eglise à l’autre (Col. 4.16) ».14 Certains indices du texte
peuvent éclairer les circonstances de l’écrit. Par exemple, nous savons que Paul répond
à plusieurs questions posées par les destinataires dans 1 Corinthiens : sur des vierges
(7.1), sur la viande sacrifiée aux idoles (8.1), sur les dons spirituels (12.1). Il corrige
aussi certains problèmes : le problème des divisions (1.11), le problème de la débauche
(5.1), le problème des procès entre croyants (6.1). L’interprète doit examiner comment
son texte est lié à ces problèmes et à ces questions.
Les épîtres suivent très souvent le même schéma que les autres épîtres de
l’époque. Elles ont une introduction épistolaire contenant le nom de l’auteur, le nom du
(des) destinataire(s) et une salutation. Cette introduction est suivie d’une section de
transition exprimant des liens entre l’auteur et les destinataires. Dans le Nouveau
Testament la transition contient souvent des reconnaissances ou une prière pour les
destinataires. Le corps de l’épître contenant les sujets que l’auteur veut aborder suit la
transition. L’épître se termine par une clôture contenant souvent des salutations et des
bénédictions. Comment l’auteur se sert-il du schéma pour ses buts ?

13
P. ex., paraboles, discours, récits d’annonce de naissance, récits de miracles, hymnes, etc.
14
Nouveau Dictionnaire Biblique, Emmaüs, 1992, p. 419.

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 17 sur 34


2. Le contexte littéraire
Tous les détails d’une épître sont liés logiquement à tous les autres détails de
l’épître. Donc, on peut trouver des détails importants à l’interprétation d’un texte dans
tout le livre. Mais, les liens logiques les plus pertinents à la compréhension d’un texte
sont souvent les plus proches. Donc, le contexte littéraire proche doit être examiné avec
plus de soin que le contexte large. La difficulté est de savoir où s’arrête le contexte
proche et où commence le contexte large. On ne peut pas simplement compter un
certain nombre de versets ou de chapitres en amont et en aval du texte. Il faut faire un
découpage logique du texte selon les thèmes et l’organisation logique de l’auteur. Pour
ce travail de découpage nous recommandons aux étudiants de faire un survol du livre
(voir le survol d’une épître en annexe).
Selon notre survol de 1 Corinthiens (p. 21-22), 2.6-8 se trouve dans la section
concernant les divisions dans l’église (1.10-4.21). Nous constatons aussi que les deux
termes signalés les plus importants par la structure de notre passage (p. 10, ci-dessus)
sont surtout répétés dans cette section : sagesse (sofi,a, 16 fois sur 17, 1.17, 19, 20,
21[2x], 22, 24, 30 ; 2.1, 4, 5, 6[2x], 7, 13 ; 3.19 ; 12.28), siècle (aivw,n, 6 fois sur 8,
1.20 ; 2.6[2x], 7, 8 ; 3.18 ; 8.13 ; 10.11). Donc, la section du verset 1.10 jusqu’au
verset 4.21 est un contexte très pertinent pour l’interprétation de notre passage.
Comme ce contexte semble trop long pour une analyse détaillée de la logique du texte,
nous recommandons un autre survol de cette section afin de pouvoir tirer des
inférences sur la section et une analyse plus détaillée sur la sous-section qui sera définie
par le survol.
Selon le survol de la section de 1 Corinthiens 1.10-4.21, notre texte (2.6-8) se
trouve dans la sous-section de 1.17-2.16 où l’apôtre explique une première cause des
divisions dans l’église : une mauvaise évaluation de la sagesse. Dans cette section la
sagesse de Dieu se trouve en contraste avec la sagesse de ce monde. Nous retrouvons
ainsi les termes signalés importants par la structure de notre passage. La grande
majorité des répétitions de ces termes se trouve dans cette sous-section : sagesse (15

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 18 sur 34


fois sur 17), siècle (5 fois sur 8). Ainsi, nous voulons tirer certaines conclusions à partir
des survols du livre et de la section sur les divisions dans l’église et étudier plus
soigneusement ce contexte proche (1.17-2.16) et la reprise du sujet indiquée par la
répétition des termes (3.18-23).

V. LE CONTEXTE INTERTEXTUEL

Le contexte intertextuel concerne les textes qui auraient servis de base ou


d’inspiration pour le texte que nous examinons. La tâche de l’interprète est de discerner
si un tel lien existe entre deux textes et comment le contexte d’un texte aurait influencé
la rédaction d’un autre texte. Il est parfois facile de trouver ces liens. Une note en bas
de la page de notre Bible peut nous envoyer à un texte de l’Ancien Testament ou à un
autre texte du Nouveau Testament qui emploie une même phrase. Une recherche de
vocabulaire, telle que nous venons de faire, peut aussi dévoiler une phrase identique ou
semblable.
Beaucoup de ces liens existent parce que les auteurs du Nouveau Testament se
nourrissaient des textes de l’Ancien Testament et surtout de la version grecque de ces
textes qu’on appelle la Septante. L’auteur du texte du Nouveau Testament peut citer,
consciemment ou inconsciemment, un texte de l’Ancien Testament. Il peut aussi
employer le vocabulaire ou l’idée d’un texte de l’Ancien Testament qui est gravé dans
sa conscience. Pour comprendre comment un auteur fait cela, on peut prendre le cas
d’un ancien prédicateur aujourd’hui. Il a tellement l’habitude de citer les textes
bibliques qu’il emploie un vocabulaire biblique pour parler des affaires de tous les
jours. Pour une personne qui n’est pas habituée au vocabulaire biblique le langage du
prédicateur paraît étrange. Ceux qui connaissent la Bible ont moins de difficultés pour
le comprendre parce qu’ils sont conscients du contexte d’où il tire son vocabulaire.
Pour mieux comprendre le Nouveau Testament, nous devons acquérir une meilleure
connaissance de l’Ancien Testament, d’où les auteurs du Nouveau Testament tiraient
leur vocabulaire et leurs idées.

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 19 sur 34


Des liens entre les évangiles synoptiques sont aussi très faciles à repérer. Ces
textes contiennent de nombreuses phrases identiques ou semblables. Mais, comme les
dates et le processus de rédaction pour ces textes sont encore très débattus, il est
difficile de tirer une conclusion sur l’influence d’un texte sur un autre. Beaucoup
d’interprètes tirent des conclusions sur l’hypothèse que Matthieu et Luc se sont servis
de Marc et d’un texte qu’on appelle « Q » pour rédiger leur évangile. Trois faits rendent
ces conclusions incertaines : (1) la priorité de Marc n’est pas établie, (2) aucun
manuscrit existant ne correspond à ce qu’on appelle « Q » et (3) l’influence des
traditions orales peut être beaucoup plus importante que ces interprètes ne l’imaginent.
L’influence intertextuelle n’est pas limitée aux textes cites par les auteurs du
Nouveau Testament ou aux textes auxquels ils font allusion. Comme nous avons
suggéré par l’exemple de l’ancien prédicateur ci-dessus, un auteur peut simplement
tirer un mot de vocabulaire ou une idée du contexte de la Septante. Le texte de
Matthieu 5.48, « Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait », tire
probablement son inspiration de Lévitique 19.2, « Soyez saints, car je suis saint, moi,
l'Éternel, votre Dieu ». Le vocabulaire n’est pas le même. Mais l’idée que notre conduite
doit ressembler à la conduite de Dieu est reprise dans un contexte où l’amour de son
prochain est le thème (Mt 5.44 ; cf. Lév 19.18).
Souvenons-nous que l’étape du contexte intertextuel de ne s’arrête pas au
discernement d’un lien. Il faut ensuite discerner comment le contexte d’un texte aurait
influencé la rédaction du texte que nous essayons d’interpréter. Par exemple, pour le
texte que nous venons de citer, beaucoup d’interprètes préfèrent attribuer la
connotation de maturité spirituelle au terme « parfait » employé par Matthieu. Mais si
l’auteur s’inspire du texte de Lévitique, où cette phrase se trouve en tête d’une série
d’instructions sur la conduite souhaitée pour son peuple, l’auteur parle probablement
de la perfection morale dont Dieu est le modèle pour son peuple.
L’examen du contexte intertextuel hors de l’examen du vocabulaire employé
dans le texte exige une bonne connaissance de toute la Bible. Très souvent l’interprète
est obligé de faire un recours aux sources secondaires pour trouver les parallèles.

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 20 sur 34


Certaines éditions de la Bible contiennent des références parallèles qu’on peut
consulter. On peut aussi consulter des dictionnaires, des encyclopédies et des
commentaires.
Aucun texte de la Septante ou du Nouveau Testament ne semble donner un
parallèle aussi clair pour le texte que nous venons d’étudier dans 1 Cor 2.6-8. Il y a
toute une littérature sapientielle (Proverbes, Sagesse de Salomon, etc.) où le concept de
« sagesse » est abordé. Mais il est difficile de préciser un texte qui aurait servi de base
pour les idées de l’auteur dans ce passage. Toutefois, une connaissance de cette
littérature aide l’interprète à reconnaître l’importance du concept qui se trouve en
arrière plan de ce texte. Cette connaissance appartient au contexte historique que nous
aborderons dans la prochaine étape.
Il y a une citation claire de l’Ancien Testament tout au début de cette section
littéraire sur la sagesse (1.17-2.16, voir le survol de 1.10-4.21, p. 23). Paul écrit,
« Aussi est-il écrit: Je détruirai la sagesse des sages, Et je rendrai nulle l'intelligence des
intelligents » (1 Cor 1.19 ; cf. Es 29.14 LXX).15 Le contexte d’Esaïe ne donne pas une
base claire pour la compréhension du passage de Paul. Il semble que Paul tire ce texte
d’Esaïe parce qu’il convient à ce qu’il veut dire sur la sagesse aux Corinthiens et non
pas parce qu’il est inspiré par le texte d’Esaïe.

VI. LE CONTEXTE HISTORIQUE

La communication écrite présuppose un grand nombre de connaissances en


commun. Lorsque Paul parle de « ce siècle », par exemple, il présuppose que ses
lecteurs sont capables de donner la signification correcte à ce terme. Il ne donne
aucune définition du terme. Dans notre contexte historique, nous pensons tout de suite
à une période de 100 ans, parce que nous étudions l’histoire et décrivons les
événements selon le siècle où l’événement a eu lieu. Nous vivons dans le 21 ème siècle,
un siècle caractérisé par une explosion d’information. Le 20 ème siècle était caractérisé
par beaucoup de découvertes scientifiques. À l’époque du Nouveau Testament les juifs
15
Paul change le dernier verbe de la phrase d’Esaïe, se basant probablement sur Ps 33.10.
Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 21 sur 34
ne parlaient pas des siècles de cette manière. Ils parlaient plutôt de deux siècles : un
‘siècle’ présent rempli de difficultés et de problèmes que nous expérimentons
maintenant et un ‘siècle’ à venir où Dieu interviendra pour résoudre les problèmes du
‘siècle’ présent. Cette connaissance historique est nécessaire à la compréhension de
l’emploi de ce terme dans notre texte.
Une connaissance du contexte historique est essentielle à l’interprétation de
n’importe quel texte. Comme les écrits du Nouveau Testament sont très éloignés de
nous dans le temps et dans l’espace, le risque d’une mauvaise compréhension liée à une
manque de connaissance du contexte historique est très grand.
Comment acquérir cette connaissance ? Il faut d’abord se rendre compte que l’on
ne peut jamais maîtriser la connaissance du contexte historique. La quantité
d’information disponible aujourd’hui sur la période du Nouveau Testament dépasse la
capacité humaine à la maîtriser. Même si l’on pouvait maîtriser la connaissance
disponible, beaucoup d’information serait encore manquante. L’interprète biblique a
besoin d’augmenter ses connaissances toute sa vie et de se servir des travaux d’autres
enquêteurs.
Il y a deux types de sources pour acquérir une connaissance du contexte
historique du Nouveau Testament. Il y a les sources primaires, c’est-à-dire tous les
écrits ou objets appartenant à l’époque du Nouveau Testament, et les sources
secondaires, c’est-à-dire les conclusions et résumés tirées des sources primaires.
L’interprète se sert de ces sources dans la mesure de leur disponibilité et du temps dont
il dispose pour ce travail. La plupart du temps nous devons nous contenter des sources
secondaires. Mais certaines sources primaires ne doivent pas être négligées.

1. Les sources primaires


Où peut-on trouver les sources primaires ? La première source à ne pas négliger
est la Septante, contenant les livres canoniques et certains livres deutérocanoniques. En
tant que protestants nous estimons que ces livres deutérocanoniques ou apocryphes ne
sont pas utiles pour s’instruire dans la foi, mais ces livres sont une excellente source du

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 22 sur 34


contexte historique, parce que l’époque de leur rédaction est proche de l’époque du
Nouveau Testament. Nous avons dit ci-dessus qu’une connaissance du concept de la
sagesse dans la littérature sapientielle pourrait aider l’interprète à reconnaître son
importance pour les lecteurs de Paul. Cette « sagesse » n’est pas limitée aux livres
canoniques de l’Ancien Testament. Par exemple, les livres deutérocanoniques de
Siracide et de la Sagesse de Salomon contiennent de nombreux passages sur la sagesse.
Une deuxième bonne source primaire du contexte historique est le Nouveau Testament.
Les livres écrits par le même auteur sont une excellente source pour mieux connaître la
pensée de l’auteur et mieux comprendre son emploie de vocabulaire. L’étude de cette
information est souvent plus utile que l’étude intertextuelle. Les autres livres du
Nouveau Testament sont aussi une très bonne source du contexte historique. Les
tableaux suivants donnent quelques observations tirées du Nouveau Testament et les
inférences que l’on peut en tirer pour l’interprétation de notre passage sur la sagesse
dans 1 Corinthiens.
Une autre bonne source pour le contexte historique est les écrits
pseudépigraphes de l’Ancien Testament. Une œuvre à deux volumes édités par James
H. Charlesworth contient un grand nombre de ces documents primaires (The Old
Testament Pseudepigrapha, Doubleday, New York/Londre/Toronto, 1983). Certains
textes en grec sont disponibles à http://ocp.acadiau.ca/.
D’autres sources primaires sont disponibles mais un peu moins facile à consulter.
Pour ces textes il faut probablement consulter une source secondaire. Les manuscrits de
la Mer Morte sont publiés16 mais difficile à consulter. Environs 800 textes écrits entre
250 ans avant J.C. et 68 après jettent un éclairage direct à la période néotestamentaire.
L’œuvre d’André DUPONT-SOMMER, Les Écrits esséniens découverts près de la mer Morte,
Paris, Payot, 1959, 446p, décrit cette secte qui habitait dans le désert judéen à l’époque
du Nouveau Testament. Les œuvres de Philon d’Alexandrie, un philosophe helléniste
juif du premier siècle, sont publiés par les Éditions du Cerf. Une traduction en anglais
par C. D. Yonge est disponible en ligne à http://earlychristianwritings.com/yonge/.
Les œuvres de Flavius Josèphe, un historien helléniste juif du premier siècle, sont
16
Discoveries in the Judean Desert, 39 vol. publiés par Oxford Press.
Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 23 sur 34
traduites en français et disponibles en ligne à http://fdier.ifrance.com/josephe.pdf. Le
texte du Talmud babylonien traduit en anglais par Michael L. Rodkinson (1903) est
disponible en ligne à http://sacred-texts.com/jud/. Le Talmud est une vaste
compilation des traditions juives relatives à l’A.T. Sa rédaction remonte au 4 ème siècle
après J.C. Il est difficile d’établir l’antiquité des traditions et connaître quelles
traditions représentent le pharisaïsme de l’époque du Nouveau Testament.

2. Les sources secondaires


Les sources secondaires sont très nombreuses. Il faut savoir où trouver ces
sources et comment les évaluer. Ce qui suit vise à orienter l’étudiant vers une
connaissance des ressources disponibles.
Où trouver les sources secondaires ?
1. Les sources consacrées à la connaissance générale de toute la Bible : On peut trouver des
dictionnaires, des encyclopédies et des atlas dans les rayons usuels de la bibliothèque.
Le Nouveau dictionnaire biblique, édité par Emmaüs est une excellente source secondaire
d’information historique. Il vaut la peine d’en procurer une copie et de le consulter
pour améliorer sa compréhension du vocabulaire de la Bible. Mais les dictionnaires
multi volumes contiennent plus d’information et sont plus utiles pour des études plus
sérieuses. Par exemple, le Nouveau dictionnaire biblique explique l’idée de la séparation
de l’histoire en deux « siècles » et donne plusieurs textes bibliques pour soutenir cette
idée (p. 1212-13). Mais l’article sur le terme dans le Theological Dictionary of the New
Testament en 10 volumes, édité par Gerhard Kittel, nous informe aussi que l’idée de la
séparation de l’histoire en deux siècles est empruntée à la littérature apocalyptique
juive, et en donne des exemples de cette littérature (Vol. 1, p. 206-07) que nous ne
trouvons pas dans le Nouveau dictionnaire biblique.
Un parcours des rayons de la bibliothèque révèle un bon nombre de
dictionnaires et encyclopédies. En français nous notons, entre autres, le Dictionnaire de
la culture biblique par Maurice Carrez et le Dictionnaire encyclopédique. En anglais nous

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 24 sur 34


notons The Interpreters Dictionary of the Bible¸ The Anchor Bible Dictionary et les deux
éditions de The International Standard Bible Encyclopedia.
2. Les sources consacrées à différentes sections de la Bible et à différents sujets précis : Il
serait avantageux de parcourir les rayons de la bibliothèque consacrés à la
connaissance historique de la Bible afin de se familiariser avec les ressources
disponibles. Nous suggérons les rayons suivants : le monde de la Bible, le monde du
Nouveau Testament, la géographie biblique, l’archéologie biblique, l’introduction à la
Bible, l’introduction au Nouveau Testament, les introductions pour les différentes
sections du Nouveau Testament (évangiles, Paul, etc.). Les introductions à la théologie
contiennent aussi certaines informations historiques.
3. Les sources consacrées à différents livres de la Bible : Il s’agit ici des commentaires et
des œuvres qui examinent différents livres dans la Bible ou des sujets dans ces livres.
On peut parcourir les rayons consacrés aux différents livres de la Bible et faire des
recherches informatiques sur les sujets en particulier.
Comment évaluer les sources secondaires ?
Nous devons nous souvenir que chaque source secondaire interprète les données
acquises par un examen des sources primaires. L’exégète n’a souvent ni la connaissance
nécessaire ni le temps disponible pour consulter et évaluer les sources primaires. Ainsi,
l’exégète est obligé de se fier aux études des autres. Mais notre confiance ne doit pas
être aveugle. Nous suggérons quatre pistes de réflexion pour l’évaluation des sources
secondaires.
1. La source représente-t-elle le travail et l’interprétation d’un chercheur ou d’une équipe de
chercheurs ? En principe, les sources qui réunissent le travail de plusieurs chercheurs
sont plus fiables que le travail d’un individu. Même si l’article sur un tel sujet est écrit
par un seul auteur, si cet article se trouve dans un travail en collaboration, il sera lu et
évalué par les éditeurs de l’œuvre.
2. La source cite-t-elle ses sources ? En principe, les sources qui citent leurs sources sont
plus fiables que celles qui ne les citent pas. L’auteur qui veut souligner la validité de
son information cite la source de cette information. Ceci n’est pas toujours vrai pour

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 25 sur 34


des informations dont il y a un consensus d’opinion et pour les auteurs les plus anciens.
Le souci de vérification est assez récent.
3. La source représente-t-elle des présuppositions inacceptables ? Par exemple, une œuvre
dont les chercheurs sont tous catholiques représentera certainement des dogmes
catholiques. Ceci ne veut pas dire que l’œuvre est à rejeter. Pour un grand nombre de
sujets l’église catholique n’a pas un dogme officiel que les chercheurs sont obligés de
soutenir. Le même type de présupposition peut fausser l’interprétation des données par
des chercheurs voulant soutenir les distinctifs de leur groupe : calvinistes, pentecôtistes,
évangéliques, etc. Les présuppositions liées à la conception de l’histoire peuvent aussi
fausser l’interprétation. Certains auteurs modernes, par exemple, veulent interpréter
toute l’histoire selon le modèle de l’évolution. Selon ces auteurs, les idées, les doctrines,
etc., ont dû suivre une évolution du plus simple au plus compliqué ou plus développé.
Les documents interprétés en fonction d’une telle évolution deviennent très souvent des
compilations de plusieurs sources rédigées et cousues ensemble par des éditeurs plus
récents. L’attribution des différentes données d’un texte à plusieurs époques selon le
degré de développement de la pensée peut fausser l’image de l’histoire des différentes
époques. Pour chaque source l’exégète doit essayer de discerner les présuppositions de
l’auteur et évaluer les conclusions en fonction de ces présuppositions.
4. La source représente-t-elle les recherches les plus récentes ? Notre connaissance du
contexte historique du Nouveau testament s’est énormément développée ce dernier
siècle. Les découvertes des manuscrits de la Mer Morte, des trouvailles dans de
nombreuses fouilles archéologiques et le nombre grandissant d’études consacrées au
contexte historique ont considérablement ajouté à notre connaissance. En principe, les
études plus récentes sont plus fiables que les études anciennes.

VII. LE CONTEXTE MODERNE

Selon le schéma suivi depuis le début du cours nous retenons le terme contexte
pour cette section. On pourrait l’appeler « Application ». Nous insistons sur le terme
« contexte » afin de souligner l’importance de la contextualisation du message de Dieu.

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 26 sur 34


Mais il faut comprendre ici que le contexte moderne est dissocié des 3 autres contextes
(littéraire, intertextuel et historique). La tâche de l’exégète et du prédicateur est de
comprendre le message de Dieu dans son contexte original (littéraire, intertextuel et
historique) et de le transmettre à ses contemporains (le contexte moderne). On peut
appeler ce processus la contextualisation du message. Le message est adapté et redit
dans un nouveau contexte. Si nous voulons que l’impact et la signification du message
ne change pas, nous devons l’adapter pour chaque nouveau contexte historique. La
logique de cette affirmation est assez simple. Si la signification du texte est déterminée
par son contexte (littéraire, intertextuel et historique) et nous annonçons exactement
les mêmes paroles dans un nouveau contexte, le message ne sera plus le même. Il faut
adapter le message au nouveau contexte historique pour qu’il soit l’équivalent du
premier message. Nous visualisons ce processus dans le graphique suivant.
Le message dans son contexte

Contexte Contextualisation
Contexte ou
Application
Contexte
Contexte
Évaluation et historique
Texte
adaptation moderne
littéraire
intertextuel
historique

L’application des principes du texte biblique à la vie d’aujourd’hui est le but


final de l’exégèse pour le prédicateur et pour chaque chrétien. 2 Timothée 3.16 nous
informe que « toute l'Écriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre,
pour corriger, pour instruire dans la justice ». Cela ne veut pas dire que toute l’Écriture est
applicable directement à la vie d’aujourd’hui sans un travail préalable d’évaluation et

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 27 sur 34


d’adaptation. Le Dieu de la Bible est un Dieu qui parle aux êtres humains. Sa parole est
toujours adaptée à une situation précise. La tâche de l’exégète est de comprendre la
Parole de Dieu dans son contexte et de transmettre l’équivalent du message dans un
nouveau contexte. Ce travail exige une évaluation des différences entre les deux
contextes historiques et une adaptation du message pour le nouveau contexte. Cette
adaptation n’est pas une licence pour changer le message afin qu’il convienne à nos
idées. Mais l’adaptation est nécessaire afin que le message ait le même impact que le
message original avait dans son contexte historique.

1. Évaluation et adaptation
Beaucoup de choses ont changé depuis 20 siècles. Les moyens de transports et de
communication, la manière de vivre, de travailler, d’interagir avec d’autres et même de
penser ont énormément changé depuis le temps du Nouveau Testament. Notre
prédication doit tenir compte de tous ces changements. Par exemple, l’exhortation aux
femmes qu’elles « ne se parent ni de tresses, ni d’or, ni de perles, ni d’habits
somptueux » représente les notions d’être « vêtues d’une manière décente, avec pudeur
et modestie » (1 Tim 2.9) à l’époque du Nouveau Testament et dans le milieu social de
l’empire romain. Le besoin des femmes de se vêtir d’une manière décente, avec pudeur
et modestie n’a pas changé. Mais la manière de définir ce qui convient à cette
description change selon la culture et l’époque. Il est douteux que les tresses de
cheveux aient la même valeur dans une culture africaine au 21 ème siècle. Donc, répéter
cette exhortation dans notre contexte historique aujourd’hui serait une manière de
changer la Parole de Dieu. Par la répétition de la même exhortation dans un nouveau
contexte nous sommes en train d’attribuer à la Parole de Dieu un message qui n’est pas
selon l’intention de son auteur et peut-être même contre son intention.
Mais, d’un autre côté, il ne faut pas laisser la culture définir la « manière
décente, avec pudeur et modestie » de se vêtir. La culture encourage assez souvent une
expression de la chute de l’humanité et ne saurait définir l’éthique chrétienne. La

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 28 sur 34


culture joue son rôle dans la définition de l’éthique, mais la révélation biblique doit
corriger les notions tordues dans les mœurs de la culture.
Beaucoup de discussions sur la contextualisation soulignent les différences entre
cultures, entre contextes historiques. Mais il faut aussi souligner les ressemblances. La
condition humaine n’a pas changé. Nous sommes pécheurs avec une tendance égoïste.
Nous sommes tentés de dévier du droit chemin comme nos ancêtres dans la Bible.
Puisque le message biblique vise surtout à rectifier la condition humaine (le salut dans
tous les sens), pour ce qui concerne l’application du message biblique, les choses qui
n’ont pas changées sont de loin plus nombreuses que celles qui ont changées.
C’est pourquoi les exégètes qui croient pouvoir appliquer les exhortations
bibliques « littéralement » à la vie d’aujourd’hui ne sont pas trop loin de la vérité. Un
très grand nombre d’exhortations peuvent être appliquées sans beaucoup d’adaptation.
Mais en réalité, l’application implique toujours une adaptation au nouveau contexte
historique. Personne n’applique « littéralement » les exhortations bibliques à la vie
d’aujourd’hui. Tous, sans exception, adaptent le message de la parole de Dieu à leur
situation. Par exemple, l’exhortation Tu ne tueras pas (Ex 20.13) semble être universelle
(pour toutes les cultures) et permanente (pour toute l’histoire de l’humanité). Mais,
même si l’on décide que le terme parle plus précisément du meurtre, la définition de
« tuer » doit être précisée dans notre situation historique. À l’époque du Nouveau
Testament, les médecins n’avaient pas la capacité de maintenir « en vie » une personne
qui cessait de fonctionner par ses propres forces. Est-il un meurtre de laisser de telles
personnes mourir ? À l’époque du Nouveau Testament on n’avait pas la capacité de
résoudre les problèmes d’infertilité par la fécondation in vitro. Le processus produit un
surnombre d’embryons fertilisés. Est-il un meurtre d’éliminer les embryons
surnuméraires ? Les réponses à ces questions impliquent une évaluation et une
adaptation du message pour un nouveau contexte historique.
Puisque tous adaptent ou contextualisent le message de la Bible dans leur
application, l’exégète doit demander comment on doit contextualiser ce message afin de

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 29 sur 34


proclamer fidèlement la Parole de Dieu ? Nous distinguons 5 actions nécessaires à une
bonne application de la Parole de Dieu. Ces actions sont interdépendantes.
1) Il faut reconnaître le besoin de contextualisation. Si on imagine qu’il faut tout
simplement appliquer « littéralement » la Parole de Dieu à notre vie, une évaluation
et une adaptation seront faite, mais cette adaptation ne sera pas réfléchie et risque
de représenter les présupposés de l’exégète plus que l’intention de l’auteur biblique.
2) Il faut chercher l’aide du Saint-Esprit dans la méditation de la Parole. La méditation
veut dire que l’on soumet le texte à une longue et profonde réflexion. Le but de cette
réflexion est l’obéissance aux principes contenus dans le texte médité (Jos 1.8).
Notre nature pécheresse peut nous empêcher de bien réfléchir et nous conduire à
appliquer la Parole à notre vie d’une manière qui convient à cette nature. Il faut
l’aide du Saint-Esprit qui « conduira dans toute la vérité » (Jn 16.13). On ne doit pas
attendre jusqu’à la fin pour cette réflexion soutenue par la prière. Cette manière de
réfléchir et prier doit accompagner tout le travail d’exégèse.
3) Il faut évaluer les différences entre le contexte historique du texte et le contexte
historique aujourd’hui. Dans l’exemple de la parure des femmes (1 Tim 2.9), nous
avons suggéré qu’il y a une différence entre les deux contextes concernant la
signification des tresses de cheveux et peut-être la signification des autres exemples
donnés. L’évaluation des différences permet de déterminer combien il faut adapter le
message.
4) Il faut déterminer les principes sous-jacents aux détails. Nous croyons que pour
chaque exhortation biblique, voir chaque passage biblique, il y a un ou plusieurs
principes bibliques qui sont mis en application par l’exhortation. C’est pourquoi
« toute l’Écriture … est utile… » (2 Tim 3.16). Pour le cas de la parure des femmes
(1 Tim 2.9), le texte indique que les détails de parure donnés ne correspondent pas à
une manière descente de se vêtir avec pudeur et modestie. Il faut bien sûr comprendre
la définition de ces termes afin de bien adapter ce message à un nouveau contexte
historique. Mais il faut aussi comprendre le besoin humain ou la difficulté humaine
que cette exhortation est censée adresser. S’agit-il de l’orgueil et la vanité des

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 30 sur 34


femmes ? L’auteur veut-il réduire les comparaisons et la concurrence entre femmes ?
S’agit-il d’un problème de tentation ? L’auteur veut-il réduire le niveau de tentation
expérimenté par les hommes causé par la conduite vestimentaire des femmes ?
S’agit-il de divisions éventuelles dans l’église causées par les différents niveaux
sociaux ? L’étude du texte dans son contexte littéraire, intertextuel et historique peut
peut-être répondre à ces questions.
5) Il faut chercher des détails analogues dans le nouveau contexte historique qui
répondent aux mêmes principes sous-jacents. Dans l’exemple de la parure des
femmes, s’il s’agit d’un problème d’orgueil et de vanité des femmes, il faut trouver
des formes de parures contemporaines qui suscitent une comparaison et une
concurrence entre les femmes et encourager les femmes à ne pas participer à cette
concurrence. S’il s’agit d’un problème de tentation pour les hommes, il faut
déterminer les formes de parures qui attirent le regard malsain des hommes et
encourager les femmes à se vêtir différemment. S’il s’agit d’un problème de niveau
social, il faut déterminer les formes de parures qui divisent les femmes et les
encourager à se vêtir d’une manière qui favorise l’unité.

Conclusion
Le but de ce cours n’est pas de donner aux étudiants un exemple complet du
processus de l’exégèse, mais d’aider l’étudiant à comprendre tout le processus. Nous
pensons que ce cours montre l’impossibilité de donner un exemple complet de
l’exégèse. La tâche de l’exégèse n’est jamais achevée. Personne ne peut étudier tous les
détails disponibles pour l’exégèse d’un petit texte. Personne ne peut maîtriser le
contexte littéraire, intertextuel et historique d’un texte. Personne ne peut sonder toutes
les possibilités d’application d’un texte à la situation historique d’aujourd’hui. Notre
incapacité de compléter la tâche d’exégèse nous conduit vers quatre conclusions.
1) L’exégète doit reconnaître ses faiblesses et écouter la voix d’autres exégètes. Les
autres peuvent trouver les détails pertinents et importants que nous n’avons
même pas recherchés.

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 31 sur 34


2) L’exégète doit toujours évaluer son travail et le travail des autres. Personne n’est
l’expert ayant toujours la bonne interprétation. Nous sommes tous faillibles ayant
besoin de correction.
3) L’exégète doit chercher l’aide du Saint-Esprit. Le Saint-Esprit nous conduit dans la
vérité. Il nous convainc de notre orgueil qui nous empêche d’écouter les autres. Il
nous avertit par une voix intérieure contre les interprétations particulièrement
nuisibles.
4) L’exégète doit apprendre à choisir les domaines de recherches les plus pertinents à
l’exégèse de son texte. L’exégète consciencieux n’a jamais le temps d’étudier le
texte « comme il faut ». Il doit toujours faire des choix et limiter ses recherches.
Selon notre conviction sur la ressemblance des contextes humains et
l’applicabilité des exhortations bibliques sans beaucoup d’adaptation, nous
donnons la priorité au contexte littéraire. Mais cette priorité n’est pas toujours
valable. Certains textes exigent plus de recherches dans le contexte historique.
Même si nous sommes convaincus qu’il faut accorder la priorité au contexte
littéraire, nous devons décider s’il faut consacrer notre temps à l’étude de la
structure du texte, au vocabulaire du texte, au contexte proche ou au contexte
large, etc.
Tous les textes doivent être médités afin de faire une application à la vie.
C’est le but ultime de l’exégèse, mais la tâche souvent négligée parce que les
conclusions sont moins sûres. Mais si les exégètes qui prennent au sérieux tout le
processus de l’exégèse négligent de conduire leur travail jusqu’au bout, les
chrétiens seront obligés d’écouter ceux qui font un travail moins sérieux.

Dr Wilson T.O Introduction à l’exégèse du N.T., LOGOS, page 32 sur 34


BIBLIOGRAPHIE

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WILSON T.O, Notes de cours d’exégèse du Nouveau Testament, FATEAC, Abidjan,
2010.

Lectures complémentaires :
En français :
BARR (James), Sémantique du langage biblique, Paris, Les Éditions du Cerf, Éditions
Delachaux et Niestlé, Desclée de Brouwer et Aubier Montaigne (coll. « Bibliothèque de
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CARREZ (Maurice), Dictionnaire grec-français du Nouveau Testament, Paris, Les Editions
du Cerf, 1995.
COURTHIAL (Pierre), « Sur l'herméneutique », article tiré de Fondements pour l’Avenir,
Aix-en-Provence, Editions Kerygma, 1982.
Dictionnaire de culture biblique, Paris, Desclée de Brouwer, 1993.
KUEN (Alfred), Comment interpréter la Bible, St Légier, Editions Emmaüs, 1991.
MARGOT (J.-C.), Traduire sans trahir, Lausanne, L'âge d'homme, 1979.
McKIM (Donald), L'interprétation de la Bible au fil des siècles, (3 vols), Editions Excelsis,
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NICOLE (Émile), « L’exégèse expliquée », Fac-Réflexion, n° 2, 1986, p. 3-6.
ROMEROWSKI (Sylvain) et APPERE (Guy), « Comprendre la Bible », Lien Fraternel, n°
63/9, (nov. 1987), p. 4-7.
Une Bible et tant de versions, St Légier, Editions Emmaüs, 1996.

En anglais :
CARSON (D. A.) et WOODBRIDGE (John D.), Hermeneutics, Authority and Canon,
version révisée, Eugene (OR), Wipf & Stock Publishers, 2005.
VANHOOZER (Kevin J.), Is There a Meaning in This Text?, Grand Rapids, MI, Zondervan,
2009

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