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t3

La nature cyclique des relations


entre le technique et le social
Approche technologique de la chaine opératoire

Robert Cresswell

Discuter des relations, épistémologiques ou pratiques, entre les tech-


niques et d'aulres phénomôncs sociaux revient en fin de compte à discuter
de l'innovaüon tcchnique et de la mutation sociale. Quelles sont les inter-
actions mutuelles des configurations, des tendances, dcs variations qui I

,l
;1 ressortent de l'étucle ? De quelle maniôre l'ambiance généralti'd'une culture'

/ crée-t-elle I'ambiance spécifique de son systême technique ?


I L'argument général de ce chapitre est que ces relations sont de nature
cyclique, que par moments I'innovation technique et la transformation
sociale sont en interaction forte, et qu'à d'autres moments les événements
dans chaque.domaine évoluent de façon plus ou moins indépendante. Je
proposerai un outil méthodologique pour analyser la nature de ces liens :
la chaine opératoire, oü les éléments d'un processus technique sont écrits
de telle sorte clue les cclntbinaisons relôvent toujours aussi bien d'une
lecture technologique que d'une lecture sociologique.

PrIÉNoltÊwEs rECI I NreuES, n tÉt rouÊnts soc IAUx

I-e premier point dans mon argumcnt est que I'activité technique - celle-
ci étant définie comme I'emploi d'éléments pouvant être trouvés dans la
nature sous quelque Íbrme que ce soit, bruts ou tran§formés - démontre
l.1un caractêre fondantcntal qui ne preut être trouvé dans les différentes formes li

f et institutions cle conrportentcnt social. Il est légitime de parler dçpr€€ràs

L La culture est la coúguration parúculiàre qu'âdopte chaque société hunraine non seulement
pour régler les rappoís entre les faits techno-écononüques (y compris I'interaction avec le milieu
naturel), I'crganisation sociale et les idéologie.s, mais aussi pour úansmettÍe ses connaissances de
génération en génératron. Ces différente.s activité.s se constituent en des réseaux, et chaque culture
se distir,gue par une nraniàre partrculiàre d'articuler ces réseaux entre eux.
216 De t-n pnettlsrolRE Atrx MIssIr-ES BALrs'nerrEs Ln
:
I
lou régression rlans le s proccssus, produits ()u syslüntcs techniclucs. ce qui est é
f
est interdit dans le domaine strciologique, stric:tu serr.çru. De pil son csscnco l-e fi
'nrême il est possible de qualifier une technique par son e ll'icacité clans naü«
l'atteinte d'un but. Une plus grande efÍlcacité d'une innovation technique ilanr
mÍrque un progrês, une moins grande, une régressit'rn. Il ne s'agit évidem- L

poue
ment pas d'appliquer les termes efficacité et progrôs qu'à des états lde c,
physiQues. Mais c'est precisément ce caÍactêre physique des techniques qui,
1 {uqu
\I .iustifie notre dénrarche épistémologique. 1 dess
Mais qualilicr les techniques de productions suciales est.iusÍcnlcnt une mint
i ,1. .,"ri génóralisaions clui clament la rÉeessitó
cle cluelque tiexíbitiii:tlne pas I
preryiêrg Ílexihilité est de distinguer outil, processus et systênte techniclue. le fe
Pour un oulil on souticnclrait dil'ficilcnrcnt clue la société rencl nóccssaire clc L'
chaullêr unc placlue de l'er avant dc la baltre pour en Írlrger une lanre cle rent
houc. En revanche un processus technique, avec son unitó dc base qu'est natu
la chaine opÉratrtirc, la suile cle gestes cyui translbrnre une nlatiàre prenriêre et le
en produit, ótant constituée d'éléments aussi bien sociaux que techniques, mon
subit direclenrent les L'ontraintes ou.jOuit des opportunités intrinsêques seml
,[ aux Êg1e§clu,conr;xrrtcment srlcial. Nous y reviendroni.'Enlln, un systênrc plus
i te'chniquc l(iitlc. 1978. p. l9 ct s. I. constitué clc rúscrux clc clraincs i,furu- ,Er
I toires, se situe à un niveau oir la société.iouc ún rôle printorrlial clans lc fent
§
choix ou le re'ict d'trn pnrduit, sckrn cles hesoins réels ou inraginaircs, oü le
|ech
! cognitit'culturcl cst clc toutc prcnriôrc inrpxrrtancc et pcut évcntucllcnrcnt hren
prirrter cl'aulrcs consiclérations, nrônrc écononriclucs. A ce nivcau dc géné- L
lÍnuti
ralitó il senrblc donc parl'aitculcnt légitime de parlcr cle harriêrcs ou viqu
' d'ouverturcs socialcs pxrur le dévclopçrmcnt des tcchniclucs. Enlln, lorsque de n,
l'on sclutient c1u'à la technologie peuvent être appliqués lcs lerntes de tectu
progrês et régrcssion il Íaut souligner que ces qualiticatif.s ne «loivent ôtre de cr
utilisécs ni conrnre dcs.iugements de valeur - dans le scns clue sont .juge- et cr(
nrcnts dc valcur lcs proposilions : « Vérilé cst bcaulé >>, << lc progrês est du dr
bicn », « l'cl'l'icacité cst le nteilleur útalitn » -. rli surtout conrrrrc clcs du dr
conccpts nrenanl à dçs bypot[às,cs de.{ravail. A
d'un
paÍle
I{Elm'toNs ('y( t-tetJtis
i.huq
,'i
propl
La qualité spcciliquc du domainc tcchnique étant posée, rcprcnons par , les el
un ónoncé clui n'cst guàre révolutionnaire : les rclations entre lc techniquc / bifac
et le social sont haufentcnt conrplexes. D'une part, lcs élénrcnts lechniqucs lmanr
i
eÍ sociaux d'un processus technique sont élroitcment imbricluús. D'autre
!n ct
páu1, bicn cles phémrnrànes sociaux ne sont pas implicluós dans un p()cessus &ch(
tcchniclue el pcuvent clonc légitintcnlent êlrc analysés sans sc rólórcr au des r
clonrainc tcchniclue. Si I'on prend le systênre de parcntó, lcs rcprésenta- pour
tions sy'nrholiclue s, ct I'in«lustric automobile dans unc sociótó donnéc, il
La NanrHt, cyclrerrE DES REI-ATroNS ENTRE LE TECHNTeTTE ET LE soctAI- 277

-re qui estévidcnt que la parenté n'a aucune irúluence surleprocessus technique.
isencg t.e fait de dcvoir savanmrent doser les positions relaüves des parenls, ou des
I dans nationalitós, le long d'une chaine de montage dans l'usine ne change rien
nique ,hans l'ordre des opérations. Bien súr, les relations de parenté peuvent
liouer un rôle important dans le choix du produit et influer sur le besoiri
idem-
états ide consonrrnation, comme nous avons argué en parlant du systême tech-
es qui {uque. Enl'in, si les symboles culturels ont un impact indéniable sur le,
dessin du procluit, ni les parcnts ni les symboles n'interviennent pour déter-l
lt une miner I'ordre des gcstes dans une chaine opératoire (par exemple, ce n'est
. t\re pas la forte charge symbolique du feu qui détermine que I'on doit chauffer
riquti. le fer avant de le Íbrger).
ire de' L'hypotlrêse principale, ou. plutôt, celle autour de laquelle s'agglomê-
ne de rent les aulres, est que la relation entre le technique et le social est de
lu'cst nature cyciique, ce qui est pcut-êtÍe moins banal. [-es gestes techniques
nriêre et les conrportements sociaux se développent le long d'axes qui sont par
ques, moments f()rtenlcnt enchevêtrés (l'époque présente en est un excmple qui
)c1ucs semble évidcnt), à cl'aulres montents interdépendants de façon beaucoup
;tànrc plus lâche.
,pCra-
rns lc
I En d'autrcs tenucs, à ccrtains insÍants dans la vie d'une sóciété coexis-
|ent effectivenrcnt ct au pren:ier degré une genêse,sociale de ptocessus
I
oü lu^
fiechniques r't unc' gr'nêse technique de formes, fonctions, et comporte- i
nlent ilrents sociaux. Il s'agit généralement de moments de crise sociale, de !
i:-
géné-
iFutation rapide et radicale. On pense aux débuts de la révolution bolché- /
)s ()u vique en Russie oü I'on gtunait dire que I'esprit égalitaire ambiant créait
rsquc de nouveaux rapp()rts entre les ouvriers et stimulait ainsi I'innovation
es de techniquc dans les procódés de production et oü en retour 1'utitité sociale
t être de cette m0nrc innovation renversait les << classes » de l'époque tsariste
iuge- et créait le prcstige d'un nouvel hontme social. Ou encore la domeslica{ion
)S CSI du dromadairc en Arabie, lorsclu'une innovaüon technique faisait surgir
; clcs du désert la néccssité socialc d'un moyen de régler des conflits potentiels.
A d'aulrcs momcnts, cnlre les prcriodes dc crise, lorsque des conditions
d'une certaine harntonie sociale prévalent - si toutefois il est permis de
parler cl'harnronie lorsqu'il cst question d'agissements humains -, dans,
;bhaque domainc les élénrcnts et les réseaux de relations génêrent leurs
tpropres mutations ct évolutions avcc seulement un rcgard superficiel versl
ts par les élénients ct relations rclevant principalement de I'autre domainq. Des
riquc bifaces tle picnc préhistoriqucs non sculement ont tcndance à acquõrir un
iclucs ntanche, mais ils l'acquiàrcnt cll'ectivement sans que la société sutrisse
aulre un changenrcnt protbnd, du moins d'aprês ce que nous en disent les restes
SSSUS archóologiclucs. Dcs artisans dcs sociétés antiques et médiévlrtcdécouwent
er au des raccourcis pour ôtre plus elllcaces dans leur usage de l'énergie sans
enl a- pour autant être lbrcénrent stinrulés par des couranls sociaux.
éc, il
278 De Le, pnetrtsrorRc Aux MISSILES BALISTIQUES Lt

D'une cerlaine façon on pourrait dire que les techniques se dévelop- lors
pent (lentement) sclon leurs propres rêgles et sous leur propre impulsion toiÍ
jusqu'à ce qu'elles rencontrent une barriêre de nature sociologique. Le sab
comportement social mute (lententent) jusqu'à ce que les formes qu'il a lü- ,Con

même créócs inhibent des transformations ultérieures. Par exemple, au mel


., fur et à nrcsure que les processus techniques du textile, de la mine et de tque
. úa métrtlurgie, inter ulia, sedéveloppaient dans l' Egrope occidentale au ique
lcours de la mutation dc I'artisanat tradiüonnel en producüon indusüielle, lid'e
f il est devcnu nécessaire en fln de compte
que la structure sociale de la fnet
I féoOatité côcle le pas à la structure de classes pour que les technologies de I
la machine puissent se développer en réels processus industriels. Et las
aujourd'hui tandis que la science fondamentale et l'architecture des ordi- cipr
nateurs s'épanouissent au point oü l'intelligence artificielle n'est plus La
qu'une question d'années, tandis que le génie génétique de l'être humain ent]
n'attend plus pour Ílcurir que soit terminée la carte du génome, se déve- del
lopçrc de plus en plus une résistance sociale envers ces tÍavaux. Il est donc l'E,
jprobablenrent dcvenu nócessaire qu'ait lieu une transformaüon en profon- mel
de nos cullurcs pour que ces deux produits de notre « intelligence »1 plu
lfdcur
ll puisscnt rc<cl lcnrcnl s' úpanouir. l'el
! tu notion <le llux et rellux de I'interdépendance entre techniques et i relr
sociétó mêne à une lrypothêse corollaire : le développement des tectuiiques \ oes
a lieu par paliers. En d'autres termes, bien qu'il soit vrai que le dévelop- 19Ít{
pement des tecl-rniques procêde généralement par petites additions, préfé- '\(
rablement dans la direction de I'antélioration, aux outils et processus me
existants, il arrive par moments dcs sauts qualitaüfs par dessus des solutions sur
dc continuité (c.f. infru la discussion sur les moulins à olives). Pour franchir niq
celles-ci il laut attendre que les tensions et stress dans l'étoffe même de toit
la société provoquent un réarrangement, parfois une transformation radi- mê
cale des élónrcnts sociaux. Ces solutions de continuité représentent donc rell
les moments oü le technique et le social sont dans une situation d'inter- car
acüon dynamique. elk
Néannroins, il faut se garder de prendre leurs relations pour monoli- sée
thiques. A chaque moment donné dans I'histoire d'une société on trou- de
vera ceíains processus techniques testant les contraintes sociales. De la ,
syr
/, môme maniêre on lrouvera toujours certains comportements sociaux I
etr
, titillant des tcchniqucs pour qu'elles mutent, généralement vers de: néc
I

nouveaux produils.
P"r,
Enfin, on ne pcut pzrÍ trop souligner combien il est essentiel, voire obli- idifl
ít
gatoire, de maintenir une distinction entre processus, outil et produit de i/ttl
consomnration. l-'elltt <les comportements sociaux sera tout à fait différent I
selon clue I'un ou I'aulre aspect des techniques est en jeu. En fait on peut acÍ
soutenir que lc social n'engendrera que raÍement des processus techniques, cer
bien qu'il reste à entreprendre une étude sur les conditions de choix,
L.L Narr-np cycI-reuE DES RELATToNS ENTRE LE TECHNTeuE ET LE socrAl 279

elop- lorsqu'il existe des alternatives pour mettre en place des chaines opéra-
llsion toires, ou pour varier l'ordre les éléments de celles-ci. Il n'est pas impen-
te. Le sable que des facteurs culturels jouent un rôle. EsÍ=ce uniquement la
a lui- composition physique du minerai qui a fait accéder les Chinois directe-
le, au ment à la fonderie sans passer par le fer forgé comme en Occident ? Est-ce
et de :euela séquencedes gestes (et les outils employés) en agriculture ne dépend
úe au que de la nature botanique de la plante cultivée ? Est-ce seulement le souci
:ielle, d'efficacité qui gouverne la séquence des gestes dans le travail du bois ?
.
de la iPeut-être tout cela reste-t-il à prouver.
es de En tout cas, réservant pour le moment la possibilité qu'éventuellement
ls. Et la société puisse directement engendrer des chaines opératoires, le prin-
ordi- cipal impact du social sur le technique a lieu dans le domaine de produits.
. plus La société veut un nouvel objet (télévision, vidéo-téléphone), ou choisit
main entre des possibiütés dans le dessin ou le foncÍionnement d'objets (tableaux
léve- de bord d'automobile qui donne l'impression au conducteur qu'il pilote
donc l'Entreprise à travers l'hyperespace, des ciseaux qui coupent effective-
rfon-, ment), ou assigne des priorités aux éléments consütutifs d'un objet (l'espace
nce », plutôt que I'esthétique dans le dessin d'une voiture,le confort plutôt que
I'efficacité dans I'architecture d'une maison). On pounait ajouter que la
Les et ! relation est dialectique, certains objets techniques (voiture qui vous adresse
iques i des rerrortrances, par exemple) font naitre des êtres humains initables et
elop- ,enelinsà a rébellion.
rréfé-
"\ I

Cependant, les clroix et les décisions concernant les produits ont égale-
)SSUS ment un effet direct sur les processus et incidemment mais évidemment
Ltions sur les outils. Cela parce que les trois aspects d'une transformation tech-
nchir nique de matiêre premiêre sont organiquement liés dans une chaine opéra-
re de toire. Cette relation organique est illustrée par la liste suivante oü les
radi- mêmes éléments sont écrits soit comme relation technique, soit comme
donc relations sociale. Il faut souligner que celle-ci est encastrée dans celle-là,
nter- car la relation technique est priniaire. La société détermine quels produits
elle désire, disons, ou comment des équipes de tÍavail doivent être compo-
noli- sées, ou commcnt la connaissance et le savoir-faire doivent être transmis
lrou- de génération en génération (on pourrail ajouter une flêche qui serait Ie
)e la symbole indiquant la transfcrrnration de l'énergie et de l'outil en un geste
iaux et une action sur la matiêre), elle ne détermine pas qu'un marteau est
's de pour enfoncer un clou ou comment manipuler le marteau à
1écessaire
jcette fin. ll serait possible d'ajouter que cet outjl méthodologique résout les
obli- Jüifficultés insurmontables que présente une analyse en termes de i< seam--
ir de wetr » (voir Akrich, chap. .5).
Srent ',lessPour réaliser tn projet une rclatiort est activée qui se transforrne en une
peut acÍion sur un matériau et rósulte enln proúúr. La chaine se constitue d'un
lues, certain nombre d'étapes.
roix,
480 Dc ln pnÉutsrorRE AUX MrssrLES BALISTTe(rES Le
/
Cll4gue !tç11tc-conlportq quatre indicateurs : nom scientifique, nom indi- Nr
gêne, temps, lieu ; et scpt éléments : agent(s) (humain(s), animal (animaux), ce qr
moteur(s)), outil(s) (actif, passil ntachine, ...), dont l'assembtage (l'acti- faire

I vation de la relation) produit par le tÍuchement d'une connaissance ou,


savoir-faire (la flôche), d'un geste technique et une action sur la matiêrq
vient
Ilr
(percussion, pression, assemblage, ...), qui, agissant sur une matiêre nave
prcmiôre, ou sur un produit dójà élaboré, ou les deux à la fois, résulte en un obliq
produit (outil, machine, objet de consommation, ...). plairr
à eau
type
ANNorettoNs'lrRÉm DE L' I IISToIRE l'on r

peut-
Le monrcnt est maintenant arrivé de passer de I'abstrait et du général rieun
au concret et au parliculier. Le premier exemple met en scêne les pres- ciées
,
soirs à olivcs et illustre le concept de niveaux dans Ie développement rCettt
I o'nr,1.'rc et gcstes tcchniques. Ce qui nous intéresse ici est le fonctionnemenf iFranr
cte ta prcssc. nrais il scrait bon de se souvenir qu'il ne s'agit là que d'une Le
\
Iplrtie d'un procr<cié lraditionnel pour transformer des olives en huile. Il s'a
J Cclui-ci cst esscnticllcnrcnl d'origine nréditerrane<cnnc, cl consisle en cercl,
premier lieu à róduire le fruit en pâte, soit en le déchiquetant avec des d'eau
lames mues par la furce hyrlraulique, soit en l'écrasant dans un broyeur, lame
souvcnt sous une picrre rttnde sur chant tournant dans un bassin circu- poidr
laire. Le mélange qui cn résulle est ensuite mis dans des sacs, les scourtins, irPeut i
qui sont empilés et prcssés. Dilférentes méthodes sont utilisées pour appli- ']
sensi
quer la pression : des levicrs avec des pxlids ou des cabestans, des presses
,LA
à vis, ou rlcs contbinaisons des deux systêmes. Il existe en fait tant de fixée
formes qu'il est facilc de prcrdre dc we le principe unique : appliquer une dans
pression donnóe par unité de surface. I-clrsqu'un graphe est établi avec la ,fondz
quantité de pression, cxprinrée en kg/cm2, le long des abscisses et les résul- 1

jüon s
t,
tats de I'opóration, cxprintés en litres d'huile par 100 kg d'olives, le long fonct
f
des ordonnées, il est inrrnédiatenrent visible qu'il y a deux constellations
lipar fr
de chiffres. L'une est centrée sur approximativement 4kglcm, et une I nels.
, prc'rduction d'environ 201/lm kg d'olives. L'autre regroupe les pressions puiss
; des prcsses hydrauliclucs ntujerne qui s'étend de -50-80 kg/cm, et représente indiq
une production d'environ 30 l/100 kg d'olives. La relation entre les deux élémt
constellations n'est pas une relation linéaire mais exponentielle. Même tous I
si la duróc du pressage est prise en compte pour éviter la sous-représen- sance
tation d'une faible mais longue pression, le graphique montre les deux rieur r

constellations dans le nrênrc rapport. L'hypothêse est inévitable que lq pas u


,développcntent lcchnique procêde aussi par paliers, et non pas uniquer flux r
snent par dcs sórics de pctites additions et améliorations. Nous avons donc sant c
dcux types d'innovation : I'une lente, quantitaüve et ünéaire, l'autre rapide, est en
qualitative et exponcntielle. er lib,
Le Nennr cycI-lelrE DEs RELATIoNS ENTRE LE TECrrNreuE ET r_E socrAr- 281

)mindi- Nous pouvons maintenant nous tourner vers le protrlême de déterminer


imaux), ce qui cause I'accélération d'un développement linéaire au point de le
(l'acti- faire franchir une soluticln de continuité. Une possible voie d'exploration
Ince ou r
vient d'une recherche menée sur les roues à eau horizontales.
matiêrE Il est généralemcnt reconnu qu'il en existe trois types. La roue scandi-
natiêré nave, origine de l'un des taxa, le moulin norvégien, a des planches fixées
eenun obliquement dans I'extrénúté inférieure d'un lourd axe vertical. Un exem-
plaire typique possêde une meule active d'environ 50 kg, avec une roue
à eau du même diamêtre que la meule [Ek, 1966], et le rendement de ce
type est en moyenne 5 kg/h de farine. Une deuxiême forme de roue, que
I'on considêre conrme étant d'origine grecque et dont les variantes sont
peut-êtÍe les plus nclmbreuses, consiste en des lames dont l'extrémité exté-
;énéral rieure épouse la tbrnre d'une cuillôre. Le poids des meules qui y sont asso-
s pres- ciées varie entre 150 et 200 kg, et le rendement est d'environ 20 kg/h.
)ement tCette forme est dislribuée à travers I'aire méditerranéenne, couvre la
rement rFrance au sud de la Loire et est aussi trouvée en lrlande.
rd'une Le troisiême lype se rencontre depuis le Proche-Orient jusqu'en Chine.
huile. Il s'agit d'une grande roue dont les rayons, fixés dans l'axe vertical, sont
iste en i cerclés d'une ou deux « jantes >>. Les lames qui reçoivent la force du jet
ec des d'eau sont soit Í'ixées à l'extérieur d'une jante, soit seÍies entre deux. Ces
oyeur, lames ont dcs lnrnres trÕs variées et sont fabriquées de matériaux divers. [-e
circu- poids de la meule supérieure varie entre 350 et 750 kg et le rendement
urtins, j;peut atteindre lfi) kg/h de farine. Encore une fois le diamêtrc de la roue est
appli- isensiblement le mênre que celui de la meule active.
TESSCS La roue horizontale des moulins traditionnels marocains avec ses lames
ant de fixées avec un certain angle dans I'axe vertical résiste à un classement
er une dans cette typologie. l)e ce lait on est antené à douter de I'un des axiomes
vec la , fondamentau x de l' analyse, technologique, c' est-à-dire que formest fonc-
I

résul-
ition sont foflenrent lióes. ou dans son expression la plus radicale, que la II
: long
ffonction dé{ermine-l a,forrne.L' anal yse du moul i n m arocai n commence
ations llpar fractionner le systême én éléments structuraux et en liens fonction-
)t une ]nels. Puis une étucle cles caractôres dynamiques du moulin (flux d'eau,
;sions puissance, tours/min de Ia roue et de la meule) démontre que la fourchette
Sente I
indiquant les liuriles entre l'eflbrt minimum nécessaire demandé à chaque
deux élément et la lbrce nraxinrum potentielle que celui-ci peut fournir est dans
4ême tous les cas três large. De lelle sorte que ces importantes réserves de puis-
ésen- sance empêchent un seul élément de prendre la priorité sur un autre à I'inté-
deux rieur du systôme. Par exemple, augmenter le poids de I'appareil ne demande
1uelq pas un changenrent radical dans le dispositif d'alimentation en eau, car le
iquer flux maximum est généralement plusieurs ordres de grandeur plus puis-
donc sant que ce qui cst nécessaire prur opérer le moulin. Ce type de fourchette
rpide,)' est en réalité un des tacteurs majcurs établissant une relation entÍe contÍainte
et liberté dans les chglx,lgghlglggiglgq Plus cette fourcherre esr laige,
282 Dg Le pRÉHIsroIRE AUx MISSILEs BALIsTIeuES
Ll
moins grande est la motivation poussant au changement d'ouüls indivi-
Nr
due_ls (si un seul ouül peut servir convenablement à une variété de tâches,
conc
pourquoi chercher à le changer ?). Plus la fourchette est réduite, plus les
socir
éléments doivent évoluer ensemble.
tecfu
Il est facile d'imaginer comment se passe I'innovation dans ce milieu
Iimit
technique. s'il apparait une incitation sociale pour accroitre la quantité
de la
de farine disponible, les paramêtres primaires du systême technique ne
nivez
sont pas touchés de façon égale. Le nombre de tours/min est un facteur
hydr
limitatif, par exemple, car trop augmenter la vitesse de rotation a pour
Ut
i résultat un grain insuffisamment proulu ou une farine surchauffée. La r
üons
meilleure maniôre d'augnrenler la prodUction est de rechercher une plus
I vers
surface de nrourure. cela signiÍie augmentei sensihlement le poids
I uanoe socié
de la meule, car tailler une pierre plus grande sans la rendre en même
) damr
temps plus épaisse a cómme résultat une pierre qui casse trop facilement
veme
lorsqu'elle e-st âssu.iettie aux forces qui naissent d'une rotation s'oppo-
Hein
sant à une résistance. L'appareil est maintenant devenu plus lourd et donc
Ia so<
a besoin de plus de puissance pour être mis en mouvement. on obtient
dans
cet accroissement en : l) allongeant les lames, 2) changeant Ia forme des
socié
extrémités des lanres, 3) augmentant le volume d'eau, ou 4) la vitesse de
Pouvr
r débit. choisir entre 3) ou 4) dé1rcnd en partie de l'orographie, mais I'acc(- nelle
I lération du débit est limitée par la tuibulence causée par une goutottb I
armé
I ouvene en bois, I'effet de frcinage augnrenlant approximaúvemenl commo /
érair I
f, le carré de la vitesse de I'eau, ce qui est une incitation puissante a oéve-ii
énorr
'\topper un puits vertical pour I'arrivée d'eau. Lr

lieu e
Mais au fur et à mesure que ce jeu de facteurs se développe, des limites
891 à
aux choix pnssibles sont rapidement attcintes. Augmenter la puissance en
Franc
allongeant les lames butte sur les limites de stress de cisaillement et de
était (
tension. Une solution est d'inventer une roue oü les lames sont insérées
arabe
entre deux janlcs circulaires de telle sorte que les rayons peuvent gagner en
Arabt
et ne plus âre ins(rés dans l'axe vertical, mais l'en[pu1.e]-poul-.-
Tlourdeur propr
/ainsi dire. unc autre solulion esl de consÍruire une roue solide et d'y fixer
pas c(
f'Ies lames à la circonfúrence extóricure. pour
' Mais quclle quc soir la solution. la modification est telle que le jeu des
et que
I

autres fâcteurs, leur marge de réserve, diminue d'autant. I-es branches de


de ch,
la « fourchette >> se referment, I'efÍ-et nécessaire minimum s'approche des
situati
valeurs de la force potentielle nraximum. Les grandes roues du Moyen-
et si, r
orient et de la chine afieignircnt les limites de leur développement non pas
l'évér
tant paÍce qu'ellcs étaient incapables elles-mêmes de mutations ultérieures
que parce que les autres éléments du systême dont elles faisaient paÍtie inté-
delal
grante n'oÍTraient pas de róserve de force ou de résistance à la contrainte. del'é
une fois établies sur une voie d'évolution pafliculiêre, Ies parties consti- aété 1

tuantes des instruments ct des nrachines constituent nécessairement une


I'app;
baséer
hiérarchie de lbncüons qui mône inévitablement à une hiérarchie de formes.
contr(
Ln NaruRs cyct-lerrE DEs RELATIoNS ENTRE LE TECHNIeuE ET LE socIAL 283
; indivi-
Nous pt'ruvons maintenant proposer l'hypothêse - du moins en ce qui
)tâches,
concerne les techniclues traditionnelles - qu'au moyen d'une pression
plus les
sociale sur Ie produit l'évolution paÍ petits accroissements d'un processus
technique est stimulée à établt une hiérarchie de foncüons qui aboutit à une
: milieu
ümite supórieure dc développcment pour ce processus particulier, au delà
luanüté de laquelle il devient nócessaire d'opórer un saut qualitaúfpour passer à un
Lique ne
niveau supÉricur : pzr exemple passer de presses traditionnelles aux presses
facteur
hydrauliques, ou de ntoulins domestiques aux moulins à moteur diesel.
r a pour
Un nouveau produit peut aussi avoir un impact direct sur les institu-
Tée. La: üons et réseaux sociaux. Pour une illustration nous pouvons nous tourner
rne plus
vers Lynn White et ses thêses sur la mutation de la société ancienne en
le poids
société féodale t1962). Ses erguments sont bien connus et ont été abon-
r même
damment commentós, mais il serait sans doute bon de les résumer briê-
ilement
vement ici. WlÍte conlntence sa déntonstration en observant que dês 1887
;'oppo-
Heinrich Brunner avait présenté la théorie classique sur la naissance de
et donc
la société féodale. cet lÍstorien allenrand a souligné que Ie pouvoir féodal
obtient
dans son essence était militairc, que le pouvoir politique particulier à la
me des
société féodale avait suivi ctuonologiquement le développement d'un
esse de
pouvoir nrilitaire. La lécxjalitó était la combinaison d'une adhésion person-
l'acc(-
nelle à un chef et de I'allocation d'un trónéfice en retour pour un service
oulottà r
I armé. Et le principal élénrcnt de combat, en puissance sinon en nombre,
lommei
était la cavalerie. [-e passage du combat à pied au combat à cheval, lié aux
i déve- I
J énormes conÍlscalions de terrains ecclésiastiques par charles Martel, eut
lieu entre 732, lclrsque I'infanterie franque repoussa l'armée sarrasine, et
limites
891 à Dyle, bataille à propos de laquelle les chroniqueurs ont noté que les
mce en
Francs n'avait pas I'habitude rle se banre à pied. L'explication de Brunner
It et de
était que Manel avait óté si tavorablement impressionné par la cavalerie
sérées
arabe à Poitiers ct par le fait que ses soldats ne pouvaient rattraper les
lner en Arabes en luite pour lcs détruire complêtement qu'il a décidé de créer sa
ircoul-- propre cavalerie. White Íait remarquer que 1) les Musulmans n'étaient
y fixer
pas considérés par Martel et ses contentporains comme le grand danger
pour I'Europe cfuótienne, ce clui était l'opinion au xvrrr siêcle de Gibbon,
eu des
et que 2) les Sarrasins n'clnt pas fait le changement d'infanterie en cavalerie
hes de
de choc avant la dcuxiôme nroitié du vur siêcle. Il se demande alors si la
he des
situation n'était páLS en réalité I'inverse de Ia théorie communément acceptée
[oyen-
et si, en fait, lcs Maures n'ont pas imité les Francs. Il propose ensuite que
on pͧ
l'événement clui avait provoqué celte transformation radicale dans I'art
'ieures
de la guene, et pâr la suite l'épanouissenlent de la féodalité, était I'arrivée
e inté-
de l'étrier parmi les Francs au début du vrrr siêcle. cette théorie de white
rainte.
a été férocentent auaquée : clle est trop logique, les nombreuses notes de
)onsti-
I'apparat critique sont pour la plupart hors de propos, les conclusions sont
nt une
basées sur des docunlents trop peu nomtlreux, et de surcroft pour la plupart
)Ímes.
controversés. Mais I'opposition la plus enracinée, en fait, vient de ce que
284 Dc ln pnÉrrrs'rorRE Aux MISSILES BALISTIeUES
Le.

l'âge dans lequel nous vivons rechigne à admettre qu'une quelconque ranc(
explication historique puisse dépendre d'une action unique. Des forces et pend
des tendanccs nous manipulent, pas des individus. Encore moins peut-on tirée
envisager qu'un seul objet technique change le cours de I'histoire. a gra

Néanmoins, si I'on se rélêre à son texte, White est singuliêrement prudent, et l'c
et termine son exposé avec la remarque « un nouveau moyen ltechnique] laz.v-t
ne fait qu'ouvrir une porte, il ne vous force pas à entrer. L acceptaüon ou centr
le refus d'une invenüon, ou la mesure à laquelle on se rend compte de ses herb<
implications si elle est acceptée, dépend tout autant des conditions d'une à met

société et de I'imagination de ses chefs, que de la nature de l'objet tech- épais


nique lui-nrôrle >> [1962, p. 28]. C'est à ce caractêre essentiel de I'inno- excr(
vation teclrnique que je faisais référence dans les premiers paragraphes le pie
de cet article : 1a cristallisation des potenlialités. que (
La selle était dé.|à arrivée en Europe occidentale au premier siêcle remp
ap. .T.-C., ce qui est évidcnrnlent une condiüon sine rlua non WUÍ l'adop- formr
üon de l'étrier. La cluestion de savoir pourquoi l'étrier a mis si longtemps de pa
à apparaitre apràs la selle est pertinente, mais ne semble pas trouver de pour
réponse inrmédiate2. pouv
Oü cela nous enrmêne-t-il ? En premier lieu un étrier est un objet, et hecta
point un processus, de telle sorte qu'aucun problême de fabricaüon ne se une r
pose. Deuxiônremcnt, nous pouvons répondre à la question posée par les lieu c

défenseurs de la syrnétrie dans les relations des techniques à leur société : nique
comnlcnt savons-nous que ce n'est pas la féodalité qui a inventé l'étrier de tot
et non pas I'invcrsc ? en déniontrant que la littérature, l'iconographie, etles fer sa
résultals des liruilles arc:hócllogiques nous permettent de suivre l'étrier les ct
depuis la Chine à lravers les steppes de I'Asie centrale jusqu'aux peuples l'épo
germaniclues tôt dans le vnr siêcle. A la réflexion, néanmoins, on ne dewait cham
pas s'étonncr clue la léodalilé (allégeance personnelle, fief, service militaire) néces
n'ait pas été la cause de l'invention de l'étrier, mais que Ia société qui formr
allait devenir léodale a compris l'usage auquel il pounait être mis. Ainsi parcn
la société pcut voir de nouveaux usages pour de vieux produits, peut joign
demander de ncluvcaux produits, ce qui peut effectivement amener à plus r

l'invention de nouveaux processus techniques, mais elle ne peut jamais social


dire qu'unc institulion potantielle a besoin d'un nouvel objet technique et un
pour exister. Et. nalurcllement, une cavalerie lourde a suscité des déve- lorsqr
loppements en métallurgie, stimulé l'exploitation des mines, encouragé la ma
le développenlent de nouvelles races éc1uines, et ainsi de suite. vatior
Le dernier cxcnrple concerne non seulement une période d'intrication social
étroite enÍrc ólónrents sociaux et techniques, mais aussi de la prépondé- àlap

2. J'adntcl.s la possibilité d'un préjugé intellectuel personnel. Ayant souvent poursúvi à cheval
3.t
vrr siàc
des vaclres (anilnarrx intrinsàtluenrent obtu.s et entêtés) sur les pentes escaryÉes des Rcrheuses, j'ai
la décer
beaucoup de nral à croire <1u'une selle ne suggérerait pas immédiatement des étriers à un cavalier à
le gazo
la pour.suile d'o[)icts ên ntouvcntent :anirrraux ou autre.§ guerriers.
Le ueruRs cyct-relrE DES RELATToNS ENTRE LE TECTINTeuE l*t LE socIAL 285

conque rance des premiers pour déterminer l'évolution des derniers. En lrlande,
Orces et pendant la derniêre moiüé du xDr"'la chamre en acier sans avant train et
peut-on ürée par deux chevauxr, invenÍée en Écosse par James Small vers 1765,
istoire. a graduellement remplacé la bêche irlandaise [Evans, 1957). Dans le sud
rrudent, et I'ouest I'instrument utilisé pour retourner la terre pour fabriquer des
rniquel lazy-beds (<lcs mottes de gazon sont retoumées de chaque côté d'une bancle
Ltion ou centrale pour créer une planche d'un à trois mêtres de large, herbe contre
: de ses herbe, les raies ainsi dógagées étant alors labourées pour fournir de la terre
s d'une à mettre sur la planche) était le loy , une bêche en bois avec un lourd talon
3t tech- épais auquel est anachée une étroite lame de fer. Ce talon présente une
l'inno- excroissance latérale, généralement à droite, qui forme un support pour
lraphes le pied. Cet outil dcvrait être considéré plutôt comme une chamre à main
que commc un instrument à bêcher. Dans le nord et I'est le loy était
'siêcle remplacé par une bôche en Í'er dont la lame était pliée au milieu pour
1'adop- formcr un angle obtus. Au moment des labours de printemps des groupes
gtemps de parenls de toute la paroisse s'assenrblaient dans les différents champs
rver de pour un Íravail colleclif. On disait que douze hommes avec des loys
pouvaient retourner un acre par jour (vingt-sept hommes par jour par
bjet, et hectare). La substilution de la cham:e sans avant úain à ces outils reprásente
nnese une mutation technique (et économique) totale, et cette substitution eut
par les licu dans un laps de temps relativement court. Non seulement les tech-
)ciété :
niques de labour à la charrue demandaient I'apprentissage et la maitrise
l'étrier de toute une nouvelle série de gestes techniques (entre autres,la chamte en
), et les fer sans avant-train peut être manmuvrée par un seul homme qui conduit
['étrier les chevaux et guide la charrue, au contraire de l'habitude irlandaise de
»euples l'époque oü un garçon conduisait les chevaux et un homme guidait la
dewait cham:e dans les régions oü existait des chamres), mais elles aussi rendaient
ilitaire) nécessaire I'acquisition d'une herse et d'un rouleau, et encourageaient 1a
Íté qui formation d'óquipes de travail tbndées sur le voisinage plutôt que sur la
.Ainsi pârenté (des exploitants pauvrcs ne pcuvent nourrir deux chevaux, donc sc
s,peut joignent à un voisin). cette transÍirrmation technique était rendue encor(
ener à plus difÍicile par les changements qu'elle impliquait dans les relalions
sociales incrustées dans les chaines opóratoires. Une chamre, deux chevaux
iamais
rnique et un homnrc ne sont pas que les éléments d'une relaüon technique qui,
déve- lorsqu'ellc est activée, rósultent en une série de gestes et une action sur
ruragé la matiêre qui diflêre d'une façon lrês marquée de celle résultant de I'acti-
vation d'lromes et des loys, ils sont aussi les éléments de nouvelles relations
cation sociales, de telle sorle que le processus de travail qui incorpore une chamre
»ndé- à la place d'un /oy doit surmonter une résistance interne qui est de nature

3. Des chamres lourdes en tnis existzuent probablement dans I'lrlande celúque aussi tôt que le
à cheval
j'ai vtr siàcle, nrais Ia cltarrue prévalante aux tenrps nrétliévaux et même jusqu'à la Grande Fanúne de
uses,
la décennie de I 840 était légàre et en bois, utilisée surtt'ut por:r fabriquer de-s billons dans I'infietd,
:avalier à
le gazon del'ourfield étant trop coriace pour elle.
ln pnÉrttsrolRE AUx MISSILES BALISTIQUES Le
286 De

tàres
aussi bien technique que sociale. Que cette résistance fut surmontée,
pas c
comme nous le démontre I'histoire, et ce assez rapidement, est dü à des
facteurs sociaux externes à la chaine opératoire, externes au processus mais
technique. Ces facteurs étaient à la fois socio-économiques et idéolo- üons
giques. Briêvement ceux-là comprenaient : un déclin de la population révêI,

d'environ -50 7o (atteignant 8 | Vo dans un groupe de paroisses occiden- nique


tales [Cresswell, 1969]) dü à la Grande Famine, et à l'émigration qui en prép(
était I'une des conséquences, qui a eu comme résultat un besoin Ilr
d'augmenter la producüvité du travail ; la nécessité de se libérer de trop de sur I'
dépendance sur une seule culture aprês les années de la désastreuse maladie nique
de la pomnte de terre ; et I'accession lente des fermiers à des meilleures comÍ
terres et à ta propriété de leurs exploitations. Au moins aussi importants ünue
étaient les facteurs idéologiques : la montée du nationalisme renforçait la des p

volonlé des paysans de vivre aussi bien que les anciens propriétaires Ce

terriens, y compris dans le domaine de l'agriculture ; les letlres des émigrés listes
d'Amérique décrivant (en général faussement) la belle vie outre-mer, dirais
<< alors pourquoi les fermiers du Vieux Monde ne l'auraient pas aussi
des é'

bien » ; et les mêmes lettres vantant les prouesses techniques des États- sent Í
Unis avec le même résultat. surtor

Nous avons donc ici une illustration d'une forte interaction entre muta- parfo
tion sociale et dévelopçrement technique. La Grande Famine du milieu du d'un
xD(" siêcle a abouti à une fbrte émigration, à une chute dramatique de la Po
productivité agricole et, du même coup, à une chute de la valeur de l'immo égrer
bilicr qui, à son tour, conduisit graduellement les propriétaires terriens à de la
accepter I'idée d'échanger leurs teÍres contre des annuités monétaires. La trialis
derniêre nioitié du xD(" siêcle était un moment de crise sociale, et l'acces- idée r
sion des Í-ermiers à une propriété (réelle, sinon juridique) de leurs exploi- pernl
taüons favorisait grande ment Ies transformations techniques. Avant cette pren(
en rér
çÉriode les lolu se développaient sans impulsion sociale, selon les exigences
les sols et les types de cultures, jusqu'à constituer un ensemble plétho- charl
'ique de Í-ornies différentes. mais
Cela
n'ava
CoNcr-usroN duisil
ciel b
Ces exemples ont fourni quelques illustrations aux hypothêses propo- de la
sées. La presse à olives nlontre que ses innovations successives se situent au se.

sur des paliers de plus grande etllcacité et suggêre donc que l'évolution n'exc
technique n'est point linéaire mais passe par des solutions de continuité. Pa
L'étude de la roue à eau horizontâle souligne que f innovation est une thêse
exploitation des potentialités d'un instrument, avant de revêtir un carac- témo
têre plus inévitable avec l'étatrlissement d'une hiérarchie de critêres et de s'éva
formes. L analyse de I'étrier renforce cette idée de mise en euvre de carac- une d
Le NaruRg cycI-rerrE DES RELAT'IoNS ENrRE LE TECHNIeuE ET LE socrAr- 287

nontée, têres potenüels, et illustre comment la mutaüon brutale de la société peut ne


lü à des pas coÍresF)ndre à une transformation radicale des processus techniques,
ocessus mais à I'utilisation d'un nouveau produit répondant mieux à des aspira-
idéolo- tions poliüques. L'histoire dc la transformation des outils en Irlande, enÍin,
rulation révêle non seulement le caractêre cyclique des liens entre un systême tech-
cciden- nique et la socióté dans lacluelle il est insené, mais démontre aussi l'influence
r qui en prépondérante de la société globale dans la transformation technique.
besoin Il n'échapçrcra à personne que, présentées telles quelles, ces hypothêses
) Eop de sur l'évolution technique, et implicitement sur les rapports entre tech-
maladie niques et société, apparaissent incohérentes, conlÍadictoires. Entre autres,
illeures comment l'évolution technique peut-elle être à la fois Iinéaire et discon-
)ortants ünue ? Comnrent pcut-il êtrc lógitime de soutenir que les techniques sont
)rçait la des produclions sociales, bicn que les gestes techniques ne le soient pas ?
iétaires Ces questions rapprcllcnt étrangenrent les conflits entÍe théories gradua-
émigrés listes et catestrophiques dans les sciences naturelles. Pour les résoudre je
-
re-mer, dirais hardinrent là comnle ici - il faut abandonner une lue monolithique
rs aussi des événemcnts dans le domaine et adme{tre que certaines évolutions puis-
s États- sent ressorl-ir de la ntouvrurce de l'une des théories et d'autres de l'autre. Et
surtout que lcs innclvatjons ayant lieu dans un processus technique puissent
e muta- parfois se siluer dans un contexle gradualisle et parfois présenter les traits
ilieu du d'un saut « catastrophique
".
re de la Pour s'en convaincre exanúnons briàvcnrent I'histoire de la machine à
'immo- égrener le coton. Cclle-ci est en général présentée comme l'exemple type
niens à de la contribution d'un individu inventeur à la marche en avant de I'indus-
ires. La trialisation. Basalla il988, p. 321 démontre ce qu'il y a de faux dans cette
.'acces- idée reçue. Eli Whitney conçut en effet en 1792 sa célêbre machine qui
exploi- perniit à la production américaine «lans le sud des jeunes États-Unis de
nt cette prendre une place importante sur les marchés mondiaux du coton. Mais
igences en réalité il adapta une ntachine qui était déjà présente dans la région, le
plétho- cltarko, originaire des Indes, excellenle pour le coton à longues fibres,
mais inutilisable pour le coton à fibres courtes prédominant dans le Sud.
Cela n'enlêve ricn au génic invenfif de Whitney qui réussit là oü d'autres
n'avaient essuyé cluc <Jes échccs, ni aux profoncles transformaüons qu'intro-
duisit sa machine, mais cela supprinre l'aspect << coup de foudre dans un
ciel bleu » que revêt souvent son invenlion, comme bien d'autres aspects
propo- de la mutalion industriclle. En d'aulres termes, le fait pour les innovaüons
situent au sein d'un processus de procéder en général par petits accroissements
olution n'exclut pas I'existence de temps à autres de sauts radicaux.
tinuité. Par ailleurs, et t:nfin, il semble que I'on puisse poser comme l'hypo-
]st une thàse de recherche futurc que la plupart des difÍlcultés - aussi bien épis-
.cilac- témologiclues clue pratiques, pour évoquer le début de ce chapitre -
)s et de s'évanouisscnt si l'on opôre à I'intérieur même du processus technique
) carac- une distinction entre ouÍil, séquence de fabrication, et systême. Lorsque
288 l)r ln pnÉlrts'folRE Atlx MISSILES BALtsrIQt,ES

les liens cycliques dont il a été question sont relâchés, ils seront surtout
opórationnels au niveau d'un systême technique, là oü se rencontrent les
réseaux et leurs articulations mutuelles. Les institutions et comporte-
ments sociaux auront une influence atténuée sur les séquences de travail,
et pratiquement aucun impact sur les outils. En revanche, au moment
d'une forte inibrication d'une société et de ses techniques la dialectique Base,
établie créera unjcu conlinuel d'influences réciproques, aussi bien sur Camb
les outils que sur les sóquences et les réseaux.
C.nass
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Ex S.
samfu

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Grrp
des te,
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