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Et pourtant ça vole !

L'ethnologie des techniques


Pitrre Lenlonnier
C1VRS. Centre de recherche
et les objets industriels
" ' tle tlocumenuuiott sur l'Oc:ét111lt', t\1arJeille

1 RÉSUMÉ
Un rupfde ,tun'Ot clt /'hiJtOirt dt /'(J11/(11um mC1nfre QU<' .!'Î Ici g~unmt 1/r-1fon11tt& et dt'.f sol1ttion.5 teclmiq11es inwmth•,t ' ·" immen·
pl1u;eurs l)'Pl!S d'ulro11lcmt1 f11nm1 SJ'l'tlmt1tiquenre111 rejetés QU riH1f1lltwl/,(/.,f, e11 dépiJ dJJ Jeurs lndiniab/t$ qm1lltls dt t•ol.
.\'f',
d~ /~"' .f11piriorilé ico11" miq11tt 011 df Io plu31.rr.mde $lcurill quïls tJjfrlllt'nl. Ct'~ndânt, après qut•lques d1lt'f11mit1 de mise au
sero11dpion dt J'ejfkacir€. C<.f <'"8111.J d'(ll/(Jrt non da,l.)·1q11e 3'in~ ji1u.1lt111t111 ('(nl.ftnûu, comme.# les tedmiqu.:s 11t(){/er1tJJfpliflitnt
tllts tUt,f,\'( ,/tt-·t~n1 /(J .. tt•ndcmc' ,. teclmique (Leroi·Go11rhan•. L~ diltmmr rJt al1Jrl de CtJmPrtmdrr 4.'(Ut1mt>11t c•lle-c:i 1'ùtJ/nu~
quotidit11neme-m dans de~· syJtèm11111:lmiqur~ matgri la complaitl dt:.J tl,ffOUX dt Jig11ifit'Qfi0tu don1 ils /Jtlftld/"tnl.
/>r,1tan1 pr;tr.ar dr la plac' /aitt /j J'(/Jlracitl pttr 1''1hN)lfJgif 1/t1114•hniquf~. '"' .sïnttnTJgt alors sur'"~'"'"' dr la., NHI·
~tllt S«'inlogie '"' ltcMiqi.<.1 • t,otr1 t"ttrt "'"ÛM. a/ON ~mt (fUf' lts ~u.r approclws :wftl inconJr.1tabk1n1n1 t ompllm<1t·
talrf'S.
M01$·Clt/$ : aviation. c..:ndaol.~ tcchniquie, <fflcanté. tcdmologk cu.Jt.un:Ue. liOCKlklgje des œchniquit$

Pierre ~monnicr
CNRS. Centre de Recherche et dt Docu1ntntation Mir l'Océaoic
Ctmre de ta V~ilJe Charité. Rue de LB Ch.uri1é
13002 f\.ia.rscillc

P11ur &"1 C. t't Bruno L der les rel•tions S<JCiales médiatisées par les objets.
Mais. olor< que pour un ethnologue l' analy•c de
Long1emps vouée à I" étude de la cuhurc ma1ériclle machine$ modemes confone l'idée - qui remonie à
des mondes non-industriels. la technologie cullurelle Leroi-Gourhan (1943. 1945)- que les 1echniquesson1
s"es1 progrcssi\'c.mcnt ouvene aux nlOin" ex0<iques toujours ci panout une médiation e1 un compromis
de.< 1echniques qui nous en1ouren1. li en est résulté entre de~ lois physiques universclles et l'inven1i,~té
deux conséqueoces majeures. D'abord. comme sans bomes des cultures. les sociologues qui son1spé-
d'au1resdomainesde l'ethnologie découvran1 de nou- cinlisés dans l'étude de ces mêmes m:ichines considè-
veaux objets. elle a été amenée à s'in1erroger sur ses rent que la prise en comple des lois de la nature
théories et ses méthodes. Ensui1e, elle a côlOyé des dis- u' upporte rien à la compréhension des rnpp()rts entre
ciplines plus spécialisées dans l'éwde des 1echniqucs techniques. culture et sociélé. Lc<lésaccord 1naxin1um
modcn1es, et en tout pre1nier lieu la « nouvelle soçio- concerne l'idée d'efficacité qui revient co1n1ne un leil-
lugie des sc;ences et des te<:h11iq11ts "· Or, si la tech· 1noliv d:1ns les études de technologie cullurelle nlais
nologie cuhurellc a bénélïcié de Io fraîcheur et de la que les >o<:iologues de l'innovation choisissem d' igno-
vi-.·acilé de ces autrCS regards. elle ~·est aussi trouvée n:r.
confrontée à une problématique don1 les fondements
1héoriqucs divergent notablcmcm des propositioos sur Sans prétendre trancher ce déb:tt - ma considération
lesquelles elle-même s'est construite. pour la notion d'efficacité entamerai! d'ailleurs ma
En élarsissant leur domaine d' enquê1e, les etlino- ~ibilhé en la matière - je me propose d·e.xpliciu:r
lo&ues ont consU1té que lts produi1s les plus sophisti- l'entê1cmen1 des e1hn0Jogues e1 de montrer que ladis-
qués de nos industries de pointe ne sont pas moins 1inction entre style e1 fonc1ion et la ptio;e en compie de
enchevêtrés dans des réseaux de significations et de lefficacité pour elle-m~mc penneucnt non seulement
relations sociales que tes plus élél'ncn1aircs actions sur de <lonncr li l'étude des techniques son plus vaste
ln 1nouière rencontrées dnns une population sans indus- cha1np d'enquête, mais aussi de ti rer un plus. large
trie. P.1 les concepts empru111és à la SQciologie de pnl'ti des appon• mé1hodologiques "l théoriques de la
lïnnovmion on1 de plus enrichi leur m•nière d'abor- sociologie de l' innovation.
18 Piene Lemonnier

1deD'étranges aéronefs sous lai le


la tendance•
compter les hydravions ou l'usage Je turbopropul-
seurs (nu lieu de n1oteurs à piston).
Chnque niveau de la description rév~le donc une
14'his1oire de 1·aviation es1un bon exe-rnple de tech- large exploration du champ des possibles. ce qui est
nique •de pointe» développét dh l'origine par des habituel dans toute étude rechnologiquc. Cependan~
ingénieurs talentueux et qui laisse une singulière lati· bien que: 1nultiplcs. les ''ariation.~ rcncontrfcs conce.r-
tudc à lïnvention 1001 en étant par ailleurs marquée du nent IOUies ici le.< aspects les plus fonctionnels de
poids de la tendance. A priori. un avioo ne laisse de l'objet technique considéré, et non une quelconque
place qu'à des choix techniques mOrcment réfléchis. 1ransn1is)ion d'information cn1re groupes sociaux
Comme dans le cas d"une herminette ou d"un piège à (c'cst-à-dircce que l'on ra.~scmble 1raditionnellemen1
ours, su/orme traduit plusieurs de ses fonctions phy- sous le terme de • sryle •').Tous les troits techniques
siques. ici adaptées au vol et au transpon d'une char- que 1·on vient de citer contribuent incon1establemeo1.
ge: les ailes créent une portance. le rusclage conLient et de 1110.nière fondamentale. au fonctionnement de
une charge, les moteurs imprinlcnl un 1nouve1nent, les l'avion en umt qu'il est un avion. c'est-à-dire à sa
ailerons. la dérive et les gouvernes équilibrent et diri- fac ulté de déplacer une charge dans les airs. Ils ne
gent le vol. etc. Or, si l'on se penche sur l'histoirede marquent a priori aucune appanenance sociale ou eth-
f'oviat.ion, et même en ne s·en tenant qu'aux avions nique, el ils ne contiennent aucune inforrn:11ion si ce
•réussis,. - c'est-à-dire à ocux qui ont effectivement n"c.<1 une indication indirecte de J'éoole de pensée de
volé et répoodu aux auentes de leur> utilisateurs -. oo r ingénieur qui l'a produit'. lis ne ren•cigncnt pas
CSI frappé par la diversité des solutions techniques mc!rne sur une période paniculière de l'histoire de la
n:&enues. technique ao!ronautique. puisqu'à une ou deux "'cep-
Si l'on considère par exemple l'implantation des tion.< prè> (le; multiplans. les avions ayant un grand
moteurs sur les seuls avions de transpon civil à héli- nombre de moteurs ou ceux dont les pas."'gcrs sont
ce, cc qui limi1e déjà grandement l'échantilloo. il appa- assis dans les noueursl, toutes les solution.' passées en
raît que les mQteurs peuvent être insua.Jlés sous l'aile. revue à l'instant som e11core employées aujourd' hui.
dnnr, l'uilc, au-des.sus de l'aile:, entre lc:s ail e~ d'un Tuu~ ces avions volent (ou ont vol~) r~guli~rement.
multiplan. dans chacune des nl les d'un biplan, à n1ênic si les 1raits techniques co n~ idérés présentent
l'extrême avant du fuselage. dans le fuselage et dans une extJt111e "ariété. Quelque..~· uns vnlaic.n1 cc.nes plu!\
les ailes, d:ins Je fuselage Cl sous les ailes. à l'avant et vite, 1>tus loin. plus sûrement ou plus économique-
h l'arrière du fuselage. à l'arri~re du fuselage seule- ment que d'autres. mais tous sont (ou ont été) de.•
ment. dans les ailes et dans la dérive'. Les hélices peu- objets tecilni4ucs efficaces. répondant à ln demande de
vent lue tractives ou propulsives. et te nombre de leurs u1ili~a1eun..
moteurs varie de un à dour.c (sur Io Dontier Do X de En morière de configuration générale. de forme et
1929). Un semblable foisonnement de '°lutions exis- d'agencement des ailes. du fuselage. de• dérive> et
te aussi pour d'autreS élémenb ossurant les foncrions des moteurs. il n·cxiste aucune panacée. ~u1emen t
phy;iqucs de base demondées fi tout a\•ion . Par des compromis (Smith. 1985. p. 202). Chaque concep-
exen1ple dans la fonne, l'implruu.atîon et Je nombre des 1eur est toujounç persuadé d'avoir trouvé le lllCÎllCU!
ailes. ou la présence et la localis:uion der empennage. qui soi1 et des progrès évident~ cxislc11t, qui traduisen1
La disposition des passagers n'est pas n'oins variable : l'nccroissenlent des connaissances techniques. Cepen-
on les découvre dans les deux noueurs d'un hydravion dan11.·es C<)111pronlis portent rnreurent sur les 8rt1ndJ·
ou dans deux Fuselages, et marne paniellcmenl à l"inlb cl1oix d 'lt,,plantation présen1ésjus9u '/cf. 1na.is, lc plus
rieur des ailes!>. souvcn1. sur<lesdomai.oes particuliers. 1\insi, paralJè..
On trouve à nouvc.au des différences très sensibJes Jemcn1 à la dirninution reJaû\'e des co01s de conslruc..
d"un appareil à l'autre lorsque l'on prend en compte un tion, des améliorations constantes ooi poné sur l"effi-
unique type d"avioo - par exemple les bimoteurs de cncité aérodynamique (par la mise au point de
transpon léger à aile haute - . de mani~re à restreindre nouveaux profils de fuselage. d"aile ou de pri>e d'air)
le chrunp des variations possibles. Si te cas général est er la téduclioo (relative) du poids des avions. •ur la
illustré par un a\•ion à moteur à plat ou en ligne. doté puissance tt la consommation spécifique des moteurs
d"une hélice tractriœ et d'un fuselage courantjusqu"à et •ur la sécurité. Elles se sont traduites par de.< gains
l'ernpennage, on trouve au,;si de.~ avions à fuselage en vitesse. en autonomie, en capa.cilé. Cf pur Io réduc-
ultra-<:oun. plusieurs cas d'hélice.; propulsives (ins- tion des risque• d"accidcnt et des coOts d"u1ilisa1ioo.
mllées à l'arrière du fuselnge), des moteur. en étoile et Mais. il est re1narquable que les fomlcS ori~i nales res-
d' nulres installés sur des nucelles accrochées aux 1e1H i<Otées et sont rarement développccs. ce qui
flancs du fuselage plutôt qu'en ava111 de l'aile, sans conduit à se Jc1nander pourquoi certaines solu1ions
Et pourtant ça vole ! L'ethnologie des tee hniques Cl les objets industriels 19

techniques et configuralions ne sont pas recenue.s par erreurs d'utilisation répétées (tentative de décollage
l'aéronautique. Les formules ou dispositifs rejetés le sur un rnotcur), une allure inhabituelle et surtout le fait
sont-ils parce qu'ils ne remplissent pas les forn:tions que la séc.urité apportée ne s'accordait pas à J'inlage
physiques que l'on auend d'eux, ou pour d'autres rai- «virile» qu'un pilote se fait d' un engin de ce type ont
sons, qui né sont pas rnatérielles rnais de l'ordre. de la détourné les pilotes civils de cet avion 7. Ajoutons que
mode-. ou de l'idée que l'on se fait d'un avion, de ~on le bruit élevé qui régnait dans l'habitacle était peut-être
allure générale ou de la manière de le piloter ? Ne difficilement compatible a\•ec la • dusse • pré.sumée
pèSC·t·il pas sur Je dévclOppè1nc.nt de l'aviation des d'un 1cl avion pour hon1mes d'affaires surmenés. On
représentations de cette technique qui.n'ont rien à voir pourrait dé,•elopper un argument semblable au sujec de
avec les principes physiques ou mécaniques qu'elle la Olévente du J\'1itsubishi MU-2. une autre " 111achine
met en œuvre, ni avec de quelconques considérations d'allure étrange» dont les performances dépas.s.aicnt
économique.s? pourtant toute la concu rrence dans sa catégorie
D'abord, on ne peut, à l'évidence, faire voler (Lemonnier. 1989, p. 167 : Mac McClellan. 1985,
n'importequoi, les règles de l'aérodynamique et de la p. 40-42). Dans ces exemples contemporains, cc S(mt
résis.tance des matériaux s'imposant à tout inventeur d'une part les représentations de l'avi.o.n lui-1nê1n.e.
ou constructeur, qui s'en accon1mode avec ses d'aune pan Je poids de la routine d'utilisation (le
connaissances du moment. Ainsi ravion à aile-pe-r- savoir technique du moment) qui ont conduit à un rejet
sienne • M11/1ipfone • de M. Phillips (1904) fut un de formes originales. mais physiquement parfaite1nent
échec tQtal. même si <·et inventeureffectua en 1907 Je adaptées à leurs fins. Ce sont ici les 111Uisa1eurs-tech-
premier vol propulsé ( 157 mètres) jamais obse.rvé en 11iciens - qualiliés (les pilotes) qui ont refusé les avions
Grande-Bretagne, avec une application plus complexe proposés : il est cependant éviden1 qu'aucun constn1c-
encore du principe du store vénitien motorisé puisque teur ne reprendra avam longtemps les solutions en
les «-ailes » de l'engin étaient constituées de quatre question.
séries d'une cinquantaine de lamelles superposées cha-
cune ! Les avions dotés d'ailes-persiennes en série Mais le priocipal phénomène que l'on retrouve der-
n'eurent n fortiori aucun n..•enir, uin~;i que <levait le rière la non-adoption de formule~ p<mn~nt mieu~.
démontrer à ses dépens le Comte Caproni en 192 I. adaptées au \'OI que d'autres, est I 'att.i 1ude des c,·011cep-
1eurs d'avions qui, dans leur gra11de majorité. ne pro-
avec l'échec du« Triple Hyllru-Trip/wie ••(Taylor,
1981, p. 8-13 : Air C/assics Special Repon, 1985, duisent que des engins en accord âvec leur représen-
p. 72-77). Autre exemple, le " Nipper• de Dixon t·ation <le c.e que doit ~cre un avioo. Con1n1e l'écrit
connut un échec retentissant malgré. son allure fausse- Taylor dans l'introduction à son Fw11as1ic Flying
Mochine.~. qui traite d'avions aux fonne.s sidérant.es
n1ent «classique» - 1noteur suivi d'un fuselage ter-
1niné pa.r une gouverne de profondeur, ailes immédia- dont beaucoup restèrent à l'état de prototype: K ~Virile
tement derrière le moteur - parce que f)ix.oo essayait afew prove dead-en<IS teclurica.Jly, others were inspi,
de le faire voler dans le sens <>pp<1.•é à ce que l'on pou- red, on/y their r(u/ica/ly unusual appearances pre~·en­
vait attendre à première vue (Taylor 1981. p. 9, 11). ting series p roduction • (Taylor, 1981, p. 7, souligné
par moi)_
Ensuite. il existe des types d. avion qui n'ont connu
aucun succès pour des raisons autres que leur inapti- Ainsi, apparue en 1910 avec l)unne et systémati-
tude à voler. Je ne parle pas ici d'avions surclassés par quement expérimentée par Northrop à partir de 1929,
leurs concurrents immédiats: ou dont la mission pour l'a.ile volante - une formule d'avion sans fuselage ni
laquelle ils avaient été créés n'existait plus au mon1ent dérive.verticale. dans laquelle une.aile épaisse et large
où leur n1îse au point s'achevait (cas de non1breux abrite à la fois les rnotcurset la charge utile (passagers.
avions rnilicaires), rnni$ bien d'appareils aussi effi- cargaison) - n'a t<lujours pas été produite en série,
c.a.ces. voire plus performants que leurs c-01lCurrencs. bien que la suppression du fuselage se traduise par
En ce domaine, l'échec commercial du Cessna Cl37 une économie noo négligeable de poids de t< strucn1-
«Skyn,aster ,.; sur le n1arché civil est exe1nplairc. Ega. re •(de rordre de 20 %). Or. toutcst.l1oses égales par
lement connu co1nJne « puslJ·pull :11 - parce que doté ailleurs (aérodyna1nique, puissance e t consom.mation
d'un moteur à chaque extréntitodu fuselage - le C 137 des 1no1eurs), une rédut·t.ion de poids e1 une djnlinution
fut probablement l'un des plus sûrs bimoteurs jamais de la traîn~e pcnncuent soit d'emporter une n1êrnc
construits. En effet, en cas de panne de l'un des deux charge sur une. plus longue- distance tout en cmbar·
n1oteurs) son équilibre làtér.tl est assuré par leur ins· quanl une plus grande quantité de carburànt, soit
lallation longitudinale. alors qu'un bimoteur classique d'augmenter la charge uci1e. pour une même distance
aurai1 tendance à partir en Vl'ille (incident fa1al au parcourue e-t une consommation inchangée. ce qui
décollage). Malgré cette qualicé fondamentale. des conslitue un avantage essentiel pour des objets dont
20 Pierre Lemonnier

une des principales fonclions est toujours de déplacer pulseurs à hélices transsoniques (propfans). un modè-
one charge maximum le plus loin possible'. le de 150 places à empennage• clmllrd •• la presse
L' installation de la gouverne de profondeur vers le spécialisée soupçonna immédiatement un coup de
nez de l'appareil (empennage avant. dit« canard») bluff. et non un projet réaliS<ible. Panni les choix pos-
pennet également d' oblenir une réduction de poids. sibles. celui d'unt fonnule « ca1u1rd » avait peu de
pour une po11ance donnée, avec les mêmes avamages chances d'être retenu, largement parce qu'elle ne
que ceux évoqués à l'instant. Associée à une hélice réfl()nd pas à J'image d'un a\'ion, au moins pas d'un
propulsive (et non tractive) installée à l'extrême arriè- avion de transport. De fai t, l'appareil en question (le
re du fuselage. cette configuratjon présente d'autres B· 777 dont le prototype sort des chaînes au moment
caractéristiques intéressaoces : n'étant pas dans le d'écrire ces lignes) est un avion« classique »1 4.
souffle de l'hélice, la traînée aérodynamique du fuse- c·est seulement au début des années J990 que deux
lage est moindre et l'hélice propulsive p<>ssèdc un petits avions pour riches hommes d'affaires ont été
meilleur rendement. Il s'ensuit qu'à surface alaire construits en série (par Beechcraft et Piaggio), démon-
identique. un tel avion " canard » atteint une vitesse trant d 'ail leurs du même coup une supériorité de pet·
plus élevée (de l'ordre de 10 %) qu'un appareil muni formances e t de confo11 sur tous les appareils compa-
d'un stabilisateur à l'arrière du fuselage. Dégagées du rables. Bref. pendant plus de 80 ans. la formule
souffle de l'hélice. les gouvernes de direction sont f(c,1nard li> a été marginalisée par Jes ingénieurs
égalen1ent plus agissantes. Mais. surtout, les avions nota1nmeot parce quel.es engins s'eo inspirant ne res-
« ca,,artls., présentent une sécurité accrue. puisque eo semblaient plus à un avion nomwl après le vol hîsto-
cas de " décrochage • - c'est-à-dire lorsquuJle trop rique de Blériot au-dessus de la Manche, aux co1n-
faible vitesse ou une trop fone incidence enlève subi- mande.s d'un app-Jreil dont la configuration é tait celle
ten\ent à l'aile sa ponaoce-Je plan avant« décroche» qui définil encore aujourd'hui l 'avion 4.< classique » 1s.
le premier. Il en résulte que. pour quelques (pré<:ieux) Comme le dit de Marchi au sujet de run des premiers
instants au moins. l'appareil pique du nez tout en «canards» modernes (un avion de chasse italien resté
continuant de te1llr sur rafr. alors qu!un a\'ion << clas-· à !"état de prototype) ta fonnule • m•air s11rrour le
:.i: ique " to1nbt co1n1ne une pierre. défaut de heurter ltM· trtulilions, CIJ qui flSI r4dhibitoi=
Cependant. bien que cet agencement des gouvernes re, même e11 aviation• (de Marchi 1983: 25). Même
date des tout débuts de l'aviation - le• Nyer» des tonal ité chez Wooldridge. à propos des immenses
frères Wright en 1903 et le • 14 bis• de Santos bon1bardiers « aile vo/.t11ue * de la fin des année!\
Du1nont'-'étaient des« canards)> - .jusqu'à très récem- 1940 : " The pistot1-en8i11ed XB-35. lUu/ i1s jet·powe-
ment seuls quelques avions militaires ou des machines red successor, the YB-49, were inunensely pleasi11g 10
d' « amateurs )) à construire soi-mê1ne étajent équipés the t),.e, but 10 consen1alives within the aeronaurical
d'un plan « canard » 'tJ. Il en est de rnê1ne des ailes conuÎtunity. they probubJy did not ïook right ', and
volantes. En ce 1niUeu des années 1990. seul le bo1n· tllerefore their ul.titnatc sucl~ess u·as in <loubt » (\Vool-
bardier B~2 - si coûteux du fait de sa sophistication dridge. 1983, p. 145): ou chez Kohn ( 1974) pour qui
élecuonique. et des matériaux absorbant les ondes la proposition d:une version civile d'aile volante resc.a
radal'S dont il est revêtu qu'il ne devrait être construil sans suite car « the conservalive airlines would not
qu'à une vingtaine d'exemplaires (Noster 1994) - et chance trying ta plllce in service an unonhodox air·
quelques prototypesd' «ULM • ou de très petit5 avions craft no 111nner how efficient and profitable it might
à « monter soi-111ê1ne ,; adoplent cette formule• 1• En prove».
particulier, pendant près de 40 ans, c'est-à-dire entre Pareille référence aux poids des représentations de
! 'abandon des projet' de bombMdicrs lourds de Nor- ce que doit ê tre un avion sur les configurations effec-
throp et la reprise de la formule par le même constn1c- tive1nen1 retenues se retrouve dans les mémoires de
tcur pour le ll-2. la seule aile volante ayant régulière- D. Küchemrut. qui fut chef du dépai1emcnt d'aérody-
ment pris l air fut « /'Aile Rouge • du colonel Olrik. namisme du Royal A.ircraft Establishment de 1966 à
dont les évolutions sont 1ilni1ées aux pages d'une 1971, c'eSt·à·dire lorsque s'élabora !'étonnante fonnc
bande dessinée, comme chac un sait (Jacobs 1950). du transpon supersonique Concorde, qui reste l'un
Les ailes volantes et le.s avions «canards * n'ont. des plus extraordinaires appareils jamais construits••.
pas que des avantages. Ils posent en particulier des Qu'on en juge. Au début des années 1960. alors que
problèmes de stabilité non négligeables". Pourtant. ce projet d'avion de 1mnsport civil supersonique pre-
bien que l'on sache depuis longtemps faire voler des nait forme. dépasser la vitesse du son demeurai! un
engins autrement plus instables. ces appareils restent exercice délicat et dangereux. n1ê1ne avec un appareil
marginaux". Par exemple, lorsqu'en 1985 lloeingpré- militaire. Ainsi. bien que non pressurisés {et évitant
senta. parmi d'autres projets d'avions munis de pro- par là-même tout risque de dépressurisation explosi-
Et pourtant ça vole 1 L'ethnologie des 1ect1niques ec les objecs iodustriels 21

ve), les lx>mbardiè" américains Convair B-58 se sort d'une solution 1cchnique parciculière (l'avion
désincégraient dans l'esp:lce les uns après les autres • can(lrd »,l'aile volante) semhle alors lié à une mul·
lorsqu'une panne de moteur suri1enait à vitesse.super· titude de facteurs, dom la nouvelle sociologie de• tech-
sonique. Par ailleurs, ccne vitesse ne pouvait être niques nlontre régul ièrc.1ncnt la contplexité (par
maintenue que brièvement. On imagine les dilliculcés exemple i\1'acKenzie 1990, pour rester da.ns le domai·
inouïes auxquelles se heurta.ient des ingénieurs dési- ne aéronautique).
reux. de faire traverser l'Atlantique à deux fois la vites- Mais il s'avère égalemem que plus ils concernent
se do son, e1 en toute sécurité, à des ditaines de pas- les • premiers degré.s du fait • - ceux qui som relatifs
sagers installés dans une cabine pressurisée : recherche à l'action sur la 1uatière et sur l'énergie visée par une
d'une fom\e diminua.nt l'échauffement dû à r énergie action te<:hnique particuLière -. moins les traits tec.h-
cinétique 1nais pemlettaru néann1oîns à l'avion de se. niques sont susceptible..~ de varier. Lorsque cette action
comporter co-rrectemenl à basse vites.se : 1naintien de a lieu dans .le cadre de principe$ physiquL'S eux-1nê1ne-s
la différence de pression entre la cabine et 1'cxcéricur: très conrraignants, ! 'éventail des choix techniques es1
réfrigération de la c.abine et des « systè-mes » ; etc. 17 enc.orc plus réduit, pour une époque et un savoir don-
Comme on le sail. la contïguration aérod)'namique nés. Par exemple, compte tenu des contraintes inhé·
nouvelle retenue pour Concorde sous la direction de rentes au vol supersonique d'engins lourds, les lois
KUchen1an fut un plein succès. ~1êmc si divc.rscs rai· physiques et les connaissanc:c!s du 1noment .ne laissent
sons économiques et politiques ont conctui1 à l'échec qu'une très fai ble marge de manœuvre. L'éventail des
commercial de l'appareil (Jounie1 1992), non seule- solutions dispon.ibles se resserre et la fonne dire« en
ment Concorde eut les performances escomptées. 1nais delta effilé» (slender delta) s'impose. Ainsi, en dépit
il vole rég.ulièren"lent de pui~ 25 ans sans avoir connu des changerncn1s intervenus dans les rnacériaux. le.<
d'incident n1ajeur et devrait ê1re en service jusqu'en moteurs ou les systèmes de vol informatisés, l'avion
2005-2010 (de Galard 1993). Dans ce concex1e, l'opi- supersonique civil du XXI'' sièc.le aura au moins en
nion de l'ingénieur Kücheman sur les li mitacions con1mun avec le C1nu:orde sa configuration générale
apponées à son projec par les ingénieurs travaillant et son aérodynamisme (Stilcy1one 1993, Tardif 1993).
nvee loi 1nél"ite.considémtion. En l'occu1'runce, il pro Dons le même ordre d'idée&, le bomb:lrdier s..2 ou les
posait une intégration des ailes au fuSt:lagt. donnanl à rnagnifiques « carn~nls # aujourd'hui 1nis sur le n1ar-
ce dernier un rôle daos la portance. Or cette trouvaille ché par Piaggio et Bccchcr.:tft n1ontrcnt qu'une solu-
aérodynamique fut refusée car elle impliquait le rejet tion nettement supérieure aux autres ne reste pm~ éter·
de l'un des principes fondamencaux de l'avia1ion, dO nellemeOI ignorée. Au moment d'écrire ces lignes, un
à G. Cayley ( 1796-1865). suivant lequel les diffé· rnono-1urbopropulseur d'affaires reprenant la formu-
rentes fonctions essentielles au vol doivent être effcc· le " canard 1t (le « .letcru;_cr »)vient de recevoir de la
tuées par des panies dis1inc1es de l'avion. Kücheman féroce adnlinistration américaine de l'aviation civile
parle à ce sujel de ~ 1radilional reluc1ance 10 (1tcep1 (F.A.A.) l'incro)'ablecertilica1ion de• spin resistant fe
11oi•el co11cepts on their technical tuerits );>et de projets (non sujet à la vrille)(Anonyme 1994). Dans quelques
M inliihited by u1isplaced If'adition » (in The aerody· siècles. les ailes volantes C)U les « ra11t1rds ,. poum.1nt
1wmic desig11 "fairc raji, cité par Owen. 1982. p. 39). paraitre s'êire imposés rapidement. Après tou1. que
Face à une technique modeme «à la pointe du pro- signifient les 90 ans d'histoire-de Paviation 1notorisée
grès: )> comme l'aviation, l'ethnologue retrouve donc dont on dispose actuellement comparés à la période
plusieurs résultats déjà anciens de la technologie cul- d'évolution de l'herminette ou de la méiallurgie ?
turelle. relat.ifs à la coofronunion de la « tendance» Si bien que, finalement. ces brèves notes d'hi.<coire
- au sens de Leroi-Gourhan ( 1943. p. 27) - ave<: les de laviation soulignent avec encore plus de force le
iono1nbrables don"l.aines de la l'éalité. sociale en relation paradoxe - ou le dilemme - qui parcoun 1' ethnologie
avec les tech11ique.s. A l'intérieur des lilnites irnpo- des 1echniques. Ce dilemme est le suivanl: d'un côt~.
sées par Je milieu physique, des choix rcs1e111 pos- d~s )'instant où l'on considère une société particuliè·
sibles. dont la logique a peu à voir &véc les connais ~ re en un lieu et un temps donnés, de nombreuses tech-
sances «objec t ives~ mises en Q?uvre. Les niques apparajssenl loin d'être-... ralionnelles », « efJI·
représentations sociales en jeu dans ces choix ren· <:ace~~ "· « les nieU/eurl!S possibles "· etc. Mais si l'on
voiem à bien d'aucres domaines que celui des simples :;e place du point dè vue de l'évolu1ion à long 1enne
connaissances des principes physiques de l'action sur des techniques. disons des premiers honliniens à nos
la matière. Si 1' on considère une brève période de socié1és rurnles des années 1950, le progrès technique
temps - el notamment la phase d' inno,•ation - . est évident. au n1oins si l'on appelle « progrès >)
l'enchevêtrement de cc:.s représentations avec les r accroisse1nen1 du contrôle des ho1nn1es sur de larges
logiques sociales les plus diverses parJît sans fin. Le domaines du monde na1urel, ou l'augmcnta1ion de la
22 Pierre Lemonnier

productivité du travail"'. De plus, en dépit de la liber.. avec passion l'intérêt réciproque de leurs travaux
té avec laquelle l'humanité produit ses moyens (Latour, Lemonnier. 1994). Celui·ci tient surtout à une
d'action sur la matière. des techniques comme lacéra- large uo.ité de vues sur la oature rles phénomènes tech·
mique, le lissage, les outils de trcl''ail du bois. les pra- niques, considérés par tous comme d'étranges emmê-
tiques agricoles ou le matéri.el de chasse ou de p&he lements de choses. de relations sociales etde pensées ;
montrent panout et en tous temps d'étonnantes simi- les objets qui nous en.tourcnt agissent sur la matière et.
larités (Leroi-Gourhan, 1943, p. 27). Dans le cas des J·;muluuiéuU!nt, produisent. do seos et sont constitutifs
objets 1node.mes. l'existence de solutions identiques du lien social. sans qu'aucun de ces aspects soit iso-
aux quatre coins du monde n'est plus une preuve du lable.ou domine les autres.
poids de la "' tendance,, Lechnique - pour reprendre le Chaque discipline exprime à sa manière cette com-
tenne de Leroi-Gourhan-, du fait de là circulation de plexité de l'objet d'cnquêlc con1nlun, niais 1' accord est
I' infomiation. On constate que des centaines de socié- général. F.n ethnologie. à la suite de l'essai classique
tés ont inventé des hermineues semblables indépen- de Mauss sur les techniques du corps (1936), Leroi-
damment de tout phénomène de ditTusion. rnais aucu- Gourhan et ses élèves oùt systématiquement placé la
ne 1nac-hine n1oderne n'est <( inventée » sans référence compréhen:-;ion de la nature con1posüe de.s phéoo-
aux autres objets du même type". Pourtant, l'histoire n1èn.es techniques au centre de leurs program1nes de
de l'aviation laisse entrevoir que 1nê1ne nos techniques rechen:he. Comme on le sait, mêl)le les plus fanatiques
les plus n1ode.mes plient. elles aussi, de"ant la ten- " tcchnographes • one subordonné 1'ingrate analyse
dance. La lancinante question de 1·ethnologie des tccJt... des chaînes opératoires à la compréhension in fine du
niques est alors, encore et toujours. de comprendre mélange de .logiques sociales et d'actionssur le nlonde
con1ment la tendance peul s'imposer malgré- le physique"' qui constitue le domaine des techniques.
brouillantinî de détem1inants non .matériels des act..ions Quant aux sociologues, l'un des plus prompts à expli-
sur Ja matière. quer que le magma des techniques n'est pas constitué
A défaut de résoudre ce mystère. je me propose de d'essences pures (..- le technique .» et «le social»)
rappeler combien la question de l'eftïcacilé technique parle de « confusion enlre les objets et lt:s .sujets »
a
- Qui reviem sïnterroï.ler sur la manière dont k s (par .xempk l.atour. l 993h. p. R). « Mt.lange • .
acteurs ~osent les couples action-effe1 m.is en c;euvre « confusion ~ : à première vue. on peut assurément
dans leurs pratiques techniques. en particulier selon s'entendre. Pou.riant. sitôt que l'on détaille la manière
que ces pratiques atteignent ou n' atteignent pas le but dont chacun envisage les rapports entre la nébuleuse
qu'on leur a fixé - reste au cent.re des préoccupations des techniques et les autres pratiques et représentations
des ethnologues de la culture matérielle, dès l'instant soc.iales et culturelles. les choses se compliquent. En
oh lon prend en compte le programme théorique défi- particulier. dès qu' il s'agit de définir concrètement la
ni par Leroi-Gourhan il y a cinquante ans. Et comme gamme des phénomènes dont l'étude est jugée perti-
pareil credo s'oppose partiellement (mais fonemcnt) nente, lc.s rencontres entre ethnologues et sociologues
à ceux de< spéc ialistes des systèmes techn iques des techniques tournent au dialogue de sourds. rnalgré
n1oden1es.j'essaierai simultanément de souligner les l'incontestable bonne volonté générnlc.
divergences de vues. mais aussi, et surtout, la con1- Fidèles aux enseignements de Mauss et de Leroi-
plé1nentmi ré qu'il y aurait lieu d'établir entre les deux Gourhan. ainsi sans doute qu'aux heure~ passées à
démarches. déconiquer de )' œil Cl de la main quelque pressoir,
charn1e ou tour de potier. les pretniers n.e perdent
j amais de vue l'action physique des techniques.
Ethnologie des techniq ues D' abord pa1'Ce qu'elle est ce qui distingue celles-ci
1 et sociologie de !'innovation des autres productions socio-culturelles et. partant, la
technologie culturelle des autres domaine.' de l'eth-
nologie. Ensuite, par<-e que s'interroger sur l'adéqua·
Depuis une dit.aine d'années, des liens forts se sont
tissés entre ethnologue.' et sociologues des techniques. lion des actions techniques aux effets physiques que
La sirnilitude des interrogations dans leurs do1naines l'on cherche à atteindre à travers elles - c'est-à-dire sur
respectifs e-t Jeurs connivences avec la préhistoire ou leur efficacité relative - est une manière si1nple
la primatologie ont d'abord révélé l'étonnante homo- d'entrer de plain-pied dans l'univers des représenta-
généité et la mutueJle fécondité des recherches tions s<>ciales afférentes à ces actio ns~' (voir par
çonten1poraincs sur les technjques : quïls traitent de exemple Descola. 1986, Guille-Escuret, 1993 ou
grands singes ou de machines sophistiquées. d'objets Lemonnier, 1993, 1994).
paJéoHthiques ou des actions sor la matière dans une Pour sa part. la " nnuvelle sociologie tles tech-
population ., primitil•e JJ , les spécialistes découvrent niques » s'est constituée en réaction contre deux
Et p<mrtant ça vole ! L'ethnologie des techniques el les objets industriels 23

formes de dé1em1inisme à sens unique: contre l'idée déterminée parmi d':1utres. el certainen1ent pas un
que les techniques possèdetll une dynamique el une domaine d'enquête privilégié. pour qui cherche à sai-
histoire propres qui s'imposent aux sociétés et condi- sir les rapports eo1re techniques, culture et société. En
tionnent leur évolution ~et contre la proposition inver- particulier. la distinct.ion enLre «style » et « /onctio11 »
se, selon laquelle les techniques seraient au contraire - qui, depuis Leroi-Gourhan est au fondement théo·
rotaletnent rnalléablcs et entièrement soumises à la vie rique el méthodologique de la technologie cuhurel.le -
socio-économique~i. Elle critique également les tra.. scr•it aussi dangereuse que sans it11érêt. Réciproque-
vaux qui. tout en reconnaissarn la nature con1posite des nleot. devant cette nouvelle renversante que l'cffic.a..
techniques. pri,•ilégicnt leur fonction physique e1 cité n'aurait rien à ''oir avec les techniques. les plus
réduisent leur dimension «sociale• à un ajout, plaqué conciliants des ethnologues deviennent intraicables.
tel un veniis sur des objets e1 des pratiques qui, à nou- Et chacun de marteler son propos avec d'autant plus
veau, possèdent leur logique propre (voir par exemple d'ardeur qu'il lui parait évide111 dans sa discipline''.
Akrich, 1994, Latour, 1993a, p. 377-379). Comme on Tout le monde convient qu'aucune technique n'est
le voit~ ces points de vue ne sont pas sans rapport avec réductible à la simple mise en œuvred'une action phy-
les critiques que les e1huologues se sont adressées à sique pour obte-oir un certain effet sur la matière: tou~
eux-mêmes en notant les limites des approches consa- jours, les objets disent bien autre chose que ce
crées aux $e.uls rappons sociaux de production qui qu'annoncent les dictionnaires des techniques : tou-
accon1pagnent la rojse ~n œuvre des technjques ou au jours ils sont imbriqués dans un univers de sens et de
•style> (Lemonnier, 1980, p. 4-8, 1986, p. 147-156). logiques sociales qui dépasse leur fonction physique et
L'ethnologue des techniques reste en pays de connais· dont ils sont partiellement constitutifs. De même. un
sance. simple geste ou lè plus modeste des objets sont tou·
En revanche-. il se cr(lu\'e quelque peu déconce1té jours I 'expressioo 111atérielle d•uoe pensée. de.schén1as
Jorsque. refusant toute dîscinccion entre .., iet·hnique » mentaux conceniant la manière dont les choses fonc-
et •social » - pour la raison (d'ailleurs incontestable) lionnènt, se fabriquent et doivent être utilisées <lans un
que les ê.trcs et les chosc.s que l'on croit pouvoir rap ~ groupe humain donné. Et-. point capital, ces représen·
porrer à rune de ces categorie.~ se révèlent toujours l!llions sociu.les des techn.iques débordent de beaucoup
également associés à l'autre -, les sociologues de le strict domaine de l'action sur la matière. Les acteurs.
l 'innovation préconisent une approche« syn1itriq11e » les sources d'énergie, les outils. les matières premières
(voir Akrich, 1990. Callon, 1986 cl Latour, 1991 , et les gestes mobilisés dans un acte technique sont
parmi les 1ex1es fondateurs). Par une même démarche susceptibles d'être impliqués dans les constructions
el avec les mêmes insirume111s conceptuels, celle-ci se symboliques les plus diverses. Si bien que. de fil en
propose d'étudier non pas la société et/ou les tcch· aiguille, chacun ad.met qu'il n'est pas d'objet ou de
niques. n1ais des « collectifs » hybrides, constitués componement techniques dom l'ltist0ire (apparition,
«.en pre1ni~re (lpproxùntJtion » ·2~ d'hu1najns (quelque développement. mise en œuvre. transformation, etc.)
chose qui ressemble aux êtres du même nom) el de ne soit c llc~mêmc la résultante provisoire d'un i.ne.x-
non-humains (quelque chose qui se rapproche des tricable lacis de relatîons sociales ~ de représentations
objets) (Latour, 1993b, p. 35). La sociologie de• tech- e1 d'actions sur la matière. Mais faut-il pour autant
niques se donne alors pour but de comprendre la affirmer que la compréhension des phénomènes tech-
manière dont se transforment ces hybrides au fur el à niques peut se pa~scr de prendre en compte les lois de
tnesure qu'hwnains eLnon-hurnains s'agrègenc ou se la matière, ne serait-<:e que pour étudier ce que chaque
remplacent. En lui ~ mê.n1c . ce progran1n1e ne peut individu ou culture « fait » (ou ne fait pas) avec ces
qu'enthousiasmer les ethnologues, d'autant que sa for- lois'? Faul·il nier que des phénomènes physique$ ont
mulation met l'accent sur des dimensions - en pan.i- dans to-ut acte lechniquc une autononlie avec laquelle
culier la délégation (voir par exemple Latour J993b) l'acteur doit compter et qui doit donc être prise en
- jusque là peu explorées par eux. Mais l'affaire se compte par l'analyse anthropologique ?
complique lorsque. forte du caractère hybride de ces A mes yeux, le refus de prendre en compte l'aspect
collectifs - naguère appelés • sociérés • -, la sociolo- le plus physique des techniques- ou plutôt. leur aspect
gie de l'innovalion ne fait plus (ou. plutôt, ne trouve. purement physique, pour employer des termes bannis
plus) de place aux " con1raintes 1nn1érielles » qui. par nos amis sociologues - résulte plus d'une défini-
nous dil·on. n'existent pas en tant q_ue telles~4 • Ou tion panitulièrc des techniques. que d'un choix justi-
même coup, pour la sociologie de l'innovation. la fié de manière lhéorique. D'abord, aussi loin qu'elle
nature ou les lois de la 01atière n·ont plus droit au cha· pousse son analyse des objets techniques. la sociolo·
pitre. Quant à la notion d'efficacité-qui s'y réfère par gie des techniques laisse clejilcto de côté une partie du
force -. elle ne serait qu'une catégorie culturellernent p1'0gramme qu'elle se fixe. oubliant dans une• boîte
24 Pierre Lemonnier

1wîrc • de.' objets. des pratiques et des représentations débattcnl avec eux se/011 les 1110.vtns d'action sur la
qu'un ethnologue n'exclut pa~ de son champ d'étude. u101ilrre tlont ils disposent n'est ccrtnine1nent pas à
sin1ple1nent parce. qu'ils sont au1an1 que d'autres des négliger dttns une enquête technologique. Dans leur
productions sociales. Ensuite. indépendamment de sa recherche de compromis, le Maire de Paris. les syndi-
valeur heuristique (don• l'appréciation échappe à mes cats ou les usagers prcnncnl ceue • difficulté tech-
eoinpérenœs) rapproche symétrique me semble c!car· nique ""co1ntne un don.né ; mais.. f)(lrall~le11r~1Jt à leur
ter la pri>e en compte des phénomènes physiques éroute des désiderata des uns et des au1res. les ingé-
•purs •au 1i1re d'un débat hors de propos. nieurs on1 li tenicrde réglerun problèmed'ordrestric·
temen1 physique avec les moyens physiques du
rnomenfU. "-Parallèlement• signifie que. tou1 en éLant
une production sociale. le processu~ technique en
1 C hasser I' a~ymélrie ... quesrion <.•<>mportc pour les acteurs une irréductible
dimension physique. L'an1hropologie doit évidem·
L.e premier poin1 est fücilc à montrer. Il suffit de lire ment en rendre compte. mais elle ne peul le faire avec
les plus brillantes études de processus d'innovation les instruments d'analyse du lien social. L'éiudc de
ou de transfert de • cechnologie ,. pour constater Llnour n'en est pas moins fascinan1e, rnnis lïn1péra-
qu'elles ignorent certains objc1s ou disposilifs qui tif de symétrie n'est respecté qu'en tenant d'encom·
jouent pourtant un rôle dans le.' 1echniques qu'on se branl> ordinateurs ou des 1roins avnnt trop bàlladcurs
propose d'étudier. quelle que soil por ailleurs leur pour quantité négligeable.
füiesse lorsqu'il s'agit d'analyser la ntise en• quasi·
objtt • d"un projel ou la • stabilisation socio-tecli· Une mlme ambiguïté se retl'OU\'C dans les lravaux
nique • qui accompagne l'iniégra1ion d'un oou,.el d'Akrich consacrés au.' transferts de t.eehniques. qui
objel dans un >]stème technique (Akrich, 1987. l 993a. comptent ntanmoins parmi ceux qui s'approchent le
l993b: Latour, l992, p. 89). S11ns importance en eux. plus des te<:hniqucs en actes (alors que la sociologie clc
mêmes (quel chercheur couvre jamais la totalité du l'innovation traite de l'histoire de projet$ où le JYJpier
domaine d'étude qu'il s'est fixé ?),ces oublis mon1renl et les rnnquettes constituent 1·c-~sen1 iel de la 1naûère
t1u'll 1::>l (I~ :o;y1n~hit~ 1'1K1i1'l!il équilib1-6c:tqued 1autre:S. manipulée) : on y parle de camhn11is, ''" lnrne~. de
Dans sa masnitique étude du projet de motro auto· clibles et d'interruptcurs(Akrich. i 993n. 1993b). Mais
rnotisé ~ Aranlis ». parexe1nplc, 1.ntoursigna1equc les le bois u·op hun1ide qui alimen1c un générateur de ga1..
les c~b l es trop couns d' un panncuu solaire ou les
ingénieurs ont bu1é un moment sur l'impossibilité
d ·embarquer dans les cabines un nombre de pass.-igefl; mbuste.~ r.tcines des colonnjers ne sont pas <..'Onsidérés
en rnpport 3\'CC le coOt des engins, du fait du volume pour outant comme les coniraintes purement physiques
des ordinateurs : ou bien les passagers peuvent s'ins- qu·eues son1 au moment ozi lts ac1tun 0111 affai~ à
taller. mais alors la condui1e du train esl impossible: tca. Pour Akrich. ces élémenL• phy>iqucs des dispo-
ou bien Aramis se déplace convcll3blcment. mais sans sitifs techniques (ou des ma1ières auxquelles on les
passagers (Latour. 1992, p. 169). A propos d'un autre applique) ne valent que par les controverses - au sens
tpisode de l'histoire d' Aramis. un informateur expo- de Cnllon ( 1986) - auxquelles ils donnent lieu, el non
se une inco1npatibilitécn1rc le )avoîr-fairecoocemant en tant ~ue phénomènes matériels avec lesquels les
le trJin :ive.nt de 1·engin el la néccs~ilé pout le.scabînes acteul's doi\'Cnl compter.
dr. se 1nOu\'Oir dans les deux sen s~. Or, si personne ne Quant à la symétrie, elle n'esi préservée qu'en
dou1e que les ordinateurs et leurs progranunes ou le humanisant artilïciellemeot les objc~< . dont on di1. par
train :1van1 des véhicules. baignen1 1ou1 autant dans une es.en'tple, qu' ils• rei·enlUquent »ou • 111a11~(esten1 »
rne-r lie seos el de relations: sociaJes qu'AranJi.r lui .. Jeurs propriétés matérielles. Or, une chose est de
mê1ne. il res.le qu'à J'ilurant où/ 'un ''tur les 1ue1rre en prendre en compte - comme on Je doit - les états
œuvr<. ces objets techniques se pr~sentent sous la d'â1ne que les acteurs prête.nt éventuellement aux
fonne d'un obstacle physique au projcL Pour un temps. objet$. aux plantes et aux animaux. mais si tel n'es• pas
c'esl pa.rœ qoe lrorsfonctitm.• - et elle> seules - ne le c'", humani>er leur comportement re~'·e d'un anî·
concspondent pas à ce que l"on voudrait que ces dis· misme déplacé. Dans le but d'étendre l'approche
positi(s pèsent sur le son d' Aromis. Le sociologue ou symétriste là où clic n'en peu1 mais. c·c.it-à·dire pour
l'anthropologue peut et doit >'intéresser au contexte rendre compte de phénomènes s1ric1cment physiques
sociologique de la mise au pnint ou de la production (ou naturels) avec des concepts de ln sociologie. on
de ces objeis le<:hniques qui ne fon1 pas cc qu ·on aime· prête uux obje1s de bien étranges desseins. Pour aussi
rait les voir faire. f\i1ai~ tes oc1eurs, eux, s:onl confron· Jou:1ble que soit J'exercice in1elleceucl qui consislerait
tés à de~ phénonlènes purc1nenl 1nntériels et immé ~ à produire une mocanique utilisant les concepts de la
di:11cn1cnt co1Hraignan1s. et la 1nnnière dont il~ se SO<'iologie pour équilibrer J'influence des théories
El pourtant ça vole ! L'ethnologie des techniques et les objets industriels 25

mécanistes dans les sciences humaines. on ne peul élément du comportement auquel les pelits enfants ont
prétendre que« la technique c'est la sociologie conti- entraîné leur corps pour utiliser de telle$ portes (et
nuée par d 'autres moyens • (Latour, 1992. p. 172) pour échapper à leur violence"). Un comportement
sans entrer rapjdement dans Je do1naine dé la sociolo- moral est incon1eslablemen1 • dilégué • à lobjet
gie arnosante. Cene fois encore 01es remarquei:; n'enlè· Mais, syrnétriquement (si j'ose dire). dans bien des
vent rien au caractère exe1nplaire e-t novateur de.~ cas, c'e,<1 d' une manière physique que l'objet se char-
recherches en question. Par exemple, l'explicitation du ge de rappeler un ordre moral dans le corps même de
processus de « i:;tabilisation » par lequel les objets et ses utilisateurs.
leurs utilisateurs s'adaptent progre.ssivement les uns .Souvenons-nous par exemple des« porti ll<lns auto·
aux au1res. ou la dé1nonstration de l'ln1p]jca1ion des 1natiqu~.s » du 1nétro parisien (pour reste< dans le
objets dans la morale ou le pouvoir q ue 1' on trouve domaine des portes automatiques et des transports
chez A.krich (1993a) ou Latour (1993b) constituent urhains). Du temps de leur splendeur, c'est au prix
des avancées de tout premier ordre. Mais la démarche d'un rude écrasenJent de l'épaule ou du bras - certes
sy1nétriste revendiquée n'est pas toujours au rendez· habi lement limité par l'usage d'un bourrelet de caout-
vous pour autanr. Des faits physiques ou naturels chouc. dur - ou d'un honteux arrachement du cartable,
pèsent bel et bien sur les processus analysés. sans être que ces engins signalaient au lycéen pressé qu'il était
nxonnus co1n1ne tels. interdit et risqué d'essayer de les prendre de vitesse.
Des phénomènes aussi irréductiblement matériels se Et. avant qu' une forte pression s-ur la partie ccntr.:tle de
trouvent pareillement ignorés dans d'~1utres étude:\ de la porte ne débloque un «cliquet » de sécurité qui la
« sociologie sy1né1r;que » par ailleurs extrêo1emtent
fasse brutalement céder, chacun avait le temps
importames pour les ethnologues parce qu'elles por- d'apprendre cc que « "e poussez pas derrière » ! veut
tent sur des objets de la vie quolidienne. Par exemple. dire. Part:tnt, l'apprentissage physique des comporte-
dans celle, pleine d'humour et de brio, que Latour a ments techniques - ici d'une \( technique du corps»
con.sacrée au "groom». ce dîspositî.f nlécaoique qui particulière - ne saurait être ignoro par une ~lud c
se charge de refermer les portes pour nous et partici- d'ethnologie o u de soc.iologie des techniques:.
pe du même coup au maintien de l"Ortlre social Se pencher sur cette co1lJposante de l'acte technique
(Latour. 1993b). L'ethnologue ne peul que souscrire à qu'est le• sal'Oir >relatif à la manière dont les objets
l'analyse de la manière dom nous• délég"o"s »à ce se n1anifestenl rnécaniquemcnl permet de s'inlcrro-
petit objet une partie de nos actes techniques et de nos gcr. au passage. s ur le refus du « grand panage »
relations sociales. El le illustre parfaiten1ent ces - d'une quelconque hiérarchie entre • leurs
c.haînes d'humains et de non.humains que Latour a t royances »et ft ll(l/re Jcience » - auquel r approche
m.is fort à propos sur le devant de la scène technolo- s · S)'lllétrique N des techniques fai l référence (Latour.
gique. et dont la considération enrichit notablement 1991, p. 151-163 : Preiswerk. Vallet, 1990). En effet,
notre compréhension des objets. Mais, quelle que soit ces n1an.ières apprises d ' utiliser corporellemenl les
la finesse de J'analyse des i.mplications morales. poli- objets peu"em se référer à un principe moral ou poli-
tiques, etc. de tels objets. cette énode ne dit rien des tique. etc. (par exemple. sauf à tenter d ' assomo1er une
principes 01écaniques qui sous-tendent le fonctionne· personne qui vous suit, il est «bien élevé» de retenir
ment des divers types: de groo1n ou des représenta- une pone munie d'un « groo1n * agissant par l'inter-
tions qu'en ont leufs utilisateu_rs, co1nnle s'iJs écaient 1nédiaire d'un ressort à boudin) . rnais elles se rétèrent
sans intérêt pour notre comprél1ension de cc petit mor· toujours également - peut-êtfe inconscie111n1en1 ou
ceao de culture malérielle. Il n'em pêche que. sous indirec.1en1en1. 1nais d'une 1nanière ap prise - à la résis..
peine de la prendre violcnuncnt dans le dos ou sur les tance qu'exerce un liquide lors du déplacement d'un
doigts lorsqu'elle se referme. même Je plus symétris- piston ou à rélasticité d'un ressort. Ces effets méca-
te des sociologues se trouve phy.fique111cn1 obl.igé de niques se rnanifestent de manière universelle (à condi-
re tenir de la main une pone munie d'un« groom* si tions identiques). et s'imposent (ou se proposent)
cel u i ~ci e:st constitué d' un banal ressort à boudin. En comme telles à tous ceux qui utiUsenc ces dispositifs
revanche., il peut tâcher sans risque une porte dont le mécanique.s . eu fonccioo de lois i1n1nuables et i nscrite.~
retour mécanique est délégué à un amortisseur hydr•u- dans .l a nature. Or. contraire1nent à cc q ue sous..entend
lique (si celui-ci est bien réglé .. .). Or. cette prise en rapproche symétristC, Cl qui la conduit il élim.iner de
~omptc par les utilisateurs d'une différence d'u1ilis a- son champ d' <malyse tout phénomène strictement phy-
tion des portes à fenneture automatique selon les types sique. reconnaître l'existence d'une celle relation entre
de «grooms» qui les mettent en œuvre.est ctl/1urelle· une certaine accion et un certain effet rn!kaniques n'a
1ne11t dl.tenninêt• et ù1S<,:r;te dans les savoirfaire tech- rien à voir avec le stacut des sciences physiques ou
niques 1lts u1iliso1eurs. En l'occurrence. elfe est uo avec le 4' gr<ind partage».
26 Pierre Lemonnier

Peu importe en effel que chacun. selon sa culture ou 1en1 po11iellemen1 e1 dont elles punicipent reste au
sa personnalité ait ou n'ail pus cc>11scicncc de tels cœur du débat
couples action.effet. Er peu in11>011e la façon dont ceux
qui en on1 conscience se les représen1e111. que ce soil
en în1ag:inant l'action de peci1s bonshon10Jes invisibles
ou en se référant à de.< propriétés des liquides vis- 1 De J'eflïcacité et des comroverses
queux plus ou moins bien établies par une science
éventuellement approximali\C. U n'est pas Ill quc.- Fon heureusemen~ si la distance que la nouvclle
tion. el l'ethnologie des techniques n'a pas nêces>ai- sociologie des techniques main11en1 avec la notion
rement à faire d'hypolhè.'ICS sur la vérndté des repré- d'efficacité lui fai1 négliger tout un ensemble de phé-
sentations des phénomènes physiques à l'œuvre dans nomènes sociaux que la tC<.'hnologic culturelle ne 1rou-
les 1echniques. n lui suffi1 de croire en l'cxisicncc de ve pas indigne d'i ntérê~ elle n'enlève rien~ la portée
régulari1és au sein du 111onde physique (ou na1urel). ou des analyses de l 'enga~emem des techniques dans la
de relniions entre des ac1ions e1 des effets physiques. construction de la société. On doi1 notonunent aux
propos ilion..~ aussi peu suspectes Uc scicnlisnle qu'il esl sociologues d'avoir montré que dnns ces phases par-
possible : de considérer, par exemple, que la véhé- Liculi ~rcs des rapports entre techniques. culture et
mence des ressons à boudin s'impose à ious. Quelles socié1é que sont l'înnovation ou le transfert, le cam-
que soient les idées que l'observa1eur ou les acteurs se bouis. les ~crous e1 les ressons som obje(l; de litiges:
fon1 du mécanisme d'un « groom •. c'esl en lanl les conœp1curs. le.s fabricanL~. les u1ilisateurs. les pou-
qu'effet mécanique - relevani des lois de la physique voirs polniques, etc. déballent pour préciw la fonc-
et d'un ordre purement naturel, à 111oins de mettre des tion. la forme et le mode d'ulilisation de la technique
sociologues ou des dieux là où ils n' ont rien à faire-. nouvelle, jusqu'à ce qu'un co1npromis soit anein1.
dont la meilleure sociologie ne peut tout dire, que ces Simuhanément, les relations entre les hommes se redé-
relations mtcaniques se m3nifestent, sont uril.isées, ploienc d'une manière nouvelle, et la rch:uion "socib-
1~cltnique ,, entre les utilisateurs e1 l'objec se trouve
déjouées, appréciées, c1c. Et c'esl de la manière dom
Cb~que ç y)MI' ~ rer.ré~.nte et mel en jeu de tels effets • .<rablli.<li• • . pour reprendre l'expression d' Akrich.
111t!ca11iques, en ta.ne qu'ils !l:Olll des effets sur la 1natiè· Oc n181nc, en focâlÏ$a.nl Pélu<'lc dc:s tc.chniqoc~ ~Ui' la.
mnni ~rc <IOnl elles patticipent h l'é1ablisscment du lien
re, que lese1hnologues (el j'imagine, les sociologues)
ont au.r.ti à rendre compte. s'il veulenl re1nplir leur sucial. la sociologîe des 1cchniqucs modcn1es a fai1
l)rogramme". remarquablcmenl avancer no1re compréhension de la
eu hure ma1érielle.
Chaque objet. chaq11e chai ne opératoire est toujours Contn\e on s'en doute, mon argument C.\t que. joints
relié à une infinité de dé1enninan1s (pour parler bref). à une approche qui se soucie lg11/t1lll'nt de l'impact
Mais, à un moment donnt.c'es1-à-<1irc lorsqu'il s' agit des m.tneaux, les questions. les concep15 et les résul-
de ~mbler les pièces du punie (de rodistribuer les tais de la nou,-elle sociologie des 1echniques donneni
compétences. pour parler comme les sociologues), ou. à la 1cchnologie culturelle un ,-êri1able élan nooveau.
plu.s prosâiqucmcnt, lorsqu'on se trouve face à une Dans le domaine des techniques • tJCotiq11es », l'eth-
1Ache à accomplir (déboucher une bouteille, se rincer nologie est de/11c10 confrontée à la rareté des siluations
les dems, compléter un niveau d'huile. découper le de con1roverse. On peul certes rappeler que d;Jns son
gigo1 du dimanche, etc.), c'es1 r1t1.f.l'i en 1an1 qu' obje1 Ori11flls <>/invention, Mason ( 1895) cite le cas
oyant des propriétés physiques que l'un ne peul igno- d'EsquiitK>S in1aginfillt diverses circonstances de chas-
rer. qu'un outil oo une pra1ique 1cchnique s'impose se et les siraiégies possibles pour y répondre : ou que
aux acteurs, fussent-ils de loincnins utilisateurs d'une van der l.œuw (1994) a décrie des po1iers mexicains
hem1ine1te, les manipulateurs de quasi--0bje1S qu'étu- activement impliqués dans les 1ransfonnations de leurs
die la sociologie de l'innovation ou les pionniers de pr:uiques. lll3is le cas général est que le.< techniques
l'a•iation. Pour celui qui abat un arl>re. qui cherche un font nuement l'objet de débalS dans les mondes pré-
essieu mo1orisé dans le catalogue des produits dispo· industnels">. En revanche, l'expérience montre que,
nibles ou qui confie sa vie à un engin de bois et de dès l'instant où lon aborde des 1hèmes de la tedtoo-
toile, l'objet technique cesse d '~lre un hybride ou un logic culturcUe aussi classique.< que le piégeage ou le
condensé d'histoire : il est un moyen d'agir sur la trovnil honicole en appliquant d'autres enscignemenlS
ma1i~re. E1, pour peu que l'on admeue que les tech- de lu sociologie des techniques, par exemple, en
niques se défutissent p:i.r leur implication dans une s'in1errogeant sur les délégations el les 1rnduc1ions qui
1elle ac1ion. cas des ethnologues cl des archéologues, pourraien1 y être à l'œuvre, l'évemuil de nos in1erpré-
la dislinc1ion Clltre leurs fonc1ions physiques et les 1a1ions des relations entre tcchni<.1ues. cullure et socié-
aum,. domaines de la réalilé sociale don! elles résul- 1é s'enrichit co11sidérablemen1".
Et pourtant ça 'oie ! L'clhnolo~ des teclmiq~s et les objets industriels 27

M ai:-. re\•e.noos à nos 1nachine!'- volanlel'. On ne sait tions des effets physiques <le::: soluLions propoM!cs ou
u·opce que la sociologie de l'innova1ion forait de cette retenues dans ces pr.uiques du inonde industriel autant
constatation qu'après quelques Cléeennies. l'aviation d'arbitraire technique quïl en découvre dans la fabri-
- voire toutes les techniques nlodcrncs 7- semble elle cation ou l'usage d' un pi~ge ou d'une poterie.
aul!osi plier devant la tend:incc. Après 1out. dans quin-
u ou ''ingt ans les déboires d' Ammis et les succès du Bref, on retrouve. s.:ins surprise. le dilcrnme évoqué
V.A.L. ne seront plus d'ac1uali1t. On constatera seu- plus haut: comment la 1endance finit-<:lle par s'impo-
lement que les métros intelligents cl automatiques ont ser alor.. que la complexité des relatioru. sociales dont
tvcntuellemem fini par se foire admettre, comme pnrticipent quotidiennement les techniques semble
>'imposeront peut·~tre les ailes volantes et autres sou•ent rejeter à l'arrière-plan la prise en compte de
vilains • canard!t:.. de 1'3éronautique du deuxième lc~r eflicacité physique ? On im<Lginc cependant sans
tiers de notre siècle. t::11 d'au(res tennes, une fois que pe!ne qu·une hhaoire qui ferait ~ienne les concepts et
s'est installée la tendance 11 fabriquer des avions plus methodes de la sociologie de l'innovmlon serait en
>Ors cl plus économiques ou des métros plus obli- mesure de nous faire toucher du doigt les ressorts
gean!s. les v11rit111res d'aviuns ou d'enginsde Lr3n$port cachés <les développements de l'aviation. Que l'on
urbain relèvent de ce que Lerol·Oourhon appelait les pense <Lux efforts de Sprotl pour imposer une solution
derniers degl'és du fait (le• >tylc •• si l'on préfëre), 1echnique nouvelle eomre les théories des frères
mên1c si lui-même ne pensai! pas qui.: ccux..ci puisscnL Wright. racontés par Quilici-Pacaud ( 1993). Il est pro-
concerner de.• aspect.• de.• prauques 1ochniques en prise bable que l'on ne dispose P"-' pour l'analyse d'une
directe sur la lll3lière. telle. conu:overse de documents et ~e 1tmoignages
Quel que soit le mouvement brownien des détermi- au~s• précis que ceux qui ont penn1s à MacKenzic
nants des objetS techniques. leur évolution >c traduit (1990). par exemple, de rendre compte des débats
finalement par une économie d'énergie (au moin..-s pour autour des dispositifs améliorant la p~sion des mis-
l'acteur lui-même), de temps. etc. d'autant plus frap- siles nucléaires ; mais on peut toujours rêver. Plus
pa111e que. dans des domaines socio-culturels autres générolémcm, on peut penser que 1 unalyS<! soc:iolo-
que l'action sur la ma1i~rc. le sens de l'histoire et les g1que des controverses ou celle de lï n1rication des
logique~ ~o?iales se n1onrrent large1nent indifférent~ t'~LCl1;;ur~ c.1~l v1é:si1.li:ul ilU :,oc.:i.:ès 1cn1pon1irc d'une :solu-
a~x. quant1tes de sueur ~u de sang versé~ C'est quotl- t~Or~ Lecluuque.~o~ser:·e.rai ent tout leur pouvoir heu·
d1 ~nnen-.ent que se traoslonnent les tech1uques. et il est ns.1u.1ue lorsqu 11 s ag1ra1t de se pencher sur la maniè-
l"'J1sonnable de penser qur la 1cndancc s'insinue tou1 re don1 la tendance se manifeste concrè1emen1 dons les
aul»Si quotidiennement dans les nouveaux actes t.ec:h- débats des innova1eurs ou des utilisateurs C'est-à-dire
niques. C' est se~le~1en1 _par une illusion d'optique d'essayer de comprendre sous quel mw;quc - • pro-
qu elle semble n ag1t qu à long tem>e. Si bien que. gr~s .-· • icnnonrie •: ren1abilill ... • audace •, que
4(

snur à inia.ginec d'improbables :r.ituations où la cla- !"11S·Je ? - elle ~ presente et se re~n1e au jour le
meur des ron1roverses et linfini babil des hybrides tra- JOOrpourconvaincre et finir par l'emporter. Pour peu.
duc1eurs se tairaient soudainement pour laisser la ten- b1e~ sOr. d'etrcau>Si bien équipé pour appn!cierl'effi-
dance !mposer sa voix, les conditions dans lesquelles cac11é physique relative d'une pratique technique que
se déc1delll pas-à-pas nos technique> modernes ont pour en analyser les représentations chez les différents
S(Ul~ doute beaucoup à voir avec ce qu'en disent les acteurs de l'innovation technique.
sociologues:. Il est tout aussi probable que, pour sa
p<Ln, un e1hnologue retrouvcrail dans les représenta· 1'. L.. Marseille
28 Pierre Lemonnier

1 Noies alroonJ'1iq1i1e 1kpùi.t / 'f/"'1</fft' d~s /1'/rn paraitrooc lorsque les i6oot10mies de car-
Wright ,. buranl seront de nouveau à lordre du
9. On a reconnu le pr-e.mie.- aéroplane jqur.
1. Ces paragnphe!ii ~wmcnt un argumc.n1
pl..-.s tongue-nw-nt d~\-tloppé ~• Ulu~ttt: a.y:aa1 \'Olé d LI madu:nc qui , -aJut à Alhcr 4 1S. Ou. pour reprend~ ta conciùon de 1a
ailk~ (Lemunnitt. 1989, 1992•. lb. JroOnl 10 S.nt.,.·Oumoot de WJIC" lcs 3 000 F bcUe c1prcssion de J.·F. Qu1'1ci Pacaud.
4

r 0('("8$ÎOn de menre l JOUr «Uc êfudc du pri\ At'C'hdcacon pour 3\'0it c.."OOÇU e1 a\I pn::auer .. <1n,fix1 opitYUU •, œlui qui
rédigée li y a prh de 10 •n~ tt, ~°"'·dit pt~ le prcmiu aV1on qui ait '-olé sur •_fig, I~ s.mr' .. ('-Oir par e.1c."mpk QuilJ·
t."Ulflm('.nltt tb dé\·C'lopptm(nts rttcnu, plu' de 2$ ~trc' en Europe. le 2J ci-Pocaud. 19117. 1993).
de l'a-.ri:uion. octobre 1906. Le nom • Co8'1rd • csr lui 16. c lt i.J lil ,Jy thüt 111~ Britisle 11nd
aU>sa hé à une grande datt de 1·a,1ation: French tng1n~'rs f«'d and 1mni.·,rnl
2. Notons que mlmc le '""' k ph." binai c'ftait ec:lu1 ô.i pRmitt hydrav1on-des-
""'" diffic11b qwmoru "' tM dn~lop­
donne i Rllkhir ~ "'""'' motwrs 'I~ par Henry fabn:-qu1 a11jaf1lil.Î\1c.nu nvn1 of C(Htt'Ol'dt* tlku i11 any airplttM
Jotb dms k nez <k 1 ·~~il cft\l'".lÎIWnl en rair Cen 190'J en rade: dt ~1arseille).
une scuk héhcc. Cb du L.uiu.uo<mun •intt tiw Wrigh1 Flye' •(Collins. 1985).
Rll de 1919 IM0<g•n. 1'111-1, p. 9-1~ 10. f"Ol:ammcnt k • V:uif.t.c :. de Bun 17. Sur l'histoi:œ d lt> carac:tm cx.«p-
Rutan. I' in.gfcüeur à jaJnaiJ eélèbrc pour rionllCI de C"""-'Ol'tû \oir °"--en 1982 C'1
3 La \'er-;ion Ci\'il,.. j.lfn;;ûs produ11e d'un U\'Oir ~~né cl mis au point k ., Voya-
l'e.,œnent numéro dts Cchl'rs lit Sc·itn·
bùmbarditr Nonhrop prévO) ait dt loJ:er ger,. c.jui fil l la. fin cJ~ :an.nées 1980 un t·e et Yi' (1992> consacré à l':ippartil.
l:a fQf.alitC de$ p;as"4gc~ à I' mttriair del!> e"<tr30l'diRail'( tour du monde sans escale.
ajl.e:-.. 18. lls"a,gjtévidemmenc ici d'une idée du
11. 11 5'aei1 dan_') les deuA cas d·appareils progrès qui se Jimitt é1toi1eme11c à un
4 . &oui (e • tJ6:or 1t d'un llVÎ(lft por1t' \k!_ uhru l~gc~ (U.L.M .) à une ou JtuA domaine technique particulier : nul doute
rinfomu11inn (lettres cl chiffn:-,;. cl'1dcnl.. places. véncable~ réducuon.<1 de~ engirtS que ceuc noti<>n C-'it di:;cul ahle à l'infini
ti~ion. emblème de l;t come"Bnlc, anlé· de Northr(lt>. dès que l'on prendenoompce les mi:>ères
nage ment i n1~tieur de 13 ('ilb1ne). 12. Contrairement à cc qu'on pourrait humaines ou lei. mod.ilic.-atioos de l'envi 4

S. Au moin11 pour l'ob6.e:rv:'lh!ur q11:ilirié : pen~cr. ~-e~ pr\lblèmes ne $001 pas œu.ll. ronnemcnl é\'c:ntuellement liées à <.•es
le~ pluo; énormes 1urboprnpulsc:urli munili qui ont cooduii à l'a.ba.1ldo1' des proje.ts 1rans(orma1ioni;. techniques.
d 'h~ licc."' comromrntivc!I 11om ~mctén~· d·nilC!i ,·oli111lc5dc la fin dei> années 1940. lnvcnteur et pilott> du ,.. Canard " {voir
tiques dell <iP$l:U~i l.s e;onçu> d111'l~ l'clit de Ou1rc la su~picion a•.-cc laquelle on rcgar- note 9), Henry Fabre par1îc1pt1 au vol
l'Europe, comme m.e le fai1 rem1uquc1 Jait c~s é1rnnges rna..chines. œ sont OO inaugufal de Cu11( YJtdl:' enire Pari.set New
S('rgr ('lr111ion (t'nmm f"''N ) prQl)lèrncs Je mo1euts cl d'hélices qui <mt York. Nul doute qu'il <l\'BÎI sa propre idée
C:ônd:imné le XO 35 . Qu;mt nu YB 49, dcce que ,,. pmgri:s techni<1ue .;,, veut J îrt=,
6 . Sone d e barge prcsq11'c111 1t.rc:mcru c'~ to it !timplemenl u n XB 3~ clon1 I~ au moins à l'échelle d'une vie,
\'ÎCtée. l'engin ét:lil mu1ii d'une sél'ie c.lc 1nu1cu1'1i ~ pi !ilOtL~ av.aient été 1~ 1npl acés
tr<>is criplan~ : un à r i:ivanl, un ~u 111ilicu. 19. Et «la \'<JUt pour les tout débub de
p:ir huil n.'acteurs. Sa vite.ssc étai! double 1' :ivialÎQn, dont les pionniers é 1nicnt
un il l'ani ê1-c., r.oi1 neuf gra11oelc~ 11ilc.s. Lon dC celle du XB 35 Cl lrop ~IC \• éc (de œn:;1amment en rcl3tion les unli avec Jci;
de son pl't inier \'Ol. liré et PW'iié pi1f huit l'ordre de 800 k1n/h) pour une Sltue iurc aull'és. Voir pat e~emple Peti1 (1994) .sur
mutem~. r objt't grimp<l 11 unt \'ÎtlQla1ne d\l COM\'Uc pour une viteS.!tt de 300 L.Jn/h (le lt's rc1:.herche.o; des fR-res WrighL
mètre.s avan1 de plon~e-r à 1)ldnè \'Îl~~c .' ro101y1>c FtC dé.!tmlég.r<a lor-s d 'un piqué).
dl\o ~ le11 eaux du lnc f\1njeur. cc jour.Il
fa\•Orablf~ à l'équit>-ige qui surv&111. L.c
! 'ré,•u pour 1 rnn~po rtcr lS « pc l îLcs .. 20. On lfOU\'C PJf exemple une •elle pri>-
fessio11 de foi ch.et BaJfe1 (19?5). RfOm·
bun1bc~. il l>C nh<~fa i rn~ible à modiftet
fai1 d' avoir Jt1tlé )'t1pp:a1t-il de 'ai;' de pour emporter ln 1uu1c nou,•e-lle bombe bcf1<Cr (1979). c......... n (1972). Digard
sab l e~ don! )a miu;o;e corrc,pondtiil ~ (197~). Lcmomner ( 1976). Elle s'exprime
a1o mique. engin énurmc: à l'époque
sotxanle pas~gers (qui en dit loog sui (Kohn. 1 ~7q, WooJdddgc. IY8S.p. 165). aussi dans les. « Cl ,. de « Techniques er
l'<lJ>Cimisrne dt Caproni) n'avail '""' ~ culture • oo de • t-1 atière~ ~' lllMièrts •.
doou: pas bfT11ng~ kli chota« 13. Sans p.ilrlcr de~ commandes de vol poW' s'en 1rnir aux équipe$ de reeh~rchr
~lœtriquc ~rée!' par ordin.alcur. on sait françai.Sd sp&;.ausées.
o,,,.
1 . .. of titi' bit.K"~' pf'Clbltm.\' "' mor-
Urin' ~ Skymastl'r ..-at 01'C'rromm.r ÜJ
pas ç11;crnpJecrkrdcs pro(itsd'atle \-Ol.a.n 4

21 A.~1.11tmem. ocnc apPrQChc ronccmc


le qui Ml'ftl llllO-.!tl3blet (B~seli.n 1991).
insagl' u.s: '"' airplûnre ft1t' Mimps. Ctnttr• Pvucmpk. à~du XB-49. c pilols plus SOU\'ent les oompottcment'î qui nnus
~ l#sl'U$( M'UJ IW( ,,..l('lw>.., • (îhurixf, tmd t'n&iM~n dos' to t.N pro&rom r'ro 4
f>'U-.lissen. pbf.!oKaoemeoc ii-.effteacts (ou.
1985. p. 40). E.n rt"andw-. l'a~rc"il a •"i:"d 11ta1 uabilio• MfKi~ncics h'011/d au cuotrai~. trop cff~J e. ne 00U' dil
connu Un< longUI! vit daM \it) \·ertiofl< ,_.,"' 6'tn .:wrtt,~I •irh .i t'f't'lfl'U a"'°4 rien de runi\'Cf"S de S('n$ disns ~utl b:û 4

mihu.1rcs. pilot and "'1bil11y 1N48lfk'"'mi0ff dnic~ g.ncnt oomhft' d "a...-tions .. ad:apeks • à
leur t.n. Ces1. là une solu11on de (oc1hlc.
8. L'économ1oe wr lie • poids dt .iruc.11,1. in·a atkqua1~ ''~ mu/ Jl(ppcHt /Of' 1M
11ro1«ts,. fWooklndgc . l98S. p. 172). .. - le resulw d" - qoc:lœnquc pooi-
re • <;e 1radui1 1us..-.. par de wa'>Jbk~ ho.- tion lh<orique.
oomies .sur le\ co!i1\ de eon10trucuon 14. ~1 au"' prup{dlfl. dont on fai..."lli•
(tf"'bsiib'erne111 proponionrtel' 1u poicb de gn.M Clb il y a di,. iUl'.'1>. lil baisse des pri:"< 22. Pour une mise en ~i\t dt b
1'3ipP31'Cil)qw n·~nlrH:I pas idtn liJnedc du cartlunml b a rco..·ù)iS d:itn.s ~ car- • OOU\'clk SQcioloa1e &s techniqUd •.
rompit. (.>Ullnt à r 1mportancc: de I' tli mi. ton.\. à pmjdS. Au dt:bu1 des IUlllhs 1950.
4

,o;, Al:rich (1994).


~lion de b " lr.itnéc: ~I<'"' (patWitr lit~ héhces tnmwn'qiK.~ a'·a1ent déjà fait 23. • Enpmnièrea(>pfo\.i~1on•,,ij':u
drag) crêée p;:ir 1ou1 « qui ~u1 f1t11t ln gra.""1s ti1~ dt la prose spéci:sli$tt bioen compri.<t. parce que lout hum~in tst
lWlillie ~u r uft avion .sarb pantc1J)(r l l;a ( ~1an.:h.1nJ. l95l), Au milieu des Mnéa l3rgemcn1 faço nné par les outils qui
créalion d'une! potlance. c' eM p()Ur KMn 1980.on parlait lie-. t 'hllié:c ressuscitét ~ 1· eruoorem: ec parce que tout objc1 cri.sr:.I·
C1974) • /'id;, maltr''·'' ÛI' Io sc1 t11~~ (~1ori.ssct , ~.d.). Nul doute qu'elles réair Use en lui tout un 1ése.au de rehl.1ions
Et pounant ça vole ! L'ethnoloiie de. techniques e t les objets ind ustriels 29

sociale~ pa .. ..ées ~1 pnh.entcs ... pOu r tail!llt peu •. Oumc<>n' .. ... l'lkt1rrNtlqw. chargés de caba> 1 OL...r de Cbe:r un ptuç
cn1plo)'cr ~ propres C'at.égorici;. ~n~1 ltt mlC'T<JPrt><rUt'lfn, ça n ·a pas i,.ordnd oombrc de client~ dln< d' t1roh~
24 A moins qu"elle-s: n'ait:nt ~implemenl s.Ni'd / ••. / .. déclarc1u ~ inronnotcurs de officines'! o·angOÎSl!a ceUl ICnl~ de foir
p.11.~ d'1n1érét r,Jur le propos ~ cc poin1
L..tour ( 1992. p. 17R 1 avec le LiroiN:ai~ 1 Quoi qu' il en M>it~
t-•onlinuc de m f.chnp(lCJ. le fai1 que te di ~poshif u1 1h sc- moin11
28. En cc domaiuc. lc pa1;~ge des pnncs d·espa.cc q u·une ponc ... classi<1uc •et la
2!i • .i ,. ,fal.f lt:i' "''" ·iol<11:11rs, comme les ba11an1t s qui s11ne1i(lnnt n1 1' e ntr~e des poo.sibiJi1é q u'iJoffre d ' ~tte célécomm-irn·
,,.,·i111vl111:11rll' / lirf : /11.t 111iinologue.<0 des \( Grond1; m l'l~3si 11s • p11ri ~iens 001.1stilut' dé som de~ variantes phy,11r1ut"' du genre
l«t:hnlq1u•s/,/ti,.tJ em1t mi,t, t roil!nJ pou· 1.111 a pprc nttSSù)y: r1u1>111 11ngo1sson1 <i<'. porte au1
01natique » <1ui s<tnt dirccrn-
WJÎrfi11 ir, lt>s UllJ J1t r lt: JUd til, h•:• UUfTt'!>' qu'cxempkiirt. mcm u1ilisCcl\ pour foire 1éancr l'ordre
<3Ut les tHJJ<'IN. l..tr seule clwse qu'ils ne C()mmerçanl.
purl'le1u11111 flll f lt rermintr. c-',.31 leur 29. On pou1raJ1 p.111cxcmple se dc:marM:lcr
8 /.l lffft /rtllfi1•1fft, ~" tl'I'( Q' ti 'I OU i pourquoi. \•cmic:s itmiit doute d\ls wagon!: 30. D:u1s un domaine pl\l\:t~. la fanguc.
tmp,<ht dt' Lllm/)rt'ridre le monde oil de mcuo etc~ ~ro&.:u ei, les poctdi cou· Kuli~k: (1992. p. 2.:3) fait -.U u~ion à pareil
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n1atiquc~ ~évi:t..-.cnl
e<scncicUc menl chei g:aio\'iUc (PaJX>uasie-. NOU\tllc·Ouirt«)
2fl. • ftl tt1 I ,,f on JobJt lt train t1vàn l ks boulanger- et le~ pharn1acitns, et
orlttt1abl.-. lt' ..1h1eult dn.•ifrlt irri\·er· qul aumient Sc.icmmcnt mcid1fté leur di•·
beaucoup plu( r.are1ntnt chci. d'.11u1rcs lectt: poor se démarquer ôe' !eut~ 1ooïsi1t$.
slbl• • (l.oloor. t9<12. p.113). comrne"anb. Effet cJe mode Cdu l)pc: de
21. .-1t/.or1 \âW: \'O>c"t" probllmt'? Il a tclui qui pdsida au raz«·matée de-s 31. Si tot.kfois ma pmprc c•pblcnéc pcuc.
follt1 ~ t1t\V1tter / .../Tatti itail â fairt fau.\ ~i) da.lb nos bi~l'03.) !
1abJc:s en tenir Jî,eu de démoosmtKin (Lemonnier.
out> refolr~ l--l l.1s <Olltf'tJS"lU" n·m~ t\mabili1b pour ~ -mlnJig<m> a&11 bnu. 199-11

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Et pourtant ça vole! L'elhnologie des techniques et les objets industriels 31

1 ABSTRACT
And yet it flies
A rapid O\'ietView of the history of aviatM>n shows that if tberc is a trcmendously dj.,·ersi-
ficd range of fOmlS and technical soluüon, se''eral types of airerait wcrc-systcmaticaJly rcjcc-
ted or teft as.ide, and th.is dcsplte their unclcniable rughl qualities. their econom.ic superiorit}'
and lhe higher Jevels of securîty t.hat lhey offercd. "Howevcr, after sever.tl decades during
which cfficiency was thus put iJl second place, these airerait of no11Classical appearance werc
finaUy built, as thougb rooclem techniques. in the long run. also had to obey a technical « ten,.
dency ,,_. (Leroi-Oourban). The dilci:nrna thco is to undcrstand how lhis tc.nden<::.y insinl&ffles
it~l f daily ioto tec.h.tUcal systems, inspiteof lhecomple.xityof tbe netv.'Oàsof mcaning wh.ich
tbey caJl upon. Taki_ng as a prctext the important role given to effrdency in the edmology of
techniques. we wlll tbcn ntisc question" about the mistrust that the: new sotiotogy o f tech-
<i(

oiquts,, maiûfests with regards to this nofion. when ît is clcar that rbc i wo approache!i are
romplemcntary.
Key-words: Aviati()I), tcdmical tendcn<:)'. efficicncy. cultural. techoology. sociology of
techAiques.

1 ZUSAMMENFASSUNG
« Und doch tliegt es »
Wwn n1an die Oeschichte des flugwescns schncll übcrl'Ucgt. JS<icht roan, da6, obwohJ die
Skal.a der erfundcneo Fom1en und t.echnischen Lôsungen unheimJich breît ist, mehrere Typen
von Flugmaschioc-0 trott ihl"l'r unJeugbarco Flugeigc-nschaften, i.h.rer wirtscbaftlicheo Ober·
legt.nheit oder einer g,ôBcfcn Sichcrbcît systemati$Ch :r.urückgcwOOcn odcr beîscîtc.gclassen
wurden. Nach einigen JahnehtHen, wllhrend deren die Wirksamke~c zweicra.ogig wa.r, werden
doch dicsc Maschincn dncr nichtldassiscben fonn endlich tebauL ais wurden auch die
modemen Tccho_ikcn dcm tcc.hnischcn « Trend ~ nachgcben. Das Dilemma besteht al.su
darin. zu verstehen, wie-dicserTœnd s.ic-b al!tiglich in te<:huiscbc Systcme e1.nschlcicht, l(Otz
der verwickehen Bedeurungs-net2e. woran sie teihaben.
lndem der Platz, den dit: Ethnologie der Ttchnilœn der \\'irksai:nlœit einraomt. als Vorwand
gcnom.men wii:d, stellt man sîch dann Fragcn über das ~1i6traucn der .: ncuen Soziologie der
Tech.nik:e n » diesem Begriff gegeoüber. da docb unbestritten ist. da6 beMie Methodeo. um dM
Problcm ant.ugd1en. èinander'ergli.n.Un.
StichwOrter: F"lugurescn, rechniscber Trend, "';rksamkcit, kuhurclle Technologie, Sozio--
logie der Techniken.

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