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Amélie DOURNAUX

Cassandre JOUAN
Mme ROYER
Cours 1
28/01/2021

Le développement sensori-moteur
L’approche sensori-motrice d’André BULLINGER

I- Introduction

André BULLINGER est un psychologue suisse qui a beaucoup travaillé avec la psychologie
développementale, la perspective instrumentale et la psychologie du développement. Il a
repris la chaire de Jean PIAGET et développe une façon originale de penser le développement
de l'enfant, qu'il a appelé l'approche sensorimotrice.

BULLINGER a repris tous les travaux de PIAGET, de DE AJURIGUERRA et de WALLON et a essayé


de les relier à toutes les données médicales, neuropédiatriques, psychopathologiques et
neuropsychologiques. Il a pris beaucoup de temps pour se former avec différents chercheurs
sur ce qui se faisait à l'époque au niveau de la recherche en psychologie du développement. Il
a centré toutes ses recherches sur le développement sensorimoteur de l'enfant. C'était
quelqu'un de très ouvert (c'est pour ça qu’il a passé beaucoup de temps à rencontrer d'autres
professionnels, chercheurs) et très dynamique. Il s'est nourri de tous les apports qu'il pouvait
trouver.
Cette approche singulière, qu'il a développé, est pour lui une approche qui doit s'intégrer aux
autres approches, aux autres théories du développement et qui vient compléter les outils
qu'on pouvait avoir. Son approche sensorimotrice va pouvoir donner des outils aux
professionnels pour observer et faire tout un travail d'observation, notamment avec la vidéo
qui est utilisée dans cette approche, et de pouvoir essayer de pens er les rapports
qu'entretiennent les différentes fonctions (tonique, émotionnelle, motrice, de construction
de l'espace). Il essaie de comprendre comment l'enfant s'organise. On ne recherche pas l'âge
de développement, c'est à dire où est l'enfant dans son développement par rapport à une
norme. Mais on recherche quel sont les soubassements sensorimoteurs de cet enfant quand
on est avec lui en interaction ? Sur quelle modalité sensorimotrice il arrive à s'appuyer pour
évoluer ? Qu'est ce qui l'entrave dans son évolution ? Qu'est ce qui s'est mal construit et qui
l'amène du côté du trouble ou de la désorganisation ? On va donc essayer d'être au plus près
de ce que l'enfant nous donne à voir et de savoir quelles fonctions peuvent avoir toutes ses
façons d'être, de faire dans sa dynamique développementale.

BULLINGER développe donc un outil qui s'appelle le bilan sensorimoteur. Il disait que c'était
« comme une visite de chantier ». Le professionnel qui reçoit l'enfant pour un bilan, le
rencontre pour la première fois avec ses parents ou un éducateur référent, des personnes avec
qui il est en confiance pour l'aider à pouvoir déployer au mieux ses moyens. C'est vraiment
une première rencontre, pas d'entretien préliminaire donc pas de préjugés. Au fur et à mesure
de la rencontre avec l'enfant, en fonction des hypothèses qu'on va avoir face à sa façon de
s'organiser dans son corps, dans l'espace et d'être dans l'interaction, on va par les items du
bilan sensorimoteur qu'on va proposer et choisir en fonction de ces hypothèses, valider ou
non les hypothèses qu'on se fait. On avance donc petit à petit dans une construction singulière
du bilan sensorimoteur pour cet enfant. Ce n’est pas comme un bilan classique où on a toute
une série d'items à faire passer qui sont toujours les mêmes en fonction de l’âge. Là c'est au
fur et à mesure de la rencontre, de ce qu'on observe, de la façon qu'a l'enfant de s'organiser
au niveau émotionnel, postural, sensoriel, qu'on propose tel ou tel item et avance dans la
compréhension de son fonctionnement.
De suite après avoir fini le bilan sensorimoteur, on peut discuter et échanger avec les parents
de ce que on a vécu ensemble dans ce moment partagé. C'est à ce moment-là que les parents
vont plus dire pourquoi ils étaient en demande de ce bilan sensorimoteur, quels sont les
symptômes, quelles sont les gênes au quotidien. Ils racontent l'histoire de l'enfant, il faut faire
des liens avec son anamnèse. C'est à ce moment-là qu'il y a un entretien que BULLINGER
appelle « l'entretien à chaud ».
C'est un bilan sensorimoteur filmé mais à l'entretien, il y a seulement prise de notes sur ce qui
se dit. La personne qui a fait passer le bilan sensorimoteur va ensuite pouvoir reprendre la
vidéo et refaire une analyse plus à distance et peut écrire un compte rendu. Il peut ensuite
reproposer un rendez-vous aux parents pour leur remettre le compte rendu et reparler avec
eux, mais cette fois-ci plus à distance du bilan sensorimoteur qui a était effectué 2-3 semaines
avant.

C'est une démarche originale avec ce bilan qui est différent des autres évaluations pratiquées.
Il vient compléter et donner des outils de compréhension de là où en est l'enfant dans sa
construction, de comment il s'organise et sur quoi on peut s'appuyer pour l'aider à aller un
peu plus loin. Aussi essayer de comprendre lors de choses plus compliquées, quelle fonction
ça peut avoir dans sa dynamique.

Tout l'enjeu de cette approche instrumentale va être de tenter de comprendre comment le


bébé parvient à faire de ses systèmes sensorimoteurs des outils qui lui permettent de
comprendre et d'agir sur son milieu. Le bébé, petit à petit, au fur et à mesure qu'il va évoluer
et expérimenter, il va découvrir tous ses moyens instrumentaux, c'est à dire des possibilités
motrices, gestuelles qu'il va pouvoir exercer sur son environnement autant physique (les
objets qui l'entourent) mais aussi humain (les interactions qu'il peut avoir avec son entourage).
En même temps qu'il fait de son organisme un outil d'interaction avec l'entourage, cela va lui
permettre de mieux se connaître lui-même, il va en même temps construire le corps. Pour
BULLINGER le corps c'est les représentations de l'organisme, en tant que psychomotricien on
pourrait dire l'image du corps.

Marie-Françoise LIVOIR-PETERSEN qui est pédopsychiatre a pris l'image d'une pièce de


monnaie où d'un côté on à la face avec les capacités instrumentales et de l'autre côté, la face
de représentation de l'organisme et de connaissance de soi donc c'est la même entité qui
s'enrichit au fur et à mesure du développement.

BULLINGER disait que nos habiletés ne sont ni génétiques, ni neurologiques mais


développementales. C'est donc la façon dont le bébé va rencontrer le milieu dans lequel il va
vivre, qui va pouvoir développer toutes ces habiletés, qu’elles soient instrumentales, sociales
ou cognitives. Dans un lien étroit avec les interactions et la qualité des interactions qu'il va
pouvoir avoir avec son milieu, BULLINGER disait qu'il y avait un soubassement génétique mais
il y a aussi un soubassement organique qui fait partie de l'équipement de base du bébé. Au-
delà de cet équipement de base, comment l'enfant arrive à construire toutes ces habiletés ?
Les habiletés instrumentales, c'est tout ce qui permet de développer ses gestes, par exemple
développer une motricité harmonieuse, les coordinations oculo-manuelles, bimanuelles, le
redressement, les praxies (séquence de gestes plus complexes vers un but), construction de
l'espace. C'est à dire faire de son organisme un outil pour agir et interagir avec son milieu.

Pour BULLINGER, le symptôme est une conduite adaptative, la personne ou l'enfant n'a pas
trouvé d'autre façon de faire et donc a développé un symptôme qui peut être plus ou moins
gênant dans la vie de tous les jours. Pour lui, l'objectif n'est pas de le supprimer mais de se
demander à quoi il sert. En essayant de comprendre à quoi sert ce symptôme, il va pouvoir
proposer à l'enfant d'autres appuis, d'autres façons de s'organiser, de se réguler au niveau
émotionnel. Donc vraiment essayer de penser à tous les appuis qu'on va proposer dans les
milieux de l'enfant. En espérant que si notre hypothèse est bonne et que la fonction du
symptôme est remplacée par d'autres choses, l'enfant va progressivement lâcher son
symptôme et pouvoir s'appuyer sur ce qu'on lui propose de différent et qui a la même fonction.

Comment l'enfant parvient au cours de son développement à faire de son organisme un outil
pour agir et interagir avec son environnement ?

Il y a une période quand l'enfant n'est pas encore né, que c'est un fœtus puis les premiers mois
de sa vie, où la motricité n'est pas encore volontaire. C'est une motricité qui va s'exercer en
soi, pour elle-même. L'enfant va expérimenter les différents patterns moteur qu'il a à sa
disposition. Ça s'appelle les mouvements généraux. Ce sont des mouvements qui vont
intéresser l'ensemble du corps de l'enfant et qu'il ne va pas maîtriser, ce sont des mouvements
qui s'expriment. On peut faire un parallèle au fait que quand le bébé est petit et qu’il
commence à s'exprimer avec sa voix, avec le babillage où la voix sort de manière babillée puis
les vocalises. C'est comme si l'enfant faisait ses gammes vocales. C'est pareil au niveau moteur,
il va faire ses gammes au niveau de sa motricité. C'est très important parce que cette richesse
d'expérimentation de toutes les possibilités de mouvements de son corps, mouvements de
tête, du tronc, des membres et dans toutes les directions de l'espace en fonction des
possibilités articulaires et musculaires, va être le soubassement à la construction d'une
motricité volontaire qui soit la plus riche, la plus variée et la plus efficace possible.
Il va y avoir une sélection au niveau du cerveau de ce que l'enfant à le plus expérimenté. Donc
il est important qu'il puisse expérimenter de manière variée. C'est très en lien avec son
équipement neuromoteur car cet équipement ne doit pas être pathologique pour pouvoir
expérimenter sa motricité au maximum et toutes les possibilités de mouvements. Cela va
durer de la période intra-utérine, jusqu'à 3-4 mois de vie. Puis c'est les mouvements
volontaires qui vont prendre le relais petit à petit.

Ces mouvements volontaires se développent à partir de 4 mois. Ils vont s'appuyer sur
l'affinement des répertoires moteurs que le bébé aura expérimenté avant. Ce qui change, c'est
que le bébé va vraiment utiliser toutes les informations sensorielles qui arrivent de l'extérieur,
de son milieu, tout ce qui est visuel, auditif, gravitaire, tactile, gustatif, olfactif mais aussi
interne, proprioceptif. Toutes ces informations sensorielles, vont devoir être traitées pour
affiner au mieux sa réponse motrice et qu'elle soit la plus adaptée possible en fonction de la
situation dans laquelle il est et de son milieu.
Par exemple, pour attraper un jouet, il faut prendre un compte les informations sensorielles
au niveau visuel, tactile (la main touche l'objet), proprioceptif (comment je serre l'objet),
gravitaire. Tout ça rentre en ligne de compte. De plus si c'est un objet sonore, il y a les
informations auditives.

L'enfant va construire toute cette motricité volontaire en prenant en compte toutes les
informations sensorielles qui viennent de son milieu.

II- Les flux sensoriels

Ces flux sensoriels sont là en permanence dans le milieu dans lequel on vit et on a à faire à
ces flux sensoriels tout au long de sa vie. C'est ce qui se passe bien dans le développement
ordinaire, chacun arrive à construire une motricité volontaire efficace, mais ce qu'on rencontre
en tant que psychomotricien, c'est que, souvent, les personnes sont en difficulté pour
développer une motricité volontaire adéquate. Il est donc intéressant de se demander ce qui
se passe un niveau du traitement des flux sensoriels pour ces personnes. Est-ce qu'elle arrive
à avoir une réponse complète en lien avec le flux sensoriel ? Est-ce que c'est compliqué ? Est-
ce que la réponse est partielle ? Est-ce que le flux sensoriel va complètement désorganiser la
personne ? Il y a plein de possibilités qui font que parfois accéder à un mouvement volontaire
efficace est très compliqué et ce, à tous les âges de la vie.

Les sens c'est le support corporel qui permet le contact avec le monde extérieur. C'est par
toute cette sensorialité qu'on va prendre contact, connaître et s'inscrire dans le monde qui
nous entoure. Mais il y a aussi les sens qui arrivent de l'intérieur du corps comme la
proprioception, tout ce qui est neuro-végétatif, sensation de digestion (bébé avec des reflux
gastriques, œsophagiens qui occupent une grande partie de la disponibilité psychique). Tout
cela nourrit les expériences sensorimotrices du nouveau-né et permet de construire des
représentations. C'est le point commun avec PIAGET car toute cette période et ces expériences
sensorimotrices vont être le cœur et le soubassement des constructions, des représentations
et donc du développement de l'intelligence et de la cognition. Sans sensation et traitement
correct des sensations, il ne peut pas y avoir de développement des représentations.

BULLINGER parle plus de flux sensoriels que de sensations. Pour lui le flux est différent de la
sensation, c'est le flux qui donne la sensation.

Par exemple, le flux gravitaire va donner la sensation de l'apesanteur.


Le flux lumineux donne la sensation de la vision.
Le flux sonore donne la sensation de l'audition.

Tous ces flux sensoriels sont très dépendants des propriétés de notre milieu et des systèmes
sensoriels du capteur. Notre organisme a certains systèmes sensoriels et certains capteurs qui
ne sont pas les mêmes que chez certains animaux. On ne va pas être sensible aux mêmes
spectres auditifs ou visuels que d'autres espèces animales. On a tous nos propriétés qui nous
sont propre. L'objectif de ce développement va être que l'organisme fasse sien et instrumente
ces flux qui arrivent à sa frontière, à ses limites. Pour cela ce qui est très important, c'est de
pouvoir faire sien sans être débordé. Donc il y a cet aspect de la régulation tonico-
émotionnelle et tonique chez BULLINGER qui est au premier plan et sans cette régulation
tonique et tonico-émotionnelle, la personne ne peut rien apprendre, découvrir et
expérimenter.
Si on est débordé par nos émotions et ce qu'on ressent, on n’est pas disponible pour faire sien,
pour transformer ces sources d'informations et avoir un mouvement adapté. C'est très
important dans toutes les prises en charge qu'on peut avoir, il faut stabiliser la personne au
niveau tonico-émotionnelle pour qu'elle soit le plus disponible possible, le plus tranquille
possible. Pour cela, souvent, il est intéressant de mettre la personne dans une position active
pour qu'elle puisse réguler ce qu'elle peut supporter ou pas. C'est à dire, que s’il y a trop
d'informations sensorielles, elle peut se mettre en retrait, se protéger et faire des pauses. Et
s’il n’y en a pas assez, elle va aller chercher des sensations plus fortes. C'est donc en étant
active que la personne va réussir à se réguler. Il faut donc penser le dispositif de soin et même
lors du bilan comme favorisant la position active du patient. Quand on travaille avec des
personnes qui ont la parole, qui sont bien construits, c'est quelque chose de naturel de laisser
la part active à ces personnes. Mais quand on travaille avec des personnes très en souffrance,
handicapées, par exemple avec des personnes polyhandicapées et avec des atteintes
sensorielles, motrices, au niveau du tonus, la part d'activité de la personne, de ce qu'elle peut
faire spontanément est moins évidente et donc, dans ces situations-là, il faut trouver des
aménagements, installations, des façons d'être et de faire qui permettent à la personne d'être
actrice.

Un flux sensoriel pour BULLINGER : c'est un apport continu et orienté d'un agent susceptible
d'être détecté par un système sensoriel. Pour cela, il faut un système sensoriel qui puisse
recevoir cet apport continue et orienté.
Il faut imaginer une source, d'où on voit une lumière. Cette lumière envoie des signaux
lumineux continue dans le temps et orienté car en fonction d’où est la source, elle va être
orientée d'un point A à un point B.
Exemple d'un ventilateur, en fonction de comment il est orienté, on ressent le flux d'air ventilé
ou pas et ce flux va être continu.
BULLINGER montre que ce sont plus les variations de flux qui sont perçus que le flux en lui-
même.
Exemple : vous rentrez dans une salle de classe où ça ne sent pas bon, on va pouvoir interpréter
et traiter ce flux odorant grâce aux capteurs nasaux et à l'interprétation au niveau du cerveau
et notre comparaison avec le vécu, on va repérer que cette odeur n'est pas agréable et est
dérangeante. Après quelques instants, on ne sent plus cette odeur alors qu'elle est toujours
présente.
Il y a un système d'habitation. C'est pour ça que BULLINGER avait mis en évidence que c'est
les variations des flux qui sont les mieux perçues, c'est quand il y a un gradient au niveau
sensoriel. Il ne faut pas que ce soit toujours à la même intensité ou au même rythme parce
qu’au bout d'un moment, on s'habitue et on ne perçoit plus rien.

Un flux est en lien avec une source sensorielle, il faut apprendre à gérer plusieurs flux de
plusieurs sources en même temps puisqu’il est rare qu’on soit dans un environnement avec
un seul flux. Tout l’enjeu est là : réussir à traiter plusieurs flux en même temps, en sachant
que le flux gravitaire est toujours là et réussir à donner plus ou moins d’importance à certains
flux par moments. Par exemple, si je suis en cours et que les personnes derrière moi parlent,
il vaut mieux donner plus d’importance au flux auditif de la voix du professeur qu’au flux
auditif des camarades de derrière. On est toujours soumis à plein de flux et certains
environnements sont extrêmement stimulants au niveau sensoriel. Les personnes qui ont des
difficultés dans les traitements des flux sensoriels comme les personnes qui ont des TSA vont
être à mal dans ce type d’environnement. C’est pour cela qu’on propose parfois de réduire
certains flux en mettant un casque anti-bruit ou avec des bouchons d’oreille par exemple.

Donc le bébé qui va être très sollicité par plein de flux (lumineux, sonores, odorants,
gravitaires), il va trouver ces écarts dans tous les gradients qu'il va rencontrer dans son
environnement. C'est plus compliqué chez les personnes avec très peu de mobilité (quel le
qu’en soit la cause) parce que le fait de bouger crée aussi des flux. Si je fais un mouvement
rapide, j'ai un flux tactile et un gradient tactile fort parce que l'air est déplacé et je le ressens
sur ma peau. Donc je vais aussi créer des gradients (par exemple, visuel : si je ferme les yeux
et qu'on les ouvre on a une action nette qui nous permet de créer un gradient). Donc le fait
que la personne bouge peu ou pas du tout va réduire ces gradients car ils ne seront vécus que
sur un mode passif.

Différentes façons d'être face à un flux sensoriel :


– Passif : c'est quand la source est mobile mais le capteur est fixe.
– Actif : c'est quand le capteur est mobile mais que la source est fixe.
– Mixte : c'est quand le capteur et la source sont mobiles.

BULLINGER a aussi mis en évidence que toute activité sensorielle est au service d'une activité
motrice, surtout au début de la vie dans le développement de la motricité volontaire où le
bébé s'exerce à prendre en compte tous ces flux sensoriels qui arrivent aux frontières de son
organisme. Il essaie d'y répondre au mieux qu'il peut pour organiser sa motricité, sa posture
et ses gestes. Tous les gestes nécessitent un doublage par une prise d'informations
sensorielles. Quels que soient les gestes qu'on va faire dans notre vie quotidienne (intégrés et
non conscients), notre cerveau est en permanence en train de traiter toutes les informations
sensorielles en lien avec ce geste et qui nous permettent d'avoir un geste adéquat. Par exemple
quand le bébé attrape un cube, c'est tout ce qu'il doit prendre comme informations
sensorielles pour s'adapter. Cela veut aussi dire que se situer dans un flux est indispensable
pour avoir une action spatialement orientée. La construction de l'espace est très dépendante
de comment on traite les flux sensoriels. Il y a donc beaucoup à réfléchir en tant que clinicien,
quand on rencontre des personnes avec des difficultés à s'orienter dans l'espace, à cette
question de comment elle traite les flux sensoriels. C'est vraiment spécifique de l'approche
sensorimotrice. C'est une condition préalable pour toute utilisation d'un segment corporel
comme moyen d'action. C'est comment le bébé parvient à faire de son organisme un outil
pour agir sur son environnement. Les segments corporels vont vraiment devenir au fur et à
mesure, par la répétition et l'expérience, des moyens d'action.

Comment le traitement des flux sensoriel se passe ?

Il y a 2 voies qui vont jusqu'au système nerveux central :

➔ Le système archaïque : porté par la voie spino-thalamique, la projection est sous-


corticale. Traite les aspects qualitatifs des informations sensorielles (agréable, dur,
lisse, rugueux) et en lien avec l'ajustement tonique. C'est à dire qu’il va y avoir un
recrutement tonique quand le système archaïque fait son travail donc ça va préparer
le corps au niveau postural pour pouvoir donner une autre réponse comme s'orienter
par exemple. Ce système est actif et efficace dès que les voies nerveuses sont formées
in-utero.

Exemple : une femme enceinte, si la maman est soumise à un bruit fort, elle va sentir son
ventre se contracter parce que le bébé va bouger et avoir un recrutement tonique et partir en
extension. Grâce à l'entre-utérin, il ne va pas rester dans cette chaîne d'extension et, tout de
suite, il va être remis dans le regroupement. Ce système est là in-utero et à la naissance et va
pouvoir participer à un premier niveau de traitement des flux sensoriels et traiter les aspects
qualitatifs.

➔ Le système récent : porté par la voie lemniscale, la projection est corticale


somatotopique. Une fois que l'enfant est né et qu'il commence à être en interaction, à
regarder autour de lui, à ressentir, et à entendre, le système récent va se mettre en
place. Il va permettre de traiter au niveau du flux sensoriel les aspects quantitatifs
(près, loin, spatial, forme, taille).

Ces 2 systèmes vont être complémentaires dans le traitement de l'information sensorielle. Il


faut que le système archaïque coexiste avec le système récent. Le système archaïque traite les
aspects qualitatifs et prépare le corps au niveau tonique. Le système récent permet d'aller un
peu plus loin dans la réponse, de pouvoir s'ajuster au niveau spatial par rapport aux flux
sensoriels.

 La proprioception :

La proprioception correspond au mouvement du capteur qui est signalé par la sensibilité


profonde, état de tension des muscles, des tendons, de la position, de la vitesse de
déplacement des articulations, des segments corporels mais aussi la douleur. Pour BULLINGER,
il parle de fonction proprioceptive qui est plus que la proprioception. Elle se construit au fur
et à mesure que l'enfant va expérimenter et être en interaction. Elle correspond à une
coordination que l'enfant va construire entre sa sensibilité profonde (ce qu'il ressent dans son
corps) et les flux sensoriels (qui arrivent de l'extérieur). C'est cette coordination entre
sensibilité profonde et flux sensoriel qui permet que se construise la fonction proprioceptive.
Il y a toute une question de est-ce que ce que je perçois dans mon corps est en harmonie avec
ce qui arrive de l'extérieur ? Est-ce que, ce que je perçois dans mon corps est synchrone avec
les flux que je reçois de l'extérieur ? Il y a quelque chose autour de l'accordage qui est en jeu.,
Tous ces signaux vont nous indiquer que notre corps bouge et nous permettent de mieux
connaitre notre corps ainsi que mieux se ressentir en tant que petit être. C’est vraiment une
construction au fur et à mesure du développement de l’enfant, ce n’est pas une donnée
présente d’emblée. Il y a une grande dépendance dans cette construction avec les
interactions que l’organisme (le bébé) va avoir avec son milieu physique, par exemple, sur
quoi l’enfant est installé, est-ce un lit ? Dur ? Mou ? Est-ce un berceau ? mais c’est aussi les
objets qu’on lui présente, la décoration, est-ce que ce qui l’entoure au niveau visuel est
contrasté et stimulant ? et le milieu humain c’est-à-dire toutes les interactions précoces avec
maman, papa et les personnes qui s’occupent du bébé : comment on répond au bébé,
comment on est alerté, est-ce qu’on répond quand il pleure ? est-ce qu’on répond bien à ses
besoins ou est-ce qu’on est à côté de la plaque ? est-ce qu’on répond trop tôt ou trop tard ?
C’est donc très en lien avec la théorie de l’attachement. Tout ça va servir de base à la
représentation de l’organisme.

 Les différents flux :

- Le flux tactile : c’est le premier système qui est mature in utero au niveau des capteurs qui
permettent au fœtus de percevoir tout ce qui va être en contact sur sa peau, donc le liquide
amniotique et le cordon ombilical qui passe près de la bouche et qu’il va ainsi pouvoir attraper.
Ces capteurs sont positionnés sur toute l’enveloppe corporelle, ce qui va alors participer à
donner des limites corporelles pour savoir ce qui est de soi, pas de soi, savoir où est la limite
de son propre corps... Au départ, c’est beaucoup plus la zone orale qui va être investie par le
bébé puisqu’il y a beaucoup de capteurs au niveau de cette zone qui a une fonction très
importante, de survie : s’alimenter, orienter la bouche vers la tétine ou le mamelon puis
prendre en bouche, sucer, déglutir… Cette zone là est très prégnante au début de la vie au
niveau tactile.

In utero, le fœtus est soumis au liquide amniotique, à la paroi utérine (qui est un muscle très
actif qui va répondre au tac au tac avec le bébé). Après la naissance, le tactile reste très présent
puisque le nouveau-né a beaucoup besoin d’être porté, bercé et très contenu physiquement.
C’est très important qu’il continue à ressentir un portage très vivant comme il a pu
l’expérimenter in utero. Ces aspects tactiles sont très en lien avec les dimensions
émotionnelles, il va y avoir beaucoup d’expressivité émotionnelle en lien avec tout ce qui est
tactile, encore plus que les autres aspects sensoriels car la peau et le système nerveux sont
issus du même feuillet, l’ectoblaste. Il y a donc un aspect embryologique qui peut expliquer
pourquoi le tactile reste très lié à l’émotionnel toute la vie.

Tous ces aspects tactiles vont beaucoup participer à la modulation tonique et posturale
D’ailleurs, on voit in utero que si le bébé part en hyper extension, il va rencontrer encore plus
la pression de la paroi utérine et ça va l’aider à se réorganiser au niveau de son tonus et de sa
posture.

Le tactile est également traité par les systèmes archaïques et récents. Le système archaïque
ou système extra-lemniscal va solliciter l’organisme au niveau tonique et faire le plus souvent
un recrutement tonique. Cela va permettre d’être dans l’émotion avec un partage
émotionnel. Si l’enfant rencontre des personnes autour de lui qui sont suffisamment
sensibles, il va y avoir un partage émotionnel à ce moment-là. Parfois, aussi, si le contact est
désagréable, on va observer des mouvements de retrait qui peuvent également permettre de
se protéger, notamment s’il y a une douleur. Ce sont des réflexes rapides qui traitent tous les
aspects qualitatifs avec le chaud et le froid, le lisse et le rugueux, le mou, le dur, l’agréable, le
désagréable… Le système récent permet d’aller plus loin dans le traitement et de pouvoir
traiter au niveau spatial ce qu’il se passe au niveau tactile. Par exemple, si j’ai un objet en
main et qu’on ferme les yeux, on va pouvoir percevoir grâce à nos capteurs tactiles la taille de
l’objet, sa forme, etc. Le traitement spatial nous permet d’ajuster notre prise à la forme ou la
taille de l’objet et donc s’inscrire dans les manipulations. Le bébé va donc pouvoir avoir des
représentations de l’objet touché. Le système récent n’est pas mature à la naissance mais il
va se maturer au fur et à mesure que l’enfant va expérimenter et se développer.

Au départ, le système archaïque prend une grande place donc l’enfant est assez vite débordé
au niveau de son tonus et de ses émotions, notamment s’il touche un objet qu’il ne connait
pas comme les balles à fil dans un bilan sensori-moteur. Il peut alors avoir des réactions très
fortes au niveau tonico-émotionnel avec des réactions de retrait, il détourne le regard, ça
l’intéresse un peu donc il le touche mais recule presqu’aussitôt la main… Il y a quelque chose
de très fort dans le système archaïque qui est à l’œuvre à ce moment-là. Il ne faut pas que le
système archaïque prenne trop la place parce qu’on n’a qu’un recrutement tonique très
associé à de l’émotionnel et du coup ça ne va pas plus loin dans l’exploration. Si l’enfant en
reste à ce traitement-là, il ne va pas aller explorer. Alors que si le système archaïque s’inhibe
un peu et laisse sa place au système récent, après ce premier contact compliqué qui a suscité
des réactions tonico-émotionnelles, le bébé va aller plus loin et rentrer dans une manipulation
et rentrer dans un traitement plus récent qui lui permettra d’avoir accès aux représentations
de l’espace. Au fur et à mesure de son expérimentation, il pourra se faire des représentations
sur la forme de l’objet et sa taille et ainsi rentrer dans un traitement spatial. Toutes ces
capacités à avoir un bon traitement tactile sont possibles jusqu’à 7 ans, après, ça risque d’être
compliqué pour lui quand il va grandir et tout au long de sa vie.

Les flux tactiles qui existent dans notre milieu et auxquels on est sensibles en tant qu’êtres
humains sont :

- Le tactile de contact avec les objets (texture, température, formes, dur, mou, vaporeux…).
C’est intéressant à explorer dans un bilan sensori-moteur pour savoir au niveau du contact ce
qui est facile et difficile à traiter. En général, les textures vraiment dures, qui ne se déforment
pas passent bien mais dès qu’on passe aux textures molles et déformables, c’est compliqué
pour les personnes qui ont des difficultés dans le traitement de l’information tactile. Il faut
aussi prendre en compte les aspects de température, notamment quand on a des enfants qui
ont des troubles de l’oralité et donc du mal à mettre en bouche.
- Les flux aériens comme le vent, l’air ventilé et qui sont plus faciles à explorer notamment
pour les enfants pour qui le contact direct est très compliqué comme les enfants autistes. Le
flux aérien vient souvent solliciter sur notre enveloppe entière et pas seulement sur une partie
de notre corps, ce qui est plus facilitant pour certaines personnes. Par exemple, quand on est
au bord de la mer, on ressent le vent sur tout notre corps.
- Les flux liquides
Ces trois flux sont intéressants à investiguer en bilan ou en séance car le tactile n’est pas que
le contact.
- Le flux vestibulaire/ gravitaire : les capteurs sont situés dans le vestibule dans l’oreille
interne avec trois organes responsables des flux vestibulaires :

- les utricules et les saccules qui sont sensibles aux accélérations constantes linéaires comme
quand on prend l’ascenseur. Ces structures sont matures dès la naissance, ce qu’on peut voir
avec les enfants pour qui c’est compliqué d’être pris dans les bras.

- les canaux semi-circulaires qui sont sensibles aux variations d’accélération angulaires dans
les trois dimensions de l’espace, c’est-à-dire quand on penche la tête en avant, en arrière, sur
le côté… Ils sont matures après la naissance avec l’expérimentation, notamment suite au
passage d’un milieu liquide à un milieu aérien qui demande une autre expérimentation.

Tout ça est à la base du réflexe vestibulo-oculaire. Il y a vraiment un lien qui se fait entre
toutes les sensations vestibulaires et les mouvements oculaires.

Tout ce système vestibulaire est présent très tôt dans le développement puisqu’on le retrouve
in utero à partir de la 10ème ou 12ème semaine, il se développe donc juste après le système
cutané. In utero, la densité du liquide amniotique annule les forces de la pesanteur afin que
le fœtus ne soit pas écrasé par la gravité. Par conséquent, toutes les informations vestibulaires
vont être déconnectées de la question de la pesanteur. Donc, quand le bébé va naître, il va
avoir un gros travail à faire pour connecter toute son expérience vestibulaire qu’il a connue
in utero avec les flux gravitaires. Quand il nait, il va être happé par les forces de la pesanteur
mais il n’a pas forcément la musculature et la tonicité suffisante pour se redresser contre les
forces de la pesanteur. Il va alors se vivre comme étant écrasé vers le sol et il va falloir qu’il
coordonne de nouveau toutes ses sensations vestibulaires avec la nouvelle donnée des
forces de la pesanteur. In utero, il n’y a pas ce lien qui existe entre la pression sur le corps en
lien avec les forces de la pesanteur et les signaux de l’oreille interne, ça va vraiment être une
construction après la naissance.

Quand on fait l’anamnèse, il faut être vigilant et poser des questions pour savoir s ’il y a eu une
naissance prématurée ou que la maman a passé la grossesse allongée, le bébé a alors
expérimenté moins de mouvements ce qui peut modifier les stimulations vestibulaires et peut
donc avoir des conséquences sur l’investissement de sa motricité et la coordination entre
sensations vestibulaires et la question de la gravité.

A la naissance, il y a une corrélation entre tous les signaux vestibulaires, les stimulations
tactiles et la sensibilité profonde puisque les sensations qu’il avait in utero ne sont plus les
mêmes après la naissance.

Le flux gravitaire est ce qu’on appelle la « force collante », c’est une force qui nous oriente
dans l’espace et donne d’emblée la sensation d’un haut et d’un bas . La gravité est l’objet du
milieu auquel nous sommes soumis, c’est une force qui provoque la chute des objets. Il y a
des invariants liés à cette force collante comme le fait que peu importe ce qu’on va lâcher, ça
va tomber, ce que l’enfant va beaucoup expérimenter. C’est à partir de ce flux que vont se
construire tout ce qui est du redressement antigravitaire c’est-à-dire toutes les habiletés
motrices qui vont permettre à l’enfant de se redresser, tenir sa tête, redresser le haut de son
corps, prendre appui sur ses mains, ses pieds, ramper, faire du quatre pattes, se mettre en
position debout et partir dans la marche autonome. Pour ça, il faut que l’enfant puisse
s’organiser contre les forces de la pesanteur pour pouvoir gérer, traiter au mieux ces flux
gravitaires pour pouvoir accéder à tous ces déplacements antigravitaires.

Dès la naissance, on est soumis aux contraintes gravitaires, c’est pour ça qu’on a une
charpente osseuse, pour aider à ce redressement antigravitaire, à la position debout. Il y a
une covariation entre les signaux vestibulaires et les signaux donnés par la pression sur
l’organisme que l’enfant va devoir s’approprier à la naissance. Cela nécessite une mobilisation
des ressources toniques et posturales. C’est ce qui va permettre à l’enfant d’avoir des mises
en forme du corps cohérentes et autonomes. Au départ, les parents passent beaucoup de
temps à porter le bébé, à l’installer puis, petit à petit, au fur et à mesure que l’enfant va avoir
suffisamment de tonus pour lutter contre les forces de la pesanteur et qu’il va pouvoir traiter
la question du flux gravitaire en le coordonnant aux sollicitations vestibulaires, il va pouvoir se
mettre en forme de manière volontaire et autonome pour changer de position en fonction de
ses projets.

Il faut faire attention quand le bébé est tout petit aux changements de postures et au rythme
qu’on imprime dans le mouvement du changement de posture puisque ça vient solliciter tout
ce qui est vestibulaire et la question du gravitaire qui n’est pas bien coordonnée, ça peut être
source de désorganisation.

Quand il va intégrer tout ce qui est des flux gravitaires, leur traitement et tout ce qui est
vestibulaire, le bébé va pouvoir trouver ses appuis, s’installer dans une posture et s’engager
dans des mouvements orientés et ainsi déployer une activité. Toute l’organisation posturale
de ces mouvements va ensuite se faire par rapport à cette verticale, cette perception d’un
haut et d’un bas qui est très en lien avec les flux gravitaires. Toute cette stabilité posturale va
être très importante pour permettre l’orientation vers une source sonore ou visuelle. Si on
n’arrive pas à stabiliser ses appuis et sa posture, ça va être extrêmement compliqué de
s’orienter vers une source sonore ou visuelle. C’est toute la clinique des enfants ou des adultes
agités.

- La vue : - périphérique : qui est mature dès la naissance, c’est la vision à large champ, sensible
aux mouvements et donc très en lien avec la mobilisation tonique et l’ajustement postural.
C’est cette coordination entre le visuel périphérique et le tonico-postural qui va être à l’œuvre
toute la vie, notamment quand on apprend de nouveaux gestes, il y a un fort recours au
système visuel périphérique. La vision périphérique permet ainsi de gérer le mouvement et
de faire un travail de coordination avec la proprioception : qu’est-ce qu’on perçoit dans notre
système visuel périphérique et qu’est-ce qu’on perçoit au niveau de notre sensibilité
profonde ? Tout ça va devoir se coordonner. Ça va vraiment participer à comprendre notre
propre corps comme un mobile et donc se situer dans l’espace, il y a donc un très grand lien
avec la construction de l’espace, se percevoir soi-même comme pouvant bouger dans
l’espace, avoir une adresse spatiale et percevoir que les choses autour de nous aussi ont une
adresse spatiale, peuvent aussi bouger et se déplacer. Pour la construction de l’espace, il faut
vraiment avoir en lien tout ce qu’il se passe au niveau visuel et visuel périphérique
notamment. Elle va aussi intervenir dans le réglage des mouvements des bras pour la capture
et la manipulation d’objets : quand je tends ma main vers un objet, où est-ce que je
positionne ma main par rapport à l’objet ? Trop près ? Trop loin ? De manière brusque et du
coup je fais tomber l’objet ?

- focale : qui a un champ limité au niveau de la vision et n’est pas du tout mature à la
naissance. Elle est fortement sensible aux contrastes avec toutes les zones de frontières. Les
nouveau-nés sont très attirés par tous les endroits où il y a beaucoup de contraste au niveau
lumineux puisque ça vient maximiser les sensations au niveau focal. Par exemple les rebords
fenêtres ou lunettes avec un contour foncé vont vraiment les attirer, il est donc intéressant
de proposer des objets contrastés au niveau des couleurs ainsi que du noir et du blanc car cela
aide le système focal à se maturer. Une fois mature, ça va participer à l’analyse de l’image.

Le système visuel se met en place in utero entre la 20ème et la 22ème semaine et donc bien
après les systèmes précédents. Le nouveau-né va au départ être beaucoup en recherche des
surfaces contrastées dans son champ visuel. On a souvent l’impression qu’il y a un
agrippement visuel, surtout dans les zones de forts contrastes. Le bébé est attiré visuellement
par les zones de forts contrastes et il reste dans cet agrippement visuel. Au départ, le bébé va
passer d’une zone d’agrippement visuel à une autre, en fonction des zones de contraste et
petit à petit, il va pouvoir aller vers une activité d’exploration c’est-à-dire une poursuite
visuelle plus fluide et pas passer d’une saccade à une autre.

La mise en place de l’activité d’exploration est rendue possible grâce à la coopération entre
la vision périphérique et la vision focale. Cette coordination s’installe vers le 3ème mois ce qui
permet une exploration visuelle. C’est à partir de ce moment-là qu’on peut proposer au bébé
en bilan psychomoteur de suivre un objet en déplacement et du coup il va suivre visuellement
l’objet sans décrocher, ce qui est possible grâce à la coordination et coopération qu’il a pu
faire entre sa vision périphérique et sa vision focale, ce qui n’est pas le cas au moment de la
naissance.

Un projet spatial est alors possible au niveau visuel, il va pouvoir orienter son regard, suivre
des yeux. Les coordinations visuo-manuelles vont alors se mettre en place à partir de 3 mois :
quand un objet l’intéresse, le bébé va alors pouvoir l’attraper en le regardant tout en étant de
plus en plus précis dans son geste. Le système visuel va permettre un traitement spatial avec
une planification des gestes vers un but. On parle alors d’instrumentation de la vision c’est-
à-dire que la vision, à un moment donné dans le développement, grâce à la coordination des
systèmes périphériques et focal va devenir un outil pour agir avec son environnement.

La motricité oculaire a aussi un grand rôle notamment dans les changements de posture. Ce
qu’on peut souvent observer, c’est que l’orientation du regard va anticiper le mouvement du
corps : avant de s’orienter corporellement, notre regard se positionne déjà dans la direction
vers laquelle on a envie de s’orienter. C’est intéressant et d’autant plus quand on travaille
avec des personnes qui sont très verrouillées dans leur corps, qui ont très peu de possibilités
de mouvements comme les personnes qui ont des paraplégies ou des polyhandicaps. Ça
permet souvent un déverrouillage postural, c’est donc important d’y être sensible et de
l’observer.

Au début de la vie et jusqu’à 7 ans, il y a vraiment une synergie motrice, c’est-à-dire que tous
les mouvements des yeux sont associés aux mouvements de la tête, c’est comme un bloc. Vers
7 ans environ, il y a une bonne dissociation et l’enfant devient capable de bouger les yeux,
orienter son regard, sans bouger la tête. On le voit beaucoup quand les enfants apprennent à
lire et c’est normal, surtout que l’apprentissage de la lecture est vraiment l’apprentissage
d’une nouvelle habileté complexe.

Il y a un fort lien vestibulo-oculaire avec des mouvements des yeux associés à des perceptions
du corps ou de la tête en tous cas.

Il y a aussi un fort lien auditivo-visuel. Par exemple, lorsque le bébé est dans l’obscurité, il
peut orienter son regard vers la source d’un son comme la porte qui s’ouvre et c’est présent
dès la naissance. Cela pose un problème quand l’enfant est prématuré et dans un incubateur
car le son s’y réverbère et il est alors incapable de repérer la source sonore.

Au départ, ce système visuel va beaucoup rentrer en jeu dans la gestion des mouvements et
toute la construction des mouvements et des coordinations (bimanuelles, oculo-manuelles,
redressement antigravitaire, etc) puis il sera plus dans la fonction d’analyse d’images (se
repérer dans un espace plan, sur une feuille, sur une image, regarder un livre, etc).

Le système visuel est considéré dans ses liens avec la fonction tonique et posturale : la
motricité oculaire ne sert pas qu’à regarder, elle intervient dans les mises en forme
corporelles afin de s’ajuster dans sa motricité et son mouvement à son environnement.

ARCHAIQUE RECENT VISUEL


Périphérique Focal
Bâtonnets Cônes
Faible pouvoir Pouvoir séparateur élevé
séparateur Champ limité Flux visuels
Large champ Sensible aux contrastes
Sensible aux Pas mature à la
mouvements naissance
Mature à la naissance
Exploration des Mouvements du
EFFETS Mobilisation tonique frontières spectacle
SUR Ajustement postural Maximisation de Mouvements du
L’ORGANISME l’excitation corticale corps
Informe sur les Poursuite lente
mouvements de tête, Situe le corps à une
des bras, du corps adresse spatiale
Permet de comprendre La coordination avec les L’analyse d’images
CONDUITES le corps comme mobile signaux périphériques Coordinations visuo-
OBSERVABLES et articulé permet manuelles
Participe à la gestion des Traitement spatial
mouvements des Planification des
segments corporels gestes vers un but
A la base c’était une diapo de la prof mais ma photo n’était pas très lisible alors c’est devenu
un tableau qui reprend passablement ce qui a été dit avant et ce qui est dit ensuite, il y a juste
les passages sur les cônes et bâtonnets qui n’ont pas été abordés par la prof.

Quand le système archaïque intervient, c’est le système visuel périphérique qui est en jeu.
La vision périphérique a un champ large, est sensible aux mouvements et est mature à la
naissance. Les effets que le système archaïque va avoir sont la mobilisation tonique et
l’ajustement postural. Ce qu’on va pouvoir observer comme conduites, c’est que ça nous
permet d’avoir une connaissance sur les mouvements de notre tête, des bras et du corps :
quand on lève le bras, on voit notre main dans notre champ visuel périphérique. On va avoir
une information visuelle périphérique qui va venir se coordonner avec la sensation que l’on a
de notre bras dans l’espace, c’est-à-dire tout ce qui est fonction proprioceptive. Ça nous
permet vraiment de nous situer dans l’espace, de comprendre que notre corps est comme un
mobile et qu’il est articulé dans l’espace. Ça participe à la gestion des mouvements des
segments corporels.

Le système récent est assuré par le système visuel focal avec un champ limité dans l’espace.
Il est sensible aux contrastes et n’est pas mature à la naissance. Pour les effets sur l’organisme,
au départ c’est beaucoup l’exploration des frontières avec une maximisation de l’excitation
corticale à ce moment-là.

On va observer la coordination entre les signaux périphériques et les signaux du système focal
qui va permettre la poursuite visuelle lente, mais aussi de nous situer à une adresse dans
l’espace qui permet l’analyse d’images et les coordinations visuo-manuelles, un traitement
spatial et une planification des gestes vers un but.

Les flux visuels ont un aspect à la fois passif (tout cet environnement éclairé vient donner des
informations visuelles en permanence) et actif (on peut se couper de ces informations et de
cet environnement en fermant les yeux ou se les cachant, ce qui n’est pas possible par
exemple avec le système vestibulaire). Il y a tout ce qui nous entoure qui va être source de
flux visuels (tout ce qui est en mouvement autour de nous) mais aussi les mouvements de
notre propre corps.

- L’olfactif : présent in utero dès la 11ème semaine et donc observable dès la naissance puisque
l’enfant a déjà des capacités à distinguer l’odeur de sa mère de celle d’autrui, il discrimine
notamment l’odeur du cou, de l’aisselle et du sein, ce qui l’aide à s’orienter pour s’alimenter.
Ça a une forte valeur de contenant qui reste tout au long de la vie même si cette valeur est
plus importante lorsqu’on est petit.

On a pu voir la valeur contenante de l’olfactif lors de notre stage en crèche avec l’odeur du
doudou (imprégné des odeurs de la maison, ce qui est très contenant), l’odeur du biberon
(notamment pour les mamans qui donnent le biberon avec leur lait maternel), l’odeur de la
référente si l’enfant est à la crèche depuis longtemps, l’odeur de la gigoteuse, du lit s’ils
gardent le même… Tout ça participe à la contenance que l’enfant va pouvoir trouver à travers
les odeurs. Certaines crèches demandent lors de l’adaptation de l’enfant à ce que la mère
donne un foulard ou un vêtement qu’elle a porté pour donner une valeur de contenance à
l’enfant afin qu’il supporte mieux la période de première séparation. Le doudou a surtout
l’odeur de l’enfant donc c’est une odeur rassurante puisque très connue mais l’odeur du parent
apporte autre chose à l’enfant, qui est rassurant également.

Les récepteurs sont dans la muqueuse et ça persiste tout le temps, on est sans cesse soumis
au flux olfactif, même pendant le sommeil ce qui peut servir d’alerte si on sent une odeur
dangereuse pendant notre sommeil et nous permettre de nous réveiller, d’agir ou de fuir. Ça
a un fort aspect d’orientation que n’a pas le gustatif même si les deux sont très liés . Ça a un
rôle vraiment développemental c’est-à-dire que le nouveau-né va être guidé par l’odeur du
liquide amniotique, du colostrum pour trouver le sein tout seul. L’olfactif a donc un rôle dans
la mise en place des conduites alimentaires (léchage, ouverture de la bouche, activation du
réflexe de succion…), c’est vraiment sous tendu par l’odeur de la maman et du lait. Ça a aussi
un rôle de protection pour dépister les toxiques, si on identifie, même inconsciemment, une
odeur qui est toxique, on va avoir un ralentissement spontané de la respiration.

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